Séance du vendredi 19 décembre 2003 à 14h
55e législature - 3e année - 3e session - 14e séance

PL 9122
Projet de loi du Conseil d'Etat sur la promotion de l'agriculture (M 2 05)
M 1474-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Claude Blanc, Stéphanie Ruegsegger, Gilles Desplanches, René Desbaillets, Hubert Dethurens, John Dupraz, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Thomas Büchi, Jacques Jeannerat, Jean-Michel Gros concernant la promotion des produits du terroir genevois

Préconsultation

Le président. Nous sommes en procédure de préconsultation. Les interventions sont donc limitées à un député par groupe et à un temps de parole de cinq minutes. La parole est à Mme la députée Françoise Schenk-Gottret.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Voici un projet de loi ambitieux ! Un travail de titan nous attend en commission compte tenu des nombreuses problématiques soulevées par ce projet de loi, que ce soit en matière d'aménagement du territoire, de gestion des fonds de l'Etat ou encore de protection sociale et de commerce équitable.

Si l'on se place, plus simplement, dans la perspective du développement durable, nous nous trouvons face aux trois piliers bien connus de la protection de l'environnement, de la solidarité sociale et de la composante économique.

La composante environnementale bénéficie, visiblement, des faveurs du projet de loi.

La composante sociale est traitée avec légèreté à l'article 21 du projet de loi; ce dernier montre à l'évidence, par le biais de phrases telles que «Une attention particulière est portée...», «A cet effet, et dans les limites de ses compétences, le canton met tout en oeuvre...» l'absence d'une réelle volonté politique quant à la mise en place d'un outil de loi efficace protégeant les salaires ainsi que les conditions de travail et de logement des ouvriers agricoles.

Lorsqu'on arrive à la composante économique, qui constitue un aspect financier non négligeable, on se trouve face à un article 22 dont la teneur est la suivante: «Les mesures d'aménagement du territoire touchant les terrains appropriés à un usage agricole ou horticole, situés en zone agricole, donnent lieu à des compensations quantitatives ou financières». (Brouhaha.)Si l'on se réfère à l'exposé des motifs, on trouve cette phrase: «Au vu de l'exiguïté du territoire cantonal, les compensations quantitatives seront rares en principe, et c'est du côté des compensations qualitatives, nécessitant un financement, comme par exemple l'amélioration de l'outil de production, qu'il conviendra de se tourner». La considération suivante est: «Ultérieurement... (L'oratrice insiste sur ce terme.)...l'application de cette disposition pourrait s'étendre également aux projets d'aménagement créant une plus-value pour les particuliers». Puis on lit: «Toutefois, avant d'étendre le champ d'application de l'article 22, un certain nombre de dispositions légales et réglementaires devront être examinées par les autorités compétentes - Conseil d'Etat ou Grand Conseil. Ces réflexions n'auront lieu qu'après l'entrée en vigueur du présent projet de loi.» Cela est d'une légèreté tout aussi insoutenable que l'article 21 relatif aux ouvriers agricoles !

Le groupe socialiste ne peut admettre que l'on esquive les contraintes de la législation fédérale par une pirouette. En effet, lorsque le propriétaire d'un terrain à bâtir voit celui-ci passer en zone agricole, il y a expropriation matérielle et l'Etat paie. Lorsqu'un terrain passe de zone agricole en zone à bâtir, il se réalise une très forte plus-value. L'Etat ne perçoit pas de taxe, ce qui est contraire à l'article 5 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. On ne peut cependant envisager que l'Etat verse de surcroît une compensation financière parce qu'une surface agricole disparaît et que l'on ne peut la compenser quantitativement !

