Séance du vendredi 16 mai 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 8e session - 49e séance

M 1543
Proposition de motion de MM. Jacques Pagan, André Reymond, Georges Letellier, Yvan Galeotto, Robert Iselin, Jacques Baud : Manifestation anti-G8: responsabilité civile et pénale des organisateurs

Débat

Le président. Je souhaite que le débat reste digne et posé pour tout le monde.

M. Jacques Pagan (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas question pour nous de créer un climat d'agitation quel qu'il soit et j'aimerais profiter de ce moment de calme et de dignité pour préciser notre philosophie politique générale: nous trouvons normal que des personnes veuillent manifester, les thèmes à aborder sont importants suscitant un intérêt certain - nous éprouvons, dans nos rangs, une certaine sympathie à l'égard de ces thèmes - mais le problème est de savoir ce qu'on peut faire pour éviter tous les débordements qui risquent objectivement d'accompagner la manifestation.

C'est le souci de notre motion 1543, déposée en même temps que les textes dont nous avons parlé samedi dernier - je rappelle qu'il y avait la motion 1535, «Proposition de motion sur l'accueil des manifestant-e-s à Genève à l'occasion du sommet du G8 et pour une Genève, Ville de paix»; il y avait une proposition de motion 1542 «sur la stratégie d'engagement des forces de l'ordre lors des manifestations d'opposition au G8»; il y avait la proposition de résolution «pour une attitude responsable des élus genevois dans le cadre du G8 d'Evian et sur la mise en place d'observateurs/trices parlementaires lors des manifestations autour du G8»; et il y avait enfin un projet de loi qui a été renvoyé en commission.

Samedi passé, nous nous sommes déclarés opposés à ces différentes motions et dans le cadre de notre prise de position en huit points, nous avions indiqué quelle était déjà, dans les grandes lignes, cette motion 1543 sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer.

Cette motion porte le titre «Manifestation anti-G8: responsabilité civile et pénale des organisateurs». Il est clair, en vertu du principe de précaution, que nous devons agir de manière préventive ou en tout cas inviter le gouvernement à faire de la sorte: nous nous sommes permis, dans le cadre de ce texte que vous avez sous les yeux, d'inviter le Conseil d'Etat à «exiger, aux frais des organisateurs, une étude d'impact en préalable à tout octroi d'autorisation, ensuite, à exiger des organisateurs qu'ils concluent des polices d'assurance prévoyant une couverture conforme à l'ampleur de leur obligation de réparation civile, encore, de leur obligation de mettre sur pied, à leurs frais, un service d'ordre idoine. Il y a encore deux autres invites: à s'engager à poursuivre, pénalement et civilement, tout responsable, individuel ou solidaire, de tout dommage constaté et enfin, à informer régulièrement le Grand Conseil des démarches qui seront entreprises par l'Etat dans le cadre du recouvrement de son propre dommage, consécutivement aux actes illicites commis dans le cadre des manifestations anti-G8».

Je remercie la majorité de ce Grand Conseil d'avoir accepté l'urgence, parce que nous sommes à seize jours de cette manifestation dont nous espérons qu'elle se passera sans heurts. Il faut malheureusement prendre en compte les risques inhérents à un déferlement de personnes - encore aujourd'hui, Mme la conseillère d'Etat chargée du département de justice et de sécurité nous disait qu'on évalue le nombre de manifestants à plus ou moins 100 000.

Il est clair qu'il peut y avoir des débordements, la masse est quelque chose qu'il est horriblement difficile à maîtriser et qui ne se maîtrise pas d'elle-même. C'est pour cela que nous nous sommes permis d'attirer l'attention du Conseil d'Etat sur ces précautions préalables, pour nous indispensables à titre de garantie, avant d'être à même de délivrer l'autorisation de manifester.

Nous vous demandons de bien vouloir réserver un accueil favorable à cette motion, comme je l'ai dit, il ne s'agit pas ici d'interdire la manifestation, il s'agit uniquement de faire en sorte que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions. C'est pour cela que nous sommes heureux de pouvoir recueillir la prise de position du pouvoir exécutif, qui a la très lourde responsabilité de la mise en place d'un système de sécurité.

M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes repartis pour un tour sur cette question du G8 - j'espère qu'il sera un peu plus bref que celui de samedi matin.

Bien que cette motion UDC pose une bonne question, à mon sens elle y répond mal: il s'agit de la responsabilité des organisateurs et des participants et de l'Etat dans le cadre de cette manifestation anti-G8, prévue le 1er juin.

On parle des organisateurs et on nous prédit «l'arrivée imminente de 300 000 manifestants anti-G8 qui déferleront sur Genève à l'invitation d'organisateurs genevois et confédérés notamment». Je sais que M. Pagan nous témoigne une grande estime, mais que la gauche genevoise soit capable de convoquer une manifestation composée de 300 000 personnes... excusez-nous, mais: on aimerait bien ! Il est évident qu'en l'espèce une manifestation de cette importance ne peut être convoquée que par un mouvement large et européen, voire mondial, qui est le mouvement social européen, qui, en l'occurrence, et c'est avéré, est l'organisateur de cette manifestation. Je rappelle que le choix de Genève a été fait par ce mouvement social européen lors de sa réunion, il y a quelques mois, à Florence. Dès lors, les Genevois qui prennent part à l'accueil de cette mobilisation ne le font que dans ce cadre-ci, ils n'ont pas eux-mêmes invité les gens à venir à Genève.

On parlait de la responsabilité. Nous sommes d'accord avec cette idée. Mais jusqu'où ? Jusqu'au bout, vous avez raison. Cependant, quel droit s'exerce lors de ce cortège ? Il s'agit du droit individuel à manifester et à s'exprimer librement. A ce titre, les gens qui y participent le font dans le cadre d'une responsabilité individuelle avant tout. Le droit individuel - aussi constitutionnel - au libre choix du mode de transport, à la liberté de circuler, est également un droit que vos partis appellent fréquemment à utiliser dans le cadre du débat politique. Vos partis développent et argumentent auprès de la population pour dire, finalement: «Prenez vos voitures». Mais est-ce que l'on peut alors dire que vous pourrez être solidaires de ces chauffeurs qui commettent des accidents parce qu'ils sont en état d'ébriété... (Exclamations.)...ou parce qu'ils conduisent de manière imbécile pour autant ? Evidemment que non ! Il s'agit d'un droit individuel qui s'exerce avec une responsabilité individuelle. Il en est de même pour le stade de foot: le stade de Genève accueille un match de foot important avec des équipes...

