Séance du vendredi 19 septembre 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 11e session - 70e séance

La séance est ouverte à 20 h 30, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat et Micheline Spoerri, conseillère d'Etat, M. Bernard Lescaze, président du Grand Conseil, ainsi que Mmes et MM. Claude Aubert, Thomas Büchi, John Dupraz, René Ecuyer, Pierre Froidevaux, Alexandra Gobet Winiger, Michel Halpérin, Françoise Schenk-Gottret, Anne-Marie von Arx-Vernon, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 8728-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Bernard Lescaze, Stéphanie Ruegsegger, Michel Halpérin, Pierre Schifferli modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01) (interpellation urgente orale)
Rapport de majorité de Mme Marie-Françoise de Tassigny (R)
Rapport de minorité de Mme Maria Roth-Bernasconi (S)

Deuxième débat

M. Pierre Vanek (AdG). J'ai déjà dit tout le mal que je pensais de ce projet de loi, qui veut restreindre la possibilité pour les députés de s'exprimer, d'avoir des échanges et une interrogation critique par rapport à l'activité du Conseil d'Etat, de remplir la fonction qui leur incombe de surveiller l'activité du Conseil d'Etat, d'obtenir des informations sans forcément avoir recours à d'autres moyens plus lourds tels que motions, résolutions, projets de lois ou même interpellations ordinaires - celles que M. Koechlin appelait de ses voeux avant la pause. Cela est actuellement possible à travers l'instrument souple et facile d'emploi qu'est l'interpellation urgente, qui permet à de nombreux députés de s'exprimer, sans qu'il y ait pour autant de réelle explosion du nombre d'interpellations urgentes: on a vu en effet que, sur les trois dernières années, leur nombre diminuait plutôt.

Surtout, j'ai mis en garde ce parlement contre le fait que cette mesure de rationnement très stricte, qui fait passer de la possibilité pour chaque député de développer deux interpellations urgentes à la possibilité pour chaque groupe de n'en développer qu'une, annonçait quelque chose d'inquiétant: si nous appliquons les mêmes raisonnements et les mêmes méthodes à d'autres objets parlementaires - les motions, les résolutions, les projets de lois - nous irons vers une situation où nous ne serons plus ce parlement dont nous pouvons actuellement nous enorgueillir, mais nous serons une chambre qui ne débattra pas sérieusement de certains objets. L'opposition, dont doit s'enorgueillir une démocratie, aura des possibilités de s'exprimer particulièrement restreintes. Tout cela, je l'ai déjà dit, je ne fais que le répéter, puisqu'on réentame le débat après une pause de deux heures... ( Chahut.) Nous sommes en deuxième débat et j'aimerais proposer un amendement.

Le président. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le député, mais ce serait bien que vous me laissiez faire voter sur le titre, le préambule et l'article 1 souligné, pour que nous arrivions à l'article qui nous concerne tous. A ce moment-là, je vous repasserai la parole. Je vous propose de procéder ainsi pour que la forme soit respectée.

M. Pierre Vanek. Très volontiers !

Le président. Nous passons donc au vote.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (souligné).

Le président. Nous sommes à l'article 162C, alinéa 2. Monsieur le député Vanek, je vous redonne la parole pour que vous développiez votre amendement.

M. Pierre Vanek. C'est très aimable, Monsieur le président.

L'article 162C tel qu'il vous est proposé dans ce projet de loi demande - j'en ai fait la critique à l'instant - qu'un groupe ne développe pas plus d'une interpellation urgente orale par session du Grand Conseil.

Je propose l'amendement suivant: remplacer «un groupe» par «un député». Je signale qu'avec cet amendement nous conserverions une restriction de 50 % de la possibilité d'expression en matière d'interpellation urgente orale des députés, puisque chaque député a droit aujourd'hui à deux interpellations par session - or c'était déjà là une limite qui avait été débattue, contestée puis imposée - et je propose de n'en autoriser plus qu'une par député.

La gauche est prête à accepter cette mesure. Celle-ci irait dans le sens des intentions proclamées par les auteurs du projet de loi et pourrait même avoir pour effet une répartition des interpellations plus égale au sein des groupes: en effet, si un groupe estime qu'il y a trois ou quatre questions urgentes à poser, ce dernier devra trouver - et cela peut être considéré comme normal - trois ou quatre députés comme porteurs de ces interrogations, de ces questions au Conseil d'Etat. Par ailleurs, cela préserverait un droit à chacun des cent députés de cette enceinte d'utiliser cet instrument qu'est l'interpellation urgente orale. Cela ne signifie pas qu'ils doivent le faire, ni qu'ils le feront forcément, mais, au moins, ils conservent ce droit.

L'effet du projet de loi en l'état, consistant à dire que chaque groupe ne peut développer qu'une seule interpellation orale signifie - puisqu'il y a en l'état sept groupes dans cette enceinte - que seuls sept députés pourront avoir accès à cet instrument parlementaire, et donc que 93 % des députés de cette assemblée en seront de factoprivés... ( Chahut. Le président agite la cloche.)Je répète, pour que ce soit tout à fait clair, la teneur de mon amendement.

Mme Janine Berberat. On a compris !

M. Pierre Vanek. Il s'agit de dire qu'un député - plutôt qu'un groupe, comme cela figure dans le projet actuel - ne peut développer plus d'une interpellation urgente.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je regrette que M. Vanek n'ait pas eu la politesse d'attendre l'amendement du rapport de minorité. Je dirais que, justement, parler systématiquement longtemps et dépasser, systématiquement aussi, son temps de parole fait qu'aujourd'hui nous en sommes à ce projet de loi ! (Applaudissements.)Je trouve cela regrettable.

Notre commission a donc discuté longuement de cette proposition de restreindre les interpellations urgentes à un ou une députée, et nous trouvons que cette proposition est trop restrictive. En effet, toute notre démocratie repose sur les règles de la proportionnalité. La composition de ce parlement reflète la volonté populaire, qui désigne les élus selon leur appartenance à un parti politique et donne ainsi sa couleur politique à ce parlement. C'est la raison pour laquelle, ensemble, avec le groupe des Verts, nous avions proposé en commission l'amendement suivant: «Un groupe ne peut développer plus d'interpellations orales qu'il n'a de députés dans une commission de quinze membres.» Il serait sage d'accepter cet amendement, car cela prouverait que nous désirons vraiment que la volonté populaire soit respectée. Restreindre le droit à la parole par de nouvelles règles dans le règlement n'est pas une solution ! Par contre, comme je l'ai dit tout à l'heure, un peu plus de discipline dans ce parlement ferait déjà beaucoup avancer les choses.

M. Jean-Michel Gros (L). Résumons les propositions: M. Vanek propose une limitation à cent interpellations urgentes par session; Mme Roth-Bernasconi propose une limitation à quinze interpellations par session; M. Velasco propose une limitation à quatorze interpellations par session; et la commission, que le groupe libéral vous demande de soutenir, propose de limiter le nombre d'interpellations à sept.

Sept interpellations de trois minutes, plus trois minutes pour les réponses du Conseil d'Etat, cela fait quarante-deux minutes, soit trois-quarts d'heure par session pour les interpellations urgentes. A Berne, elles prennent en général une heure ! Je pense que quarante-cinq minutes suffisent pour exprimer les questions urgentes qui pourraient être nées dans le mois précédant la session et ne pourraient être reportées à une autre session, vu justement leur urgence.

Cela me paraît tout à fait raisonnable de limiter leur durée à trois-quarts d'heure. C'est pourquoi le groupe libéral soutiendra cette proposition, et soutient d'avance - car je ne veux pas reprendre la parole plus tard - l'amendement que M. Portier vient de déposer. Il y propose de supprimer la deuxième phrase de cet alinéa, qui précise que le Bureau peut, en cas de nécessité impérieuse, faire exception à cette règle. Cela risque de créer des histoires, et nous préférons en rester strictement à une interpellation urgente par groupe et par session, sans aucune exception. (Applaudissements.)

Mme Marie-Françoise De Tassigny (R), rapporteuse de majorité. Monsieur Vanek, j'ai parfois l'impression que vous vous adressez à un parlement qui n'est pas de langue française ! Vous reformulez trois à quatre fois tout ce que vous dites pour être sûr qu'on vous a bien compris, or c'est justement ce genre de choses qu'il ne faut pas faire ! On a compris dès la première fois, je pense que tout le monde a un Q.I. suffisant. (Applaudissements.)

Nous maintenons donc ce projet de loi en l'état avec uniquement la suppression de la phrase qui donne un certain pouvoir au Bureau, afin que la procédure soit simplifiée.

M. Rémy Pagani (AdG). Je crois que le fait que M. Vanek explique les choses plusieurs fois est dû au métier qu'il exerçait précédemment, à savoir maître d'école, et je pense aussi qu'il est parfois nécessaire de répéter une explication... (Protestations.)

Cela étant dit, on ne va pas refaire le débat de portée générale, mais je répéterai une fois de plus - car cela est important - que les faits sont têtus. Si vous pensez alléger et améliorer le fonctionnement de ce parlement, il suffit de vous reporter au graphique que vous avez en page 13 pour voir que le véritable problème est lié à l'augmentation des projets de lois déposés par notre parlement et à leur rédaction d'un point de vue juridique. Pour pouvoir traiter ces projets de lois rapidement, il faut éviter de nous retrouver en plénière avec des pataquès tels qu'on en a connu, des renvois en commission dus au manque de clarté et de précision dans la rédaction des projets de lois.

M. Annen nous faisait tout à l'heure le reproche de ne rien proposer. Je lui rappelle que cela fait plusieurs années que nous demandons au Bureau d'engager un juriste, pour que chacun d'entre nous puisse, quand il dépose un projet de loi, en faire vérifier ne serait-ce que le b.a. ba. juridique. Nous avons également proposé d'engager un délégué par commission - d'ailleurs, c'est en train de se faire - qui ait le mandat de vérifier, aux sorties des commissions, le cadre juridique et les projets de lois rédigés.

J'en viens aux amendements. Ce que fait Mme la rapporteuse de majorité est encore plus fort ! Non seulement elle reste sur l'idée d'une interpellation urgente par groupe, mais en plus elle fait fi de la décision votée par la majorité des commissaires, qui voulait tout de même réserver au Bureau la possibilité de faire exception à la règle si l'actualité l'exigeait. Il est vrai que, l'actualité étant ce qu'elle est, on ne peut être sûr de rien ! Une fois de plus, vous démontrez quel est votre objectif... ( Chahut.) C'est-à-dire... (Le président agite la cloche.)Personne... On n'entend plus rien !

Le président. J'ai sonné la cloche, Monsieur le député, mais cela ne suffit pas.

M. Rémy Pagani. Votre objectif est de nous empêcher de parler !

M. Claude Blanc. T'empêcher de parler, toi ?

M. Rémy Pagani. Oui, Monsieur Blanc, mais il sera extrêmement difficile de nous empêcher de parler. Je crois que ce qui fait notre humanité ici, c'est le fait qu'on puisse librement s'exprimer. Je trouve assez aberrant de vouloir nous empêcher de parler, alors que vous savez pertinemment que personne ne pourra empêcher qui que ce soit de parler, ni dans ce parlement, ni dans la rue, ni dans des manifestations ! Je le regrette, mais je prends acte de votre volonté de briser le minimum de consensus qui existait encore !

Tout à l'heure, M. Annen a perverti mes propos: nous avons été majoritaires pendant quatre ans, cependant, Monsieur Luscher, jamais le gouvernement monocolore et la majorité de gauche ne se sont permis ce que vous êtes en train de faire ce soir. C'est un scandale absolu et une véritable forfaiture !

M. Alain Charbonnier (S). Je suis consterné de constater que des propositions d'amendements affluent de tous côtés, de la part de gens qui, pour la plupart, ne faisaient pas partie de la commission. Je propose donc le renvoi en commission de ce projet de loi.

Le président. Le renvoi en commission primant sur toute autre demande, un député par groupe peut s'exprimer, sur le renvoi en commission exclusivement. La parole est à Mme la députée Leuenberger.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je peux être d'accord avec la proposition de renvoi en commission, mais je voulais d'abord faire une remarque objective et réaliste vis-à-vis des libéraux: tout à l'heure, en parlant de ce projet de loi, M. Gros a très bien expliqué ce qu'il voulait dire. Juste après lui, M. Annen a redit la même chose, de même que M. Koechlin par la suite. C'est la preuve par A plus B qu'il faut au minimum deux interpellations par parti ! (Rires.)

M. Pierre Schifferli (UDC). Dans un esprit de conciliation et pour mettre un terme à ce débat qui s'éternise, le groupe UDC se rallie à la proposition du député Velasco, selon laquelle un groupe ne peut développer plus de deux interpellations urgentes orales.

Une voix. Electoraliste !

M. Pierre Schifferli. Non, il ne s'agit pas de cela, mais nous estimons normal qu'un certain nombre de questions vraiment urgentes puissent être posées, que les groupes puissent s'exprimer, se concerter à propos de ces questions, et nous sommes sensibles aux arguments qui ont été développés ici. En revanche...

Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission.

M. Pierre Schifferli. Notre collègue Gros nous a indiqué qu'au Parlement fédéral il y avait une heure consacrée aux questions. (Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission s'il vous plaît !

M. Pierre Schifferli. Je crois que ce ne sera pas une exagération. Nous nous opposons donc au renvoi en commission afin que cette affaire soit réglée et qu'on cesse de perdre du temps. Je pense que deux interpellations urgentes par groupe suffisent et que les groupes peuvent très bien vivre avec cela.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je n'avais initialement pas demandé la parole pour parler du renvoi en commission, je ferai donc d'une pierre deux coups. Je vous dirai d'emblée que nous nous opposons fermement au renvoi en commission, car il faut régler cette affaire ce soir. Pour la régler le plus rapidement possible, j'en profite - puisque j'ai la parole - pour défendre l'amendement évoqué précédemment et vous dire qu'aux yeux du groupe démocrate-chrétien une seule interpellation est largement suffisante. Nous avons beaucoup disserté avant la pause sur la notion de l'urgence qu'avaient les différents intervenants. Je crois que nous sommes tous arrivés à la conclusion qu'il y a autant de députés que de notions d'urgence... J'ai bien peur, tout comme mon groupe, que la notion de la nécessité impérieuse, qui devrait pousser le Bureau - selon le projet de loi tel qu'il nous est proposé - à déroger à cette règle, soit également extrêmement discutable. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer purement et simplement la deuxième phrase de l'article 162C, alinéa 2.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse de minorité. En tant que rapporteuse de minorité, je soutiendrai évidemment ce que mon groupe et moi avons défendu en commission, pour les raisons que j'ai données tout à l'heure. Le fait que des députés demandent aujourd'hui le renvoi en commission prouve que nous n'avons pas pris suffisamment de temps en commission pour en discuter - et je le regrette vivement. Cela montre bien qu'il vaut mieux discuter jusqu'au bout d'une proposition plutôt que de bâcler les travaux et refaire ensuite le travail de commission en plénière ! Je le regrette vivement.

Une fois de plus, Mesdames et Messieurs les députés, vous donnez la preuve que nous avons un problème de discipline: tout le monde parle, personne n'écoute ! J'ai envie de vous lire ce que j'ai écrit au début de mon rapport: «Peu de gens savent aujourd'hui réellement écouter. Pourriez-vous passer une journée entière à écouter les autres plutôt qu'à leur parler ? Tentez l'expérience: pendant la conversation, soyez présent, attentif, réceptif et ne répondez que si vous êtes interrogé. C'est la meilleure façon d'apprendre à penser par soi-même.»

Concernant la proposition de M. Velasco, je vous propose la chose suivante: si l'on accepte l'idée de deux interpellations par groupe, il faut que la première soit faite par un homme et la deuxième par une femme... (Protestations.)Je suis persuadée que si l'on instaure les quotas ici, la tenue des débats sera plus élevée. ( Chahut.)

Une voix. Ne dites pas ça !

Le président. Excusez-moi, Madame la députée, je vous interromps une minute... Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît, ce que dit Mme la rapporteuse est inaudible à cause du brouhaha ambiant ! Monsieur Luscher, s'il vous plaît... Je demande un peu de calme dans cette enceinte, et tout se passera bien. Laissez parler Mme la rapporteuse de minorité ainsi que tous les autres intervenants inscrits ! Tandis que ceux qui veulent bavarder peuvent se rendre à la buvette et laisser débattre ceux que cela intéresse... Je vous redonne la parole, Madame la rapporteuse de minorité.

Mme Maria Roth-Bernasconi. Merci, Monsieur le président ! Effectivement, je ne crois pas qu'on donne une bonne image de notre parlement aux personnes qui nous regardent, et je le regrette vivement. Il faudrait d'abord que nous sachions donner le bon exemple avant de vouloir réformer l'école ! (Protestations.)

Par rapport à l'amendement du groupe PDC, je ne pense malheureusement pas, Monsieur Portier, que ce soit la bonne solution: on ne doit pas instaurer des dispositions légales pour régler un dysfonctionnement. Il est vrai qu'actuellement on pourrait se dire que le Bureau n'est pas toujours en mesure de régler les problèmes que nous rencontrons ici. Selon moi, ce n'est pas une raison suffisante pour supprimer la deuxième partie de cet article. Au nom - je pense - de la minorité, je vous propose de ne pas suivre l'amendement de M. Portier et de ses camarades.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Koechlin pour le groupe libéral. Je vous rappelle, Monsieur Koechlin, que nous nous prononçons sur le renvoi en commission.

M. René Koechlin (L). Monsieur le président, je voulais simplement vous demander de procéder au vote sur le renvoi en commission.

Le président. Il en sera fait ainsi. Nous procédons par vote électronique.

Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 45 non contre 26 oui et 4 abstentions.

Le président. Nous poursuivons donc le débat. Chacun a pu s'exprimer sur les différents amendements proposés, c'est pourquoi je vous propose que nous passions directement au vote. Je vois que M. Koechlin s'est inscrit; je lui donne la parole.

M. René Koechlin (L). Monsieur le président, j'ai proposé un amendement et j'aimerais le présenter. Il est très simple. La loi telle qu'elle existe actuellement autorise tout député à déposer une interpellation urgente écrite, qui n'est pas lue et à laquelle le Conseil d'Etat répond oralement. Les interpellations urgentes sont donc maintenues. Par contre, les interpellations urgentes orales, c'est du showbiz ! Parce que la télévision est là, chacun veut y aller de son petit discours !

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je propose la suppression pure et simple de l'article 162C. Il n'y aurait ainsi plus d'interpellations urgentes orales, les interpellations urgentes n'existeraient plus que sous la forme écrite - comme l'indique l'article précédent - et le Conseil d'Etat y répondrait oralement. Pour moi, cela est suffisant, cela fonctionnerait parfaitement, et l'on gagnerait beaucoup de temps.

M. Pierre Kunz (R). Juste pour vous dire, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que les radicaux acceptent l'amendement de M. Koechlin.

Le président. Bien! Nous procédons au vote et commençons par l'amendement le plus éloigné, soit celui de M. Koechlin qui propose la suppression de l'article 162C de la loi portant règlement du Grand Conseil. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 40 oui contre 33 non et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le fait que cet amendement ait été accepté rend les autres sans objet. Madame la rapporteuse de minorité, je vous cède la parole.

Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président... Merci, Madame «la cheffe des micros » !

Monsieur Koechlin, je ne suis pas sûre que votre volonté soit respectée. Vous avez dit que vous vouliez que nous fassions des interpellations écrites - il s'agit effectivement de l'article 162B - mais je n'ai pas vu dans cet article que le Conseil d'Etat doive répondre oralement. J'aimerais juste être sûre que c'est bien ce que vous voulez, car ce n'est pas ce qui est inscrit dans la loi. Veuillez, s'il vous plaît, préciser cela. Et si c'est en effet ce qui figure dans la loi, il faut quand même, Monsieur le président, faire voter le projet de loi ! Ce dernier propose tout de même qu'on abolisse cet article, il faut donc un vote final sur le projet de loi.

Le président. Les choses sont claires. Nous avons voté sur la suppression de l'article 162C, nous passons donc à l'article 1 souligné.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Silence.)Bien ! Ce point sera donc traité lors d'une session ultérieure, le Conseil d'Etat n'ayant pas demandé le troisième débat. (Quelques applaudissements.)La parole est à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.

M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si je vais réfréner la joie de ceux qui acclament le Conseil d'Etat qui ne demande pas le troisième débat, mais je tiens à expliquer cette décision. Dans les circonstances dans lesquelles cet amendement a été déposé, c'est-à-dire sans qu'il n'y ait eu de réflexion en commission, sans qu'il n'y ait eu de validation de ce texte...

Une voix. Ce n'est pas l'affaire du Conseil d'Etat ! (Remarques. Applaudissements.)

