Séance du
jeudi 22 janvier 2004 à
20h30
55e
législature -
3e
année -
4e
session -
17e
séance
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Carlo Lamprecht et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Roger Deneys et Jean Rossiaud, députés.
Le président. Mme Nelly Guichard est assermentée. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons reçu les interpellations suivantes:
Interpellation de M. Jean Spielmann: Fermeture du poste de Police du Bourg-de-Four ! Et les promesses sur une police de proximité ? ( I-2032)
Cosignataires: Nicole Lavanchy, Salika Wenger, René Ecuyer, André Hediger, Jeannine de Haller.
Interpellation de M. Rémy Pagani: Plus de 20 personnes travaillent au sous-sol de l'Hôtel des finances ! Que fait le Conseil d'Etat pour respecter la loi sur le travail ? ( I-2033)
Cosignataires: Jocelyne Haller, Anita Cuénod, André Hediger, Jeannine de Haller, Christian Grobet.
Interpellation de M. René Ecuyer: Subsides de l'assurance-maladie ? Les dégâts collatéraux de la LHID ! ( I-2034)
Cosignataires: Rémy Pagani, René Ecuyer, André Hediger, Jeannine de Haller, Christian Grobet.
Interpellation de M. Rémy Pagani : La Suisse aurait-elle les finances les plus "saines" d'Europe ? ( I-2035)
Cosignataires: Nicole Lavanchy, Salika Wenger, René Ecuyer, André Hediger, Jeannine de Haller.
Ces objets figureront à l'ordre du jour de notre session de février.
Le président. M. Yvan Mascotto est assermenté. (Applaudissements.)
Le président. Mme Mireille George, Mme Valérie Lauber, M. Yves Magnin, Mme Mireille Herren, Mme Alexandra Clivaz-Buttler, Mme Nicole Dournow, Mme Nathalie Landry et Mme Carole-Anne Kast, sont assermentés. (Applaudissements.)
Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : Banque Cantonale de Genève et réponse à la motion 1450 ( IUE-61)
Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Genève: record suisse de la contamination au HIV: 88 nouvelles infections annoncées pour les 12 derniers mois ( IUE-62)
Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Création d'un réseau d'urgences ( IUE-63)
Interpellation urgente écrite de Mme Alexandra Gobet Winiger : Suppression occulte de la défalcation fiscale sur les rentes LPP ( IUE-64)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que, conformément à la nouvelle teneur de l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répond par écrit, au plus tard lors de la session suivante.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Thomas Büchi nous a indiqué tout à l'heure qu'il souhaitait que cet objet soit traité en urgence en vue d'un renvoi en commission. Pour le bon ordonnancement de nos travaux, j'imagine qu'il serait peut-être plus judicieux de commencer par là et, pour ce faire, je suggère qu'un député demande formellement le renvoi en commission. Madame et Monsieur les rapporteurs, j'espère que vous ne m'en voudrez pas de ne pas vous donner la parole tout de suite, afin de régler d'abord la question de ce renvoi en commission.
Monsieur Droin, vous avez la parole.
M. Antoine Droin (S). Je demande effectivement le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits de l'Homme, suite à la discussion de tout à l'heure. Celle-ci souhaite en effet pouvoir traiter ce projet, comme cela a été évoqué lors du débat de préconsultation.
Le président. Madame Marie-Paule Blanchard-Queloz, vous avez la parole.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Je voulais demander la même chose, Monsieur le président.
M. Michel Halpérin (L). Je confirme que la commission des Droits de l'Homme recevra avec intérêt ce projet qu'elle souhaite étudier pour se faire une opinion sur l'ensemble de la politique de subvention en matière de droits de l'homme à Genève.
M. Claude Blanc (PDC). Je ne voudrais pas avoir l'air de troubler le bel accord qui a l'air de se faire dans ce Grand Conseil, au sujet du renvoi en commission de ce projet de loi... Mais je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un projet de loi qui consiste en une subvention de l'Etat doit être accepté par la commission des finances et par nulle autre ! Je ne vois donc pas comment nous pourrions renvoyer cet objet à la commission des Droits de l'Homme ! Je le répète, la commission des finances est la seule habilitée à rapporter sur un sujet de ce genre ! Monsieur le président, si vous m'écoutiez, je pourrais vous répéter que j'ai de la peine à comprendre le processus qui nous conduirait à renvoyer cet objet à la commission des Droits de l'Homme, alors que c'est la commission des finances qui traite habituellement ce genre d'objets.
Le président. Je vous remercie Monsieur le député. Détrompez-vous: je vous écoutais religieusement... (Exclamations.)Si j'ose dire ! Si j'ose dire ... (Rires.)
Cela étant, Monsieur le député, le Bureau est conscient du problème que vous soulevez. Nous avons déjà étudié cette question auparavant. Il nous semble effectivement que c'est à la commission des finances de se prononcer sur les subventions, mais - que voulez-vous ? - dans la mesure où une demande d'urgence est formulée et acceptée, dans la mesure où une demande de renvoi en commission est formulée et sera - peut-être - acceptée, c'est votre Grand Conseil qui est maître de la procédure.
En ce qui me concerne, je suis obligé de procéder aux votes en fonction de vos demandes... Quoi qu'il en soit, si ce projet devait être renvoyé en commission des Droits de l'Homme, c'est au sein de cette commission qu'il faudra être très attentif à la réserve très pertinente que vous avez émise.
M. Rémy Pagani (AdG). Certes, la commission des finances a la compétence d'attribuer les subventions... Toujours est-il qu'une demande - tout à fait légitime - est formulée par la commission des Droits de l'Homme pour superviser et approfondir ce sujet. Je trouve étonnant - et c'est peut-être une question que nous devons nous poser - que seule la commission des finances puisse traiter de cet objet, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres objets. Je pense par exemple à la halle de Palexpo. Nous avons pensé que ce sujet exigeait d'être traité par deux commissions, et nous avons décidé qu'il en serait ainsi.
Cette demande de renvoi à la commission des Droits de l'Homme n'est pas une façon de remettre en cause les compétences de la commission des finances: c'est une façon de «réparer» l'oubli qui a été fait en renvoyant directement cet objet à la commission des finances.
C'est pour cette raison qu'après en avoir discuté à notre caucus nous avons soutenu cette démarche.
M. Claude Blanc (PDC). Je suis navré de devoir insister, Monsieur le président, mais vous ne pouvez pas, légalement, renvoyer ce projet de loi à une autre commission que la commission des finances !
En effet, la loi portant règlement du Grand Conseil stipule que seule la commission des finances est habilitée à se prononcer en matière de subventions. Vous ne pouvez donc pas renvoyer cet objet à une autre commission, et vous ne pourrez pas voter, lors d'une séance ultérieure, sur un rapport de la commission des Droits de l'Homme ! Vous êtes obligés de passer par la commission des finances ! (Exclamations.)
Monsieur le président, cela ne sert à rien de faire voter sur ce sujet: c'est purement et simplement illégal ! (Rires et exclamations.)
Le président. Monsieur le député, le raisonnement est un peu plus subtil que cela... En effet, on ne peut pas exclure qu'après être passé en commission des Droits de l'Homme ce projet repasse ensuite, une nouvelle fois, en commission des finances ! Dans cette éventualité, l'argument que vous avancez serait totalement infondé...
C'est la raison pour laquelle je vous propose de procéder au vote et d'examiner ces questions, qui sont purement juridiques et purement formelles, dans un autre cadre que celui de notre auguste assemblée.
Monsieur Halpérin, je vous donne la parole. Mais brièvement, car je vous rappelle tout de même, à toutes fins utiles, qu'une demande de renvoi en commission a été formulée et qu'un seul intervenant par groupe est censé s'exprimer.
M. Michel Halpérin (L). Je voudrais simplement répondre à M. Blanc...
La commission des finances a été saisie de cet objet: la loi a donc été respectée ! Qu'une autre commission se prononce aussi ne viole rien du tout, sinon l'idée que M. Blanc se fait de la loi...
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi de ce projet de loi à la commission des Droits de l'Homme. Je vous soumets cette proposition et je vous demande de vous prononcer au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi de ce rapport à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 55 oui contre 4 non et 4 abstentions.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons l'ordre du jour normal, à savoir le point 28 de notre ordre du jour, le projet de loi 9126.
Suite de la préconsultation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, étaient déjà inscrits: M. Schmied, M. Schifferli et M. Hiler.
Monsieur le député Patrick Schmied, vous avez la parole.
M. Patrick Schmied (PDC). Ce projet de loi est une suite logique des observations faites pendant les événements autour du G8. A l'époque, le besoin de clarifier les droits et les devoirs - d'une part des organisateurs et, à leur suite, des manifestants, et, d'autre part, ceux de l'Etat et de la police - avait été unanimement ressenti comme étant criant. Ce projet de loi fournit le cadre formel nécessaire.
Pour notre part, au début, nous avons évidemment examiné ce projet de loi d'un oeil critique parce que nous craignions qu'il s'agisse d'une pure vengeance... Mais les discussions que nous avons eues à propos de ce projet de loi nous ont convaincus qu'il était parfaitement adéquat. C'est une première étape dans le processus de récupération - si j'ose dire - après le G8...
L'étape la plus importante étant, bien entendu - elle est attendue avec beaucoup d'impatience - l'étude du résultat de la commission extraparlementaire, qui nous donnera un éclairage sur la manière dont les choses se passent dans la réalité et comment elles devront se passer à l'avenir. Parce qu'il faudra bien que notre canton soit capable de faire face à ce genre de manifestations ! Il ne faudrait pas, en effet, nous retrouver à nouveau dans une ambiance de bazar, dans laquelle nous devrions faire venir M. Arbenz de Berne pour nous aider à régler nos multiples négociations...
En attendant ce rapport, nous vous demandons de renvoyer ce projet de loi en commission judiciaire, laquelle vérifiera les allégations assez violentes et les procès d'intention selon lesquels ce projet de loi voudrait interdire les manifestations. Nous sommes convaincus que les travaux de la commission montreront que ce projet de loi n'est pas liberticide et qu'il ne s'oppose pas aux manifestations ! Du reste, nous avions déjà l'intention de déposer ce projet de loi auparavant. Nous vous invitons donc à le renvoyer en commission.
M. Pierre Schifferli (UDC). Ce projet de loi nous semble bien équilibré, extrêmement modéré... (Rires et exclamations.)Finalement, il ne fait que résumer la jurisprudence du Tribunal fédéral, de la Cour européenne des droits de l'homme, c'est une codification de différents textes... C'est une codification de la pratique. Cela permet d'avoir un texte qui réunit en une seule fois tous les éléments quelque peu disparates qui doivent régir cette matière. Grâce à cela, ce texte contribuera à la sécurité juridique, autant pour la protection des citoyens que pour la protection des manifestants... (Exclamations.)
Les manifestations violentes qui se sont déroulées à Genève ont été multiples. Il n'y a pas eu seulement celle du G8... Je rappelle la manifestation qui s'est tenue en 1995 contre le défilé du régiment genevois, manifestation d'une extrême violence... Celle contre l'OMC, celle contre les délégués de l'UDC, qui s'est tenue à l'initiative de certains mouvements d'extrême gauche, lorsqu'ils se sont réunis à Palexpo en août 2000.
Nous avons vécu un certain nombre d'actes de violences condamnables, et ce texte contribuera, de manière évidente, à rétablir la sécurité du droit et à protéger les citoyens contre des événements désagréables.
Je voudrais encore dire que notre groupe est surpris, en fin de compte, que ce ne soit pas le Conseil d'Etat qui propose un tel texte, car, au fond, il a laissé traîner les choses depuis très longtemps et laissé planer un flou artistique en la matière... Personne ne sachant vraiment quels étaient les droits des manifestants et ceux de la police ! Finalement, le nombre de manifestations violentes a accru le malaise au sein de la police, certes, mais la police se trouvait aussi dans une situation de malaise, les citoyens aussi, les citoyens manifestants également, parce que notre gouvernement n'a simplement pas pris la peine de rassembler - et il aurait pu le faire depuis longtemps - dans un texte unique ce que je considère être les droits et aussi les devoirs des citoyens manifestants.