Le président. Messieurs les députés, un peu de calme, s'il vous plaît !

M. Antonio Hodgers. On connaît la tradition chez certains supporters de ces équipes - heureusement ce n'est pas l'habitude des équipes suisses, mais plutôt celle de quelques équipes étrangères. Ainsi, à l'issue du match que ces gens perdent, une bande de hooligans se déchaîne et démolit une bonne part d'un quartier de Genève. (Brouhaha.)Est-ce que la responsabilité de l'organisateur ou du président de la Fondation du stade de Genève serait-elle engagée à ce niveau-là ? Je n'en suis pas sûr, parce qu'à chaque fois il est évident que des gens responsables proposent un cadre strict et limité, et que des gens irresponsables en profitent pour commettre des débordements.

Ici, on est dans ce cas de figure: aujourd'hui, les organisateurs genevois, en collaboration avec la police, sont en train de prévoir un cadre clair et précis pour la manifestation du 1er juin. Ce cadre contiendra un service d'organisation qu'on peut appeler «service d'ordre interne», qui est présent afin de baliser le cortège de la manifestation et l'accompagner pour que tout se déroule pour le mieux. Il n'est pas exclu, nous en sommes parfaitement conscients, que des gens utilisent cet événement pour commettre des actes répréhensibles par la loi et que nous condamnons aussi politiquement. Ces personnes n'engageront que leur responsabilité.

Encore un mot sur le troisième considérant, parce que la motion évoque l'exemple de Gênes, et je trouve particulièrement insultant à l'égard de nos institutions et de la police genevoise que vous utilisiez cet exemple, car les enquêtes tant parlementaires que journalistiques qui ont été effectuées sur Gênes démontrent que les débordements ont été largement orchestrés avec la collaboration de la police de cette ville. (Manifestation dans la salle.)Aujourd'hui, il y a plus d'une dizaine de personnes - jusqu'à des officiers de la police gênoise - qui sont inculpées pour avoir organisé les émeutes et je trouve insultant que vous puissiez songer que ce qui s'est passé à Gênes puisse se reproduire à Genève. Il n'y a pas de groupes néo-fasciste dans les rangs de la police genevoise. J'espère que ceci est clair pour vous, car sinon je commencerai vraiment à avoir peur.

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien accepte cette motion, qui complète utilement le dispositif de motions que nous avons adopté samedi dernier. En effet, elle rappelle de façon opportune les responsabilités qui incombent aux organisateurs des manifestations. Toutefois, le parti démocrate-chrétien, en compagnie du parti radical, souhaite apporter un amendement qui vise à supprimer les deux premières invites de cette motion.

En effet, la première invite exige, aux frais des organisateurs, une étude d'impact, en préalable à tout octroi d'autorisation. Or, il faut le souligner, à dix jours des rassemblements, à quinze jours de la manifestation prévue, il est évident qu'une étude d'impact est impossible à réaliser. Par conséquent, pour des motifs pratiques et chronologiques, cette première invite doit tomber. De surcroît, même si nous pouvions souhaiter qu'une étude d'impact soit effectuée avant une manifestation, celle-ci s'avèrerait impossible, puisqu'il s'agit d'un problème éminemment subjectif car il est impossible de savoir à l'avance si une manifestation donnera lieu à des dégâts. C'est la raison pour laquelle la décision de l'étude d'impact relève de la pure subjectivité, ne s'appuyant sur aucune analyse concrète. En outre, comme vous le savez, les assureurs et les personnes qui sont préposées aux analyses prévisionnelles s'appuient sur le calcul des probabilités, qui ne peut pas être exercé en l'occurrence: comme il y a très peu de manifestations en Suisse, nous ne pouvons pas nous appuyer sur un nombre d'événements statistiques suffisants pour tirer des conclusions. Nous souhaitons par conséquent que cette première invite soit supprimée.

Quant à la deuxième invite, elle engage les organisateurs à conclure des polices d'assurance pour prévoir une couverture conforme à l'ampleur de leur obligation de réparation civile, en sus de leur obligation de mettre sur pied, à leurs frais, un service d'ordre idoine. Nous sommes d'accord pour qu'il y ait un service d'ordre, mais en ce qui concerne les assurances, nous ne disposons d'aucune compagnie, en Suisse, qui soit capable d'assurer des problèmes liés à des événements de ce genre. Il y a plusieurs assureurs, dans cette salle, qui pourront vous le confirmer. Dès lors, je ne vois pas comment on peut exiger une couverture d'assurance de la part des organisateurs de manifestations. La seule assurance qui en serait capable est la Lloyds, qui est à Londres, et cela me semble pour le moins surprenant de recourir à une compagnie anglaise pour couvrir des manifestations en Suisse. Il existe encore le MIGA, au sein de la Banque mondiale, mais je crois que le fait d'assurer des risques et les dégâts ayant des origines politiques ne fait pas partie de ses objets.

Une voix. Le MIGA ?

M. Guy Mettan. Cela s'appelle le MIGA, oui, je peux vous en parler tout à l'heure, cher ami. Etant donné ces circonstances, je vous invite à accepter cette motion mais sans les deux premières invites.

M. Christian Brunier (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, M. Pagan nous a presque touchés. Le seul problème, c'est que la sincérité ne se décrète pas, elle se démontre. M. Pagan nous dit que l'UDC est soucieuse de répondre aux questions que les Genevoises et les Genevois se posent et qu'il faut parler du G8 durant cette session. C'est quand même étonnant, puisque nous avons fait une session spéciale G8 tout un samedi, pendant laquelle l'UDC s'est opposée à tout, refusant la motion sur l'accueil, la motion sur la sécurité, la résolution permettant d'avoir une observation parlementaire, refusant au fond de permettre au gouvernement de répondre aux questions que les Genevoises et les Genevois se posent sur ce G8.

Lorsqu'on lit l'exposé des motifs, on comprend rapidement de qui vient ce projet et où il veut en venir. L'exposé des motifs mentionne «la convocation de la manifestation». Monsieur Pagan, je suis désolé, mais, à part les dictatures, qui convoquent des fausses manifestations, des rassemblements non spontanés - Saddam Hussein l'a démontré plusieurs fois - à Genève, heureusement, les manifestations... (Brouhaha. Exclamations.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. Christian Brunier. ...à Genève, les manifestations, fort heureusement, ne se convoquent pas, ce sont des rassemblements pluralistes, spontanés, ce que je considère comme sain pour la démocratie. (Exclamations.)Monsieur le président, s'il vous plaît...