Si on met l'article 22 en relation avec l'article 33 - lequel établit la création d'un fonds de compensation agricole - et que l'on se réfère à la page 30 du projet de loi, on se demande comment le Conseil d'Etat alimentera ce fonds. «Ultérieurement» ne constitue pas une réponse acceptable ! Il aurait fallu avoir le courage de régler cette question en adoptant une disposition législative qui aille dans le sens de l'établissement d'un régime de compensation au sens de l'article 5 LAT tel que proposé, par exemple, par l'initiative 21. Lorsque nous aborderons ce sujet en commission, j'ose espérer que les travaux ne revêtiront pas le même caractère désagréable que celui qui a régné lorsque nous avons travaillé sur les zones inondables dans le cadre de la deuxième révision de la loi sur les eaux. Si tel était le cas, le groupe socialiste se verrait à nouveau obligé de rédiger un rapport de minorité et de pallier les graves défaillances de ce projet par le dépôt d'un projet de loi adéquat !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Christian Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Ce projet de loi survient dans un contexte général relativement troublé pour l'agriculture. L'agriculture suisse - et, plus particulièrement, genevoise - a en effet dernièrement été la cible d'attaques inadmissibles de la part d'un avocat, d'une partie de la presse ainsi que de certains milieux économiques. Les produits suisses, qui sont évidemment aussi fabriqués dans notre canton, ne sont pas équivalents aux produits que vous pouvez trouver dans le reste de l'Europe: ils sont de très haute qualité. Le travail des agriculteurs pratiquant la production intégrée avec des fumures raisonnées est rémunéré par la Confédération. Ce système entraîne des conséquences au niveau environnemental pour l'ensemble de la population, mais ce n'est pas là le sujet du projet de loi. Il engendre également des produits de haute qualité: c'est ainsi que des restrictions au niveau de la fumure ou des pesticides protègent l'environnement, mais également le consommateur. Il faut le dire ! Ce projet permettra de promouvoir l'agriculture suisse en faisant passer le message suivant aux consommateurs: «Vous n'achetez pas le même bien si vous vous procurez un produit fabriqué chez nous plutôt qu'un produit fabriqué à l'étranger».

On évoque toujours le coût de nos produits agricoles. Je trouve légitime que, lorsqu'il désire manger, le consommateur n'ait pas l'impression de s'empoisonner; qu'il ne mange pas de la viande produite avec des hormones; qu'il ne mange pas du porc ou du bétail nourris aux antibiotiques pour croître plus rapidement. Il est également légitime que les produits consommés soient exempts d'OGM. Or, cette qualité se paie ! Il faut que l'on aide à diffuser l'idée selon laquelle le produit agricole fabriqué chez nous est un produit de marque et de haute qualité.

Le prix de ces biens posera certains problèmes pour les petits revenus. Toutefois, personne n'est obligé de manger de la viande quotidiennement: vous pouvez manger de la viande une fois par semaine. Si vous consommez d'autres produits, vous parviendrez à avoir une alimentation équilibrée. Il s'agit simplement de changer ses habitudes alimentaires de manière à consommer des aliments plus respectueux de l'environnement, plus diététiques et permettant non seulement de garder un budget équilibré, mais également de manger des produits de meilleure qualité. Manger reste un plaisir; manger reste un moment de convivialité. C'est ainsi que nous concevons les repas - et non comme certaines multinationales, qui voudraient nous faire croire qu'il s'agit uniquement de s'alimenter.

Ce projet de loi nous aidera à promouvoir cette agriculture en lui fournissant un cadre garantissant le maintien de cette très haute qualité dont nous sommes fiers. Les Verts sont extrêmement satisfaits des efforts entrepris par les agriculteurs de notre pays. Nous souhaitons pouvoir les aider à maintenir une agriculture non seulement productive, mais également de très haute qualité et respectueuse de notre environnement. C'est pourquoi je me réjouis de travailler sur ce projet de loi en commission ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Hubert Dethurens.

M. Hubert Dethurens (PDC). Il me semble que la problématique de l'agriculture mérite un bref historique car, ces derniers temps, de nombreuses personnes interviennent sur ce sujet sans visiblement le connaître. Je n'évoquerai que la période d'après-guerre. Qu'a-t-on demandé aux paysans suisses après la guerre ? On leur a principalement demandé de produire, et de produire encore, car la Suisse était déficitaire en matière de production agricole et sortait d'un conflit dont on avait souffert. Cette situation a perduré jusque dans les années 1960, voire 1970. L'agriculture s'est adaptée par une modification de ses structures; elle s'est, par exemple, adaptée par l'agrandissement de certaines fermes. Ces évolutions sont toutefois lentes, car l'agriculture est un métier qui vit au rythme des saisons. C'est ainsi que l'on n'a fait, depuis la guerre, que cinquante-huit ou cinquante-neuf récoltes - ce qui est peu. On ne peut pas changer comme cela des structures que l'on a mis dix ou quinze ans à construire dans le cadre familial - comme un certain avocaillon d'en bas le voudrait. On ne change pas de bureaux, nous: c'est toute une structure que l'on doit changer ! Comme l'a relevé M. Bavarel, Berne a d'ailleurs commencé à développer une politique agricole. Je pense notamment à la réforme «Politique agricole 2002», déjà vieille de cinq ans, qui s'est prolongée par «Politique agricole 2007». Je répète cependant une nouvelle fois que les agriculteurs concernés, âgés de 40 ou de 50 ans, ne peuvent pas arrêter du jour au lendemain.