Nous sommes donc très contents qu'un tel texte puisse vous être présenté. Nous regrettons simplement que le Conseil d'Etat, dont c'est la mission d'assurer la sécurité des biens et des personnes, n'ait pas déjà présenté un tel texte... Il y a longtemps qu'il aurait dû le faire, même avant l'annonce de toutes ces manifestations !
Nous vous demandons donc de renvoyer ce texte en commission des droits politiques. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est donnée à M. Hiler... qui est absent... Et qui est remplacé par M. Hodgers.
M. Antonio Hodgers (Ve). Merci, Monsieur le président. Je remplace effectivement mon collègue Hiler au pied levé...
Mesdames et Messieurs les députés, les Verts conviennent que c'est peut être une bonne chose de légiférer s'agissant des manifestations dans le domaine public. Dans le fond, légiférer en la matière est une opportunité de souligner ce droit fondamental qui relève de la liberté d'expression et de la liberté de réunion. Et, à ce titre, une loi sur les manifestations ne peut que confirmer le droit de tout citoyen à manifester... Cette légitimité s'accompagne également d'un cadre, car tout droit fondamental doit être cadré. A ce niveau-là, nous sommes tout à fait d'accord sur le principe.
Cependant, ce projet de loi - cela a été dit - comporte quelques points qui posent problème.
Le premier est celui de la redondance, voire parfois de la récurrence vis-à-vis du droit pénal supérieur, et, à ce niveau-là, les articles comportent de nombreux exemples démontrant que, finalement, la situation prévue dans ce projet de loi est soit déjà pleinement couverte par le droit fédéral soit, même parfois, un peu contradictoire...
Autre problème que je vois quant à ce projet de loi - plutôt d'ordre philosophique, mais il a son importance - c'est que son intitulé: «projet de loi sur les manifestations sur le domaine public» ne se réfère qu'aux manifestations d'ordre politique... Il y aurait à Genève deux régimes en ce qui concerne les manifestations: culturelles, sportives, artistiques et autres, et les manifestations politiques... Mesdames et Messieurs de l'Entente, faire une distinction entre les différentes sortes de manifestations est le propre des régimes autoritaires ! L'Histoire le montre ! Prenons, par exemple, le cas de la Chine. Le mouvement du Falon Gong - que ce parlement connaît bien - mouvement d'exercices physiques, de philosophie, est devenu, par la bande, un mouvement politique d'opposition, justement parce que les régimes sont différents selon les types de manifestations. C'est un élément du projet de loi qui me paraît dangereux et, en tout cas, liberticide.
Et puis, ce projet de loi souffre aussi d'une maladie qui est liée à son contexte de création: je veux parler du G8. Je l'ai dit tout à l'heure: rédiger un texte de loi sur les manifestations me semble pertinent sur le principe. Mais ce projet de loi a été élaboré spécialement pour répondre à l'évènement du G8 que Genève a connu début juin, alors que ce type d'événements sont tout à fait exceptionnels dans l'histoire de cette République et qu'ils ne se reproduiront très certainement pas avant longtemps.
Enfin, ce projet de loi induit un autre risque: à force de vouloir charger la responsabilité de l'organisateur, il pourrait ne plus y en avoir... En effet, si votre but est de cadrer davantage les manifestations à travers toute une série de procédures légales allant dans ce sens, nous risquons d'arriver à une situation où les gens n'oseront tout simplement même plus faire une demande d'autorisation de manifestation, tant leur responsabilité sera devenue importante. Dès lors, les manifestations pourraient quand même avoir lieu, mais de manière complètement déstructurée, puisque personne ne voudra plus se mettre au-devant de la scène pour assumer cette responsabilité. C'est un risque dont vous devrez tenir compte, quand nous débattrons de ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons été saisis de demandes de renvoi de ce projet de loi dans deux commissions différentes. Je vous soumetts ces propositions l'une après l'autre et vous prie de vous prononcer à main levée. La plupart des groupes ont demandé que ce projet de loi soit renvoyé en commission judiciaire et un groupe a souhaité qu'il soit renvoyé en commission des droits politiques.
Je vous soumets donc d'abord la proposition de renvoyer ce projet de loi à la commission judiciaire. Si cette proposition est acceptée, l'autre sera sans objet.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet à la commission judiciaire est adopté.
Le président. Je dois dire que j'ai un peu de peine à comprendre pourquoi des personnes qui ont demandé le renvoi d'un projet dans une commission ne votent pas pour ce renvoi... Enfin, bref ! Toujours est-il que ce projet de loi est renvoyé à la commission judiciaire. Nous passons maintenant au point 29 de notre ordre du jour.
Premier débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur. J'interviendrai brièvement, Monsieur le président... J'imagine que tout le monde a mon rapport à l'esprit, puisqu'il date de novembre 2002.
Il s'agit d'abroger des lois genevoises qui sont contraires au droit fédéral et qui, pour ce motif d'ailleurs, n'ont jamais été promulguées. Un large accord s'est fait autour de ce projet en commission législative. Toutefois, il y a eu une abstention socialiste pour que l'on rappelle, dans les motifs à l'appui du rapport, l'existence de la commission des Droits de l'Homme, ce qui a été fait - de façon loyale, je l'espère, Madame Bolay. Il y a eu également un vote négatif «Verts»... Les Verts nous ont annonçé un rapport de minorité, mais ils ont renoncé à ce dernier... J'en déduis que, dans un mouvement de sagesse, ils ont adhéré à la position de la majorité...
Je propose donc l'adoption de ce rapport, Monsieur le président.
M. Christian Bavarel (Ve). Les choses se sont passées d'une manière un peu bizarre...
Si j'ai renoncé à faire un rapport de minorité, c'est simplement parce que je pense que nous n'avons pas suffisamment étudié ce sujet...
Le projet de loi de l'époque avait été signé - je dirai - par l'extrême centre ou un centre élargi... Les signataires du projet d'origine étaient Elisabeth Reusse-Decrey, Marie-Françoise de Tassigny, Fabienne Bugnon, Jeannine de Haller et Pierre-François Unger. Cela montre la large base sur laquelle ce projet de loi avait été établi.
Le Conseil d'Etat nous avait proposé d'apporter un amendement à cette loi, car celle-ci avait été adoptée par le Grand Conseil, mais elle n'a jamais été promulguée.
Il s'est passé la chose suivante en commission: un commissaire a proposé de faire un amendement général consistant à abolir la loi. La méthode me paraît quelque peu curieuse, dans le sens où nous n'avons pas pris le temps d'étudier réellement la portée de ce projet de loi, si cela pouvait fonctionner, de quelle manière... On s'est contenté de proposer de supprimer la loi !
En ce qui me concerne, je suggère que nous étudions ce projet pour qu'on sache s'il faut effectivement abroger cette loi, l'amender comme le proposait le Conseil d'Etat...
J'ai en effet trouvé que la méthode était quelque peu cavalière, et je vous demande donc de renvoyer ce projet de loi en commission pour qu'il y soit étudié sérieusement et pour examiner si le petit amendement proposé par le Conseil d'Etat est applicable - c'est du reste pour cela qu'il avait été renvoyé à la commission législative.
Je souhaite que ce projet de loi soit maintenant renvoyé dans une commission qui puisse se pencher sur ce problème... Et je vous propose de le renvoyer, ainsi que le projet de loi sur l'asile, à la commission des Droits de l'Homme.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission... Je rappelle qu'un seul député par groupe peut s'exprimer sur cet objet.
Mme Loly Bolay (S). Nous sommes opposés au renvoi de ce projet en commission.
J'aimerais au préalable intervenir sur le fond de cette problématique, très brièvement, Monsieur le président, dans la mesure où le groupe socialiste a émis une réserve quant au vote de ce projet de loi, c'est-à-dire à condition que les cas dits «humanitaires» soient traités par la commission des Droits de l'Homme.
Je rappelle à ce sujet que celle-ci n'existait pas à l'époque où le projet 7813 a été voté, ainsi que le projet de loi 7814 qui lui est étroitement lié.
La commission humanitaire, qui avait été créée par le projet de loi 7813, n'a jamais vu le jour, parce que l'Office des réfugiés avait contesté sa compatibilité avec le droit supérieur - le droit fédéral. Cette commission devait être une commission extraparlementaire qui n'avait aucune compétence ni pour traiter de ces procédures ni pour les suspendre.
C'est pourquoi le groupe socialiste a dit en commission - c'est du reste indiqué dans le rapport et j'en remercie M. Luscher - qu'il s'abstenait parce qu'il voulait que les cas dits «humanitaires» soient repris par l'actuelle commission des Droits de l'Homme qui a beaucoup plus de compétences que cette commission extraparlementaire qui n'a jamais vu le jour...
En ce qui concerne le projet de loi 7814, il faut dire que les permis humanitaires n'existent plus à l'heure actuelle... La loi fédérale a changé. Il ne s'agit donc plus de permis "B" humanitaires, mais de permis "F". Et nous n'avons aucune compétence, ici à Genève, pour délivrer ces permis.
Voilà, Monsieur le président, ce que je voulais dire. Je confirme donc que les socialistes vont s'abstenir sur les deux projets de lois.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. A propos du renvoi en commission, je suis d'accord avec ce que vient de dire Mme Bolay, pour deux raisons.
D'abord, parce qu'il s'agit d'elle, et, ensuite, parce que le renvoi en commission serait totalement inutile, dans la mesure où il s'agirait de traiter un amendement du Conseil d'Etat qui demandait à ce que la loi soit, en fait, limitée aux cas des renvois relevant de la compétence cantonale sans application du droit fédéral. Or, la commission a constaté de manière unanime que la commission devrait appliquer le droit fédéral dans tous les cas, que ce soit pour la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers ou encore - pour l'autre projet de loi - la loi sur l'asile. De toute façon, dans les deux cas, cette commission cantonale ne pourrait ni siéger ni appliquer le droit cantonal: elle n'aurait en fait aucune compétence !
Comme l'a d'ailleurs relevé un des commissaires, ces deux projets de lois, qui n'ont jamais abouti à une promulgation de la loi, étaient une forme de «blanchiment de conscience» à une époque où la commission des Droits de l'Homme n'existait pas. Dès l'instant où cette dernière a été créée, il faut effectivement constater que ces deux lois ne servent strictement à rien.
Le Grand Conseil est donc parfaitement à même de trancher cette question ce soir. C'est la raison pour laquelle je m'oppose également au renvoi en commission.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je veux juste confirmer ce qui vient d'être dit par M. Luscher et Mme Bolay... Dire qu'à l'époque le Conseil d'Etat avait souhaité faire un amendement pour pouvoir appliquer la loi sur le plan cantonal n'est tout simplement pas réaliste... La sagesse impose de suivre les conclusions du rapporteur et de la majorité de la commission.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets tout d'abord la proposition formulée par M. Bavarel de renvoyer ce projet de loi à la commission des Droits de l'Homme. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi 8750-A à la commission des Droits de l'Homme (droit de la personne) est rejeté par 37 non contre 17 oui et 15 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons nos débats... La parole n'étant pas demandée, je vous fais voter sur la prise en considération de ce projet de loi, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 40 oui contre 15 non et 12 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Monsieur Luscher, vous avez la parole.
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je ne suis pas sûr de bien avoir compris ce que vous avez dit, Monsieur le président... Je ne voudrais pas qu'on commette un impair, dans ce sens qu'un amendement a été déposé en commission visant à abroger complètement la loi. L'article 4A ne doit donc pas être adopté... Je présente donc formellement l'amendement de la majorité de la commission législative visant à adopter l'article 1, dont la teneur est la suivante: «La loi 7813 du 17 mai 2001, modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988 est abrogée.»
Le président. Vous avez raison, Monsieur le rapporteur. Mais je ne vais pas faire voter votre amendement, parce qu'il est en réalité contenu dans le titre et le préambule qui ont été adoptés.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8750 est adoptée article par article.
Mise aux voix, la loi 8750 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 30 oui contre 10 non et 25 abstentions.
