Séance du
vendredi 29 août 2003 à
17h30
55e
législature -
2e
année -
10e
session -
65e
séance
La séance est ouverte à 17h30, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Christian Bavarel, Jean-Claude Egger, Jacques Follonier, Pierre Froidevaux, Michel Halpérin, David Hiler, Ueli Leuenberger, Claude Marcet, Blaise Matthey, Alain-Dominique Mauris, Alain Meylan, Pierre Schifferli, Louis Serex, Olivier Vaucher et Pierre Weiss, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous avons reçu un courrier de M. Thierry Apothéloz nous annonçant sa démission.
Le président. Il est pris acte de cette démission.
Je tiens d'abord, en votre nom à tous, à rappeler que M. Thierry Apothéloz a été élu député en 2001, et à le remercier de son investissement dans les travaux du parlement, notamment pour ses activités au sein des commissions de l'enseignement et de l'éducation, des visiteurs de prison, de la commission sociale et de la commission des pétitions.
Non seulement nous formons tous nos voeux pour la suite de ses activités, mais je tiens, à titre personnel, à dire combien j'ai eu de plaisir à siéger avec un collègue aussi agréable que Thierry Apothéloz.
Je vais lui remettre le traditionnel stylo souvenir, mais je donne d'abord la parole à M. le député Charbonnier.
M. Alain Charbonnier (S). Le hasard du calendrier fait que, en tant que nouveau chef de groupe socialiste, il me revient le privilège de rendre hommage à Thierry, le jour de son départ du Grand Conseil. Privilège car, si Thierry nous quitte, ce soir, c'est parce qu'il a brillamment été élu conseiller administratif de la commune de Vernier. Habitant moi-même cette commune, je ne m'adresse donc pas seulement à un futur ex-collègue, mais aussi à mon maire.
Ce soir, nous perdons un de nos plus jeunes députés, et Thierry n'a pas attendu les années pour défendre les idées qui lui sont chères. A 26 ans, il siégeait déjà au Conseil municipal du Locle, et, après quatre ans, il est revenu dans la commune de son enfance, à Vernier, où il est devenu conseiller municipal. En 2001, il est ainsi entré, tout naturellement, dans notre Grand Conseil. Thierry a siégé, je le rappelle, dans les commissions sociale, judiciaire, des pétitions, de l'enseignement et des visiteurs de prison. Il a, de plus, parallèlement, continué son importante activité associative au service des jeunes.
Cette année 2003 est l'année européenne du citoyen handicapé. Thierry a rédigé, avec brio, l'important rapport de la nouvelle loi sur l'intégration des personnes handicapées, votée à l'unanimité par notre Grand Conseil en mai dernier. Si Thierry, comme justification dans sa lettre de démission, met en avant le respect des statuts du parti socialiste de non-cumul des mandats, il s'est rendu compte, par lui-même, je crois, ces trois derniers mois, de l'impossibilité de tout pouvoir mener de front.
Educateur spécialisé à la protection de la jeunesse, maire d'une commune de trente mille habitants, il lui aurait fallu quarante-huit heures de plus dans une seule journée, pour assumer, en plus, son mandat de député, et pour accomplir la phrase qui résumait le sens de son engagement en 2001, lors de la campagne pour les élections au Grand Conseil. Je cite Thierry: «Ce n'est pas en cherchant le bonheur, qu'on le trouve, c'est en le donnant.»
Donc, merci Thierry, et bienvenu à Roger Deneys, qui prendra sa place, tout à l'heure, dans nos sièges au Grand Conseil. (Le président descend de l'estrade et remet le stylo souvenir à M. Charbonnier. Applaudissements.)
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse. La commission des droits politiques a étudié avec attention la candidature de M. Roger Deneys et n'y a relevé aucune incompatibilité. C'est pourquoi nous pouvons l'accueillir, avec plaisir, au sein de notre parlement. (Applaudissements.)
Liens d'intérêts de M. Roger DENEYS (S)
Co-dirigeant d'une PME Informatique (Imaginer Software)
Président de l'ASPIC
Président du Groupement des Entrepreneurs et Indépendants progressistes (GEIP)
Coopérateur des Jardins de Cocagne
Coopérateur de Mobility Car Sharing
Coopérateur de la CODHA
Vérificateur des comptes du CRAC
Vérificateur des comptes de l'Association ACTARES
Vérificateur des comptes de l'Association de la Maison de quartier de la Jonction
Actionnaire de la banque alternative BAS (1 action)
Le président. M.Roger Deneys est assermenté. (Applaudissements.)
Le président. M. Henri Nanchen est assermenté. (Applaudissements.)
M. Philippe Balzano et Mme Nicole Bassan Bourquin sont assermentés. (Applaudissements.)
Suite du débat
M. Christian Brunier (S). Vu le débat qui a commencé ce matin, je crois qu'il est important de rappeler la position du parti socialiste quant à ce restoroute de Bardonnex.
Première chose: le parti socialiste n'est pas opposé au principe de construire, au bord de l'autoroute de contournement, un restoroute ou une station service. Nous avons reconnu que cela pouvait être une bonne opportunité économique, que c'est un bon plan au niveau de la fiscalité. D'ailleurs, à l'époque, nous avions soutenu le projet à Blandonnet, lorsqu'il était encore réalisable - on sait qu'il ne l'est plus actuellement.
Deuxièmement, vous apportez une composante de vitrine des produits du terroir genevois. Nous pensons que cela peut aussi être une bonne idée, sans, bien sûr, tomber dans l'exagération, voire, quasiment, frôler le fantasme. Il faut donc trouver un lieu.
Il y a eu deux lieux identifiés. Un à Blandonnet, à une certaine époque. Je vous rappelle que le projet était tout fait: la commune était d'accord, le canton était d'accord, il y avait, certes, des recommandations critiques de l'office fédéral, mais il n'y avait pas opposition, comme certains l'ont prétendu ce matin. Et qui a fait échouer le projet, à l'époque ? C'est M. Joye, qui a déchiré le projet de son prédécesseur pour favoriser un projet où il avait certainement des intérêts, en tout cas indirects, beaucoup plus forts.
Par conséquent, tout le monde s'est reporté sur le projet de Bardonnex, projet auquel le parti socialiste s'est opposé pour plusieurs raisons. Premièrement parce que je vous rappelle que c'est une surface de 4 hectares située en terrain agricole, et que nous voulons protéger la zone agricole dans ce lieu qui a déjà été bien atteint. C'est aussi un poumon de verdure, une zone verte d'importance. La commission est d'ailleurs allée visiter le terrain et a pu constater qu'il était digne d'intérêt, d'un point de vue environnemental. C'est aussi un terrain - on l'a dit ce matin, et je le répète - qui est à proximité des logements, et il aurait été très dommageable d'installer une station service, un restoroute de grande envergure juste à côté, dans le voisinage.
Il y a toutefois une opportunité que nous avons explorée, dont personne n'a parlé ce matin: c'est l'exploitation de cette plate-forme douanière démesurée et sous-utilisée. Nous avons une plate-forme douanière immense avec des surfaces vraiment inexploitées, et vous pouvez le constater à chaque fois que vous passez là-bas. Dans une optique de signature des bilatérales, dans une optique de rapprochement - qu'on le veuille ou non, d'ailleurs - avec l'Europe, nous savons très bien que cette plate-forme sera inutilisée. Par conséquent, si nous voulons construire un restoroute, c'est sur cette plate-forme, sur cette partie déjà bétonnée, qu'il faut travailler, et nous avons les moyens d'y arriver. Je vous rappelle qu'il y avait eu une discussion - je dis bien une discussion ou, plutôt, un début de discussion - avec les douanes, et que cette discussion avait échoué.
Je pense toutefois que si nous faisons du lobbying, si nous mettons un peu de pression sur Berne, nous pouvons arriver à négocier pour construire un restoroute sur cette plate-forme douanière - je le redis mais c'est important - inexploitée et démesurée par rapport à la situation. Je crois que c'est le seul endroit susceptible d'accueillir une telle installation. Il n'est pas question, pour le parti socialiste, de brader la zone agricole, de brader une zone de nature, dans un endroit aussi urbanisé et aussi proche des logements.
Nous vous proposons donc de renvoyer cette motion en commission, pour nous mettre d'accord sur cette exploitation de plate-forme douanière, pour renoncer à ce sacrifice de zone agricole. Je pense qu'on peut trouver un arrangement et je pense qu'on peut instaurer un rapport de force avec les douanes, si nous sommes tous unis pour les faire plier et pour que ces dernières concèdent une partie de cette plate-forme sous-utilisée.
Le président. Bien. Nous voterons ce renvoi en commission, mais comme, de toute façon, la liste est close, ceci sera fait après les interventions des trois orateurs inscrits.
M. René Desbaillets (L). Je suis heureux qu'on ait marqué une pause dans ce débat qui a commencé ce matin. Cela a permis, à tout le monde, de baisser un petit peu la tension. Pour le nouveau député que je suis - depuis moins de deux ans - peu m'importe de savoir ce qui s'est passé avant, qui a refusé de faire une place autoroutière ici, qui a repoussé un restoroute là-bas, ce qui compte, c'est le futur. Et le futur, c'est un restoroute à proximité de Genève.
