Séance du
vendredi 23 janvier 2004 à
17h15
55e
législature -
3e
année -
4e
session -
19e
séance
La séance est ouverte à 17h15, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Carlo Lamprecht et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Roger Deneys, Christian Luscher, Jacques-Eric Richard, Jean Rossiaud et Pierre Schifferli, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Nous avons une adjonction à l'ordre du jour qui concerne la commission de grâce. Nous devons procéder au tirage au sort complémentaire d'un membre titulaire de la commission de grâce pour remplacer M. Hubert Dethurens, qui a démissionné hier de son mandat de député. Nous traiterons cet objet au point 10bis de notre ordre du jour, après le rapport de la commission de grâce.
Le président. M. Yves Nidegger est assermenté. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Est retiré par ses auteurs le projet de loi suivant:
Projet de loi de MM. Claude Aubert, Olivier Vaucher, Pierre Weiss, Jacques Baudit, Jacques Follonier, André Reymond modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Pétition) ( PL-9141)
Il en est pris acte. Ce projet de loi figurait au point 150 de l'ordre du jour.
L'interpellation urgente écrite 64 de Mme Alexandra Gobet Winiger, qui a été déposée et distribuée jeudi 22 janvier est retirée par son auteure. Il en est pris acte. Il s'agit de l'interpellation suivante:
Interpellation urgente écrite de Mme Alexandra Gobet Winiger : Suppression occulte de la défalcation fiscale sur les rentes LPP ( IUE-64)
Enfin, nous avons reçu la question écrite suivante, qui sera transmise au Conseil d'Etat:
Question écrite de M. Pierre Weiss Quels sont les coûts de la communication de l'Etat de Genève ? ( Q-3583)
M. Hugues Hiltpold (R). Afin qu'ils soient rapidement traités en commission, j'annonce le retrait et le dépôt successifs des projets de lois suivants:
Projet de loi de Mme et MM. Gabriel Barrillier, Marie-Françoise De Tassigny, John Dupraz, Jacques Follonier, Pierre Froidevaux, Hugues Hiltpold, Jacques Jeannerat, Bernard Lescaze, Pierre Kunz concernant l'établissement des budgets administratifs 2005 et 2006 de l'Etat de Genève (réduction de l'endettement et frein à l'accroissement des dépenses) ( PL-9117)
Projet de loi de MM. John Dupraz, Thomas Büchi, Pierre Froidevaux, Hugues Hiltpold, Jacques Jeannerat, Pierre Kunz, Gabriel Barrillier, Bernard Lescaze modifiant la loi concernant les membres des commissions officielles (A 2 20) ( PL-9118)
Projet de loi de Mme et MM. Pierre Froidevaux, Jean-Marc Odier, Jacques Jeannerat, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, John Dupraz, Marie-Françoise De Tassigny, Jacques Follonier, Hugues Hiltpold, Pierre Kunz, Bernard Lescaze, Louis Serex modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid (LIPP-V) (D 3 16) ( PL-9119)
Projet de loi de Mme et MM. Gabriel Barrillier, Marie-Françoise De Tassigny, Louis Serex, Pierre Kunz, Jean-Marc Odier, Pierre Froidevaux, Jacques Jeannerat, Hugues Hiltpold modifiant les statuts du fonds d'équipement communal (B 6 10.05) ( PL-9125)
Projet de loi de MM. Pierre Froidevaux, John Dupraz, Thomas Büchi, Claude Marcet, Jacques Jeannerat, Gabriel Barrillier, Hugues Hiltpold, Jacques Pagan, Pierre Schifferli modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Fin de la session parlementaire) ( PL-9097)
Le président. Il en est pris acte.
M. Philippe Glatz (PDC), rapporteur. Le cas est relativement simple. M. M.S. est né le 26 février 1980, il est originaire de Sierra Leone. Préparateur en voitures, il est domicilié ici à Genève à la rue Joseph-Pasquier, il est marié. Il est arrivé en Suisse le 17 février 1998, pour y déposer une demande d'asile. Par la suite cette demande a été rejetée. Néanmoins, suite à son mariage avec Mme N., réfugiée politique reconnue et disposant de l'asile en Suisse, l'ODR lui a également accordé l'asile le 19 février 2001.
Dans l'intervalle, M. M.S. a été condamné, le 25 janvier 2000, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, à la suite de la vente d'une boulette de cocaïne à un toxicomane, dans le quartier des Pâquis, semble-t-il. Cela constitue le seul acte qui a pu être reproché à M. M.S. Il était connu des services de police, bien entendu, puisqu'il avait déjà été vu en compagnie de plusieurs toxicomanes, mais jamais auparavant il n'avait été déterminé qu'il leur avait vendu quoi que ce soit d'autre que cette boulette de cocaïne. Pour la vente de cette boulette de cocaïne, il a été condamné à quarante jours de prison, assortis d'un sursis de cinq ans, et à une peine d'expulsion de cinq ans. Le recours et la demande de grâce portent aujourd'hui exclusivement sur l'expulsion.
La commission de grâce, à une faible majorité, quelques oppositions et une abstention, vous recommande d'approuver cette demande de grâce.
M. Pierre Froidevaux (R). Je rends cette assemblée attentive au fait que la personne qui demande sa grâce a été condamnée par les tribunaux et qu'aucun fait nouveau n'a permis de reconsidérer cette grâce. Si nous acceptons la grâce, comme l'a voulue cette faible majorité en commission, cela veut dire que nous refaisons le jugement de cette personne, sans aucune pièce.
Aussi, je vous recommande de refuser la grâce et d'accepter notre justice.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais vous faire voter sur le préavis de la commission consistant dans l'acceptation de la grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est rejeté par 30 non contre 24 oui.
Le président. Le sort désigne M. Patrick Schmied (PDC).
Débat
Mme Anita Cuénod (AdG). Notre groupe soutient bien évidemment cette motion et son intention.
Près d'un an après son dépôt, le département de justice, police et sécurité a déjà avancé dans la concrétisation du recrutement des personnes détentrices de permis C. Cela rendra la police genevoise plus proche de la réalité de sa population. En effet, à Genève, environ 55% des personnes actives sont d'origine étrangère. Cette diversité culturelle pourra ainsi être représentée au sein des forces de l'ordre.
L'Etat a tout intérêt à bénéficier des potentialités des profils de cette population citoyenne mais encore sans droits politiques.
En permettant de répondre aux difficultés de recrutement, nous souhaitons aussi - et c'est le moment et le lieu pour le réaffirmer - qu'un effort soit fait pour intégrer plus de femmes dans une profession où elles ne sont encore que très peu représentées.
M. Antonio Hodgers (Ve). Les Verts avaient déposé cette motion en son temps, juste après que Mme Spoerri eut lancé cette idée de recrutement chez les détenteurs de permis C au sein de notre police cantonale. Cette motion poursuit trois objectifs.
Premièrement, nous en sommes tous conscients, nous devons répondre aux problèmes de recrutement que connaît aujourd'hui notre police et élargir, par ce fait, le bassin de recrutement.
Deuxièmement, il s'agit, à travers la venue de personnes ayant d'autres expériences ainsi que d'autres références culturelles, d'agrandir la compétence et les qualités de notre police, qui est confrontée à cette diversité culturelle dans sa gestion quotidienne de la sécurité de notre canton.
Troisièmement, il s'agit de donner par là un signal d'intégration et d'accueil aux différentes communautés d'étrangers qui vivent et partagent le destin de cette République. En effet, dire aujourd'hui aux étrangers qu'ils peuvent accéder par l'uniforme et le titre de policier à une des fonctions les plus prestigieuses de l'Etat - en tout cas auprès de beaucoup de nos concitoyens - est une façon de leur dire: «Nous sommes d'accord de partager avec vous cette responsabilité», ce qui est une manière de leur demander de se responsabiliser sur l'avenir de la République. Nous abordons donc par ce biais le problème beaucoup plus large de l'intégration.
Maintenant, cette proposition diffère de celle qui est défendue actuellement par le département. Mme Spoerri l'avait dit plusieurs fois dans la presse: les permis C seraient acceptés au moment du recrutement, mais, quand les candidats termineraient leur formation et qu'il leur faudrait prêter serment pour devenir policiers, il leur serait demandé de se faire naturaliser. Cette proposition, qui est déjà meilleure que la situation actuelle, pose néanmoins quelques problèmes.
Premièrement, je ne suis pas sûr, Madame Spoerri, que le fait d'interdire, à des détenteurs de permis C, d'exercer le métier de policier soit conforme à nos lois - et notamment à la loi sur l'intégration, qui fait partie des textes fondamentaux de notre République. Il ne peut y avoir de discrimination en fonction de la nationalité à ce niveau-là, donc ce problème juridique doit être étudié.
Deuxièmement, il me paraîtrait très difficile de dire à des candidats, qui ont suivi toute la formation nécessaire et qui ont toutes les qualités requises pour devenir policiers, qu'ils ne peuvent pas le devenir sous le simple prétexte qu'ils ne veulent pas se faire naturaliser. Un acte de naturalisation est un acte personnel, profond, qui implique une démarche culturelle assez importante. Dès lors, il m'apparaît délicat que l'Etat oblige des concitoyens à se faire naturaliser.
Au-delà de ce problème juridique, il me semble que la police a aussi tout à gagner à avoir, en son sein, des personnes détentrices de permis C reconnues comme telles, cela pour des questions de valorisation des communautés étrangères de ce canton, comme je le disais tout à l'heure.
Pour toutes ces raisons, et vu que le débat est déjà largement entamé, je vous propose de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, qui travaille de toute façon sur ce sujet, et qui pourra mieux nous répondre sur cette question.
Mme Caroline Bartl (UDC). L'UDC n'est pas entièrement contre cette motion qui vise à engager des personnes détentrices de permis C dans la police. En revanche, l'UDC exige que ces détenteurs de permis C soient non seulement naturalisables, mais aussi qu'ils prouvent qu'ils ont déjà fait une demande de naturalisation préalable à leur candidature.
Personnellement, je ne voterai pas en faveur de cette motion, parce que trop de points me gênent. Premièrement, nous traversons une crise en matière de logement, et nous remarquons qu'un nombre croissant de citoyens suisses sont obligés soit d'habiter de l'autre côté de la frontière soit d'émigrer vers un canton voisin. Or la loi générale relative au personnel de l'administration et des établissements publics comporte cette obligation de domicile dans le canton. Trouvez-vous normal d'autoriser des étrangers résidant dans le canton à avoir le poste de policier et de le refuser à des Genevois ou des Confédérés vivant hors de la frontière suisse ? Je trouve cela aberrant, voire discriminatoire. Pour cela, l'UDC a déposé un projet de loi qui vise à supprimer cette obligation de domicile sise dans la loi actuelle, projet qui vous sera très prochainement soumis.
