Séance du
vendredi 21 mars 2003 à
20h45
55e
législature -
2e
année -
6e
session -
30e
séance
IN 116-D et objet(s) lié(s)
Préconsultation
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, au nom de l'Entente je m'exprimerai sur le projet de loi 8934, c'est-à-dire uniquement sur le volet fiscal de l'initiative 116.
Je suis obligée de commencer par un a priori, nous en avons déjà parlé plus tôt, mais je dois justifier la suite de mon intervention. Cet a prioriest néanmoins réel et confirmé: Genève a 14% de propriétaires, la Confédération en compte 31%. Nous ne sommes pas là, Mesdames et Messieurs, pour faire un combat doctrinaire opposant les locataires aux propriétaires. Nous sommes des relais de la population et nous avons le devoir de répondre aux attentes de celle-ci, dans la limite de certaines possibilités, cela va de soi.
Vous avez l'habitude, Mesdames et Messieurs de l'Alternative, de parler de complémentarité des transports. Ce soir, je me permets de parler de complémentarité des logements. Même si vous l'avez contestée, Mesdames et Messieurs, une enquête montre que 77% des locataires rêvent de propriété - j'ai bien dit rêvent, Monsieur Grobet - mais les locataires pensent ne pas pouvoir devenir propriétaires. Il faut absolument comprendre qu'être propriétaire ne consiste pas forcément en la possession d'une villa individuelle d'une très grande valeur; d'autres possibilités existent: achat d'appartements, de villas mitoyennes, en bandes contiguës. Une fois la mise de base trouvée, ces solutions ne coûtent pas plus cher que la location d'un appartement de même surface et entraînent, chez le propriétaire, des attitudes beaucoup plus responsables. Je peux citer des exemples réels qui confirment mes propos, je côtoie tous les jours ce type de propriétaires dans ma commune.
L'Etat peut stimuler, Mesdames et Messieurs, l'accession à la propriété. Une politique du logement bien conçue doit permettre à chacun de disposer d'un logement adéquat. Pour être incitatif, il faut donc faciliter plutôt qu'encourager. C'est dans cet esprit que la loi 8934 a été élaborée. Elle a en effet comme objectif principal de faciliter la constitution des fonds propres nécessaires pour devenir propriétaire. La commission fiscale s'est longuement penchée sur le système d'épargne-logement. Le financement de l'accès à la propriété, en particulier l'épargne-logement, fonctionne bien dans divers endroits. Ainsi, à Bâle-Campagne, en 1998, 2500 contrats d'épargne-logement ont-ils été conclus pour un montant de 33 millions de francs. Les couples peuvent, dans ce canton, déduire environ 23'000F de leur revenu imposable. Un système presque similaire existe dans notre canton depuis 1969. Il prévoit notamment le versement par l'Etat de primes égales au montant des intérêts crédités par la banque, le cautionnement de l'Etat et l'exonération fiscale. Ces avantages ne sont pas négligeables et, pourtant, la loi a été très peu utilisée. Pourquoi? Peut-être simplement par méconnaissance. Aujourd'hui, nous avons le devoir, Mesdames et Messieurs, d'être transparents. Il faut que la population connaisse notre volonté de l'aider à accéder à la propriété. Une initiative a été lancée, c'est notre devoir de la concrétiser.
Soyons clairs ! Le projet de loi qui vous est soumis, Mesdames et Messieurs, prévoit la disparition de l'exonération de l'impôt sur la valeur locative et sur la fortune immobilière. En effet, à cause de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, les incitations fiscales ont été réduites. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, les cantons n'ont plus aucune liberté, le droit fédéral est supérieur au droit cantonal. On assiste donc à une réduction des aides fiscales puisqu'il n'est plus possible d'exonérer la valeur locative de l'impôt sur le revenu, ni d'exonérer la fortune immobilière de l'impôt sur la fortune. La commission a donc cherché une compensation à la disparition de ces incitations fiscales; elle a proposé d'augmenter les primes versées par l'Etat. Le but de cette disposition est de permettre à l'épargnant de constituer relativement facilement des fonds propres qui lui permettront d'acquérir son logement. L'Etat, en créditant chaque année une somme égale à 5% du montant épargné en capital et intérêt, mais sans jamais dépasser 30% du montant épargné, joue son rôle d'encouragement à l'accession à la propriété du logement. Il faut préciser que l'Etat reste possesseur de cette somme jusqu'à son transfert à l'épargnant.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, au nom de l'Entente, je vous recommande de voter cette loi incitative qui permettra à des contribuables rêvant de devenir propriétaire de concrétiser leur souhait en ouvrant un compte d'épargne-logement.
(Applaudissements.)
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Je répondrai directement aux arguments avancés par l'Entente plutôt que de commenter mon propre rapport.
Mme Hagmann nous dit que la Confédération compte 31% de propriétaires alors que Genève n'en compte que 14%. Elle fait abstraction de l'histoire de chaque canton. Il est clair que dans le canton du Valais posséder sa propre maison sur son lopin de terre est une tradition qui s'explique parce que les familles valaisannes sont propriétaires de terrains depuis fort longtemps. Tel n'est pas le cas de Genève qui a plutôt une tradition industrielle, avec des ouvriers et non pas des paysans, qui remonte au début du siècle. Aujourd'hui vous voulez, Mesdames et Messieurs de l'Entente, appliquer une recette magique pour transformer un paysage social en votant une loi. C'est bien sûr totalement irréaliste. Vous dites, Madame Hagmann, que ce projet de loi ne concrétise pas une vision idéologique mais répond à des besoins de la population. Permettez-moi de sourire ! La seule lecture de l'exposé des motifs de l'initiative nous renseigne assez sur la dimension idéologique de ce projet. Je ne citerai qu'un passage éclairant à cet égard: «La propriété est une des valeurs fondamentales de notre société, alors que bien des repères ont tendance à disparaître...» Si ce n'est pas une vision idéologique, je ne comprends pas ce que c'est, Mme Hagmann.