Je pense qu'on ne doit pas politiser ce débat. Nous sommes 100 députés ici, mais il y a 400 000 personnes à Genève, qui vivent de son économie. Sur ces 400 000 personnes, je suis sûr qu'il y a une grosse proportion d'habitants, de travailleurs, de contribuables, notamment, qui attendent un restoroute à la porte de Genève.
Pourquoi suis-je favorable à un restoroute près de Genève ? Pour l'image de Genève, pour son économie et pour son environnement.
L'image, tout d'abord: un restoroute, c'est une vitrine. A l'heure actuelle, il y a ceux qui voyagent à travers le monde, qui prennent l'avion, qui ont préparé leur voyage soit dans une agence soit par Internet. Ces derniers représentent un cas spécial, on ne parlera pas d'eux. Il y a énormément de gens qui voyagent par des moyens privés tels que l'automobile, qui naviguent sur les autoroutes, et qui, chaque fois qu'ils ont l'occasion ou l'obligation de se reposer - en principe, toutes les deux heures - de faire le plein, s'arrêtent sur un restoroute. Ils font un peu de lèche-vitrine de restoroute, même si, souvent, ces vitrines ne sont pas extraordinaires. Même moi, viticulteur genevois, je vois que lorsque j'arrive en Bourgogne, je me sens incité à sortir et à aller faire une petite tournée de caves en Bourgogne. Je descends dans le midi, on s'arrête à Avignon... (Manifestation dans la salle. Brouhaha)...Peu importe. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'un restoroute est une vitrine de la région ou de la ville à proximité. Il n'y a qu'à voir le chiffre d'affaires du restoroute de Gruyère ou le nombre de personnes qui s'arrêtent au restoroute: ils voient ce qu'il se passe à côté, et ils vont se balader dans la Gruyère.
Le deuxième point concerne l'apport économique. Je pense qu'il est non négligeable, économiquement, d'inciter les gens à s'arrêter à Genève - à venir visiter notre ville, à venir y consommer, y dormir, y voir les musées, y voir le Jet d'eau, l'Horloge fleurie, etc. Je pense que celui qui voyage sur l'autoroute, s'il n'a pas, à un moment donné, une incitation à s'arrêter, à voir ce qui se passe, il ne s'arrête pas. Je dois dire que, quand on regarde ce qui se passe, partout sur les restoroutes, il ne faut pas négliger cet apport économique.
Au niveau de l'environnement, ce que j'entends le plus, c'est qu'on va prendre 4 hectares dans la zone agricole. Permettez-moi de vous dire, en tant qu'agriculteur - et sachant qu'il y a 500 hectares, grosso modo, à Genève, qui sont des jachères, où on demande aux agriculteurs de ne rien faire dessus, et d'y laisser pousser la mauvaise herbe - je m'excuse, mais ce ne sont pas 4 hectares qui vont affamer le canton de Genève.
Le voyageur qui est en voiture, et qui se dit «Tiens, je vais m'arrêter à Genève», quelle sortie va-t-il prendre ? Est-ce qu'il va sortir à l'aéroport, à Bardonnex, à Bernex ? Ensuite, il aura envie de circuler. De Bernex il descend à Lancy, à Lancy, il essaie de trouver un plan, qu'il n'aura certainement pas, parce qu'il a une carte au 1:10 000 ou au 1:100 000. Il va donc se balader à travers la ville, à travers le canton, pour trouver une activité, pour trouver un logement. Lorsque vous vous arrêtez sur une aire autoroutière, si celle-ci est bien faite, il y a un office du tourisme, un bureau proposant des hébergements hôteliers ou des restaurants, etc. De telle sorte que le voyageur pourra faire son programme, afin de visiter Genève. Il saura que s'il veut se rendre en Vieille-Ville, il devra sortir de l'autoroute en prenant la direction de La Praille, il garera sa voiture au parking de l'Etoile. Il prendra le tram, cinq minutes plus tard, il se trouvera dans la Vieille-Ville, plutôt que de tourner dix minutes et de polluer, sans savoir où aller.
Par conséquent, nous devons être favorables au relais autoroutier. Je soutiens cette motion, je vous invite à la renvoyer au Conseil d'Etat. Refuser un restoroute, c'est un hara-kiri économique et écologique pour Genève.
M. Hubert Dethurens (PDC). J'aimerais revenir quelque peu sur les propos de M. Brunier.
Monsieur Brunier, qui veut le plus, veut le moins. Je suis heureux d'apprendre que le parti socialiste est favorable à un restoroute à Genève, mais de là à remettre le débat sur Blandonnet...
Il était visible que c'était irréalisable, notamment lors de la visite de Blandonnet de M. Moutinot et du groupe socialiste. Cela l'est encore plus aujourd'hui, depuis que la bretelle a été réalisée pour l'entrée de l'autoroute. Revenir sur ceci signifie que l'on ne veut rien, que l'on va encore parler pendant quatre ans, pour quelque chose qu'on sait irréalisable. Je crois que même M. Moutinot avait admis que c'était irréalisable à Blandonnet.
Deuxièmes propos que M. Brunier a tenus, que je trouve un peu graves: vous portez une accusation contre un magistrat - je ne sais pas si je vous ai bien compris - qui aurait magouillé pour son compte personnel. Dans ce cas, ou bien vous en avez dit trop ou bien pas assez: si vous avez des preuves de ce que vous avancez, alors divulguez-les dans la presse. Mais ne venez pas dire ici quelques petites choses qu'on ne comprend de toute façon pas.
Je suis favorable au restoroute de Bardonnex, d'abord parce que c'est le seul endroit, à Genève, où il est possible d'implanter un restoroute. Toutes les études de Berne l'ont démontré: tout ce qui est après l'aéroport n'est pas réalisable, parce que c'est trop près du restoroute qui est sur la côte. Il n'y a visiblement plus que Bardonnex.
Je mettrai un petit bémol, quand même, au premier projet présenté - là, je diffère un peu de mon collègue Desbaillets - car 4 hectares pour des jachères: non. Je vous rappelle, quand même, que les jachères font partie intégrante d'un plan de culture: Je n'aime pas trop les jachères, mais bon. Ces dernières nous sont imposées par la législation fédérale, et ce n'est pas que de la mauvaise herbe, c'est aussi une source de revenus pour les agriculteurs, imposée par Berne. Le seul reproche que je ferai au premier projet, c'est qu'il était un petit peu gourmand en matière de places de stationnement. C'est vrai que la plate-forme douanière, dans une échéance de dix, quinze ans, sera peut-être utilisable - bien que les douanes nous aient toujours affirmé le contraire. Par conséquent, dans un premier temps, je souhaiterais que le conseiller d'Etat, M. Moutinot, présente un projet de loi de déclassement à Bardonnex, parce que c'est le seul endroit possible, et qu'il soit un peu plus raisonnable du point de vue du stationnement...
Une voix. Quel projet ?
M. Hubert Dethurens ...Un projet de restoroute, à Bardonnex; avec un parking un peu plus petit qu'il n'était prévu au départ; avec une vitrine pour les produits genevois. A ce sujet, on est tous d'accord. Je suis heureux d'apprendre que le parti socialiste est aussi d'accord. Il suffit de s'entendre, maintenant, sur la grandeur de la partie à déclasser.
Pour finir, je pense qu'il faut renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, parce que la renvoyer en commission de l'aménagement, encore une fois, c'est l'enterrer. Cela revient à se déplacer, de nouveau, à Blandonnet pour s'apercevoir que ça n'est pas possible. Cela représente des années de discussion pour n'arriver à rien.
M. Christian Grobet (AdG). Ayant eu le privilège de présider à la construction de l'autoroute de contournement, j'aimerais simplement rappeler quelques faits.
D'abord, quand ce Grand Conseil a adopté le projet de l'autoroute, avec son site, il y a eu une motion, présentée par les députés agriculteurs de l'Entente. Ces derniers demandaient que, au vu du sacrifice qui était consenti à la zone agricole pour la construction de l'autoroute de contournement, cette autoroute ne soit pas le prétexte à de nouveaux déclassements de terrains agricoles, et que, notamment, on ne déclasse pas des terrains en bordure d'autoroute pour des projets d'urbanisation. Je tiens à le rappeler, parce que cette résolution avait été déposée par des députés libéraux, PDC et radicaux, et votée par l'ensemble des députés - M. Dupraz s'en souviendra, puisqu'il était un des co-auteurs de cette motion.
Après que le projet général a été adopté et approuvé par le peuple, j'ai été approché, précisément par la Chambre d'agriculture - dont l'un de ses représentants siège toujours dans cette salle - pour modifier le projet de l'évitement de Plan-les-Ouates et renoncer à la solution dite du sud d'Arare au profit de la solution du vallon d'Evaux. Cette modification, non pas de l'axe principal de l'autoroute, mais de la branche assurant le contournement jusqu'à La Praille, était, évidemment, un exercice extrêmement difficile, puisque l'ensemble du projet avait été adopté en votation populaire. La Chambre d'agriculture, Monsieur Desbaillets, revendiquait que l'on modifie l'évitement de Plan-les-Ouates, parce que cela permettait de préserver, non pas 4, mais 6 hectares de terrain agricole. Il est vrai que, pour préserver ces 6 hectares de terrain agricole, on a fait un projet, qui est mieux intégré, mais qui a aussi coûté plus cher, et qui a pris dix ans de négociations pour finalement aboutir - du reste un peu contre le gré de la commune de Plan-les-Ouates.