Deuxièmement, j'estime que cette motion ne règle en rien le problème qui démoralise aujourd'hui la police. Les vocations se font de plus en plus rares, parce que les services de police sont trop souvent discrédités, dans l'opinion publique et dans les médias. Cette profession ne reçoit par ailleurs pas, alors que cela lui est légitimement dû, de soutien de la part du pouvoir politique.
Troisièmement, vous parlez du maintien de l'ordre et de la sécurité. Ceux-là même qui demandent un effectif accru de la police ont été, je le rappelle, les opposants à toute action de la police lors des manifestations précédentes. Vous voulez plus de policiers et, en même temps, vous empêchez la police de faire son travail. Je trouve cela aberrant.
Pour terminer, vous parlez de l'accroissement de la charge de travail, du manque d'effectifs, du problème de recrutement, de la détérioration des conditions de travail et de l'impossibilité, de la part de la police, de répondre aux besoins des citoyens. Vous parlez donc d'engager des personnes détentrices d'un permis C. A part cela, quelles solutions proposez-vous afin de régler les problèmes qui nous ont menés à la situation que nous connaissons aujourd'hui ? Aucune. Ce que je lis dans la motion, c'est: «Engageons des permis C, cela permettra leur intégration dans la communauté genevoise, et cela facilitera le dialogue avec les communautés étrangères de Genève.» Comment pensez-vous recentrer le rôle de la police, lui redonner son rôle essentiel, en proposant de la muer en un service social ? Ce n'est pas là son rôle ! Le rôle de la police est de maintenir ou de rétablir l'ordre.
Je refuserai cette motion parce que j'ai peur que la gauche ne fasse une police à son image.
M. Sami Kanaan (S). Le groupe socialiste accueille très positivement cette motion et se rallie à ce qu'à dit M. Hodgers.
Il y a visiblement un malentendu: le but n'était pas d'ouvrir un débat général sur la police. Il a lieu à la commission judiciaire et approche d'ailleurs de sa conclusion - on verra si nous en partageons les conclusions ou pas. Ici, nous traitons un problème particulier, qui fait l'objet d'une ouverture croissante, même s'il n'est pas évident d'imaginer des policiers qui ne soient pas de nationalité suisse. Je rappelle que le canton de Bâle, qui est aussi un canton urbain, a franchi ce cap il y a quelques années et que le bilan est unanimement reconnu comme positif. Je rappelle aussi qu'il s'agit de personnes qui sont ici depuis au moins dix ans. Ce ne sont pas des étrangers de passage, en visite, titulaires d'un permis B ou des requérants d'asile. Ce sont des gens qui sont établis et intégrés dans notre communauté et, qu'on le veuille ou non - et je comprends que cela soit perturbant pour certains - il se trouve que notre communauté genevoise est de plus en plus hétérogène en termes d'origines. Cela ne veut pas forcément dire qu'elle est hétérogène en termes de valeurs communes. La police ferait une grave erreur si elle n'intégrait pas cet élément dans son organisation.
Nous n'avons jamais prétendu - les motionnaires ne l'ont pas fait et nous ne le ferions pas non plus - que cette motion règlera, à elle seule, les problèmes de recrutement. Mme Bartl a mis en doute notre capacité à faire des propositions. Nous en avons fait de nombreuses, il suffit d'y être attentif. L'une d'entre elles figure dans cette motion. Cela passe par la formation, l'organisation du travail, la décharge des travaux administratifs, et par un grand nombre d'éléments qui ont régulièrement été évoqués durant les derniers mois - et ils le seront encore. Aujourd'hui il s'agit d'ouverture. Je rappelle que la Ville de Genève a ouvert les rangs de ses agents municipaux et les ASM aux personnes titulaires de permis C: cela se passe très bien et c'est bien accepté. Nous ne voyons aucune raison de refuser cela a priori.
Quant à la condition de naturalisation, autant dire que l'on ne veut pas des détenteurs de permis C ! En effet, il se trouve que beaucoup de détenteurs du permis C ne demandent pas la naturalisation. Or, en soutenant cette condition, vous continuez d'affirmer qu'il faut forcément des Suisses dans la gendarmerie. Cela est de l'hypocrisie. C'est ouvrir la porte aux personnes détentrices d'un permis C, puis immédiatement la refermer, parce qu'il faut qu'elles aient préalablement déposé une demande de naturalisation.
Je crois que, pour l'image de la police genevoise, il serait salutaire qu'elle fasse ce geste d'ouverture. C'est pourquoi nous vous invitons à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). A priori, le groupe démocrate-chrétien fait un bon accueil à cette motion 1526. Je remercie d'ailleurs au passage le groupe des Verts qui, par cette motion, permet d'ouvrir un débat nécessaire pour l'avenir de notre police, de notre gendarmerie et de sa police judiciaire.
Si le groupe socialiste réserve un bon accueil à cette motion, il lui fait toutefois un accueil prudent. En effet, M. Kanaan l'a dit, ce sont souvent des gens qui sont fort bien intégrés qui seront appelés à fonctionner comme policiers dans notre République, ne serait-ce que parce qu'ils sont, pour la plupart, des gens très jeunes, qui auront vécu ici depuis leur enfance, ou qui, même, sont des étrangers de la deuxième génération - parce que l'on ne démarre pas une carrière à 35 ans mais plutôt entre 20 et 25 ans. Il n'empêche, et c'est cela que je souhaite exprimer ce soir, que ces futurs policiers vont être amenés, au cours de leur carrière, à exercer un pouvoir d'autorité, avec des tâches extrêmement difficiles à accomplir dans la pratique - songez simplement à une arrestation ! Or, si un Suisse se fait arrêter - pour des raisons valables, bien sûr - il faut quand même faire attention à la personne par qui il va l'être. Ne me faites pas dire ce que j'allais dire... (Rires.)Excusez-moi, ce que je ne veux pas dire. Mais il faut quand même être prudents lorsque l'on traite de ce type d'affaires. Je vais m'arrêter ici, car je m'enfonce !
Nous sommes d'accord de renvoyer cette motion à la commission judiciaire, toutefois, nous serons attentifs à cet aspect des choses.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez formulé une demande de renvoi en commission. Un député par groupe peut désormais s'exprimer.
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral fait également bon accueil à cette proposition de motion et acceptera son renvoi en commission judiciaire.
Je suis à la fois heureux et agréablement surpris que cette motion provienne du groupe des Verts, qui démontre ainsi son intérêt pour un bon fonctionnement de la police.
Le groupe libéral, quant à lui, rejoindra la position du parti démocrate-chrétien, concernant la nécessité que, au cours de la formation, les titulaires de permis C fassent les démarches nécessaires pour devenir suisses. Il nous paraît également important que les policiers en exercice soient de nationalité suisse.
Nous souhaitons que le département, lorsqu'il édictera ses directives en la matière, pose cette condition. C'est l'occasion pour moi de dire que les exigences qui permettent de définir les conditions d'entrée dans la police sont du ressort exclusif du département.
On aurait donc pu tout simplement se passer de cette motion, mais, après tout, c'est une question de société qui est d'importance. Il n'est donc pas inutile que nous ayons un débat en commission à ce sujet.
M. Pierre Froidevaux (R). J'ai été très surpris par la demande des socialistes de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat, parce qu'il est à mes yeux tout à fait élémentaire qu'on auditionne tout d'abord la police, pour savoir comment une telle proposition serait accueillie.
Je propose donc que les socialistes retirent cette proposition de renvoi au Conseil d'Etat, que nous travaillions cette motion très sérieusement et que nous votions simplement en commission judiciaire où les travaux sont déjà en cours.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC se prononcera en faveur du renvoi en commission, car cette motion nécessite un débat de fond. Il ne faut pas se leurrer: ce n'est pas avec l'adoption de cette motion que l'on résoudra le manque d'effectif de la police genevoise. Il y a des problèmes beaucoup plus fondamentaux, dont l'un d'entre eux a été exposé par Mme Bartl. Il y en a également un autre, qui concerne les cas cités des gens qui souhaitent embrasser cette profession.
J'ai pris une statistique d'une profession apparentée. En la consultant, on s'aperçoit que l'école, malheureusement - et l'école genevoise en particulier - est source d'échec pour l'entrée dans le monde du travail puisque, sur 100 candidats qui sont astreints à un examen écrit d'entrée, 50% échouent. Ils échouent à une dictée simple, d'un niveau de sixième primaire. Certains d'entre ces candidats font jusqu'à 70 fautes, alors qu'ils sont titulaires d'un CFC. Il y a donc un problème de fond que nous nous devons de traiter. Je suis persuadé que, si on repense les exigences et que l'on entre en matière sur tout ce qui est cause d'échec au niveau du recrutement, on parviendra à remplir les rangs de cette police genevoise.
Sur le fond, nous discuterons de l'intégration ou non des personnes détentrices d'un permis C. Il est vrai que, dans les polices municipales, cette solution donne pleine satisfaction - je rappelle que les tâches d'autorité sont différentes et que les pouvoirs d'autorités ne sont pas les mêmes que ceux de la police cantonale - mais cela mérite de droit un débat en commission.
M. Sami Kanaan (S). Nous avions appuyé l'idée des Verts de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat pour gagner du temps, puisque Mme Spoerri a déjà annoncé qu'elle travaillait sur la question, mais nous n'avons évidemment pas d'objections à ce que cette proposition soit renvoyée en commission.
C'est un sujet passionnant qui mérite d'être étudié. Nous proposons d'ailleurs d'auditionner les responsables de la Ville, puisqu'ils ont une expérience concrète de gendarmerie accueillant parmi ses rangs des personnes détentrices de permis C. Ce serait en effet l'occasion de voir comment ils gèrent, par exemple, la question soulevée par M. Portier: que se passe-t-il lorsqu'un «vrai» Bâlois de souche est arrêté par un Italien habitant à Bâle ? (L'orateur est interpellé.)Tout à fait ! Le passeport ne garantit d'ailleurs pas l'aspect de l'origine, puisqu'il y a un exemple, dans l'article cité tout à l'heure sur les ASM, d'un gendarme suisse d'origine sénégalaise à qui on posait la question de savoir si une couleur de peau foncée lui posait des problèmes dans l'exercice de ses fonctions. Il a répondu: «Absolument pas, le bleu de l'uniforme prime sur la couleur noire de ma peau.» Il ne se fait pas plus agresser que n'importe quel policier genevois de souche.