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en séance plénière du Grand Conseil, veuillez écouter l'orateur, on clôturera la liste dans un moment, et on parlera des amendements. Je vous signale qu'il y a un amendement pour supprimer les deux premières invites, et un amendement pour supprimer les deux dernières. (Rires.)

M. Christian Brunier. Monsieur le président, vous avez annoncé l'amendement que je voulais annoncer, c'est vrai que nous soutiendrons l'amendement du PDC, qui va dans le sens positif, et nous avons d'ailleurs travaillé avec les PDC, soucieux de pouvoir amener un peu de calme et de sérénité au niveau de ce canton, lors de la dernière session. Nous proposons aussi de supprimer les invites 3 et 4, car elles ne résolvent aucun problème lié à l'organisation de ce G8. Il est évident, Messieurs de l'UDC, que demander une étude d'impact par rapport à un événement dont on ne connaît pas grand-chose, selon la ministre de la justice et de la police, deux semaines avant le début de cet événement, je crois que c'est totalement démagogique, vous en conviendrez, mais ceci correspond bien à ce que vous vouliez faire ce soir. Par ailleurs, M. Hodgers a fait une très bonne démonstration sur la responsabilité des organisateurs de manifestations, qu'on peut vraiment comparer aux matchs de football... (Exclamations.)M. Luscher n'a peut-être pas l'habitude d'avoir beaucoup de supporters... (Rires. Exclamations.)Nous ne donnons pas de billets gratuits pour la manifestation... (Rires. Applaudissements.)L'exemple du match de football est tout à fait éloquent, je crois que si demain il y avait des hooligans au Servette, ce qu'on ne souhaite absolument pas, ce serait dommage que M. Luscher se retrouve en prison, au lieu des casseurs qui seraient dans son stade. (Rires. Applaudissements.)Vous le voyez, votre motion amène au moins la bonne humeur, il faut dire qu'elle n'est pas très sérieuse. Par conséquent, nous vous proposons d'adopter nos amendements, à savoir la suppression des invites 3 et 4, et de soutenir les amendements du PDC... (Rires.)...c'est-à-dire la suppression des invites 1 et 2. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous avons deux urgences, ce soir, celle-ci n'est que la première, la liste est clôturée, c'est fini. Il ne faut pas me dire ensuite que Chêne-Bougeries est une urgence. (Exclamations. Brouhaha.)Vous pouvez vous amuser, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voté une urgence pour Chêne-Bougeries, je n'y étais personnellement pas favorable, nous la voterons, mais la séance est levée à 23h, vous en ferez ce que vous voudrez. M. le député Pagani...

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons pas passer des heures sur cette motion (Rires.)...puisqu'il y un autre sujet qui doit être voté, quoi qu'il advienne. Cela étant, et je serai rapide, je crois que cette motion, bien qu'elle soit prise à la légère, constitue un pas supplémentaire dans le processus sécuritaire auquel on assiste ces derniers jours, et je le déplore. Comme nous l'avons fait samedi matin, nous allons dire encore une fois ce que nous ferons dans cette manifestation, ce que les organisateurs se sont engagés à faire et, en fonction de cela, chacun prendra ses responsabilités.

Tout d'abord, au niveau du service d'ordre, il a été décidé...

Le président. Monsieur Gros et Monsieur Brunier, écoutez M. Pagani ou allez à la buvette ! Ils vont à la buvette...

M. Rémy Pagani. Je lis le texte des organisateurs: «Nous sommes opposés à toute atteinte aux personnes et aux biens, autant lors de la manifestation que lors d'actions de blocage». Un service d'ordre de 5 000 personnes sera organisé, des bandeaux, qui désigneront ces 5 000 personnes, seront distribués, pour appliquer les consignes lors de cette manifestation et lors des blocages qui auront lieu ensuite, comme cela a été expliqué dans les journaux aujourd'hui. Il est évident que l'ensemble des participants seront rendus attentifs aux consignes que je viens de donner, et nous espérons que les 5 000 personnes désignées pour effectuer un service d'organisation - et non d'ordre - se sentiront responsabilisées par rapport à ces consignes, mais en plus... Bon, j'arrête de parler si vous voulez...

Des voix. Oui ! (Applaudissements.)

Le président. Il serait judicieux que les députés qui forment comme un essaim autour du président du Conseil d'Etat puissent se retirer. Merci, Messieurs et Madame. Si Monsieur Blanc veut suivre le petit cortège... C'est bien, merci. Monsieur Pagani, j'ai tenté de faire un peu d'ordre pour qu'on vous écoute.

M. Rémy Pagani. Merci Monsieur le président, je le répète, au cas où certains ne l'auraient pas entendu... (Rires.)Les organisateurs feront ce qui leur est matériellement possible de faire, et au niveau des textes, et au niveau de la pratique. Je voudrais revenir aux deux dernières invites, puisque les premières auront le sort qu'elles méritent.

Les deux dernières invites sont intéressantes, parce que, parmi les députés de l'UDC, il y a des juristes, des avocats même, qui sont censés connaître le droit actuel. La législation actuelle permet, dans la mesure où les responsabilités sont identifiées, de prendre des mesures contre ceux qui auraient participé à quelque dégradation que ce soit des biens et des personnes. C'est pour cela que ces deux invites n'ont aucune valeur juridique, d'une part, parce que c'est une motion qui ne contraint le gouvernement d'aucune manière, d'autre part, parce que dans la législation actuelle des mesures sont prévues afin de régler des problèmes survenant lors d'actions ne correspondant pas aux orientations des organisateurs.

A notre avis, ces deux invites sont nulles et non avenues, et nous vous proposons de les rejeter parce qu'elles ne correspondent pas à ce qui se pratique déjà d'un point de vue légal.

M. Pierre Schifferli (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter cette proposition de motion sans modification.

Nous avons appris, non sans intérêt, de la part de M. Brunier, qui a probablement une plus grande expérience de ce genre d'événements que nous, qu'une manifestation ne se convoquait pas, ce qui signifie qu'il décline toute responsabilité dans l'organisation de cet événement. Quant à M. Hodgers, sa réponse manquait vraiment de substance, parce que tout ce que nous avons appris de lui, c'est qu'il ne savait pas très bien ce qui allait se passer et qu'il espérait que cela se passerait bien. C'est vrai que M. Hodgers cumule les talents, puisqu'il est à la fois organisateur, membre du service d'ordre, pardon d'organisation, observateur, arbitre, au fond vous faites un peu tout vous-même ! C'est bien !