En ce qui concerne la plate-forme douanière de Bardonnex, je vous signale que la commune qui était la plus farouchement opposée, et qui avait du reste été opposée à l'autoroute, était la commune de Bardonnex. Elle est intervenue, notamment auprès du département des travaux publics, pour que la plate-forme douanière soit la plus limitée possible et qu'on évite toute autre emprise sur le territoire de cette commune. Cela me fait un peu sourire lorsque M. Brunier parle de la surface exagérée de la plate-forme douanière, parce que, au moment de la réalisation de cette plate-forme, les douanes fédérales ont demandé qu'elle soit considérablement plus étendue que ce qui a été réalisé.
La commune de Bardonnex a insisté pour que la plate-forme ne soit pas agrandie. J'ai soutenu le point de vue de la commune de Bardonnex. Cela a été un bras de fer assez incroyable avec les douanes fédérales, parce qu'elles étaient convaincues qu'en tant qu'autorités fédérales elles pouvaient imposer l'agrandissement de la plate-forme. J'ai invoqué le vote populaire pour ne pas agrandir la plate-forme. Alors, je trouve pour le moins paradoxal, que, quelques années plus tard, ce soit cette même commune de Bardonnex - qui souhaitait aussi qu'on évite l'évitement de Plan-les-Ouates par le sud d'Arare, pour ne pas toucher à la campagne et aux terres agricoles - qui vienne demander qu'on déclasse du terrain pour faire le restoroute sur le territoire de Bardonnex, simplement pour des retombées fiscales. Je dois dire que, lorsqu'on fait de l'aménagement du territoire pour toucher quelques modestes impôts communaux sur l'activité ou une taxe professionnelle, c'est absolument lamentable. En tout cas, on devrait éviter de faire de l'aménagement du territoire pour des questions de recettes fiscales d'une commune, parce que c'est véritablement en dessous de tout.
M. Koechlin a dit que c'était un projet merveilleux; peut-être l'est-il sur le plan architectural. Je pense que c'est un mauvais projet sur le plan de l'emplacement et de l'environnement. Pour la station-service, la meilleure situation le long de l'autoroute était évidemment Blandonnet, parce que là on captait tous les véhicules, y compris ceux qui n'allaient pas en France, mais qui empruntaient l'autoroute de contournement jusqu'à La Praille.
Alors, quand on parle de retombées économiques... A l'époque, j'avais passablement examiné ces problèmes de restoroute. Je peux tout de suite vous dire que ce ne sont pas les restaurants qui amènent beaucoup de recettes mais c'est la pompe à essence. Et là, c'est vrai que cette pompe à essence pouvait avoir des retombées annuelles de plusieurs millions pour l'Etat de Genève. C'est la raison pour laquelle, personnellement, j'ai rallié la position de mes collègues du Conseil d'Etat qui, à l'époque, souhaitaient trouver une solution - et on l'a trouvée à Blandonnet. Je tiens à préciser que l'Office fédéral des routes avait expressément accepté le projet, qui était réalisable, quoi qu'en puissent dire d'autres. C'est vrai que c'était un projet un peu exigu qui ne prévoyait pas quelque chose de grandiose, mais il prévoyait l'essentiel: la station-service et des boutiques, qui auraient quand même permis de faire un chiffre d'affaires complémentaire.
J'ajouterai un point suivant...
Le président. Il est temps de conclure.
M. Christian Grobet. Je termine, j'en ai pour deux minutes, si vous permettez, Monsieur le président. L'Office fédéral des routes était tellement désireux que le raccordement entre les réseaux routiers suisse et français se réalise que, de fait, l'autorité fédérale a toujours accepté toutes les demandes qui ont été faites par le canton, dans un sens comme dans l'autre. Par voie de conséquence, ils ont accepté de faire des tunnels qu'ils ont ensuite refusé de prolonger, par exemple à Saint-Maurice et ailleurs, en raison du danger lié aux tunnels. Ils ont accepté la demande concernant le restoroute de Blandonnet. De même, quand M. Joye est arrivé pour demander le contraire, il a eu une oreille attentive de la part de l'Office fédéral, qui a retourné sa veste en disant qu'effectivement le restoroute pouvait être construit ailleurs. En ce qui me concerne, j'avoue avoir eu un malaise en apprenant que le choix s'était porté sur une compagnie pétrolière particulière, dont je dois dire que la réputation a été très fortement entachée à l'époque ou peu de temps après.
Je conclus qu'il faut effectivement renvoyer cette affaire en commission pour voir, comme M. Brunier l'a dit, si cette plate-forme douanière, qui ne sert quasiment à rien, qu'on prétendait sous-dimensionnée, et qui est totalement surdimensionnée, ne pourrait pas faire l'affaire. En outre, je persiste à penser, malgré les bretelles qui ont été faites, que, peut-être, une solution reste possible à Blandonnet - solution qui aurait été la meilleure, du point de vue de la localisation. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. L'aire autoroutière de Bardonnex est une saga qui a occupé votre Grand Conseil à réitérées reprises, et qui, je le crains, l'occupera un certain nombre de fois encore.
Le Conseil d'Etat a, par conséquent, examiné soigneusement le projet de motion qui vous est soumis ce soir. S'agissant des aspects économiques, il considère que cette infrastructure doit faire l'objet d'une analyse, en fonction des buts que s'est fixés la promotion économique ou plutôt que le Conseil d'Etat a fixés à la promotion économique. Ils consistent à véritablement examiner l'impact d'une telle construction sur l'emploi, l'impact sur la fiscalité, l'impact sur la présentation des produits agricoles - puisque cela a été présenté comme tel - et à considérer si l'importance de ces activités justifie ou non, pour l'économie genevoise, une atteinte d'une telle importance à la zone agricole.
L'analyse de détail n'a pas été faite, mais le Conseil d'Etat estime que l'on ne peut, aujourd'hui, être catégorique sur l'intérêt de cette plate-forme, sans avoir, au préalable, examiné rationnellement, calmement, l'ensemble de ces paramètres.
Il est vrai aussi, et cela a été dit notamment par MM. Dethurens et Brunier, que le projet lui-même et le programme du projet sont de nature à permettre une appréciation différente, selon que ladite aire autoroutière se situe sur la plate-forme douanière ou selon qu'elle se situe à côté. Les négociations que nous avions eues, à l'époque, avec les douanes fédérales, lors du précédent projet, s'étaient mal déroulées. Vous êtes, Monsieur Brunier, d'un optimisme admirable, mais, enfin, peut-être que les douanes vous ont écouté ce soir, peut-être sont-elles plus enclines à négocier, aujourd'hui.
Il est vrai qu'il faudra calmement mettre dans la balance, très calmement et très sereinement, les avantages, qui ne sauraient être contestés, d'une telle aire autoroutière et l'impact sur le territoire, la nécessité de disposer des hectares nécessaires pour le faire. Si cette balance s'avérait positive pour un projet raisonnable, il faudrait évidemment aller de l'avant. Si le fléau de la balance penchait dans l'autre sens, il faudrait alors renoncer à ce projet.
Le Conseil d'Etat entend mener cette analyse calmement, une fois encore, dans le détail, selon les critères objectifs que la promotion économique a toujours suivis.
Je vous suggère, par conséquent, de suivre la proposition de renvoi en commission qui vous a été faite, de manière que le débat puisse se faire en entendant tous ceux qui ont à apprécier cette situation, et à ne pas en débattre avec la simplification qu'entraîne parfois ce type de débats, uniquement en séance plénière.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion en commission est rejeté par 46 non contre 37 oui.
Mise aux voix, la motion 1470 est adoptée par 45 oui contre 39 non.
Débat
M. Renaud Gautier (L). Je voudrais dire, ici, tout le bien que je pense de cette motion, même si, effectivement, elle a pu en surprendre plus d'un. Ce qu'il faut noter, c'est la prémonition qu'un certain nombre de députés ont eue, en septembre 2002, quant à la nécessité, évidente, de pouvoir offrir, à la police, les moyens de formation qui lui sont dévolus.
Plus d'un parlementaire, en particulier en face de moi, s'est largement gaussé, ces derniers mois, quant au fait que la police, ma foi, ne savait pas ce qu'elle faisait, que lorsqu'elle faisait quelque chose, elle le faisait mal, n'obéissant somme toute pas aux normes en vigueur. Par cette proposition, Mesdames et Messieurs, un certain nombre de députés jugent absolument nécessaire que l'on puisse mettre en place, à Genève, un centre d'excellence pour la formation de la police. Cela s'est fait récemment en Suisse allemande, puisqu'une école s'est trouvée centralisée du côté de Lucerne, réunissant un ensemble de compétences qu'elle propose pour la formation des gendarmes d'Outre-Sarine.