M. Robert Cramer. Et en procédant à une lecture un peu rapide d'une loi dont le Conseil d'Etat - même si ce n'est pas celle qui envahit le plus ses travaux - est censé garantir l'application, il me semble que nous aurions tout de même besoin les uns et les autres de quelques jours de réflexion. Il s'agit de voir si, dans la façon dont ce règlement du Grand Conseil est rédigé, on peut simplement se borner - pour répondre à la volonté de M. Koechlin, que je ne remets pas du tout en cause ici - à supprimer l'article 162C sans mettre en péril la cohérence du reste du système. C'est la raison pour laquelle, au nom du Conseil d'Etat, je ne demande pas le troisième débat. Il ne s'agit pas ici, bien sûr, de censurer de quelque façon que ce soit les auteurs des différents textes proposés à votre Conseil.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Ce point sera, par conséquent, traité lors d'une session ultérieure.

PL 9076-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2004 (D 3 70)
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Odier (R)
Rapport de première minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Morgane Gauthier (Ve)
Rapport de troisième minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)
M 1557
Proposition de motion de MM. Gilbert Catelain, André Reymond, Jacques Baud, Robert Iselin, Jacques Pagan, Georges Letellier, Yvan Galeotto en relation avec l'assainissement indispensable des finances de la République et canton de Genève

Premier débat

Le président. Je vous propose d'effacer les noms des personnes inscrites pour le débat précédent... Je demande aux personnes qui souhaitent s'exprimer à propos du budget de le faire maintenant.

La parole est à M. le député Kunz... Pardonnez-moi: la parole est à M. le rapporteur de majorité Odier ! (Brouhaha.)

M. Jean-Marc Odier, rapporteur de majorité. Peut-être attendrons-nous que le calme soit revenu dans la salle.

Le président.Je prie les personnes qui se trouvent debout en grand conciliabule de quitter la salle afin que M. le rapporteur de majorité puisse s'exprimer... (Brouhaha.)S'il était possible de hausser un peu le volume de mon micro, ce serait fantastique !

Je répète ce que j'ai dit: les personnes qui se trouvent en grand conciliabule sont priées de quitter la salle afin que M. le rapporteur de majorité puisse s'exprimer ! Merci.

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Nous passons d'un objet traité sous forme d'interpellation urgente à un objet tout aussi important puisqu'il s'agit du budget cantonal... (Brouhaha.)

Or, lorsqu'on aborde un objet de quelque 6 milliards, les personnes présentes dans cette enceinte pourraient lui accorder un peu d'attention...

J'aimerais, pour commencer, dresser l'historique des travaux consacrés à ce budget. Le début de ces travaux a en effet été quelque peu différent de celui des autres années. Je rappellerai en préambule que ce budget nous a été présenté le 9 septembre par Mme la présidente du département des finances, après quoi il a été inscrit à l'ordre du jour de cette session. Compte tenu du montant important du déficit, la commission des finances a - chose qu'elle ne fait habituellement pas - commencé à discuter de ce budget avant d'en avoir été formellement saisie. Après le débat de préconsultation de la veille - débat qui laissait envisager comme issue un renvoi du projet de budget au Conseil d'Etat - la commission des finances a été convoquée ce matin. Au terme de cette séance, une majorité de la commission a décidé de vous proposer de renvoyer le projet de budget qui nous est présenté au Conseil d'Etat afin que ce dernier effectue une série d'économies rendant ce budget acceptable.

Je ne reviendrai pas sur les positions adoptées par chacun des groupes, car celles-ci ont été résumées dans mon rapport. Je souhaite uniquement revenir sur la seule question dont nous devrions, à mon sens, débattre maintenant - ou, en tout cas, sur la première question dont il conviendrait de débattre: comment devons-nous procéder pour étudier ce budget ? Faut-il le renvoyer à la commission des finances pour examen ou au Conseil d'Etat pour que ce dernier revoie sa copie ?

Aux yeux de la majorité de la commission - laquelle a estimé qu'il convenait de proposer le renvoi du budget au Conseil d'Etat - il est bien clair qu'un budget présentant un déficit de 550 millions ne pourra, pour différentes raisons, être que très légèrement amélioré par les travaux de la commission des finances. Il faut garder à l'esprit que les quinze députés de la commission des finances ne disposent pas des moyens techniques et matériels nécessaires, qu'ils ne connaissent pas suffisamment - ni ne maîtrisent - les départements pour parvenir à trouver une piste permettant de réduire l'ampleur d'un tel déficit. En revanche, les départements sont, eux, en mesure de trouver une telle piste. Mais, pour cela, ils doivent faire preuve de volonté !

Or on constate que la majorité du Grand Conseil telle qu'elle ressort des débats de la commission a la volonté de réduire ce déficit mais ne dispose pas des moyens nécessaires, alors que la situation est inverse pour le Conseil d'Etat: il dispose des moyens, mais ne possède pas forcément, nous semble-t-il, l'entière volonté de réduire ce déficit - et ceci bien que, comme nous l'a expliqué la cheffe du département, il ait déjà fourni des efforts considérables.

Je ne veux pas, dans un premier temps, entrer dans des arguments de fond quant aux raisons du manque de recettes et de l'accroissement des charges. Je suppose que les groupes s'en chargeront. Cependant, à ceux qui réclament à la majorité de notre Grand Conseil de formuler des propositions, je dirai simplement qu'il nous faut fixer des objectifs raisonnables au Conseil d'Etat. Que ce dernier fasse des propositions ! Si l'on procède à une comparaison avec la situation au niveau fédéral, il me semble d'ailleurs que le frein à l'endettement n'est pas issu des Chambres, mais du Conseil fédéral - avec, je le conçois, tous les inconvénients et toutes les conséquences que le report des charges peut engendrer pour les cantons.

Je souhaite également demander aux députés susceptibles de nous reprocher une telle façon de procéder ce qu'ils pensent faire de ce déficit puisqu'eux-mêmes ne proposent pas non plus de réduction. Ces personnes sont donc prêtes à voter un budget présentant un déficit de 550 millions ?! J'estime, pour ma part, qu'il n'est pas responsable de voter un budget qui ne fera que reporter des charges sur les générations futures.

Pour conclure, je répète que nous devrions nous contenter ce soir de réfléchir à la méthode de travail à adopter. Ce n'est que dans un deuxième temps que nous devrions discuter des questions de fond. Le débat de fond ne devrait avoir lieu qu'une fois le projet de budget revenu du Conseil d'Etat avec des mesures d'économies et des modifications législatives - lesquelles nécessiteront forcément un débat de fond. J'insiste cependant sur le fait que nous souhaitons mener ce débat de fond, car les finances publiques ne peuvent pas continuer à être gérées ainsi et les années à venir ne présagent pas d'amélioration financière: il y aura une augmentation de charges sans forcément de consolidation des recettes ! (Applaudissements.)

Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de première minorité. Nous sommes à nouveau dans cette enceinte pour un deuxième tour sur le budget 2004. Or en temps normal, ce deuxième tour aurait dû avoir lieu à mi-décembre; nous serions, à ce moment-là, arrivés avec une connaissance nettement meilleure de ce que le budget prévu pour l'année prochaine contient. Quant à renvoyer ou non ce projet de budget au Conseil d'Etat, nous y avons déjà répondu hier: pour les Verts, c'est exclu ! Nous, les Verts, refusons cette manière de procéder et demandons le respect de la procédure habituelle !

Hier, nous avons demandé à l'Entente et à l'UDC de formuler des propositions. C'est en effet véritablement sur ce point que porte le débat, et ce sont de ces solutions qu'il nous faut discuter ! Contrairement à M. Odier, je pense que le débat de fond devrait avoir lieu ce soir et que nous devrions discuter tous ensemble de ce qui devrait ou non figurer dans le budget.

Le groupe libéral est sorti du bois: nous avons entendu deux propositions de sa part. La première proposition formulée par le représentant du parti libéral concerne l'enveloppe globale consacrée aux postes. Or, ce même représentant a déclaré en commission des finances qu'il ne comptait toucher ni à l'enseignement, ni à la sécurité, car il s'agit de deux domaines faisant partie des priorités du groupe libéral. Un problème se pose toutefois en cas d'augmentation du nombre d'élèves: comme nous ne voulons pas que le nombre d'élèves par classe augmente, il nous faudra obligatoirement engager davantage de professeurs. A cette question, il a été répondu ce matin: «Mais il est possible, lorsqu'on travaille avec une enveloppe globale, de prendre des postes dans d'autres secteurs de l'Etat pour les affecter à l'enseignement !». Je me demande dès lors la chose suivante: quels sont les services qui sont moins prioritaires à vos yeux ? Nous attendons de votre part que vous nous fournissiez une liste des critères que vous jugez prioritaires. Dans quels services de l'Etat comptez-vous donc supprimer des postes ? Dans les service de sécurité ? Dans la police ? Dans les prisons ? Vous nous avez répondu non. Dans les hôpitaux ? Nous avons à cet égard étudié en commission des travaux un projet de loi sur l'agrandissement de la Maternité. A cette occasion, les représentants du département de l'action sociale et de la santé nous ont expliqué qu'en raison de la hausse des primes d'assurance-maladie de moins en moins de femmes pouvaient se permettre de s'offrir une assurance privée ou semi-privée. Ces femmes se rendent donc dans les hôpitaux publics, ce qui provoque une augmentation d'affluence dans ces derniers. Je vous pose dès lors la question suivante: en cas d'augmentation du nombre d'élèves, est-ce le nombre d'infirmières que l'on n'augmentera pas ? Est-ce le nombre de médecins ? Nous répondons pour notre part clairement: non, ce n'est pas une bonne gestion de l'Etat !

La deuxième proposition issue du groupe libéral concerne le statut de la fonction publique. Je vous rappelle cependant que, durant les années 90, les indexations ont connu soit une diminution, soit une suppression. La perte du pouvoir d'achat des fonctionnaires s'élève à plus de 12 %. Ce sont donc à d'énormes sacrifices qu'a consenti la fonction publique durant ces années. Est-ce vraiment là que vous voulez à nouveau réaliser des économies ?! Souhaitez-vous réellement diminuer une nouvelle fois de 12 % le pouvoir d'achat des vingt-cinq mille fonctionnaires que compte l'Etat de Genève ? Vous nous proposez les mêmes recettes qu'il y a dix ans ! Or il n'y a, à notre sens, aucune légitimité à exiger un nouveau sacrifice de la part des fonctionnaires pour compenser les baisses d'impôts ! Les deux solutions que vous nous avez proposées, nous ne les accepterons pas !

Nous avons également été saisis d'une motion: il s'agit de la motion 1557, issue des bancs de l'UDC. Je souhaite que l'on examine la deuxième invite de cette motion, qui engage le Conseil d'Etat à plafonner les subventions à des établissements publics à 101 % du montant budgétisé en 2003. Cette invite soulève un énorme problème: que faites-vous de l'hôpital ?! Je vous rappelle que ce dernier est lié à des mécanismes salariaux qu'il se doit de respecter. Dès lors, si l'enveloppe consacrée à cette institution n'est pas augmentée mais que cette dernière se doit de respecter les mécanismes salariaux par rapport auxquels le Conseil d'Etat s'est engagé, il faudra obligatoirement, à terme, diminuer le nombre de personnes employées dans les hôpitaux ! Voici quelles sont les conséquences de la deuxième invite de la motion 1557 ! Est-ce là réellement votre volonté ? Nous nous réjouissons de connaître votre position s'agissant de ces enveloppes qui devraient rester stables, y compris en cas d'accroissement de la population dans notre canton...

Quant aux deux autres groupes de la majorité que sont le groupe radical et le groupe PDC, nous sommes très surpris de n'avoir entendu aucune proposition de leur part... C'est ce que nous attendions, et c'est également ce que vous aviez déclaré en commission: vous nous aviez assurés de ce que vous nous fourniriez des propositions ou, du moins, des pistes.

En conclusion, je dirai que les propositions faites posent d'énorme problèmes par rapport au respect des prestations fournies par l'Etat. Nous vous invitons donc à suivre la procédure habituelle, soit à voter l'entrée en matière ce soir, à renvoyer le budget à la commission des finances et à discuter tranquillement de tous ces éléments en commission ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je commencerai mon intervention par une phrase tout à fait intéressante extraite du rapport de majorité. Cette phrase définit l'enjeu du débat de ce soir à votre sens - et non au nôtre: «Au-delà de la question de forme, le renvoi au Conseil d'Etat n'empêchera pas le débat de fond. Nous le souhaitons et il devra notamment mener, par les mesures proposées par le Conseil, à distinguer les tâches essentielles de l'Etat de celles qui ne le sont pas». En d'autres termes, Monsieur le rapporteur de majorité, vous entendez redimensionner l'Etat ! Le débat porte donc sur ce point, chers amis !

Vous avez, pendant une période de relativement bonne conjoncture, procédé à une baisse fiscale. Or nous savons, Monsieur Roulet, que les cycles économiques ne sont pas linéaires, mais sinusoïdes: ils connaissent des hauts et des bas. Ainsi, lorsque, comme cela est aujourd'hui le cas, le cycle connaît des bas, nous ne disposons pas des moyens nécessaires puisqu'il nous manque ces fameux 340 millions ! Cette situation vous amène à appeler à un redimensionnement de l'Etat. Entendu: vous procéderez à un redimensionnement de l'Etat, mais, pour notre part, nous ne nous prêterons pas à une telle opération. Et si, demain, la situation s'améliore - ce que nous espérons tous - vous proposerez à nouveau une baisse fiscale, et ainsi de suite... Nous pénétrons dans un cycle infernal qui aboutira des prestations sociales précaires !

Je me suis prêté à un petit calcul dans le cadre de mon rapport. Grâce à ce calcul, j'ai pu montrer que, contrairement aux propos tenus hier par notre collègue Weiss - selon lequel les dépenses se seraient envolées à 6 % - les dépenses n'avaient pas connu d'accélération... Vos propos sont faux, Monsieur Weiss ! Les dépenses ont effectivement connu une hausse de 6 % en valeur absolue, d'accord ! En revanche, si vous examinez le ratio des dépenses par habitant, que le département a bien voulu nous fournir, vous pourrez constater que, compte tenu de l'accroissement de la population et des difficultés rencontrées - puisqu'il y a davantage de chômeurs et, donc, d'assistance - les dépenses se stabilisent. Elles ont, au mieux, permis un rattrapage des conditions désastreuses dans lesquelles se trouvait notre administration précédemment. Il est donc faux d'affirmer que nous avons «éclaté» les dépenses durant ces dernières années ! Vous constaterez par ailleurs que le ratio entre les dépenses et les investissements est en baisse... Il est en baisse !

Je m'adresse ici à M. Barrillier, car ma remarque l'intéressera: dans une période où il conviendrait de relancer l'économie - les entreprises ayant besoin de contrats - nous ne pouvons pas le faire car la politique budgétaire - et, peut-être, la politique que vous appliquerez - consiste précisément à diminuer les investissements !

Votre préoccupation concerne la question de la dette. Je comprends fort bien cette préoccupation, que je partage. Or, à la fin de cette année, ce sera presque 1 milliard et demi de francs que l'Etat n'aura pas pu percevoir en raison de votre politique de baisse d'impôts !

Il y a tout de même un élément insolite: la majorité de droite de notre parlement refuse le budget d'une majorité de droite du Conseil d'Etat - majorité à laquelle appartient, de surcroît, la ministre des finances ! Cette situation est relativement singulière: vous devriez, en effet, soutenir votre conseillère d'Etat ainsi que la majorité de votre Conseil d'Etat ! C'est ce qui se fait partout dans le monde ! Or, ce n'est pas le cas ici ! Cette situation est donc pour le moins insolite ! Mais des moeurs nouvelles voient le jour et une telle situation devient possible...

J'aimerais ajouter cette remarque: M. le rapporteur de majorité a déclaré que nous allions travailler sur ce budget. Nous, les socialistes, sommes d'accord sur ce point, car nous estimons qu'un budget aussi déficitaire que celui-ci doit être amélioré - mais pas forcément dans le sens où vous l'entendez ! Je me pose toutefois la question suivante: avez-vous l'intention de retirer les projets fiscaux que vous avez déposés dans notre parlement ?

Etant donné la dégradation à laquelle nous assistons, vouloir persister dans une politique de baisse fiscale par le biais des projets que vous avez dans l'entonnoir ne fera qu'aggraver davantage la situation ! Mener une telle politique tout en demandant à des groupes de réfléchir à un redimensionnement de l'Etat ou à des coupes paraît tout à fait choquant ! La première question que la gauche ou, du moins, le groupe socialiste se pose est donc celle-ci: retirerez-vous vos projets de baisse fiscale ? Ce point est important.

S'agissant de la position de notre parti, il est évident que nous sommes d'accord de travailler sur les recettes. Le problème qui se pose est le suivant: quelle est l'assiette fiscale de notre canton ? Quelle est la capacité à produire des richesses de notre canton ? Une réflexion doit être menée à cet sujet, car cette capacité n'est pas infinie. La commission doit mener une réflexion en profondeur par rapport à un Etat que nous voulons social en fonction de l'économie réelle et du tissu économique de notre canton. Il nous faudrait examiner quelles sont les recettes potentielles de notre canton. Sans ce travail de réflexion, vouloir aujourd'hui combler sans autre forme de procédé un déficit de 450 millions, alors que notre canton connaît une situation difficile, nous paraît à la fois pénible et inacceptable !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur !

M. Alberto Velasco. Par conséquent, les socialistes voteront l'entrée en matière de ce projet de budget et vous demandent de ne pas le renvoyer au Conseil d'Etat. Nous espérons pouvoir travailler en commission de manière à dégager des pistes qui nous permettraient d'améliorer le budget et d'aller de l'avant dans les prochaines années.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de deuxième minorité. La parole est à M. le rapporteur de troisième minorité.

M. Souhail Mouhanna (AdG). J'espère que vous m'aiderez à garde mon calme... (Brouhaha.)Tel est du moins mon souhait...

En ce qui concerne le projet de budget, j'ai été étonné de constater que la majorité de droite feignait de croire qu'elle avait été surprise par ce qu'elle appelle un «déficit inacceptable» ou encore un «gros déficit». Cette majorité a réagi comme si elle n'était en rien responsable de ce déficit ! Elle a réagi comme si ce déficit était apparu par hasard ! Elle a réagi comme si l'Etat avait distribué de l'argent aux plus démunis, alors que cette même droite connaît parfaitement les causes de ce déficit ! La première cause en est la volonté affichée par des représentants de la droite à tous les niveaux de priver l'Etat des ressources nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions. Lors d'une séance précédente, un représentant du parti radical a d'ailleurs clairement annoncé que le but des cadeaux fiscaux proposés par les projets de baisse de la fiscalité était de priver l'Etat des ressources nécessaires afin de l'amener à sabrer dans les prestations à la population - tant dans le social que dans d'autres domaines.

Une voix. Des noms !

M. Souhail Mouhanna. Vous réclamez un nom ? Le voici: il s'agit de M. Kunz ! J'avais d'ailleurs assuré dans mon rapport de minorité que j'apporterais tous les éléments nécessaires pour justifier mes propos.

Reprenons le déficit en question. Dans le document qui nous a été fourni par le département des finances en date du 11 juin 2003 concernant l'impact de l'initiative 111 sur la baisse d'impôts de 12 %, le calcul a été effectué jusqu'en 2002: la baisse de recettes est de 1,1 milliard et quelques millions de francs en trois ans sur la base de 12 % - et sur une base de 5 % en 1999. Si on y ajoute l'année 2003 en prenant un ordre de grandeur analogue à 2002, on obtient une baisse de recettes de 1 milliard 500 millions jusqu'en 2003 ! Or, cette baisse de recettes constitue un cadeau ! Examinons à qui ce cadeau a été offert.

Pour ce faire, je me suis basé sur les tableaux qui nous ont été fournis dans le rapport de gestion de l'Etat. Les chiffres disponibles, qui détaillent notamment la répartition par tranche de revenus, montrent que 974 contribuables dont les revenus imposables sont supérieurs à 500'000 francs par année - je cite ce chiffre de tête, mais il me semble qu'il est exact - ont bénéficié, depuis l'entrée en vigueur de cette diminution d'impôts, d'un cadeau total s'élevant en moyenne à 300'000 francs. Pour les revenus imposables situés entre 300'000 et 500'000 francs, le cadeau se monte, durant cette même période, à 60'000 francs. Cela représente un cadeau de 5'000 francs par mois pour les premiers et de 1'000 francs par mois pour les seconds. Les personnes dont les revenus sont compris entre 100'000 et 300'000 francs ont pour leur part bénéficié d'un cadeau de 20'000 francs sur une période de cinq ans, ce qui correspond à un cadeau de 340 francs par mois. Les personnes dont les revenus imposables sont compris entre 75'000 et 100'000 francs ont bénéficié d'un cadeau de 11'000 francs, ce qui représente une somme de 180 francs par mois. Les personnes dont les revenus sont inférieurs à 75'000 francs ont bénéficié d'un cadeau de 40 francs par mois; parmi ces personnes, celles dont les revenus sont inférieurs à 50'000 francs n'ont bénéficié que d'un cadeau de 25 francs par mois. Par rapport au cadeau de 5'000 francs par mois dont ont bénéficié les personnes dont le revenu est supérieur à 500'000 francs, il s'agit d'une somme deux cents fois inférieure ! On voit donc bien à qui ont profité ces cadeaux fiscaux !

