Séance du
vendredi 14 novembre 2003 à
17h
55e
législature -
3e
année -
1re
session -
3e
séance
IU 1498
M. Rémy Pagani (AdG). Cette interpellation urgente s'adresse au Conseil d'Etat, en général, et, en particulier, à M. Carlo Lamprecht. Elle concerne la politique du Conseil d'administration de l'Aéroport qui s'engage dans des réductions tarifaires périlleuses.
Ces derniers jours, la presse locale a fait état d'accords qui auraient été passés entre les responsables de l'Aéroport de Genève et les représentants de la compagnie d'aviation EasyJet. Ces accords concernent une réduction substantielle de la taxe d'atterrissage et la mise à disposition de l'ancienne aérogare à des conditions de location très avantageuses, cette transaction devant permettre d'augmenter le nombre de passagers de l'aéroport.
A notre connaissance, il est question de doubler le nombre d'avions d'EasyJet résidant sur le tarmac genevois: de passer de cinq à dix machines.
Aujourd'hui, le nombre de passagers de la compagnie d'aviation EasyJet représente déjà 25% environ de l'ensemble des mouvements. Et cette compagnie pratique des prix défiant toute concurrence. Rappelons que les salaires versés aux employés du handling, donc de l'enregistrement, sont en dessous des normes usuelles pratiquées par les entreprises concurrentes, comme Swissport !
Dans ces conditions, alors que cette compagnie est déjà la principale entreprise qui dessert l'aéroport, son poids augmenterait et mettrait l'aéroport genevois sur le chemin extrêmement périlleux, déjà emprunté par l'aéroport de Zurich avec la compagnie Swissair. Il n'est nullement besoin de rappeler ici les graves difficultés qu'a engendrées cette stratégie pour l'aéroport de Zurich, dès lors que Swissair a fait faillite. Il y a lieu d'être inquiet, surtout lorsqu'on connaît l'extrême fragilité du marché de l'aviation et les nombreuses péripéties financières de la compagnie EasyJet.
C'est pourquoi nous demandons des explications précises concernant plusieurs points:
Premièrement, quelles sont les réductions consenties en francs - au franc près - en pourcentage et par passager sur l'ensemble des taxes perçues par l'aéroport ?
Deuxièmement, quelles réductions sur le prix de location ont-elles été accordées en francs et au mètre carré de surface louée, réductions qui sont une forme de subvention indirecte de la compagnie EasyJet par la collectivité publique ?
Troisièmement, d'autres réductions sont-elles envisagées pour satisfaire les revendications légitimes d'égalité de traitement de la compagnie d'aviation Swiss et des nombreuses entreprises concurrentes d'EasyJet, tant au sol que dans l'air, notamment Air France et Jet Aviation ?
Quatrièmement, une étude a-t-elle été entreprise concernant les implications désastreuses que pourrait avoir cette stratégie privilégiant une compagnie au détriment des autres si EasyJet venait à disparaître ?
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, afin de ne pas vous faire languir et attendre encore un mois la tenue de votre prochaine session, je répondrai à ce que vous venez d'évoquer.
Tout d'abord, il est vrai que des négociations sont en cours et font l'objet de travaux de la part du Conseil de direction et du Conseil d'administration de l'Aéroport qui a autorisé la direction de l'Aéroport international de Genève à négocier avec EasyJet. La compagnie EasyJet a fait une étude de tous les aéroports d'Europe afin de connaître le montant des coûts qu'elle devrait supporter si elle mettait un hubsur ces aéroports. Manifestement, l'Aéroport de Genève-Cointrin, malgré ses excellents prix sur les taxes, n'était pas concurrentiel par rapport à la demande d'EasyJet.
Aujourd'hui, deux solutions sont possibles pour EasyJet:
Soit la compagnie EasyJet choisit Genève-Cointrin comme hub, et, au lieu de six avions, il y en aura dix, soit elle ne peut pas choisir Genève comme hub, et notre ville deviendra simplement un lieu de passage. Il n'y aura plus les emplois, et il n'y aura plus non plus de développement des lignes d'EasyJet.
Aujourd'hui, EasyJet emploie 350 personnes - je ne connais pas leurs salaires, Monsieur Pagani, peut-être les connaissez-vous mieux que moi, mais c'est une autre affaire. Je rappelle que, aujourd'hui - et vous l'avez dit - environ 25% des passagers de notre Aéroport international de Genève voyagent avec la compagnie EasyJet. Ce succès n'a pas été pris sur d'autres compagnies. Peut-être que d'autres compagnies ont subi un petit préjudice, de l'ordre de quelque 20%, mais nombre d'habitants de cette région volent ainsi à des prix concurrentiels dans des avions tout neufs. La décision d'accorder ou non un hubà EasyJet n'est pas simple à prendre. Que penseraient les Genevois et les Genevoises qui utilisent l'Aéroport si, demain, l'Aéroport international de Genève perdait EasyJet faute d'avoir rempli les conditions pour qu'elle reste ? Ne serait-ce pas préjudiciable ?
L'Aéroport de Bâle est prêt à offrir X francs par passager qu'EasyJet amènerait dans son aéroport. De même que Lyon - Saint-Exupéry est aussi un concurrent sérieux.
Le choix est donc difficile et les négociations - la presse en a déjà parlé - se poursuivent. Au terme de ces négociations, le Conseil d'administration prendra les décisions qui s'imposent en fonction des intérêts de l'Aéroport international de Genève qui est au service de toute la Suisse occidentale. Or aujourd'hui, et malgré tout ce que l'on peut dire, il se porte bien par rapport à d'autres aéroports. Il a bien surmonté sa crise et offre un réseau notamment européen, intéressant et à des prix attractifs même pour ceux qui n'ont pas de gros moyens pour voyager.
En ce qui concerne les lignes intercontinentales, nous avons obtenu le retour de Continental Airlines, et nous avons deux lignes par jour à destination de New York. Nous en envisageons d'autres.
Il est vrai que nous ne devons pas être trop dépendants d'une seule compagnie, parce que nous serions alors fragiles. Mais sachez que d'autres compagnies low costse profilent aujourd'hui, et l'on pourrait assister en Europe à une concurrence entre compagnies low lost, et EasyJet n'aurait plus forcément le privilège d'être la seule à bénéficier de certaines conditions !
D'ailleurs, les conditions établies par le Conseil d'administration prévoient de respecter toutes les compagnies. Et si nous proposons des réductions de taxes à la compagnie EasyJet, c'est lié au transfert de cette compagnie et à son rayon d'action dans l'ancienne aérogare qui ne nous rapporte pas grand-chose aujourd'hui. Les conditions octroyées à EasyJet seront donc moins qualitatives que celles dont bénéficient les autres compagnies. Effectuer un tel transfert éviterait peut-être à l'Aéroport d'avoir à réaliser des investissements supplémentaires, au vu de sa croissance. Alors, les choses ne sont pas terminées, et vous avez raison d'aborder cette question...
Quant aux chiffres, je vous répondrai lors de la prochaine session, quand les faits seront définitivement acquis ou décidés.
Cette interpellation urgente est close.