Le sujet mérite d'être creusé afin de voir quelles sont les possibilités d'action, tout en dissipant aussi des malentendus. En effet, je ne vois pas en quoi la crise du logement est un obstacle à cette mesure et les Suisses confédérés ont tout à fait leur place dans la police genevoise. Je vous rappelle également que l'obligation de résidence dans le canton de Genève fait l'objet de possibilités de dérogation, qui iront très probablement en augmentant avec l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes au niveau régional.
Allons donc en commission et on examinera la question.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. J'ai écouté les différentes interventions avec beaucoup d'intérêt. Je rappelle toutefois, comme vous l'avez indiqué, Monsieur le député Muller, que la compétence en matière des conditions de nomination est en totalité dans les mains du département, conformément à la loi sur la police, dans son article 26, alinéa 3. Je souhaitais faire cette observation pour régler l'aspect formel de la question.
Cela dit, tout, dans la vie, n'est pas qu'une question de droit, fort heureusement. Il est vrai qu'il s'agit aussi d'un débat de société et c'est la raison pour laquelle, bien que j'aie été motivée à entrer dans ce processus depuis fort longtemps, j'ai pris le temps de discuter, en particulier avec les collaborateurs de la police dans son ensemble. Il y a finalement eu un vote des syndicats à ce sujet. Les syndicats, un peu frileux au départ, se sont ensuite convaincus qu'il ne s'agissait pas d'une solution miracle - loin de moi, cet objectif ! - mais que cela faisait partie, dans le cadre de l'évolution de cette institution, des pistes intéressantes à suivre, et sur le plan de la qualité des gens recrutés, et sur le fait qu'il manque des effectifs.
Cependant, plusieurs d'entre vous l'ont bien dit, cela ne va pas constituer une solution miraculeuse et je ne peux en aucun cas préjuger du résultat. Sachez juste que la procédure est en cours et qu'elle semble jouir d'un certain succès. Sachez en outre que, naturellement, tous les candidats qui s'intéressent à cette filière sont avertis des conditions - en particulier celle de leur nécessaire naturalisation avant leur entrée sous la bannière de la police.
J'aimerais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il est quand même préoccupant qu'aujourd'hui nous ayons un nombre de ressortissants étrangers qui ascende à 40%, ce qui signifie que nous avons 60% de ressortissants suisses. Comme vous l'avez par ailleurs souligné, Madame Cuénod, nous recrutons très peu chez les femmes, ce qui signifie que cette institution recrute sur la base d'environ 30% de la population. Je dis qu'on est dans une impasse, parce que, bien sûr que le recrutement national est possible, mais la réalité de la vie veut que les gens qui sont recrutés dans d'autres cantons retournent assez vite dans leur canton d'origine. Cela signifie donc qu'à Genève on peut compter sur un bassin de recrutement de l'ordre de 30% de la population, ce qui sera, de toute évidence, insuffisant et non adapté à la croissance démographique. Je rappelle, pour ceux qui ne le savent pas, que déjà en 1910 Genève comptait 40% d'étrangers. Genève comptait quasiment le même nombre de Confédérés et de Genevois. La seule chose qui a changé, depuis 1910, c'est que la population a été multipliée par un facteur de 2,5 et que le besoin en prestations de police s'est, lui aussi, accru.
Voilà donc dans quel état d'esprit nous avons initié ce processus au département. Je pense qu'il serait intéressant d'en discuter dans le cadre de la commission judiciaire. Tout le reste sera dit en commission.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi de cette motion en commission judiciaire.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission judiciaire.
Débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur. Les habitants du quartier des Grottes sont préoccupés par les trottoirs qui sont envahis par des voitures en stationnement. La rue de la Faucille est également devenue une voie de transit. Il y a de ce fait un problème de sécurité sur le chemin de l'école pour les enfants qui se rendent à l'école du quartier. Il y a également des problèmes de nuisances sonores, particulièrement le soir.
Bien que l'aménagement des rues soit de la compétence de la Ville de Genève, la commission des pétitions est d'avis de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin d'appuyer la demande des habitants de ce quartier et qu'il étudie, avec la Ville de Genève, les moyens de répondre à ces demandes de modération de trafic.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Oui, nous voterons les conclusions du rapport de la commission des pétitions pour renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
Aux Grottes, le problème persiste, rien n'a changé. La même pétition a été renvoyée au Conseil administratif de la ville de Genève qui, finalement, a renvoyé la balle dans le camp du Conseil d'Etat. Dans le rapport, il est dit que la balle est renvoyée au Conseil administratif. Il faudrait donc savoir. Il faudrait donc que quelque chose se passe, parce que là, ça suffit !
Dans un quartier extrêmement agréable à habiter, qui se situe en zone 30 km, où les zones pour stationner sont très bien délimitées - il y a des zones bleues et un parking tout proche - il y a, malgré tout cela, un foisonnement de voitures hors des cases. Il est parfois impossible, sur les trottoirs, d'accéder à l'entrée de son propre immeuble en poussette. Je parle des poussettes, mais il y a également un EMS dans le quartier, où les personnes âgées, qui ont de la peine à se déplacer, ne peuvent pas aller sur les trottoirs. Enfin, la zone 30 km n'est pas respectée.
Nous vous demandons donc de faire quelque chose et de le faire vite, parce que maintenant, cela suffit !
M. Jacques Baud (UDC). Il est évident que nous sommes face à un problème futur qui va s'en venir. Nous aurons une future ligne de tram qui ira de Cornavin à Meyrin. En outre, du côté des Grottes, nous avons à revoir tous les problèmes de circulation et de stationnement.
Il faut donc renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Jean-Marc Odier (R). J'aimerais apporter un avis un peu nuancé sur la question. Je pense qu'il faut supprimer le transit par la rue des Grottes, dans ce quartier, parce que ceci ne fonctionne pas et n'est pas conciliable avec l'objectif de vie de ce quartier.
En revanche, je voudrais dénoncer une attitude paradoxale de la part des pétitionnaires que l'on a entendu s'exprimer. En effet, d'un côté ils réclament la suppression de places de stationnement, parce que cela crée des nuisances sonores à la sortie des cafés, le soir - comme c'est le cas dans des quartiers vivants tels que Carouge; d'un autre côté, les pétitionnaires réclament une augmentation des macarons dans les zones avoisinantes de leur quartier. Il faut être un peu cohérents ! J'estime que l'on ne peut pas vouloir tout et son contraire.
Par ailleurs, je ne comprends pas une certaine politique du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, qui empêche les constructions en sous-sol. Je pense que les habitants d'un quartier doivent pouvoir disposer de stationnements en sous-sol. Il faut construire dans ce sens-là, alors que, en surface, il est vrai qu'il faut laisser plus de place à la vie de quartier.
Cette nuance apportée, je voudrais dire que nous ne nous opposerons pas aux conclusions proposées par M. Etienne.
M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. C'est bien volontiers que le Conseil d'Etat va tenter de donner suite à cette pétition. Cependant, au risque de donner l'impression de renvoyer le ballon, je dois tout de même vous dire que les mesures qui sont préconisées ici relèvent peu de notre compétence.
Je dis cela, et je vous dis dans le même temps que je comprends parfaitement les problèmes qui se posent dans les quartiers anciens de la ville, où il est difficile de recourir aux solutions préconisées par M. Odier. En effet, on a, dans ces quartiers, à faire face à un type d'habitat qui préexiste et qui ne comprend pas de constructions en sous-sol, de sorte que lorsque des voitures doivent être garées, elles doivent l'être en surface. Nous comprenons bien ces difficultés - que l'on rencontre de façon comparable dans le quartier des Grottes, celui des Pâquis, celui des Eaux-Vives et d'autres encore - auxquelles il nous faut trouver des solutions.
Il faut cependant savoir que l'Etat est loin d'avoir toutes les compétences dans ce domaine: en particulier lorsque les routes sont communales. Or je vois que la demande essentielle des pétitionnaires consiste dans un aménagement de ces routes, de façon à dissuader le trafic de transit ou de façon à ralentir les voitures. Cet aménagement des routes relève de la construction, et pour que les constructions nécessaires puissent se faire, il faut que le propriétaire de l'ouvrage, c'est-à-dire la Ville de Genève, en prenne l'initiative, qu'elle dépose une requête en autorisation de construire, et ensuite que celle-ci puisse être instruite.
Nous ne pouvons pas construire à la place d'un propriétaire sur son terrain. Cela dit, je n'entends pas ici me défiler, puisque l'Etat a également une compétence dans cette affaire: celle de fixer des directives en matière de circulation.
Cela signifie que l'on doit donc se coordonner avec l'autorité municipale, ce qui se passe généralement bien - les relations que nous entretenons avec les autorités de la Ville permettent d'espérer qu'un courrier, accompagné de cette pétition, sera entendu par le Conseil administratif de la ville de Genève.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons voter sur les conclusions du rapport, il vous est proposé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Préconsultation
Le président. La parole n'étant pas demandée, ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales. (L'orateur est interpellé.)Madame la députée, lorsque j'ai regardé mon écran, vous n'étiez pas inscrite, je vous donne très brièvement la parole. Mais, de grâce, facilitez-moi la tâche en appuyant sur le bouton au moment où il le faut.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Ce projet de loi entend donner une assise légale au transfert de certaines charges, par la Confédération au canton, ce qui est une bonne chose. Rappelons toutefois que nous nous sommes inscrits en faux à l'égard de ce report de charge et que nous regrettons que notre Grand Conseil n'ait pas formellement pris position contre le paquet fiscal.
Le projet de loi 9134 propose encore, et ce n'est pas là son moindre défaut, une réduction d'une prestation OCPA. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières: une demande de participation aux frais de transports pour les bénéficiaires de l'OCPA dans ce projet de loi, une réduction des prises en charge des cotisations d'assurance-maladie, par le biais du plafond de la prime cantonale, dans un autre projet de loi.
Les milieux de l'Entente et d'autres encore, mais ceux-là n'ont jamais eu la prétention de ne pas porter atteinte aux prestations sociales, ont prétendu que l'on pouvait réduire les recettes fiscales sans diminuer les prestations sociales. Or que constate-t-on, à l'heure où l'Etat a été amputé des moyens d'assumer la gestion de ses devoirs ? On propose de rogner sur les prestations OCPA, on exerce une pression sur la fonction publique, on contraint les services de l'Etat et les institutions subventionnées. En bref, mine de rien, on réduit les prestations sociales. C'est une orientation que nous refusons d'adopter.