Pourquoi une loi sur l'agriculture à Genève ? Cette loi doit en premier lieu aider cette profession à passer un cap difficile: alors que l'on évoluait dans un milieu productiviste, on doit aujourd'hui parvenir à une production beaucoup plus respectueuse de l'environnement, beaucoup plus «propre» - même si la production d'avant n'était pas «sale» - en utilisant moins d'engrais phosphatés ou azotés qui risquent de polluer nos lacs et nos rivières.

Je tiens à remercier M. Cramer, qui est l'initiateur de cette lettre. Il a contacté les milieux agricoles pour connaître leur avis quant à l'élaboration d'une loi-cadre sur l'agriculture. L'agriculteur est, par définition, relativement méfiant. Au début, il s'est donc un peu méfié. Suite à nos discussions, je pense toutefois que tous y gagneront et qu'une telle loi permettra de clarifier diverses situations dans notre canton. Quant à la question du financement, abordée par Mme Schenk-Gottret, même s'il ne s'agit pas d'une première, je signale que l'agriculteur sera lui-même impliqué dans ce financement puisqu'il lui sera demandé une cotisation - perçue à l'hectare. L'agriculteur est donc, également par le biais de son porte-monnaie, partie prenante de cette loi.

Je terminerai mon intervention sur l'élément le plus important de cette loi-cadre, soit le règlement d'application. J'ai une petite incertitude à ce sujet, mais M.  Cramer m'aidera sans doute à accepter ce règlement d'application puisqu'il nous a promis que nous serions impliqués dans sa rédaction. Mon souci est le suivant: je ne voudrais pas que ce règlement devienne une machine à produire du papier. Il s'agit là du reproche de la politique agricole suisse actuellement: ces règlements sont des machines à produire du papier ! J'espère que ces règlements pourront être appliqués avec l'effectif actuel du Service de l'agriculture. Qui dit production de papier dit, en effet, également production... j'allais dire de «fonctionnaires», mais il s'agit plutôt de «nouveaux collaborateurs» au service de l'agriculture. Cette loi ne doit pas avoir pour conséquence une multiplication des paperasseries administratives et des fonctionnaires !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Mark Muller.

M. Mark Muller (L). Comme me le soufflait à l'instant mon collègue Gros, un avocat peut en cacher un autre... Comme vous le savez, nous sommes, au sein du parti libéral, assez nombreux à appartenir à la corporation des avocats et nous n'adoptons pas tous la même position sur la question de l'agriculture.

Une voix. Heureusement !

M. Mark Muller. Le parti libéral accueille avec satisfaction ce projet de loi et tient en préambule à remercier le magistrat à l'origine de ce projet de loi, M. Robert Cramer, pour nous présenter ce projet de loi-cadre extrêmement important pour l'agriculture genevoise. Nous souhaitons également le remercier pour avoir préparé ce projet de loi en concertation avec les milieux intéressés.

Nous sommes tout à fait favorables à l'adoption, sur le plan cantonal, de mesures de soutien à l'agriculture genevoise. Cette dernière, comme d'ailleurs l'agriculture en général dans ce pays, a besoin d'un certain nombre de signaux politiques clairs lui indiquant qu'elle bénéficie d'un soutien pour développer son activité. Les mesures prévues par ce projet de loi, notamment s'agissant de la promotion et de l'écoulement des produits du terroir local, sont tout à fait bienvenues. Sont également bienvenues les mesures de préservation des ressources naturelles du canton et du paysage. Enfin, la notion de renforcement du lien social entre la ville et la campagne nous paraît également digne d'intérêt.

Je dirai quelques mots sur les propos tenus par Charles Poncet, que la presse se plaît à traiter de « libéral ». Il est vrai que celui-ci est membre du parti libéral. Il en a été l'un des élus...