Nous n'avons que quatre modestes invites, qui ne devraient pas susciter d'opposition aussi décidée que celle de M. Pagani. Ce dernier nous explique qu'il n'y a pas de raison de maintenir l'invite numéro 3, qui exhorte, je la lis, le Conseil d'Etat «à s'engager à poursuivre, pénalement et civilement, tout responsable». Bien sûr que la législation existe, encore faut-il vouloir l'appliquer. Il ne s'agit pas de modifier le droit, il s'agit de demander au Conseil d'Etat de prendre un engagement de type politique.

Il en est de même pour la quatrième invite. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi vous la refusez, puisqu'il s'agit d'une demande d'information, et nous pensons que le Conseil d'Etat devrait continuer à informer le Grand Conseil des démarches qui sont entreprises par l'Etat.

La première invite est celle de l'étude d'impact. Il ne s'agit pas de faire quelque chose de compliqué. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas la réaliser en quelques jours: on peut peut-être accélérer le rythme helvétique habituel.

Quant à l'exigence des organisateurs qu'ils concluent des polices d'assurances, Monsieur Mettan, vous êtes en général bien informé, mais cette fois-ci vous accusez une lacune. En effet, il y a toute une série de compagnies d'assurance qui peuvent être prises en considération pour assurer ce type d'événements. Je suis prêt à vous en fournir la liste. Je ne comprends pas pourquoi, Monsieur Mettan, puisque vous prétendez que vous acceptez la deuxième partie de l'invite, voulez-vous supprimer la totalité de la deuxième invite ? Cela me semble manquer de logique.

C'est vrai, nous sommes opposés au déroulement de la manifestation. Nous respectons la décision contraire du Grand Conseil, c'est l'exécutif qui prend la décision finale à cet égard et il y a une décision, qu'à titre personnel et comme sans doute beaucoup de citoyens suisses, je regrette qu'il ait prise: je me suis trouvé en décembre 1985, en tant que capitaine, avec mon bataillon de chars... (Huées.)...sur la plaine de l'aéroport de Cointrin. Il faisait vraiment froid, nous étions mobilisés afin d'assurer la sécurité de la rencontre Reagan-Gorbatchev. Je dois dire que cette rencontre marquait la fin de la guerre froide, c'était par conséquent un événement considérable et je me souviens qu'à cette époque les autorités fédérales et genevoises considéraient encore que l'armée suisse pouvait assurer la sécurité et qu'il n'était pas nécessaire d'appeler une force de police étrangère en renfort.

Il y a, du point de vue psychologique, un problème qui ne relève pas de la seule responsabilité du Conseil d'Etat, mais qui incombe aussi au Conseil fédéral. Cela est regrettable parce qu'il est possible que les manifestants et les policiers allemands se tapent dessus sur le territoire suisse; qu'ils aillent en Allemagne, mais pas chez nous ! (Exclamations.)Franchement, c'est regrettable, mais je comprends aussi le souci du Conseil d'Etat, qui consiste à vouloir organiser une sécurité maximale de l'aire de l'aéroport. Il est cependant navrant de constater que nous sommes obligés de faire appel à des forces de police étrangères, et je ne suis pas sûr que cela ne provoque pas un accroissement de la tension.

M. Georges Letellier (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais remercier M. Pagani pour sa révélation au sujet de la constitution d'un service d'ordre: si vous l'aviez dit avant, il y aurait peut-être un peu moins de grabuge ce soir. En fait, bravo, si vous réussissez à le faire, c'est très bien, je vous en félicite.

J'aimerais maintenant faire un aparté à tous les discours que l'on entend aujourd'hui. Après les révélations du pseudo-Guillaume Tell vert Chaïm Nissim, qui a avoué ses relations passées avec le terroriste révolutionnaire Carlos... (Exclamations.)...après les révélations de la presse européenne, dénonçant les liaisons passées du leader charismatique allemand Daniel Cohn-Bendit, avec le même réseau terroriste Carlos, nous avons de bonnes raisons de douter de la véritable identité de votre mouvement vert, dit pacifiste. (Exclamations. Huées.)Un parti vert débonnaire, non violent, en plus non polluant, symbole de l'immaculée conception, auquel nous avons donné naïvement le Bon Dieu sans confession... (Huées.)...en lui apportant nos suffrages, qui nous apprend avoir frayé avec le diable terroriste incarné par Carlos. Qui l'eût cru ? (Exclamations. Rires.)A partir de ce constat, l'UDC ne veut tout simplement pas que Genève soit transformée en quartier latin soixante-huitard... (Exclamations.)...au nom de l'Internationale socialiste trotskyste-léniniste. (Huées.)

Par cette motion, nous voulons responsabiliser les auteurs-compositeurs-acteurs genevois de la manif pour les éventuels débordements, débouchant sur des dommages et intérêts. Nous ne voulons pas que le citoyen soit, en finalité, le dindon de la farce, par le biais de l'impôt. Par cette motion, nous nous inspirons du slogan écologiste-populiste, le «pollueur-payeur», en établissant un parallèle logique entre le pollueur et le casseur. Par cette motion, nous exigeons, par respect du citoyen, que la responsabilité civile et pénale des organisateurs soit engagée.

Mesdames et Messieurs les députés de gauche, vous n'avez pas seulement le droit de manifester, vous avez surtout le devoir absolu de contrôler vos actions, et d'en assumer la responsabilité à tous les niveaux, selon le principe «qui casse, paie». J'en ai terminé.

M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, M. Brunier disait tout à l'heure que les Genevois se posent des questions sur le G8. A vrai dire je crois qu'ils ne s'en posent pas tant sur le G8 - certains savent ce que c'est et ont compris pourquoi il se réunissait, d'autres n'ont pas encore très bien compris de quoi il s'agissait ni de quoi on allait parler à Evian - j'ai plutôt l'impression qu'ils s'interrogent, encore et toujours, sur la manifestation anti-G8, qui les concerne beaucoup plus directement, puisque, comme j'ai déjà eu l'honneur de le rappeler dans cette enceinte, la Suisse ne fait pas partie du G8 et Evian ne fait pas encore partie des frontières cantonales. De sorte qu'une partie de notre population se demande encore aujourd'hui, malgré le vote de samedi dernier, s'il est logique que le droit de manifester, revendiqué par certains, se traduise par la prise en otage de notre collectivité publique, et à cette question des tentatives de réponse ont été données, j'en ai entendu plusieurs ce soir.