L'idée qui prévalait ici était d'inciter le Conseil d'Etat, par le biais de cette motion, à se poser la question de savoir si les bâtiments BAT, le long des Acacias, n'étaient pas idoines pour cette question. (L'orateur est interpellé.)Je ne vous le fais pas dire, j'ai essayé d'éviter la proposition, mais je ne vous le fais pas dire.
J'ai cru entendre, ici et là, entre-temps, qu'il était absolument impensable que nous mettions, au centre de la ville, un centre de formation de la police, et que, des tas d'autres entreprises de pointe dans l'informatique y seraient mieux logées. Soit. Cependant le problème demeure. Qu'allons-nous faire pour proposer un lieu de formation à la police genevoise, dont on ne dira jamais assez ici, et en particulier dans cette salle, qu'en termes de maintien de l'ordre, dans le cadre d'organisations internationales, elle est un centre d'excellence, où elle a des compétences reconnues partout en Suisse ? Autant, somme toute, en faire profiter les gendarmes des autres cantons. D'où la proposition de mettre à disposition des meilleurs éléments formateurs de notre police - on a suffisamment parlé de formation tout à l'heure - non pas un débat pour savoir s'il faut noter les gendarmes ou pas, mais le lieu qui permettra de transmettre le savoir que les Genevois ont acquis et qu'ils entendent si généreusement distribuer aux autres.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le centre de formation de la police est le coeur d'un corps essentiel de notre République. Si la police bénéficie d'excellentes formations, que ce soit dans le domaine de la psychologie ou des arts martiaux, il est notoire que les locaux actuels ne suffisent plus.
L'usine BAT représente de très nombreux avantages - certainement des limites, également - mais des avantages qui méritent d'être étudiés sérieusement et rapidement.
C'est pourquoi le PDC vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat qui, nous en sommes sûrs, attache beaucoup d'importance à donner les outils optimum à notre police.
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne rentrerai pas sur le fond de ce centre d'excellence de la police, parce que je n'ai pas les compétences pour savoir si la police doit avoir un centre de compétences à disposition. Je me limiterai à considérer la question des terrains industriels.
La motion invite en effet le Conseil d'Etat à «accorder, pour ce faire, une dérogation au régime des zones en vigueur». Il y a eu de nombreux débats, dans ce parlement, pour sauvegarder les zones industrielles. En effet, certaines zones sont envahies par des voitures, qui n'ont rien à faire dans ces zones industrielles. D'autres sont envahies par des centres commerciaux qui pourraient très bien se payer des terrains évidemment beaucoup plus chers mais qui n'ont pas besoin d'être subventionnés par notre collectivité. En revanche, il y a toute une série de petits artisans qui ont besoin de ces terrains industriels, voire des grandes entreprises, puisque Serono peut profiter de ces terrains industriels - notamment celui de Sécheron, qui avait été vacant pendant une certaine période.
Je trouve que cette motion pose le problème de la politique industrielle dans notre canton. Elle est contraire à cette politique industrielle, qui vise à laisser ces terrains en jachère, si j'ose dire, mais qui permet d'offrir, à des petites, moyennes et voire grandes industries, des locaux adaptés pour mener une activité productrice et non pas une activité de services. Nous avons tout intérêt, les uns et les autres, à préserver ces terrains industriels qui abaissent les coûts d'exploitation de ces entreprises. Je ne comprends pas que l'on puisse déroger à cette politique.
Je relève, toutefois, que cette motion invite le Conseil d'Etat, et c'est pour cela que je vous propose de la renvoyer en commission, «le cas échéant, à proposer une solution alternative.»
Je vous invite, par conséquent, à discuter de ces solutions alternatives en commission, parce qu'il existe des solutions alternatives: on a parlé, ce matin, de la Maison de la paix. Je verrais beaucoup mieux le centre d'excellence dans la Maison de la paix, par rapport aux militaires internationaux qui devraient y siéger. Cela me paraît aller de pair avec une autre politique de paix que celle qui sera menée dans certains organismes - je pense par exemple à certains terrains à la pointe de la Jonction, et d'autres lieux, susceptibles d'être à disposition, mais qui ne sont pas dans une zone industrielle affectée à une activité productive - et qui maintient le prix des terrains extrêmement bas, les rendant donc extrêmement attractifs pour une industrie, quelle qu'elle soit. Les terrains de la BAT sont d'ailleurs là pour le prouver.
M. Christian Brunier (S). Sur le constat, tout d'abord. Je partage le point de vue des gens qui ont dit que les locaux actuels de formation de la police étaient inadéquats, exigus, qu'ils ne remplissaient plus leur rôle de donner une formation correcte. Je crois que c'est l'avis des dirigeants de la police, c'est l'avis de la cheffe du département, des syndicats, aussi. C'est vrai que se présente une véritable opportunité pour que Genève devienne un centre de compétences des policiers au niveau de la Romandie. Le constat est celui-là, et le besoin est évident.
Il faut maintenant se poser deux questions. Ce besoin est-il une priorité du DJPS - parce qu'il y a plusieurs besoins, actuellement dans ce département ? Deuxième question : le lieu est-il adéquat ?
Sur le besoin: c'est difficile d'en juger, mais, la cheffe du département avait dit, il y a quelques mois - on verra ce qu'elle nous dira tout à l'heure - qu'à l'intérieur de son département, s'il y avait une priorité de refonte des locaux, c'était par rapport à l'office cantonal de la population. C'est vrai que, sur le constat, on était tous d'accord. L'office cantonal de la population travaille, aujourd'hui, dans des lieux qui sont inadéquats. Il faut, à un moment donné, réfléchir en matière de priorités budgétaires - puisque nous n'avons pas les moyens de tout payer - pour savoir s'il faut d'abord s'occuper du déménagement de l'office cantonal de la population, s'il faut plutôt faire la construction ou le déplacement du centre de formation de la police, ou bien si nous avons les moyens de faire les deux. En matière de priorité, cela revient vraiment à la cheffe du département de nous indiquer les pistes sur lesquelles s'engager.
Maintenant, sur les lieux. Alors, là, c'est un vote de principe: le parti socialiste pense qu'il faut vraiment préserver la zone industrielle; que les terrains industriels sont trop rares, à Genève; qu'en matière de promotion économique il y a des opportunités de conserver des industries à Genève; que ce secteur est éminemment important dans un canton qui est certainement trop axé sur le tertiaire. Par conséquent, il n'est pas question pour nous de sacrifier 20 000 m2 à un centre de formation de la police, même si le besoin est établi.
Donc le groupe socialiste propose de renvoyer, comme l'a dit notre camarade Pagani, ce projet en commission pour voir s'il y a d'autres opportunités pour coller à ce besoin, afin ne pas démanteler les terrains industriels qui sont trop rares dans notre canton.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est favorable, sur le fond, à cette motion. Effectivement, les problèmes d'infrastructure, en ce qui concerne la formation de la police, sont patents et reconnus. Ils datent de plusieurs années.
Nous relevons aussi que, sauf erreur de notre part, les locaux de l'usine BAT sont déjà réaffectés, et qu'en conséquence la proposition qui est faite, dans cette motion, est caduque. Il appartiendra donc au département de trouver une autre solution.
Nous, groupe UDC, avons également proposé de construire la deuxième étape de l'hôtel de police. L'Etat dispose du terrain. On pourrait très bien imaginer que les nouveaux locaux de formation soient intégrés dans cette nouvelle étape. Ce projet de loi figure à l'ordre du jour de la commission concernée de ce parlement. Il serait souhaitable que le département prenne l'ascendant, dans ce dossier, et propose, de lui-même, une solution pour la formation de ce personnel.
M. Christian Grobet (AdG). Mon nom avait été effacé après l'intervention de M. Pagani, lui-même avait été enlevé, il a dû y avoir une succession d'effacements non prévus... (L'orateur est interpellé.)Il a été effacé en premier, effectivement. Cela vous arrivera aussi, Monsieur Blanc.
Pour en revenir à cette motion. J'aimerais être convaincu que les locaux, qui ont été acquis spécialement pour la formation de la police, à Carouge, et qui ont été conçus exactement selon les désirs du département de justice et police, Madame Spoerri, qui ont donc été acquis et aménagés sur mesure selon les désirs de la police, à l'époque, sont inadéquats et insuffisants. Cela est le premier point.
Deuxièmement, la motion parle - ce sont des termes à la mode - d'un centre d'excellence, Monsieur Gautier, avec l'idée, si j'ai bien compris, de faire un centre de formation romand pour la police. Avant de s'engager dans un projet comme celui-ci, il faudrait d'abord savoir si les autres cantons romands ont envie d'avoir un centre de formation romand, et s'ils ont envie que ce centre de formation soit situé à Genève, parce qu'il est inutile de dresser des plans sur la comète si un tel projet ne répond pas à une réalité.
