Séance du
jeudi 22 janvier 2004 à
17h
55e
législature -
3e
année -
4e
session -
16e
séance
RD 517
Le président. Nous allons rendre hommage à M. Pierre Vanek, député démissionnaire. Nous avons reçu une lettre de M. Pierre Vanek nous informant de sa décision de démissionner de son mandat de député avec effet à 17h, ce soir. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir lire ce courrier. (Applaudissements à la fin de la lecture du courrier 1737.)
Le président. Monsieur Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (AdG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, très cher Pierre, alors qu'en ce moment même tu te trouves à Bombay, en Inde, plus exactement à Mumbai, participant au Forum social mondial, c'est avec une certaine émotion que nous prenons congé de toi, au nom de l'Alliance de gauche et de sa fraction parlementaire au Grand Conseil.
Pourquoi l'émotion ? Voilà plus de dix ans que tu sièges à nos côtés, et ton rire ne lézardera plus les murs de ce parlement.
Sur ces bancs, tu n'as pas ménagé ta peine. D'abord, avant même d'être autorisé à pénétrer dans cette enceinte, plus que d'autres tu as dû payer de ta personne. En effet, il fut exigé de toi que tu renonces à ton métier d'instituteur pour avoir le droit de remplir le mandat qui t'a été confié par les électeurs. (Brouhaha.)Excusez-moi, Monsieur le président, s'il vous plaît...
Une voix. Il n'est pas là !
Une voix. Parle plus fort !
Le président. Poursuivez, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani. Il faudrait...
Le président. Il faudrait dire à vos collègues d'être un petit peu plus attentifs !
M. Rémy Pagani. S'il vous plaît !
Le président. S'il vous plaît ! Voilà ! C'est incroyable, les socialistes vous empêchent de parler ! Poursuivez, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani. Depuis lors, ton action politique a permis à d'autres fonctionnaires d'être dispensés de ce cruel dilemme. C'est sous un gouvernement dit «monocolore» que tu fis tes premières armes et, là encore, le combat fut rude. Tentatives de privatisation tous azimuts: par exemple, du Service des automobiles à la Clinique de Montana... A cette époque, les tenants du libéralisme sauvage faisaient aussi leurs premières armes, libérés qu'ils étaient de la peur viscérale qu'ils avaient depuis 1917, date de la Révolution d'Octobre, en Russie,...
Des voix. Ah !
M. Rémy Pagani. ... l'heureuse disparition du mur de Berlin leur ayant ouvert toutes grandes les portes pour poursuivre sans vergogne, et à plus grande échelle, leur rapine.
Depuis bientôt trente-cinq ans d'activité politique à Genève, combien de batailles t'a-t-il fallu livrer ? D'abord, dans la rue, sur le terrain des luttes sociales, au collège, puis dans les entreprises, où tu exerças ton métier de mécanicien de précision, au coude à coude avec les membres de multiples associations, syndicats et organisations politiques dans lesquels tu as milité, puis au sein de ce parlement pour tenter de légitimer les idées de ces mouvements et inscrire dans la loi, et donc dans la durée, le rapport de force qu'ils construisent, eux avec toi à la base.
En certaines occasions, tu poussas cette action jusqu'à l'inscrire dans ce texte d'airain qu'est notre constitution cantonale. Rappelons-nous, par exemple, la lutte victorieuse des militants antinucléaires, dont tu fus l'un des fers de lance pour l'arrêt définitif du surgénérateur de Creys-Malville, et l'inscription, dans notre constitution, de l'abandon de l'énergie nucléaire dans notre canton.
Et n'oublions pas les très nombreux projets de lois que tu as rédigés, soit seul, soit avec le concours d'autres députés de notre fraction, ou encore avec les membres de l'Alternative. Et même, en certaines circonstances, quand cela te semblait nécessaire pour renforcer l'autonomie et la liberté de l'ensemble des habitants de notre cité, avec tes adversaires politiques ! Ainsi, tu as apposé ta signature sur plus de quatre cents projets de lois, motions et interpellations.
Aujourd'hui, tu nous quittes, alors que le fossé entre les riches et les pauvres de notre canton s'est creusé, que le nombre des plus faibles, ceux qui doivent se résigner à demander l'aide de l'Hospice général, a plus que doublé, passant de 1,1% à 2,8% de la population du canton. C'est dire combien est ingrate notre tâche.
En effet, comment ne pas dire notre insatisfaction de te voir nous quitter, alors que nos responsabilités sont encore plus lourdes. Nous nous consolerons encore en t'imaginant mener la vie dure aux parlementaires fédéraux que tu as rejoints, comme tu as mené la vie dure, ici, à certains de tes adversaires politiques. Ton rire, là-bas, y résonnera aussi fort, nous n'en doutons pas un seul instant !
A l'évidence, notre projet d'une société solidaire et de coopération, bien qu'il soit une réalité quotidienne pour toutes celles et tous ceux qui produisent aujourd'hui quelque chose dans le monde, n'est pas encore capable de rallier une majorité. Il n'en demeure pas moins que ce projet reste la seule issue au capitalisme si destructeur.
Il faut l'admettre, au niveau planétaire, chaque jour le bilan se fait plus dramatique: augmentation de la pauvreté, accentuation des inégalités sociales, perpétuation de la domination des hommes sur les femmes, destruction de la nature, exploitation plus intense de l'homme par l'homme, etc.
Même si tu quittes aujourd'hui ce parlement, il nous reste un long chemin à faire ensemble, et nous espérons que les détours et les surprises de la vie nous permettront peut-être de tirer un jour un bilan plus positif de notre action commune.
Pour conclure...
Des voix. Ah !
M. Rémy Pagani. Nous aimerions nous associer à tous les enfants qui empruntent les ascenseurs de ce canton, à leurs papas et à leurs mamans, pour te remercier. En effet, si les parents ne craignent plus que leurs bambins aient les bras broyés par des portes sans protection, c'est grâce à toi. Assurément, tu es à l'origine d'une loi qui a imposé des portes de protection dans tous les ascenseurs de notre canton. Peu de personnes s'en souviennent; la mémoire collective est ingrate. Une fois encore, en leur nom, nous t'en remercions.
Enfin, je profite de ces quelques mots pour saluer l'arrivée de notre futur collègue député, Jacques François, en lui souhaitant, comme à toi, notre ami Pierre, bon vent, et qu'il puisse emporter ton rire aussi haut que volent les oiseaux.
Une voix. Oh ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! J'ai oublié de vous rendre votre «Bonsoir» de tout à l'heure, alors je comble cette lacune...
Il est pris acte de la démission de M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek siège dans notre parlement depuis bientôt trois législatures. Il a été élu en 1993, 1997 et 2001; il a été président de la commission de l'énergie et des Services industriels de 1997 à 1999, président de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil en 1998 et 1999, ainsi que président de la commission des droits de l'Homme (droits de la personne) en 2000-2001.
Nous le remercions de son intérêt pour les travaux du Grand Conseil et pour son engagement. Il a su manifester son engagement en parlant d'une voix forte, puisqu'il était capable, quand il le fallait, de parler parfois sans micro... Nous le félicitons pour son élection au Conseil national et lui souhaitons beaucoup de satisfaction dans l'exercice de ce nouveau mandat.
M. Vanek étant absent de Genève, nous lui ferons, comme il se doit, parvenir le traditionnel stylo souvenir à son domicile à Genève - et non pas en Inde, au Forum social, cela ne serait pas pratique...