Séance du vendredi 19 décembre 2003 à 10h20
55e législature - 3e année - 3e session - 13e séance

M 1507
Proposition de motion de Mmes et MM. Carlo Sommaruga, Laurence Fehlmann Rielle, Françoise Schenk-Gottret, Christian Brunier, Alexandra Gobet Winiger, Antonio Hodgers, Michèle Künzler, Christian Bavarel concernant la pénurie de logements à Genève et les mesures immédiates envisageables

Débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). La crise du logement est un grave problème qui fait dépenser beaucoup d'encre et de salive, tant du côté de la gauche que de la droite, mais les solutions proposées diffèrent selon les bords politiques: la droite pense en particulier qu'une des clés importantes tient dans l'allégement des procédures. Tel n'est pas notre avis et, à ce propos, je reviendrai brièvement sur le débat de tout à l'heure pour dire à M. Barrillier qu'il ne faut pas qu'il se contente seulement de lire les manchettes du GHI, mais également les conclusions du récent rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques qui faisaient état notamment du fait que certaines lois - la LDTR en particulier - permettaient de conserver des logements à prix abordables, notamment en ville. Il faut donc varier ses lectures et montrer que beaucoup de lois sont importantes et loin d'être ringardes. L'acte de construire est en effet aujourd'hui très difficile, et on reconnaît que des contraintes et des blocages se manifestent notamment dans un certain nombre de communes où il est difficile de faire passer l'idée d'introduire quelques logements sociaux ou même une certaine mixité, garante de la qualité de vie dans une commune ou dans un quartier.

Pour en venir à cette motion, je crois que, contrairement à ce qui avait été dit lors d'un précédent débat sur le logement ou l'aménagement, la gauche a un certain nombre de propositions qui sont contenues dans ce projet de motion. Cette motion est dense mais elle essaie d'apporter des mesures immédiatement envisageables pour essayer de surmonter la pénurie actuelle de logements.

Cette motion comporte plusieurs volets dans lesquels l'Etat pourrait agir de façon plus systématique pour favoriser la mise ou la remise sur le marché de logements qui soient accessibles à la majorité des personnes qui en ont besoin. Je vous ferai grâce des différentes propositions qui sont contenues dans la motion, mais, puisqu'il y a plusieurs volets, l'un d'entre eux porte sur le problème des logements vides et des logements vacants.

Il y a aussi toute la question des changements d'affectation des surfaces d'habitation commerciales qui ont été parfois abusivement transformées et qui ont retiré du marché des possibilités de logements.

Il y a aussi le problème toujours aigu du logement des personnes en formation. Vous savez que cette motion a été déposée il y a une année, au cours de laquelle la question du logement des personnes en formation s'est manifestée avec beaucoup d'acuité, et, depuis lors, s'il y a peut-être eu quelques progrès, la situation est toujours difficile et nous souhaitons fermement que l'université s'engage aussi de façon plus résolue pour avoir une politique active dans le domaine du logement des étudiants.

Je vous l'ai dit, une année s'est écoulée depuis le dépôt de cette motion, et la situation sur le front du logement ne s'est pas améliorée, puisque le taux de logements vacants est passé de 0,24% à 0,17%. La situation est donc toujours très aiguë. D'ordinaire, ce genre de motion aurait été renvoyée en commission pour étude, mais je crois que la situation est suffisamment grave pour que l'on puisse souhaiter qu'elle soit directement renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). Cette proposition de motion est quasiment un programme politique et pour l'essentiel nous la soutenons et sommes d'accord de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Elle appelle cependant toute une série de remarques sur la réalité d'aujourd'hui. Même si la motion date d'une année, elle est tout à fait dans la cible, notamment par rapport aux bureaux et aux surfaces commerciales vides. J'en veux pour preuve un immeuble qui a été construit aux Charmilles, en haut de la rue de Lyon, qui est aujourd'hui totalement vide. Il a été construit par la Société Privée de Gérance et il ne fait qu'accroître le nombre de surfaces commerciales vides. Dans cette motion, il est réclamé que certaines entités, certains propriétaires transforment ces bureaux en logements, qui étaient leur affectation première. C'est possible de le faire, puisqu'un immeuble à la Jonction, en face de la défunte «Suisse», à la rue des Savoises - un immeuble dans lequel il y avait d'ailleurs le siège du PDC - a été transformé en logements. C'est une bonne chose, car un certain nombre de logements ont ainsi été mis à disposition des locataires.