De la même manière, favoriser l'épargne-logement et favoriser l'accession à la propriété ce n'est pas rechercher la complémentarité des modes de logement comme vous l'avez prétendu, Madame la députée. Ce projet de loi vise à confisquer les terrains constructibles en faveur de la propriété par étages et pour les nantis. Il vise à mettre en vente les appartements qui sont destinés aux locataires une fois que ceux-ci les ont quittés. Il permettra enfin - par l'épargne-logement - de verser des montants extrêmement élevés à des personnes qui n'en ont pas besoin. Si je suivais l'analogie que vous avez faite, Madame Hagmann, avec les transports, je pourrais dire que ce projet de loi demande que l'Etat permette à chacun de posséder une Ferrari... (Rires. L'orateur est interpellé.)
Ce qui est proposé dans ce projet en matière d'épargne-logement est quelque chose d'indécent. On parle des prestations qui sont versées à des personnes qui peuvent économiser chaque mois 1000F par adulte et 500F par enfant, c'est-à-dire, pour une famille de quatre personnes, un total de 36'000F par année. Seule une minorité a une pareille capacité d'épargne. Quel serait le montant accordé par l'Etat à ces personnes ? Plus de 52'000F au bout de sept ans pour cette famille, alors qu'une famille en difficulté au bénéfice des allocations-logements et qui vit dans un cinq-pièces ne toucherait durant la même période que 42'000F. Il s'agit de favoriser de manière indécente des personnes qui n'en ont pas besoin.
Par ailleurs, le petit épargnant qui n'a pas les moyens d'acheter un logement placera son épargne à 2% tandis que ceux qui ont une forte capacité d'épargne toucheront, de la part de l'Etat, une prestation de 5%. C'est vraiment scandaleux.
Cela dit, une chose me surprend et je l'ai indiqué dans mon rapport. Aujourd'hui, on pourrait très bien imaginer qu'il y ait une solidarité entre les propriétaires pour permettre à d'autres d'accéder à la propriété, notamment les valeurs locatives pourraient être estimées à leur juste valeur. Le surplus fiscal ainsi engendré permettrait de financer des prestations en faveur de l'accès à la propriété. Or, les propriétaires et les milieux immobiliers n'en veulent pas. Ils veulent faire peser sur l'Etat, c'est-à-dire sur la majorité de la population, donc sur les locataires, l'effort fiscal en faveur des propriétaires. Que les propriétaires se mobilisent ! Qu'ils paient en impôts la juste valeur de leurs revenus locatifs et qu'on cesse ces cadeaux fiscaux en faveur des propriétaires. C'est seulement dans ce cadre que l'on pourra entrer en matière sur des aides ponctuelles.
M. Pierre Vanek (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons coutume d'entendre dans cette salle de nombreuses déclarations inexactes. Nous en avons entendu une tout à l'heure dans la bouche de notre président pour qui j'ai néanmoins beaucoup de respect.
Une voix. Sincère ?
M. Pierre Vanek. Oui, de respect sincère. Vous ne connaissez peut-être pas la sincérité, Monsieur, mais j'exprime ici mes sentiments vrais.
Bref, le président a déclaré tout à l'heure qu'il y aurait eu un accord entre tous les chefs de groupe afin d'escamoter le débat sur la déclaration du Conseil d'Etat sur la guerre d'agression... (Brouhaha. Claquements de pupitres.)
Le président. Monsieur Vanek, je vous en prie !
M. Pierre Vanek. ... la guerre d'agression que mènent les Etats-Unis d'Amérique. M. Grobet, chef du groupe de l'Alliance de gauche, et M. Spielmann qui l'a remplacé à la séance... (Brouhaha. Les députés de l'Entente demandent la démission de M. Vanek.)...n'ont pas consenti à une telle manoeuvre.
Le président. Monsieur Vanek, nous sommes au point 91. Vous n'avez plus la parole. Nous ne vous écouterons pas. Je vous demande de parler du projet de loi et de ne pas perturber la séance.
M. Pierre Vanek. Je pourrais, Monsieur le président, vous rappeler à votre devoir de faire appliquer le règlement. (Brouhaha.)J'aimerais cependant parler du fond de votre déclaration...
Le président. Monsieur Vanek, je vous rappelle l'article 91 de notre règlement: «Si la personne rappelée à l'ordre continue de troubler la séance, le président peut prononcer son exclusion pour tout ou partie de la séance. La personne visée est invitée à quitter la salle.» (Applaudissements.)Je vous ai rappelé à l'ordre, alors je vous prie maintenant de vous asseoir ou de ne parler que sur le projet de loi 8934.
M. Pierre Vanek. Monsieur le président, je vous confirme que vous êtes placé devant l'alternative de me faire exclure par la maréchaussée ou de me donner trois minutes pour m'exprimer sur ce que vous présentez comme une déclaration du Grand Conseil et du Conseil d'Etat.