Dans l'ordre, des déclarations enfin claires, d'un certain nombre d'organisateurs de cette manifestation qui promettent que des services d'organisation et d'ordre seront mis en place, que des consignes sont données pour protéger les personnes et les biens: c'est un progrès. Je dirai qu'à soi seul cela justifie que nous nous soyons interrogés à voix haute. Malheureusement cela ne suffira probablement pas et ceci pour au moins deux raisons.

La première, c'est que l'enfer est pavé de bonnes intentions et qu'ici les bonnes intentions sont assez limitées et assez relatives. Outre que, si j'en crois ce qui est publié dans les journaux au sujet des organisateurs, il s'agit tout de même d'une nébuleuse assez difficile à concrétiser, M. Pagani n'est pas seul, M. Hodgers non plus, on parle d'un secrétariat, au sein du Forum social lémanique, de trente personnes, d'une assemblée de soixante à quatre-vingt, mais d'une vingtaine de syndicats, trente-six mille membres au niveau national, le SIT ou Comedia, et puis des partis politiques, bref, la question reste posée: qui organise et qui assume ?

Parce qu'après tout c'est intéressant de nous dire que la liberté de manifester est un droit individuel et donc la responsabilité qui en découle est une responsabilité individuelle. J'en suis resté, pour ma part, à un adage très ancien qui veut que «qui sème le vent, récolte la tempête», d'ailleurs, dans cette salle, ceux-là mêmes qui nous expliquent avec des accents que je ne leur connaissais pas, mais que je me réjouis de leur rappeler à l'occasion, que la responsabilité individuelle est un des grands profits de la société moderne et démocratique, j'allais dire libérale, ceux-là mêmes rappellent en toutes circonstances le devoir d'assumer sa responsabilité collective, mieux encore, le principe de précaution. Le principe de précaution, qui constitue aujourd'hui le seul discours politiquement correct sur les rangs qui me font face, ce discours qui veut que l'on prenne toutes les précautions possibles, que l'on chasse, loin de nos frontières, ceux qui sont susceptibles de contaminer les visiteurs d'une exposition nationale ou ceux qui voudraient que l'on punisse très sévèrement, y compris par le biais de mesures pénales coercitives, ceux dont la négligence très éventuelle aurait pu causer des dommages à l'un ou l'autre de nos concitoyens, ce sont les mêmes qui nous expliquent aujourd'hui que leur responsabilité individuelle, tout organisateurs qu'ils soient, ne serait pas engagée du fait des errements commis par d'autres, quand bien même ils ont appelé les autres à se réunir. C'est ce que j'appelle un sens des responsabilités à géométrie variable. Dans ce sens, la proposition qui nous est soumise par nos collègues UDC est pertinente, parce qu'elle dit: «Vous avez voulu qu'une manifestation ait lieu, elle aura lieu, alors tirez-en toutes les conséquences».

Le seul amendement sur lequel mon groupe entrera en matière, c'est le premier de M. Mettan lorsqu'il dit que c'est probablement un peu tard pour faire une étude d'impact. Encore que l'idée soit juste et qu'elle devrait plaire à la gauche qui en est friande. Quand il s'agit de prévoir un nouveau tracé, un accès à une propriété privée, il faut une étude d'impact. Mais ici, pour faire débarquer entre 30 000 et 300 000 pékins dans la République et canton de Genève, une étude d'impact vous paraît superflue. Comme je reconnais là la cohérence de vos idées ! Vous nous dites que «ça n'est pas la peine, parce que tout cela s'organisera très bien, et puis si ça s'organise mal, cela relève des désordres naturels qui suivent le droit de manifester». Nous ne sommes pas d'accord avec cela, mais nous nous inclinons devant le critère du temps, et, par conséquent, nous suivrons la proposition d'amendement de M. Mettan, qui n'en mérite pas autant, vu le sort qu'il réserve habituellement aux nôtres. (Rires. Applaudissements.)

Nous adopterons avec plaisir la deuxième invite, qui nous est proposée par l'UDC, parce que la moindre des choses, c'est de s'assurer, quand on prend le risque de créer du dommage à autrui - je signale aux amateurs d'automobiles, et je sais bien qu'ils ne se situent pas sur les rangs verts...

Une voix. Quoique...

M. Michel Halpérin. ...que le véhicule privé est considéré comme un danger public, raison pour laquelle les détenteurs sont obligés de s'assurer en responsabilité civile, sans quoi, ils ne bénéficient pas du droit de rouler. Ce qui est vrai pour un automobiliste individuel pourrait l'être pour des manifestants collectifs, me semble-t-il.

Evidemment, il y a ensuite les deux propositions d'amendement qui nous ont été soumises par la gauche. Je dois avouer que j'ai d'abord pensé que c'était une plaisanterie, et puis, quand j'ai vu le texte, je dois dire que j'ai de plus belle pensé que c'en était une. Je recommande à ceux d'entre vous qui n'auraient pas eu le temps de le faire de lire la demande d'amendement présentée par MM. Brunier, Pagani et quelques autres, et de lire la manière dont le texte est calligraphié, cela nous indique l'état de santé de celui qui a calligraphié. Au moment de calligraphier, il était probablement déjà terriblement pris de boisson, et il ne faut pas lui en vouloir, nous sommes vendredi soir. (Rires.)C'est la raison pour laquelle vous pourrez, en toute sobriété, refuser ces amendements dictés dans un moment d'ivresse, et qui n'engagent pas leur auteur, car il y a des irresponsabilités dues à l'alcool qui ne sont pas répréhensibles.

Mesdames et Messieurs les députés, à l'exception du premier amendement de M. Mettan, le groupe libéral votera la motion telle qu'elle vous est présentée par le groupe UDC. (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion constitue en effet une mesure de précaution ou de prévention, en matière de sécurité, et cela devrait vous faire plaisir. Il est de notre devoir de rendre attentifs les manifestants quels qu'ils soient que leur responsabilité peut être engagée dans le cadre de l'article 260 du code pénal, si d'aventure l'exercice du droit de manifester devait se transformer en guérilla urbaine. Le 10 mai dernier la majorité de ce parlement a accordé sa bienveillance aux manifestants en invitant le Conseil d'Etat à prendre des mesures logistiques favorisant le déroulement de cette manifestation. Ce faisant, la majorité de ce parlement a estimé que la manifestation serait pacifique et les risques d'un débordement quasi nuls.