C'est pourquoi, concernant ce projet de loi 9134, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de le renvoyer à la commission des affaires sociales, où nous estimons qu'il devra faire l'objet d'un examen rigoureux.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales.
Premier débat
M. Patrick Schmied (PDC), rapporteur de majorité. Comme ces trois objets, qui ont été regroupés en un seul, sont relativement anciens, je pense que cela vaut la peine, pour ceux que ça intéresse, de faire un petit résumé les concernant. De manière générale, ces objets sont issus de l'exaspération, de la part des députés et de la population, à l'égard des augmentations constantes des primes de l'assurance-maladie, la LAMal, sans que ces augmentations soient comprises ou justifiées par qui que ce soit.
Le projet de loi 8481 a pour but de renforcer le rôle de l'assurance-maladie en lui attribuant la tâche d'informer les assurés genevois et le Grand Conseil des raisons qui motivent l'évolution des coûts des primes.
La motion 1438 - je cite chaque objet dans le désordre - exige aussi la transparence des caisses maladies concernant la hausse des primes et invite le Conseil d'Etat à faire rapport au Grand Conseil de l'origine des augmentations et à exiger l'application des sanctions prévues par la LAMal.
Le projet de loi 8564 a pour but de lutter contre le principal facteur de renchérissement des primes d'assurance-maladie selon l'auteur, à savoir les activités institutionnelles travaillant à la charge de la LAMal. Il propose la mise en place d'un fonds de réallocation des primes. Le rapporteur de minorité l'expliquera plus en détail, mais les montants perçus par les établissements publics de l'assurance-maladie, qui dépassent l'augmentation des coûts du secteur privé, seraient reversés aux assurés sous forme de subsides.
Je vais maintenant faire le résumé des votes. Le projet de loi 8481, qui voulait renforcer le rôle du service de l'assurance-maladie, a été accepté, avec un amendement tout de même assez important: l'article 3 souligné, qui introduisait, dans les lois particulières concernant les HUG, EMS et l'aide à domicile, l'obligation, pour ces organismes, de fournir leur budget et leurs comptes détaillés au Grand Conseil, a été supprimé par la majorité de la commission. La majorité de la commission ne voulait pas éluder la question, certes, mais accepter que la future loi-cadre sur la santé règlerait cette question, de même que le futur contrat de prestations des HUG. L'article 7, qui est central, et qui concerne l'information à donner au public, a été reformulé de façon à coller à la réalité des faits entre-temps - parce qu'il y a eu des évolutions.
La motion 1438 voisine a été acceptée, après que les invites ont été modifiées pour adapter la date et pour préciser que les primes ne sont pas fixées par l'OFAS mais formellement par le Conseil fédéral.
Le projet de loi 8564 a été rejeté par la commission, principalement pour son incompatibilité avec le droit fédéral.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. Je suis assis à une place très inhabituelle: moi qui suis un député consensuel, qui suis normalement à droite, je me trouve actuellement sur un siège de l'opposition.
Je vous rappelle, chers collègues, que nous votons et que nous avons le plaisir de traiter trois objets issus du groupe radical. Les deux premiers ont été acceptés avec une majorité unanime, et le troisième n'a eu que ma voix. Cela laisse sous-entendre que le troisième a beaucoup moins d'intérêt que les deux autres. Si on fait le décompte des voix, ma voix représente 6% des voix, puisque même ma collègue radicale n'a pas voté. Si, ce soir, j'obtiens un peu plus, c'est la preuve que c'est un progrès considérable. Nous faisons une proposition progressiste. Quelles étaient ces propositions issues du groupe radical ?
La première consistait à dire: «Nous voudrions, un jour, les comptes clairement présentés devant la commission.» Le rapporteur ne vous a pas dit, et c'est pourtant très important, que la commission a eu droit aux comptes de toutes les assurances. On nous les a présentés dans le détail. Ils ne figurent pas dans son rapport, je ne puis que le déplorer. Nous avons eu la représentante du service de l'assurance-maladie qui nous a affirmé que les comptes étaient exacts. Cela signifie que, globalement, les primes d'assurances servent à payer des prestations aux patients et aux établissements qui les dispensent. Il n'y a pas d'argent caché, il n'y a pas de fantasmes à avoir sur les mouvements des primes d'assurance-maladie. Le rapporteur de majorité affirme que ce n'est pas compréhensible, alors que nous avons eu tout loisir, au cours de ces dernières années, à discuter de ce sujet et à avoir toutes les explications que l'on souhaitait.
Une fois que vous avez établi, à partir des comptes de tous les assureurs exerçant sur Genève, la structure des coûts, vous arrivez à répartir les montants qui sont alloués au secteur privé et au secteur public, ou, globalement, au secteur subventionné. Si maintenant nous étudions ces chiffres - que le rapporteur n'a pas voulu mettre dans son rapport, je ne sais d'ailleurs pas pourquoi - on se rend compte que, de 1996 à 2001, «l'augmentation» du secteur privé est de moins 5 millions. Cela veut dire qu'il n'y a pas eu d'augmentation des coûts de la part des patients, auprès de l'ensemble des médecins ou de l'ensemble du secteur privé. En revanche, si l'on prend en considération tous les établissements subventionnés par l'Etat, nous constatons une augmentation de 210 millions de francs. Actuellement, c'est-à-dire quelques années après, ces 210 sont probablement devenus 250 millions que le peuple genevois paie à l'assurance-maladie, comme si c'était un impôt. Voilà ma première remarque.
Je souhaite évidemment, après l'adoption de ce premier projet de loi 8481-A, que le Conseil d'Etat nous donne rapidement un rapport qui confirme ou infirme ce que je viens de vous dire et grâce auquel la population sera réellement au courant. Je prie le chef du département d'être attentif sur un point: les primes 2005 seront des provisions. Cela signifie que différents paramètres sont étudiés, notamment des paramètres d'évolution des coûts sur l'ensemble de la Suisse. Or Genève a des particularismes dont il faut tenir compte. Par conséquent, lorsque les assureurs évoquent les facteurs qui augmentent, il faut garder en mémoire que ces facteurs ne sont pas vraiment genevois. Pour pouvoir comprendre l'augmentation, il faut prendre les comptes consolidés des assureurs, les étudier et voir par quelles méthodes ils arrivent aux comptes provisionnels. Cela est un détail, mais je souhaitais le relever pour avoir un débat particulièrement sain.
Le deuxième objet, que je vous recommande de voter, c'est la motion 1438. Cette motion tord le cou aux fantasmes des assureurs qui tromperaient la population. Cette motion rappelle que, grâce à une initiative du canton genevois, le Conseil national a amendé la loi fédérale, permettant à chaque canton d'obtenir des assureurs-maladie des comptes parfaitement transparents dans un seul domaine - pas dans tous - le secteur subventionné: le secteur hospitalier, les EMS et les soins à domicile. L'élément qui a réellement augmenté a augmenté parce que, lorsqu'on a voté la LAMal, on a voté une amélioration de ce type de prestations. Si le Conseil d'Etat genevois veut s'assurer de la totale légalité des augmentations de primes, il n'a qu'à avoir recours à l'article 21.a de la LAMal, et obtenir des assureurs les comptes les plus clairs sur tous les facteurs d'augmentation des primes d'assurance-maladie.
Enfin, le projet de loi 8564 est le projet le plus difficile qui nécessite un arbitrage politique. Est-il normal que les institutions subventionnées aient pu ainsi puiser dans la manne que représentait l'assurance-maladie; était-il normal que ces augmentations se fassent année après année sans aucun contrôle du peuple ? Lorsqu'il y a une augmentation d'impôts, vous rendez-vous compte, s'il y avait une augmentation de 210 millions, à quel point nous nous serions levés ? C'est précisément ce qui s'est passé avec la LAMal, et c'est sur cela que le débat doit porter. Or la commission l'a éludé en argumentant que cette question n'était pas conforme au droit fédéral. Dans le rapport de majorité, vous ne trouvez aucun mot permettant d'expliquer en quoi la proposition qui était faite pouvait être contraire, de quelque manière que ce soit, au droit fédéral. La personne qui s'est exprimée a commencé son discours en disant qu'elle n'avait pas la qualité d'expert. Et pourtant, M. Schmied le répète ici. Ce projet de loi est le plus important. Il est celui que la population genevoise attend. Nous devons arbitrer un moyen qui limite les hausses. Ce moyen est-il sis dans ce projet de loi ? Je suis d'accord que l'on en discute, et c'est pour cela que je vous recommande de le renvoyer en commission, pour que l'on reprenne l'ensemble des facteurs d'augmentation, et que nous ayons le courage d'apporter les solutions que tous les citoyens attendent.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Froidevaux. Je ne puis que vous rappeler à tous que la prime d'assurance-maladie représente le problème des genevois le plus important depuis dix ans, et que, pour certains foyers, cela représente, avec la fiscalité, l'équivalent de près de 45% de leurs revenus.
Je vous recommande donc de travailler correctement, d'étudier ce projet de loi, d'avoir des arbitrages du Conseil d'Etat, mais de ne pas faire un non-droit en oubliant de faire le travail.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Un député par groupe prendra la parole sur cet objet.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts s'opposeront au renvoi en commission. Tous ces points ont été traités en commission, qui, je crois, a essayé d'y répondre. Certaines propositions n'étaient pas constitutionnelles... (Brouhaha.)
Le président. Ne vous laissez pas distraire, Madame la députée.
Mme Esther Alder. Pour nous, la réponse se trouve dans le rapport de majorité. (L'oratrice est interpellée.)C'est juste sur le renvoi en commission ?
Le président. En principe, il faudrait que vous vous exprimiez sur le renvoi en commission, oui.
Mme Esther Alder. Alors: non. (Rires.)
Le président. Merci, voilà qui est clair.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je pensais m'exprimer sur les deux autres projets. Je crois que ce sera peut-être plus simple. Concernant les deux premiers projets qui, de toute façon, devront être votés, je vous dirai que le seul projet qui a reçu un écho favorable de la part de la commission était le projet de loi 8481, qui demande plus de transparence sur la modification des primes et sur les prestations offertes par l'assurance de base. Nous avons effectivement entendu plusieurs experts à cette occasion, dont l'un des représentants de la commission d'évaluation des politiques publiques, ainsi que Mme Desplands, qui est une spécialiste en matière d'assurance sociale. Mme Desplands nous a rappelé quelles étaient les compétences des cantons en matière d'assurance-maladie, à savoir, les subsides, le budget, la planification hospitalière et la fixation des tarifs des prestations. Sur la question de la transparence, qui est l'objet du projet de loi 8481, la majorité de la commission a accepté ce projet de loi, qui n'a en fait pas plus d'ambitions que d'obtenir des informations régulières pour le Grand Conseil et pour les assurés sur les modifications annuelles des primes de base. Je crois que ce besoin d'information est légitime, dans la situation actuelle.