M. Gabriel Barrillier. Heureusement ! Il a été exclu !

M. Mark Muller. Non ! Le parti libéral ne l'a pas exclu, car notre parti entretient et encourage la diversité et la liberté d'opinion. Il s'est toutefois distancé de façon officielle et publique des propos tenus par M. Poncet. Je tiens à répéter ici que le parti libéral ne se trouve absolument pas sur la même longueur d'ondes que Me Poncet. (Brouhaha.)Les problèmes qu'il soulève sont, en revanche, réels. Il ne faut pas se cacher la réalité. Le soutien à l'agriculture mérite un débat de fond et le projet de loi que nous soumet aujourd'hui le Conseil d'Etat est l'occasion de mener ce débat sur le type et l'ampleur du soutien qu'il convient d'apporter à l'agriculture genevoise. Le parti libéral se montrera néanmoins attentif en commission aux aspects financiers de ce projet de loi: il conviendra d'examiner dans quelle mesure et jusqu'où l'on pourra aller dans le soutien étatique financier à l'agriculture genevoise.

En guise de conclusion et pour rebondir sur les propos de Mme Schenk-Gottret, je souhaite aborder la question de l'alimentation du fonds proposé par ce projet de loi. Il est vrai qu'il y a quelques années le parti libéral s'était assez fermement opposé à la création d'un système de taxation de la plus-value foncière qui aurait permis d'alimenter un fonds en faveur de l'agriculture. Je voudrais simplement rappeler que, si nous nous étions opposés aussi vigoureusement - et avec succès, d'ailleurs - à ce système de taxation, c'est parce que le système proposé allait beaucoup trop loin: il taxait non seulement les déclassements de zones inconstructibles - soit le passage d'une zone agricole en zone à bâtir - mais également toute dérogation et même, dans certains cas, les simples autorisations de construire ! En revanche, vous vous souviendrez peut-être que nous n'étions, à l'époque, pas opposés à l'introduction d'un tel système limité aux purs déclassements de zone inconstructible en zone constructible. C'est donc une question que l'on pourrait remettre sur le tapis à l'occasion.

C'est dans cet esprit que nous accueillons tout à fait favorablement ce projet de loi et que nous soutiendrons, bien évidemment, son renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (AdG). Comme beaucoup d'entre vous, nous avons évidemment participé à la manifestation pour protester contre les propos outranciers de M. Charles Poncet. Comme nous l'avons démontré, nous sommes favorables au soutien de l'agriculture, qui connaît depuis plusieurs années une déchéance que nous nous efforçons de limiter. Les règles du jeu de ce projet de loi-cadre devraient cependant être claires. Or, comme nous l'avions déjà fait savoir lors du soutien à la viticulture, à l'examen de ce projet, nous trouvons que les règles du jeu n'en sont pas claires. Je vous donnerai deux exemples de ce manque de clarté.

En premier lieu, comme l'a relevé M. Dethurens, les agriculteurs de ce canton ont tout à gagner de ce projet de loi. On lit cependant à l'article 21 concernant les ouvriers agricoles qu'«une attention particulière est portée aux conditions de travail des ouvriers agricoles oeuvrant sur le territoire genevois». Dès lors que ce projet implique le versement de subventions tant par la Confédération que par le canton, on s'attendrait pour le moins à ce que le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui par le Conseil d'Etat respecte la loi genevoise ! En d'autres termes, on s'attendrait à ce que le contrat-type, dont l'une des conditions réside dans un salaire de 3 000 F minimum, figure dans la loi ! Voilà ce qu'est respecter les règles du jeu ! Dans ces conditions, nous pourrions entrer en matière sur ce projet de loi... (MM. Annen et Gros discutent.)Monsieur Annen, peut-on vous laisser discuter tranquillement ?

Le président. Poursuivez, Monsieur le député !

M. Rémy Pagani. Demandez-lui de se taire !

Le président. Adressez-vous à moi, Monsieur Pagani ! Vous serez ainsi moins distrait ! Je vous écoute «religieusement», si j'ose dire...