Cette somme de 1,5 milliard qui aurait permis à l'Etat de diminuer sa dette d'autant a-t-elle par ailleurs été investie dans l'économie genevoise ? C'est en effet l'argument qui avait été avancé: «Les millionnaires viendront en masse !». Or on constate que cela n'est pas le cas ! Comme nous l'avions déclaré à l'époque, cette politique n'a qu'un seul but, et c'est exactement ce que les représentants de la droite la plus antisociale répètent depuis un certain temps: il s'agit de pratiquer une politique de démantèlement social en privant l'Etat des ressources les plus nécessaires à l'accomplissement de ses missions dans les domaines de la santé, de l'éducation et du social !

Une voix. Amen !

M. Souhail Mouhanna. Mais oui, bien sûr, amen ! Nous verrons ce que nous amènera cette politique !

Une voix. Amène du fric !

M. Souhail Mouhanna. On prétend que l'Etat a proliféré; on déclare qu'il faut supprimer des centaines de postes - voire quatre à cinq mille postes, selon un représentant de l'UDC - mais qu'il faut le faire humainement, gentiment... Qu'est-ce que cela signifie ?! Selon les chiffres fournis par le département des finances concernant l'évolution du nombre de postes budgétisés, le petit Etat comptait en 1991, tous postes confondus, 15'968 postes. En 2003, il en compte 15'618 - ce qui correspond à une diminution de 350 postes. Les nouveaux types de formation que sont les HES ont par ailleurs été introduits entre-temps; ces nouveaux types de formation sont plus ou moins honnêtement - plutôt moins que plus - financés par la Confédération. En outre, sur les 15'618 postes que compte le petit Etat, près de 600 postes correspondent à des transferts entre employés temporaires...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, car vous parlez déjà depuis plus de sept minutes !

M. Souhail Mouhanna. Une minute, Monsieur le président ! Je termine !

Le président. Trente secondes !

M. Souhail Mouhanna. Ainsi, alors que la population a augmenté de près de septante mille personnes, l'Etat a, lui, connu une diminution de près de mille postes. Vous voulez appliquer une politique de privatisation par le biais de l'assèchement des finances publiques ! Nous reviendrons ultérieurement sur le contenu technique de vos propositions.

M. Pierre Kunz (R). Notre société est une société molle. C'est ce que soulignait récemment François Ladame, professeur de psychiatrie à l'Université de Genève. Si cela est vrai - et je pense que, sur ce point-là au moins, nous serons tous d'accord - il n'est pas étonnant que nous, les autorités de ce canton, soyons également un peu mous...

La mélasse de nos finances publiques dans laquelle nous nous complaisons depuis une dizaine d'années en témoigne: depuis dix ans, nous conduisons Genève comme de mauvais marins. Nous naviguons depuis le début des années 90 sur une coquille de noix, mais toutes voiles dehors. Quand le temps est clément, la mer calme et les vents soutenus, nous fonçons et profitons paresseusement du paysage alors que nous devrions, étant donné l'état du bateau, réduire la voilure et prendre le temps d'écoper et de colmater les brèches de la coque. Quand l'orage se lève, que faisons-nous ? Nous sommes bien sûr pris d'un peu de fièvre - la preuve. Mais nous enfilons prestement nos gilets de sauvetage, restons pleines voiles malgré les dangers et survivons grâce à quelques expédients jusqu'à la fin de la tempête - sans égard, bien évidemment, pour la casse supplémentaire que nous infligeons au bateau... Et, une fois les éléments calmés, nous refermons rapidement les yeux pour retomber aisément dans nos rêveries égalitaristes et redistributives, pour imaginer plus intensément comment nous pourrons recommencer à plaire et à faire plaisir aux Genevois et, surtout, pour ne pas voir les conséquences et le coût de nos excès.

Les réalités sont cependant têtues et, cette fois, elles nous ont rattrapés et elles nous démasquent ! Au début des années 90, ces mêmes réalités nous invitaient déjà de manière pressante à agir, à parler vrai. L'incompétence des uns, la démagogie des autres et l'absence de courage des derniers nous ont poussés dans la fuite en avant. Si, cette fois, nous devions nous laisser aller aux mêmes faiblesses plutôt que de rechercher avec détermination et courage - au risque évident de déplaire - l'intérêt bien compris et durable de Genève et des Genevois de demain, alors l'Histoire nous accusera et nous condamnera !

Mesdames et Messieurs, le temps n'est plus aux arguties ! Voyons les réalités en face, honnêtement ! Quelles sont-elles au-delà de l'épicerie que nous ont infligée les rapporteurs de minorité ? Durant la période allant de 1992 à 2002, la population n'a augmenté que de 9 % et l'inflation n'a pas été de 10 %. Mais de combien ont augmenté les dépenses de l'Etat durant cette même période ? Qui le sait ? 40 %, Mesdames et Messieurs ! 40 % ! Alors que la croissance économique du canton n'a, elle, pas atteint 10 % ! Ce pourcentage montre bien que les 12 % de baisse d'impôts que vous stigmatisez ne sont rien: ils ne représentent qu'environ le quart des excès que nous avons commis en développant les dépenses de l'Etat de 40 % ! Pas étonnant, donc, que l'Etat ait dû massivement emprunter pour couvrir cette explosion et que la dette publique, de 6 milliards qu'elle était en 1992, ait pratiquement doublé aujourd'hui !

La croissance exubérante des dépenses a été particulièrement marquée dans trois départements: hausse de 150 % pour l'intérieur et l'environnement; hausse de 90 % pour les finances; enfin, hausse de 60 % pour l'action sociale et la santé. Et là, on ne parle plus de quelques millions: il s'agit d'une différence annuelle de 830 millions par rapport à 1992 ! Tout cela dans une période où, contrairement à ce que certains prétendent, notre environnement s'est amélioré non pas en raison des interventions étatiques, mais grâce aux progrès technologiques... (Protestations. Le président agite la cloche.)Et l'emploi privé a grandi plus qu'en proportion de l'augmentation de la population et lors d'une période durant laquelle les revenus des ménages se sont accrus dans toutes les catégories de la population.

Oui, Mesdames et Messieurs, voilà les chiffres ! Des chiffres qui montrent clairement que les Genevois n'avaient pas besoin que l'Etat accroisse de 40 % ses engagements dans la vie économique et sociale ! Des chiffres qui montrent clairement qu'un bond de 40 % des dépenses ne répondait pas à un accroissement réel des besoins de cette population ! Des chiffres qui montrent clairement que cette hausse de 40 % découle essentiellement de notre comportement démagogique et de notre attitude irresponsable ! Mais il est vrai qu'il est tellement agréable et facile de dépenser l'argent des autres - surtout lorsqu'il s'agit de celui des contribuables... Il est toutefois non moins vrai que ce gaspillage n'a aucunement rendu les Genevois plus heureux: en dépit des propos que je viens de tenir, ils ne sont pas plus contents aujourd'hui de leur sort qu'ils ne l'étaient il y a dix ans. Ce parlement et ce gouvernement ont donc une mission certes difficile, mais qui constitue une opportunité historique: celle de prendre les mesures destinées à rétablir, sans délai et durablement, l'équilibre de nos comptes publics.

Aux maux que j'ai mentionnés, il n'existe que quatre groupes de remèdes possibles. Le premier consiste à couper avec intelligence et courage dans les dépenses de fonctionnement et les subventions, avec blocage des emplois de la fonction publique au niveau 2003 et suspension des mécanismes salariaux au 1er janvier 2004... (Protestations. L'orateur est interpellé.)La police, jusqu'à nouvel avis, fait partie des employés de l'Etat !

Le deuxième remède consiste à moderniser et à assouplir le statut des employés de l'Etat. Le troisième remède consiste à réaliser une partie du patrimoine cantonal - celle qui est mal ou pas du tout utilisée. Enfin, le dernier remède consiste à renoncer à certaines activités actuellement confiées à l'Etat.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Kunz. Cela s'appelle un programme d'austérité ! Et un tel programme est nécessaire et urgent ! Il est du devoir et de la responsabilité du gouvernement d'élaborer, bien entendu en collaboration avec sa majorité parlementaire, les propositions qui lui paraissent nécessaires ! Il est du devoir et de la responsabilité du gouvernement de soumettre des projets de lois concrétisant ces ambitions !

Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Kunz. Ce Conseil d'Etat a en effet - ou devrait avoir - des objectifs pour Genève ainsi qu'une politique pour atteindre ces derniers. Il sait donc - ou il devrait le savoir - ce qui est essentiel pour l'avenir de Genève et ce qui ne l'est pas. Il sait - ou il devrait le savoir - qu'il dispose dans ce parlement d'une majorité sur laquelle il peut compter et qui le suivra.

Les radicaux l'affirment clairement: ils sont dans cette majorité et soutiendront le Conseil d'Etat dans sa lourde tâche. Ils sont d'ailleurs décidés à participer à ces travaux.

Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Pierre Kunz. Mais soyons clairs: c'est déjà...

Le président. Soyez bref, Monsieur le député !

M. Pierre Kunz. ...du budget 2004 dont il est question. Nous ne voterons pas ce budget s'il n'est pas proche de l'équilibre ! (Rires moqueurs.)Plutôt que de rire, vous feriez mieux de sortir de votre hibernation et d'entreprendre avec courage de faire l'histoire avant qu'elle ne vous défasse ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Le bureau unanime vous propose de clore la liste des intervenants que voici: MM. et Mme Droin, Glatz, Follonier, Spielmann, Iselin, Marcet, Mettan, Vanek, Kanaan, Weiss, Rodrik, Hiler, Sommaruga, Serex, Gautier, Fehlmann Rielle, Catelain, Mouhanna, Meylan, Leuenberger et Grobet. Je donnerai ensuite la parole aux rapporteurs de majorité et de minorité ainsi qu'au Conseil d'Etat, après quoi nous voterons.

M. Antoine Droin (S). Par le passé, qu'a voulu la droite de ce parlement ? Affaiblir l'Etat pour démontrer son incapacité à assumer ses responsabilités ! La proposition de baisse d'impôts de 12 %, bien qu'acceptée par le peuple, n'a été qu'une supercherie et un leurre pour la population. Cette dernière n'a pas pris conscience du piège qu'une telle proposition représentait pour les finances cantonales sur le long terme tant l'argumentation était trompeuse.

Mais, aujourd'hui, que veut la droite de ce parlement ? Continuer à affaiblir l'Etat pour démontrer son incapacité à assumer ses responsabilités ! Renvoyer le projet de budget au Conseil d'Etat n'est, à nouveau, qu'un leurre. Vous affirmez, Mesdames et Messieurs de la droite, que le Conseil d'Etat doit prendre ses responsabilités et qu'il doit donner les axes essentiels de la politique. Non ! C'est à notre parlement de le faire: c'est à nous, députées et députés, qu'il revient de définir les lignes directrices de l'engagement de l'Etat pour le bien-être de sa population ! Vous n'osez pas vous affirmer et prendre vos responsabilités puisque vous voulez jeter le bébé avec l'eau du bain à l'exécutif sans, précisément, donner de ligne directrice !

Et demain, que voudra la droite, qui n'ose le dire aujourd'hui ? Affaiblir encore et toujours l'Etat pour démontrer son incapacité à assumer ses responsabilités ! Jusqu'où irons-nous ?! Après avoir muselé les différents départements, vous attaquerez les subventions, ainsi que l'a déclaré M. Kunz il y a quelques minutes. Enfin, vous allez affaiblir la société active - sans oublier la fonction publique, comme cela vient d'être dit. En d'autres termes, vous allez vous attaquer aux classes sociales les moins favorisées, aux classes qui ne peuvent réagir. Vous accentuerez ainsi une société à deux vitesses, qui verra les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ! Cela n'est pas acceptable: le problème ne réside en effet pas dans une réduction drastique des charges, mais bien dans un manque de recettes - manque voulu par la droite ! Vous voulez faire moins pour une population qui ne cesse de croître ! Vous voulez anéantir la qualité de l'Etat social ! Vous voulez affaiblir l'Etat pour démontrer son incapacité à assumer ses responsabilités !

Qu'en sera-t-il après-demain ? Nous voulons un Etat fort, capable d'assumer ses responsabilités. Nous voulons, nous aussi, prévoir l'avenir. Nous voulons pouvoir étudier à court, moyen et long terme ce qu'est l'Etat d'aujourd'hui et ce que sera l'Etat de demain. Mais, pour cela, ce budget doit être étudié en commission, le dialogue et les débats doivent avoir lieu. Vous refusez le débat. Vous refusez vos responsabilités, car vous refusez de proposer. Un dialogue de sourds... ou plutôt, un dialogue de muets, et cela pour affaiblir l'Etat afin de, toujours et encore, démontrer son incapacité à assumer ses responsabilités ! Ceci, nous ne pouvons l'accepter !

M. Philippe Glatz (PDC). Il nous faut ce soir également examiner le contexte dans lequel nous nous penchons sur ce projet de budget. Comme M. Kunz l'a annoncé, il s'agit de prendre conscience d'un certain nombre de réalités. Quelle est la situation actuelle ? Nous ne vivons pas une période de croissance. Il n'y a plus de croissance: nous nous trouvons en période de décroissance - du verbe «décroître», qui signifie «diminuer»....

Nous pourrions disserter longuement sur l'origine de cette décroissance. Il est, de ce côté du parlement (L'orateur désigne les bancs de la gauche.), un certain nombre de responsabilités: je veux parler de toutes les lois contraignantes qui interdisent l'initiative individuelle et qui entravent continuellement le développement des petites et moyennes entreprises. Aujourd'hui, la gauche tait soigneusement les recettes dont elle disposerait pour relancer l'économie. Quelles sont-elles, Mesdames et Messieurs, vos recettes pour relancer l'économie ? Dites-le nous ce soir ! Si vous demandez une augmentation des charges, sachez que, pour supporter cet accroissement, il faudra bien que les recettes augmentent également ! Or comment voulez-vous que les recettes augmentent si l'économie ne connaît pas de croissance ?!

Prenez l'exemple de nos amis écologistes: tout en prônant une croissance zéro, ils se déclarent prêts à accepter une augmentation continuelle des charges de l'Etat ! (Protestations.)Mais ils ne pensent pas une seconde que des recettes sont nécessaires pour assumer cet accroissement des charges et qu'une croissance zéro ne permet, par conséquent, pas d'augmenter les recettes...

La responsabilité de l'exécutif est de nous présenter un projet de budget. Cette tâche est d'ailleurs précisée dans l'article 66 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Comme il nous l'a fait savoir hier, le Conseil d'Etat estime avoir fait son travail. Pourtant, il reconnaît également clairement qu'il n'est pas satisfait de la situation présente.

Le Conseil d'Etat nous soumet aujourd'hui un projet de budget déficitaire pour plus d'un demi-milliard; nous pouvons comprendre qu'il soit insatisfait de cette situation... Nous comprenons en revanche moins qu'il souhaite nous la faire «avaler» aussi subrepticement.

Il y a deux ans, le PDC s'est engagé à faire voter les budgets de l'Etat. Mon collègue, M. Blanc, s'est à cet égard beaucoup investi pour permettre que les projets de budgets de ces deux dernières années puissent être votés par une majorité de ce Grand Conseil - y compris par le PDC.

La situation actuelle est toutefois légèrement différente, car nous bénéficions de l'expérience de ces dernières années. C'est cette expérience qui nous permet d'affirmer que le projet de budget qui nous est soumis ne peut être amélioré par la commission des finances elle-même. Si nous vous proposons de renvoyer ce projet au Conseil d'Etat, c'est pour que ce dernier formule des propositions concrètes, pour qu'il nous soumette un train de mesures structurelles nous permettant de nous projeter positivement dans l'avenir.

Comme je l'ai indiqué hier soir, nous savons que le Conseil d'Etat ne parviendra pas à corriger ou à infléchir ce projet de budget dans des proportions telles qu'il puisse être équilibré. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien n'acceptera de voter un budget pour l'année 2004 qu'à la seule condition que l'on nous propose un train de mesures structurelles efficaces, efficientes et crédibles... (Coupure de micro.)

Le président. Pourriez-vous redonner la parole à M. Glatz, qui n'avait pas terminé son intervention ? (Brouhaha.)

M. Philippe Glatz. Contrairement aux radicaux, nous ne formulerons pas d'exigence impossible. Nous estimons que notre demande est tout à fait raisonnable. Le Conseil d'Etat est d'ailleurs lui-même d'accord avec une telle proposition puisqu'il a déjà annoncé la création d'une délégation ayant pour tâche de mener une réflexion sur ces questions. Nous insistons simplement sur le fait qu'il ne suffit pas de nous faire part d'intentions ni de créer une délégation: nous souhaitons que cette délégation nous apporte rapidement des éléments concrets qui nous permettent de nous rassurer pour les années à venir.

Je tiens en outre à faire savoir que nous participerons à la formulation d'un certain nombre de propositions. Mon collègue M. Mettan vous soumettra tout à l'heure des propositions concrètes, puisque c'est cela qui nous est demandé. J'attends cependant également de la gauche qu'elle fasse des propositions concrètes pour relancer l'économie. Je l'attends donc sur ce terrain, sur lequel on ne l'entend habituellement jamais.

Nous vous recommanderons en conclusion de renvoyer ce projet de budget au Conseil d'Etat afin que celui-ci puisse nous revenir accompagné d'un certain nombre de propositions concrètes pour les prochaines années - propositions qui, nous le savons, nous permettront de retrouver progressivement un équilibre. (Applaudissements.)

M. Jacques Follonier (R). Nous vivons une époque formidable... Entre ceux qui, dans ce parlement, se lamentent en pensant aux beaux jours perdus et en craignant de perdre leurs petits acquis et ceux qui cherchent des pistes sans jamais en trouver, nous sommes dans une situation plutôt particulière ! Entre les irréalistes et les irresponsables, il y a finalement peu de différence !

En définitive, qu'est-ce qu'un budget ? C'est la réalité des chiffres. Or que nous dit la réalité des chiffres ? Pour contrer un budget et pour le préparer, il nous faut des indicateurs. Nous disposons de deux indicateurs pour établir un budget. Le premier consiste à se baser sur les recettes fiscales. Nous savons cependant tous qu'il ne s'agit pas d'un indicateur valable. Il nous reste donc le second indicateur, soit les masses salariales; ce second indicateur revêt une grande importance, car il correspond à la réalité économique de notre canton.

Or que constate-t-on à l'examen de ces masses salariales ? En l'an 2000, la masse salariale du canton de Genève a augmenté de 8,5 %, ce qui constitue une excellente progression. En l'an 2001, elle s'est accrue de 12,5 %. Elle a donc connu une hausse de près de 20 % en deux ans, ce qui correspond bien à l'embellie que nous avons connue durant cette époque. En revanche, l'augmentation de la masse salariale est de 0 % en 2002 et l'indicateur de la masse salariale se trouvait en juin 2003 à 2,5 %. En se basant sur cet indicateur, on parvient à faire un budget cohérent. C'est d'ailleurs ainsi qu'a procédé Mme Brunschwig Graf, puisque le budget auquel nous parvenons sur la base du calcul que je vous ai exposé diffère d'environ 8 millions par rapport à son propre budget. Ce dernier possède à mon sens le mérite d'une très grande cohérence.

Il est peut-être temps d'arrêter de se chercher des excuses ! Il faut chercher la vérité - et la vérité est ailleurs. Elle est arrivée en juin 2002: à cette époque, l'indicateur de la masse salariale était de -2,19 %. Comme chaque année, cet indicateur a été fourni au ministre en charge des finances. Il est dès lors aberrant de constater que la ministre des finances de l'époque, qui était parfaitement informée de ce mouvement de régression des masses salariales, ne s'en soit préoccupée à aucun moment et nous ait conduit à la situation irresponsable que nous connaissons aujourd'hui. Je regrette cette attitude: si la ministre de l'époque avait eu le courage de Mme Brunschwig Graf, elle aurait en effet procédé aux modifications nécessaires et nous ne mènerions pas ce soir un débat aussi lamentable. Nous serions en train de discuter de chiffres beaucoup plus cohérents.

Quoi qu'il en soit, il est clair que, comme les radicaux l'ont répété pendant des années, la situation budgétaire de notre canton est mauvaise. Il est trop tard pour exprimer des regrets; on nous demande de nous montrer positifs. Mais comment voulez-vous que l'on adopte une attitude positive ?! On nous assure que l'on ne peut pas comprimer les dépenses et on nous prouve que l'on ne peut pas augmenter les recettes. Or habituellement, lorsqu'on ne possède pas d'argent, on ne peut pas le dépenser ! Dès lors, quelle piste suivre ? J'ai peine à croire que le Conseil d'Etat genevois soit plus mauvais que ceux des cantons de Zurich, de Berne ou de Lucerne. Je souhaiterais pour ma part que notre Conseil d'Etat remette un peu d'ordre dans cette pagaille et nous fournisse, à l'instar des cantons précités, une liste de mesures adéquates afin que nous puissions nous prononcer sur les mesures à la fois sévères et sérieuses qu'il saura à coup sûr nous présenter. Nous sommes prêts à étudier ces mesures; nous sommes prêts à les accepter.