Le président. Dans ces conditions Monsieur le député, j'applique l'alinéa 3 de l'article 91: «Si elle ne le fait pas, la séance est suspendue».
La séance est suspendue à 21h10.
La séance est reprise à 21h20.
Le président. Notre séance reprend. La parole est à Mme Mariane Grobet-Wellner. L'article 91 s'applique pour le surplus.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). C'est en pleine crise du logement à Genève que les milieux immobiliers et leurs représentants déclarent la guerre aux locataires, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Leur mauvaise foi totale et leur cynisme aussi navrant que choquant compte tenu de leur connaissance aussi bien de la gravité de la pénurie de logement que des modes de fixation des prix dans l'immobilier en général et à Genève en particulier. En prétendant agir dans l'intérêt des locataires, les lois qui nous sont proposées par la majorité de droite ce soir ne favorisent en réalité que les milieux immobiliers, leur permettant de réaliser des bénéfices encore plus juteux sur le dos de la population. La volonté de la droite de concrétiser l'initiative par quatre lois distinctes au lieu d'une seule vise à rendre plus laborieux les référendums que nous ne manquerons pas de lancer au cas où ces lois seraient votées par ce Grand Conseil. La première de ces lois porte sur le principe de compensation des surfaces à bâtir. Il est significatif que la droite ait refusé de spécifier qu'il était question des besoins prépondérants de la population. Cela montre que cette disposition ne vise qu'à favoriser les propriétaires qui rechignent à construire des logements sociaux.
Ensuite, tout en étant parfaitement informée sur la gravité de la pénurie de logements, la droite veut accaparer des terrains en zone de développement pour y construire quasi exclusivement des logements accessibles seulement à une petite minorité fortunée, laissant la possibilité de construire jusqu'à 80% de logements offerts à la vente en zone de développement. Cela démontre, une fois de plus, l'irresponsabilité politique de la droite qui prône la suppression de tout instrument de gouvernement en matière de politique sociale du logement et qui permet par là aux promoteurs de profiter de la crise.
Mais il y a encore plus grave. Ces projets de lois sont des tentatives de démantèlement de la protection des locataires. Cela aura des conséquences immanquables sur la cohésion sociale. Je rappelle que suite à un vote populaire il a été mis un terme aux congés-ventes de sinistre mémoire imposant aux locataires le soi-disant choix d'acheter leur logement ou de partir. Dans une situation de tension et de pénurie extrême sur le marché du logement, la droite propose de réintroduire les congés-ventes à Genève, prétendant que ce serait - tenez-vous bien - dans l'intérêt des locataires. Avec le nombre de changements de locataires par année à Genève - à savoir environ 10'000 - ce sont des milliers d'appartements qui pourront être retirés de la location chaque année.
J'en viens maintenant au projet spécifique concernant l'épargne-logement. Tout d'abord, la capacité de réunir davantage de fonds propres par une petite minorité de locataires qui auront les moyens d'acquérir leurs logements à des prix déjà très élevés à Genève se traduira immanquablement par une hausse des prix compte tenu de la situation de pénurie de logements. L'effet multiplicateur sur le prix de l'augmentation des fonds propres entraînerait une augmentation du prix jusqu'à 5 fois l'amélioration de ces fonds propres. Si l'on ajoute à ceci le taux d'intérêt actuel historiquement bas, on peut comprendre les perspectives de bénéfices juteux pour les milieux immobiliers et ainsi leur intérêt à faire passer la loi sous le couvert de défendre les intérêts des locataires.
Cependant, avec la possibilité qu'offre actuellement l'utilisation du deuxième pilier pour l'achat d'un logement, je doute fort de l'impact réel de cette mesure.
Le problème, c'est que vous essayez, Mesdames et Messieurs de l'Entente, de faire croire aux locataires que c'est dans leur intérêt de voter ces lois. Je profite de ce débat pour poser une nouvelle fois la question aux représentants des milieux immobiliers dans ce Grand Conseil de savoir par quel miracle selon eux une augmentation de la demande engendrée par l'augmentation des fonds propres à dispositions ne générerait pas un report de cette augmentation sur le prix de vente. J'attends toujours une réponse, avec beaucoup d'intérêt mais plus beaucoup d'espoir de leur part, car, jusqu'à ce soir, malgré mes nombreuses interventions, c'est le mutisme total.
Je termine en indiquant ceci: la protection des locataires est essentielle afin de garantir la cohésion sociale dans notre canton. Je vous rappelle les dégâts énormes occasionnés par les spéculateurs immobiliers à Genève qui ont tiré profit sans le moindre état d'âme d'une situation de pénurie dans les années 1980.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'oppose fermement à tous ces projets de lois concrétisant l'initiative 116. Nous estimons que ces projets sont antisociaux et irresponsables. (Applaudissements.)
Le président. Le Bureau a décidé de clore la liste des intervenants. Il reste Mmes Künzler et Roth-Bernasconi et MM. Grobet, Sommaruga, Pagani et Moutinot.
Mme Michèle Künzler (Ve). Les Verts avaient annoncé qu'il y avait deux projets inacceptables et un dont on ne sait s'il est inutile ou indécent; eh bien, c'est de ce dernier dont nous parlons en ce moment. Il est exact que la loi actuelle est obsolète, qu'elle nécessite des changements, mais on ne peut pas dire qu'elle ait eu une incidence formidable puisque seules 36 personnes ou familles se sont inscrites pour bénéficier de l'épargne-logement et ce en l'espace de trente ans, soit environ une personne par an.