M. Rémy Pagani. Pourriez-vous lui demander d'aller causer à l'extérieur ?

Le président. Messieurs Annen et Kunz, votre grande discussion est sûrement très intéressante, mais elle perturbe quelque peu nos travaux ! (Protestations de M. Kunz.)Monsieur Kunz, s'il vous plaît, veuillez poursuivre votre discussion à la salle des Pas Perdus ou à la buvette ! Je vous en remercie. Monsieur Pagani, veuillez poursuivre !

M. Rémy Pagani. Toujours concernant les ouvriers agricoles, je ne vous ferai pas l'affront de lire le deuxième alinéa du même article 21, qui est du même tonneau. Je trouve éminemment déplorable de réserver un tel sort aux ouvriers agricoles. Cela me paraît un peu léger; nous reviendrons donc sur ce point en commission. Voir figurer au moins une référence légale au contrat-type constituera l'une des conditions sur lesquelles nous nous montrerons intraitables pour accepter ce projet de loi.

Le deuxième exemple est un peu plus délicat. Comme je l'avais indiqué en commission, je m'attendais non seulement à ce que figure un label du terroir - car il s'agit effectivement de défendre les produits de notre région, qui ont de quoi être défendus, car ils sont pour l'essentiel de bonne qualité - mais j'aurais également imaginé voir figurer un label bio ou une appellation y ressemblant. Or, là aussi, absence totale de référence aux normes écologiques - même aux normes les plus «light» de la Confédération ! J'estime qu'un effort doit être fourni s'agissant de la promotion des produits agricoles. Je pense notamment à un magasin situé à Rive auquel j'ai rendu visite et dont je fais ici la publicité, car il s'agit d'une initiative extrêmement intéressante. On aurait donc voulu voir figurer en tête des colonnes ou des gondoles des magasins les caractéristiques biologiques des produits présentés ainsi qu'un label bio. Or, rien de tel ! Ce n'est qu'en réalisant des efforts en ces termes que l'agriculture genevoise et européenne pourra concurrencer d'autres agricultures - les agricultures organisées par des transnationales ne se souciant guère des normes biologiques, puisque chacun sait qu'il s'agit de cultures intensives. Un effort important doit donc absolument être réalisé sur la question du label biologique.

Nous espérons en commission faire adhérer à ces deux remarques, et le chef du département, et l'ensemble des agriculteurs qui feront partie de nos travaux !

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Georges Letellier.

M. Georges Letellier (UDC). Je souhaite exprimer ici l'avis de l'UDC. On ne peut que soutenir nos agriculteurs genevois. Je mettrai néanmoins l'accent sur un point: l'agriculture ne peut survivre que par des produits de qualité. Le label qualité constitue donc un must indispensable à la promotion de l'agriculture non seulement à l'échelon régional, mais à l'échelon international. Lors de la Foire de Genève, j'ai visité quelques stands d'agriculteurs et de viticulteurs et j'ai eu l'occasion de discuter avec des responsables. J'ai été agréablement surpris de constater que chacun était conscient du fait qu'il fallait développer des produits de qualité pour améliorer nos exportations et notre place sur les produits locaux.

L'UDC est donc tout à fait favorable au vote de ce projet de loi.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Gabriel Barrillier.

M. Gabriel Barrillier (R). Je supplée à l'absence des députés paysans et viticulteurs du groupe radical. Cela ne me pose aucun problème, car je suis fils de paysan...

Une voix. Et grand consommateur !

M. Gabriel Barrillier. Je souhaite faire quelques considérations.

En premier lieu, Monsieur Letellier, je note avec satisfaction que l'UDC soutiendra l'agriculture et la paysannerie. Il faudra cependant examiner comment vous vous y prendrez sur le plan national - alors que vous êtes, je vous le rappelle, mon cher collègue Reymond, un parti agrarien...

S'agissant des derniers développements sur la place et la fonction de l'agriculture dans l'économie nationale, il est vrai que j'ai été, comme M. Pagani, très heurté par la polémique qui s'est développée suite aux déclarations de Me Poncet. Sans vouloir chauffer la salle, j'estime que le propre d'un maître est d'exceller dans sa profession: il existe, par exemple, des maîtres-menuisiers ou encore des maîtres-plâtriers. Je ne pense en revanche pas que M. Poncet soit un maître-avocat. Je le dis ici parce que M. Poncet s'était, en son temps, montré fort méprisant à l'encontre des artisans et des petites gens d'autres métiers - notamment des métiers de la construction. Sans faire le procès de M. Poncet, on sent une réaction très forte à l'encontre de cet homme. Je note que, lorsqu'il avait attaqué les artisans du bâtiment, le parti libéral avait convoqué ma fédération en lui faisant comprendre que Me Poncet était un homme important. Cette fois, le parti libéral a quasiment exclu - ou excommunié - M. Poncet de ses rangs. On constate donc une différence d'appréciation...