Nous vous proposons donc d'accepter ce projet de loi.
La motion 1438, quant à elle, va dans le même sens. Elle a simplement été un peu adoucie dans le sens où la sanction prévue n'entraîne pas le retrait du droit d'exercer mais l'avertissement voire l'amende.
Nous vous proposons donc d'accepter également cette motion 1438.
Le projet de loi 8564 a aussi été démontré comme étant contraire aux lois fédérales, le principe du fonds, proposé par M. Froidevaux, n'étant pas prévu dans la LAMal. On se demande aussi, au-delà de cette absence de constitutionalité, s'il serait équitable de pénaliser le secteur public de cette manière, puisque, finalement, la hausse des coûts de la santé est le fait de plusieurs acteurs, y compris des fournisseurs de soins.
Par conséquent, nous vous demandons non seulement de ne pas renvoyer ce projet de loi à la commission, mais de le refuser.
Le président. Je vous demande de ne vous exprimer que sur le renvoi en commission. Madame Alder, vous avez joué le jeu lors de votre intervention. Je vous repasserai donc la parole si le renvoi en commission est rejeté.
M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai attentivement écouté les rapporteurs. Je suis surpris que l'auteur du projet de loi propose son renvoi en commission. Bien que j'aie écouté attentivement son exposé et lu son brillant rapport, je trouve qu'il y a anguille sous roche.
J'ai en effet le sentiment qu'on a voulu dénaturer le projet de loi. Je ne suis pas en mesure, ici, de me prononcer sur le fond, mais il faut admettre que les facteurs de hausse au niveau du secteur public ne sont pas clairement établis. L'augmentation est sensible, on la paie trois fois: une fois par le biais de l'augmentation de primes; une deuxième fois par le biais de l'impôt dans le cadre de l'augmentation du budget du DASS - et en particulier de l'hôpital universitaire - et une troisième fois, par le biais de l'augmentation de la part du budget qui est consacrée à la subvention des primes à la vie. Cela vaudrait donc la peine d'analyser les facteurs de hausse. On pourrait citer le seul facteur de l'indexation des rentes du personnel de ces établissements, puisqu'il semblerait que les indexations de rentes ne sont pas payées par les caisses de pension mais bien par l'Etat.
Je vous propose de prendre connaissance des chiffres fournis par l'office cantonal de la statistique, qui donne des indicateurs sur d'éventuels facteurs de hausse. J'ai ainsi pu prendre connaissance du fait qu'en 2002 Genève était à nouveau la «lanterne rouge» en matière de frais administratifs. Comparons l'Hôpital universitaire de Genève à celui de Zurich. Il ne devrait pas y avoir de grosses différences en matière de coûts administratifs. Les frais de l'Hôpital universitaire de Genève équivalent à un milliard de francs: 11% des coûts représentent des frais administratifs, soit 110 millions de francs. Alors que ceux de l'Hôpital universitaire de Zurich représentent 6,6%, soit 66 millions de francs. C'est donc une différence de 50 millions de francs, non pas pour des prestations de santé mais pour des coûts administratifs - qu'on paie de nouveau trois fois: une fois par l'impôt, une fois dans le cadre du paiement des primes à la vie et une troisième fois en subventionnant ces primes.
Le groupe UDC soutiendra la proposition du rapporteur de minorité, et proposera que ce projet de loi soit renvoyé en commission pour clarifier l'origine des facteurs de hausse.
J'ai vraiment le sentiment qu'il y a une volonté, dans ce parlement et au niveau de l'Etat, de ne pas jouer le jeu de la transparence. En effet, si on le jouait, il semble que la vérité ne serait pas forcément heureuse à entendre et à voir.
M. Jacques Follonier (R). Vouloir la transparence est louable, c'est même une nécessité et c'est d'utilité publique. Encore faut-il savoir ce que l'on veut lorsque l'on veut de la transparence, et c'est là où les choses se compliquent.
On a souvent l'impression qu'avoir des chiffres à disposition nous permet de comprendre la situation. Mais encore faut-il comprendre comment ces chiffres nous sont fournis ! Tous ceux qui travaillent avec des chiffres le savent très bien: il y a plusieurs manières de présenter des statistiques, des comptes et de satisfaire les gens qui les demandent. C'est souvent ce qui nous arrive et c'est peut-être pour cette raison que nous avons, dans notre canton, de la peine à comprendre les réalités de la caisse maladie - ainsi que celles des assurances, dans la mesure où elles doivent mettre les primes d'assurance sur pied.
Que se passe-t-il avec les assurances-maladie ? Ce que vous devez savoir, c'est que, à Genève, nous avons deux systèmes: les assurances-maladie pratiquent un système basé sur la statistique des assurés et un système basé sur la statistique des assureurs. La statistique des assurés est basée sur la consommation de chaque assuré, alors que la statistique des assureurs, elle, est basée sur les dépenses par prestataires de soins.
Vous comprendrez alors bien la différence spécifique à Genève, puisqu'il y a en effet beaucoup de personnes venant de l'extérieur de notre canton qui consomment des soins. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que Santésuisse a reconnu - il n'y a pas si longtemps que cela - qu'elle utilisait, pour la fixation des primes à Genève, la statistique des assureurs, la transparence aura de la peine à être établie.
Pour ces raisons, je suis persuadé que nous devons renvoyer tout cela à la commission des affaires sociales.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le rapporteur de minorité a beaucoup de talent, parce qu'il arrive à convaincre les personnes n'ayant pas pu participer à la commission des affaires sociales - tout simplement parce qu'elles n'en font pas partie - que son idée est une idée géniale. Il a essayé de nous en convaincre, à maintes reprises. Il a essayé de remettre le même ouvrage sur le même métier: maintenant nous estimons qu'il suffit, et qu'il n'y a aucune raison de renvoyer ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. C'est bien volontiers que je passe la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Merci, Monsieur le président !
La commission des affaires sociales, cela a déjà été dit, a pris position sur le projet de loi 8481, et notamment sur la question de la transparence, tant au parlement que celle qu'on doit aux assurés.
La commission a également confirmé cette exigence au travers de la motion 1438, et il est à cet égard troublant de constater qu'il faille une motion pour demander la simple application de dispositions d'ores et déjà prévues dans une loi.
Enfin, la commission des affaires sociales a rejeté le projet de loi 8564, non seulement en raison des critiques formulées par les personnes que nous avons entendues, mais également parce que le projet fait un mauvais procès aux institutions publiques et à celles qui sont subventionnées. Il y a dans ce projet de loi un a priori que nous ne pouvons cautionner, parce qu'il part du principe qu'un certain nombre de choses ne sont pas acceptables, notamment dans les manières de subventionner un certain nombre d'établissements.
Pour ces motifs, nous refusons le renvoi en commission.
M. Claude Aubert (L). En ce qui concerne le renvoi en commission: non.
Mais nous aurons l'occasion de revenir tout à l'heure sur l'importance des intuitions du député Froidevaux, intuitions qui transparaissent dans le projet de loi 8564. Ces intuitions, malheureusement, ne peuvent pas être explicitées actuellement.
M. Patrick Schmied (PDC), rapporteur de majorité. Juste sur le renvoi en commission. Vu qu'apparemment la commission n'aurait pas assez bien travaillé, j'aimerais citer, au brillant auteur de ce projet de loi, la formule de Boileau selon laquelle «ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.»
Le problème principal de ce projet de loi - et, en toute modestie, la commission l'a reconnu - c'est que nous ne sommes pas parvenus à le comprendre. Je n'éprouve pas de honte à le dire et je suis sûr que les membres de la commission seront d'accord avec moi.
Je viens d'entendre le docteur Aubert parler d'intuition; depuis le début, nous avons eu le sentiment qu'il y avait une intuition intéressante chez l'auteur de ce projet de loi. Cependant, au bout d'un moment, à force de tourner autour, la commission a dû renoncer à comprendre ce qu'il désirait faire.
En outre, lorsqu'il s'est avéré que ce projet de loi n'était pas compatible avec le droit fédéral, la commission a renoncé à aller plus loin, et demandé à l'auteur d'éventuellement présenter une nouvelle version.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. (L'orateur est interpellé par M. Blanc au sujet de l'article 24.)Même M. Claude Blanc me fait un mauvais procès ! (L'orateur est interpellé à nouveau.)Oui, oui, chers collègues. (Nouveaux commentaires.)Effectivement, vous évoquez la constitutionalité de ce projet de loi en disant qu'on ne pourrait pas constituer un fonds. Pourtant, nous disposons bel et bien d'un fonds que nous votons chaque année, qui permet de subventionner un certain nombre de personnes. Personne ne nous interdit d'augmenter ce fonds et de le répartir autrement. C'est cependant le seul argument que vous m'avez servi ce soir...
Une voix. Il y en a un autre: c'est qu'on ne l'a pas compris !
M. Pierre Froidevaux. Maintenant, si vous ne l'avez pas compris, je vais vous l'expliquer de manière très simple. Il faut établir une règle qui permette d'être juste autant à l'égard du secteur privé que du secteur public. Il ne faut pas montrer du doigt le secteur privé, qui n'y est pour rien, mais bel et bien expliquer pourquoi le secteur public coûte cher. Il faut des arbitrages à ce niveau-là. Je ne dis pas qu'il faut réduire les coûts, je ne dis rien d'aussi précis que cela. Je dis simplement qu'il n'est pas juste que le médecin et les patients soient systématiquement montrés du doigt, alors qu'ils ne sont pour rien dans l'augmentation des coûts. (Manifestation dans la salle. Exclamations.)Et voilà, vous entendez les remarques ! Et pourtant, ce sont les chiffres, que vous ne voulez ni voir ni mettre dans ce rapport.
Je demande simplement que la justice soit exercée. Je vous demande d'être équitables. Il n'y a pas de raisons que les primes d'assurance-maladie n'augmentent qu'en faveur du secteur public. J'aimerais évoquer un élément historique, que vous ignorez tous.
Le peuple a voté la LAMal, en octobre 1995. Il faudrait retrouver, dans les annales du Conseil d'Etat, l'arrêté du 6 décembre 1995. Cet arrêté dénonçait toutes les conventions faites entre les hôpitaux, les EMS et les soins à domicile vis-à-vis des assurances, imposant un nouveau tarif qui augmentait de 300 millions le coût aux assurés. Comment voulez-vous que les assurances genevoises, qui venaient d'entrer dans le système LAMal, puissent supporter 300 millions ? Ce fut le «clash», ce fut le scandale.