Il est évident qu'il faut réaliser des économies, toutefois dans tous les secteurs: sur les charges administratives, sur les charges de fonctionnement, sur les subventions et sur les investissements, cela sans priorité mais avec un discernement précis. Et il serait faux de croire que nous pourrons, lors de la mise en place de ce système, adopter dans cette enceinte l'attitude de marchands de tapis qui est la nôtre lorsque nous procédons à l'acceptation ou au refus du budget.

Tendre vers un budget équilibré est une nécessité, mais il s'agit également d'une mesure vitale pour notre canton. Il n'est plus temps de nous demander: «Que peut-on faire ?», mais: «Que doit-on faire ?». L'époque où chacun défendait ses prérogatives ou ses petits avantages est révolue: il est temps de penser à notre canton et de cesser de prendre les Genevois pour des enfants ! Ce budget doit être envoyé à son auteur: le Conseil d'Etat. A lui de se montrer responsable ! (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Il convient tout d'abord de rectifier un certain nombre d'affirmations faites dans cette enceinte et d'essayer de trouver des paramètres correspondant à la réalité. M. Kunz a déclaré tout à l'heure que les dépenses de l'Etat avaient augmenté de 40 % entre 1992 et 2002. J'ignore où il a trouvé de tels chiffres. Je lui ferai en revanche remarquer qu'un examen des comptes - comptes qui n'ont pas été contestés, puisque ce Grand Conseil les a approuvés - nous amènerait à cerner un certain nombre d'éléments qui nous permettrait de comprendre les mécanismes actuels.

Examinons l'évolution des charges de l'Etat par habitant: on constate que ces charges sont passées de 12'677 francs en 1992 à 14'184 francs aujourd'hui. Elles ont en revanche baissé en francs constants, puisqu'elles étaient de 5'500 francs en 1992 et qu'elles ne sont plus que de 4'915 francs actuellement. Il existe donc un problème d'adéquation entre la taille de la population et les dépenses du canton. Examinons maintenant les investissements par habitant. ll s'agit à mon sens d'un paramètre important, car il détermine une bonne partie des besoins de la population. Ces investissements étaient de 594 francs en 1992, ils sont de 445 francs aujourd'hui. Ainsi, les dépenses en francs constants ont baissé, et les investissements ont également diminué. Dès lors, comment pouvez-vous parler d'une hausse de 40 %, Monsieur Kunz ?! Il vous faut reprendre la réalité telle que ces chiffres la donnent et tenir compte des modifications opérées dans les diverses présentations des comptes et des budgets de l'Etat ! Je ne rentrerai pas dans les détails. Il serait cependant souhaitable qu'avant d'avancer des chiffres, on essaie de cerner la réalité telle qu'elle se présente.

Le problème de fond posé est celui de l'adéquation entre les besoins de la population et les moyens financiers à disposition pour répondre à ces besoins. Cette préoccupation, qui est également formulée dans l'exposé des motifs du projet du budget du Conseil d'Etat, nous occupera de façon permanente. A l'examen des dépenses par habitant, on se rend immédiatement compte qu'il existe une adéquation entre la taille de la population et les dépenses du budget de l'Etat. Si l'on prévoit, par exemple, une hausse de cinq mille habitants sur une période d'une année, il faudra répondre aux nouveaux besoins engendrés par cet accroissement de la population: il faudra donc procéder à des développements en matière d'équipements, de formation, de prestations sociales, de santé, de logements ou encore de transports. Il est nécessaire que notre société réponde à ces demandes afin de garantir les conditions-cadres du développement de notre économie - puisque cela semble être le seul point qui vous intéresse. Or, pour mettre en oeuvre tous ces développements, il faut des moyens financiers ! La vraie question qui se pose est donc celle de l'adéquation entre les besoins de la population et les moyens financiers à disposition: il convient de déterminer la manière de résoudre cette équation.

Les problèmes posés me paraissent compliqués, mais on peut leur trouver des solutions. Les mesures que vous préconisez n'en sont toutefois pas, car vous vous basez sur de faux chiffres. Vous vous basez sur des situations figées, non sur la réalité ! Or nos sociétés évoluent ! Si nous voulons trouver des solutions qui s'inscrivent dans le plus long terme, il nous faut tenir compte des projections du Conseil d'Etat concernant les transports et l'évolution économique de l'ensemble du bassin lémanique. Ces projections prévoient un accroissement de la population de 200'000 à 300'000 habitants et une hausse du nombre d'emplois d'un peu moins de 80'000 à l'horizon 2020. Comment résoudrez-vous l'équation de la gestion d'une société avec de telles échéances ?! (Brouhaha.)Il existe un problème de fond auquel il faudra bien trouver des solutions !

De votre côté de l'enceinte politique, les solutions, c'est votre gestion ! Monsieur Kunz, Mesdames et Messieurs les députés de droite, où en serions-nous si nous avions construit la traversée de la Rade avec les finances publiques ?! Quel serait l'état des comptes ?! Et quelles factures devrions-nous payer ?! Il convient de prendre nos responsabilités politiques ! Comme vous nous l'avez déclaré, comme vous-mêmes et d'autres le répétez, la politique que vous prônez est la suivante: diminution des charges de l'Etat, réduction de ses capacités et baisse d'impôts afin de relancer l'économie et de développer l'emploi. Or il faut admettre que ce système fait complètement faillite: le chômage a augmenté alors même que vous avez baissé les impôts ! Tous les domaines dans lesquels on s'est attaqué aux activités de l'Etat se trouvent dans une situation catastrophique !

Que proposez-vous par rapport à l'équation densité de la population/emplois ? Au niveau fédéral, Monsieur Kunz, vos milieux proposent d'augmenter l'âge de la retraite... Vous voulez donc offrir à la population la possibilité de travailler plus longtemps ! Vous voulez garder sur le marché du travail des grands-parents qui doivent s'initier à l'informatique et aux nouvelles technologies pendant que l'on paie le chômage des jeunes ! C'est une absurdité: il faut changer cette politique ! Il faut remplacer la politique du «moins d'Etat, moins de dépenses» par une politique de qualité qui tienne compte des besoins de la population et qui développe notre société comme il convient de le faire !

Comme le Conseil d'Etat l'a reconnu et comme on peut le lire dans l'exposé des motifs, c'est en se basant sur des chiffres par habitant et sur les comptes qu'il convient de développer cette politique. Des évaluations fiscales ont été menées - évaluations probablement plus pessimistes qu'auparavant. J'ai déclaré hier sous forme de boutade que l'on pouvait, d'une année à l'autre, présenter successivement des comptes négatifs puis positifs. C'est ainsi que les présentations ont, en quatre ans, varié d'un milliard. Bien que je risque de me faire gronder par le président, je suppose qu'au-delà de la cosmétique budgétaire permettant d'améliorer ou de péjorer les comptes, il existe la plupart du temps une ligne moyenne correspondant à la réalité. C'est sur cette ligne moyenne qu'il nous faut travailler: il faut travailler sur les recettes et sur les dépenses.

Il nous faut dégager des priorités et trouver des solutions permettant à notre société de poursuivre sa progression. Vous voulez vous attaquer à la formation, aux investissements, aux prestations fournies par l'Etat, aux transports... Mais à quoi voulez-vous réduire notre République, si ce n'est à davantage de chômage et à davantage de difficultés économiques ?! Comment voulez-vous développer une société en allant à reculons et en réduisant l'ensemble des prestations lui permettant d'évoluer ? Vous faites fausse route ! Votre politique est erronée ! Vous ressemblez aux dirigeants de Swissair...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Jean Spielmann. ...qui ont écrit des «livres blancs de l'économie» pour nous expliquer comment gérer notre société ! Je pense bien entendu à tous ces éminents membres du parti radical qui ont dirigé le Crédit suisse ou l'Union de banques suisses. Je pense en particulier à M. de Pury et à son «Livre blanc» exposant la politique à suivre. Mais cette politique a fait faillite ! Elle a fait faillite partout dans le monde ! Il faut changer cette politique néolibérale, qui n'apporte rien de positif à la population.

Le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, Monsieur le député. Veuillez conclure !

M. Jean Spielmann. La politique que nous entendons défendre passe par l'amélioration des prestations et par la garantie de la qualité du service public et de ses agents. Vous faites fausse route en cherchant à vous attaquer à ces derniers ! Vous êtes, par ailleurs, incapables de formuler la moindre proposition concrète.

Le président. Monsieur le député, veuillez conclure, s'il vous plaît !

M. Jean Spielmann. Le budget dépend en grande partie des lois acceptées par notre Grand Conseil; si le Conseil d'Etat ne respecte pas les lois, il se trouve dans l'illégalité. C'est donc à vous qu'incombe la responsabilité de changer les lois pour permettre la modification des chiffres que vous souhaitez. Or vous n'avez pas le courage politique de le faire: aucune proposition allant dans ce sens n'a été formulée ces dernières années !

Renvoyer le projet de budget au Conseil d'Etat, c'est faire preuve de votre incapacité de gestion et de votre incapacité à assumer des responsabilités politiques ! Renvoyez ce projet au Conseil d'Etat: il reviendra et c'est à nous qu'il incombera d'accomplir le travail nécessaire ! Pour notre part, nous prendrons nos responsabilités ! (Applaudissements.)

M. Robert Iselin (UDC). Mon intervention sera brève car l'orateur suivant est mon collègue Marcet, dont la maestria est telle que je lui cède volontiers la place. Je souhaite simplement rappeler quelques éléments de ce débat - lequel a été illustré par d'excellentes interventions, à commencer par celle de M. Kunz.

Il convient de se rappeler que, lorsque l'Etat va mal, ce sont les classes les plus simples qui trinquent: ce ne sont pas les classes qui bénéficient d'un compte en banque et qui peuvent se tirer d'affaire.

Monsieur Spielmann, vous critiquez les diminutions d'impôts: c'est un comble ! La principale d'entre elles a, je vous le rappelle, été votée par le peuple. Ce même peuple a en outre manifesté à d'autres reprises qu'il souhaitait des réductions marquées dans ce secteur.

Je m'adresse maintenant à Mme  Morgane Gauthier: demander aux députés de proposer les coupes relève du rêve ! La situation est la suivante: le Grand Conseil fournit des orientations générales et le gouvernement - entendez ici le corps des hauts fonctionnaires - remet son ouvrage sur le métier.

En attendant, l'UDC a pour sa part élaboré, sous forme d'exercice, une proposition concrète mise au point en vingt-quatre heures grâce au travail de mes collègues. Nous espérons qu'il sera discuté de cette proposition... (L'orateur est interpellé.)Non ! Je vais vous dire ce qui manque: c'est l'esprit de parcimonie ! Vous avez dépensé de l'argent comme des fous pendant des années...

M. Jean Spielmann. Qui ?

M. Robert Iselin. Toi-même, pour commencer ! Tais-toi, pour une fois ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Mais tais-toi ! Laisse-moi parler !

Le président. Calmez-vous, Monsieur Iselin ! S'il vous plaît, calmez-vous ! (M. Spielmann continue de parler.)Monsieur Spielmann, cessez d'interrompre M. Iselin, s'il vous plaît !

M. Robert Iselin. Je te prie de te taire: c'est moi qui ai la parole, pas toi ! (Il s'adresse à M. Spielmann.)

Le président. Monsieur Iselin, il vous sera plus facile de vous adresser à moi. Regardez-moi et poursuivez votre intervention sans vous laisser influencer !

M. Robert Iselin. Je reprends mon intervention: ce qui manque, c'est donc l'esprit de parcimonie. Pour éviter de prendre un exemple au sein de notre République, j'illustrerai mes propos par autre un exemple tiré de la Berne fédérale: Mme Metzler a dépensé, en 2002, 430'000 francs en frais d'hélicoptère ! Peut-être trouvez-vous cela normal? J'estime pour ma part que ce ne l'est pas ! (Protestations.)Finalement, la solution...

M. René Desbaillets. C'est assez cher pour s'envoyer en l'air ! (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)

M. Robert Iselin. Taisez-vous, Monsieur Vanek ! Vous parlez déjà trois fois trop dans ce parlement !

Le président. Calmez-vous, s'il vous plaît !

M. Robert Iselin. Je disais donc que la solution doit être recherchée dans une réorganisation en profondeur de l'Etat de Genève. Cette réorganisation doit évidemment être réalisée humainement. Il incombe toutefois de la mettre en oeuvre sans tarder, notamment afin d'éviter un nouveau désastre lorsque les intérêts de la dette remonteront. Ces intérêts sont d'ailleurs déjà en train de remonter, et nous pourrions bien un jour payer 700, 800 ou 900 millions pour la dette de quelque 11 milliards que nous avons accumulée !

M. Claude Marcet (UDC). J'ai plaisir à entendre certains d'entre vous parler de gestion financière: cela me rappelle les personnes qui ont un jour eu quatre sous dans leur poche, qui ont su s'acheter un sugus à la «récré» et qui croient pouvoir parler avec maestria de gestion... (L'orateur est interpellé par M. Spielmann.)Permettez-moi de vous dire, Monsieur Spielmann, que je préfère mon système capitaliste qui, à vos yeux, a «foiré» à votre système communiste - lequel sert à créer les richesses que le monde connaît ! (Applaudissements d'un député.)

Je souhaite rappeler un certain nombre d'éléments. En premier lieu, nous vivons dans un système d'économie de marché, et non dans un système d'économie étatiste, comme le préconisent et le souhaitent M. Spielmann ainsi que d'autres sur les bancs d'en face... (L'orateur est interpellé par M. Spielmann.)S'il vous plaît, Monsieur Spielmann, taisez-vous et laissez-moi parler !

Or, dans un système d'économie de marché, un individu dispose de la capacité de créer des richesses dont il peut profiter. En revanche, dans le système que vous préconisez, Monsieur Spielmann, cela ne sert strictement à rien de créer des richesses, car les individus ne peuvent de toute façon pas en profiter ! Il est dès lors préférable de ne rien faire et de vivre au soleil en attendant que le système s'écrase - comme tous les systèmes que vous préconisez chaque fois que vous ouvrez la bouche...

En deuxième lieu, un système d'économie de marché doit être doté d'un Etat dimensionné à la hauteur de l'économie de marché qu'il représente: il faut un Etat à même de pouvoir régler, réguler et régulariser la totalité du système économique afin que ce dernier puisse générer des richesses... (L'orateur est interpellé par M. Spielmann.)Mais taisez-vous, s'il vous plaît, Monsieur Spielmann ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Nous, nous vous laissons parler lorsque vous avez la parole ! (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Spielmann, laissez parler M. Marcet, s'il vous plaît  ! Allez boire un verre, cela vous calmera !

M. Claude Marcet. M. Spielmann fait probablement partie de ceux que j'ai évoqués en disant qu'ils avaient quatre sous dans leur poche... J'irai vous acheter un sugus, Monsieur Spielmann, car vous ne saviez pas ce qu'était la gestion financière à l'époque où vous étiez sur les bancs du collège...

M. Jean Spielmann. Je ne suis pas allé au collège !

M. Claude Marcet. Vous n'y êtes pas allé ? Cela est malheureux ! Si vous me le permettez, je poursuis mon intervention. Comme je le disais, l'Etat doit donc être dimensionné à une hauteur telle qu'il puisse remplir la fonction qui lui destinée. Cette fonction consiste, d'une part à régler, réguler et régulariser le système économique, d'autre part, comme vous le préconisez, à accomplir un certain nombre d'actions sociales. Contrairement à ce que vous pensez, nous ne laisserons jamais personne au bord du trottoir. (Protestations.)

En troisième lieu, quels constats peut-on tirer des chiffres à notre disposition, Monsieur Spielmann ? Vous vous basez sur certains chiffres. Je me réfère pour ma part aux données fournies par la Chambre de commerce du canton de Genève. (Huées. Le président agite la cloche.)Je sais que vous n'appréciez guère cette dernière; je me baserai néanmoins sur les données qu'elle produit. Or que constate-t-on à l'examen de ces chiffres ? On observe tout d'abord que le canton possède le plus grand nombre de fonctionnaires par tête d'habitant du pays.

M. Jean Spielmann. Qui est-ce qui les engage ? Répondez-moi !

M. Claude Marcet. Il est inutile de lui répondre, car il ne comprend de toute manière rien... Il n'existe pas, car il ne comprend rien ! Je ne me laisserai pas désarmer par le papi !

Le président. Monsieur le député Marcet, adressez-vous à moi ! Cela vaudra mieux pour tout le monde.

M. Claude Marcet. Notre canton possède donc le taux de charges salariales le plus élevé de Suisse. Son taux d'endettement par habitant est également le plus élevé du pays. Sa fiscalité est, de surcroît, l'une des plus élevées de Suisse ou parmi les plus élevées de Suisse.

Une voix. «Parmi» les plus élevées.

M. Claude Marcet. J'ai précisé «parmi»...

Que signifient ces données ? Elles signifient que le système actuel nous a conduits dans le mur. Et pourquoi sommes-nous arrivés dans le mur ? Je me rallie ici pleinement aux propos de M. Kunz: il faut mettre un terme à un système qui ne peut perdurer. Or pourquoi ce système perdure-t-il ? Si vous l'ignorez, je vous apprendrai simplement que, dans une économie de marché, le budget des recettes est le premier budget établi par les entreprises. Mais quel est le premier budget immanquablement établi par l'Etat ? C'est le budget des charges ! Un tel système, qui table sur le fait que l'on dispose peut-être demain des recettes qui nous permettront de couvrir les charges, nous mène droit dans le mur ! Et c'est effectivement le cas actuellement...

En quatrième lieu, je ferai remarquer à un certain nombre d'intervenants des bancs d'en face que ce n'est pas ainsi qu'il convient de gérer la fiscalité dans une économie de marché. Pourquoi ? Parce qu'une économie de marché fonctionne en se basant sur l'ouverture des frontières nationales; dès lors, lorsqu'un Etat applique une fiscalité trop lourde, ses contribuables s'installent dans un autre pays. C'est ainsi que 300 milliards de francs français ont été transférés en Suisse simplement parce que l'Etat français procédait à une ponction fiscale qui s'apparentait plus à du vol qu'à toute autre chose.

Une voix. C'est du racket !

M. Claude Marcet. C'est du racket, tout à fait ! Vous voulez des solutions... (L'orateur est interpellé par M. Spielmann.)Je ne lui réponds pas, car il n'existe pas...

Le président. Poursuivez sans vous laisser influencer, Monsieur Marcet !

M. Claude Marcet. Vous voulez des solutions ? En voici. Première solution: reprendre l'audit demandé par l'association «Halte au déficit ». Cet audit se trouve sous quinze kilos de plomb, car il contenait des éléments dérangeants.

Une voix. Arthur Andersen ?

M. Claude Marcet. Oui: Arthur Andersen ! (Protestations de M. Spielmann.)Monsieur Spielmann, je sais fort bien que votre ego vous amène sans cesse à parler de vous ! Mais, je vous en prie, taisez-vous !

Deuxième solution: suivre la proposition formulée sur les bancs radicaux, soit appliquer à notre canton toutes les mesures prises dans les cantons de Zurich, Berne et Lucerne. Faute de cela, ce n'est pas dans, mais en-dessous du mur que nous nous trouverons demain.

Troisième solution: le Conseil d'Etat doit prendre en main la politique de gestion financière de ce canton, non comme elle l'a fait dans les années précédentes, mais comme il convient en période de crise et de stagflation: il ne doit pas suivre la politique dépensière et inflationniste que vous souhaitez - politique qui ne pourra que provoquer, à terme, notre perte financière. (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais tout d'abord dire combien j'ai apprécié le discours prononcé hier soir par la présidente du département des finances: Mme Brunschwig Graf a insisté sur la responsabilité que chacun d'entre nous, élus au parlement, a face au budget de l'Etat et face au déficit énorme prévu pour 2004. Je partage entièrement ce souci de responsabilité. J'aimerais toutefois faire remarquer à Mme la présidente qu'il est dangereux de parler de responsabilité, car il s'agit d'un fardeau qui se partage et que l'on peut aisément renvoyer au Conseil d'Etat. On pourrait en effet, Madame, vous retourner le compliment en relevant la grave irresponsabilité d'un Conseil d'Etat qui a osé présenter au parlement un budget prévoyant un déficit de 554 millions. Que penser d'un exécutif qui propose un budget aussi calamiteux ?! Le scandale de ce budget ne réside d'ailleurs pas tant dans le déficit qu'il prévoit en tant que tel. Le vrai problème réside moins dans ce déficit - dont on pourrait éventuellement s'accommoder pour une année - que dans le fait qu'aucune mesure ne soit avancée pour le réduire et y mettre un terme. Le scandale tient à ce que les dépenses de fonctionnement de l'Etat continuent à croître allègrement en dépit de ce déficit !