Premier débat
M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je voudrais simplement dire qu'il s'agit exactement du même problème que pour la loi précédente: la suppression de la commission humanitaire. Un amendement a également été présenté en commission visant à abroger la loi qui n'a pas été promulguée, pour les mêmes motifs... D'ailleurs, ceux qui auront lu les rapports constateront que les motifs sont les mêmes.
La loi 8751 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.
Premier débat
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur. Ce projet de loi - déposé notamment par l'Alternative, mais qui, en fait, est un projet de loi interpartis - a reçu un bon accueil au sein de la commission. On peut même dire qu'il est apolitique. Cette modification de loi, qui de toute manière était nécessaire, est proposée dans un esprit de consensus. Elle vise essentiellement à lutter contre la consommation compulsive d'alcool chez les jeunes.
Le projet initial allait assez loin, et la commission l'a restreint dans une dimension que tout le monde ne juge pas acceptable. Au terme des travaux, les commissaires présents ont considéré par sept voix contre deux abstentions que l'intérêt général que constitue la santé publique l'emportait sur une liberté fondamentale, en l'occurrence la liberté de commerce. Et je tiens à rappeler que cette modification légale a obtenu le soutien, d'une part, des deux départements du Conseil d'Etat concernés, à savoir le département de l'action sociale et de la santé et le département de justice, police et sécurité, et, d'autre part, du procureur.
En parallèle à la modification de cette loi, le Conseil national a voté à la fin du mois de septembre une augmentation de 400 % des droits sur l'alcool pour les alcopops, afin de dissuader les jeunes d'en consommer - puisque le Conseil fédéral nous informe qu'en l'espace de trois ans, la consommation d'alcopops est passée d'un million à quarante millions de bouteilles, soit une augmentation de consommation de 4000 %. A l'époque, Mme la conseillère fédérale Ruth Metzler avait clairement dit qu'il ne s'agissait pas de remplir les caisses de la Confédération, mais bien de protéger la jeunesse et de freiner leur consommation.
Ici, le but de ce projet de loi est également de protéger les jeunes de la consommation compulsive d'alcool et vise uniquement à restreindre la vente à l'emporter. C'est le seul domaine de vente concerné, il se limite donc essentiellement aux stations services.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le travail en commission, lors de l'étude du projet de loi qui nous occupe ce soir, fut aussi intéressant que constructif. En effet, tous les commissaires, conscients ou sensibilisés durant les travaux à la problématique de la consommation d'alcool chez les jeunes, ont cherché au travers de cette loi à rendre l'accès à l'alcool plus difficile pour les mineurs. Si les supermarchés respectent relativement consciencieusement l'interdiction de la vente d'alcool aux jeunes, le constat est bien différent dans d'autres commerces, tels les stations services, les commerces de location de films et les kiosques. Par cette loi, nous corrigeons quelques aberrations, comme la vente d'alcool dans les stations services. On vise ici deux cibles: l'alcool au volant et la consommation d'alcools chez les jeunes, ces commerces étant souvent cités comme beaucoup trop faciles d'accès pour eux.
Un autre type de magasins pose problème: les kiosques, tels qu'on en voit fleurir aux alentours de Rive et des Eaux-Vives, ouverts tard la nuit, où il est facile pour les mineurs de s'approvisionner en alcools de tous genres, mais surtout en alcopops, en alcools forts et en bières. Avec cette loi, ces magasins, comme les autres, sont évidemment toujours tenus de ne pas vendre d'alcools aux jeunes, mais également de ne plus en vendre à partir de 21h. Cette loi n'est donc qu'une réponse parmi d'autres.
L'augmentation de la consommation d'alcool chez les jeunes est un problème qui mérite une réflexion pluridisciplinaire et des réponses multiples. Les jeunes, voire très jeunes garçons et filles confondus boivent toujours plus, selon une enquête de l'Institut suisse de la prévention de l'alcoolisme. Ils boivent aussi de manière compulsive, allant parfois jusqu'au coma éthylique. Cette consommation effrénée est le signe d'un malaise qu'il faut se donner la peine d'écouter, de comprendre et de prendre en compte, sans banaliser ni criminaliser. Nous devons également agir en donnant des moyens suffisants à la prévention: des campagnes de sensibilisation ainsi qu'un travail éducatif dans les écoles et auprès des familles sont absolument indispensables.
En conclusion, les Verts vous encouragent à voter la loi qui nous est soumise ce soir.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'ont dit tant le rapporteur de majorité que Mme Wisard, ce projet de loi tendait au début à restreindre l'accessibilité à l'alcool en diminuant les ventes à l'emporter de boissons alcooliques. Sachant que ce projet vise en particulier les jeunes et que, bien sûr, à travers les jeunes, on touche également d'autres personnes - puisque le problème de l'alcool est un véritable problème de santé publique - il s'agissait surtout d'interdire la vente d'alcools dans les stations services et dans les commerces qui n'ont pas comme vocation première de vendre de l'alcool ou des produits alimentaires, tels que les commerces de location ou de vente de vidéo.
Pourquoi restreindre l'accessibilité à l'alcool ? On sait que le comportement des consommateurs et consommatrices dans ce domaine est modulé par différents facteurs que sont l'influence du milieu social, les caractéristiques de la personnalité, l'éducation, mais aussi par les mesures d'ordre structurel que sont celles liées au prix, à la présentation des boissons, à la limitation de la vente en fonction de l'âge, à la publicité, etc. Il était donc important de prendre des mesures aussi à ce niveau-là et de ne pas agir seulement au niveau de l'éducation.
Rappelons que des études toutes récentes ont montré que la consommation d'alcool a augmenté chez les jeunes, en particulier chez ceux de 15-16 ans, dans des proportions assez importantes. Environ 40 % de ces jeunes consomment de l'alcool plusieurs fois par semaine et ont eu deux états d'ivresse dans leur vie, si ce n'est plus. Il est donc particulièrement important d'essayer, pour cette tranche d'âge, de restreindre la disponibilité des points de vente d'alcool, surtout le soir. Que consomment les jeunes ? Ils consomment de la bière, qui reste leur boisson de prédilection, à quoi s'ajoutent les fameux alcopops dont nous parlions tout à l'heure et qui, heureusement, vont être soumis à une taxe importante qui contribuera effectivement à en limiter l'attractivité. A cela s'ajoutent encore les boissons spiritueuses dont le prix a baissé, et qui sont, de fait, beaucoup plus accessibles, en particulier pour les jeunes.
Pour revenir au projet de loi qui nous occupe, après un débat assez nourri, documenté et intéressant, l'ensemble de la commission a donné son accord à l'unanimité pour une entrée en matière sur ce projet. Puis ce fut le DASS et le DJPS qui, à travers M. Unger et Mme Spoerri, ont collaboré de façon fructueuse pour nous proposer un certain nombre d'amendements. Les deux innovations principales de ce projet de loi concernent l'article 4 qui interdit la vente d'alcool dans les stations services et dans les commerces qui n'ont pas comme vocation la vente d'alcool, et l'article 11 qui restreint les heures de vente d'alcool pendant la nuit. Celui-ci touche les petits magasins qu'on appelle «les dépanneurs» qui, justement, sont ceux auprès desquels les jeunes visés se fournissent en alcool. De plus, à cause des regroupements parfois importants qui se forment autour de ces magasins, les gens du voisinage peuvent ressentir parfois une certaine forme d'insécurité.
Je crois qu'il est important de voter ce soir ce projet de loi, et je tiens aussi à saluer les contributions précieuses des deux départements qui nous ont permis de toiletter cette loi, de la rendre conforme au droit fédéral et à la réalité actuelle. Je vous engage donc à accepter ce projet tel qu'il est sorti de commission.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, l'être humain entretient en général des relations sympathiques avec l'alcool. Ce dernier peut-être une belle et bonne chose lorsqu'il est absorbé avec modération. Consommé avec accès, il devient dangereux, et il est dès lors impératif d'en réglementer l'accès. Ce n'est pas l'alcool qu'il faut combattre, c'est son abus.
Une voix. Ah !...
Mme Jocelyne Haller. Je pensais bien qu'il y aurait quelques approbations, Monsieur Serex !
On se rend compte que de plus en plus de gens, plus particulièrement de plus en plus de jeunes sont portés à rechercher un effet anxiolytique dans l'alcool. Nous le savons: quoi que l'on recherche dans l'alcool, pour quelque raison que ce soit, le résultat est un leurre, une mauvaise réponse qui ne tarde généralement pas à présenter sa lourde facture.
C'est pourquoi les membres de la commission de la santé n'ont pas voulu cautionner plus longtemps ces distortions qui font que des établissements dont la vocation est autre se trouvent autorisés à vendre de l'alcool, notamment les stations services et les vidéo-clubs. Il y a là une forme d'hypocrisie à laisser perdurer une sorte de détournement de la volonté du législateur, et c'est pourquoi la commission de la santé vous propose de remettre la vente d'alcool là où il est pertinent qu'elle se trouve, et dans les tranches horaires ou elle est opportune. Par là, elle souhaite empêcher et freiner ce que l'on nomme communément «les consommations compulsives», ou ces boissons que l'on veut laisser croire anodines à force de les rendre facilement accessibles, goûteuses et parées de la vertu d'une fausse innocuité - je veux parler bien entendu des alcopops. Ce projet de loi présente également l'avantage de procéder à un certain nombre de toilettages qui s'imposaient. Pour ces motifs, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre le vote de la commission de la santé et à accepter ce projet de loi.
La présidente. Je vous remercie et donne maintenant la parole à M. le député Sérex.
Des voix. Ah!
M. Louis Serex (R). Merci, chère Vice-présidente! Et cela me fait plaisir de vous saluer !
Chers collègues, ma mission est peut-être impossible, mais chacun dans ce parlement est amené à défendre son lobby. Permettez donc au président sortant des vignerons genevois d'être un peu surpris par ce projet de loi, qui veut peut-être donner bonne conscience à certaines personnes.
Je connais un vigneron qui a eu quatre enfants, devenus adolescents, qui ont vécu à côté d'une cave de 60 000 litres, avec des alcools forts, des bons vins du terroir, et jamais ces enfants n'ont eu de problèmes de santé, de problèmes de comportement, de problèmes de circulation.
Si l'on faisait une loi à chaque fois que l'on veut débarrasser parents et citoyens du sens des responsabilités, alors, on devrait promulguer une loi, Monsieur le ministre de la santé, qui interdise de fumer ! Et même une loi qui supprime les Eglises, puisque - excusez-moi ! - les guerres de religion en ont causé, des morts !
Moi, j'aimerais qu'on déchire ce projet de loi, qu'on le mette à la poubelle et qu'on laisse le statu quo !
M. Claude Blanc (PDC). Je ne pense pas que M. Serex ait voulu dire que les Eglise étant l'opium du peuple, il fallait les supprimer au nom du marxisme-léninisme... Je ne pense pas que c'est cela que vous avez voulu dire, mon cher collègue !
Je regrette simplement que ce projet de loi mélange tout et que, lorsqu'on parle d'alcool, on parle indifféremment des alcopops, du vin blanc, du vin rouge et de la bière. Je voudrais tout de même essayer de vous faire comprendre, Mesdames et Messieurs les députés, que ça n'est pas la même chose. Mme Fehlmann Rielle, qui est une fervente militante de la lutte antialcoolique, l'a dit elle-même: dans son intervention, elle a fait allusion aux alcools distillés, et non aux alcools fermentés. Ce qui dérange un certain nombre de députés, c'est que les membres de la commission aient tout mélangé dans l'alinéa 1 de l'article 4. Vous ne pouvez pas mettre sur le même pied les boissons distillées et fermentées; il faut donc absolument que la commission revoie sa position à ce sujet-là.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai de renvoyer ce projet en commission, pour qu'elle réétudie cette différence qu'il y a entre les boissons distillées et les boissons fermentées que sont le vin et la bière. Vous ne pouvez pas mettre ces deux choses sur le même pied, et je vous demande instamment, Mesdames et Messieurs les députés, de retourner ce projet en commission, pour que celle-ci essaie de faire la différence entre les deux, entre ce qui est vraiment mauvais et ce qui fait partie de notre civilisation. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais vous dire !