Malheureusement, aucune étude d'impact n'est venue corroborer ces propos, et je le déplore. En effet, dans d'autres domaines, pour construire le moindre logement, on nous demande une étude d'impact. Dans la question qui nous intéresse aujourd'hui, on sait qu'on attend environ 100 000 personnes, sans aucune étude d'impact, ne serait-ce qu'au niveau des coûts logistiques: cela peut concerner la surface des terrains à mettre à disposition, le problème des transports dont on voit aujourd'hui dans la Tribune qu'il n'est toujours pas résolu, rien n'a été demandé, sans compter la pollution.

Une simple analyse de risques, à la lumière des événements passés, permet de nier le bien-fondé des affirmations faites par les députés assis sur les bancs me faisant face. Nous relevons d'ailleurs que le Conseil d'Etat n'a pas estimé, contrairement à certaines entreprises privées, les dégâts dont il pourrait faire l'objet: aucune provision n'a été budgétée dans le cadre du budget 2003. Or nous savons que plusieurs services de l'Etat, d'après les bruits qui courent, seront fermés, pendant la durée du G8, notamment le Tribunal - comme par hasard, il n'y a pas de procès au Tribunal civil pendant la durée du G8 - il semblerait même que l'hôtel des finances soit fermé pendant cette période, preuve en est que la situation risque de ne pas être aussi calme que prévu. L'analyse de la situation du Conseil d'Etat a évolué défavorablement au cours des dernières semaines.

Le risque de dommages contre des infrastructures de l'Etat, comme ça a été le cas à Gênes, en 2001, est avéré. Nous souhaitons que l'Etat engage des poursuites pénales, civiles, contre les auteurs de tels actes, et qu'il informe le Grand Conseil des mesures prises.

Nous relevons également que les relations entre le Conseil d'Etat et les organisateurs des manifestations du 1er juin ne sont pas au beau fixe: à ce jour, les organisateurs font preuve d'une certaine intolérance en posant des exigences démesurées concernant le tracé et les modalités du déroulement de la manifestation - je vous renvoie à la Tribune d'aujourd'hui - cette situation conflictuelle, due à l'intransigeance des uns ou des autres n'est pas pour nous rassurer. Le citoyen contribuable peut s'attendre au pire, il n'est certainement pas prêt à se laisser tondre deux fois.

Si nous devions croire à l'angélisme des organisateurs, et si ces derniers devaient effectivement croire en leur propre angélisme, ils devraient aisément se convaincre d'apporter les garanties financières nécessaires et soutenir les quatre invites qui leur sont proposées.

M. Christian Bavarel (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le monde a changé. Aujourd'hui, le monde est organisé en réseaux. Vous avez l'exemple du réseau Internet, vous ne dirigez plus les choses de la même manière qu'à une certaine époque.

Nous, les Verts, qui sommes face à des événements que nous n'avons pas forcément convoqués, nous appartenons à deux mondes: le monde altermondialiste et le monde institutionnel, et nous voulons que les manifestations contre la réunion du G8 se déroulent le mieux possible. Nous bossons pour que tout se passe bien.

Nous nous sommes engagés, aujourd'hui, avec d'autres pour organiser, pour que les choses se déroulent en négociation avec la police, en négociation avec les autorités.

Et ici, dans cette salle, on parlote, on baille, on s'amuse, alors que des choses sérieuses sont en train de se passer. Nous voulons que cette manifestation se déroule dans le calme, que les gens puissent exprimer leurs opinions, pour que la démocratie soit exercée.

Je dois dire que la police, l'Alternative et le PDC s'associent afin que l'événement se déroule de la manière la plus adéquate possible.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai toujours été admiratif de l'éloquence de M. Halpérin, mais je suis au regret de lui dire qu'éloquence n'est pas forcément synonyme de rigueur intellectuelle et scientifique.

Vous savez, en physique, il y a des lois qu'on dit empiriques: ce sont des lois que l'on vérifie par le biais de l'expérience, à différents moments et à différentes reprises, et on finit par obtenir une formule qui donne telle cause à tels effets. Or, dans le domaine qui nous préoccupe ce soir, nous pouvons prendre les exemples de Seattle, Gênes, Florence et en faire des lois empiriques. Nous savons que, lorsqu'il y a des réunions de ce type, il y a des manifestations. Par conséquent, les causes sont les réunions de ce type, les effets sont les manifestations.

Cela m'amène à dire que des réunions comme celles du G8, où quelques-uns se réunissent afin de décider du sort du monde, des dirigeants qui veulent accaparer les richesses de zones immenses de cette planète - ils auraient d'ailleurs pu se réunir dans le désert irakien, puisqu'ils l'ont pacifié, à moins qu'ils n'aient peur d'y trouver des armes de destruction massive. Or vous savez très bien que ceux qui se réunissent aujourd'hui pour le G8 sont ceux qui ont installé Saddam. Cela m'amène donc à dire que, parmi les gens qui se réunissent à l'occasion du sommet du G8, certains d'entre eux se sont arrogé le droit de décider du sort de populations entières, ont détruit des pays entiers, ont tué des milliers voire des millions de personnes, et ils viennent maintenant se réunir à côté de notre canton.

De sorte que, Mesdames et Messieurs les députés, et en lisant cette motion, j'ai eu des idées de correction que je m'apprête à vous soumettre, il y en a très peu, vous verrez.

D'après la démonstration que je viens de vous faire, lorsque je lis «manifestation anti-G8: responsabilité civile et pénale des organisateurs», j'ajouterais simplement «du G8».

Ensuite on parle de «l'arrivée imminente de 300 000 manifestants anti-G8 qui déferleront sur Genève, à l'invitation des organisations du G8» et non des «organisateurs genevois et confédérés».

Je laisse le deuxième considérant tel quel, tout comme le troisième: je maintiens l'exemple de Gênes, parce que j'ai à peine décrit qui étaient les responsables.

En ce qui concerne «l'obligation constitutionnelle de l'Etat de protéger les personnes, leur vie et leurs biens», j'ajouterais «les manifestants, leur vie et leurs biens».

Je laisse le considérant suivant.

Pour ce qui est de «l'article 260 CPS (émeute) punissant de l'emprisonnement toute personne prenant part à des attroupements», j'ajouterais «tels que le G8, élargis au G21, au cours desquels des atteintes ont été portées à des personnes ou à des biens».

Je maintiens le considérant suivant.

«La responsabilité personnelle des organisateurs», j'ajoute «du G8», «pris conjointement et solidairement avec les manifestants qu'ils convoquent», ce sont eux.

J'ajouterais plusieurs fois «le G8», mais j'arrive enfin aux invites. Dans la première invite, j'ajouterais «à exiger, aux frais des organisateurs du G8,une étude d'impact en préalable à tout octroi d'autorisation de se réunir à Evian».