C'est donc une raison importante de soutenir cette motion qui va dans le sens de certaines pratiques qui sont encore aujourd'hui ténues mais qui doivent être renforcées.

La question de la réquisition des appartements, Mesdames et Messieurs les députés, est aussi importante. Je vous rappelle que, selon les statistiques, il existe encore ici et là - pas dans des immeubles entiers - 800 logements qui sont retirés volontairement du marché, on ne sait pourquoi, pour vendre, pour spéculer. On a d'ailleurs vu, il y a une année, une association de régisseurs ou un congrès, plus exactement, qui dénonçait le retour de la spéculation. Il est effectivement juste de dénoncer ce scandale que constitue cette pratique en pleine pénurie grave de logements. En effet, des propriétaires retirent volontairement un appartement du marché pour le laisser vide et le vendre, en faisant des profits importants sur une denrée essentielle à la population. Nous rappelons au magistrat, puisqu'il est seul, que la constitution non pas l'oblige mais l'enjoint à inviter ces propriétaires récalcitrants à mettre rapidement ces logements sur le marché et, le cas échéant, à les forcer, c'est-à-dire à faire en sorte que l'Etat réquisitionne ces appartements et les mette à disposition des demandeurs de logements.

C'est donc pour cela que nous estimons que cette motion doit non seulement être acceptée en l'état, mais qu'elle doit aussi être immédiatement renvoyée au Conseil d'Etat dans la mesure où, si nous la renvoyons en commission, elle va prendre six mois, voire une année - vu l'ordre du jour de la commission d'aménagement ou celle du logement - pour revenir en plénière, c'est-à-dire au moment auquel il sera peut-être trop tard pour bien faire.

M. Gabriel Barrillier (R). En préambule, je voudrais faire remarquer que la commission du logement ne s'est plus réunie depuis au moins deux mois, et que dirait la population si elle savait que, en pleine pénurie du logement, la commission du logement ne se réunit pas, qu'elle n'a rien à faire !... C'est quand même une situation paradoxale.

Parlons maintenant de cette motion. Je trouve que son texte est assez fourre-tout: on y propose pêle-mêle toute une série de mesures, qui sont, pour la plupart, bureaucratiques et restrictives. Quand j'entends notre ami Pagani parler de réquisition, je me souviens de mon père qui me parlait de l'économie durant la guerre et des réquisitions subséquentes. Pour moi, réquisitionner est vraiment l'expression d'une vision économique complètement anachronique. Encore une fois, par des mesures technocratiques et bureaucratiques, on veut encadrer le marché du logement encore davantage. Selon moi, c'est un coup d'épée dans l'eau, car c'est simplement se donner bonne conscience que de déposer ce type de motions.

Plus sérieusement, j'aimerais quand même faire remarquer que, concernant le logement des personnes en formation - parce qu'il y a plusieurs catégories de candidats au logement, d'ailleurs les invites sont un peu confuses à ce sujet, on mélange un peu les catégories de logements - la commission du logement, précisément, a agi avec célérité. Elle a voté un projet de loi qui vise à financer la construction de logements pour les étudiants, et je pensais trouver ce rapport dans l'ordre du jour de notre Grand Conseil. Malheureusement, pour différentes raisons, le rapporteur n'a pas encore rendu son rapport. Ce rapporteur fait pourtant partie des partis qui ont signé cette motion. Par conséquent, et sans vouloir être méchant, je considère que c'est toutefois un peu fort de café de donner des leçons, de remplir des motions et de ne pas rendre les rapports à temps pour réaliser une partie importante de la motion.

Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical refuse cette motion qui n'est qu'un coup d'épée dans l'eau et qui est superfétatoire.

M. Claude Blanc (PDC). Il est heureux que nous traitions aujourd'hui, en urgence, une motion qui a treize mois et qui a déjà figuré treize fois à notre ordre du jour ! On voit donc que l'urgence est une chose relative, et qu'au fur et à mesure que le temps passe l'urgence diminue.