La présidente. Monsieur le député, vous avez proposé un renvoi en commission. Chaque groupe a donc droit à cinq minutes pour s'exprimer sur la question du renvoi. Madame la députée Loly Bolay, je vous cède la parole.
Mme Loly Bolay (S). Merci, Madame la présidente. Le groupe socialiste est opposé au renvoi en commission. Il me semble que ce serait faire fi de l'excellent travail effectué par la commission de la santé, et je ne vois pas du tout en quoi ce retour en commission réglerait quelque problème que ce soit. Je crois que M. Blanc a mal interprété la loi.
Je voudrais, si vous le permettez, Madame la présidente, en tant que signataire de ce projet de loi, remercier la commission pour le travail qu'elle a réalisé et dire aussi que cette loi est une volonté de mettre en conformité la loi genevoise avec l'ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires, qui interdit désormais la vente d'alcool aux moins de 16 ans.
J'aimerais quand même revenir sur le propos de M. Serex. Je crois que M. Serex n'a absolument pas compris cette loi !
Monsieur Serex, j'aimerais vous rappeler quelque chose: il y a, à Genève, 2500 établissements connus et reconnus. Vous livrez vous-même à certains d'entre eux votre excellent vin. Si vous avez lu la «Tribune de Genève» la semaine dernière, vous savez qu'aujourd'hui les restaurateurs se plaignent de la concurrence. Il y a à Genève, chaque année, cinq à six cents établissements qui changent de nom ou qui font faillite. Pourquoi ces établissements font-ils faillite ? Parce que la concurrence est beaucoup trop grande et qu'aujourd'hui, justement, on peut s'abreuver en toute quiétude dans les stations services - et vous le savez vous-même ! - qui sont ouvertes la nuit et semblables à de véritables hypermarchés. Or, ces mêmes stations services ne sont pas au bénéfice d'un certificat de capacité. Et qui profite de cela ? Ce sont les grandes compagnies pétrolières, qui font une concurrence déloyale aux petits bistrots du coin. Il y a également les magasins de location de vidéos et les petites épiceries, qui proposent souvent, derrière la boutique, de petits bistrots, dont personne ne connaît le fonctionnement.
Le canton de Genève se devait de légiférer en la matière, Mesdames et Messieurs les députés, tout comme les autres cantons romands l'ont fait. Je vous signale que le canton de Vaud a légiféré, le canton de Fribourg également, et Genève se devait de le faire.
Je me réjouis, car j'ai vu que deux conseillers d'Etat avaient suivi les travaux de cette commission, soit le président du département de l'action sociale et de la santé et la présidente du département de justice, police et sécurité. Cependant, Madame la présidente, j'espère qu'il y aura quand même des contrôles, car il ne sert à rien que ce Grand Conseil vote une loi, qu'il légifère, qu'il y consacre de nombreuses séances, si des contrôles - et des contrôles sévères - ne sont pas systématiquement faits dans ces endroits-là.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que, à la suite de ma collègue Laurence Fehlmann Rielle, les socialistes ne sont pas d'accord avec ce renvoi en commission et qu'ils vous proposent de voter ce projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de la commission de la santé.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
M. Claude Aubert (L). En ce qui concerne le renvoi en commission, les libéraux se sentent un peu empruntés, cela pour la raison suivante. Comme l'a dit le rapporteur, deux séances ont été consacrées à ce projet. Or, à la dernière séance, aucun libéral n'était présent. Nous avions annoncé notre absence, mais la commission n'a pas daigné attendre que nous soyons présents pour procéder au vote. Nous sommes donc favorables à un renvoi en commission, puisque, tout simplement, nous n'avons pas pu nous exprimer.
Par ailleurs, ce projet de loi ne nous paraît pas suffisamment harmonieux. En effet, si l'on s'engage dans une politique de restriction de la vente, il faudrait une égalité de traitement. Nous voyons donc d'un très mauvais oeil le fait qu'on interdise à une station service de vendre de l'alcool, alors que le kiosque d'en face peut le faire. Je vous rappelle que le titre du projet de loi inclut les kiosques, et que nous n'en avons plus parlé. La commission est allée soit trop loin, soit pas suffisamment. Par conséquent, et étant donné que la commission n'a pas souhaité que les libéraux soient là pour le vote final, nous demandons également le renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG). Ce qui est en train de se passer est assez étonnant: certaines personnes, qui ont des intérêts particuliers dans la vente ou la fabrication d'alcool, viennent nous dire qu'il y a des difficultés. M. Blanc - qui n'est pas producteur d'alcool, effectivement - a bien résumé la situation, en regrettant simplement qu'on n'ait pas fait la différence entre les alcools distillés et fermentés.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut, un jour ou l'autre, prendre ses responsabilités ! Nous avons tous vu dans les magasins un certain nombre de petites bouteilles, apparentées à d'autres petites bouteilles dont je ne signalerai pas la marque - je ne veux pas faire de la publicité - et qui sont présentées aux jeunes comme des boissons non-alcoolisées. Il y a tricherie ! On fait en sorte de vendre de l'alcool fort à des jeunes qui n'ont pas l'impression de boire de l'alcool fort.
C'est ça, la différence, Monsieur Blanc! Vous avez beau dire qu'il faut distinguer alcools distillés et fermentés, pour nous, il faut que le jeune, comme l'a dit M. Serex, soit mis devant ses responsabilités: s'il veut réellement consommer de l'alcool fort, il faut que ce soit par choix et non qu'on le trompe en lui présentant un objet de consommation qui ressemble à tout autre produit sans alcool. Nous ne voulons pas qu'il se retrouve ensuite avec de l'alcool dans les mains, qu'il y prenne y goût et que surviennent les dérives. C'est sur cela qu'il faut légiférer.
Comme beaucoup parmi vous, je suis partagé entre prévention et répression, et choisis généralement la prévention et les conseils. En l'occurrence, les producteurs de boissons trompent l'ensemble des jeunes en essayant d'actualiser, de rendre plus «pop» de l'alcool fort. C'est inadmissible ! Le nombre de degrés n'est même pas inférieur, c'est vraiment de l'alcool fort qui est travesti. En ce sens-là, vous avez - nous avons ! - la responsabilité d'éviter que la majorité des jeunes n'accède aussi facilement, sans s'en rendre compte, à de l'alcool fort.
Si vous renvoyez aujourd'hui ce projet en commission, vous permettrez à d'autres jeunes de tomber dans ce système infernal qui conduit bien souvent à la maladie, bien souvent à la misère sociale.
Je vous invite donc à prendre vos responsabilité. Même si cette loi est discutable, comme n'importe quelle autre autre loi, le principal aujourd'hui est de mettre fin à ces mensonges, à cette tromperie mise en place pour vendre de la marchandise à tout prix à une jeunesse qui n'est souvent pas informée sur ce que contiennent ces boissons.
M. Louis Serex (R). Chers collègues, j'ai écouté avec attention le discours de mon collègue Blanc et de mon collègue libéral. Le groupe radical soutient le renvoi du projet de loi en commission.
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur. Nous avons entendu un député radical très idéaliste. Je crois cependant que la réalité de la campagne est très différente de celle de la ville.
Il n'y a plus cette responsabilité des parents vis-à-vis des enfants. J'en discutais ce week-end avec ma nièce de dix-sept ans... Je rappelle qu'il y a eu deux faits graves au «Macumba» il y a dix jours, vous feriez bien de vous renseigner. (Commentaires.)C'est en France, mais beaucoup de nos ressortissants y vont, n'est-ce pas ?
Or, si vous discutez avec les jeunes, ils vous diront qu'ils estiment eux aussi que l'accès à l'alcool est beaucoup trop facile. Ce n'est pas l'alcool que vous vendez qui est mis en cause, Messieurs les vignerons, mais l'accès à un autre type d'alcool. Vous savez très bien - je crois qu'on ne peut pas le nier - que la consommation d'alcool et l'alcoolémie commencent par la bière. Et les jeunes, en fin de semaine, pour décompresser, consomment de l'alcool de façon excessive, jusqu'à l'enivrement... Telle est la réalité ! Il n'y a aucun contrôle. On laisse entrer en discothèque des jeunes de seize ans, avec un accès facile à l'alcool. C'est un autre aspect du problème.
Dans ce projet, on ne traite qu'un seul aspect du problème: il s'agit de limiter cet accès à l'alcool dans certains types d'établissements. Et pour répondre à M. Aubert, qui confond réglementation et interdiction, je dirai qu'on réglemente l'accès ou la vente à l'emporter dans un certain nombre d'établissements et qu'on l'interdit dans un certain type d'établissements. Ce sont deux choses différentes. Ne confondons pas réglementation et interdiction !
Concernant M. Blanc, je le comprends ! Il est consommateur de blanc au Café de Mategnin; il est un habitué, et je comprends qu'il se fasse du souci. Mais, comme vous n'emportez pas de boissons, rassurez-vous Monsieur Blanc, vous n'êtes pas concerné, d'autant moins que la loi concerne les jeunes ! (Rires.)
J'aimerais quand même revenir sur le fond du problème, soit sur l'article 4. L'interdiction dans les stations services et les commerces de vente et location de cassettes vidéo - et ce sont les deux seuls types d'établissements auxquels s'applique l'interdiction - a été votée à l'unanimité: un UDC, un libéral, deux PDC, trois socialistes, deux AdG, deux Verts... Bon, il n'y avait pas de radicaux, mais les absents ont toujours tort ! Vous n'étiez pas en commission, tant pis pour vous !
Je vous propose de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Sont encore inscrits Mme Jocelyne Haller et M. René Desbaillets. Je ne leur donnerai pas la parole maintenant, puisque nous sommes en procédure de renvoi en commission et que tous les groupes ont pu s'exprimer. Nous allons donc voter sur le renvoi en commission et s'il est refusé, je céderai la parole aux députés qui l'ont demandée. Nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé est rejeté par 37 non contre 25 oui et 6 abstentions.
Le président. Nous poursuivons donc nos débats. Je donne la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Excusez-moi, Monsieur le président, c'était sur le renvoi en commission que je voulais m'exprimer ! Je reviendrai sur cette question tout à l'heure.
Le président. Très bien ! Je donne la parole à M. René Desbaillets.
M. René Desbaillets (L). Merci, Monsieur le président ! Vous me prenez un peu au dépourvu, je voulais surtout m'exprimer sur le renvoi en commission.
Concernant le projet de loi, je constate qu'il existe à l'heure actuelle une loi claire, qui stipule que la vente d'alcools fermentés est interdite aux mineurs, soit à ceux de moins de 18 ans, et que la vente d'alcools distillés est interdite aux jeunes de moins de 16 ans. Et si l'on n'est pas capable de faire appliquer une loi qui existe, je ne vois pas comment on en fera appliquer une nouvelle, qui est quasiment la même que la précédente, si ce n'est qu'on étend un peu l'interdiction.
Prenons nos responsabilités, messieurs-dames ! Il est très facile d'effectuer des contrôles pour savoir ce qui a été vendu dans les magasins, les stations services ou même les squatts ! Parce que j'ai appris que les plus grands consommateurs et vendeurs d'alcool sont souvent des squatts, qui sont interdits et n'ont même pas de patente ! (Protestations.)Il faut donc commencer par faire appliquer la loi pour tout le monde ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Et si l'on constate, quand cette loi sera appliquée, que trop de jeunes dérivent encore dans l'alcool, ce sera bien assez tôt pour préparer une nouvelle loi !
Pour l'instant, je m'en tiens là. Je ne voudrais pas qu'on m'accuse, en se fondant sur l'article 24, de défendre ma profession... Vous avez tous reçu un e-mailpar lequel d'éminents médecins du monde entier affirment que la consommation de deux à trois verres de vin par jour est la meilleure protection contre les maladies coronariennes, le cancer, etc. On discute à l'heure actuelle des moyens de réduire les frais de la médecine... Pour réduire les frais médicaux, il faut commencer par encourager les gens à boire deux à trois litres de bon vin...
Une voix. Des litres ?
M. René Desbaillets. Des verres, bien sûr ! (Rires. Le président agite la cloche.)On n'a pas l'habitude des mêmes mesures, je rectifie donc. C'est deux à trois décilitres de vin par jour qui sont recommandés...