En ce qui concerne l'emplacement, je voudrais intervenir dans le même sens que M. Catelain, à savoir que, puisqu'on parle de terrains industriels, la police a été mise au bénéfice d'un important déclassement de terrain à son profit. Le terrain sur lequel se trouve l'actuel hôtel de police se trouvait en zone industrielle, et on a décidé, à l'époque, de faire une exception, en déclassant ce terrain, parce qu'on n'arrivait pas à trouver un site pour l'hôtel de police. On a cherché pendant des années, la police s'étant montrée extrêmement exigeante, à tous égards - c'est pour cela que, entre parenthèses, je ne crois pas du tout à l'utilisation des bâtiments de l'ancien BAT. La police veut toujours du sur mesure, dans tous les détails - et, finalement, cet hôtel de police a constitué la seule solution qu'on a trouvée, car il est bien placé, il est géographiquement proche de la ville. C'est ce terrain qui devrait servir de nouveau centre de police, et c'est pour cela qu'on l'a déclassé. Je suis du reste étonné, Monsieur Moutinot, que la police, qui à l'époque avait exigé pour accepter ce site de bénéficier d'une passerelle routière pour les véhicules d'urgence, semble y renoncer aujourd'hui.
Ce terrain a permis de réaliser la première étape de l'hôtel de police. Il permettra également de réaliser la deuxième étape, avec le transfert de tous les services de la sûreté qui se trouvent au boulevard Carl-Vogt. Il y a une réserve supplémentaire, sauf erreur de 10 000 m2 de terrain, par rapport à la deuxième étape de l'hôtel de police, parce qu'on avait affecté seulement les deux tiers de ce terrain déclassé à l'hôtel de police. Il restait un tiers de ce terrain en réserve, éventuellement pour les besoins de la télévision romande qui ne s'est jamais manifestée, ou pour un autre équipement public.
La logique voudrait que, si la télévision romande ne s'intéresse effectivement pas à ce terrain, il soit affecté aux besoins de la police, pour que toutes ses activités soient centralisées. Cependant, je vois mal qu'on déclasse encore 20 000 m2 de terrain dans cette zone exceptionnelle de Praille-Acacias qui est la mieux située et équipée pour les besoins de notre activité économique. On nous propose, en nous disant qu'il n'y a plus de terrains industriels, de déclasser des terrains en zone agricole au Bois-de-Bay, et on voudrait installer des entreprises dans ce secteur-là. C'est totalement aberrant de dire aujourd'hui qu'il n'y a plus de terrains industriels à disposition, ce n'est pas la motion qui le dit, mais le Conseil d'Etat qui tente de justifier des déclassements au fin fond de la campagne genevoise - qu'il n'y a plus de terrains industriels à disposition.
Ces 20 000 m2 de l'ex-BAT doivent, de toute évidence, être maintenus à des activités industrielles, et j'ose espérer, Mesdames et Messieurs les auteurs de la motion, que ce projet de changement d'affectation n'est pas motivé par les désirs d'une grande entreprise internationale, qui a d'énormes moyens, de valoriser son terrain. On a trop vu d'entreprises, à Genève, qui, une fois parties, veulent encore toucher une plus-value foncière - je donnerai plus d'exemples, en d'autres temps, si cette affaire revient - mais, cela serait particulièrement choquant que cette parcelle soit déclassée pour les besoins de la British American Tobacco Company.
M. Pierre Kunz (R). Je ne veux pas me prononcer sur l'opportunité d'offrir l'ancienne usine BAT à la police pour y construire son centre de formation romand. Il revient, en effet, au Conseil d'Etat de se déterminer sur cette question; il est beaucoup plus capable de le faire que nous ne le sommes et de nous remettre un rapport avec, éventuellement, des alternatives.
Ce que je voudrais surtout dire, c'est qu'il n'est tout simplement pas correct d'affirmer que Genève manque de terrains destinés à l'accueil des industries. Genève a suffisamment de terrains qui existent déjà, avec le statut qu'il faut, ou qu'on pourrait créer, pour accueillir des industries. Et il n'est pas non plus aberrant du tout d'imaginer de mettre un terme, sur une certaine durée, au statut de zone industrielle Acacias-Praille - une zone qui, il y a quelques décennies, voire un demi-siècle, était très éloignée de la ville de Genève, et sur laquelle il serait beaucoup plus intelligent de construire du logement et du tertiaire.
Cette façon de considérer les zones industrielles comme des zones immuables, au même titre que la zone agricole, d'ailleurs, et de ne rien changer du tout, est une aberration intellectuelle et économique à laquelle il faudra bien, un jour, tordre le cou.
Le président. La parole est à M. Barrillier, Monsieur Annen, la liste a été annoncée comme close. Il n'y aura plus que M. le conseiller d'Etat. M. Barrillier renonce, la parole est à M. Laurent Moutinot.
M. Bernard Annen. Monsieur le président, excusez-moi, je suis navré, mais je fais référence à l'article 79A où un député peut, de tout temps, demander le respect du règlement. Nous sommes en procédure de demande de renvoi en commission, donc il y a un député par groupe qui peut s'exprimer là-dessus. J'observe que l'Alliance de gauche s'est exprimée deux fois, j'observe que les radicaux revenus aussi. M. Barrillier a renoncé à cela. Si un député veut s'exprimer sur le renvoi en commission...
Le président. Monsieur le député, il ne s'agit pas de la discussion d'un projet de loi ou de quelque chose qui revient en commission, il s'agit d'une motion qui, forcément, doit aller en commission ou au Conseil d'Etat. Il n'y a pas de renvoi en commission à ce sujet dans la même procédure. Il s'agit d'une motion. M. Renaud Gautier s'était exprimé, alors exprimez-vous rapidement, ça ira plus vite.
M. Bernard Annen. Monsieur le président, je comprends que vous êtes fatigué, c'est vrai que la journée est longue
Le président. Non, je ne suis pas fatigué ! (Manifestation dans la salle.)Mais je pense que, véritablement, vous avez l'art, dans ce Grand Conseil, et notamment vous, Monsieur Annen, de nous faire perdre un peu de temps. Alors, allez-y
M. Bernard Annen (L). Peut-être, Monsieur le président, mais je vous fais observer, très amicalement, que les articles auxquels je fais allusion font partie de la procédure des règles générales de délibération, ça n'a rien à voir avec la motion, ça n'a rien à voir avec tout autre projet, c'est une règle générale de délibération qui s'applique sur l'ensemble des projets. Alors faites comme vous voulez, mais je vous conseille de suivre le règlement, il est là pour ça.
Le président. La parole est à M. Laurent Moutinot. Monsieur Catelain, je vous en prie, ce n'est déjà pas facile comme ça, c'est un héritage de septembre 2002, une époque où je ne présidais pas ce Grand Conseil. (Manifestation dans la salle.) (Rires.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, dans l'affaire de l'aire autoroutière de Bardonnex, vous avez compris que la position du Conseil d'Etat était tout en nuances, et que nous entendions examiner ce problème avec le plus grand soin.
S'agissant de cette motion-ci, le Conseil d'Etat est extrêmement clair: il est légitime et normal que la formation de la police se fasse dans de bonnes conditions et de bons locaux. Encore faut-il, pour cela, qu'un projet entre dans les priorités du département de justice, police et sécurité, et ensuite, qu'il entre dans les priorités de l'Etat, compte tenu de nos moyens budgétaires limités. Dans l'immédiat, ce projet ne remplit pas l'ensemble de ces caractéristiques, ce qui n'empêche qu'il convient, malgré tout et bien entendu, de se soucier de savoir, à terme, quels locaux peuvent être mis à disposition de la police pour la formation.
Sur le deuxième point qui fait débat, le Conseil d'Etat est extrêmement clair, il n'est pas question de placer un tel centre en zone industrielle. Je ne comprends pas, Monsieur Kunz, vous qui êtes membre du conseil de la FTI, comment vous osez affirmer ici qu'il y a des masses de terrains industriels disponibles. C'est inexact, vous savez parfaitement que les terrains actuellement en zone industrielle sont de plus en plus occupés - et nous nous en réjouissons, parce que cela signifie qu'il y a des entreprises industrielles qui se développent, ou qu'il y a des entreprises industrielles qui viennent dans le canton, mais nous ne pouvons pas, aujourd'hui, si nous entendons maintenir le cap d'une économie genevoise diversifiée, sacrifier une partie de la zone industrielle de cette ampleur pour ce projet-ci.
Par conséquent, si vous voulez étudier la problématique de locaux de formation de la police, plutôt que de simplement rejeter cette proposition de motion, envoyez-la devant la commission adéquate pour traiter de ce problème, mais ça n'aura pas lieu à la BAT, et dans l'immédiat, ça n'est malheureusement pas une priorité.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton est adopté.
Débat
M. Jean Rémy Roulet (L). Monsieur le président, j'aimerais que vous fassiez état d'un article de notre règlement qui clôt nos travaux le plus rapidement possible. Vous nous avez dit, il y a quelques secondes, que vous souhaitiez, si possible, que le point que nous traiterions serait le dernier. Je vous conjure de transformer ce «si possible» en une décision définitive, et que nous cessions nos travaux. Nous avons travaillé depuis 8h, ce matin, cela fait onze heures que nous siégeons et je crois que tout le monde n'attend que de retrouver son petit chez-soi.