S'agissant de ce projet de loi, chacun s'accorde à reconnaître l'importance de l'agriculture non seulement en tant que profession fournissant des produits qui nourrissent la population, mais surtout en tant que secteur jouant un rôle multifonctionnel. Je ne mentionnerai à titre d'exemple que l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Ce projet de loi cantonal contribuera, selon moi, à renforcer ce rôle multifonctionnel dans une région très fortement urbanisée.

Concernant les conditions de travail, je vous avouerai très franchement que j'ai été heurté par l'emploi, dans ce projet de loi, du terme d'«ouvriers agricoles». Je vous informe, très chers collègues, que, dans le secteur du bâtiment, on appelle ces personnes des «travailleurs» ou des «collaborateurs», mais non des «ouvriers»... (Manifestation dans la salle. Le président agite la cloche.)Il s'agit là d'un problème de forme, mais qui a son importance.

J'ai toujours été partisan d'une convention collective de travail pour l'agriculture sur le plan cantonal, romand ou fédéral. Il me semble que cela serait un avantage. Je sais qu'Agri Genève a tenté - et tente toujours - d'obtenir cette convention collective de travail. Jusqu'à ce jour, elle n'est pas parvenue à convaincre l'association patronale - l'Union suisse des paysans - de conclure un tel contrat. Or, une telle convention constituerait un plus qui permettrait d'améliorer la situation. Je suis également favorable à la création d'un fonds de compensation et de promotion agricole. Ce fonds pourrait être alimenté par les déclassements de zones agricoles. Un débat important doit être mené sur cette question d'actualité. J'espère, en tant que connaisseur et membre du monde paysan, que celui-ci parviendra à se mettre d'accord sur cette question. Je sais, Monsieur Dethurens, que vos milieux sont divisés. Je souhaite personnellement que l'on trouve des solutions pour l'utilisation de ces péréquations.

Au nom du groupe radical, j'accueille favorablement ce projet de loi. Je formulerai toutefois une dernière mise en garde. Messieurs les paysans, j'ai passé dix ans à l'Union suisse des paysans à Brugg durant les années de productivisme. On tenait alors le discours suivant aux paysans: «Produisez et l'Etat s'occupera de l'écoulement des produits !». Il s'est, ensuite, produit un virage à 360°...

Des voix. 180° !

M. Gabriel Barrillier. ...ou 180° - mais même davantage ! Enfin, un virage extrêmement important ! Je ne cherche pas des voix dans les campagnes, mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un virage très important ! M. le président Cramer est très adroit. C'est pourquoi j'ai prévenu les paysans: «Attention, vous devez rester les maîtres de votre destin ! Vous ne devez pas tout attendre de l'Etat, y compris s'agissant de la promotion de votre profession !». Nous verrons en commission comment équilibrer ces divers éléments, mais restez attentifs, chers collègues de la paysannerie !

Le président. Merci, Monsieur le député. Permettez-moi de vous annoncer que vous êtes en liste pour le Champignac ! (Rires.)La parole est à M. le président du Conseil d'Etat Robert Cramer.

M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat. Cela me paraît un peu sévère...

Je tiens ici à vous remercier de l'accueil que, de façon générale, vous faites à ce projet de loi. Comme vous pouvez le constater, ce dernier va au-delà de la réponse à la motion 1474 qui a été adoptée par votre Grand Conseil et s'efforce de concrétiser un engagement pris par le Conseil d'Etat dans son discours de Saint-Pierre. Cet engagement consistait à mettre en oeuvre une politique visant à favoriser un rapprochement entre ce grand groupe de consommateurs urbains que représente l'essentiel de la population de notre canton et les producteurs. De façon à concrétiser cet engagement - qui s'inscrit dans le prolongement d'une démarche déjà engagée à la fin de la dernière législature dans le cadre d'un groupe de travail que nous avons décidé ensemble d'appeler «souveraineté alimentaire», le Conseil d'Etat a estimé qu'il ne fallait pas que, comme cela est trop souvent le cas au niveau fédéral, l'Etat donne des injonctions aux agriculteurs quant aux biens qu'ils devaient produire. Il s'agit, après tout, de producteurs et d'entreprises. Ainsi, de la même façon que l'Etat ne partage ni les risques ni les profits de ces entreprises, il n'a pas à dicter à ces entrepreneurs leur conduite. En revanche, dès l'instant où ces biens agricoles sont produits, un autre métier s'ouvre: celui de la diffusion. C'est sur ce point qu'une autorité cantonale peut intervenir de façon efficace.