Des voix. Ah !
M. René Desbaillets. Mais, je le spécifie, ce doit être du bon vin !
Une voix. Du «Domaine des Abeilles» !
M. René Desbaillets. La provenance m'importe peu, pourvu que ce soit du bon vin !
Ce qu'il y a de grave à l'heure actuelle, c'est que toute la publicité qui paraît dans les journaux, celle pour les grandes surfaces notamment, ne concerne que les vins les moins chers possible, à tel point qu'on vante des bouteilles de vin à quasiment un euro - de la piquette dégueulasse que l'on boit pour se saoûler ! Mais si l'on achète des bons vins et qu'on en consomme deux à trois verres par jour, on se fait du bien, on fait du bien à la nature. Grâce aux régions viticoles, aux terroirs tels que le Lavaux, grâce à tous nos côteaux, on préserve la nature ! (Brouhaha.)Et la nature, c'est également le tourisme !
Je crois qu'on ne peut pas tout interdire en Suisse... Ceux qui proposent cette loi ont quelque chose d'autre derrière la tête. C'est le début de la prohibition... (Remarque.)Oui, Madame Fehlmann Rielle, c'est le début de la prohibition !
Alors, appliquons les lois existantes, et n'ayons pas peur de mettre à l'amende ceux qui ne respectent pas ces lois !
Je vous donnerai juste un petit exemple - puisque ce sujet figure au point 100 notre ordre du jour - on va voter un crédit de cinq millions pour nettoyer les tags, mais on ne propose pas d'interdire la vente de la peinture ! (Protestations.)
Une voix. Il faudrait le faire ! (Le président agite la cloche.)
M. René Desbaillets. Alors, faisons la même chose !
Pour l'instant, on n'a pas encore déposé les amendements - moi, les formalités... - mais ce qui est certain, c'est qu'il faut établir une différence entre les alcools distillés et les alcools fermentés. Tout le problème est là: les alcools fermentés, consommés par les jeunes et les moins jeunes, ont beaucoup moins d'effets que les alcools distillés. (Applaudissements. Quelques députés chantent:« Il est des nôtres, il a bu son verre comme les autres...». )
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! Je vois qu'il y a de l'ambiance, et je me demande si ce n'est pas à la buvette du Grand Conseil qu'il faudrait interdire la vente d'alcool... Bref, la parole est donnée à M. le député Alain Meylan.
M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, merci de me donner l'occasion de m'exprimer deux ou trois minutes sur le sujet... (Rires.)
Je me demande, malgré vos rires, où on en est d'une certaine démocratie... Je crois que M. Aubert, mon collègue, a d'une manière très claire exprimé la position du groupe libéral tout à l'heure. Il a rappelé que nous n'avions pas pu nous exprimer, alors que les membres de la commission savaient que nous serions absents.
Par ailleurs, je parlerai de l'article 4, alinéa 1, qui est naturellement au coeur du problème. Mesdames et Messieurs les députés de la commission de la santé, vous avez voté un projet de loi incluant un article qui interdit la vente de boissons distillées et fermentées dans les stations services et dans les commerces de vente et de location de cassettes vidéos, et cela sans avoir auditionné les parties prenantes de ces associations professionnelles ! Je trouve cela particulièrement choquant. Dans les commissions, nous essayons toujours d'auditionner les gens directement concernés par les projets de lois que nous étudions, mais, là, pas un mot ! Pas un mot, pas une lettre de ces personnes-là n'apparaît dans le rapport rédigé à ce sujet ! (Brouhaha.)
Je reconnais que les objectifs de la commission sont louables. D'ailleurs, je me souviens d'une manifestation - à l'origine très sympathique - dans ma région, je veux parler du «Bourru», à Meinier, et qui, malheureusement, a dégénéré à cause d'abus d'alcool de la part de jeunes qui se sont retrouvé dans des situations catastrophiques... Et il est vrai que c'est là un sujet de préoccupation. Mon propos n'est pas de le nier, au contraire, il y a là des choses à dire, des choses à voir et des choses à faire. Je pense donc que l'objectif de la commission était louable.
Malheureusement, l'article 4 ne tiendra pas ! Mme Fehlmann Rielle a parlé très justement des dépanneurs... Chez les dépanneurs, vous trouvez de l'alcool 24 heures sur 24, mais ils n'apparaissent pas dans ce projet de loi ! Ni sous la lettre a), ni sous la lettre b) de l'alinéa 1 !
M. Desbaillets a également parlé des débits de boisson dans les squatts ou ailleurs... Le problème principal est effectivement celui du respect de la loi. Il faut d'abord faire respecter la loi dans les commerces avant de produire des textes qui auront un effet pervers, suscitant une impression de prohibition qui aura certainement des conséquences plus graves que celles qu'on essaie de limiter - à juste titre, je le répète.
Il s'agit donc de revoir cet article 4, alinéa 1, et nous proposerons pour le moins des amendements à cet article. Sinon, ce projet de loi partira par un recours au Tribunal Fédéral où, malheureusement, je pense qu'il aura peu de chances de passer la rampe.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je le répète: il ne s'agit pas de combattre l'alcool, il s'agit de combattre son abus ! Mais il ne s'agit pas non plus de faire l'apologie du vin et de ses producteurs ! (Sifflements.)Non, ça suffit ! Soyons sérieux, Messieurs, s'il vous plaît ! C'est bien de certains d'entre vous dont il est question. S'il faut prohiber quelque chose, ce sont les incongruités qu'on entend ce soir !
La commission a fait son travail avec sérieux et compétence. Elle a procédé aux distinctions que vous demandiez. Elle a travaillé sur plusieurs séances, pas uniquement deux. Elle a remporté, tout au long de ses travaux, une large adhésion. Venir aujourd'hui remettre cela en question, sur un air un peu franchouillard, un peu rigolard, n'est vraiment pas sérieux, Messieurs ! Je vous prie de respecter le travail qui a été fait en commission. Contrairement à ce qui vient d'être dit juste maintenant, les personnes concernées ont été entendues, et leurs intérêts ont été pris en compte.
Il ne s'agit pas de lutter contre l'alcool, il s'agit de lutter contre une mauvaise utilisation de l'alcool, un mauvais accès à l'alcool ! Aussi, pour ces raisons, je vous demande d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'aimerais juste rectifier deux ou trois choses, notamment ce qu'a dit M. Meylan selon lequel nous n'aurions pas auditionné les personnes concernées. Je vous rappelle que la Fédération des artisans-commerçants et des kiosques indépendants a demandé à être auditionnée, car elle était même opposée à la loi actuelle. On lui a expliqué qu'on voulait justement toiletter la loi actuelle. Ses représentants ne se sont ensuite plus fait entendre; apparemment, le travail a donc été fait.
Concernant l'article 4 et le problème des dépanneurs, cette loi est tout à fait mesurée, puisqu'elle n'interdit pas à ces petites épiceries-dépanneurs ouvertes 24 heures sur 24 de vendre de l'alcool de manière générale, mais uniquement durant la nuit, de 21h à 7h du matin. Cela offre aussi une égalité de traitement à l'ensemble des commerces, dont la plupart ferment au plus tard à 21h. Je ne vois donc pas ce qu'il y a d'excessif ici.
Par ailleurs, je suis opposée à l'amendement de M. Blanc, qui propose à l'article 4 de limiter l'interdiction à la vente de boissons distillées. Cette distinction entre boissons distillées et boissons fermentées a son histoire, et l'on peut être d'accord ou non. Quoi qu'il en soit, il est exclu de toujours diaboliser les alcools forts et de parler du vin avec lyrisme. En l'occurrence, n'importe quelle boisson alcoolisée peut rendre alcoolique. Les jeunes ont d'ailleurs tendance à consommer de la bière, qui est une boisson fermentée. C'est la raison pour laquelle il faut maintenir les boissons fermentées dans cet article, d'autant plus qu'il faut garder une certaine conformité avec le droit fédéral.
A l'intention des vignerons qui craignent tellement qu'on attaque leur corporation, il faut dire que les jeunes consomment essentiellement des alcopops, qu'on associe aux spiritueux, et de la bière. Le vin n'est donc pas concerné. La majeure partie des gens qui consomment du vin ne vont pas l'acheter à 2h du matin, ils ont suffisamment d'autres occasions de s'en procurer, et les jeunes ne sont pas des consommateurs de vin.
Je vous demande donc d'accepter ce projet de loi qui n'a rien d'excessif et qui ne va pas du tout dans le sens d'une prohibition. Il faut arrêter de toujours parler de prévention, de ne transmettre que quelques petites informations pour se donner bonne conscience, et de refuser systématiquement toute mesure de contrôle. Par ailleurs, cela ne doit pas non plus nous dispenser de faire respecter les lois. On verra, lorsque le 0,5 pour mille sera introduit, si vous demanderez aussi que la loi soit respectée. Je me réjouis de le voir, car nous aussi, nous le demanderons. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur. Ce débat est très émotionnel. On a parlé d'interdictions et de respect de la loi. Je rejoins le parti libéral sur un point, qui est aussi la position du parti UDC: il faut responsabiliser les gens, travailler sur la responsabilité individuelle. Malheureusement, il s'avère que ce n'est pas possible. La situation a dégénéré et les services compétents de l'Etat nous ont clairement affirmé en commission qu'ils n'avaient pas les moyens d'effectuer un contrôle. Les lois existent, nous n'avons pas les moyens de les faire appliquer, mais nous savons - et Mme Berberat le sait pertinemment, puisqu'elle était présente en commission - que, dans la plupart des établissements qui travaillent dans le domaine de la vente de boissons alcooliques, le personnel est stable et de confiance: il s'agit de détaillants, de restaurateurs, etc., qui appliquent la loi. Un contrôle ne s'avère pas forcément nécessaire dans ces endroits-là. Par contre, dans les établissements cités à l'article 4 de notre projet de loi, le personnel change fréquemment et l'application de la loi laisse à désirer. Le fait d'inscrire dans la loi cette interdiction permettra aux services de l'Etat de mieux cibler leurs contrôles et d'intervenir plus efficacement.
En tout cas, il ne s'agit pas ici d'un problème économique, mais d'un problème de santé publique. On pourrait transformer ce problème de santé publique en problème économique, mais ce serait fausser le débat, et cela ne rendrait pas service à notre jeunesse qui consomme de l'alcool de plus en plus tôt. Si l'on ne prête pas attention à ce problème aujourd'hui, on en paiera le prix plus tard, soit sous forme d'accidents de la route, soit sous forme de rentes AI, car le jeune devenu alcoolique sera incapable de travailler.
Je vous propose de ne pas entrer en matière sur l'amendement de M. Blanc. Comme dans le domaine des stupéfiants, il n'y a pas à faire de distinctions: il y a des drogues, un point c'est tout ! De même pour les alcools: qu'ils soient fermentés ou distillés, l'effet sur l'adolescent est exactement le même.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants, étant donné que toutes les opinions ont été exprimées. Sont encore inscrits M. Renaud Gautier et M. Rémy Pagani.
M. Renaud Gautier (L). Je ne peux pas m'empêcher d'intervenir sur les propos du rapporteur. Je trouve que derrière le débat qualifié - avec raison - d'«émotionnel» se cache un autre débat, qui vient d'être évoqué. Il s'agit de savoir, lorsqu'on admet ne pas pouvoir appliquer une législation qui existe, quelles conséquences on en tire. De deux choses l'une: si, comme l'a dit le rapporteur, on ne peut effectivement pas appliquer la législation en vigueur, la logique voudrait, somme toute, qu'à ce moment-là on abroge la législation. Ou alors, si l'on constate l'impossibilité de faire respecter la législation, on en fait une autre !
J'ai ici une simple question de logique à poser. Qu'est-ce qui va faire que la deuxième loi, établie parce qu'on est arrivé à la conclusion que la première n'était pas appliquée, soit appliquée ? Très objectivement, je n'arrive pas à comprendre, au niveau de la logique même, ce qui peut faire qu'une loi, énoncée en réaction à une première, soit appliquée alors que la première ne l'est pas.