La loi prévoyait que le financement des hôpitaux et des EMS serait de 50%, et que les soins à domicile seraient mieux payés. M. Segond avait eu parfaitement raison, sur le plan légal, d'imposer cela. Cependant, les assureurs ne pouvaient pas payer. Ils ont fait recours. Ces recours, au lieu d'être réglés en six mois, ont durés trois ans. Pendant trois ans, les comptes des assureurs n'étaient pas stables. Les assureurs ont fini par payer.
Je voudrais simplement que vous sachiez pour quelles raisons il y a eu cette inégalité. Si il y a une telle inégalité et un tel flou, c'est que ce n'est qu'à partir de 1999 que les comptes sont devenus stables, et qu'on a pu comprendre que l'argent était parti uniquement au niveau des établissements publics.
Aussi, je vous propose une règle: celle qui consiste à dire que l'assurance a le droit d'augmenter de la même manière entre le secteur privé et le secteur public. C'est une règle politique que tout le monde peut comprendre, et c'est celle-là qu'il faut faire passer en commission, avec les arbitrages qui conviennent.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je passerai brièvement sur les deux premiers projets qui font l'objet d'un consensus de la commission, respectivement le projet de loi et la motion que vous avez votés à l'unanimité, pour me concentrer sur le projet de loi actuellement querellé. Les uns et les autres disent des choses justes à son sujet mais n'en tirent pas forcément les mêmes conclusions.
Lorsque le rapporteur de minorité explique qu'à l'issue du vote de la LAMal et de l'arrêté - pris impérativement par le Conseil d'Etat de l'époque qui se doit, je vous le rappelle, d'appliquer le droit supérieur - il a adapté les conventions tarifaires à ce que la nouvelle loi sur l'assurance-maladie prévoyait - en d'autres termes, le remboursement de l'aide à domicile et le remboursement dans les EMS, qui n'étaient pas des obligations légales dans l'ancienne LAMA - alors oui, en effet, la dépense pour les caisses a augmenté. Oui, du fait du retard dans la manière de trancher le recours par le Conseil fédéral - vous avez oublié par qui le retard était survenu, laissant planer un doute sur mon prédécesseur, ce que je n'oserai permettre. Vous avez donc laissé planer ce doute, comme si les 300 millions étaient plus qu'un doute: on l'a entendu à l'époque, un matelas, une série de coussins, voire une batterie de cuisine. Vous ne vous étiez pas gêné, Monsieur, pour dénoncer, soi-disant, des détournements - mais je sais, car vous me l'avez dit, que les mots avaient dépassé ce que vous pensiez. Toujours est-il que ces faits sont reconnus.
Les coûts pour l'assurance-maladie obligatoire de soins ont augmenté du fait du dispositif fédéral, Monsieur le député, qui imposait le remboursement à la fois des EMS et de l'aide à domicile, qui n'étaient tout simplement pas «compris dans le prix» précédemment. Il est vrai que parallèlement, depuis les années 2000, il y a une stabilité des coûts par assuré, dans la pratique privée. Cela n'a jamais été lié, et c'est quelque chose qui mérite d'être souligné. Il est vrai aussi que, s'agissant de la pratique hospitalière stationnaire, nous avons assisté à peu près au même phénomène. Les deux coûts qui ont, si j'ose dire, pris l'ascenseur, et vous le savez bien, sont les coûts de l'activité ambulatoire des hôpitaux, sur lesquels j'ai déjà eu l'occasion de vous dire ce que nous entendions faire à l'avenir, et le coût des médicaments, qui, en pourcentages, est de loin, et largement, le poste qui a le plus augmenté. Vous n'avez malheureusement pas prévu, dans votre dispositif, d'incitatif pour que le coût des médicaments en Suisse soit, ne serait-ce que ce qu'il est dans les pays voisins.
Cela dit, pour revenir au fond de votre projet, j'ai bien compris qu'il entendait forcer, par une démonstration dont vous savez bien qu'elle n'est pas conforme au droit fédéral, la réflexion que je viens de vous faire. L'avis de droit que Mme Desplands, de l'institut de droit de la Santé, nous a distribué en commission est, à cet égard, tout à fait significatif. Il y a plusieurs preuves de cela.
La première preuve, c'est que dans les mécanismes de régulation des coûts, la LAMal est exhaustive quant aux moyens que l'on peut utiliser. Ces moyens sont contenus dans l'article 55 de la LAMal, auquel je vous suggère de vous référer.
Deuxièmement, vous parlez de rétroactivité. Vous savez qu'en droit, vous l'aviez évoqué, la rétroactivité nécessite, pour être admise, des conditions de critères à la fois précis et cumulatifs.
Enfin, le fonds que vous vouliez constituer devait être redistribué à tout le monde; là encore, la LAMal, s'agissant de la politique des subsides, est à la fois claire et restrictive: les subsides doivent être destinés aux assurés ayant des revenus modestes.
En conséquence, Monsieur le député, je crois qu'une partie de la démonstration, que vous vouliez claire, l'est devenue à propos des postes qui ont augmenté ou pas, voire discrètement régressé, même selon les chiffres de 2003.
Mais ça n'est pas pour autant que l'on peut rentrer en matière sur ce projet de loi clairement contraire au droit supérieur, ce à plusieurs niveaux.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur la demande de renvoi en commission formulée par M. le rapporteur de minorité.
Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 50 non contre 16 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous poursuivons nos débats. Mme Alder a renoncé à prendre la parole. La parole n'étant plus demandée, nous voterons sur la prise en considération du projet de loi 8481-A.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 77 oui et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 (souligné) et 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8481 est adoptée article par article en troisième débat.
La loi 8481 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui contre 1 non et 3 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant au projet de loi 8564. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. Le renvoi en commission ayant été refusé, il ne m'apparaît pas judicieux de voter sur un tel projet de loi, puisqu'il devait être étudié, puisqu'il devait y avoir des arbitrages politiques qui devaient être nombreux.
Aussi, je retire ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, dans la mesure où vous n'êtes pas le seul signataire, puis-je partir du principe que les autres signataires ont été consultés et qu'ils sont d'accord avec vous ? Tous ? Il est donc pris acte du retrait de ce projet de loi.
Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 8564.
Le président. Nous allons voter sur la proposition de motion 1438 telle qu'amendée en vue de son acceptation et de son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 1438 est adoptée.
Premier débat
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de majorité. Je voudrais d'abord rappeler l'objectif de ce projet de loi. Il s'agit en fait de supprimer l'automaticité des subsides au titre de l'assurance-maladie de base. Cela concerne les personnes qui disposent d'une certaine fortune et qui reçoivent, malgré leur situation, un subside pour leurs primes de base de l'assurance-maladie.
C'est ainsi que ce projet de loi a été familièrement appelé «le projet des millionnaires». Cette difficulté de définir qui a droit à un subside et qui n'y a pas droit provient, entre autres, de l'absence d'une limite de revenus déterminant le droit à des prestations sociales dont on a parlé à plusieurs reprises au cours de cet après-midi. Il faut bien préciser qu'il ne s'agit pas de supprimer le droit aux allocations mais de mieux répartir ces dernières en fonction de la situation réelle des personnes. Le retrait des allocations indues permettrait à l'Etat de dégager, par année, environ 500 millions de francs qui pourraient être réaffectés à des personnes plus nécessiteuses.
Plusieurs auditions ont été organisées par la commission, parmi lesquelles celle de Mme Haller, qui a mis en évidence les disparités importantes qui sont induites par l'effet de seuil: certaines personnes, à ressources identiques, voient leurs cotisations d'assurance-maladie prises en charge, alors que, pour d'autres, ce n'est pas le cas.
Au cours de ces travaux, le DASS a proposé quelques amendements. Si certains sont purement techniques, il y en a un qui consiste en la mise en conformité avec le droit fédéral et concerne les subsides qui sont versés aux personnes bénéficiaires de l'OCPA. Ceux-ci seront désormais alignés sur la prime moyenne cantonale. C'est d'ailleurs cet amendement qui a fait l'objet du rapport de minorité de Mme Haller, et qui porte sur l'article 22 alinéa 6.
En fait, même si je ne partage pas la plupart des griefs qu'émet la rapporteuse de minorité à l'égard de cette obligation de s'aligner sur la prime moyenne cantonale, je suis tout de même d'accord avec elle sur un point: le fait d'obliger les personnes à changer de caisse a quand même une certaine limite, et c'est un peu un emplâtre sur une jambe de bois, il faut bien l'avouer. A terme, c'est bien vers une caisse unique que l'on devrait se diriger, ainsi que vers des primes qui soient calculées en fonction du revenu et non pas sur des primes uniques - comme c'est le cas actuellement.
Pour l'heure, nous ne devons pas perdre de vue l'objectif principal de ce projet de loi. Il consiste à empêcher des personnes, qui ont une certaine fortune, de percevoir des subsides, alors que d'autres y auraient droit et ne peuvent en avoir, d'une part; et il consiste également à mettre ce projet de loi cantonal en conformité avec le droit fédéral, d'autre part.
Je vous demanderai donc d'accueillir ce projet de loi tel qu'il est issu de la commission des affaires sociales.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je crois que la première chose qu'il me revient de dire c'est que je regrette véritablement que le département ait cru bon d'ajouter, dans la dernière ligne droite de nos travaux, cette proposition d'introduire la limite de la prime moyenne cantonale. Sans cet élément, nous aurions adhéré sans réserve au projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, parce que nous adhérons formellement - et j'insiste sur ce point - à l'intention de corriger cet automatisme qui fait que des personnes qui ne sont manifestement pas dans le besoin bénéficient d'une aide pour couvrir leurs cotisations d'assurance-maladie.
En revanche, nous ne sommes absolument pas d'accord sur le fait d'imposer cette limite à d'autres personnes qui sont relativement démunies, puisqu'elles se trouvent dans des systèmes d'aides sociales. En outre nous estimons que, si l'intention est d'encourager un certain mouvement ou des transits d'assurés d'une caisse à une autre, ou de caisses chères vers des caisses bon marché, ce n'est pas par cette manière-là que nous y parviendrons. Je souhaiterais ajouter, en complément à mon rapport, quelques éléments.