Je ne veux cependant pas polémiquer, car j'estime, tout comme vous, que nous devons nous comporter en gens responsables et qu'il nous incombe de trouver des solutions. C'est pourquoi j'aimerais compléter les propos de mon collègue Philippe Glatz et vous présenter des pistes à suivre pour sortir de cette ornière. Je pense en effet que nous ne pouvons pas nous contenter de renvoyer - comme une gifle - ce budget au Conseil d'Etat sans suggérer des limites et des orientations - sans poser, aussi, des conditions claires.

Voici donc à quelles conditions le parti démocrate-chrétien pourrait, tout en refusant l'entrée en matière ce soir, accepter le budget 2004 au mois de décembre prochain. J'insiste sur le fait que, de notre point de vue, tout doit être entrepris pour que l'Etat soit doté d'un budget - et, si possible, d'un budget réaliste et raisonnable.

La première condition pour que nous acceptions ce budget est la suivante: un déficit limité au maximum à 300 millions de francs. Cette condition implique une réduction de 250 millions du déficit actuel. Un tel objectif est atteignable si l'on prend en compte le fait que les recettes peuvent être augmentées de quelque 50 millions de francs. Nous avons en effet de sérieuses raisons de penser que les bases choisies pour estimer les recettes sont correctes, mais qu'elles ont été volontairement prises dans les fourchettes les plus basses. Nous approuvons la méthode, car c'est la seule qui permette de créer un choc. Il nous faut cependant également faire preuve de réalisme. Or, nous avons de bonnes raisons de penser que les recettes 2004 pourraient être améliorées d'environ 50 millions de francs. J'en veux pour preuve la croissance de la masse salariale qui, contre toute attente, se poursuit en 2003. Cette croissance produira des effets positifs sur les recettes, ce dont témoignent les dernières statistiques publiées par l'OCSTAT: ces statistiques font état d'une croissance de 0,3 au premier trimestre - croissance qui s'est confortée au deuxième trimestre de cette année - ainsi que d'une croissance du nombre de frontaliers - ces derniers sont passés de 37'731 en juillet 2003 à 35'772 en janvier, soit une augmentation de 2'000 personnes en sept mois. L'impôt à la source devrait ainsi, lui aussi, s'en trouver conforté.

Restent donc quelque 200 millions d'économies à trouver. Sur 6 milliards de dépenses, cet objectif nous semble parfaitement atteignable. Pour cela, nous suggérons deux pistes, que nous pourrions appeler «freins à la croissance de l'Etat».

La première piste consiste à limiter la croissance de l'engagement de nouveaux fonctionnaires à 1 % par année. Cette optique permettrait non seulement de renouveler les fonctionnaires partants, mais également d'augmenter chaque année de 1 % le nombre total de fonctionnaires en fonction des besoins et priorités définis par les départements. Ce 1 % de croissance constitue toutefois, naturellement, une limite supérieure. Une telle mesure garantirait une certaine souplesse de gestion tout en disposant d'un frein à la croissance très clairement défini.

La seconde piste consiste à limiter la croissance des dépenses, cette fois en francs, à 1,5 % par année. Ce chiffre n'est pas gratuit: il est indexé à la fois sur l'inflation et sur la croissance démographique. D'une part, il est logique que le salaire des fonctionnaires soit adapté au renchérissement et que ceux-ci obtiennent pleine compensation dudit renchérissement. Or, selon les dernières statistiques cantonales, ce renchérissement était de 0,7 % au mois de juillet - il s'agit là d'un pourcentage en termes annuels, soit de juillet 2002 à juillet 2003. D'autre part, il est logique de tenir compte de la croissance démographique du canton, croissance qui génère à la fois des charges et des recettes supplémentaires. Cet accroissement démographique est d'environ 3'500 personnes par année. Sur un total de 430'000 habitants, cela donne un pourcentage d'environ 0,8 %. 0,7 + 0,8 = 1,5 %.

Voilà qui est réaliste et qui tient compte de la dynamique propre du canton ! Voilà qui permet de gérer la croissance des dépenses sans rigidité excessive, sans pénaliser excessivement les fonctionnaires et sans que l'on crie au démantèlement des services publics et à la disparition de l'Etat social. Ensuite, ce sera à chaque département de fixer à l'interne les priorités qui lui tiennent à coeur en fonction de ses limites.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Guy Mettan. Déficit limité à 300 millions, limitation des nouveaux engagements de fonctionnaires à 101 % des effectifs de 2003 et limitation de la croissance des dépenses à 101,5 % du budget 2003: voilà les conditions à partir desquelles notre groupe pourrait voter le budget 2004. (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (AdG). Mon intervention sera très brève, car l'essentiel a été dit par mes collègues. Je me contenterai de faire quelques commentaires sur certains propos qui m'ont un tant soit peu surpris - quoique...

Je prends en premier lieu note des déclarations de M. Mettan concernant la sous-évaluation volontaire des recettes du projet de budget. M. Mettan, qui est probablement mieux renseigné que nous puisque nous ne sommes pas représentés au Conseil d'Etat, apporte là une contribution intéressante au débat de ce soir.

Je réagirai en deuxième lieu aux déclarations faites sur les bancs d'en face, déclarations que je ne peux laisser passer. C'est d'ailleurs dans un sens littéral que j'évoque les bancs d'en face, puisqu'il s'agit des bancs de l'UDC. M. Marcet a déclaré - et il a au moins, à ce titre, eu le mérite de la clarté - qu'il fallait un «Etat dimensionné à la hauteur de l'économie de marché qu'il représente». Eh bien, nous défendons pour notre part un point de vue différent: nous pensons que l'Etat a pour tâche de représenter les citoyens, de défendre les habitants du canton, d'assurer les besoins primordiaux en matière d'instruction, de sécurité sociale, de transports, de logements - soit dans tous les domaines essentiels de l'existence. Ce n'est pas l'économie de marché qui prime: ce sont les besoins de la population qui importent en premier lieu !

M. Marcet s'est ensuite lancé dans une leçon de comptabilité en nous expliquant qu'un budget devait s'attacher à définir les recettes avant de définir aux dépenses. Mais c'est précisément sur ce point que porte le problème: c'est depuis longtemps et avec beaucoup d'assiduité que, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous vous occupez des recettes, en vous efforçant de les réduire le plus possible et d'offrir un maximum de cadeaux aux nantis ! C'est ainsi que l'on a dernièrement vu la suppression d'une part importante de l'impôt sur les successions - qui constitue l'un des impôts les plus justes qui existe. Nous avons également assisté à la campagne frénétique que vous avez menée contre l'initiative 113. Cette initiative proposait pourtant des mesures tout à fait modestes en terme de prélèvements sur les gros bénéfices et les grandes fortunes. Elle avait, en outre, reçu le soutien du peuple. L'un des députés des bancs d'en face a déclaré que le peuple s'était prononcé en faveur d'une baisse d'impôts. Mais l'initiative 113 avait également bénéficié d'un soutien important de la part du peuple, ce qui n'a pas empêché vos milieux de mettre des millions - ou, du moins, des centaines de milliers - de francs sur la table pour faire rejeter cette initiative par le biais d'une campagne parfaitement mensongère. Or cette initiative aurait généré, dans le contexte de crise que nous connaissons, des recettes qui auraient contribué à ce que le budget réponde aux attentes légitimes que l'on peut avoir à son égard. (L'orateur est interpellé.)

Une voix. Vous êtes crédule !

M. Pierre Vanek. Non: je ne suis pas crédule au point de croire ce que vous dites ! Je ne fais qu'évoquer les contradictions contenues dans votre discours !

Je m'arrêterai en troisième lieu à un autre discours particulièrement clair, celui de M. Kunz.

Monsieur Kunz, vous m'avez accusé de faire de l'agitation et de m'adresser au peuple comme si je me trouvais dans je ne sais quelle tribune publique. Mais vous avez vous-même l'habitude de vous comporter ainsi !

Vous avez déclaré qu'il fallait mettre un terme à toute «rêverie égalitariste et redistributive». Il s'agit là de vos propos, que j'ai scrupuleusement notés. Il est vrai que nous aspirons, non pas à des rêveries, mais au rêve - ou, du moins, à l'idéal - d'une société plus égalitaire. Ce canton présente en effet des écarts croissants en termes de fortunes, en termes de revenus, en termes de situations sociales ou encore en termes d'accès à divers besoins vitaux. On retrouve des écarts semblables à l'échelle planétaire, et ces écarts signent la faillite du système capitaliste vanté par M. Marcet. Nous tendons donc à un but - et je pense qu'il faut avoir un but: l'avènement d'une société plus égalitaire que celle dans laquelle nous vivons. Vous avez parlé de rêverie redistributive: l'une des tâches essentielles de l'Etat consiste aussi, en effet - à notre sens - à redistribuer des richesses afin de corriger certaines inégalités. Vous avez proposé de bloquer les salaires, de démanteler la fonction publique, de brader le patrimoine de l'Etat, de privatiser et de faire des cadeaux aux riches: voilà quel est votre programme, Monsieur Kunz ! Mais vous aurez beau l'enrober comme vous le voudrez, nous nous y opposons franchement !

J'aborderai en dernier lieu la question des recettes. Le programme en matière de recettes que vous défendez depuis le début de la législature est évident: c'est un paquet de près d'un demi-milliard d'abaissements de recettes qui a été mis dans le pipe-line législatif par le biais d'une série de projets de lois libéraux. Le témoignage du caractère ultralibéral, irréaliste et excessif de ce programme de démantèlement des recettes de l'Etat a été donné hier par la présidente Mme Brunschwig Graf. Cette dernière a fait la leçon à tout le monde à la manière d'une maîtresse d'école - et vous savez que, dans ma bouche, il ne s'agit pas d'une critique...

Mme Martine Brunschwig Graf. J'étais en train de me demander ! (Rires.)

M. Pierre Vanek. Vous connaissez toute l'affection que j'éprouve à l'égard des instituteurs et des institutrices.

Mme Martine Brunschwig Graf. C'est gentil !

M. Pierre Vanek. Je ne parlais pas d'affection que j'éprouvais pour vous, Madame Brunschwig Graf, mais pour le métier d'instituteur... Or, les propositions de démantèlement de la fonction publique de M. Kunz concernent également ces personnes.

Mme Martine Brunschwig Graf, que l'on ne peut guère soupçonner d'avoir des accointances souterraines avec l'Alliance de gauche, a donc fait la leçon aux députés des bancs libéraux en leur demandant d'arrêter les cadeaux fiscaux...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Vanek !

Mme Martine Brunschwig Graf. Je n'ai pas parlé de cadeaux fiscaux !

M. Pierre Vanek. Vous avez parlé d'«allègements». Je crois qu'il s'agissait de vos termes.

Mme Martine Brunschwig Graf. Je prendrai la parole tout à l'heure, Monsieur Vanek.

M. Pierre Vanek. Merci, Madame ! J'ai voulu tenir compte des corrections que vous avez apportées en cours de route. Enfin, vous corrigerez vous-même ! Je suis très sensible à la critique.

Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur Vanek  !

M. Pierre Vanek. Vous avez également déclaré qu'il fallait cesser de procéder à des baisses de recettes à coups de 150 millions. Eh bien, c'est de là que vient le mal, et c'est évidemment ce mal qu'il convient de corriger pour parvenir à une situation budgétaire plus saine qu'elle ne l'est aujourd'hui !

M. Sami Kanaan (S). Il est toujours rassurant d'entendre notre collègue Vanek déclarer que son intervention sera très brève car, dans le cas contraire, elle durerait quelques heures...

Je me demande si, ce soir, les membres de l'Alternative n'auraient pas mieux fait de se rendre ailleurs que dans cette enceinte: au théâtre, au cinéma, au café... Nous ne faisons en effet qu'assister à un débat entre une majorité de droite du Conseil d'Etat et une majorité de droite du Grand Conseil ! Il est vrai que nous y amenons notre grain de sel. C'est cependant une même majorité politique qui essaie de se dépatouiller d'une situation budgétaire.

Il est intéressant de constater qu'à l'exception de la législature précédente, c'est la même majorité politique qui gouverne le canton depuis environ la Deuxième Guerre mondiale. Vous noterez d'ailleurs que la dernière législature est la seule à avoir connu un budget excédentaire depuis longtemps et à avoir vu la dette cantonale baisser. Bien que nos interprétations respectives sur les raisons de cette embellie divergent probablement, il vous faut néanmoins reconnaître que l'Alternative, majoritaire lors de la précédente législature, est parvenue à ramener les finances de l'Etat à des chiffres noirs. Il a suffi que vous repreniez la majorité pour que les chiffres se gâtent...

Admettons que cette dégradation n'est peut-être pas tout à fait entièrement de votre faute ! Le phénomène n'en demeure pas moins frappant: vous reprochez le gonflement de la dette à 12 milliards et l'augmentation du nombre de fonctionnaires de l'Etat de Genève; vous évoquez des ratios qui seraient totalement disproportionnés par rapport à d'autres cantons. Vous parlez comme si vous disposiez pour la première fois depuis deux ans de la majorité et que la gauche gouvernait le canton depuis cinquante ans ! Non: au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je vous signale que vous disposez de la majorité depuis toujours !

Vous voulez renvoyer le budget au Conseil d'Etat. Mais quels sont les scénarios possibles ? De deux choses l'une: soit vous voulez réellement réduire ce déficit dans le cadre du budget 2004; dans ce cas, vous n'échapperez pas à des révisions législatives qui s'avéreront forcément difficiles. Il est possible que vous fassiez preuve de ce courage politique: nous verrons bien. Si c'est le cas, il vous faudra également faire face aux conséquences sociales des décisions que vous aurez prises. Je suppose que des référendums et des manifestations seront organisés. Si vous faites preuve de ce fameux courage politique dont certains se réclament, vous irez au bout de vos convictions, et la situation aura au moins le mérite d'être claire !

En revanche, si vous vous contentiez de faire de la cosmétique, je comprendrais mal que vous renvoyiez ce budget au Conseil d'Etat. Une commission des finances est parfaitement en mesure d'effectuer ces opérations de cosmétique. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs été esquissées ce soir. Notre collègue Guy Mettan a, par exemple, commencé à se livrer à des calculs...

Je voudrais cependant faire la remarque suivante: lorsque je siégeais au conseil municipal de la Ville de Genève, la majorité de gauche est toujours parvenue à gérer la situation budgétaire d'entente avec l'exécutif, et cela sans jamais en arriver à tout le cirque que constitue un renvoi du projet de budget à l'exécutif. Or, il s'agissait à l'époque d'années difficiles sur le plan budgétaire. Les communes sont, de surcroît, dans l'obligation de respecter des contraintes légales auxquelles n'est pas soumis le canton: les déficits de fonctionnement sont interdits et les déficits sur les investissements sont limités à un maximum de quatre années.

Je vous soupçonne personnellement de vouloir faire beaucoup de bruit pour rien ! Si cela n'est pas le cas, vous serez obligés de procéder à de vrais choix. Or, je constate que votre majorité, comme tous les parlements ayant une majorité de droite, ne sait tout simplement pas effectuer des choix s'agissant des activités prioritaires de l'Etat. Dès lors, que faites-vous ? Vous étranglez les recettes ! Il s'agit évidemment d'une technique facile: vous avez vendu au peuple une réduction d'impôts pour attirer des recettes fiscales, mais vous n'avez pas tenu vos engagements... Il est évident que le peuple a accepté la réduction fiscale: il s'agit d'une réaction normale, humaine. On attend cependant encore les fameuses recettes fiscales supplémentaires... Si vous vouliez vous relancer dans cet exercice, je vous rappelle qu'en dépit du soutien de certaines personnes de gauche ce même peuple a refusé l'exercice de la table ronde: le peuple veut donc - et c'est bien là toute la difficulté - à la fois payer moins d'impôts et continuer de bénéficier des prestations fournies par l'Etat ! Je vous souhaite donc bien du plaisir, à vous qui disposez de la majorité !

Vous n'aimez pas aborder la question du paquet fiscal - que vous avez d'ailleurs refusé de traiter en urgence et dont nous débattrons le 1er octobre. Je vous rappelle cependant que les Chambres fédérales examinent actuellement ce paquet fiscal. Il est possible que les effets de ce dernier soient moindres à Genève que dans d'autres cantons. Il aura cependant tout de même, à terme, des effets relativement lourds. Il faut également tenir compte de la nouvelle péréquation des charges au niveau fédéral: un canton qui, comme Genève, est considéré comme riche pèsera, à terme, lourd dans la balance. Il existe encore d'autres projets fiscaux au niveau fédéral. Je pense notamment aux folies routières du parlement fédéral: celui-ci crée des fonds séparés pour financer les routes, lesquels échappent au frein à l'endettement et, partant, chargent encore davantage les autres postes du budget fédéral et encouragent encore plus le report des charges ! De plus, nous savons fort bien qu'une masse croissante de la richesse réussit à échapper au fisc par diverses techniques. Nous nous trouvons donc dans une situation d'accentuation de l'effet ciseau et de crise des recettes. Vous considérez cette crise comme une fatalité... Non, assumez vos décisions ! Vous en êtes en bonne partie responsables de cette crise, de par vos choix politiques. Il s'agit des conséquences de votre projet politique !

Comme on l'a constaté à l'occasion du G8 et comme on le constate en permanence par vos attitudes, votre projet politique consiste à créer un «Monaco-sur-Léman», un paradis fiscal, une île abritant richesses et grandes fortunes - mais surtout aucun problème social ! Le problème, mes chers collègues, c'est que la réalité n'est pas tout à fait conforme à ce fantasme ! La population de notre canton est en effet très diversifiée sur tous les plans; l'échelle des revenus est - malheureusement - en voie de dispersion et d'écartèlement. Genève étant une économie extrêmement compétitive, une partie de la population ne parvient pas à suivre. Aussi, que vous le vouliez ou non, un nombre croissant de personnes connaissent des problèmes économiques sérieux et multiples, et le canton se doit de prendre ces personnes en charge - d'ailleurs, l'un d'entre vous a déclaré qu'il ne laisserait jamais quelqu'un tomber au bord du trottoir - et il faudra assumer les conséquences de cette situation.

Si vous voulez parler d'efficacité de l'Etat, nous sommes prêts à le faire, mais pas de manière démagogique ! Si vous voulez parler de problèmes structurels et de cette distinction bizarre entre le petit et le grand Etat, nous sommes prêts à le faire, mais pas de manière démagogique ! En revanche, ce qui m'inquiète, c'est que, depuis le début de cette législature, vous cassez systématiquement - de manière consciente ou non - tous les éléments qui font l'attractivité de ce canton, qui encouragent les entreprises à s'y installer et les organisations internationales à y rester: vous êtes en train de saboter la qualité de vie de ce canton ! Vous êtes en train de saboter la cohésion sociale de ce canton ! Vous êtes en train de saboter l'intégration ! (Protestations.)

Il existe, de surcroît, un fossé béant entre vos discours et vos actions chaque fois qu'il s'agit de prendre des décisions concrètes ! (L'orateur est interpellé.)Vous avez évoqué la crise du logement ? Or il suffit que trois propriétaires de villas se manifestent pour que vous renonciez au déclassement d'un terrain ! Vous coupez dans les recettes ! Vous voulez geler les postes des fonctionnaires au lieu de répondre aux besoins scolaires et sociaux d'une population croissante: voilà quels sont les faits ! Voilà en quoi consiste votre projet politique ! Le débat budgétaire de ce soir présente au moins l'avantage de mettre les choses clairement sur la table... Vous disposez de la majorité: allez-y, Mesdames et Messieurs ! Nous nous expliquerons ensuite devant le peuple ! (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Dans un premier temps, j'aimerais revenir sur les remarques des trois rapporteurs de minorité avant de formuler quelques commentaires personnels. Je ne saurai toutefois laisser passer sans réagir certains propos tenus par notre éminent économiste M. Kanaan. Celui-ci a probablement oublié qu'il pouvait exister des corrélations fallacieuses et que la présence d'une ministre socialiste aux finances ne créait pas automatiquement une bonne conjoncture: il s'agit là d'un détail qui lui aura certainement échappé... Subsidiairement, s'agissant de l'évolution des inégalités en Suisse, je lui conseille vivement de se procurer les documents du SECO: il pourra y constater que les inégalités ne se sont nullement accrues en Suisse durant la décennie précédente. Ce résultat a même surpris un certain nombre de spécialistes.

J'aborde maintenant les rapports de minorité. Je ferai remarquer en préambule que trois rapports de minorité ne suffisent pas à faire une majorité et que les arguments qui y sont développés, loin de s'additionner, en réalité se divisent.