En outre, d'une manière générale - et c'est vrai que le cas particulier qu'on traite ce soir a de nombreux autres exemples - si ce parlement a voté une loi, il a aussi voté le principe de faire appliquer cette loi. Ainsi, soit on applique la loi, rien que la loi, et on se donne les moyens de l'appliquer, soit on abroge la loi ! Si l'on abroge la loi, alors s'ouvre un nouveau débat qui consiste à savoir, d'une part, si cette nouvelle loi-là est celle qui offrira la réponse et, d'autre part, si elle nous donnera les moyens de l'appliquer. Or, comme l'a dit le rapporteur tout à l'heure, accepter aujourd'hui cette nouvelle loi, en sachant qu'on n'est pas sûr de pouvoir la faire appliquer, est une idiotie que ce parlement ne doit pas accepter ! (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je m'étais inscrit à la suite de M. Gautier exactement sur le même sujet, parce que j'attendais bien la nouvelle salve de propositions positives de la part des milieux qui - il faut bien le dire - soutiennent l'alcool.
La dernière proposition vise à nous faire croire qu'il ne faut donc plus voter de lois parce que nous n'avons plus les moyens de les faire appliquer... C'est un raisonnement - permettez-moi de vous le dire - assez hypocrite. En même temps, cela est assez logique: d'une part, vous videz les caisses de l'Etat, d'autre part, vous dites qu'il n'y a pas les moyens de faire appliquer les lois, donc on va vider l'Etat de son contenu, c'est-à-dire supprimer la possibilité de voter des lois. De fait, on va vider la justice de son sens, parce qu'on n'a pas les moyens de faire appliquer les lois. Je pousse le raisonnement à fond, Monsieur Gautier, mais c'est ce que vous nous proposez !
Malheureusement pour vous, nos concitoyens attendent des mesures précises. En l'occurrence, je crois que s'est dessinée tout à l'heure une majorité pour dire non à ces alcopops qui sont traficotés et visent à tromper les jeunes de notre canton. Je crois que la majorité de ce parlement est acquise à cette idée. Et vous ne nous ferez pas croire, en utilisant les squatts comme argument suprême, qu'on n'arrivera rien à faire ! Votons cette loi aujourd'hui, et demain - comme nous l'avions d'ailleurs fait pour les Offices des poursuites et faillites, mais aussi pour d'autres institutions - nous voterons des crédits pour mettre en oeuvre cette loi et contrôler son application. L'Etat doit jouer son rôle, contrôler l'application des lois qui visent à protéger l'ensemble de sa population.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je crois qu'il s'est à peu près tout dit dans cette enceinte. En parlant de responsabilités, il va bien falloir que le Grand Conseil prenne les siennes ! Une fois n'est pas coutume, et je relève ce que vient de dire M. Pagani: si, sous prétexte qu'il n'y a plus le moyen de contrôler les lois - ce qui n'est pas tout à fait vrai, d'ailleurs - il faut supprimer toute la législation... alors allez-y, Mesdames et Messieurs, cela me paraît particulièrement irresponsable !
Sous l'angle de la santé publique, du fait d'une offre beaucoup plus grande, à des enfants en particulier, en matière de consommation, il est clair que la vente d'alcool dans les stations services et dans les magasins de vente de cassettes vidéo est un encouragement direct à la consommation d'alcool chez les mineurs ! Vous pouvez l'admettre ou non, c'est votre problème, mais prenez vos responsabilités ! Il faut savoir si vous voulez protéger une certaine forme de commerce ou si vous voulez éviter une certaine forme de consommation et d'abus. Mon point de vue est très clair: si vous considérez que le projet de loi auquel on est arrivé n'est pas satisfaisant, les travaux de la commission peuvent reprendre. Retournez en commission, revoyez votre copie, mais arrêtez de vous retirer derrière des arguments de cet acabit ! Les mesures dissuasives vis-à-vis des alcopops ont été prises sur le plan de la Confédération, elles déploieront ou pas leurs effets.
Monsieur Gautier, il est infiniment plus facile d'interdire aux stations services et aux vendeurs de vidéo-cassettes de vendre de l'alcool que de les laisser tous en vendre toute la journée, et de se demander comment on va faire pour empêcher les mineurs de consommer ! C'est tout simplement injouable aujourd'hui, tout d'abord parce que les adultes qui achètent de l'alcool pour aller le donner aux enfants sont les premiers à faire la queue dans ces magasins.
Mesdames et Messieurs, je vous propose soit le renvoi en commission, soit d'accepter ce projet de loi et, cas échéant, de traiter les amendements proposés qui ne tiennent pas la route. Dans tous les cas, prenez vos responsabilités ! D'autres cantons romands avant vous les ont prises, les viticulteurs n'en sont pas morts, parce que comme le disait l'un ou l'une d'entre vous - je crois que c'était Mme Fehlmann Rielle - on ne va pas acheter du vin, et du bon vin, du vin de qualité, dans une station service ou chez un vendeur de vidéos à 4h du matin ! (Applaudissements. Commentaires)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, un peu de silence, s'il vous plaît ! Comme nous avons voté sur le renvoi en commission, il y a un quart-d'heure, nous nous prononçons maintenant sur la prise en considération du projet de loi. Le vote électronique est lancé.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 49 oui contre 25 non et 10 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 4. Le premier est déposé par M. Blanc, le second par MM. Meylan et Desbaillets. Messieurs les députés, je vous passe respectivement la parole afin que vous puissiez développer vos amendements.
M. Claude Blanc (PDC). J'ai déjà développé en partie mon amendement, lors du débat d'entrée en matière. Mme Fehlmann Rielle, dans sa première intervention, n'avait cité que les alcools forts, de même que M. Pagani n'a cité que les alcopops. Je répète ici qu'il faut distinguer absolument les alcools distillés des alcools fermentés que sont le vin et la bière. Je vous rappelle, en ce qui concerne la bière, qu'en prévision de l'introduction du 0,5 pour mille, la plus grande brasserie de notre pays a décidé d'introduire une bière à 2,5 % d'alcool. Cela signifie que les brasseurs tiennent compte de la santé publique et, surtout, qu'ils prennent leurs dispositions pour que la loi sur la circulation routière soit respectée. Alors, vous ne pouvez pas continuer à mettre sur un pied d'égalité alcools distillés et alcools fermentés. Il faut absolument, comme le propose mon amendement, les distinguer, c'est-à-dire interdire formellement la vente des boissons distillées.
Etant donné que j'ai la parole, j'aimerais en venir à l'amendement de mes collègues, MM. Meylan et Desbaillets. Messieurs, permettez-moi de vous dire que vous allez trop loin ! Si l'on vous suit dans cet amendement, c'est toute la loi qui passe à la poubelle. Or, ce n'est pas ce que nous voulons. Il faut faire quelque chose et, comme l'ont dit Mme Fehlmann Rielle et M. Pagani, les alcools distillés doivent être prohibés, même s'ils sont mélangés à du sirop. Nous sommes tous d'accord là-dessus, et il faut que nous soyons conscients de la nécessité de lutter contre ce genre d'alcools. Par contre, en ce qui concerne les alcools fermentés, ce n'est pas la même chose.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cet amendement qui demande que seules les boissons distillées soient formellement interdites.
M. Alain Meylan (L). Je reviens sur ce que j'ai dit tout à l'heure en début de débat, par rapport à cet article 4, alinéa 1, ainsi que sur ce qu'a dit M. Aubert: la commission est allée soit trop loin, soit pas assez. Nous devons soit être exhaustifs dans les termes de cet alinéa 1 et, dans ce cas, étendre l'interdiction à tous les secteurs d'activité et dans tous les endroits nécessaires, cela afin d'atteindre les objectifs de protection de la jeunesse qui ont largement été débattus ici et que j'approuve totalement. Dans ce cas, on va au bout du processus, au bout de la réflexion, et l'on interdit tout, partout où on le souhaite.
Sinon, on juge qu'on est allé trop loin et, à ce moment-là, on doit supprimer cet alinéa 1, dans la mesure où - comme nous l'a dit Mme Fehlmann Rielle - l'article 11 empêche justement toute vente de boissons à l'emporter après 21h, et qu'il répond au souhait des uns et des autres, à savoir celui d'éviter que les jeunes qui sortent à 22h ou à 23h puissent s'approvisionner ou être tentés de s'approvisionner dans des commerces.
Je prétends, et je continue à prétendre, que cet article 4, alinéa 1, est contre la liberté de commerce et d'industrie, à moins d'être exhaustif, ce qui éviterait des distorsions de concurrence entre un commerce et un autre, entre un lieu de débit de boissons et un autre. L'autre possibilité est de supprimer tout l'alinéa, en laissant intact le corps du projet de loi et tout le travail parlementaire qui a été effectué. L'objectif initial est ainsi maintenu et le projet pourra être mené à terme. A ce moment-là, je suis sûr que je pourrai voter ce projet de loi, mais sans cet article 4, alinéa 1. C'est la raison pour laquelle je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'abroger cet alinéa.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'aimerais simplement répondre à M. Blanc. Il est évident que si nous acceptions l'amendement de M. Blanc, la loi serait vidée de sa substance. J'aimerais rappeler les raisons qui nous ont poussés à cibler les stations services et les magasins de vente ou de location de vidéos: ce sont justement des commerces qui n'ont pas pour vocation la vente de denrées alimentaires, et en particulier d'alcool. C'est pour cela qu'il n'y a pas de discrimination à vouloir interdire la vente d'alcool dans ces commerces. Je crois que Mme Spoerri l'a dit: d'autres cantons ont déjà interdit la vente d'alcool dans les stations services, notamment le canton de Vaud. Cela n'a provoqué aucune révolution, et ni les vignerons ni les importateurs d'alcool n'ont coulé pour autant. Je ne vois donc pas en quoi cela empêcherait le commerce de se poursuivre.
Je répète aussi que je ne suis pas d'accord avec l'amendement de M. Blanc. Il est justement utile d'associer les boissons distillées et les boissons fermentées, puisque la bière fait partie de ces dernières et que - comme je l'ai dit - elle est une boisson de prédilection chez les jeunes. Si on veut les protéger, il s'agit aussi d'éviter de vendre de la bière dans ces endroits. Par ailleurs, cela a le mérite de la clarté pour l'application de la loi. Si tous les alcools sont interdits de vente dans les stations services, l'application sera évidente et il ne sera pas nécessaire de faire trente-six contrôles.
Cet alinéa a donc le mérite d'être clair. Par ailleurs, il ne va pas du tout dans le sens de la prohibition, contrairement à ce que certains veulent nous faire croire. Je vous demande donc de refuser ces deux amendements.
M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis stupéfait de la manie de couper les cheveux en quatre qui semble vous avoir saisis. Je regrette de devoir dire que je souscris complètement aux déclarations de Mme Haller et qu'il s'agit de protéger nos enfants, de protéger la jeunesse, puisque maintenant - hélas ! - l'apprentissage de la responsabilité n'est plus assuré dans le cadre familial. Je ne comprends pas comment ce Grand Conseil peut consacrer autant de temps à discuter d'amendements qui n'ont aucun sens et que je vous prie de refuser.
Des voix. Bravo! (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (AdG). Il a été dit tout à l'heure que ce projet de loi faisait obstacle à la liberté de commerce et d'industrie. Que je sache, il n'interdit pas la vente d'essence dans les stations services, pas plus qu'il n'empêche les vidéo-clubs de louer des cassettes ! En revanche, il est vrai qu'il indique qu'il n'est pas opportun qu'on trouve dans ces lieux-là de l'alcool facilement accessible, dans des moments où il n'est pas pertinent d'y accéder, notamment dans le cadre de consommation compulsive.
Je pense qu'il faut être clairs sur ces questions, et nous ne pouvons adhérer, pour les raisons diverses qui ont été évoquées jusqu'à maintenant, à aucune des propositions d'amendements soumises. Un accès à des boissons fermentées pour de mauvaises raisons n'est pas plus souhaitable qu'un accès à des boissons distillées. N'entrons donc pas en matière sur ces deux amendements, ils n'ont aucun sens ! Je vous prie de respecter le travail qui a été fait et qui - je le répète - a été réalisé en prenant en considération tous ces éléments.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, on voit bien qu'il y a deux positions extrêmes dans cette affaire: l'une voudrait l'interdiction, l'autre souhaiterait la licence... si je peux utiliser ce terme.