On dit que les pollueurs sont les payeurs; s'il s'agit de faire payer ceux qui polluent notre atmosphère, la mer, les océans, j'espère que vous adopterez la même attitude à l'égard de ces multinationales qui polluent le monde par culte du profit, exclusivement.

Je souhaite que les manifestations anti-G8 soient d'une ampleur telle que la réunion du G8 ne restera pas sans frais pour ses organisateurs. (Applaudissements.)

M. Philippe Glatz (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis surpris de la teneur de ces débats, compte tenu du fait que nous avons affaire à un événement exceptionnel, qui mobilise notre attention et qui suscite aussi énormément de fantasmes. Au-delà des imprécations des uns et des autres, il y a des inquiétudes réelles au sein de la population, face à un événement que nous n'avons pas l'habitude de vivre. Je suis également surpris de la légèreté avec laquelle nous le traitons ce soir.

Nous avons eu l'occasion d'en parler souvent ici, mais je remarque que nous sommes, d'un côté comme de l'autre, les champions du «pas nous, pas nous !». D'un côté, nous avons M. Hodgers qui nous dit: «Oui, nous allons organiser des choses, mais nous ne sommes pas responsables de ce qu'il adviendra», c'est la responsabilité individuelle qui prévaut.

De l'autre côté, il y a certaines personnes, sortant un mouchoir blanc - comme cela était exprimé dans un très bon journal de la République - qui disent «Ne venez pas à Genève, barricadons-nous, que l'on n'accueille personne !». M. Halpérin sait se faire le chantre de la Genève internationale, mais lorsqu'il s'agit d'assumer les responsabilités de la Genève internationale, il préfère fermer les frontières.

Au-delà de ces deux attitudes, il y a celle que je qualifierais d'attitude responsable, celle qui consiste à dire qu'il est légitime que le G8 tienne réunion, il s'agit de chefs d'Etat élus. Il est également légitime que ceux qui ont une opinion différente puissent manifester cette différence d'opinion. Notre responsabilité consiste en fait d'assumer la Genève internationale et de prendre en compte toutes ses composantes.

Je suis aussi surpris par l'attitude de M. Brunier qui déclarait aujourd'hui: «Il s'agit d'un rassemblement spontané envers lequel nous n'avons aucune responsabilité». M. Brunier intervenait pour critiquer l'état d'impréparation des autorités. Or, s'il s'agit d'un rassemblement spontané, vous ne pouvez pas adopter deux logiques. Une qui consiste à dire: «Nous ne pouvons pas savoir ce qui va se passer». Et une autre, vis-à-vis des autorités: «Vous êtes responsables, vous devez prendre toutes les mesures qui s'imposent». Il y a une incohérence dans votre raisonnement à laquelle je ne peux pas souscrire, Monsieur Brunier.

M. Pagani parle du processus sécuritaire et se soustrait, lui aussi, aux responsabilités qui lui incombent quant à l'organisation de cette manifestation. Il est possible d'organiser d'importantes manifestations populaires en toute responsabilité, l'exemple de la France, ce week-end dernier, nous l'a montré - il y a eu plus de 400 000 personnes qui ont défilé dans le calme et sans aucun débordement, parce que les organisateurs avaient pris leurs responsabilités en constituant des services d'ordre conséquents.

Nous souhaiterions que les organisateurs de cette manifestation, plutôt que de se soustraire à leurs responsabilités, fassent preuve de la même cohérence.

J'ai pu lire, ce matin, dans un excellent journal, que M. Josef Zisyadis, soudainement conscient des risques de dérapages, a quitté le comité vaudois anti-G8; que M. Daniel Brélaz, écologiste éminent, déclarait. «Nous n'avons plus, en face de nous, que des anars et des marginaux». Il s'agit, à un moment donné, de savoir ce à quoi vous devez vous attendre, Mesdames et Messieurs les organisateurs, et nous comptons sur vous pour que vous preniez toutes les responsabilités qui vous incombent.

C'est pourquoi, lorsque M. Mettan propose de supprimer les deux premières invites, le groupe PDC estime qu'il est parfaitement logique, mais il n'y a aucune raison de supprimer les deux dernières invites - vous l'avez dit vous-même, Monsieur Pagani, elles vont d'elles-mêmes.

Je vous invite donc à suivre la position raisonnable du parti démocrate-chrétien.

M. Sami Kanaan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en janvier, alors que nous savions tous que ce fichu sommet aurait lieu à nos frontières, deux textes ont été déposés dans ce Grand Conseil, un par l'Alternative, un autre par le groupe socialiste.

A l'époque, il était encore possible de faire des grands débats de fond statuant pour ou contre le G8, ou portant sur la nature d'une manifestation - le texte socialiste disait à cet égard que dès lors que ce sommet nous était imposé, nous pouvions nous poser la question de ses conséquences.

Certains ont joué la politique de l'autruche: du moment que le sommet a lieu à Evian, on souhaite que tout ce qui peut toucher le G8 ait aussi lieu à Evian, mais surtout pas à Genève, parce qu'on y a des visions très sélectives de nos responsabilités en matière de Genève internationale et de démocratie. En effet, lorsque la démocratie consiste à accueillir des chefs d'Etat, démocratiquement élus ou non, on est ouvert, quels que soient les encombrements pour les citoyens, mais lorsqu'il s'agit d'assumer le pendant démocratique de la population qui souhaiterait manifester, on est nettement moins enthousiaste.

La manif est une conséquence de ce sommet, comme l'a dit le collègue Mouhanna, et nous n'avons pas choisi cela. Vous parlez sans arrêt des organisateurs, mais, sans en faire partie, je peux toutefois vous dire que les organisateurs dits genevois ont pris acte d'une réalité, à savoir qu'il y a probablement une manifestation d'une certaine importance et qu'il fallait prendre toutes les mesures, à tous les niveaux - pratiques, logistiques, sécuritaires et autres - pour que tout se déroule au mieux.

Il reste encore une minorité d'irréductibles qui amènent des débats complètement décalés: soit c'est de la naïveté ou de l'incompétence, soit c'est du machiavélisme, parce que cela en arrangerait tant qu'il y ait des problèmes afin que leur vision du monde soit entérinée.