Le président. Monsieur le député, je suis tout à fait d'accord mais je me fixerai, indépendamment de ce point, une limite, entre 19h15 et 19h30, si jamais les gens voulaient prolonger la discussion sur cette motion.
Mme Anne Mahrer (Ve). Dans cette motion, les signataires demandent tout ce qu'il était possible de faire avec le projet de Chêne-Bougeries. Ils dénoncent, de la part du département, une politique du timbre-poste: exactement celle qu'ils ont mise en pratique à Chêne-Bougeries. Bref, ils ne sont pas à une contradiction près.
J'espère que, dans un bel élan de cohérence, les signataires retireront cette motion.
Quant à nous, nous vous demandons de la refuser. Merci.
M. Rémy Pagani (AdG). J'aurais encore eu quelque considération pour cette motion avant notre débat d'avant l'été, en ce qui concerne le terrain de La Tulette qui visait un déclassement en vue d'y construire plus de 1 000 logements. Malheureusement, nous sommes sortis de ce débat avec un déclassement de 230 logements - et quel type de logements: des logements de luxe !
Je considère que cette motion est quasiment une pantalonnade, parce qu'il y est prétendu qu'il est difficile de trouver des terrains constructibles rapidement. En voici un des considérants: «la nécessité de revitaliser le tissu urbain construit» et, surtout, une des invites au Conseil d'Etat «à proposer toutes mesures de déclassement et/ou d'initier avec les communes concernées les mesures d'aménagement nécessaires, dans le cadre du plan directeur cantonal, en vue de planifier la réalisation de logements et des équipements nécessaires d'ici 2010.»
Mesdames et Messieurs les députés, vous aviez un projet de plus de 1 000 logements, si on prend le terrain de La Tulette, plus les terrains qui avaient déjà été rabotés par le Conseil d'Etat ! Vous aviez l'occasion de concrétiser cette motion que la majorité de ce parlement a refusée !
On peut se payer de mots, toujours. C'est très facile de dire qu'il faut faire des études et inventorier, face aux citoyens qui se disent: «Je vis dans un petit logement de 60 m2, j'ai trois enfants, j'aimerais quand même avoir un logement de 90 m2, ce n'est pas trop demander.» On peut donc se payer de mots en disant: «Ce sont les autres qui organisent la pénurie. C'est la gauche, parce qu'elle était majoritaire au Grand Conseil, c'est la gauche qui a tout bloqué.» Mais, lorsqu'il s'agit, concrètement, de faire des actes de déclassement, et de proposer réellement des logements bon marché pour satisfaire aux besoins de la majorité de la population, il n'y a plus personne.
En effet, et malheureusement, les intérêts de certains privilégiés passent par-dessus les intérêts de la majorité de notre collectivité. Je le regrette, et c'est pour ça que je trouve que c'est une escroquerie intellectuelle que de proposer ce genre de motions. C'est de l'esbrouffe, et je ne vous propose même pas de renvoyer cette motion en commission, mais de la jeter à la poubelle, parce qu'elle ne vaut que ça.
M. Carlo Sommaruga (S). Ce matin, nous avions déjà, à l'ordre du jour, une motion qui était un peu du même acabit. On nous demandait déjà que le Conseil d'Etat produise au Grand Conseil des statistiques et des inventaires. La première invite de cette motion demande que le Conseil d'Etat nous donne la liste des plans localisés de quartier en force et les lieux où il y encore du potentiel à construire.
Le 15 novembre 2002, bon nombre des signataires de cette motion bénéficiaient déjà de l'information qui avait été diffusée par les services du DAEL, lors d'une séance à laquelle j'ai également participé. Ainsi, les différentes associations professionnelles de la construction, les syndicats, les représentants des milieux immobiliers et des locataires savaient exactement quels étaient les plans localisés de quartier qui étaient en force, tout comme ils savaient où il y avait des difficultés. La séance visait à rechercher des solutions pour résoudre ces difficultés. En résumé, le 15 novembre 2002, vous étiez déjà en possession de ces informations. C'est donc effectivement un coup d'épée dans l'eau, et le dépôt de cette motion revient simplement à faire de la propagande politique pour rien, comme ce matin.
J'ai déjà dit, ce matin que l'on ne construit pas de logements en entassant des rapports et des statistiques: il faut déclasser des terrains. On arrive ainsi à la deuxième invite dont la teneur est: «proposer toutes mesures de déclassement et/ou d'en initier avec les communes concernées». Cela a été dit. Il y a eu plusieurs projets de déclassement qui sont arrivés en commission puis en plénière. Vous, de la majorité, à chaque fois, vous avez mis les pieds au mur pour vous opposer à la densification de la zone villa pour la construction de logements. On a parlé d'escroquerie à propos de cette motion: oui, c'est une escroquerie politique qui est en train de se passer.
Vous voulez avoir bonne conscience avec des mots, mais, en réalité, c'est ce que je dénonçais avant l'été, il y a une conspiration des pleutres. Parce que vous, au moment où il faut agir, où il faut déclasser, vous disparaissez tous. Ceux qui défendent la construction et l'immobilier, ceux qui défendent les intérêts immobiliers, au moment où il faut assumer les responsabilités cantonales, pour faire face à la crise du logement, vous disparaissez et on ne vous entend plus, dans cette salle, si ce n'est pour vous cacher derrière une prétendue autonomie communale.
Je vous rappelle que les communes ont des préavis à donner, et que le pouvoir décisionnel appartient à ce canton. Et lorsqu'il faut décider et qu'il faut prendre ses responsabilités, vous n'êtes pas là. Alors naturellement, M. Barrillier, radical, viendra faire une grande théorie sur la nécessité de déclasser, sur la nécessité de concertation, etc. Mais au moment où il faut décider, Monsieur Barrillier, où êtes-vous ?
M. Gabriel Barrillier. Ici !
M. Carlo Sommaruga. Pour assumer les décisions, vous n'êtes jamais là, Monsieur Barrillier. Vous n'êtes pas là avec les radicaux, et vous n'êtes pas là avec l'Entente. Et c'est ça, le problème.
Par conséquent, et comme cela a été demandé par les Verts, je vous demande aussi de retirer, par décence, par cohérence et par respect des citoyennes et citoyens de ce canton, cette motion, qui n'est qu'un bout de torchon. Merci. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Je vois que le débat s'échauffe un peu, lorsqu'on parle de logement. J'aimerais rappeler deux ou trois choses.
La première, c'est que cette motion fait partie d'un paquet de motions que nous avions déposées - il y en a, sauf erreur, quatre. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Il y en a une qui demande de faire un inventaire des possibilités de construction, de densification des combles; une qui demande de faire un inventaire des possibilités d'utiliser des arpents de zone agricole, qui sont contigus de zones à bâtir. Bref, il y a une volonté, de la part des motionnaires, de demander qu'on fasse enfin ce type d'inventaires pour avoir une vision globale de tous les endroits où l'on peut construire. Cela c'est la première chose. Donc il n'y a pas que cette motion, il y en a plusieurs autres.
Ensuite, les PLQ et l'inventaire des PLQ. Oui, Monsieur Sommaruga, nous avons eu des séances. Je le confirme. Le problème, c'est qu'il ne s'est rien passé. Il ne s'est rien passé. (L'orateur est interpellé.)Mais pas du tout ! (Le président agite la cloche.)On a eu des inventaires, mais ces inventaires n'étaient pas tout à fait définitifs, et ensuite, il ne s'est rien passé. Donc moi j'aimerais qu'ensuite il y ait une volonté de débloquer ces PLQ. Ces inventaires sont utiles, mais encore faut-il les utiliser.
Quant à la politique de déclassement, nous avons pris une décision sur la Gradelle. On ne va pas refaire le débat ici, puisqu'il y avait une procédure de plan d'aménagement concertée. Moi j'appelle de mes voeux ce type de procédure de concertation à d'autres endroits. Et je souhaite que la volonté des communes soit prise en compte.
Chers collègues, nous avons pris une décision sur la parcelle de Caillat. J'ai voté le déclassement. Et Dieu sait si on s'est fait sonner les cloches par la commune de Meyrin. Et vous avez vu quelle a été la réaction de cette commune, suite à la décision du Grand Conseil. Ne venez donc pas nous dire qu'on ne fait rien, qu'on ne tient pas compte de la volonté des communes. Il est extrêmement difficile de déclasser, puisque, quelque décision que nous prenions, on se heurte à un certain nombre d'oppositions, notamment celle des communes. Je le constate.
Les propositions que nous faisons sont évidemment des propositions d'inventaire. Mais gouverner, c'est prévoir et nous parlons de l'horizon 2010. Ne venez donc pas nous dire que c'est de l'esbrouffe et reconnaissez que nous avons le courage - en tout cas en ce qui me concerne - de prendre des décisions. Parce que j'étais là pour la votation sur Meyrin et j'ai voté le déclassement. Alors ne venez pas nous dire que l'on n'a pas le courage de nos décisions !