J'examinerai en premier lieu les arguments développés par M. Mouhanna. Celui-ci a principalement abordé la question de la baisse des impôts et de ses conséquences. Il conviendrait à cet égard de se rappeler que cette baisse des impôts a été voulue par le peuple. M. Mouhanna accusera probablement ceux qui ont voulu cette baisse d'impôts d'avoir suggéré que ses effets auraient pu être différents de ceux qui sont réellement survenus... Je noterai simplement pour ma part qu'il n'y a pas eu diminution, mais stabilisation des recettes. En d'autres termes, l'augmentation a été moindre que ce que M. Mouhanna aurait pu imaginer. Ce dernier devrait par ailleurs garder en mémoire un article récent écrit par Mme Marina Masoni, responsable des finances du canton du Tessin. Mme Masoni a relevé avec une sagesse qui l'honore - sagesse probablement transalpine - qu'en cas de baisse d'impôts l'Etat ne perdait pas d'argent, mais que les citoyens en gagnaient. Il faut en outre reconnaître que Mme Calmy-Rey a, comme dans d'autres domaines, marginalement contribué à la diminution des recettes de l'Etat par ses propositions visant à une mise en oeuvre moins incorrecte de la LIPP. Elle ne s'est par ailleurs pas souvenue, en bonne économiste que je pensais qu'elle pouvait également être, que les années de conjoncture faste devaient être mises à profit pour mener une politique anticyclique: aucune politique anticyclique n'a en effet été menée durant les années où elle a préparé le budget cantonal et où une majorité de ce parlement l'a voté. Je fais partie de ceux qui ont pour le moins émis des réserves, voire se sont opposés à ce budget depuis que j'ai l'honneur de siéger au sein de ce parlement.

J'aborde maintenant le rapport de M. Velasco. Ce dernier a, me semble-t-il, soulevé une véritable question: il s'agit du problème de la simultanéité des baisses d'impôts et des baisses de charges. Une fois l'impôt sur les successions et les donations en ligne directe supprimé, il conviendra de définir l'élément prioritaire à ce sujet: convient-il en premier lieu de diminuer les charges ou d'autres impôts ? A l'heure actuelle, compte tenu du sérieux avec lequel nous devons empoigner notre budget, une diminution des charges s'avère prioritaire. Il s'agira de créer un cercle vertueux grâce auquel une augmentation de la masse monétaire disponible dans la population permettra, dans un deuxième temps, de diminuer le taux d'impôts grâce à des surplus de recettes. (L'orateur est interpellé.)Si vous permettez, Monsieur, je continue sans vos invectives...

J'examinerai en troisième lieu les arguments émis par Mme Gauthier. Cette dernière critique les propositions faites en commission des finances par les représentants libéraux - y compris par moi-même. Je peux comprendre cette attitude, car chacun voit midi à sa porte. J'aurais toutefois souhaité qu'elle formule elle-même des propositions pour faire face à la situation difficile que nous sommes aujourd'hui appelés à maîtriser. Peut-être me dira-t-elle que ses propositions seraient venues une fois le budget renvoyé en commission ? Je n'ai cependant, pour l'heure, pas constaté chez Mme Gauthier une prise de conscience, d'une part que le budget n'irait pas en commission des finances, d'autre part que, puisque ce budget n'irait pas en commission, il lui faudrait également, avec le sens des responsabilités que je lui connais, avancer certaines propositions.

Il est par exemple exact que le DASS a besoin de moyens supplémentaires, de même que le DIP ou le DJPS. Je ne suis en revanche pas certain que le DAEL en ait autant besoin - compte tenu notamment de son activité pour le moins réduite en matière d'autorisation de construire. Je ne suis pas non plus certain que le DIAE ait besoin de la totalité des moyens mis à sa disposition. Mme Gauthier a par ailleurs ignoré la statistique suivante: entre 1998 et 2003, la population de notre canton a augmenté de 7 %. Or, quel a été l'accroissement de la proportion des fonctionnaires durant la même période ? Il a été de 13 % ! Que l'on ne vienne pas me dire pas qu'il faut une augmentation plus forte du nombre de fonctionnaires que de la population ! Je peux certes comprendre que, comme l'a relevé M. Mettan, une certaine hausse du nombre de fonctionnaires soit nécessaire. Il n'est cependant nul besoin d'un rapport double entre l'accroissement du nombre de fonctionnaires et celui de la population ! Subsidiairement, la progression des charges a été de 4 % par an sous l'ère Calmy-Rey alors qu'elle n'était que de 2 % par an sous l'ère Vodoz.

J'entame maintenant la deuxième partie de mon intervention. Il s'agit, dans cette affaire, de passer de ce que l'on appellera avec bienveillance un budget de bonne gestion à un budget de bonne gouvernance. Comme l'ont relevé certains préopinants, le problème de ce budget est qu'il ne présente aucun axe politique. Pour nous exprimer en termes bernois, nous demandons le passage d'un budget de «Ist-Zustand» à un budget de «Soll-Zustand» - soit à ce qui doit être. Or, nous ne savons pas encore ce qui doit être pour ce canton; c'est au Conseil d'Etat de nous l'indiquer.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Weiss. Merci, Monsieur le président ! Nous vous rappelons qu'une hausse d'impôts est, sinon impossible, du moins impopulaire. Nous rappelons également que l'endettement est irresponsable.

Le parti libéral est prêt à collaborer. J'ai notamment formulé hier soir une proposition de commission mixte. Certains députés des bancs d'en face se sont mis à ricaner: il s'agit peut-être d'une façon dangereuse d'entamer la discussion, car elle pourrait lier les mains au parlement. Cependant, face à la difficulté de la situation actuelle, il ne s'agit pas de tergiverser; il ne s'agit pas de se diviser, mais il s'agit au contraire d'unir nos forces ! Il nous faut prendre en considération les propositions émises par le groupe démocrate-chrétien en matière d'assainissement à court terme. Il convient toutefois d'y ajouter des mesures d'assainissement structurel à moyen et long terme - dont certaines doivent déjà entrer en vigueur cette année. Ces mesures seront l'une des conditions de la position que prendra, après examen du budget 2004 bis, le parti libéral. (Applaudissements.)

M. Albert Rodrik (S). Le projet de budget du Conseil d'Etat présenté le 9 septembre dernier ne plaît à aucun député que je connaisse. Il ne plaît même pas au Conseil d'Etat qui l'a présenté ! Je ne connais pas un seul député dans cette enceinte... (Brouhaha.)J'ai écouté mes adversaires attentivement; j'attends ainsi la même politesse de leur part...

Je ne connais donc pas un seul député dans cette enceinte qui soit prêt à voter le projet de budget du Conseil d'Etat tel qu'il est, et je ne pense même pas que le Conseil d'Etat suppose qu'un seul député le votera tel quel. Mais, après avoir entendu vos envolées, vous me permettrez de me limiter à la méthode de travail puisque c'est de cela qu'il est question aujourd'hui.

Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente et de l'UDC, je veux bien vous prendre au sérieux en prenant pour argent comptant vos propos... (Exclamation de M. Vanek.)Permettez ! il s'agit d'un exercice de style que l'on doit faire ! Vous voulez envoyer un signal fort au Conseil d'Etat pour que ce dernier s'engage dans une gestion rigoureuse des affaires de l'Etat... j'ai bien compris. Et vous voulez le faire par le biais d'un renvoi du budget au Conseil d'Etat en vous déchargeant de votre travail législatif. Mais le Conseil d'Etat récupérera lundi matin ce projet de budget sur lequel il a, comme d'habitude, travaillé durant quatorze mois... (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)Oui, quatorze mois, Monsieur Kunz ! Un projet de budget se fait, depuis que je travaille pour l'Etat de Genève, entre douze et quatorze mois... Le seul problème, c'est que la conjoncture... (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)Mais tais-toi, Pierre ! A quoi cela sert-il ?!

M. Pierre Weiss. Il faudrait préciser le nom de famille, car il ne s'agit pas de moi !

M. Albert Rodrik. Vous n'allez pas me faire croire que le Conseil d'Etat peut raisonnablement réaliser maintenant ce qu'il n'a pas pu effectuer en quatorze mois, alors que la conjoncture a changé à deux reprises !

Alors, vous déclarez en guise de conclusion que le canton ne disposera pas d'un budget, mais de douzièmes provisoires... Pour avoir vécu une telle situation, je peux vous assurer qu'un Etat sans budget est un Etat sans carte de visite et qui ne peut pas demander d'emprunt ! En outre, cette situation constitue pour le corps des fonctionnaires une école de paresse: aucun effort ne sera fourni, car le douzième du montant inscrit au budget 2003 est acquis ! Nous avons vécu une telle situation sous le gouvernement monocolore: je puis vous assurer que c'est le plus bel oreiller de paresse qui existe !

J'ai vécu un autre exemple lors de l'arrivée de M. Ducret au Conseil d'Etat: alors que le budget avait déjà été voté, celui-ci a mis au travail la fonction publique comme une ruche. Nous avons là accompli un exercice intelligent qui a porté ses fruits. Mais si vous croyez réellement aux propos que vous tenez, vous n'y parviendrez pas en laissant l'Etat sans budget !

Notre position est claire: nous estimons que l'Etat doit disposer d'un budget ou, tout au moins, qu'il nous faut entamer notre travail comme nous avons l'habitude de le faire.

Après avoir entendu hier soir Mme Brunschwig Graf nous demander de chercher une méthode de travail commune plutôt que de nous envoyer des bassines à la tête, je me suis interrogé sur la méthode à adopter dans le cas présent - le renvoi du budget au Conseil d'Etat et le vote d'entrée en matière, au sujet duquel vous vous montrez réticents, étant exclus. Je vous ferai cette proposition qui n'engage que moi: si tant est que vous ne voulez pas procéder à un vote d'entrée en matière et que nous refusons de renvoyer le budget au Conseil d'Etat, je vous suggère de travailler comme on le fait lorsqu'on se trouve saisi d'une importante pièce de législation sur laquelle il n'existe aucune unanimité préalable. Or que fait-on dans un pareil cas ? La réponse est claire: on procède à une série d'auditions, on demande des rapports et, après avoir bien trituré l'affaire, on procède au vote d'entrée en matière.

Le travail parlementaire sur le budget consiste en un travail sur les dépenses et sur les recettes. Mme Brunschwig Graf vous a fait savoir qu'elle avait besoin de quatre à cinq semaines pour préciser la situation réelle en matière de recettes. Pourquoi ? Parce que, de supputation en supputation de la part de personnes intègres et compétentes, le système actuel nous place tout de même sur une base extrêmement réduite de réalité - ce que les Anglo-Saxons appellent des «hard facts». Vous ne souhaitez pas lui accorder ces quatre à cinq semaines qu'elle vous demande; vous voulez l'embarquer dans un budget que l'on renvoie directement au Conseil d'Etat; vous voulez qu'elle prépare des trains de projets de lois pour sabrer dans divers postes. Mais ce n'est pas lui rendre service que d'agir ainsi ! Où et quand croyez-vous que vous accomplirez votre travail sur les dépenses ? Dans la salle de l'Alabama ? Non ! C'est en allant, comme d'habitude, deux par deux à travers les départements pour, peut-être mieux que d'habitude, définir les secteurs dans lesquels peuvent être réalisées des économies que vous accomplirez ce travail ! Je vous le demande hors de toute polémique partisane: que pouvez-vous faire d'autre, sinon vous défausser en renvoyant ce budget au Conseil d'Etat ? Allez donc dans les départements ! Cherchez, débusquez, dénichez les éléments qu'il convient de trouver pendant le travail d'affinement sur les recettes !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Albert Rodrik. Une fois que vous aurez terminé ce travail, couplez le vote d'entrée en matière, le vote de deuxième débat et le vote final ! Ce n'est qu'ainsi que vous aurez émis des signaux forts, car vous aurez accompli votre travail sans dispenser le Conseil d'Etat de prendre les mesures que vous souhaitez. Voilà ce que c'est que de se comporter en personnes responsables ! Voilà ce que c'est que de ne pas se lancer des bassines à la tête ! Faites ce travail sur les dépense ! Que le Conseil d'Etat fasse le sien sur les recettes, et nous nous retrouverons au début du mois de novembre ! A ce moment, un seul douzième provisionnel pourrait se révéler suffisant et nous pourrions mettre sous toit le budget au mois de janvier.

Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !

M. Albert Rodrik. Je vais conclure, Monsieur le président ! Ne laissez pas cet Etat sans budget ! Ne vous défaussez pas de votre tâche de législateur, que nul autre ne peut assumer ! Commencez votre travail, passez dans les départements et exigez que ce travail sur les recettes soit mené !

Les éléments énoncés par M. Mettan constituent les conditions minimales auxquelles le PDC votera le budget, et non des pistes de réponses. Ces pistes, ni vous ni nous ne les connaissons car, si tel était le cas...

Le président. Je vous prie de conclure, Monsieur le député, car vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Albert Rodrik. ...nous les aurions déjà indiquées ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous conjure d'oublier ce renvoi au Conseil d'Etat, qui ne constitue qu'un instrument de démolition, et de nous mettre au travail ! Refusez le vote d'entrée en matière, mercredi prochain, si telle est votre volonté, mais ne renoncez pas à vos prérogatives ! Ne laissez pas notre Etat démuni !

Le président. Je prie les orateurs de respecter de façon plus stricte le temps de parole qui leur est imparti - chose que les derniers intervenants ont eu beaucoup de peine à faire. Il commence à être tard, et dix intervenants sont encore inscrits... Si nous voulons nous coucher à une heure raisonnable, il faudra que les prochains orateurs respectent leur temps de parole !

M. David Hiler (Ve). Après avoir écouté très attentivement les divers partis de la «Grande Entente», pour l'appeler ainsi, je ferai en premier lieu remarquer que les discours diffèrent passablement d'un groupe à l'autre.

Il est évident, suite à l'intervention de M. Kunz, que nous ne voterons pas le même budget que ce dernier. Les conditions fixées par M. Kunz sont en effet extrêmement strictes, puisqu'elles exigent un déficit nul. Les conséquences d'une telle décision seraient considérables et prépareraient sans aucun doute les déficits suivants.

L'UDC a pour sa part formulé des propositions somme toute relativement classiques pour ceux qui ont vécu les années 1990 dans ce parlement: elle nous a invités à nous en prendre à la fonction publique. Nous nous contenterons de répéter qu'après une diminution d'un pouvoir d'achat imposé de 12 % lors de la première grande crise, il ne nous paraît pas convenable de renouer avec cet exercice. C'est pourquoi nous n'accepterons en aucun cas de demander une nouvelle fois de tels sacrifices aux membres de la fonction publique.

L'argumentation plus fine de M. Weiss se heurte quant à elle à une fin de non-recevoir, et cela pour une raison banale: M. Weiss annonce en toute candeur qu'aussitôt l'exercice pénible de remise à niveau du budget effectué, il s'empressera de supprimer des recettes afin que nous recommencions le même exercice ! Il n'est pas question de nous lancer dans un tel exercice - qui ressort, à l'évidence, d'un certain masochisme !

Je ne suis guère surpris que le groupe démocrate-chrétien soit plus ou moins le seul à nous avoir envoyé des signaux audibles et nous offrant la possibilité de nous trouver, une année de plus, dans la majorité budgétaire. Nous n'y croyons cependant guère au vu du débat de ce soir.

Sur le fond, je dois vous avouer que, en dépit de nombreuses années de discussions budgétaires dans les conditions les plus pénibles, je suis toujours choqué d'assister à une diabolisation systématique des dépenses, comme l'a par exemple fait M. Iselin.

Mon raisonnement vous paraîtra peut-être un peu simple, mais je suis ravi que Genève dispose de l'hôpital cantonal qui est le sien. J'ai d'ailleurs de bonnes raisons personnelles d'en être ravi car, sinon, je ne me trouverais pas dans cette enceinte ce soir pour vous parler. Je suis également ravi que mes enfants aient reçu une bonne instruction dans le cadre du circuit scolaire et qu'ils disposent de possibilités diversifiées de formation. Je suis tout aussi ravi que, contrairement à d'autres pays, il ne faille pas zigzaguer entre les mendiants pour progresser dans la plupart des grandes artères de Genève. Voilà ce que l'on appelle les dépenses de l'Etat ! Je suis fier et j'assume pleinement une immense partie de ces dépenses.

Ma plus grande inquiétude provient de la confusion entre la nécessaire réorganisation de l'Etat et la diminution immédiate des recettes. Comme vous le savez, je suis rapporteur du département de Mme Spoerri - qui, c'est le moins que l'on puisse dire, n'appartient pas au même parti que moi. Or je constate la chose suivante: vous ne parviendrez pas à réorganiser correctement ce département sans moyens supplémentaires ! Des moyens supplémentaires ont été partiellement alloués à l'Office des poursuites et faillites. Il serait nécessaire d'allouer des moyens supplémentaires à d'autres secteurs - notamment au service des patentes. Si vous additionnez les secteurs de l'Etat fonctionnant mal et actuellement en crise, vous réaliserez que vous pourriez obtenir des gains de productivité gigantesques, mais probablement pas sans un investissement préalable.

M. Weiss a raison: le nombre de fonctionnaires a connu une augmentation très forte.

M. Pierre Weiss. Ce nombre a doublé !

M. David Hiler. Il faut cependant préciser que la moitié de ces fonctionnaires travaillaient déjà pour l'Etat de Genève avec le statut d'auxiliaire. C'est la raison pour laquelle un certain nombre de services fonctionnaient mal. Je pense notamment aux services dirigés par M. Vodoz - lequel faisait un usage abondant de ce procédé. Pour réorganiser l'Etat, il faut disposer de cadres et de gens de métier compétents et motivés qui accomplissent leur travail au mieux. Allez puiser dans leur porte-monnaie: vous n'aurez rien de tel ! Dites-leur que, quoi qu'il en soit, vous souhaitez diminuer les moyens dont ils disposent pour assumer leur charge même si cette dernière s'accroît: vous n'obtiendrez rien de leur part !

Votre argumentation, Mesdames et Messieurs, risque de nous entraîner dans une spirale négative: la situation de notre canton ira de plus en plus mal. Je ne pense pas que le jour où les manifestations se succéderont dans le canton - manifestations auxquelles nous participerons, car elles seront légitimes ! - cela constituera un excellent argument pour attirer de nouvelles entreprises... C'est la raison pour laquelle, à un moment donné durant les années 1990, vous aviez souhaité cesser votre guerre ouverte avec la fonction publique.

J'ajouterai qu'il convient de nous montrer extrêmement prudents sur le plan économique et de disposer d'un Etat garantissant les conditions-cadres actuelles, car l'économie genevoise est une économie de haute gamme et à forte valeur ajoutée. Il s'agit à mon sens d'un point important. Si vous voulez transformer cette économie, vous la transformerez à la baisse. Or, une économie qui se veut de haute gamme et à forte valeur ajoutée repose essentiellement sur le savoir-faire des travailleurs !

Vous prenez là le risque de mettre en danger l'attractivité de notre canton. Et pourquoi cela ? Pour une crise dont vous avez, semble-t-il, décidé qu'elle serait de très longue durée dans notre canton ! Vous êtes en train de prendre des mesures pour une crise dont vous avez l'impression qu'elle va durer dix ans ! Or nous savions que l'année 2002 connaîtrait une inversion et nous avons plutôt bien résisté... (L'orateur est interpellé par M. Kunz.)Nous n'avons aucune raison de penser, sauf à vouloir faire des économies pour le plaisir d'en faire, que la crise va nécessairement devenir structurelle et s'aggraver !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. David Hiler. On déclare toujours que les temps des vaches grasses sont suivis de périodes plus difficiles: l'inverse est cependant également vrai.

Le président. Monsieur Hiler, vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. David Hiler. Je conclus: le jour où nous nous trouverons dans une vraie dégringolade, nous serons prêts à prendre les mesures nécessaires pour sauver l'Etat social. Pour le moment, ce n'est toutefois face qu'à un sérieux coup de vent conjoncturel d'origine mondiale - et nullement lié aux structures économiques de Genève - que nous nous trouvons. Il nous faut garder un minimum de sérénité pour tenter d'y faire face et travailler sérieusement ce budget en commission des finances. (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L). Quelle déception que cette soirée ! Voilà presque trois heures que nous n'entendons, somme toute, qu'invectives et menaces entre, d'une part ceux qui s'entêtent à vouloir préserver la fonction publique alors que personne n'a mis en cause cette dernière, d'autre part ceux qui décident de prendre à terme telle ou telle mesure. Où se trouve le sérieux des discussions de cette séance ?! La seule personne qui a tenu des propos à peu près sensés est notre collègue Follonier. Quant au reste, c'est lamentable ! (L'orateur est interpellé.)C'est absolument lamentable, en effet ! Nous n'avons strictement rien entendu d'autre que des accusations totalement infondées tendant à rendre catastrophique une situation certes préoccupante. Après les interventions de la veille de Mme la présidente du département des finances, on était en droit d'attendre quelques passerelles, qui auraient pu - ou dû - être tirées entre des positions en apparence totalement irréconciliables. Or rien de tout cela ! On n'a fait que de se jeter des bassines au visage sous prétexte que chacun sait mieux que l'autre ! Il est, dans ce cas, légitime de s'inquiéter de la manière dont l'exercice se terminera. De telles attitudes ne rendent, à mon sens, service ni aux uns, ni aux autres !