Cela étant, ce projet de motion soulève toute une série de problèmes, donne toute une série de potions magiques, qui, si elles étaient aussi magiques que cela, auraient déjà été utilisées depuis longtemps. Il est évident qu'il n'est pas possible de transmettre tel quel un texte aussi touffu au Conseil d'Etat, parce que nous n'avons pas la possibilité d'en analyser toutes les demandes: il y en a au moins trente ! On ne peut pas renvoyer une telle motion sans en avoir un petit peu parlé en commission, et sans avoir élagué au moins quelques-unes des invites qui y figurent, de manière à renvoyer au Conseil d'Etat un texte qui soit lisible, ainsi qu'une volonté du Grand Conseil qui se concentre sur des choses importantes. En effet, certaines choses ont déjà été réalisées par la commission du logement - M. Barrillier en a déjà parlé - mais le rapporteur fait défaut; or ce sont les mêmes personnes ! Il y a donc là quelque chose qui ne marche pas. On s'avance pour être rapporteur, on sait qu'on a déjà déposé une motion qui va dans le même sens, et puis on ne dépose pas le rapport, pour pouvoir continuer à moudre du grain en plénière, parce que cela fait bien de se poser en défenseur du logement.

Soyez sérieux, Mesdames et Messieurs les députés, sachez ce que vous voulez, réalisez-le dans la mesure de vos moyens, c'est-à-dire déposez les rapports de commission en temps utiles. Il ne faut pas continuer à se moquer du monde de la sorte.

Je conclurai en demandant le renvoi de ce projet en commission du logement - qui, comme le disait M. Barrillier, ne s'est pas réunie depuis deux mois parce qu'elle n'a plus de blé à moudre - afin d'en faire quelque chose de présentable.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, une demande de renvoi en commission ayant été formulée, je ne donnerai la parole qu'à un député par groupe et uniquement sur le renvoi en commission.

M. Mark Muller (L). Je rejoins M. Blanc sur sa demande de renvoi en commission. Il y a effectivement une bonne trentaine de propositions diverses et variées qui figurent dans cette motion, qui demande notamment au Conseil d'Etat de respecter la loi, ce à quoi nous ne pouvons qu'adhérer, évidemment.

Cela étant, il y a quand même un certain nombre de propositions qui vont trop loin, notamment quant à des mesures d'expropriation ou quant à l'exercice accru du droit de préemption de l'Etat.

Nous pensons qu'il serait effectivement judicieux de renvoyer la motion en commission pour la recentrer et la voter, si possible, à l'unanimité, comme nous l'avons fait par le passé sur plusieurs motions en matière de logement.

Mme Michèle Künzler (Ve). Contrairement à mon préopinant, je pense qu'il ne faut pas renvoyer cette motion en commission. Je crois que ce serait faire injure à notre président, M. Moutinot, de dire qu'il est incapable de lire trente points. Je pense qu'il est alphabétisé, qu'il comprend les choses, et qu'on peut entièrement lui faire confiance, et qu'on peut donc envoyer immédiatement ce projet aux conseillers d'Etat.

M. Jacques Baud (UDC). Je rappellerai au milieu immobilier que, à Genève, les loyers sont bien souvent trop élevés, qu'il ferait bien de faire un petit effort pour les baisser, ce qui empêcherait la gauche de vouloir légiférer «à tire-que-veux-tu». Tout le monde s'en porterait très bien.

Quant à cette motion, il y a tellement de choses aberrantes dedans qu'il n'est pas question de la renvoyer en commission ni même d'entrer en matière à son sujet.

M. Alberto Velasco (S). Il est quand même intéressant d'entendre M. Baud affirmer ce qu'il vient d'affirmer, puisque, tout à l'heure, il s'est répandu en disant que les pauvres n'avaient pas à être parqués... (L'orateur est interpellé.)...Ah, d'accord, on lui explique comment il faut voter. Il n'a pas très bien compris comment il fallait voter...

Une voix. Vas-y !