J'ai indiqué tout à l'heure que ce projet de loi était le résultat d'un travail important mené conjointement par l'administration et par un groupe de travail intitulé «souveraineté alimentaire». Il me reste à mentionner ceux qui ont participé à ce groupe de travail. Il s'agit, pour l'essentiel, d'agriculteurs actifs dans les différentes branches de cette profession. Ce groupe d'une dizaine de personnes comptait également deux syndicalistes issus de syndicats engagés dans la défense des travailleurs agricoles. Or, je puis vous garantir que, pour ces syndicalistes, l'expression d'«ouvriers agricoles» n'avait strictement rien de choquant. Le groupe comptait aussi un représentant des associations de consommateurs. Il ne comprenait, en revanche, aucun représentant d'associations environnementales. Ce projet de loi - dont Mme Schenk-Gottret, qui connaît bien ce domaine, relève la bonne facture environnementale - doit sur ce point tout aux propositions énoncées par les milieux agricoles. C'est dire le haut niveau de conscience des agriculteurs de notre canton concernant les questions environnementales.

Je tiens encore à apporter deux précisions à l'attention de M. le député Pagani - que je souhaiterais par ailleurs vivement voir suivre les travaux de la commission. Nous nous réunissons, Monsieur le député, le jeudi. Je connais votre attachement à notre agriculture et vos compétences en la matière - compétences dont vous avez témoigné dans le cadre des travaux de la commission de l'économie concernant le projet de loi sur les mesures d'urgence. Il me semble donc qu'il serait utile à nos travaux que vous y participiez.

En ce qui concerne votre première observation, qui portait sur l'absence de référence du contrat-type, je vous dirai la chose suivante: il paraissait évident aux membres de cette commission que nous voulions au minimum le respect du contrat-type. C'est pour cela qu'aucune référence expresse n'est faite à ce contrat-type. Toutes les références aux conditions de travail visent toutefois bien évidemment à souligner la nécessité d'y être sensible. Au-delà de ce socle légal qui place dans une situation de hors-la-loi ceux qui ne le respectent pas, elles mettent également en évidence la nécessité de procéder à des améliorations, notamment par des mesures portant sur la formation. Il s'agit là d'une nouveauté: le fait d'énoncer clairement dans une loi que nous sommes attentifs aux conditions de travail constitue, selon moi, une première. Si cette loi mérite encore quelques interprétations et quelques précisions dans le texte, elles y seront. Soyez cependant assuré que ce texte va tout à fait dans le sens que vous préconisez !

Concernant la question des labels, on a opté pour un label générique indiquant la provenance genevoise d'un produit; un certain nombre de précisions sont apportées et contrôlées dans le cadre de ce label générique. Ces précisions portent notamment sur le type de culture - culture bio ou hors-sol. Le consommateur saura ainsi très précisément quel produit il achète et comment celui-ci a été fabriqué. Les associations de consommateurs ont, bien entendu, été très attentives à ce point. Nous travaillons sur cette question. Le nom du label «Terre avenir» a déjà été déposé et nous nous penchons actuellement sur le cahier des charges du label ainsi que sur son règlement d'application. Cette question sera bien entendu présentée dans le cadre de la commission. Comme vous pouvez le constater, votre préoccupation est totalement intégrée dans les travaux qui sont menés !

Voilà ce que je souhaitais dire pour réagir à chaud aux quelques réflexions qui ont été faites dans le cadre de ce débat. Je me réjouis, Mesdames et Messieurs les députés, de poursuivre ce travail avec vous en commission. Je vous remercie de l'attention que vous avez prêtée à ce projet de loi et à l'accueil que vous lui avez d'ores et déjà réservé.

Le projet de loi 9122 est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1474.