Séance du vendredi 5 décembre 2003 à 15h
55e législature - 3e année - 2e session - 7e séance

PL 9111
Projet de loi du Conseil d'Etat autorisant le Conseil d'Etat à aliéner la parcelle N° 1333 de la commune de Villeneuve, au lieu-dit Longefan

Préconsultation

Le président. Monsieur Pagani, dans la mesure où vous nous avez indiqué que vous alliez faire une déclaration commune à tous les projets, je vous donne très volontiers la parole...

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons affaire ici à un «train de projets de lois», comme le qualifie le département, visant à aliéner certaines parcelles propriété de l'Etat de Genève, acquises de diverses manières, notamment par legs.

Je prends l'exemple - pour n'en citer qu'un - de la parcelle de la commune de Bernex: le projet de loi 9113 que nous allons traiter, qui est à notre avis significatif.

La politique menée par le département en la matière est nouvelle, et je regrette, du reste, que M. le conseiller d'Etat Moutinot ne soit pas là pour en parler, car il nous paraît assez difficile d'entrer en matière sur ce cas... Plusieurs villas pourraient y être construites - en l'occurrence quatre - puisque le terrain est similaire à celui d'à côté qui en comprend quatre, comme le montre le plan.

Malheureusement, l'Etat veut se départir de ce terrain, alors qu'il pourrait très bien faire l'objet d'un échange, comme par le passé. En effet, certains propriétaires se plaignent d'être sous la ligne des vols d'avions, dont les terrains sont situés en zone industrielle. La somme obtenue en échange permettrait de reconstruire ailleurs des villas de même gabarit. Ce serait une solution tout à fait appropriée pour le terrain dont je vous parle, et nous ne comprenons pas pourquoi... Même si on nous avance l'argument de la gestion efficace des deniers de la République en ces temps de pénurie de terrains et de logements, d'autant que la pénurie de terrains dans notre canton est structurelle - nous serions en France, ce serait différent... Donc, nous ne comprenons pas pourquoi l'Etat devrait se départir de terrains qui pourraient faire l'objet d'échanges, dans la mesure où ils conviendraient parfaitement à la construction de villas ! Ce faisant, l'Etat favorise la spéculation foncière, car ces terrains vont être vendus au prix du mètre carré usuel, mais, bien évidemment, d'autres propriétaires ou des promoteurs les rachèteront au prix fort... Et nous ne saurions les blâmer de vouloir faire fructifier leurs avoirs !

Un double mécanisme va donc s'enclencher. Premièrement, l'Etat va se priver de terrains d'échange, pour permettre à des propriétaires de villas qui exigent des terrains de remplacement et des fonds pour reconstruire ailleurs le bien qu'ils avaient, même si ce n'est pas à l'identique, mais parce qu'ils doivent mettre leur terrain à la disposition de la collectivité, notamment pour créer des zones industrielles.

Deuxièmement, ces terrains feront probablement l'objet d'une spéculation puisqu'ils se font de plus en plus rares dans notre canton.

C'est pour cette raison - nous nous étions d'ailleurs exprimés en ce sens dans le cadre du plan directeur cantonal - que nous nous opposerons systématiquement à tout projet, même s'il s'agit de confettis... Car les députés de droite ne vont certainement pas manquer de nous donner des exemples de tout petits terrains, du genre cinq mètres sur cinq - je les entends déjà ! - dont on ne peut rien faire ! En l'occurrence, je vous ai donné l'exemple d'un terrain - mais je pourrais en prendre d'autres - qui est une démonstration évidente que l'on pourrait en faire quelque chose, puisque quatre villas ont été construites sur le terrain adjacent, de même nature.

Et nous ne voyons pas pourquoi l'Etat devrait se séparer de ce terrain en le vendant, alors qu'il pourrait faire l'objet d'un échange ! Nous estimons que le changement de politique du département est inapproprié dans le cadre d'une gestion rigoureuse des avoirs de l'Etat et du domaine foncier dans notre canton.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous sommes en préconsultation: un député par groupe peut s'exprimer, durant cinq minutes au maximum.

Mme Michèle Künzler (Ve). Notre position est nettement plus nuancée que celle de M. Pagani...

Ce qui nous intéresse, c'est que le département mène une réelle politique foncière, et, pour l'instant, nous en doutons fortement...

Nous trouvons pertinent que certains terrains soient vendus... Car, M. Pagani a omis de dire que la plupart d'entre eux sont situés dans le canton de Vaud, et ne sauraient résoudre la pénurie de terrains dans le canton de Genève !

J'attends surtout de voir comment le produit de leur vente va être utilisé: on parle d'acheter des terrains, mais on ne voit rien venir... On laisse filer tous les terrains de la Fondation de valorisation ou les immeubles qui pourraient être rachetés, puisque l'Etat a un droit de préemption, et il y aurait certainement une meilleure utilisation à en faire !

Nous sommes, je le répète, tout à fait prêts à lâcher certains terrains pour autant que d'autres terrains ou des biens immobiliers puissent être rachetés qui soient véritablement utiles à la collectivité ! Nous nous pencherons sur cette question en commission, car nous ne sommes pas prêts à lâcher la proie pour l'ombre.