M. Alberto Velasco. Par le biais des affirmations que fait M. Baud, on peut apprécier la politique de l'UDC. L'UDC qui est à côté des pauvres, qui écoute les classes défavorisées de notre société... (Exclamations. Huées.)Or lorsqu'il s'agit de voter des motions qui sont en faveur de ces pauvres, Monsieur Baud, l'UDC est totalement absente. Je considère que vous êtes des gens qui pratiquez un discours fallacieux: vous êtes constamment en train de parler des pauvres et de dire que vous voulez les défendre...

Le président. Veuillez vous exprimer sur le renvoi en commission, uniquement, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Si vous êtes véritablement prêts à défendre ces gens-là, faites-le donc ! Si vous êtes véritablement du côté de ces gens-là, il faut voter cette motion. Il n'y a aucune différence entre vous et l'Entente, Messieurs. L'Entente, aujourd'hui, c'est vous et ce qui était la majorité auparavant.

Nous refusons le renvoi de cette motion en commission et appuyons son renvoi au Conseil d'Etat.

Le président. Le groupe UDC s'est déjà exprimé sur le renvoi en commission, je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, puis nous voterons sur le renvoi en commission. Si ce dernier est refusé, nous poursuivrons nos débats.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Si vous souhaitez débattre de cette motion en commission du logement, c'est évidemment votre droit. Si vous souhaitez la renvoyer au Conseil d'Etat, si vous me passez l'expression, je trierai. Dans les nombreuses invites de cette motion, il y a des rappels à appliquer la loi - j'ose espérer que je l'applique; il y a des demandes d'études - qui, je vous le dis tout de suite, posent des problèmes en termes de capacité de la fonction publique à réaliser toutes les études que vous demandez, ainsi que des problèmes financiers afin de déterminer tout ce qui est demandé; il y a des orientations tout à fait intéressantes, auxquelles je suis prêt à souscrire; il y a d'autres invites qui me paraissent assez inutiles, voire contre-productives. Par conséquent, dans l'hypothèse où vous renverriez cette motion au Conseil d'Etat, la réponse qui vous sera faite sera, sur certains points, d'aller dans le sens de la motion, sur d'autres, de ne pas se lancer dans des études excessives ou des analyses qui n'apportent rien de concret. A partir de là, si vous souhaitez faire un tri préalable dans les invites en commission du logement, je n'ai aucune objection à y apporter. Je ne suis pas certain qu'il sortira beaucoup de logements supplémentaires au final, mais le débat politique sera passionnant.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter sur la demande de renvoi en commission du logement formulée par M. le député Blanc. Nous allons voter par électronique. Celles et ceux qui acceptent le renvoi en commission voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion en commission est rejeté par 32 non contre 26 oui.

Le président. Nous poursuivons nos débats. La parole n'étant pas demandée, nous allons voter sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat par électronique. Celles et ceux qui acceptent le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat... (L'orateur est interpellé.)Monsieur Muller, lorsque j'ai consulté mon écran, personne n'était inscrit...

Une voix. Nous n'avons pas eu le temps de nous inscrire !

Des voix. Ooh !

Le président. Je vous propose d'abord de vous calmer. C'est la première des choses à faire... Voilà. Permettez-moi tout de même de vous dire quelque chose, Mesdames et Messieurs les députés. Je m'adresse en particulier à MM. Weiss et Muller. Ce n'est pas de ma faute s'il vous faut trop de temps pour vous inscrire. Je regarde mon écran après le vote sur le renvoi en commission, je vois que personne n'est inscrit, je temporise un peu, je constate que toujours personne n'est inscrit, c'est donc normal que je lance la procédure de vote, dans ce cas. Si vous voulez continuer à débattre, débattons, vous avez la parole, Monsieur Muller, mais très brièvement. (Exclamations.)

M. Mark Muller (L). Merci, Monsieur le président, pour votre compréhension.

Une voix. Quand c'est M. Pagani qui demande, on est d'accord !

M. Mark Muller. Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir fait preuve de compréhension à l'égard de notre lenteur. Une fois n'est pas coutume, Monsieur le président. Dès le moment où nous avons décidé de débattre de cette proposition de motion, qui comporte une trentaine de propositions diverses et variées, je crois qu'il est important que ce débat ait lieu.