M. René Koechlin (L). Chaque fois qu'on parle de déclassement, de construire des logements et que l'on aborde ce type de questions, M. Pagani, M. Sommaruga se mettent à rêver à haute voix. Ce sont de doux rêveurs. Ils répondent «il suffit de déclasser, il suffit de déclasser et vous vous opposez au déclassement !» Je l'ai déjà dit, je le répète, ce genre de discours revient à dire à un affamé qui demande du pain, «il suffit de semer du blé.» (L'orateur est interpellé.)Oui. On ne répète pas la messe aux ânes ? Malheureusement, il faut bien que je le fasse dans le cas particulier.
Cela ne sert à rien de déclasser sans l'accord des communes, sans l'aval des propriétaires et sans la collaboration des constructeurs, car, dans ce cas on ne construit rien. On peut déclasser des hectares de terrain, mais ça n'est qu'un coup d'épée dans l'eau. Il y a des dizaines d'hectares, en zone de développement, qui, aujourd'hui, ne sont pas construits. Il y en a un certain nombre, qui font l'objet d'un plan localisé de quartier, qu'on ne réalise pas.
Ce que nous demandons, à travers cette motion, c'est de savoir le pourquoi de la non-réalisation de maints plans localisés de quartier. Pourquoi tant de ces plans demeurent en attente dans une surface importante du territoire qui est déjà en zone de développement ? C'est ce que nous demandons au Conseil d'Etat. C'est le but de cette motion. On peut la mettre à la poubelle, naturellement, comme le suggère M. Pagani. Car dès que l'on demande de faire quelque chose de positif en matière d'aménagement, parce que ça vient de nous, M. Pagani propose qu'on le jette à la poubelle.
Ce que je demande, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'on examine cette motion sereinement en commission d'aménagement, et qu'on l'y renvoie, Monsieur le président. C'est la raison pour laquelle on devrait, maintenant, orienter le débat sur le renvoi en commission.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Décidément, tous les débats concernant l'aménagement du territoire me donnent l'occasion de me chamailler avec M. Pagani. C'est triste, Monsieur Pagani. Parce qu'une nouvelle fois je me dois de dénoncer, au nom du groupe démocrate-chrétien, votre extrême mauvaise foi. Je vous en avais déjà fait le reproche avant l'été, au moment du débat sur Pré-Babel, et vous réitérez une telle attitude ce soir.
Vous affirmez, Monsieur Pagani, faussement, une nouvelle fois, que nous avons empêché le déclassement, et donc la construction, de mille logements au Pré-Babel. C'est totalement erroné, et vous le savez parfaitement. Au contraire, Monsieur Pagani, au contraire. (L'orateur est interpellé.)Monsieur Pagani, laissez-moi terminer. Je vous rappelle que nous avons non seulement pris l'engagement, mais que nous l'avons voté, de renvoyer la deuxième partie du projet de loi qui prévoit le déclassement total de l'ensemble du périmètre Pré-Babel. Les 230 ou 240 logements ne sont qu'une première étape. Une première étape réussie, parce que justement, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous sommes concertés avec la commune. La commune a donné son accord, après bien des discussions, je vous le concède, mais elle a donné son accord. Alors cessez de nous faire des procès de mauvaises intentions, Monsieur Pagani, s'il vous plaît.
Quant à l'attitude que vous prônez. Les décisions à prendre ! On a vu le résultat. La dernière fois, le groupe démocrate-chrétien, a souhaité, suite à l'intervention de la commune de Meyrin, le renvoi en commission du projet Caillat - qui a, pour finir, été voté, comme l'a rappelé M. Barrillier. On voit le résultat: il se passe, quelques semaines après, exactement ce que nous craignions, à savoir un blocage total de la situation. En effet, la commune de Meyrin, durant l'été, dans les jours qui ont suivi notre vote, a déjà fait un recours. Vous le savez, parce que nous en avons parlé mercredi dernier en commission d'aménagement. Par conséquent tout est bloqué. Et non seulement tout est bloqué mais on a très fortement indisposé la commune de Meyrin, et il sera désormais très difficile de négocier avec elle le déclassement, ô combien plus important, de la parcelle dite des Vergers. Et vous le savez également, Monsieur Pagani. Voilà le résultat de votre politique. Voilà le résultat de la politique que vous avez menée toute la législature précédente et voilà ce que ça donne... (Exclamations.)...nous manquons de logements, à Genève, et c'est de votre faute.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, cessez de nous faire la leçon, laissez-nous débattre et discuter des quatre projets de motion, que nous devrions débattre, d'ailleurs, ensemble, et non pas les unes après les autres, pour que le débat soit complet. Nous avons encore des tas de choses à vous dire, des responsabilités à prendre que nous souhaitons prendre, notamment en matière de zone agricole, que vous n'avez jamais osé prendre. Vous savez très bien, nous sommes prêts à vous faire des propositions à ce sujet. (Applaudissements.)
Le président. Je rappelle aux orateurs qu'ils s'adressent à l'assemblée ou au président.
M. John Dupraz (R). Ce départ est un éternel recommencement, et je dois dire que M. Sommaruga et M. Pagani ne manquent pas de culot.
Je voudrais tout de même rappeler quelques événements. Tout d'abord, alors jeune député à la commission des pétitions, tous les mois nous recevions M. Pagani et Mme Beffa, qui étaient membres de toutes les associations de quartier de la ville et qui s'opposaient à tous les plans localisés de quartier. Alors, Monsieur Pagani, quand vous venez nous faire la leçon, il faut vous prendre par le bout du nez, parce que le premier opposant aux constructions dans cette ville de Genève, et dans cette République, c'est vous-même.
Monsieur Sommaruga, vous êtes bien gentil. Mais je vous rappellerai qu'à Meyrin, notamment, il y avait un projet qui faisait l'unanimité sur le terrain dit de la Gravière. Qui est-ce qui s'y est opposé et qui a lancé le référendum ? C'est un socialiste, M. Pachoud, pour ne pas le nommer. Alors, vous comprenez, dans les problèmes de construction de logements, nous portons tous notre responsabilité. Et de dire «c'est la faute de la droite, nous, on est des saints, nous, on est des bons types, nous, on veut des logements», ça me fait doucement sourire. Les communaux d'Ambilly, depuis le temps qu'on en parle. Et alors ? Eh bien, oui, j'attends.
Mesdames et Messieurs les députés, il y a aussi des sites, en ville de Genève, que l'on pourrait construire. Est-ce que vous pensez qu'il est judicieux de maintenir un dépôt d'autobus à la Jonction, lieu idéal pour la construction de logements. C'est complètement absurde de maintenir des autobus, dans un quartier qui serait approprié pour le logement.
Parlons du site d'Artamis, ce scandale. C'est la gauche qui bloque, c'est la Ville de Genève. C'est pas nous. Alors prenez-vous par le bout du nez, Mesdames et Messieurs les députés de gauche. De vos leçons, nous en avons marre et plus qu'assez. Je vous cite encore un exemple de blocage, qui a été cité ce matin. L'école de Bardonnex, de Compesières. Qui est l'instigateur de l'opposition...?
Une voix. Celle-là c'est la meilleure !
M. John Dupraz. Un nommé Marcelin Barthassat, le seul Barthassat de la République qui ne vaut rien... (Exclamations. Huées.)...qui est plus à gauche qu'à droite. Nous n'avons pas à recevoir de leçons de votre part, vous êtes autant, sinon plus, responsables que les autres. Nous en avons marre de vos discours et nous voterons cette motion
Le président. Je prie les députés, par simple correction, de ne pas citer des noms de personnes qui ne sont pas dans cette assemblée.
M. Rémy Pagani (AdG). Je constate une fois de plus que M. Dupraz fait fi des droits des citoyens de pouvoir s'exprimer dans ce canton... (Rires. Exclamations.)...et de pouvoir agir en connaissance de cause. Cela étant, Monsieur John Dupraz, vous feriez bien de revoir vos classiques, parce que... (L'orateur est interpellé.)...en l'occurrence, vous vous êtes adressé à moi pour que j'en fasse de même. Cela étant, Monsieur John Dupraz, je vous citerai deux exemples, parce qu'il y en a une multitude.
Vous le dites, à très juste titre, que j'ai été un des fervents opposants à tout ce qui se construisait dans les années septante en ville. Et pour cause, car il s'agissait de construire la ville en ville. Et je revendique encore d'avoir participé à faire en sorte que le quartier des Grottes, par exemple, soit un quartier où il fait encore bon vivre et où on trouve encore des logements bon marché. Il en est de même pour le quartier de la Terrassière, aujourd'hui. Nous avons effectivement fait des référendums pour changer les plans localisés de quartier et j'en suis très fier. Aujourd'hui, cela fait partie du patrimoine. Les citoyens de notre République peuvent encore vivre et habiter au centre-ville, à la différence de la cité des banques, où il n'y a plus un seul logement - d'ailleurs, vous vous en plaignez autant que nous. De ce point de vue, à savoir celui de l'aménagement urbain, vous n'avez aucune leçon à me donner.