Je prendrai quelques exemples. Tant que l'ensemble de notre parlement n'aura pas le courage de se demander si la loi B5 05 remplit actuellement son rôle et sa fonction, je ne suis pas convaincu que nous irons très loin ! Tant que nous n'aurons pas le courage de nous interroger sur les causes de l'existence d'au moins cent soixante primes complémentaires aux salaires à l'Etat pour la somme totale d'un quart de milliard, je ne pense pas que nous irons très loin ! Tant que nous n'accepterons pas la remarque formulée tant par un député de l'Alliance de gauche que par un député libéral dans les rapports aux comptes 2001 - à savoir que les réserves et les provisions devraient être traitées de manière identique au fil des ans, et non être évaluées ou modifiées d'une année à l'autre - je doute que nous allions très loin.

J'entrevois deux possibilités. La première consiste à poursuivre ce jeu de confrontation en comptant les voix comme on l'a fait cet après-midi et en se téléphonant les uns aux autres pour savoir qui disposera de quelle majorité à quel moment... Je ne suis toutefois pas convaincu que nous parvenions à régler le problème ainsi.

La seconde possibilité consiste à s'interroger sur la manière dont le budget de l'Etat évoluera à terme, en sachant que la croissance de ce budget est, en règle générale, nettement supérieure à la croissance de l'économie.

Le problème auquel nous nous trouvons confrontés est fort simple: soit la croissance du budget de l'Etat continue à être de l'ordre du double de la croissance de l'économie - et dans ce cas nous allons immanquablement au-devant d'un problème; soit nous nous interrogeons sur la manière de régler cette équation en garantissant une croissance similaire du budget de l'Etat et de l'économie. Comme cela a largement été souligné ce soir, deux éléments sont en jeu: les recettes et les dépenses. Si les députés siégeant d'un côté de l'enceinte veulent perpétuellement s'attaquer aux dépenses et les députés siégeant de l'autre côté de cette même enceinte aux recettes, je doute que nous résolvions cette équation.

Sur la base des propos qui ont été tenus, je pense que, tant que le parlement n'aura pas le courage de discuter honnêtement du problème de la loi B5 05, notre canton ira, à terme, au-devant de périodes très difficiles. Si nous n'interprétons pas les paroles des uns et des autres non en termes de menaces, mais en termes de propositions visant à garantir que les budgets suivants assurent les prestations fournies par le canton - prestations dont, comme M. Hiler l'a relevé, nous pouvons être fiers - je crains fort que nous ne parvenions plus du tout, à un certain moment, à garantir ces prestations. A partir de là, la cassure sera extrêmement importante et difficilement réductible. Il nous faut collationner ces différentes propositions et réfléchir à la manière de les traiter pour les intégrer non seulement dans le budget 2004, mais également dans les suivants.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Laurence Fehlmann Rielle.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mon intervention sera brève, car beaucoup d'arguments ont déjà été évoqués. Je ne peux cependant laisser passer certaines interventions - et ce ne sont pas les propos moralisateurs et doucereux de M. Gautier qui nous feront changer d'avis. Nous l'avons constaté hier, nous le constatons aujourd'hui: notre parlement connaît une polarisation. Il n'est même pas possible de débattre dans cette enceinte de problèmes aussi fondamentaux que le paquet fiscal. Tant que nous nous trouverons dans cette situation, nous ne parviendrons pas à aller de l'avant. J'ai cependant l'impression que nous ne vivons pas tous sur la même planète. Les partis de droite et l'UDC devraient sortir de leur cocon et voir la réalité en face: ils devraient prendre conscience de l'évolution de la société et des nouveaux besoins qui sont apparus dans les domaines du social, de l'éducation, de la formation, des transports ou encore de la santé. Si l'on veut continuer à vivre dans un canton qui offre une certaine qualité de vie, il faut pouvoir en assurer les moyens.

Quant à M. Kunz, le nouveau Zorro des finances publiques, il prétend qu'offrir des prestations aux Genevois est démagogique et ne sert qu'à leur faire plaisir... En cela, il fait insulte aux personnes les plus démunies, qui ont besoin des prestations de l'Etat. Il fait également insulte, de façon plus générale, aux bénéficiaires de certains droits, lesquels participent à la bonne marche de la société.

Nous ne voulons pas non plus de la charité de M. Marcet, qui ne laissera personne au bord de la route. Il faut pouvoir assurer à chacun une existence digne. Or, ce n'est pas en accroissant le nombre de chômeurs sans leur donner davantage de moyens que l'on y parviendra !

Les menaces de tailler dans les prestations et le refus de respecter les mécanismes salariaux de la fonction publique - laquelle a déjà beaucoup donné - reviennent à rompre la paix sociale. Si telle est votre volonté, les semaines et les mois à venir risquent d'être pour le moins difficiles !

Quant au déficit, la droite n'a aucune leçon à nous donner à ce sujet: pendant des années, vous avez, en effet, organisé ce déficit ! Vouloir maintenant accuser Mme Micheline Calmy-Rey de n'avoir pas pratiqué de politique anticyclique relève dès lors de la plus parfaite mauvaise foi ! Cela ne vous empêche pas d'avancer des chiffres et de lancer des arguments ne faisant l'objet d'aucune vérification !

Pour conclure, je pense qu'une telle politique mène à une impasse et à des débats totalement vains. Nous n'avons entendu que des propositions inacceptables - ou, tout simplement, aucune proposition du tout. Laissons la commission des finances poursuivre l'étude de ce budget dans la sérénité et évitons de faire la bêtise de renvoyer ce budget au Conseil d'Etat !

M. Gilbert Catelain (UDC). Mon discours portera essentiellement sur la proposition de motion qui vous est présentée. J'ai écouté attentivement les rapporteurs de minorité. J'ai ainsi pu observer que leurs discours étaient orientés sur le court terme: les yeux dans le rétroviseur, c'est la fuite en avant ! ( Applaudissements et rires.)

Le président. Laissez-parler M. Catelain ! Poursuivez, Monsieur le député !

M. Gilbert Catelain. Cette observation aura au moins le mérite d'éveiller l'attention... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je poursuis: nous observons une modification de la structure cantonale de l'emploi. Il est tout à fait paradoxal de constater qu'en dépit d'une augmentation du nombre d'emplois créés les recettes fiscales sur les personnes physiques diminuent. La cause, vous la connaissez: 60'000 mille travailleurs suisses et étrangers sont domiciliés hors du canton. Or ce phénomène est, accords bilatéraux obligent, appelé à s'accroître.

Nous devons déterminer des objectifs communs. Premier objectif: ne pas procéder à des reports de charges sur nos propres enfants - de même que nous n'acceptons pas sans condition que la Confédération transfère des charges sur notre canton. Deuxième objectif: déterminer quel doit être le rôle de l'Etat au XXIe siècle, car nous vivons encore dans un Etat constitué au XIXe siècle. Troisième objectif: déterminer les coûts réels des prestations fournies par l'Etat et établir le prix que nous sommes prêts à payer pour ces prestations.

Pour cela, nous devons appliquer une fonction bien connue du management: la spirale du succès. Encore faut-il avoir une vision de son organisation à un échelon de cinq ans ! Il s'agit, par exemple, d'éviter que le Conseil d'Etat n'investisse des sommes importantes de plusieurs millions pour adapter les chemins agricoles communaux aux camions de 40 tonnes. Il s'agit également d'éviter qu'Armée XXI doive se débarrasser de camions récemment achetés. Quant à la vérité des coûts, elle vise à mieux connaître les changements survenus dans notre environnement. C'est pourquoi nous demandons dans notre motion l'introduction dans les plus brefs délais d'une comptabilité analytique.

Cet outil permettra enfin à ce parlement de juger de l'impact réel de l'action de l'Etat. Une telle méthode s'oppose à celle proposée par le groupe PDC, à savoir la méthode dite «de la tondeuse à gazon», qui ne permet pas de mettre à jour les besoins et les dysfonctionnements de l'Etat. Je rejoins sur ce point M. Hiler, car des besoins personnels se font sentir dans certains secteurs de l'Etat. La méthode proposée par le parti démocrate-chrétien pourrait, pour sa part, être baptisée la «spirale de l'échec».

Certains organismes de l'Etat pratiquent déjà cette méthode. Ceux qui ont lu le rapport annuel de l'Université de Genève constateront que le nombre de diplômes délivrés par notre alma materprogresse beaucoup moins vite que les crédits alloués annuellement par ce parlement. Il convient de s'interroger sur les causes de cette situation. Nous devons aussi nous demander si le chiffre magique de vingt à vingt-deux enfants par classe a eu les effets escomptés sur le niveau de nos élèves. L'étude PISA semble malheureusement prouver le contraire. Le Conseil d'Etat doit également se demander si la décision conjoncturelle d'engager ses collaborateurs dans la classe de traitement final est toujours d'actualité. Il en va de même pour les préretraites et les paiements des cotisations du deuxième pilier: l'Etat paie toujours les deux tiers des cotisations, ce qui constitue l'une des inégalités les plus graves de notre République dans le domaine social. Enfin, pour les «anti-baisses d'impôts», je rappellerai l'une des dernières interventions de Mme la conseillère fédérale Calmy-Rey, qui déclara qu'«une baisse d'impôts pouvait aussi être une forme de justice sociale». Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alternative, à relire le Mémorial.

Soyez sûrs que, si nous ne mettons pas en oeuvre dans ce canton une comptabilité analytique, les charges continueront à croître plus vite que les dépenses ! Nous nous acheminerons ainsi, lentement mais sûrement, vers la faillite de notre Etat social; les remèdes à apporter seront alors bien plus douloureux que ceux que nous vous proposons ce soir. En conséquence, je vous invite à renvoyer la motion 1557 directement au Conseil d'Etat.

Ce qui nous importe à nous, groupe UDC, c'est la rigueur budgétaire. Je n'ai cependant nulle confiance dans ce parlement pour y parvenir, les débats de ce soir l'ont d'ailleurs démontré. Quant aux partisans des augmentations d'impôts, je leur rétorque que, pour ce faire, nous n'avons pas besoin d'un gouvernement ! (Quelques applaudissements.)

M. Alain Meylan (L). J'avais prévu de faire une intervention relativement longue; je raccourcirai cependant le débat. Comme je l'ai souvent relevé dans cette enceinte, prévoir un budget en se basant sur des dépenses réelles, mais sur des estimations de recettes à partir de 1999, constitue un exercice extrêmement dangereux. Confondre provisions et réserves l'est également. Que constatons-nous aujourd'hui ? Non pas «une fuite en avant sans regarder dans le rétroviseur», mais bien une fuite en avant sans regarder ce qui s'est passé dans le rétroviseur !

Je suis fier des propositions avancées par le parti libéral pour tenter d'améliorer le budget 2004, car nous sommes actuellement dans une impasse. Des modifications législatives seront à cet égard nécessaires. Il ne s'agit pas de remettre en question la fonction publique, sachez cependant que cette dernière a connu un accroissement de mille postes en 2003 ! Mille postes supplémentaires en 2003 ! En dépit de la situation extrêmement difficile que nous connaissons, 665,8 postes supplémentaires sont en outre prévus pour l'année prochaine ! De telles mesures sont-elles réalistes ? Je réponds franchement: non ! Ce n'est nullement remettre en question la fonction publique que d'apporter une telle réponse: il ne s'agit que de reconnaître la réalité des chiffres et la réalité de ce que doit être la fonction publique.

Je suis effaré, lors de discussions au sein de la commission de contrôle de gestion ou dans d'autres cercles, de constater que, chaque fois qu'un dysfonctionnement est mis à jour dans un service de l'Etat, la première explication fournie, notamment sur les bancs d'en face, renvoie à un manque de personnel. On ne s'interroge jamais sur le mode de fonctionnement du service concerné, sur ses moyens ou sur ses prérogatives. Or il faut, selon moi, revoir cette façon de penser !

Je préfère donc - et j'en finirai par là - un Etat utile à un Etat tentaculaire; un Etat redistributeur à un Etat arrosoir; un Etat régulateur à un Etat dictateur. Cessons avec les budgets-champagne que nous avons connus ces dernières années ! Regardons la réalité en face et travaillons ! Mais travaillons également avec les mesures qui seront proposées par le Conseil d'Etat et que nous aurons l'occasion de discuter en commission ! (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, vous avez remporté il y a deux ans, avec vos alliés de l'UDC, la majorité au Grand Conseil. Vous la détenez également au Conseil d'Etat. C'est donc vous qui gouvernez le bateau. Or, paradoxalement, c'est vous qui refusez le projet de budget de votre gouvernement majoritaire !

Tout à l'heure, M. Glatz nous a demandé de contribuer à trouver des solutions, notamment pour relancer l'économie. Je vous rappelle que nous avons, par le passé, formulé de nombreuses propositions. Nous nous sommes cependant évidemment toujours heurtés à votre plaidoyer acharné en faveur des lois du marché - dont on constate aujourd'hui, que vous le vouliez ou non, qu'elles font faillite. Je vois mal comment nos propositions pourraient être agréées par cette droite qui se montre pareillement dogmatique en matière d'application des règles d'airain du marché... A croire que vous avez choisi Mme Thatcher et M. Bush pour modèles !

Je vous soumettrai tout à l'heure certaines propositions. Je souhaite cependant revenir au préalable sur la question suivante: comment en sommes-nous arrivés à la situation actuelle ?

Comme à son habitude, la droite s'efforce de trouver des boucs émissaires... Vous avez cependant un sacré culot de vous en prendre à Mme Micheline Calmy-Rey ! Je comprends que le fait qu'elle soit parvenue, par une gestion particulièrement rigoureuse, à redresser la situation catastrophique laissée par le gouvernement monocolore de droite vous soit resté en travers de la gorge. Au risque de déplaire à certains, ce gouvernement avait laissé un déficit de centaines de millions et un département des finances victime d'un délabrement déplorable et d'un dysfonctionnement total. Nous avions d'ailleurs eu l'occasion de dénoncer maints dysfonctionnements. Or, Mme Calmy-Rey a réussi, avec beaucoup de courage, à redresser la situation et à ramener les comptes dans les chiffres rouges...

Des voix. Dans les chiffres noirs !

M. Christian Grobet. Dans les chiffres noirs, pardon ! Il s'agit d'un fâcheux lapsus, car je ne voulais précisément pas accuser Mme Brunschwig Graf d'avoir contribué aux difficultés financières de notre canton. Je tiens au contraire à rendre hommage à cette conseillère d'Etat pour avoir accepté de prendre la direction d'un département qui a toujours été particulièrement difficile. Vous n'êtes ce soir, Madame, guère gratifiée par vos amis politiques ! Ne vous effrayez cependant pas trop, car cela est souvent le cas en politique...

J'aimerais revenir sur deux autres facteurs responsables de la situation financière de notre canton. En premier lieu, les comptes sont plombés par le désastre de la Banque cantonale - désastre dont vous, sur les bancs d'en face, êtes responsables ! En effet, pendant plusieurs années, certains d'entre nous ont dénoncé la situation de la Banque cantonale et ont souligné la nécessité de prendre des mesures. Or vous n'avez rien voulu faire: vous avez fait preuve de l'autisme le plus total ! Vous avez refusé de voir la vérité ! C'est finalement au moment où la Banque cantonale se trouvait à genoux qu'il a fallu la sauver dans les pires conditions possibles. Notons que, si elle n'avait pas été sauvée, j'ignore quelle serait la situation actuelle des comptes de l'Etat...

En deuxième lieu, vous avez développé l'argument démagogique suivant: pour que l'économie se porte mieux et pour accroître les recettes, il convient de baisser les impôts. Or, on constate aujourd'hui que les baisses d'impôts n'ont pas eu l'effet que vous aviez escompté ! (Brouhaha.)Et vous poursuivez sur cette voie puisque, comme cela a été rappelé tout à l'heure, vous avez, à la fin du mois de juin, fait le forcing pour voter le plus rapidement possible une nouvelle loi diminuant les recettes de l'Etat, et cela dans un domaine où une telle baisse ne se justifie absolument pas ! Or, à cette époque, vous connaissiez déjà probablement la situation réelle des comptes - alors que ce n'était pas le cas de l'Alliance de gauche, qui ne dispose d'aucun représentant au Conseil d'Etat.

Puisque M. Glatz et d'autres nous demandent d'avancer des propositions, je vous informe que mes collègues, Marie-Paule Blanchard-Queloz et Jeannine de Haller, ainsi que moi-même avons déposé deux projets de lois qui auront le mérite de susciter le débat - de même que nous débattrons du référendum contre le paquet ficelé de la Confédération, dont vous ne vouliez pas discuter. Puisque le peuple ne s'est pas encore prononcé sur ce sujet, nous demandons que l'on se détermine à nouveau sur l'abrogation de la loi sur les droits de succession et d'enregistrement votée à la fin du mois de juin. Mais nous ne nous contentons pas d'avancer une simple proposition d'abrogation de cette loi: nous suggérons une modification à caractère social des dispositions sur les droits de succession. En d'autres termes, nous proposons que l'on renonce à ces droits pour les successions inférieures à 100'000 francs, mais qu'on les majore à partir de 500'000 francs pour en faire une opération blanche... (Protestations.)

Vous pouvez effectivement crier, mais il sera très sain que nous débattions de cette question ! Vous avez osé prétendre que c'était la rectification fiscale que Mme Calmy-Rey a eu le courage de présenter qui se trouvait à l'origine des problèmes. Or je vous rappelle que vous souhaitiez aller encore plus loin dans les corrections ! Il n'est jamais trop tard pour éviter de se tromper. Vous vous êtes trompés à la fin du mois de juin, et vous le savez: vous avez fort mal manoeuvré en diminuant fortement les recettes de l'Etat dans un domaine où une telle baisse ne se justifiait pas - je pense ici tout particulièrement aux droits de succession. Nous relançons donc le débat.

Puisque vous nous demandez de vous adresser des propositions, j'espère que vous renverrez immédiatement ces projets de lois en commission lors de la session du mois d'octobre et que vous n'attendrez pas que le budget soit voté pour en discuter ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Il est ressorti de ce débat que certains d'entre nous assimilent l'Etat à une entreprise dont on peut aisément toucher les structures financières. Un tel rapprochement est inexact, car une entreprise peut se déclarer en faillite alors que l'Etat ne le peut pas: ce dernier est en effet tenu d'assumer certaines dépenses et de garantir certaines structures économiques. Or, pour ce faire, il lui faut des moyens financiers.

L'idée de notre collègue Weiss concernant ce fameux cercle vertueux a retenu toute mon attention. Cependant, appliqué à l'économie genevoise, vous ne maîtrisez pas du tout ce cercle ! Je comprends que l'on ait voulu appliquer ce cercle à de grands pays comme les Etats-Unis, car les conditions-cadres de l'économie permettent de jouer sur des masses importantes: dans une telle masse, une baisse d'impôts peut effectivement engendrer une politique d'investissement et de dépenses. En revanche, pourriez-vous m'assurer, dans le cas de l'économie genevoise, qu'une baisse des recettes fiscales engendre automatiquement une relance de la consommation et une politique d'investissement ? Je vous mets au défi ! Scientifiquement parlant, c'est impossible... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Car personne dans cette enceinte ne connaît le produit intérieur brut de notre canton, ce dernier étant incalculable ! Il vous est donc impossible de prétendre que vous pouvez relancer l'économie par une baisse fiscale !

M. Catelain a cité une phrase de Mme Calmy-Rey. Je lui ferai toutefois remarquer que, si Mme Calmy-Rey a effectivement déclaré qu'une baisse d'impôts pouvait également être sociale, il n'est en revanche pas nécessaire de baisser les impôts des catégories les plus aisés: il est tout à fait possible de mener une politique fiscale de baisse d'impôts pour les catégories les plus faibles. Dans ce cas, une telle baisse pourrait effectivement s'avérer sociale.

M. Kunz a, quant à lui, déclaré que la progression des dépenses de l'Etat avait été de 40 % alors que celle de l'économie n'avait été que de 10 % pendant un certain nombre d'années. Je lui signale toutefois qu'il est impossible de mettre en parallèle la progression de l'économie avec l'accroissement des dépenses de l'Etat car, depuis la Seconde Guerre mondiale, la part de l'Etat dans le produit intérieur brut a toujours été de 40 à 50 %. Il ne faut pas non plus oublier que c'est cette participation prépondérante de l'Etat qui a donné naissance aux grands travaux, aux hôpitaux ou encore à une instruction publique de qualité. Remettre en cause la part prépondérante de l'Etat dans l'économie, c'est remettre en cause ces prestations sociales !

Je tiens par conséquent à délivrer le message suivant: il est vrai qu'il nous faudra revoir quelles sont nos capacités financières et quelle est notre assiette fiscale. Cependant, procéder aux coupes que vous proposez ne fera qu'empirer la situation et mener notre canton dans une impasse !

M. Souhail Mouhanna (AdG). Comme nous venons de le voir, la droite s'est mise en quatre pour multiplier les mensonges, les déclarations hypocrites et les balivernes. Il est donc temps de lui dire ses quatre vérités ! C'est ce que je compte faire immédiatement. (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé par M. Gros.)Vous allez être servi, Monsieur Gros !