L'Alternative n'a pas souhaité qu'on étudie cette proposition en commission - ce qui nous étonne, d'ailleurs: d'habitude, c'est l'inverse - alors il faut qu'on examine un certain nombre de ces propositions. Celle dont on parle beaucoup depuis quelque temps à Genève concerne l'expropriation de l'usage de logements laissés abusivement vides. Certains voient dans ces dispositions légales la panacée, la solution miracle à la pénurie de logements à laquelle nous assistons dans le canton. L'Alliance de gauche nous répète, à longueur d'année, qu'il y a près de mille logements vides à Genève et crie au scandale, réclamant que le département applique enfin cette loi qui permet d'exproprier l'usage de ces logements.

J'aimerais tout d'abord vous dire que nous sommes d'accord avec le fait que la loi soit appliquée. Il n'y a rien de plus normal que cela. Nous ne nous sommes jamais opposés à ce que la loi soit appliquée, ce dans quelque domaine que ce soit. En revanche, cette loi est parfaitement inefficace pour résoudre la pénurie de logements, car les logements qui sont aujourd'hui vides le sont pour de bonnes raisons: soit parce qu'une demande de transformation est en cours, soit parce que le propriétaire veut vendre son immeuble, soit parce que ce dernier doit être démoli, soit parce que l'appartement est insalubre, etc. Bref, il y a une quantité de raisons pour lesquelles des appartements ne sont pas remis sur le marché. Dans ces cas-là, la loi ne permet pas d'exproprier l'usage des logements vides. Il y a peut-être effectivement des abus. Certains propriétaires imaginent qu'ils pourront spéculer, faire monter le prix des loyers à mesure que la pénurie s'aggrave. Nous ne soutenons pas ces propriétaires et nous considérons non seulement qu'ils doivent être sanctionnés pour ces agissements mais aussi que les logements doivent être remis à disposition sur le marché et loués à nouveau. Nous ne voyons rien de choquant à cela. Cela étant, ce ne sont pas ces mesures qui résoudront la pénurie de logements.

La dernière fois, lorsque nous parlions des motions de l'Entente sur la pénurie de logements, les socialistes ne nous ont pas suivis, parce que, disaient-ils: «Il est parfaitement inefficace et illusoire de dresser des inventaires.» Vous nous accusiez de vouloir demander des inventaires au département, de vouloir le faire travailler à vide, en quelque sorte, et que cela ne créerait aucun nouveau logement. Je vous invite à relire votre propre motion, Mesdames et Messieurs les députés, vous constaterez que vous n'y demandez pas moins de trois inventaires différents et que vous faites par conséquent cela même que vous nous reprochiez de faire le mois dernier. Soyez donc conséquents et, pourquoi pas, acceptez de renvoyer cette motion en commission pour constater que ces inventaires sont parfaitement inutiles... (L'orateur est interpellé.)...Oui, me réveiller, merci Roger.

Voici ce que je voulais dire sur ces deux points. Nous aurons certainement l'occasion d'en aborder d'autres dans le courant de ce débat.

M. Pierre Weiss (L). Un merci tout spécial, Monsieur le président, pour nous avoir autorisés à nous exprimer. Il est vrai que le Suchard Express de tout à l'heure n'était probablement pas assez concentré pour nous donner la rapidité suffisante pour presser sur le bouton, nous en prendrons deux, à la prochaine pause.

J'aimerais revenir tout d'abord sur les invites de cette proposition concernant les logements vides et vacants, avant de me tourner vers celles qui s'adressent aux personnes en formation.

Au sujet des premières, à savoir les logements vides et vacants, il y a deux points qui ont plus particulièrement retenu mon attention. Mon collègue Mark Muller a parlé de la question de la publication, sur un site Internet, de la liste des logements vacants à Genève. Je crois que nous devons apprendre par analogie. Apprendre par analogie, en l'occurrence, c'est avoir en mémoire les enseignements que nous pouvons tirer des listes de personnes disponibles que le système Plasta nous met à disposition en ce qui concerne les chômeurs. Nous savons fort bien que nous sommes en présence d'un système qui n'est pas particulièrement performant pour permettre de replacer, sur le marché de l'emploi, les personnes à la recherche d'un travail. Et malgré les avantages techniques de l'informatique... (L'orateur est interpellé.)Monsieur Velasco, vous êtes mal placé pour me dire que mon intervention n'est pas en rapport direct avec le problème dont nous traitons, alors que, dans votre camp, à moult reprises, on use et abuse des interventions qui sont hors propos.