Cette loi ne peut pas être maintenue en raison des nouvelles dispositions fédérales. Il faut donc procéder à un toilettage et l'on peut se demander s'il est vraiment utile de continuer sur cette voie.
Je me demande si ce que propose le projet de loi n'est pas indécent. Ajouter 5% sur les intérêts et le capital cumulé engendrera des prestations extrêmement importantes, sans toutefois avoir de garanties ni sur le type de logement acheté, ni sur l'existence d'une fortune antérieure. On peut très bien imaginer simplement un transfert de fonds régulier pour toucher un bonus d'intérêt: c'est l'évidence. Tout cela n'a pas été étudié très à fond puisque ce problème n'a pas été identifié.
Nous nous demandons en outre si ces dispositions ne sont pas inutiles. Comme l'a souligné Mme Grobet-Wellner, les avantages offerts par le deuxième ou le troisième pilier sont nettement supérieurs, dans certains cas, aux prestations offertes par cette loi et les gens qui disposent d'un très bon revenu n'auront pas besoin de ces prestations. Ceux qui, au contraire, disposent d'un petit revenu n'ont pas forcément de fortune. On ne voit donc pas très bien à qui ces prestations s'adressent.
Dans le doute, je trouve qu'il vaut mieux s'abstenir et refuser ce projet de loi parce qu'il n'amène pas beaucoup de solutions et en tout cas pas de solutions pour le logement social.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je tiens à préciser que j'interviens comme rapporteur général de minorité...
Le président. Ne faisons pas de procédure, Monsieur Grobet. Vous parlez d'où vous voulez. Il n'y a aucun privilège lié à la fonction de rapporteur. En l'occurrence les deux rapporteurs pour ce projet de loi sont MM. Muller et Sommaruga.
M. Christian Grobet. Vous oubliez, Monsieur le président, ma qualité de rapporteur général de minorité. Comme vous aimez bien qu'on vous rappelle que vous êtes président, je me permets de vous rappeler ma qualité de rapporteur général de minorité.
J'aimerais tout d'abord dire à Mme Hagmann que, s'il est vrai que le taux des propriétaires sur l'ensemble de la Suisse est plus élevé qu'à Genève, on ne peut pas pour autant comparer la situation d'un canton-ville avec celle de cantons ruraux. Le taux de locataires en ville de Genève est probablement assez identique à celui des villes de Lausanne, Berne, Bâle, etc.
On a aussi entendu tout à l'heure quels seraient les avantages de la propriété par étages. J'ai pu constater comme avocat que la propriété par étages dans des immeubles présente beaucoup d'inconvénients: souvent les décisions doivent être prises à l'unanimité des co-propriétaires et nombre de problèmes apparaissent, que ce soit pour des travaux d'entretien ou autres. Il ne faut donc pas prétendre que la propriété par étages est une panacée, surtout dans le régime légal suisse. Il est exact qu'en France les procédures admettent la majorité qualifiée, et la gestion d'une co-propriété s'en trouve facilitée - je le souligne au passage.
Vous avez indiqué, Madame Hagmann, les avantages de l'acquisition d'un logement. Je me rappelle, que j'avais, quand j'étais jeune, des amis qui habitaient Paris où, à cette époque, il était pratiquement impossible de trouver un appartement si on ne l'achetait pas. J'avais trouvé cela épouvantable. Je trouverais extrêmement inquiétant que nous nous trouvions, à Genève, dans une situation dans laquelle des jeunes gens, pour pouvoir disposer d'un logement, doivent l'acheter et investir une somme importante, à l'instar de ce que j'ai vu en France.
Je veux bien parler de rêve, mais je crois qu'il faut aussi parler de réalité. Cette initiative vise en fait à remplacer la location d'un appartement par l'acquisition de celui-ci; cela créera un système à deux vitesses dans lequel il sera très difficile, notamment pour les jeunes, de trouver un logement.
J'en viens maintenant à la loi elle-même pour relever un paradoxe. D'une part, les députés de l'Entente, plus particulièrement du parti libéral et de l'UDC, soulignent, depuis quelques mois, leurs inquiétudes quant à la situation financière de l'Etat et parlent de la nécessité de faire des économies, et, d'autre part, les mêmes - qui soutenaient déjà l'initiative Casatax qui coûtera 25 millions aux contribuables - proposent aujourd'hui de nouvelles largesses en matière fiscale, qui coûteront cher et qui vont à l'encontre de la politique qu'ils préconisent. Remarquez que j'ai été heureux, Madame Brunschwig Graf, de voir que les comptes n'étaient pas tels que certains de vos amis politiques les dépeignaient. Puisqu'on a beaucoup parlé de Mme Calmy-Rey, j'aimerais personnellement lui rendre hommage pour avoir réussi, durant ces quatre dernières années à rendre des comptes en chiffres noirs, alors que l'héritage de M. Vodoz était épouvantable. J'espère que les largesses en matière fiscale ne vont pas contribuer à faire disparaître le léger excédent de 25 millions. Ce sera précisément le coût de la concrétisation de l'initiative Casatax. Il nous reste à prier que cette loi soit refusée par le peuple parce qu'elle annulera l'excédent de cette année.