En premier lieu, on peut trouver dans le cumul des propos tenus par M. Kunz, par M. Weiss et par les représentants de l'UDC la démonstration des affirmations contenues dans mon troisième rapport de minorité: la droite cherche, non pas à redresser les finances publiques pour atteindre un équilibre budgétaire, mais à créer le déficit pour démanteler l'Etat social !

En deuxième lieu, je souhaite rappeler à M. Kunz - lequel est intervenu comme si le parti radical n'était nullement responsable du déficit de l'Etat et qu'il débarquait pour la première fois dans ce Grand Conseil - qu'entre 1991 et 1998 le groupe radical a, chaque année, voté des déficits s'élevant en moyenne à 450 millions... (Protestations.) Le groupe radical, par ailleurs, n'était pas le seul à voter de tels budgets: c'est la droite, qui a détenu la majorité jusqu'en 1997, qui a voté des déficits s'élevant en moyenne à plus de 400 millions et qui a alourdi la dette de l'Etat de près de 5 milliards en huit ans ! (Exclamations.)

En troisième lieu, M. Weiss...

M. Christian Luscher. «Mister» Weiss  !

M. Souhail Mouhanna. Quant à «Mister» Weiss, lorsqu'il dit...

Monsieur Luscher, tant qu'il s'agit de sujets peu sérieux, je peux partager avec vous un moment d'humour. Cependant, lorsqu'il s'agit de choses sérieuses, vous devriez faire preuve d'un peu plus de sérieux...

Je reprends: M. Weiss a pour sa part prétendu que Mme Calmy-Rey n'avait pas pratiqué une politique anticyclique. Je vous rappellerai simplement que vous avez reproché à Mme Calmy-Rey d'avoir constitué des provisions - qu'elle avait elle-même qualifiées de «bas de laine» pour le moment où les finances de l'Etat connaîtraient des difficultés ! Le graphique qui se trouve sous mes yeux montre, par exemple, que le niveau moyen des provisions pour débiteurs douteux de l'administration fiscale cantonale a été pendant douze ans de l'ordre de 60 millions. Or, dans la période durant laquelle Mme Calmy-Rey a dirigé le département des finances, ce niveau est passé à 450 millions. Des dissolutions de provisions de plus de 100 millions dans les comptes 2001 et 2002 - par exemple, 206 millions en 2002 - ont, en outre, permis d'éviter que le budget ne devienne, comme vous le souhaitez, déficitaire tout en maintenant un niveau de provisions de près de 800 millions. S'il ne s'agit pas là d'une politique anticyclique, je ne sais pas ce que c'est ! (L'orateur est interpellé par M. Weiss.)Oui, Monsieur Weiss, les chiffres sont là, je n'invente rien ! Vos amis du PDC ont d'ailleurs relevé tout à l'heure que le budget tel qu'il est présenté constitue une version extrêmement pessimiste s'agissant des recettes ou d'autres éléments.

En quatrième lieu, M. Weiss et d'autres ont prétendu que l'Etat avait proliféré. Vous avez tous sous les yeux le graphique présentant l'évolution des charges du personnel de 1991 jusqu'à nos jours. Or qu'y constate-t-on ? On y lit une augmentation de l'ordre de 10 % sur dix ans... 10 % ! Ces charges ont en outre subi une très forte diminution en francs constants ainsi que par rapport au nombre d'habitants: plusieurs centaines - voire plusieurs milliers - d'emplois ont en effet été supprimés, alors que la population de Genève a connu une augmentation équivalente à l'ensemble des habitants des villes de Nyon et de Vevey. Il y a donc eu une baisse des charges ! Vous semblez par ailleurs croire que les charges constituent des dépenses inutiles. Mais ces charges recouvrent des prestations à la population ! Derrière ces charges se trouvent des famillles, des personnes qui travaillent et qui peinent ! Quelle ineptie de la part de M. Kunz que de déclarer que l'Etat dépense l'argent des autres ! Lorsque des individus vont dépenser leur argent dans des commerces, prétend-on que les patrons des commerces prennent l'argent des autres ?!

En cinquième lieu, M. Marcet a déclaré qu'il fallait distribuer aux autres un peu des richesses produites par certains. Je suis entièrement d'accord avec M. Marcet. Nous ne parlons cependant pas des mêmes groupes sociaux: aux yeux de M. Marcet, ce sont ceux qui confisquent les richesses produites par les travailleurs qui engendent les richesses, alors qu'à nos yeux, ce sont les travailleurs qui créent les richesses ! (Protestations.)Oui, ce sont les travailleurs ! Ceux qui ont cassé Swissair, la Rentenanstalt et toutes les grandes entreprises, en partant avec des dizaines de millions dans la poche, n'ont pas pris les richesses qu'ils ont créées: ils n'ont fait que «piquer» les richesses élaborées par les autres ! Ils ont, de surcroît, enfoncé les collectivités publiques et les entreprises qui devraient être au service de ces collectivités publiques !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Souhail Mouhanna. Et vous venez aujourd'hui nous donner des leçons sur les mesures qu'il conviendrait de prendre ?!

Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !

M. Souhail Mouhanna. L'addition de vos mensonges ne nous perturbe pas ! Je ne me joindrai pas aux incantations et aux suppliques de M. Rodrik à l'égard de la droite, car je ne suis pas dupe de vos intentions: vous voulez casser l'Etat social et enrichir les plus riches - car les riches ne le sont jamais suffisamment à vos yeux et les autres le sont toujours trop ! La seule manière de nous opposer à votre politique de démantèlement de l'Etat social, c'est de faire monter en puissance la résistance, et vous nous y verrez en première ligne !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de première minorité. Je souhaite simplement réitérer ma demande d'examen du budget en commission des finances. Je demande en outre l'appel nominal pour le vote. Si ma première demande devait être refusée, je réclame également l'appel nominal pour la prise en considération du projet de budget.

Le président. Etes-vous soutenue dans votre demande d'appel nominal ?

Des voix. Oui !

Le président. Votre demande fait visiblement l'objet d'un large soutien. Je vous propose de donner, comme il se doit, la parole à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf. Après cela, nous voterons, dans un premier temps, sur la demande de renvoi en commission - laquelle prime sur tout autre vote. Nous voterons, dans un deuxième temps, sur la prise en considération du projet.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Après m'être amplement exprimée hier, je n'ai pas grand-chose à ajouter ce soir et j'aurais plutôt envie de vous inviter à aller vous coucher... (Brouhaha.)Car, si ce débat devait se poursuivre, je ne pense pas qu'il apporterait grand-chose aux intérêts de notre République ou à la clarté des débats, et encore moins à l'art oratoire dont nous sommes censés être un peu les... «porte-parole»... (Rires.)Ou les représentants, si l'on ose dire.

Les jeux sont faits et chacun a pu exprimer ce soir ce qu'il souhaitait. Mes propos de hier soir sont encore d'actualité: au-delà de la demande adressée au Conseil d'Etat d'effectuer un certain travail - que ce dernier soit conduit en commission ou directement par le Conseil d'Etat - je vous ai rappelé d'une part que le budget 2004 n'était pas satisfaisant et, d'autre part, qu'il convenait de se préoccuper non pas uniquement de ce budget, mais également des prochains budgets. Bien que j'aie déjà mentionné ce point hier, je le répète: compte tenu du niveau atteint par la dette cantonale, le problème de ce budget n'est pas uniquement de nature conjoncturelle. Par ailleurs et quelles qu'en soient les raisons, la dette a augmenté en 2002, alors même que l'on pensait qu'elle diminuerait. Une diminution de 500 millions avait d'ailleurs été annoncée en toute bonne foi. La dette cantonale a donc augmenté en période de conjoncture favorable, alors même que l'on imaginait qu'elle diminuerait ! Si elle s'est accrue, c'est en raison des charges que doit assumer l'Etat ainsi que de ses responsabilités vis-à-vis de la Banque cantonale. Pour parvenir à faire diminuer cette dette, il faut, comme je vous l'ai indiqué, être en mesure de dégager d'importantes liquidités. Il ne suffit pas, malheureusement, de se rassurer en se disant que nous avons rempli notre devoir en attendant que la conjoncture s'améliore... Malheureusement! Et même si cela pourrait nous faire plaisir !

C'est donc une responsabilité sur le moyen et sur le long terme que nous entendons assumer; nous accomplirons le travail annoncé.

Suite à vos propositions, j'ai effectué une petite addition et j'avoue avoir beaucoup de peine à réaliser une économie de 250 millions en appliquant vos suggestions. Je doute fort que nous y parvenions par ce biais et je tiens à dire... (L'oratrice est interpellée.)Les vôtres étaient certes fort intéressantes mais, malheureusement, moins chiffrées que celles de tout un chacun !

Nous examinerons sereinement le travail à accomplir. Cependant, je vous préviens d'ores et déjà que, si vous décidez de renvoyer le budget au Conseil d'Etat, vous devez être conscients du fait que vous sonnez par là même le départ des douzièmes, du moins pour le mois de janvier. Or si les douzièmes peuvent être intéressants dans le court terme, ils ne le sont certainement pas pour la gestion de l'Etat car ils finissent toujours par coûter plus cher... Je tenais à vous rappeler ce point.

Comme nous l'avons dit, nous nous efforcerons nous projeter dans l'avenir en prenant des mesures à moyen terme. Nous aurons toutefois besoin du parlement pour faire accepter ces mesures... En réalité, c'est d'un large soutien du parlement dont nous aurons besoin si nous voulons que les mesures proposées résistent. Hormis le déficit budgétaire, s'il est bien une inquiétude à évoquer ce soir, c'est celle qui nous étreint en vous entendant débattre ici: en effet, on se demande comment appliquer des mesures dans la durée si elles font l'objet d'un tel débat ! Il conviendra donc de retrouver une certaine sérénité afin que les débats finaux soient empreints d'une plus grande volonté de collaborer et d'analyser les intérêts dans la continuité. Je suis convaincue que vous êtes tous capables de faire preuve d'une telle volonté.

J'ai relu un Mémorial datant de 1991, époque à laquelle j'étais rapporteur de majorité. En écoutant les débats de ce soir et en lisant ceux d'alors, je constate qu'il n'y a pas grand-chose de nouveau sous le soleil, à l'exception, peut-être, d'un élément qui me paraissait important alors et que je souhaiterais davantage retrouver ici: un peu plus de courtoisie, un peu moins de horions et un peu plus d'intérêt à trouver des solutions communes lors des travaux de la commission des finances... Mais, à l'époque déjà, on voyait se dessiner quelques lignes des fractions que l'on retrouve aujourd'hui.

Aussi, je ne vous renvoie pas aux propos que j'ai tenus hier soir, mais je relève simplement que vous ne résoudrez rien en nous «renvoyant le bébé». Pour notre compte, nous tâcherons de résoudre les problèmes qu'il nous appartient de régler. La discussion n'est que reportée. Il s'agira, lors du prochain débat, d'inscrire nos réflexions et nos décisions dans la durée, et pas simplement dans l'instant du budget 2004. (Vifsa pplaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat ! Nous votons en premier lieu sur la proposition de renvoi du projet de budget à la commission des finances. L'appel nominal ayant été demandé, nous procédons à ce dernier. Celles et ceux qui acceptent le renvoi en commission répondront oui, celles et ceux qui refusent répondront non.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi en commission est rejeté par 44 non contre 39 oui.

Appel nominal

Le président. Nous votons maintenant sur la prise en considération du projet de loi 9076. Nous procédons à l'appel nominal qui a été demandé. Celles et ceux qui acceptent la prise en considération répondront oui, celles et ceux qui refusent répondront non.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 44 non contre 38 oui.

Des voix. C'est faux ! Il devrait y avoir le même nombre de votants ! (Brouhaha.)

Le président. Par souci de clarté, nous procédons une nouvelle fois au vote, en espérant que cela fonctionnera correctement. Le vote précédent est donc annulé.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 44 non contre 39 oui.

Appel nominal

Le président. Je vous rappelle que nous traitons également de la motion 1557. A son propos, nous avons été saisis d'un amendement du groupe radical. M. Kunz a demandé la parole pour développer brièvement cet amendement, qui vous a été distribué.

M. Pierre Kunz (R). Je vous annonce simplement, par politesse, que le groupe radical accepte la motion déposée par nos collègues de l'UDC. Les radicaux ne s'intéressant toutefois pas uniquement à la problématique du budget 2004, ils demandent que le Conseil d'Etat présente, parallèlement aux mesures concernant le budget 2004, un plan quadriennal 2004-2007 visant au rétablissement durable et structurel des finances publiques.

Nous lui demandons par ailleurs de soumettre au Grand Conseil un projet de loi instituant l'instrument d'un frein aux dépenses et les règles de la réduction de la dette publique. Ce projet de loi pourrait, par exemple, être à l'image du PL 8704 - lequel a été déposé par les radicaux il y a deux ans et qui se trouve encore à la commission des finances.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je prends brièvement la parole pour vous annoncer que le groupe démocrate-chrétien n'acceptera pas la motion 1557. S'il en a voté l'urgence, c'est parce qu'il voulait qu'il en soit discuté ce soir, dans le cadre du débat sur le budget.

Le groupe démocrate-chrétien tenait toutefois à vous informer également qu'il n'entrerait pas en matière sur cette motion. Les propositions qui y figurent ne constituent que des mesures spectaculaires peut-être destinées à mettre en avant un groupe politique, mais en tout cas pas à résoudre les problèmes budgétaires de notre République.

Je vous donnerai rapidement quelques exemples. Il convient en premier lieu de souligner que la première invite pose un certain nombre de problèmes. Je pense aux subventions accordées aux personnes physiques, notamment l'AVS. Les prestations complémentaires fédérales sont prévues par la Confédération, mais elles sont versées par l'Etat. Il s'agit donc d'obligations auxquelles l'Etat de Genève ne peut se soustraire. Les subventions aux institutions posent également problème. Je pense notamment au désengagement de Berne à l'égard des handicapés. Je poserai la question suivante à l'un des auteurs de la motion, qui a exercé des responsabilités importantes au sein de la Fondation Clair Bois - M. Iselin, pour ne pas le nommer: trouverait-il normal que l'on balaie d'un revers de la main les subventions dont ces institutions ont si grandement besoin ?

La deuxième invite constitue pour sa part une proposition faite sans discernement et sans aucun respect des lois sur le travail. Cette motion propose enfin, pour nous démocrates-chrétiens, une mesure tout à fait inacceptable: geler l'aide directe pour la solidarité internationale. Vous savez que nous avions, en son temps voulu, cette aide; il s'agit d'un élément auquel nous sommes attachés. L'aide pour la solidarité internationale s'inscrit dans un autre débat, combien plus important, entre le Nord et le Sud et nous ne pouvons, là non plus, pas renoncer d'un seul coup à toute une politique d'aide aux pays du Sud.

J'aurais souhaité développer d'autres arguments, mais je ne prolongerai pas mon intervention. Vous l'avez cependant compris: le groupe démocrate-chrétien ne votera pas cette motion ! (Applaudissements.)

M. Albert Rodrik (S). Nous apprécions autant l'amendement que la motion initiale: nous nous trouvons dans le domaine de l'odieux! Ce sera non pour les deux !

Le président. Voilà qui a le mérite d'être clair, Monsieur le député ! La parole est à M. Iselin.

M. Robert Iselin (UDC). Comme je m'y attendais, le groupe PDC a formulé quelques remarques au sujet de cette motion. Ce groupe refusant d'accepter notre motion, j'aimerais lui demander pourquoi il n'a pas voté le budget.

S'agissant de la question posée par M. Portier, j'attire l'attention du groupe PDC sur le fait que le cas des... (L'orateur est interpellé.)Ne vous énervez pas ainsi ! Je reprends: j'attire donc l'attention du groupe PDC sur le fait que le cas des institutions s'occupant de handicapés a été réservé puisque la première invite demande le plafonnement des subventions «sous réserve de situations d'extrême urgence touchant la survie d'institutions charitables». (Exclamations.)

Des voix. Oh, la charité !

Le président. Poursuivez, Monsieur le député ! Ne vous laissez pas troubler !

M. Robert Iselin. J'ai consacré trente ans de ma vie à une institution qui s'occupe d'enfants handicapés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je pense toutefois, en tant que citoyen de ce pays, que nous devons tous - y compris l'institution qui me tient tellement à coeur - faire un effort pour contribuer au redressement des finances publiques.

Le président. Le débat se poursuit... (Protestations.)Ce n'est pas moi qui décide de la poursuite ou non du débat: si le débat continue, c'est parce que les députés s'inscrivent sur la liste des orateurs ! J'espère que les prochains sauront se montrer raisonnables. La parole est donc à M. Catelain. (Brouhaha.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Je ne prolongerai pas mon intervention, car le débat n'a fait que trop durer... (Manifestation dans la salle.)Hier soir, l'Alternative nous a reproché de ne proposer aucune solution. Or notre proposition de motion se veut un moyen concret de donner des pistes... (L'orateur est interpellé.)

Je conçois parfaitement que le groupe PDC puisse ne pas être d'accord avec l'ensemble des invites. Certaines propositions que j'ai développées tout à l'heure ont cependant fait l'objet de discussions hors de cet hémicycle et il me semble que l'on peut trouver un terrain d'entente; je pense notamment à l'introduction d'une comptabilité analytique.

En conséquence, comme je suppose qu'au moins l'une des invites contenues dans cette motion devrait, en principe, recueillir l'unanimité de ce parlement, je propose que vous votiez le renvoi de cette motion en commission... (L'orateur est interpellé par M. Brunier.)

Pour le pipeau, je vous laisse la portée de vos propos, Monsieur Brunier !

M. Alain Meylan (L). Comme le veut notre règlement lorsque nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, j'interviendrai brièvement à ce sujet. Telle était de toute façon mon intention.

Les invites formulées dans cette motion sont certes quelque peu excessives. Cette motion pourrait toutefois fort bien faire l'objet de discussions en commission des finances et nourrir le débat sur le prochain budget que nous proposera le Conseil d'Etat. Je pense que les solutions suggérées par le groupe radical méritent également d'être discutées. C'est pourquoi le groupe libéral soutiendra le renvoi de cette motion en commission des finances.

Le président. Merci, Monsieur le député ! Madame la conseillère d'Etat Brunschwig Graf, avez-vous demandé la parole ?

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je renonce.

Le président. Bien ! Nous nous prononçons donc sur le renvoi de cette motion en commission des finances.

Mis aux voix, le renvoi en commission est rejeté par 47 non contre 34 oui et 1 abstention.

Le président. Nous votons maintenant sur les amendements déposés par le groupe radical... (Manifestation dans la salle.)Monsieur Rodrik, je vous donne la parole !

M. Albert Rodrik (S). Nous ne voulons pas renvoyer cette motion en commission ! La seule chose que vous pouvez faire, c'est, s'il y a une majorité, de la renvoyer au Conseil d'Etat. S'il en y a une, qu'on fasse un exercice d'amendement, à la rigueur... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de faire preuve d'un peu de calme et de logique !

Nous venons de voter sur le renvoi en commission, lequel a été refusé. Nous poursuivons donc nos débats. Il est évident que nous devons voter l'amendement préalablement au renvoi au Conseil d'Etat car, dès l'instant où la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, il n'est plus possible d'amender le texte de la motion. Nous devons, en premier lieu, voter sur les amendements... (Brouhaha.)S'il vous plaît, un petit peu de silence ! Sinon, je devrai redire ce que je suis en train de vous expliquer ! (Manifestation dans la salle.)

Nous allons donc voter sur l'amendement radical. Ce vote se décomposera en deux votes distincts, car l'amendement propose l'ajout de deux invites. Après ces deux votes, nous nous prononcerons sur le renvoi de la motion au Conseil d'Etat.

La motion radicale propose en premier lieu l'ajout d'une septième invite. La voici: «A présenter au Grand Conseil un plan quadriennal 2004-2007 visant au rétablissement durable et structurel des finances publics».

Je mets aux voix cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 38 oui et 4 abstentions.

Le président. Nous votons sur le second amendement proposé par le groupe radical.

Cet amendement consiste à ajouter l'invite suivante: «A soumettre au Grand Conseil un projet de loi instituant l'instrument d'un frein aux dépenses et les règles de la réduction de la dette publique».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 39 oui et 2 abstentions.

Le président. Je mets aux voix le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 48 non contre 29 oui et 6 abstentions.

Le président. Ne partez pas, car nous devons encore traiter d'une urgence, soit le point 96 bis ! Je donne à ce propos la parole à M. le député Brunier.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes censés traiter en urgence une motion concernant les sans-papiers. C'est une thématique importante et nous avons réussi à trouver un large consensus en commission. Il serait dommage, alors qu'il est déjà plus de minuit, de traiter trop rapidement un thème aussi important. Je propose donc de reporter ce point urgent à la prochaine session.

Le président. S'il n'y a pas d'opposition, il en sera fait ainsi. Je lève la séance et vous souhaite un bon retour dans vos foyers, un bon week-end et une bonne nuit !

La séance est levée à 0h10.