M. Claude Blanc (PDC). M. Pagani dit que la politique du département a changé... Heureusement !

En effet, cela fait assez longtemps que nous demandons au Conseil d'Etat de pratiquer une politique intelligente en matière foncière. Nous lui avons notamment demandé depuis longtemps de faire l'inventaire de toutes ces petites parcelles dont l'Etat est propriétaire un peu partout, même en dehors du canton, et de voir lesquelles sont utiles pour des travaux qu'il pourrait entreprendre et lesquelles ne le sont pas. Et il faut vendre les parcelles qui ne lui sont pas utiles, de manière que d'autres puissent les mettre en valeur ! Ce qui est précisément le cas de la parcelle citée par M. Pagani - deux parcelles sont situées dans le canton de Vaud, nous n'en parlerons même pas - qui fait l'objet du projet de loi 9113.

Il s'agit d'un terrain en pente de 2250 m2 dont la largeur varie de 14 à 20 mètres... Comment voulez-vous construire des villas sur un terrain tel que celui-ci ? Par contre, la parcelle voisine, qui appartient à des promoteurs, a les mêmes caractéristiques, et, si ces promoteurs achetaient la parcelle en question, ils pourraient réaliser des constructions... On dit même que ce terrain va être vendu sur la base d'un prix de 400 F le m2 et que, si les acheteurs arrivent à le rentabiliser et à lui donner une valeur supérieure, la moitié de la plus-value reviendrait à l'Etat... C'est une politique intelligente: l'Etat se défait d'un terrain dont il n'a pas l'usage et il essaie de faire en sorte qu'il soit valorisé au maximum pour pouvoir - et c'est un autre problème, Madame Künzler - acheter des terrains ailleurs !

J'ajouterai que, dans le cas de la parcelle de Bernex, il serait difficile d'acquérir d'autres terrains avec le produit de la vente, parce que, d'après le legs de M. Eckert, le produit de cette vente devra être dévolu à des oeuvres pour l'enfance. C'est un legs sous condition, et, par conséquent, on ne pourrait pas faire n'importe quoi avec ce terrain.

A mon avis, il faut se féliciter que le Conseil d'Etat agisse enfin et fasse le ménage dans ses multiples bouts de terrains dont il ne sait que faire, pour pouvoir les valoriser au mieux.

M. Bernard Lescaze (R). Notre collègue Pagani n'a, semble-t-il, pas véritablement lu ces projets de lois... Sinon, il aurait constaté - comme l'a dit Mme Künzler - que deux de ces terrains sont situés dans le canton de Vaud et, surtout, que trois d'entre eux ont été acquis à l'Etat par déshérence et que le produit de leur vente doit être versé à l'Hospice général et aux établissements publics hospitaliers. S'ils n'étaient pas vendus, il y aurait de toute façon un décaissement de la part de l'Etat, car il n'est pas question que l'Hospice général et les établissements publics hospitaliers abandonnent «leur créance», entre guillemets, sur l'Etat grâce au produit de la déshérence qui a été voulue depuis longtemps.

Donc, nous le voyons bien, M. Pagani - et ce sera ma conclusion - poursuit un combat de longue date contre le fait que l'Etat utilise, parfois, mieux les terrains dont il dispose, que ce soit par héritage, par déshérence ou par acquisition antérieure.

Je ne vais pas reprendre ce qu'a dit M. Blanc à ce sujet: il a parfaitement raison ! Il faut nous féliciter que ces terrains puissent être remis dans les mains de privés qui sauront mieux les faire fructifier que l'Etat.

M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral soutiendra ce type de projets, sur le principe et de façon générale. Nous l'avons déjà fait dans les cas précédents, mais certains cas nous ont permis, c'est vrai, de poser de bonnes questions s'agissant d'échanges de terrains, ce qui se fait en toute bonne foi au sein des commissions.

Je précise toutefois, pour revenir sur les propos de M. Blanc par rapport à la prise de conscience de l'Etat - très attendue - dans ce domaine, qu'il faut se poser les bonnes questions à l'égard de chaque terrain propriété de l'Etat, pour savoir s'il est justifié de le garder ou pas et s'il ne serait pas mieux mis en valeur par des privés. C'est le cas de la majorité des projets de lois qui nous sont soumis aujourd'hui, puisque la plupart d'entre eux sont situés dans le canton de Vaud.

Quant au projet de loi 9113, l'explication figure dans l'exposé des motifs: ce terrain serait mieux utilisé par les promoteurs déjà propriétaires des terrains d'à côté, car ils pourraient le valoriser de façon maximale.

Vous avez lu, comme moi - je pense - l'exposé des motifs, et vous avez pu constater qu'il y avait une forêt adjacente au bas du terrain. Or, vous avez soutenu largement, il y a peu, une modification de loi interdisant toute construction près des forêts. De ce fait, il ne sera probablement pas possible de construire quatre villas comme cela a été dit - peut-être trois seulement...

C'est une raison de plus pour vendre ce terrain, en respectant la cautèle qui est indiquée: en cas de valorisation supplémentaire du terrain, une partie du bénéfice serait reversée à l'Etat.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons les objectifs de ces projets de lois, que nous étudierons volontiers en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes arrivés au terme de la préconsultation pour le projet de loi 9111.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.