Madame Hagmann vous le savez aussi bien que moi, ce projet de loi ne présente aucun intérêt pour les acquéreurs que vous prétendez favoriser. Cette loi est une loi pour les millionnaires. (L'orateur est interpellé.)Oui, Madame, c'est une loi pour les millionnaires et je vais vous dire pourquoi. Très peu de gens pourront acquérir leur logement, en revanche, les gens fortunés pourront effectivement profiter des largesses de l'Etat. J'ai réfléchi à un cas de figure tout à fait raisonnable: imaginons une famille qui voudrait acheter un appartement à chacun de ses deux ou trois enfants; eh bien, cela sera parfaitement possible avec la loi que vous proposez. Evidemment, ce projet de loi ne permettra pas de financer une villa de 3 ou 4 millions... (L'orateur est interpellé.)Je vous prie de m'excuser, Madame, mais ce texte ne fixe aucune limite et vous le savez !
Le président. Vous allez devoir conclure Monsieur le député.
M. Christian Grobet. Un millionnaire qui voudra s'acheter une villa à 3 millions pourra demander une subvention de l'Etat. C'est la réalité de ce que vous nous proposez. Vous avez fabriqué une loi qui n'est pas du tout propre à faciliter l'accès à la propriété comme vous le prétendez, mais qui sera utilisée par les gens les plus fortunés de ce canton parce qu'ils auront compris ce qui a été relevé par d'autres députés, à savoir qu'il y aura moyen de constituer un capital non négligeable relativement facilement grâce à l'argent public.
Pour terminer, je demande, Monsieur le président, que Mme Brunschwig Graf s'explique sur un point. Cette loi entraînera des dépenses nouvelles: comment seront-elles financées ? L'article 128 de notre règlement, dont vous aimez bien nous lire quelques dispositions de temps en temps, Monsieur le président, prévoit que les dépenses nouvelles soient financées.
Le président. Nous examinerons cette question. La parole est à Mme Roth-Bernasconi.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Le projet de loi et l'initiative dont nous traitons aujourd'hui ont au moins un mérite. Ils montrent qu'il y a effectivement une différence entre la gauche et la droite. (Rires.)C'est un scoop. La population confond souvent gauche et droite prétendant que, somme toute, c'est kif-kif bourricot...
En l'occurrence, ces projets de lois ont pour objectif de favoriser les riches au détriment de l'intérêt général, de la paix sociale, voire du bonheur du plus grand nombre. On voit par là clairement, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, que vous défendez vos propres intérêts: ceux des bien portants, des propriétaires, des personnes qui disposent de tels salaires ou revenus qu'elles peuvent facilement mettre de côté 12'000F par année. Demandez à une vendeuse de Pimkie si elle peut mettre de côté chaque mois 1000F ! Quels sont les problèmes qui préoccupent aujourd'hui la population ? La peur du chômage, le souci de ne pas pouvoir boucler les fins de mois, de ne pas arriver à payer les primes de caisse maladie, la difficile conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et aujourd'hui, malheureusement, la guerre. Les baromètres d'opinion établis ces dernières semaines démontrent que l'accession à la propriété n'est pas ce qui préoccupe en premier lieu les gens. Nous voulons lutter contre l'insécurité, contre le chômage, pour le bien-être de tout le monde, pour un monde où il fait bon vivre. Que proposez-vous face à cela ? Un cadeau fiscal et financier de l'Etat à celles et ceux qui ont des revenus importants voire très importants et qui peuvent se permettre d'épargner en vue de l'acquisition de leur logement par une épargne bloquée. Vous faites ce cadeau à une petite minorité de la population genevoise. Or, nous allons vers des temps difficiles en matière budgétaire. L'économie stagne et les revenus des personnes physiques n'augmentent pas. Quand la conjoncture va mal, il faut inciter les consommateurs et les consommatrices à consommer pour favoriser la relance. La proposition de stimuler l'épargne-logement à un moment où nous demandons un peu plus de croissance est tout simplement aberrant et contraire au bon sens économique. Si l'on cherche un effet de relance économique, il vaudrait mieux soulager les couches populaires des charges qui pèsent lourdement aujourd'hui sur leurs budgets, par exemple par l'exemption des primes de caisse-maladie. Il est en effet démontré que les milieux les plus modestes dépensent toute amélioration de leur revenu disponible. C'est pourquoi notre groupe ne trouve pas du tout prioritaire d'inciter les gens à économiser afin de devenir propriétaire de leur logement.