Je continue donc mon analogie entre le système Plasta, qui existe, et le système que l'on nous propose de mettre ici sur pied. Je disais que, dans le cadre du système Plasta, les évaluations qui sont faites sur son efficacité laissent à penser que cette dernière est pour le moins faible. Par conséquent, en ce qui concerne la proposition qui est ici faite par les députés - dont certains ne sont d'ailleurs plus dans ce Grand Conseil, mais peu importe, ce n'est pas une spécialité propre à cette motion, il y en a d'autres, plus anciennes encore; d'ailleurs je crois que c'est M. Blanc qui a relevé la vétusté de cette proposition de motion qui en est à sa treizième inscription à notre ordre du jour - en ce qui concerne donc cette proposition de motion, nous ne pouvons espérer une efficacité aussi grande que celle qui serait nécessaire.

Deuxième point, sur l'invite sur les logements vides et vacants, le fonds de garantie. Il s'agit ici d'un autre problème. Le fonds de garantie, destiné à favoriser la conclusion de contrats de confiance est, compte tenu des problèmes financiers de notre République, un appel supplémentaire à augmenter nos dépenses. Mais, bien entendu, comment peut-on constituer un fonds de garantie... (L'orateur est interpellé.)Comment constituer un fonds de garantie sans le doter et étant entendu que cette dotation se fera évidemment au détriment d'autres tâches ? Il y a donc une nécessité d'arbitrage importante, et cette nécessité d'arbitrage appellera de notre part une attention soutenue.

J'aimerais terminer brièvement... (Manifestation dans la salle.)...dans le temps qui me reste, néanmoins, par le point concernant les logements des personnes en formation. La question est d'importance. Il est demandé d'introduire, dans le contrat de prestations de l'université, une responsabilité en matière de logements des étudiants. Souvenez-vous du proverbe selon lequel «Qui trop embrasse, mal étreint» ! Et même, qui trop embrase, mal éteint. Cependant, il ne s'agit pas de multiplier ces tâches à l'envi pour notre université. Elle doit se recentrer sur sa mission fondamentale, à savoir la formation, la transmission des connaissances, la recherche - dont nous avons parlé ce matin, et pour laquelle certains n'ont pas cru bon de mettre tous les moyens à disposition avec l'efficacité souhaitée par le chef du département de l'économie. Ainsi, quant à la proposition qui est faite ici, je crois qu'il s'agit d'une surcharge des missions de l'université, et je vous propose d'ores et déjà de la refuser. (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Vous n'avez pas voulu renvoyer ce projet en commission où il aurait pu être étudié de manière sérieuse, à votre aise. Cependant, je me rapporte aux propos de M. le président Moutinot, qui disait tout à l'heure: «Vous pouvez me renvoyer cette motion, j'essaierai de trier, mais sachez que je serai contraint de faire des rapports sur toutes les invites, et qu'il n'y aura pas de logements supplémentaires à Genève pour autant.» Vous avez demandé aux services de l'Etat de vous faire des rapports sur toutes les invites de cette motion: cela va produire beaucoup de papiers, mais cela n'apportera aucun nouveau logement.

Puisque vous n'avez pas voulu aller en commission pour trier tout ce qui se trouve dans cette motion, le groupe démocrate-chrétien vous propose de la refuser purement et simplement. Vous pourrez en déposer d'autres, un peu plus ciblées, sur lesquelles nous nous pencherons volontiers.

M. Gilbert Catelain (UDC). Beaucoup de choses ont été dites à propos de cette motion. Certaines d'entre elles sont intéressantes, mais il y a beaucoup de choses contraignantes. Permettez-moi de citer les termes utilisés: on parle d'expropriation, de droit de préemption, de responsabilité de l'université en matière de logement...