Il ne s'agit pas ici de se disputer sur l'application de la loi. Mon collègue Gautier a donné tout à l'heure son opinion - que je partage d'ailleurs - selon laquelle, lorsqu'on est incapable de faire appliquer des lois, il est inutile de vouloir légiférer davantage ! Mais, puisque cette opinion n'est pas licite, je me permets simplement d'ajouter que, dans cette opération, il convient - je crois - de proposer une solution de compromis. Notre collègue Blanc en a suggéré une; j'en ajoute une autre qui va partiellement dans le sens de la commission, à savoir de conserver l'interdiction dans les commerces de vente et de location de cassettes-vidéo, mais d'être en revanche plus libéral - si vous me passez l'expression, on me la passera difficilement, je le sais - en ce qui concerne les stations services et les magasins accessoires à celles-ci.
En d'autres termes, soyons les uns et les autres capables de marcher l'un vers l'autre ! (Rires et commentaires.)
M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il y a un malentendu, en tout cas après la déclaration de M. Iselin. Le but de ce projet de loi, si j'ai bien lu le rapport de M. Catelain, est de protéger les mineurs, de protéger les jeunes contre la consommation, notamment compulsive, d'alcool. (Brouhaha.)
L'amendement qui vous est proposé par M. Meylan et qui vise à supprimer l'alinéa 1 ne remet pas du tout en cause ce but. (Le président agite la cloche.)Si l'on maintient l'autorisation de vendre de l'alcool dans les stations services et magasins de cassettes vidéo, l'alinéa 2 et l'alinéa 3 sont maintenus. Ainsi, la jeunesse est entièrement protégée, puisque la vente de boissons distillées reste strictement interdite aux mineurs, et celle de boissons fermentées aux moins de 16 ans.
Par contre, en maintenant l'alinéa 1, vous privez ceux qui ont tout à fait le droit de consommer de l'alcool de le faire, et notamment les gens majeurs qui auront envie, à 22h, de s'arrêter dans une station service parce qu'ils ont oublié d'acheter leur pack de bières dans la journée. Ce sont eux que vous punissez, et au nom d'une espèce d'idéologie simpliste, qui ne vise pas à protéger les mineurs - puisqu'ils le sont déjà ! - mais à interdire à tout le monde de consommer de l'alcool dans certaines circonstances ! C'est en cela, Madame Fehlmann Rielle, que cet alinéa se rapproche de la prohibition.
Madame Haller, je maintiens que la commission a mal fait son travail, car je n'ai en tout cas pas trouvé trace dans le rapport - peut-être ce détail a-t-il été omis - de l'éventuelle inconstitutionnalité de cette loi, c'est-à-dire qu'elle pourrait très bien être contraire à la liberté de commerce et d'industrie. Or ceci n'a même pas fait l'objet d'une seule réflexion au sein de la commission, en tout cas cela ne figure pas dans le rapport ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur. Pour répondre à M. Gros, je tiens à dire que la réflexion sur la constitutionalité a effectivement été évoquée en commission, mais pas dans le rapport, cela est vrai. Vous avez la liberté de contrer cette loi après sa votation, ce n'est pas un problème, mais je rappelle simplement qu'il y a en tout cas deux cantons romands qui l'ont adoptée: le canton du Jura, peut-être pour un motif de salut public - je ne sais pas - mais aussi le canton de Vaud... (Rires.)... probablement pour un autre motif. Dans ces deux cantons, une éventuelle inconstitutionnalité n'a pas été évoquée. Je pense donc qu'il y a peu de chance que votre avis aboutisse.
En résumé, je propose qu'on passe au vote et qu'on en termine avec ce projet de loi.
M. Alain Charbonnier (S). Je serai très bref. Je souhaiterais simplement, Monsieur le président, que vous appliquiez la loi et, dans le cas présent, l'article 24, car il me semble, d'une part, que des députés impliqués ont pris la parole et, d'autre part, j'aimerais qu'ils ne participent pas au vote. (Protestations.)
Le président. Monsieur le député, sachez que la problématique de l'article 24 a occupé à de nombreuses reprises le Bureau actuel, mais aussi et surtout le Bureau précédent.
Je signale à toutes fins utiles que, lorsque nous parlons des TPG, les administrateurs des TPG s'expriment principalement... (Commentaires.)Attendez... (Brouhaha. Le président sonne la cloche.)Il s'agit par conséquent d'une problématique complexe... (Remarque.)Monsieur Charbonnier, écoutez-moi !
La plus grande complexité dans cette problématique, c'est que le Bureau du Grand Conseil et votre président n'ont pas les moyens d'obliger un député, lors d'une séance, à appliquer l'article 24. Je n'ai aucun moyen coercitif. Il s'agit pour les députés concernés de ne pas participer au débat et de ne pas participer au vote ! Alors, si nous avons dans la salle un tenancier de station service ou de vidéo-club... (Rires et exclamations.)Il lui appartient de ne pas prendre part au vote !
M. Michel Halpérin (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai moi aussi pensé, un peu avant le début de ce débat, au problème qui a été évoqué par M. Charbonnier concernant l'application de l'article 24. Je suis arrivé à la conclusion, parce que mon interprétation de l'article 24 est encore plus extensive que celle de M. Charbonnier, qu'il y avait dans cette salle, en gros, deux catégories de députés: ceux qui boivent de l'alcool et qui, par conséquent, sont touchés par l'article 24, et ceux qui n'en boivent pas. Parmi ceux qui n'en boivent pas, il y a à nouveau deux catégories: ceux qui n'en boivent pas par manque de goût et qui, à la rigueur, pourraient s'exprimer sur ce sujet, et ceux qui n'en boivent pas par vertu et qui, par conséquent, sont aussi frappés par l'article 24... (Rires.)Autant dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'aucun d'entre nous n'a le droit de s'exprimer ce soir ! (Applaudissements.)
M. René Desbaillets (L). Je ne ferai pas d'entorse à l'article 24 et me prononcerai simplement sur l'inégalité de traitement entre les différents commerces. Pourquoi un boulanger a-t-il l'obligation de fermer un jour par semaine, alors que tel ou tel commerce peut ouvrir sept jours sur sept ? L'alinéa 1 lettre a) fixe l'interdiction «dans les stations-service et les magasins accessoires à celles-ci». Cela signifie-t-il qu'on va fermer le centre commercial de Balexert ? Je rappelle en effet qu'avant la création du centre... (Brouhaha.)... il y avait là une station-service. Et qu'il y a dans le centre même des points de vente de cassettes-vidéo. On ne va tout de même pas fermer le centre commercial de Balexert !
Ce qui est grave - et je le dis notamment aux parents - c'est qu'on veut nous faire croire que les jeunes vont s'approvisionner uniquement dans les stations-service... Mais la première chose à faire serait de fermer les squatts... (Brouhaha.)Car, jusqu'à preuve du contraire, les stations-service paient la TVA, les impôts, l'AVS de leurs employés. Autant que je sache, les squatts sont quasiment tous illégaux ! J'aimerais qu'on me prouve qu'ils paient la TVA, l'AVS, les impôts, etc. En outre, consommer de l'alcool uniquement est bien moins grave que de consommer de l'alcool additionné de toutes les «fumettes» possibles et imaginables. Car, là, le cumul est en effet très, très grave ! C'est surtout l'inégalité de traitement que je combats dans cette loi.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Madame la présidente, en écoutant M. Halpérin, je me suis demandé s'il ne fallait pas étendre l'interdiction à la buvette du Grand Conseil, mais je suis presque sûr qu'elle ne serait jamais respectée. (Chahut.)
M. Rémy Pagani (AdG). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve ce débat un peu «franchouillard», comme le disait ma collègue. Je relève des dérapages, alors que le sujet est d'importance et qu'il concerne un certain nombre de personnes.
J'aimerais revenir sur l'article 24. Là aussi, j'ai constaté des glissements, dont celui de M. Halpérin auquel je ne m'attendais pas. Jusqu'à présent, nous avons entendu passablement de gens, directement ou indirectement impliqués dans la défense des vignerons, occupation que j'estime honorable, là n'est pas la question... Toujours est-il, Monsieur Halpérin, que d'habitude vous nous surprenez par vos argumentations, or je trouve qu'aujourd'hui vous vous laissez un peu aller. Car l'article 24 dit bien ce qu'il veut dire, Monsieur Halpérin et Mesdames et Messieurs les députés !
Un membre des Services industriels n'encaisse pas de bénéfices, car - jusqu'à preuve du contraire - les SIG ne sont pas une société à but lucratif. Or les personnes qui se sont exprimées ce soir, telles que des vignerons, tout à fait respectables, ont un intérêt direct à l'encaissement du produit de la vente d'alcool dans ces débits de boissons, débits d'ailleurs usurpés puisque c'est là l'objet de notre... courroux, si j'ose dire.
Par conséquent, je trouve que l'article 24, ici et ce soir, a sa raison d'être, puisque l'esprit de cet article est d'empêcher, par exemple, un architecte qui aurait directement ou même indirectement intérêt à la construction d'une maison... (L'orateur est interpellé.)Un syndicaliste ? Alors, parlons du syndicaliste ! Jusqu'à preuve du contraire, un syndicaliste ne bénéficie pas, ni directement, ni indirectement... (Vives protestations. Le président agite la cloche.)Parfaitement ! Nous avons des visées idéales ! Un syndicat a des buts idéaux et pas lucratifs ! J'espère que vous en êtes conscients, Mesdames et Messieurs les députés ! Et il est tout à fait légitime qu'un représentant de syndicats patronaux puisse s'exprimer de manière générale sur des questions qui touchent, en l'occurrence, les rapports sociaux et de partenariat.
Je trouve donc que l'article 24 doit être appliqué ici - et je suis déçu, Monsieur Halpérin, que vous utilisiez abusivement le droit - parce que cet article s'applique justement aux personnes qui voudraient prendre part au vote alors qu'elles sont directement concernées. Et demain, elles vendront - ou ne pourront plus continuer à vendre - des alcools fermentés ou non dans ces débits de boissons que nous voulons proscrire.
Présidence de M. Pascal Pétroz, président
Le président. Merci, Monsieur le député. Vaste question que l'article 24... Je peux vous dire qu'elle nous a longuement occupés tant l'année passée que cette année.
M. Bernard Annen. Mais arrête !...
Le président. Non, c'est une question complexe, Monsieur Annen, vous le savez très bien. La parole est à M. le député Pierre Guérini.
M. Pierre Guérini (S). Je crois qu'on a tout entendu à ce sujet ! Comme l'a dit Mme la présidente du DJPS, c'est un problème de santé publique. J'invite les personnes qui sont pour la liberté de vendre de l'alcool à passer vingt-quatre heures aux urgences de l'Hôpital cantonal, un week-end, pour voir dans quel état arrivent les jeunes lorsqu'ils sont alcoolisés !
On nous a dit aussi que des fils de vignerons vivaient toute leur enfance et adolescence avec du vin à portée de main, et qu'ils n'y touchaient pas. Venez dans les cités périphériques pour voir les jeunes et pour vous rendre compte de leurs moyens... alors que les enfants de vignerons en ont certainement un peu plus !
D'autre part, je suis surpris, car il y a un certain nombre de médecins dans cette assemblée, et aucun d'eux n'a pris la parole pour parler du problème médical que pose l'alcool: prendre une bière à 2,5 degrés peut être le début d'une accoutumance à l'alcool. Alors, le libéralisme, je veux bien, mais il faut dire aussi qu'il suffit de boire plus d'alcool fermenté pour arriver aux même effets que ceux provoqués par l'alcool distillé. Donc, il est vrai qu'en termes de liberté de commerce il y a un intérêt à vendre de l'alcool fermenté - je suis, de ce point de vue, entièrement d'accord avec vous.