En ce qui concerne l'exigence d'appliquer la limite de la prime moyenne cantonale, de la part de la Confédération, il apparaît que cette exigence ne vaille que pour le calcul des prestations complémentaires fédérales, les PCF, dont il faut quand même relever, paradoxalement, qu'elles sont financées à 90% par le canton. Par ailleurs, et en ce qui concerne le montant du subside total à l'assurance-maladie, cette exigence n'a pas de caractère contraignant, puisqu'en ce qui concerne l'OCPA les prestations complémentaires fédérales sont complétées par des prestations complémentaires cantonales, et qu'à ce moment-là, cela relève uniquement de la décision du canton. Ainsi, il appartient au canton, et à lui seul, de déterminer s'il estime nécessaire de couvrir le montant intégral de la cotisation de base dans le calcul qui sert à déterminer le droit aux prestations complémentaires cantonales. Financée exclusivement par des fonds cantonaux, le même raisonnement s'applique également à l'assistance publique.
Les transferts d'assurés d'une caisse à l'autre créent une agitation et une confusion qui n'en valent pas la chandelle, et qui vont finalement à l'encontre du but recherché. Depuis deux ou trois ans, les assurés sont engagés à opter pour des caisses meilleur marché, et les services sociaux ont, sur recommandation du SAM, pour consigne d'encourager les personnes subsidiées à changer de caisse maladie en faveur de caisses plus abordables. Or l'effet constaté est sans ambiguïté. Les caisses les moins chères sont conduites à augmenter notablement leurs cotisations, ce qui amène les assurés à devoir renouveler cette opération l'année suivante, ou, tout au moins, à brève échéance. Prenons donc l'exemple de la caisse maladie de la FTMH, qui figurait l'an dernier parmi les deux caisses les moins chères, et qui se retrouve, cette année, au-dessus de la moyenne cantonale. Ainsi, toutes les personnes qui ont transité l'année dernière vers cette caisse afin d'échapper à leur ancienne caisse trop onéreuse, doivent à nouveau changer de caisse. Prenons également l'exemple de la Philos, qui se trouvait être, l'an dernier, la deuxième caisse abordable. Cette année, Philos, bien qu'ayant augmenté ses cotisations, reste pour les adultes en dessous du seuil fatidique de la prime moyenne cantonale. Pour les enfants, en revanche, elle se trouve à 1,50 F au-dessus de cette norme. Que faire ? Ne changer que la filiation des enfants et avoir deux caisses comme interlocuteur pour la famille ? Rester dans la même caisse et faire face à la facturation de 1,50 F fois le nombre d'enfants, c'est-à-dire 3 ou 4,50 F par mois ? Cela ne coûtera-t-il pas plus cher, pour la caisse, de facturer ces montants que de les encaisser ? Et comment seront gérés les contentieux pour des différentiels aussi dérisoires ? Cela vaut-il vraiment la peine d'encourir des risques de suspension de prestations ou de compensation ? Le projet de loi 8828-A prévoyant par ailleurs que les montants excédant la prime moyenne cantonale ne pourront faire l'objet de demandes de remboursement, au titre de la loi sur les assurés débiteurs, verra-t-on, en cas d'acte de défaut de biens des assurés dont le dossier sera définitivement embourbé, des prestations suspendues pour défaut de sommes dérisoires ?
Pour conclure, la politique de mise en concurrence des caisses maladie pour lutter contre l'augmentation des cotisations n'a, de loin, pas fait ses preuves. A l'inverse, elle semble même avoir contribué à alimenter ce phénomène. C'est d'ailleurs afin d'être mieux à même de juger que j'ai déposé une interpellation écrite à ce propos. Malheureusement, la réponse que M. Unger nous a fait transmettre n'a pas entièrement satisfait à ma curiosité. Si j'ai bien compris la réponse qui m'a été faite, on constate que la concurrence n'est pas réalisée. Les hausses de primes continuent et les changements de caisses maladie ne font pas «mal» - il n'est pas prouvé qu'elles fassent du bien non plus - c'est du moins l'expression qui a été utilisée. De mon point de vue, ce constat reste à démontrer. A cet égard, un tableau montrant la progression du prix des cotisations et leur classement dans l'échelle des prix en question, aurait sans doute été utile pour en juger.
Aussi, je vous appelle, Mesdames et Messieurs les députés, à vous en tenir, jusqu'à être plus amplement informés, à l'incitation formulée dans la loi à opter pour des caisses meilleur marché, à entamer une véritable réflexion sur la pertinence de la mise en concurrence des caisses maladie, à soutenir l'initiative du MPF en faveur d'une caisse maladie unique, et à réserver un bon accueil aux amendements qui vous seront présentés.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
Mme Esther Alder (Ve). C'est vrai que ce projet de loi a un but majeur: celui de supprimer le principe de l'arrosage qui fait qu'environ 400 millionnaires touchent des subsides publics. Au fond, c'était cela qu'il fallait rectifier en premier lieu. C'est vrai que l'on peut s'interroger de savoir pour quelle raison ce projet de loi n'arrive que maintenant, parce que déjà en 2000 la commission d'évaluation des politiques publiques avait mis le doigt sur cette problématique. On est en 2004, cela fait donc plusieurs années que rien n'a été fait sur ce point.
Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faille aller plus loin. Nous donnons raison à Mme Haller pour les arguments qu'elle développe dans son rapport de minorité. Cependant nous pensons que ce n'est pas par le biais de ce projet de loi qu'il faille intervenir, mais par le biais du revenu déterminant unique, qui vient d'être renvoyé en commission, pendant cette session.
Nous sommes conscients qu'il y a encore un grand nombre d'injustices, mais je pense qu'il faut traiter ces problèmes ailleurs.
Pour l'instant, nous vous proposons donc d'accepter ce projet de loi.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi vise à lutter contre une injustice - cela a déjà été cité auparavant - selon laquelle des personnes reçoivent des subsides automatiquement alors qu'elles n'y ont absolument pas droit.
Cependant, à travers ce projet de loi, la nécessité de reconnaître le besoin d'une meilleure collaboration entre les services s'exprime, de même que le fait de dénoncer l'effet de seuil qui induit des disparités pénalisantes - privant ainsi les bénéficiaires des subsides auxquels ils auraient droit - ainsi que l'automaticité, comme cela a déjà été dit.
Même si ce projet de loi n'est pas parfait, c'est évident, il apparaît important de voter le rapport de majorité pour le rendre le plus efficace le plus rapidement possible.
C'est pourquoi nous ne voterons pas non plus les amendements.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Blaise Matthey (L). Genève a un social extrêmement développé. Genève connaît des difficultés financières et doit s'essayer, partout où elle le peut, à mieux cibler ses prestations sociales. C'est précisément le sens du projet de loi dont nous discutons ce soir. Même s'il s'agit d'économies qui peuvent paraître relativement modestes, ce sont des économies, sans que l'on touche à la substance de ce qui est accordé aux gens sous forme de subsides. Nous faisons en sorte de faire ce que nous devrions toujours faire dans le domaine social, à savoir cibler nos prestations sur ceux qui en ont besoin. Ce n'est qu'une partie de l'édifice. Tout le travail que nous ferons sur le revenu déterminant sera, à cet égard, tout à fait crucial. Je suis convaincu que nous pourrons donner une nouvelle dimension au secteur des prestations sociales dans notre canton.
Dans l'intervalle, il s'agit de voter ce projet de loi, sans confondre les objectifs, sans s'imaginer que nous débattons maintenant des projets de caisse unique ou de primes sur le revenu auxquels, vous le savez, le groupe libéral n'est pas favorable.
Il s'agit de voter une loi qui introduit des modifications qui vont dans le sens d'une meilleure justice sociale, et dans le sens d'une meilleure allocation des ressources.
Le groupe libéral votera donc ce projet sans restrictions.
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Il me semble très important de préciser à nouveau le point de vue de l'Alliance de gauche, et notamment l'amendement proposé par Mme Haller, car, si cet amendement n'est pas accepté, il y aura des conséquences préjudiciables pour les personnes qui sont vos aînées, ainsi que les personnes les plus démunies de ce canton.
Ce n'est pas avec un amendement que l'on dénaturera l'objectif de la loi qui a été posée ici. Il semble ainsi que la commission n'a pas su comprendre la portée de l'amendement qui est proposé par Mme Haller.
Le fait de s'adapter au niveau de la Confédération en faisant en sorte de ne couvrir que le subside total sur la moyenne cantonale aura des effets qui iront bien au-delà des cinq millions d'économies escomptés. Ces conséquences auront un effet sur des personnes qui sont déjà en difficulté. Je dirai donc que cette loi est dénaturée, dans la mesure où elle va léser ces personnes qui sont déjà les plus défavorisées, alors qu'elle va avantager les personnes les plus riches. Si l'on ajoute encore le subside total moyen, on en arrive à toucher un grand nombre de personnes qui sont déjà dans la précarité.
Mme Haller vous a déjà démontré que la mise en concurrence des caisses est un leurre. Premièrement parce que la plupart des assurés rechignent à changer de caisse, et pour cause ! Les démarches administratives pour changer de caisse sont extrêmement lourdes. Deuxièmement parce qu'il y a des personnes âgées qui sont très attachées à leur caisse maladie. Elles y sont affiliées depuis des années, et changer leur pose un problème de loyauté vis-à-vis de cette caisse. Troisièmement, parce que les assurés s'aperçoivent que la caisse où ils se sont nouvellement assurés se retrouve, l'année suivant leur affiliation, parmi les caisses les plus onéreuses du canton.
Que va-t-il se passer ? Vos aînés et les personnes les plus précarisées ne changeront pas de caisse. Par conséquent, ils devront payer de leur poche la différence qui existe entre la prime moyenne et ce qui est en surplus.
Par ailleurs, bon nombre de ces personnes se font aider par des assistants sociaux, qui vont se trouver dans l'obligation de faire changer la caisse de l'assuré. Cela équivaut à des démarches administratives lourdes, comme je l'ai déjà dit, pour les services sociaux. Vous savez peut-être déjà que la majorité des services sociaux de ce canton sont en surcharge. Ils ont affaire à une pléthore de lois qui les cantonnent de plus en plus dans une fonction administrative, au détriment de l'action préventive et autonomisante qu'ils devraient mener.
Je pense que l'amendement proposé par les membres de gauche amène un plus. Il consiste à ne pas léser les personnes les plus démunies et respecte l'esprit de la loi que vous avez discutée en commission.
Pour ces raisons, j'en appelle, surtout à l'Alternative, à voter l'amendement de Mme Haller.
M. René Ecuyer (AdG). J'ai peur de répéter ce qui vient d'être dit mais... (Manifestation dans la salle.)...mais je vais le dire autrement, parce que vous n'avez pas compris.