Je pense que le problème est très simple, vous l'avez reconnu, il est d'ailleurs reconnu par tous: nous avons un gros problème de logement, à Genève, ce depuis de nombreuses années. Je rappelle que de nombreux citoyens genevois ont dû quitter le canton pour se rendre dans le canton de Vaud - pour des questions de logements, et non pas seulement pour des questions fiscales - de sorte que l'on a ainsi fait une sorte d'épuration ethnique à l'envers.

Cependant, d'un autre côté, à part le constat du manque de logements disponibles, que devons-nous faire en tant que parlement ? La seule chose que nous devons faire est de donner la mission au Conseil d'Etat de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour essayer de résoudre cette crise. Cela n'est pas au parlement, qui n'a pas la compétence pour le faire - parce que nous ne sommes pas des professionnels de l'immobilier ou de l'aménagement du territoire - mais bien au département de trouver les moyens de mettre cet objectif en oeuvre.

Après, bien sûr, cela va devenir une usine à gaz dans laquelle on va pondre des rapports, et comme l'a dit mon précédent collègue, on ne construira pas un logement de plus.

Maintenant, sur le fond, j'ai déjà eu l'occasion de dire que, en dix ans, le taux d'occupation est passé de 2,8 à 2,1 habitants par logement. Si l'on arrivait à agir sur ne serait-ce que dix pourcent de cette différence de taux d'occupation de 0,7 - due à différents facteurs, notamment au fait qu'il y a de plus en plus de familles monoparentales - on ferait beaucoup au niveau du taux de logements libres dans ce canton.

Il y a un point intéressant - bon, c'est une partie de votre électorat, je le concède - c'est celui qui concerne le logement pour étudiants. Effectivement, la solution consiste à bétonner et à inviter l'université à assumer une responsabilité en matière de logement des étudiants. J'ai observé ce qui se faisait en Espagne - je ne sais pas si Mme Loly Bolay est présente... oui, elle est ici, mais elle discute - et notamment en Galicie. Allez voir ce qui s'est fait en Galicie quant aux logements pour étudiants ! Ils ont fait d'une pierre deux coups. En Galicie, il y a également une situation de l'immobilier qui est critique; il y a eu un «deal» entre l'université, les étudiants et l'Etat qui a consisté à faire un contrat de prestations entre les étudiants et les personnes âgées. L'étudiant loge chez une personne âgée seule, à qui l'étudiant ne fournit qu'une somme symbolique, appropriée à ses conditions financières et qui ne correspond pas au prix, généralement surfait, d'un logement. L'étudiant est aussi blanchi et nourri, ce qui est génial: il mange comme il faut et non pas au Mac Do. Il n'y aura donc pas besoin de mettre de Mac Do dans l'université. Tout cela, en contrepartie de quoi l'étudiant doit fournir une sorte de travail social par rapport à la personne âgée, c'est-à-dire qu'il doit la sortir une heure par jour - grosso modo, c'est ça. C'est une idée typiquement socialiste, et il serait intéressant de proposer ce système pour les étudiants de notre université. De la sorte, on n'a pas besoin de bétonner, on augmente simplement la densité des logements qui est manifestement trop basse à Genève. Cela serait satisfaisant pour tout le monde: pour les étudiants qui n'ont pas les moyens de se payer un logement et parviendraient ainsi à loger dans un périmètre proche de l'université. Ils seraient logés et blanchis, sans devoir attendre que les logements soient construits - ce qui représente trois, quatre ou cinq ans supplémentaires.

Voilà donc un moyen qui pourrait être mis en oeuvre sans nécessiter une motion. Il y a un effet positif à cela: généralement les personnes âgées qui se trouvent dans cette situation ont une santé mentale qui est de bien meilleure qualité qu'auparavant, simplement parce qu'elles ont de la compagnie.

Le groupe UDC ne votera pas en faveur du renvoi de cette motion au Conseil d'Etat parce qu'on y impose des moyens, alors que c'est la responsabilité du Conseil d'Etat de définir les moyens avec lesquels il va résoudre cette crise du logement.