Même si nous partagions le but de votre projet, l'effet de celui-ci resterait douteux. En effet, le rapport de minorité nous apprend qu'une loi pour l'épargne-logement existe déjà depuis 1969. Aujourd'hui, nous constatons que cette loi n'a ni apporté une contribution pour diminuer la crise du logement ni permis l'accession à la propriété pour les classes moyennes. Toujours selon le rapporteur, cette loi a permis la mise sur le marché d'un logement, oui d'un seul logement, par année en moyenne, alors que pendant cette période, la politique du logement très progressiste de notre canton a permis de mettre à disposition de la population en moyenne annuelle 2486 logements. La classe moyenne n'a plus la possibilité d'accéder à la propriété de son logement parce que les salaires n'y suffisent pas. Vous trompez donc l'électeur et l'électrice en affirmant que votre proposition facilitera l'accession à la propriété. En outre, votre projet correspond à des subventions déguisées pour les bien portants de cette République. Vous affirmez ne pas vouloir faire une politique de l'arrosoir quand il s'agit de donner des droits aux personnes défavorisées ou aux associations qui travaillent pour améliorer le sort des personnes les moins bien loties. En revanche, vous acceptez des subventions déguisées sous la forme de primes accordées à toutes les personnes qui peuvent se payer le luxe d'économiser 1000 F par mois. cela est scandaleux, inéquitable, incohérent contraire au principe d'un Etat social fort. Tous vos projets de diminutions d'impôts et de primes pour les riches ne visent qu'une chose: appauvrir l'Etat social. Vous prenez de grands risques, Mesdames et Messieurs les députés, car un Etat appauvri ne peut plus fournir un service public de valeur et doit laisser tomber une couche de la population qui a besoin d'aides étatiques. Le risque d'éclatement est alors important. L'insécurité augmenterait et vous devriez vous murer dans vos villas et vos jardins avec comme seuls compagnons les nains qui décorent ceux-ci ! (Brouhaha.)Ce ne serait pas une société conviviale, car chacune et chacun aura peur de l'autre. Vous creusez l'écart entre les riches et les pauvres et c'est une source de conflit et d'insécurité. Plutôt que de vouloir sans cesse augmenter le nombre de flics dans nos rues, vous feriez mieux de soutenir une politique sociale qui ne fait pas de cadeau aux riches.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste n'entrera pas en matière sur le projet de loi 8934. (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. Sommaruga que je prie de défendre également son amendement.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. L'amendement qui a été déposé sera discuté tout à l'heure lorsque nous serons éventuellement entrés en matière.
Je voudrais plutôt répondre à certains arguments qui ont été avancés et surtout aux ricanements déplacés des libéraux durant l'intervention de ma collègue, Mme Roth-Bernasconi. Evoquer des effets dévastateurs de ces projets de lois sur la cohésion sociale, c'est évoquer une réalité certaine. Votre seule réponse, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, c'est le mépris vis-à-vis de ceux qui vont se trouver en difficulté et le mépris vis-à-vis de ceux qui expriment cette préoccupation dans cette salle. Je trouve que cette attitude est particulièrement déplacée, mais ceux qui aujourd'hui nous regardent à la télévision sauront apprécier ce mépris.
Ceci dit, quand je prenais la parole tout à l'heure sur la question de la sous-évaluation fiscale, à nouveau il y a eu des hochements de tête sur les bancs d'en face. A de nombreuses reprises on a évoqué, et Mme Hagmann l'a encore fait tout à l'heure, les travaux de MM. Favarger et Thalmann sur la question de l'accession à la propriété. Je me fais un plaisir de rappeler un passage du livre qu'ils ont écrit et qui s'intitule Enjeux et mythes de l'accession à la propriété en Suisse.Cet extrait se situe, je le précise pour Mme Hagmann qui sûrement ira le relire pour vérifier l'exactitude de la citation, aux pages 276 et 277. Voilà ce qu'écrivent Thalmann et Favarger: «La sous-évaluation fiscale des valeurs locative et fiscale des logements en propriété coûte quelques 2 milliards de francs de recettes publiques. En égalisant ces valeurs imputées avec celles du marché, les cantons et communes obtiendraient une recette fiscale supplémentaire qui permettrait de supprimer les droits de mutation et de verser une prime de 15'000 à 50'000 F aux accédants chaque année, ce qui devrait suffire pour avoir une majorité de propriétaires à l'horizon 2020.» Il s'agit donc bien de trouver les méthodes qui sont appropriées et de ne pas faire payer aux autres son propre privilège.
Cet élément est évoqué aussi par le rapporteur de deuxième minorité. La loi dont il est question actuellement n'a pas été conçue pour favoriser l'accession à la propriété des locataires. Elle a été conçue dans un esprit qui est systématiquement contesté par votre parti, Monsieur Muller, c'est-à-dire un mode de subvention d'arrosage qui permet de verser de l'argent à tout le monde. C'est ainsi que même un propriétaire qui possède déjà son logement pourra sans autre bénéficier d'une subvention pour acquérir un deuxième logement et se déplacer dans une villa encore plus chère, même si le prix de celle-ci dépasse 1,5 million. Il n'y a rien dans le texte de la loi qui indique que le bénéfice de ces subventions est limité à ceux qui ne sont pas propriétaire. Finalement, cette loi offrirait le soutien financier de l'Etat à la petite spéculation.
J'aimerais évoquer ici un dernier point: ce projet de loi modifie le régime fiscal de l'exonération de l'impôt immobilier complémentaire. Si ce projet de loi est voté, on passera d'une situation où l'exonération d'un bénéficiaire d'un compte épargne-logement est possible mais seulement sur décision du Conseil d'Etat, à une situation où l'exonération sera systématique. En d'autres termes, il y a modification de l'assiette fiscale puisque systématiquement le Conseil d'Etat devra accorder cette exonération. C'est pourquoi, conformément aux dispositions constitutionnelles, ce projet de loi doit être soumis de manière impérative et obligatoire au référendum.
Le président. Si je vous comprends bien, Monsieur le député, il n'y aura plus que trois référendums facultatifs.
M. Carlo Sommaruga. Dans la mesure où une seule loi sera votée et qu'un des volets concerne une modification fiscale, le référendum obligatoire concerne l'ensemble de ce paquet de projets de lois concrétisant l'IN 116.