Cette histoire de cotisation moyenne, franchement, c'est un peu du bidon, parce que tout le monde sait que les caisses les moins chères deviennent plus chères. On empoisonne la vie des retraités, des gens âgés, à qui l'on dit: «Ecoutez maintenant, vous allez trouver votre assistant social, vous allez écrire et changer de caisse».
On est souvent membre d'une caisse depuis longtemps. Mes parents sont toujours restés dans la même caisse, en partie parce qu'ils avaient affaire aux mêmes personnes.
Je pense, pour ma part, que l'on ne peut qu'appuyer la proposition d'amendement, parce que l'on n'est pas obligés d'embêter les gens âgés, quand on sait que cela ne sert pas à grand-chose.
Monsieur Matthey, en ajoutant cela, on rate la cible. Vous ne visiez pas cela ! Vous visiez à ce que la caisse ne favorise pas les millionnaires. D'accord, mais il ne faut pas embêter les petits pour autant. Envoyer des gens qui ont plus de 80 ans courir les services sociaux pour recommencer, l'année d'après, c'est du bidon ! On sait que cela ne sert à rien.
Il ne faut pas changer de caisse, il faut changer le système d'assurance-maladie.
Je vous invite donc à approuver les amendements qui vous sont proposés et qu'on arrête d'embêter les vieux !
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de majorité. J'aimerais rectifier deux choses, après l'intervention de Mme Lavanchy.
Je l'ai dit auparavant, je pense aussi que le système du changement de caisse a ses limites, néanmoins il faut tout de même stopper certaines exagérations. Le fait de changer de caisse n'est pas aussi lourd sur le plan administratif qu'on veut bien le dire. Les personnes qui sont dans les EMS ou bien celles qui sont suivies par des assistants sociaux sont justement aidées dans ces démarches, il y a même des modèles de lettre - j'en sais quelque chose, je l'ai fait pour plusieurs personnes de ma famille et pour moi-même.
L'autre chose concerne cette prime moyenne cantonale qui serait une source de préjudices pour les personnes les plus démunies. Je crois qu'ici aussi il faut relativiser les choses. Est-ce vraiment à l'Etat de payer la totalité des primes aux caisses qui sont les plus chères, alors qu'il y a des citoyennes et des citoyens qui gagnent assez mal leur vie, qui ne sont pas au niveau des barèmes pour se faire aider et qui doivent aussi faire face à des charges d'assurance-maladie qui sont très lourdes ? Si l'on maintient le système, cela revient en fait à subventionner les excès de certaines assurances-maladie. Je crois qu'il ne faut donc pas exagérer non plus le fait qu'on léserait les personnes les plus défavorisées.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi avait pour objectif de supprimer une injustice. C'est une bonne chose, à laquelle nous étions attachés. Le problème, c'est qu'il en introduit une autre, et à cela, nous ne pouvons consentir. Mme Fehlmann Rielle dit que ces personnes, dont on dit qu'elles sont les plus démunies, ne le sont finalement pas tant que cela; permettez-moi de vous contredire, Madame. S'agissant des bénéficiaires OCPA ou des bénéficiaires de l'aide sociale, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il ne s'agit pas des personnes les plus démunies. Il ne s'agit pas d'encourager non plus les caisses maladie à pratiquer des cotisations qui soient exagérément élevées. Il s'agit simplement d'éviter de participer nous-mêmes, par ce type de moyens, à l'augmentation des cotisations d'assurance-maladie. En effet, en poussant les bénéficiaires d'aides à changer systématiquement de caisses maladie en faveur d'une caisse moins chère, on provoque des transhumances d'assurés qui induisent des coûts extrêmement importants, en définitive. On peut le vérifier aujourd'hui, nous avons un recul suffisant. Nous avons en effet constaté que les caisses vers lesquelles nous avions orienté les assurés il y a deux ans, trois ans, ont augmenté, et que les personnes ont dû à nouveau changer de caisse.
Si c'est cela que vous voulez, il faut le dire. Mais, à ce moment-là, ne prétendons pas réparer l'injustice d'un côté et en engendrer de l'autre !
Pour nous, ce projet de loi aurait été acceptable moyennant le fait qu'on n'introduise pas cette question. Si vous acceptez les amendements qui vous sont proposés, que vous auriez dû trouver sur votre table, nous pourrons trouver un accord. A défaut, nous ne pourrons que constater nos divergences sur cette question.
M. René Ecuyer (AdG). Juste un mot à Mme Fehlmann Rielle: tous les retraités ne sont pas dans des EMS ! Dans les EMS, bien sûr, un changement de caisse se fait tout seul, ce ne sont même pas les pensionnaires qui le font. C'est le bureau qui fait ce travail. Cependant, la grande majorité des personnes âgées vivent chez elles. Il faut avoir travaillé avec ces gens-là pour savoir quelles sont leurs difficultés face aux problèmes administratifs. C'est une complication pour eux. Et une complication, en plus, qui ne sert pas à grand-chose !
Ecoutez donc la voix de la sagesse ! Laissez tomber cette histoire et votez les amendements présentés par Mme Jocelyne Haller ! Vain Dieu !
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Au fond, tout le débat tourne autour du seul objet querellé, qui est l'application d'une mesure pour financer, chez les subsidiés intégraux, des primes jusqu'à la valeur de la prime moyenne cantonale ou, au contraire, de laisser faire, comme cela a été le cas, jusqu'à maintenant. Alors, peut-être faut-il rappeler deux chiffres qui vous intéresseront, parce qu'ils vous montreront la marge de manoeuvre qu'un effort de cette nature impose - et c'est vrai que c'est un effort, Monsieur Ecuyer.
Il y a 240 millions de subsides d'assurance-maladie distribués par année, à Genève. 120 millions, soit la moitié, sont utilisés pour les subsidiés totaux, qui représentent moins de 20 000 personnes. En conséquence de quoi, l'effort administratif ou transposé à l'administration, dont vous assureriez la médiation comme assistante sociale, Madame Haller, est de nature à soulager considérablement la pression qui s'exerce sur d'autres assurés modestes. Parce qu'en la matière, Madame, et vous le savez bien, nous vivons dans un monde - et on en reparlera avec le revenu déterminant unique - où nous avons l'indécence de ne pas accepter qu'un franc est un franc, que ce franc provienne du revenu d'un travail, d'une rente ou d'une subvention. C'est ainsi que vous priveriez des assistés de moyens, alors même que, peut-être, travaillent-ils et manquent-ils d'un complément de salaire que vous devez leur donner ?
Nous vivons dans un monde qui ne fonctionne pas. Au prix de l'effort, il est vrai, individuel des personnes âgées, pour lesquelles nous devrons apporter l'aide nécessaire - et pour lesquelles, Monsieur Ecuyer, je sais bien que vous le faites déjà - c'est vraiment très modeste que de remplir un formulaire qu'on peut obtenir sur internet, disant que l'on se désaffilie d'une caisse... (L'orateur est interpellé.)Mais on peut aussi l'obtenir auprès de l'Hospice général qui a d'excellents appareils informatiques, ce n'est pas Mme Haller qui me contredira. Je reprends: c'est vraiment très modeste que de remplir un formulaire pour se désaffilier d'une caisse et d'en remplir un autre pour s'affilier à une autre caisse.
Parmi les autres arguments invoqués, j'ai entendu qu'on s'attaquait aux plus démunis. Les personnes âgées sont démunies. Elles sont souvent démunies, parce qu'elles sont seules, plus que parce qu'elles manquent d'argent - bien qu'elles manquent souvent d'argent, aussi. J'aimerais rappeler que le régime des prestations complémentaires cantonales offre à nos personnes âgées - c'est une fierté de notre République et de ce parlement - des revenus de 30% supérieurs à ceux de tous les autres cantons, à l'exception de Zurich et de Bâle. Cela se comprend d'ailleurs, parce que, hélas, la pauvreté, chez les jeunes autant que chez les personnes âgées, se concentre dans la ville. Si nous voulons maintenir ce régime, et ça n'est peut-être pas un régime de faveur, mais c'est un régime généreux - Dieu, merci ! - alors il faut économiser l'argent là où c'est indolore, ce qui est le cas dans ce lieu-là.
Monsieur Ecuyer, vous me touchez toujours lorsque vous prenez la parole, parce que vous avez cette gentille bonhomie à laquelle on a envie d'adhérer. Cependant, vous dites que les assurés sont attachés à leur caisse maladie, parce qu'ils en connaissent les salariés. Avez-vous déjà demandé une feuille maladie à la caisse dans laquelle vous êtes affilié depuis trente ans, vous entendant répondre en suisse allemand par un local situé à Appenzell, ou, le cas échéant, dans l'ex-canton de M. Iselin, à Glaris ? Plus personne ne connaît son correspondant.
Croyez-vous, a contrario, que la caisse maladie est attachée à vous ? Testez simplement le comportement stratégique scandaleux des caisses - que nous avons d'ailleurs démontré et dénoncé auprès du président de la Confédération, l'année dernière - qui, à la simple écoute de la voix des gens qui téléphonent, prétendent des choses fausses, pour les inciter à renoncer à s'assurer lorsqu'ils imaginent qu'ils sont malades. Monsieur, n'ayez pas trop de pitié pour ceux qui vous répondent. Profitez du système, absurde, de la concurrence qu'ils ont eux-mêmes voulue, et l'avenir amènera au bon sens.
Mais cela ressort d'un autre débat.
Le président. Nous sommes arrivés au terme de notre premier débat. Nous allons voter sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 77 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 10, alinéas 3 et 4, 20, alinéas 1 et 2, 21, alinéa 1, 21, alinéas 2 et 4 (abrogés, l'alinéa 3 devenant l'alinéa 2).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de l'article 22 alinéa 6, il s'agit de biffer «mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l'Intérieur.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 12 oui.
Mis aux voix, l'article 22, alinéa 6, est adopté, de même que les articles 23 et 23A, alinéa 1.
Le président. Il vous est proposé d'abroger l'alinéa 2 de l'article 23A.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 23A, alinéa 2, est adopté.
Le président. Il vous est proposé d'abroger l'alinéa 3 de l'article 23A.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 23A, alinéa 3, est adopté, de même que l'alinéa 4.
Le président. Il vous est proposé d'abroger l'alinéa 5 de l'article 23A.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 23A, alinéa 5, est adopté.
Mis aux voix, l'article 26 (abrogé) est adopté, de même que les articles 29 à 51, alinéas 2 et 3.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8828 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8828 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui contre 10 non et 2 abstentions.
Le président. Nous nous retrouverons ce soir à 20h45.
La séance est levée à 19h15.