Mme Michèle Künzler (Ve). Pour nous, l'urgence n'a pas diminué depuis une année et demie, et cette motion vise surtout à mieux utiliser l'existant. Nous mettons principalement l'accent sur quatre points - bien qu'il y en ait trente. Il s'agit premièrement des logements pour étudiants - et le rapport sera rendu cette année encore. Deuxièmement, il s'agit des déclassements : c'est vrai que, depuis, des progrès ont été accomplis, on a déclassé la moitié du terrain, et on attend la suite. Il est malheureusement aussi vrai que, parmi ces déclassements, seul un projet a démarré, à Bellevue.

Il y a deux autres points, qui n'ont pas été pris en compte: celui qui concerne le droit de préemption et celui qui concerne les achats d'immeubles situés en ville, en particulier ceux qui appartiennent à la Fondation de valorisation. Pour nous, c'est quand même là qu'il y aurait de quoi faire des logements sociaux non stigmatisants, c'est-à-dire qu'ils ne seraient pas situés en périphérie. C'est dans cette perspective qu'il faudrait agir, et c'est pourquoi nous préconisons qu'un grand nombre d'immeubles soient achetés à la Fondation de valorisation.

Il est vrai que le taux d'occupation des logements a chuté. En ville de Genève, il y a le même nombre d'habitants qu'en 1960, mais il y a quarante mille logements de plus. Voilà où se situe le problème. On peut résoudre ce problème par le biais du logement social, qui définit un taux fixe d'occupation.

M. Michel Ducret (R). C'est, une fois de plus, une motion sur le logement pétrie de bonnes intentions qui nous est proposée. C'est un catalogue de propositions qui n'aboutiront jamais sur la moindre réalisation. Dans le meilleur des cas, si les mesures de contraintes évoquées dans le texte s'avèrent applicables, on se retrouvera avec cinq ou dix logements supplémentaires. Ce n'est pas avec ces mesures que l'on résoudra les problèmes de crise du logement. En fait, l'Alternative agite le «il faut du logement !», alors que, dans la réalité, elle s'oppose avec une très grande constance à toutes les propositions concrètes qui ont pu être faites. Je prendrai trois exemples qui me viennent à l'esprit.

Le quartier de la Roseraie, où une fondation immobilière de droit public voulait construire. C'est l'Alternative qui s'y est opposée.

Le quartier de la Forêt, dans lequel on pourrait construire énormément de logements avec une densité moyenne en milieu urbain, à proximité d'un axe majeur de transports publics. L'Alternative s'y est également opposée.

Plus récemment, l'Alternative s'est opposée à la construction de logements à la rue Silem, située aux Eaux-Vives.

En fait, cette motion ne fait que camoufler les propres insuffisances de ses auteurs qui, en dénonçant les «vilains proprios», en fustigeant les communes «égoïstes», se donnent bonne conscience, cherchent à faire croire qu'ils sont actifs, en camouflant simplement tout ce qu'ils empêchent par ailleurs de réaliser. Les auteurs de cette motion cherchent à faire oublier tous les logements, y compris sociaux, qu'ils ont empêché de construire. Ce sont des mots, Mesdames et Messieurs les députés, rien que des mots, qui ne déboucheront sur rien de concret, sinon une montagne de papiers distribués par la fonction publique, pour finalement dire au Conseil d'Etat de faire ce qu'il fait déjà.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous disons non à cette motion, nous ne la voterons pas.

Le président. Bien. La parole n'étant plus demandée... (Manifestation dans la salle.)Je vais arrêter de dire que la parole n'est plus demandée, parce qu'on me fait le coup à chaque fois. Vous avez la parole, Madame Fehlmann Rielle.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je constate qu'une fois de plus les partis de l'Entente veulent nous faire la morale, alors qu'eux-mêmes n'arrêtent pas d'encombrer le Grand Conseil avec des projets de lois qui ne sont que des déclarations d'intentions et qui sont souvent vides de sens.

Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder. Nous voterons par électronique. Celles et ceux qui acceptent cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat voteront oui, celles et ceux qui la refusent voteront non ou s'abstiendront, le vote est lancé.

Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition de motion est rejetée par 34 non contre 33 oui.

Appel nominal