Le président. Ce que vous dites est vrai dans l'hypothèse où il n'y a qu'une loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve parfaitement déplorable, alors que 15'000 personnes se sont mobilisées dans la rue hier pour protester contre la guerre, que nous ne puissions pas avoir un débat dans ce parlement. Je regrette de même que vous ayez censuré mon collègue Pierre Vanek. J'en reste là sur ce sujet.
Je pense qu'on devrait appeler ce projet de loi «projet de loi pour les millionnaires», j'ai d'ailleurs déposé un projet de loi en ce sens, mais nous n'en sommes pas encore à discuter des amendements.
Je crois qu'il faut tout de même se poser la question de savoir pourquoi nos concitoyens n'ont pas utilisé la loi précédente, la loi Wellhauser, qui essayait d'encourager l'accession à la propriété.
Je pense que nous devrions nous interroger sur les risques qu'encourt la population, à qui nous faisons miroiter les avantages du statut de propriétaire, dès lors qu'elle commence à emprunter. Qu'arrive-t-il lorsque l'on a un emprunt et, par exemple, que l'on perd son emploi ? Je ne sais pas si vous avez remarqué, Mesdames et Messieurs, que certains de nos concitoyens usent et abusent du petit crédit et se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles, jusqu'à être dans l'impossibilité de rembourser leurs dettes. Les dispositions de ce projet de loi font courir des risques importants à ceux qui tenteront l'aventure. En effet, la population est aujourd'hui majoritairement précarisée et les risques de perdre son emploi ne sont pas minces, contrairement à la situation qui prévalait il y a quinze ans. Pour ma part, si cette loi devait malheureusement passer, j'encouragerais la population à ne pas rentrer dans cette logique, dans cet engrenage. Le problème, c'est qu'avec le petit crédit, et l'augmentation du recours à cette forme de financement ces dix dernières années le démontre, les gens tentent l'aventure, parce que la vie est faite d'espoir, mais ensuite, on les retrouve à l'assistance publique parce qu'ils se sont trouvés face à des difficultés insurmontables au niveau financier et au niveau social. Il faut mener cette réflexion et jusqu'ici elle n'a pas été prise en considération dans les débats sur cette loi et il est important de désigner aussi les méfaits de telles dispositions. En effet, si elle permettra d'accorder des bonus, et de larges bonus, aux plus fortunés; un certain nombre de couples et un certain nombre de familles risquent d'être pénalisés de manière définitive - et je pèse mes mots. Ces gens se trouveront empêtrés dans la situation d'avoir des dettes à vie.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat a discuté à trois reprises de l'IN 116. Une première fois dans la législature précédente, nous vous avions alors conseillé le rejet pur et simple de cette initiative. Une deuxième fois, au début de cette législature, nous vous avons à nouveau conseillé de rejeter cette initiative et de lui opposer un contre-projet sur les points raisonnables qu'elle soulevait, mais nous considérions que le texte même que vous êtes obligés de concrétiser, si vous en acceptiez le principe, comporte des éléments excessifs. Nous en avons enfin discuté une troisième fois à l'approche du débat de ce soir. Nous avons constaté que malheureusement nos craintes sont fondées et que deux des projets qui vous sont soumis sont excessifs. Nous regrettons dès lors que vous n'ayez pas suivi la proposition du Conseil d'Etat visant à l'élaboration de contre-projets qui auraient pu recueillir un large aval. Vous avez, Mesdames et Messieurs, décidé de traiter les quatre volets séparément. Je m'exprime maintenant une fois pour toutes pour vous exposer la position du Conseil d'Etat sur l'ensemble des textes soumis au vote ce soir. Dans les circonstances que je viens de rappeler il est difficile pour le Conseil d'Etat, c'est même impossible, de proposer tel ou tel amendement que, malgré tous nos efforts, nous n'avons pas pu faire passer en commission, et que de surcroît nous ne pouvons pas déposer sans quoi la concrétisation de l'IN 116 ne correspondrait plus au texte initial de l'initiative non formulée. C'est pour cette raison précise que nous voulions des contre-projets.
Vous imaginez, Mesdames et Messieurs les députés, que, dans la composition que vous lui connaissez, le Conseil d'Etat représente toutes les tendances politiques ou presque sur ces questions. (Brouhaha.)Les débats que nous avons eus à trois reprises ont toujours été approfondis. Aujourd'hui, nous constatons la chose suivante. Le projet que vous étudiez actuellement, qui concerne la fiscalité et l'épargne, implique un effort important, même très important, de l'Etat - dans le cas évidemment où cette loi rencontrerait plus de succès que les lois précédentes. Pourtant, à l'exception de cette réserve s'agissant des finances de l'Etat, ce projet de loi ne pose pas d'autres problèmes particuliers et le Conseil d'Etat peut l'accepter.
Le deuxième volet est celui qui concerne la compensation des droits à bâtir. Sur ce sujet, on a fait de l'acrobatie. Ce projet ne concrétise pas l'IN 116 qui demande autre chose que les dispositions de ce projet, mais celles-ci sont raisonnables et demandent simplement que la perte de droits à bâtir dans le canton soit compensée. La réalité, qu'elle plaise ou non, est que la zone à bâtir a tendance à croître et non pas à décroître, il n'y aura donc pas de difficultés à respecter cette loi. Le Conseil d'Etat y est également favorable.