Nous apprenons, Mesdames et Messieurs les députés, en matière de manifestation. Effectivement, il y a eu pas mal de problèmes et tous apprennent de ceux-ci: les manifestants, les mouvements, les autorités... Et ce qui ressort de cela, c'est que lorsqu'il y a de la casse, ce sont des petits groupes qui en sont responsables, et pas forcément du bord politique auquel vous en attribuez toujours la responsabilité. Gênes en a été le meilleur exemple, le plus flagrant et le mieux documenté. Il y en a eu d'autres, cependant, parce qu'il y des gens qui ont objectivement intérêt à ce qu'il y ait de la casse, et ce sont des saboteurs qui n'ont plus rien à voir avec la gauche ou la droite. Et je n'aimerais pas arriver au soupçon que certains ici se trouvent du côté des saboteurs, consciemment ou inconsciemment. Nous avons tous intérêt à ce que cela se passe bien pour la réputation de Genève, et cette motion ne va pas du tout dans ce sens, parce que vous savez très bien que ça n'est pas praticable, réaliste ou légitime.

Me Halpérin est brillant sur le plan rhétorique, cela cache cependant mal la réalité. Quelle compagnie d'assurance se chargerait d'un pareil événement ? Soyons sérieux ! Il y a plein d'autres événements, nettement moins importants, que les compagnies d'assurance hésitent beaucoup à assurer. Les compagnies d'assurance ne couvrent des événements que lorsqu'elles ont une chance de pouvoir assigner une responsabilité. D'ailleurs, et cela constitue une des vraies bonnes nouvelles de la semaine, vous avez dû observer que les assureurs commencent à s'inquiéter des conséquences du réchauffement climatique et à poser des questions aux compagnies industrielles, car, dans ce cas, il y a des responsabilités imputables directement.

Mais comment voulez-vous attribuer une responsabilité lors d'une manifestation sans criminaliser les organisateurs, toutes les personnes pacifiques qui sont allées manifester ? Cela entraîne que beaucoup de gens, qui souhaiteraient manifester le plus pacifiquement du monde, renoncent à aller manifester, jeunes ou pas.

Oui, il y a des risques, mais, de grâce, arrêtez d'en faire un tel plat, c'est totalement irresponsable. Ou bien alors, il faut demander à ce que MM. Bush et Poutine, qui sont des casseurs de bien plus grande envergure, souscrivent une police d'assurance pour toute la casse qu'ils produisent, et dans ce cas il est possible de commencer à discuter... (Huées. Applaudissements.)

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis de deux amendements qui peuvent chacun se diviser en deux. Je ferai voter ce maintien des quatre invites successivement.

Premier amendement de M. Mettan, suppression de la première invite, qui est à la page deux. Je fais voter par vote électronique, pour qu'il n'y ait pas de contestation et que tout le monde reste à sa place.

Mis aux voix, cet amendement (suppression de la première invite) est adopté par 50 oui contre 10 non.

Le président. La seconde invite, également dans l'amendement de M. Mettan et de M. Büchi, qui propose de supprimer la seconde invite, que je vous relis: «à exiger des organisateurs qu'ils concluent des polices d'assurance prévoyant une couverture conforme à l'ampleur de leur obligation de réparation civile, en sus de leur obligation de mettre sur pied, à leurs frais, un service d'ordre idoine». Celles et ceux qui acceptent cet amendement voteront oui et l'invite sera supprimée, les autres voteront non.

Mis aux voix, cet amendement (suppression de la deuxième invite) est adopté par 45 oui contre 32 non et 2 abstentions.

Le président. Nous passons au vote de l'amendement relatif à la troisième invite, c'est l'amendement de MM. Pagani, Grobet, Charbonnier, Hodgers et Brunier. Celles et ceux qui acceptent la suppression de la troisième invite voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront.

Non, Monsieur Hodgers, nous sommes en procédure de vote, je ne vous ai pas donné la parole, veuillez vous rasseoir ! Veuillez vous rasseoir !

M. Antonio Hodgers. J'ai le droit de parler !

Le président. Pas lorsqu'on est en procédure de vote... Monsieur Hodgers, veuillez vous asseoir !

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 37 oui.

(Huées. Exclamations.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons le vote sur la quatrième invite.

Nous passons maintenant au vote de l'amendement relatif à la quatrième invite. (Huées.) (Le président agite la cloche.)Maintenant, je fais lancer le vote sur la suppression de la quatrième invite.

Une voix. Vous n'en avez pas le droit !

Le président. Je l'ai. Le vote démarre. Un peu de calme !

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 33 oui et 1 abstention.

Le président. Je fais maintenant voter sur l'ensemble de la motion (Huées.)Bon. Je suis saisi d'un nouvel amendement de M. Hodgers. Je vous rappelle simplement qu'il y a un débat sur Chêne-Bougeries prévu, et qu'à 23h, quoi qu'il arrive, la séance est levée, et je vous informe qu'il y aura une petite surprise après le vote qui n'est pas de ma part. Alors, troisième invite...

Des voix. Ahhhh... (Le président agite la cloche.)

Le président. Bon, je sais que c'est la nuit de la pleine lune, mais quand même. L'amendement de M. Hodgers serait: «invite le Conseil d'Etat à s'engager à poursuivre pénalement et civilement tout responsable individuel de tout dommage constaté». C'est tout ce que j'ai. Alors, Monsieur Hodgers, sur votre amendement.

M. Antonio Hodgers (Ve). Merci de respecter enfin scrupuleusement le règlement !

Il est vrai que les gens qui en viendraient à commettre des dommages sur des personnes ou sur des biens, dans le cadre de cette manifestation, doivent être poursuivis, pénalement et civilement. Ce que nous refusons, c'est de déclarer qu'il y a une responsabilité solidaire jusqu'où ? Jusqu'où, vu que la police collabore aujourd'hui avec les organisateurs: serait-elle inclue ? Ce «solidaire» n'a aucun sens, mais l'individuel est tout à fait justifié, et il me semble important que ça soit précisé.

Le président. La parole est à M. Christian Grobet sur cet amendement. Non, c'est une erreur. Très bien, je mets aux voix l'amendement qui vient d'être présenté par M. Hodgers, dont les chefs de groupe recevront le texte. Celles et ceux qui acceptent cet amendement voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 28 oui et 12 abstentions.

Le président. Je mets l'ensemble de ce qui reste de la motion, à savoir la quatrième invite telle qu'elle figure dans le texte des motionnaires. Oui, trois et quatre, excusez-moi.

Je mets donc l'ensemble de cette motion, qui n'a plus que deux invites. Celles et ceux qui l'approuvent voteront oui, les autres voteront non.

Mise aux voix, la motion 1543 ainsi amendée est adoptée par 42 oui contre 36 non.