Venons-en à la politique suburbaine ou de la couronne urbaine. Contrairement à vous, Monsieur John Dupraz, je suis pour laisser la ville se développer. En l'occurrence, le terrain de Frontenex-La Tulette, près de la Gradelle, fait partie intégrante de la zone de la couronne urbaine que l'on doit développer. On doit donner des signes - on ne va pas refaire le débat d'avant l'été - on doit donner des signes politiques importants pour dire «oui, c'est là que nous voulons développer la ville.» Nous voulons que nos concitoyens s'associent à cette procédure, à cette problématique, parce que, là-bas, il y a des capacités constructibles, là-bas, il y a des capacités de transports collectifs très importantes.
C'était un terrain idéal, Monsieur John Dupraz. Ne venez pas nous dire le contraire. Vous le savez très bien. Vous avez décidé autre chose, Monsieur Portier. Vous avez décidé de privilégier 240 logements, cela veut dire, peut-être, 300 ou 400 nouveaux habitants, qui vont, et c'est bien naturel, user de leur droit d'opposition pour empêcher la densification de ce terrain. Vous le savez très bien et vous n'avez pas non plus de leçons à me donner à ce propos. Je sais très bien comment ils pourront agir pour empêcher toute densification sur ces terrains. Je le redis, vous avez introduit un cheval de Troie sur ce terrain, pour empêcher la construction de mille logements, à terme. Et lorsque je parle de terme, je ne parle pas de six mois ou une année mais dix ans. C'est pour cela que nous vous critiquons, s'il faut donner des exemples concrets.
J'étais naïf, je pensais que des statistiques... (L'orateur est interpellé.)...oui, ça m'arrive encore de temps en temps. Je pensais que le fait de se mettre autour d'une table et d'analyser les choses telles qu'elles se pratiquent - on en a fait l'exercice à la commission d'aménagement ou à la commission des travaux - en ce qui concerne les procédures. En effet, tout le monde critiquait la lenteur des procédures. Le département a fait un gros effort, et j'en remercie l'administration, pour nous montrer une enquête sur le rythme des procédures. Monsieur Koechlin, vous en êtes témoin, il nous a été montré, dossiers à l'appui, que les procédures n'étaient pas si longues que ça. Au maximum elles duraient deux ans, et ce lorsqu'il n'y avait pas d'accords. Nous en avons conclu que l'administration faisait bien son travail. Malheureusement, quand on se retrouve en plénière ou dans des débats publics... (Gros coup de tonnerre. Exclamations.)Contrairement à ce que je pensais, on a trouvé n'importe quel prétexte pour dire «oui mais, ce ne sont pas les bons dossiers, l'administration n'a pas fait ce qu'il fallait.» On est ainsi restés convaincus de ce dont on était convaincus au départ. C'est pour ça que je trouve que c'est, quelque part, se foutre de la gueule du monde. Pardonnez-moi l'expression !
Il faut appeler un chat, un chat: proposer des enquêtes et des études, en l'occurrence, vous avez eu recours à la même procédure en commission du logement. On a donné une statistique sur l'ensemble des PLQ du canton qui pourraient être urbanisés. En fait, tout ça, ce sont des tigres de papier qui servent à montrer aux gens qu'on fait quelque chose. Toutefois, concrètement, quand il s'agit de prendre des mesures, de montrer, parce que c'est notre rôle de parlementaires, dans quelle direction on va, il n'y a plus personne. En tout cas la majorité de ce parlement n'assume pas ses responsabilités, Monsieur Portier, et je maintiens: vous n'assumez pas vos responsabilités, qui sont de défendre les intérêts de la majorité des habitants de ce canton.
M. Carlo Sommaruga (S). Tout à l'heure, un député radical disait «gouverner, c'est prévoir». Je remarque qu'à part quatre ans pendant lesquels il y a eu, dans ce Grand Conseil, une majorité de gauche... (L'orateur est interpellé.)...non, les déclassements relèvent de la compétence de ce Grand Conseil. L'on n'a pas assisté à une politique de déclassement. Une telle politique entamée il y a vingt ou trente ans permettrait, aujourd'hui, de disposer des terrains suffisants pour construire et répondre aux besoins actuels. Qu'on ne vienne donc pas, aujourd'hui, nous faire la leçon sur les carences que vous, Mesdames et Messieurs de l'Entente, avez commises pendant ces deux voire ces trois dernières décennies. (L'orateur est interpellé.)
Cela dit, je ne peux pas laisser passer les déclarations de M. Portier. Il est faux de prétendre que, lors du débat que nous avons eu sur La Tulette/Frontenex, vous avez accepté de renvoyer le tout et de revenir sur le tout ou sur le solde. Vous savez pertinemment que, sur un cent pour cent de départ, ce qui est aujourd'hui renvoyé en commission, c'est l'équivalent du cinquante pour cent. Vous avez bradé un vingt-cinq pour cent de la zone pour une densification de très bas indice. C'est exactement ce qui s'est passé là et c'est ce qui va arriver ailleurs.
Aujourd'hui, Monsieur Portier, soit on siège dans un conseil municipal et on défend les intérêts locaux - qui peuvent être contradictoires avec ceux du canton, ou bien on siège dans l'enceinte cantonale, et on assume des responsabilités cantonales. Il est possible que les décisions de notre parlement n'auront pas un effet immédiat. Elles peuvent avoir un effet dans deux, trois, cinq ou six ans. C'est donc une prévision qu'il faut faire pour l'avenir. Il y a ici des déclassements qui sont immédiats, d'autres qui sont pour l'avenir.
Parlons un peu des Communaux d'Ambilly. Sauf erreur de ma part, lors des dernières élections municipales, les candidats de l'Entente figuraient, pour l'exécutif, sur une liste qui s'appelait «Sauvegardons les communaux d'Ambilly». Alors quoi ? On vient aujourd'hui, au niveau cantonal, nous dire qu'il faut faire quelque chose aux Communaux d'Ambilly, alors que, finalement, on n'arrive pas à maîtriser ses propres troupes sur le terrain. Nous avons chacun une pierre dans le jardin, ici ou là, dans notre propre parti. Cependant, en ce qui concerne les Communaux d'Ambilly, nous attendons, tous, que tout le monde se mobilise pour qu'on puisse procéder rapidement à d'autres densifications, car on ne peut pas concentrer l'effort cantonal uniquement sur cette zone.
Le problème de cette motion, ça n'est pas de dire «il faut favoriser les Communaux d'Ambilly» ni de dire qu'il faut déclasser. Le problème de cette motion, c'est qu'elle demande d'initier un certain nombre de procédures. Or je rappelle que le Conseil d'Etat a déjà lancé deux trains de déclassement qui sont en consultation, alors que vous demandez que le Conseil d'Etat les lance. Voici l'opportunisme politique qu'il y a derrière cette motion. Et voici ce que, nous, socialistes, dénonçons.
En ce qui concerne les PLQ et leur inventaire, je rappelle que la liste en a déjà été donnée et que les difficultés liées à ces PLQ ont été cernées.
Pourquoi n'ont-ils pas été réalisés ? Peut-être parce qu'il y a une ville à acheter, peut-être parce qu'il y a des servitudes croisées qu'il faut encore racheter pour pouvoir construire, peut-être qu'il y a même des contrats d'architectes qui bloquent la densification ou le projet qu'une fondation de droit public pourrait avoir sur tel ou tel périmètre.
Il y a donc derrière cette motion, le double discours: des mots qui ne sont pas suivis par des actes. Lorsqu'il faut passer aux actes, il n'y a plus personne, plus rien. C'est cela que nous dénonçons et nous vous invitons donc à rejeter la motion.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Cette motion demande deux choses. Faire l'inventaire des sites urbains et périurbains faisant l'objet de PLQ. L'inventaire est fait, il est tenu à jour et il est communiqué systématiquement aux milieux intéressés de la construction, syndicats et patrons, et des milieux immobiliers, propriétaires et locataires.
Quand vous dites, Monsieur Barrillier, que rien n'est fait, c'est que, apparemment, vous avez quelque peine à convaincre certains qui ont des droits à bâtir dans ces plans localisés de quartier de les mettre en oeuvre. Vous me demandez de faire cela, c'est fait, et vous le savez tous.
La deuxième chose est plus étonnante, c'est de prendre des mesures de déclassement. Vous êtes signataire de cette motion, Monsieur Koechlin, et vous venez d'expliquer que les déclassements ne servaient à rien. Dois-je suivre ce que vous proposez dans la motion ou ce que avez déclaré ? Peu importe, les trains de déclassement sont en route. Vous en avez un certain nombre qui sont ici, vous en avez d'autres qui sont à l'enquête publique. Les derniers, conformément au plan directeur cantonal, viendront dans les mois qui viennent.
Maintenant, cette motion est l'occasion de vous dire qu'on dit quelquefois que les politiques ne sont pas représentatifs de la population. Mais vous êtes, Mesdames et Messieurs les députés, tous extrêmement représentatifs de la population, parce que vous voulez tous résoudre la pénurie de logements sans construire un seul immeuble. (Applaudissements.)
Le président. Je mets aux voix la prise en considération de cette motion et son renvoi à la commission de l'aménagement par vote électronique. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton est adopté par 39 oui contre 34 non.
La séance est levée à 19h10.