Quant à la légitimité de cette loi, je rappelle que le canton de Fribourg a légiféré, que le peuple a voté en faveur de l'interdiction pour les stations service de fonctionner comme des supermarchés ou des supérettes, et que, en fait, le Tribunal fédéral n'a absolument pas contesté cette façon de voir les choses.
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais revenir sur l'article 24, car, s'il est vrai que «charbonnier est maître chez soi», je crois que M. Charbonnier est nettement sorti de chez lui, au point qu'il ne sait plus où il habite! (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, si l'on devait appliquer l'article 24 à tous ceux qui ont des intérêts diffus dans une discussion de ce Grand Conseil, plus aucun député ne pourrait siéger. Par exemple, on devrait exclure de la commission des travaux tous les architectes et tous les entrepreneurs; de presque toutes les commissions, les avocats. J'aimerais vous dire que si certains viticulteurs sont intervenus - moi, je n'en suis pas, je ne défends aucun intérêt personnel, uniquement l'intérêt général - ce n'était pas pour défendre leur intérêt personnel, mais éventuellement celui de leur corporation. Qui ne défend pas l'intérêt de sa corporation, Monsieur Pagani ? Vous ? M. Barrillier ? M. Meylan ? M. Annen ? Tout le monde ici défend les intérêts de sa corporation, je dirais même: hélas ! car moi, je ne défends personne. (Rires.)
Une voix. Tout le monde !
Une voix. L'intérêt général ! (Le président agite la cloche.)
M. Claude Blanc. Je n'ai personne à défendre, je suis totalement libre; mon patron ne peut plus me «virer» parce que j'ai dépassé l'âge de la retraite. J'ai donc la liberté de m'exprimer.
Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que vous vous mettez le doigt dans l'oeil en pensant que vous allez appliquer l'article 24 à cette disposition.
C'est la raison pour laquelle je reviens avec mon amendement qui, me semble-t-il, est le plus raisonnable de ceux que vous avez reçus. Il propose simplement que l'interdiction ne porte que sur les boissons distillées, à l'article 4, alinéa 1. C'est très simple ! J'ai peur, Mesdames et Messieurs, et mes amis libéraux, que votre amendement, qui veut aller beaucoup trop loin, ne fasse couler le navire sur lequel vous vous êtes embarqués.
M. Pierre Schifferli (UDC). Je crois que nous nous égarons quelque peu. Le débat n'est pas censé porter essentiellement sur la consommation d'alcool en tant que telle, mais sur la vente d'alcool dans les stations-service.
J'aimerais quand même dire à nos collègues de l'Entente que, dans le cadre de la défense de la liberté du commerce et de l'industrie, il y a peut-être des causes plus nobles que la défense des stations-service. En plus, dans les stations-service, on ne trouve pas vraiment les meilleurs vins et whiskies !
Le but fondamental des stations-service doit-il être de vendre de l'essence ou de l'alcool ? Sans compter qu'elles sont situées au bord des routes ! Je pense que nous devons accepter le projet de loi tel qu'il a été préparé. Je me réjouis simplement à l'avenir de compter peut-être quelques collègues de gauche avec nous, lorsque nous devrons lutter contre la libéralisation de la drogue, parce que, là aussi, il s'agit d'un fléau considérable. (Applaudissements.)
Une voix. N'y compte pas!
M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur le président, je voulais juste vous dire qu'en vertu de l'article 24 et étant propriétaire d'un vidéo-club, je me récuse pour ce vote. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député, il en est pris bonne note. La parole est à M. le député Pierre Froidevaux.
M. Pierre Froidevaux (R). Merci, Monsieur le président. Mon collègue M. Guérini a interpellé un membre de la Faculté de médecine pour qu'il s'exprime sur ce sujet. Je voudrais d'emblée vous dire qu'ici nous ne faisons pas de la médecine, mais que nous établissons des règles de la société, des limites.
Ce soir, le parlement entend mettre une limite à une liberté, qui existait jusqu'à présent, de vendre ou pas des alcools dans certaines conditions. S'il s'agit d'évoquer le problème sanitaire au sens large, je vous assure que la décision que vous prenez ce soir n'aura aucune incidence sur la qualité de vie et la santé des jeunes et des moins jeunes.
J'aimerais, à propos de ce débat et de manière générale, faire la remarque suivante: dans toutes les sociétés, des sédatifs ont toujours été utilisés. Il y a deux mille ans, en Europe, on vendait déjà de la cervoise; les Romains faisaient du vin; on trouvait des drogues dans les pays asiatiques; et il existait des alcools que l'on a pu retrouver en Afrique comme en Amérique. Il s'agit là d'une substance utilisée par toutes les civilisations pour pouvoir contrôler une partie de nos sentiments qui est l'angoisse; cette angoisse fait partie inhérente de notre vie sociale et, de tout temps, les hommes ont trouvé des moyens de la compenser. Alors, effectivement, nous avons dans notre société actuelle des jeunes, des personnes qui sont en péril, des personnes qui ont besoin et trouvent spontanément une substance qui leur permettra de calmer leurs angoisses.
Nous n'allons pas modifier le nombre d'arrivées aux urgences, Monsieur Guérini. La loi ne va rien changer, car c'est la structure de la société et les règles que nous nous donnons qui comptent. Le travail que nous faisons ici, au parlement, nous permet de toujours mieux fonctionner, mais cette loi, dans le cas d'espèce, ne modifiera pas la consommation d'alcool des jeunes, ou si peu qu'à titre personnel, préférant une certaine liberté, je m'opposerai à cette loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri.
Mme Micheline Spoerri. Non, je n'ai pas demandé la parole, Monsieur le président.
Le président. Je suis navré, Madame la conseillère d'Etat, votre nom figurait sur mon écran.
Nous sommes saisis de trois amendements. Je vais vous faire voter en commençant par le plus éloigné, soit celui présenté par MM. les députés Meylan et Desbaillets. Il consiste à supprimer l'alinéa 1 de l'article 4. Nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 20 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'amendement proposé par M. le député Weiss, consistant à supprimer, à l'alinéa 1 de l'article 4, les mots «et fermentés», ainsi que la lettre a). L'article nouvellement libellé, tel que proposé par M. Weiss, serait: «La vente de boissons distillées est formellement interdite dans les commerces de vente et de location de cassettes vidéo.» Nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 23 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons à l'amendement proposé par M. le député Blanc, consistant à supprimer les termes «et fermentés» à l'alinéa 1 de l'article 4. Le nouveau libellé serait: «La vente de boissons distillées est formellement interdite», après quoi viendraient les lettres a) et b) de manière inchangée.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 32 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 4 est adopté, de même que les articles 5 à 19.
Le président. Nous sommes au terme de notre deuxième débat. Le troisième débat est-il demandé ? Il l'est, nous allons donc voter sur l'ensemble de ce projet de loi, par vote électronique.
Troisième débat
La loi 8834 est adoptée article par article.
La loi 8834 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 21 non et 8 abstentions.
Débat
Le président. Madame Schenk-Gottret, vous avez la parole... (Brouhaha.)S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, je n'ai pas levé la séance ! Je vous remercie de bien vouloir écouter Mme la députée Françoise Schenk-Gottret. (Le président agite la cloche.)
Allez-y, Madame la députée ! Vous allez voir, ils vont se calmer...
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Quel que soit le sort que vous réserverez à cette proposition de motion, son effet aura été immédiat, puisqu'elle a été déposée en urgence...
En effet, Mme Spoerri, qui avait emmené avec elle des fonctionnaires fédéraux et cantonaux, lors d'une conférence-débat organisée par le parti libéral, a renoncé à se faire accompagner lors de la réunion qui a suivi - de peu - le dépôt de cette proposition de motion.
C'était le but voulu, mais ce n'est pas suffisant.. C'est pourquoi nous demandons au Conseil d'Etat d'édicter des règles claires à ce sujet.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je n'ai pas très bien compris le sens de votre intervention, Madame... Ou je ne vous ai pas comprise ou vous vous êtes trompée... J'ai en effet cru vous entendre dire que j'aurais renoncé à donner cette conférence... C'est bien cela ? (Exclamations.)Bien ! Quoi qu'il en soit, ce n'est pas grave...
Mesdames et Messieurs, tout d'abord, permettez-moi simplement de vous dire que j'aurais beaucoup apprécié que cette motion fût retirée... Mais cela n'a pas été le cas ! Je m'en étais du reste ouverte directement à mon cher collègue, M. Charles Beer.
Sachez simplement que, depuis le début de mon mandat, je suis très fréquemment sollicitée dans diverses assemblées à l'invitation de différentes instances dont des communes. Et les communes des Trois-Chêne font partie des communes les plus touchées par les problèmes de sécurité - problèmes dont nous nous préoccupons à juste titre, car ils s'aggravent de plus en plus. J'ai pris l'habitude de me faire accompagner pour donner au débat un contenu le plus complet possible, afin de répondre au mieux aux inquiétudes des citoyens. Naturellement, je me fais accompagner de spécialistes, qui sont, dans le cas particulier, respectivement le chef de la police, le responsable des garde-frontières, etc...
Il s'agit, en l'occurrence, d'une assemblée organisée par le parti libéral... Si maintenant il m'est interdit de faire des conférences au parti libéral, je veux bien... Mais vous pouvez toujours légiférer en la matière...
Je crois qu'il faut faire un minimum confiance aux magistrats qui ont été élus par la population genevoise - je vous le rappelle tout de même - et à nos fonctionnaires et collaborateurs... Car, sinon, ils ne pourraient plus - accompagnés ou non de leur magistrat - donner, par exemple, leur appréciation lors d'un débat politique... Si tel était le cas, il faudrait que j'annule toute une série de conférences prévues en 2004, dont certaines le sont - je vous le précise - à l'appel des partis politiques de gauche.
Mesdames et Messieurs, je pense que cette motion n'est plus d'actualité. Il faut, me semble-t-il, faire confiance à la droiture de vos magistrats, et je considère être une «magistrate» droite. Je vous recommande donc de rejeter cette motion.
M. Christian Brunier (S). Madame Spoerri, vous avez commencé votre intervention en disant que vous aviez mal compris les propos de Mme Schenk-Gottret...
Je me permets de revenir sur ce sujet, juste pour expliquer les raisons qui nous ont poussés à déposer cette motion. Cela n'a rien à voir avec cette conférence-débat en particulier ni avec votre liberté, en tant que magistrate, de pouvoir donner des conférences, c'est une question de principe.
Notre but n'est pas de polémiquer à propos de cette conférence en disant qu'il est scandaleux que le parti libéral invite une magistrate libérale... Nous voulons simplement que soient établies des règles de déontologie dans de tels cas.
Lorqu'un parti politique invite un élu de son parti - ce qui est logique, et tout le monde le fait - et que ce dernier demande à ses hauts-fonctionnaires de l'accompagner, on peut en effet se demander s'ils ont la liberté de refuser de l'accompagner et s'ils ont véritablement la possibilité de s'exprimer sans être en phase directe avec lui... Il me semble qu'il y a là un vrai problème de déontologie, car il n'est pas facile à ces hauts fonctionnaires de refuser une invitation de leur patron - ou de leur patronne - et qu'ils risquent de se retrouver dans des positions extrêmement délicates, surtout lorsque c'est dans un cadre politique. Je pense - tout comme mon groupe - que le Conseil d'Etat devrait fixer des règles en la matière - c'est valable pour les conseillers d'Etat de gauche comme de droite, car cela n'a rien à voir avec les couleurs politiques - pour éviter de mettre des hauts-fonctionnaires dans une position délicate, voire inacceptable, en termes de déontologie de travail et de déontologie politique. C'est tout !
Et je ne vois pas pourquoi Mme Spoerri - ou le gouvernement - refuserait cette motion qui demande simplement que des règles simples soient établies dans ce domaine. A mon avis, c'est le minimum de déontologie que l'on peut attendre du gouvernement.
Le président. Madame la conseillère d'Etat, souhaitez-vous répondre, ou non ? Bien ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette proposition de motion, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 30 non contre 25 oui.
Le président. Mesdames et Messieurs, il est 23h. Nous interrompons là nos travaux, que nous reprendrons demain à 15h. Je lève la séance.
La séance est levée à 23h.