En ce qui concerne le troisième volet, c'est-à-dire celui qui prive le Conseil d'Etat d'intervenir, en zone de développement, sur le genre de logements, sur le nombre de logements subventionnés, nous estimons qu'il n'est pas acceptable. Il prive l'Etat d'une possibilité de pilotage importante pour l'aménagement. Je vous rappelle qu'au début de la législature précédente tous les projets présentés étaient des logements subventionnés, j'ai dû en refuser au nom de la mixité du logement. Aujourd'hui la conjoncture ayant changé, la demande est inverse: on me demande de bâtir exclusivement en loyers libres. Là aussi, je dis non, car il convient impérativement, afin que chacun soit logé, que tous les types de logements soient construits. Or, d'après les statistiques 2002, il a été construit 1300 logements dont un quart de villas, un quart de libres et une moitié de subventionnés. Si l'on regarde la composition des revenus du canton, vous conviendrez, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est un équilibre très approximatif. Il ne s'agit en tout cas pas de l'aggraver; dans le cas contraire, nous courrons le risque que les moins favorisés soient dans une situation inacceptable avec toutes les souffrances que cela engendre, mais aussi toutes les dérives politiques qui peuvent en résulter.
Le quatrième volet est celui qui a trait aux congés. Nous comprenons assez mal qu'après un nombre important de votations populaires sur cette question qui manifestement intéresse toutes les Genevoises et tous les Genevois vous concrétisiez cette initiative, mais c'est en grande partie ce qu'elle demande, d'une manière aussi excessive qu'elle va manifestement engendrer des troubles. Vous avez mis la charrue avant les boeufs, Mesdames et Messieurs les députés. J'avais suggéré, et j'avais cru comprendre que c'est ce que signifiait «Un toit à soi», que l'on pourrait favoriser l'achat de celui qui veut acheter son logement et vous avez fait une législation qui a pour but de favoriser la vente. C'est exactement l'inverse de ce que demande l'initiative. Il s'agit alors de ne pas rallumer une guerre inutile, de sorte que le Conseil d'Etat vous demande également de rejeter ce quatrième volet.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est presqu'un aveu d'impuissance de ma part, mais je vous exhorte néanmoins, et en particulier les membres des partis gouvernementaux, à suivre les recommandations du Conseil d'Etat à savoir le rejet des volets 3 et 4 et l'acceptation des volets 1 et 2. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. J'ai posé une question au Conseil d'Etat relative au financement des dépenses engendrées par les projets de lois que nous traitons actuellement. J'aimerais avoir une réponse à ce sujet. J'ai rappelé l'article 128 de notre règlement qui prévoit que lorsqu'un député dépose un projet de loi comportant une dépense nouvelle, ce projet doit prévoir la couverture financière de cette dépense par une recette correspondante. M. Muller, d'une manière assez habile, s'est bien gardé de formuler la moindre estimation quant à l'impact des primes nouvelles pour l'épargne-logement sur les finances de l'Etat. M. Sommaruga en revanche, a donné des chiffres assez significatifs. Il est évident que même dans la situation actuelle, c'est-à-dire une quarantaine de personnes disposant d'un carnet d'épargne-logement, ce projet de loi entraînera des dépenses supplémentaires qui dépasseront largement les 60'000 F. Ce n'est pas au Conseil d'Etat de formuler une proposition de couverture financière, parce que le projet de loi n'émane pas du Conseil d'Etat mais d'un député; j'aimerais cependant que Mme Brunschwig Graf nous dise quelle est son estimation des dépenses supplémentaires qu'engendrera l'augmentation des primes pour l'épargne-logement.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, certains d'entre vous ont mentionné tout à l'heure leur souci des dépenses publiques et j'aimerais qu'il soit clair que l'évolution de la conjoncture, mais aussi nos propres dépenses des années passées, seront le fruit de nos résultats futurs. Il ne doit pas y avoir de malentendu sur les résultats des comptes 2002: ceux-ci présentent un boni, mais ils présentent aussi les symptômes des résultats mauvais qui suivront, chacun doit être conscient de ceci.
J'en viens à la question de M. Grobet. J'avoue tout d'abord mon impuissance: je ne suis pas capable, pas plus d'ailleurs que les députés qui ont déposé le projet de loi ou même que M. Sommaruga qui évoque les premiers éléments à prendre en compte, de chiffrer les conséquences de cette loi. Pour ma part, je pense qu'il est malvenu de faire valoir cet argument de façon ponctuelle. Si chacun ici est maintenant convaincu que cette disposition constitutionnelle doit être appliquée, je souhaite que nous y réfléchissions indépendamment de la discussion que nous avons aujourd'hui afin que chaque projet de loi, quel qu'il soit, soit accompagné du financement adéquat.
Je veux dire encore une chose, et je l'aurais dit de la même manière si ce projet de loi avait été déposé par la gauche - vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est la vérité: je propose de ne pas débattre de cette question ce soir, mais, si c'est vraiment une préoccupation que vous partagez tous, d'en faire un sujet de travail pour les deux ou trois prochaines années.
Le président. Je mets aux voix le projet de loi PL 8934 en premier débat par vote électronique.
M. Christian Grobet. On est en débat de préconsultation !
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 48 oui contre 35 non.
Le président. Ce projet de loi sort de commission et il a fait l'objet d'un vote formel en commission. Ce vote figure dans le rapport de M. Muller. Il est de toute manière évident que la discussion immédiate sera demandée, mais je pense que réellement ce projet qui revient de commission est en premier débat. Je veux bien, cependant, si vous le souhaitez, que nous poursuivions le débat.
M. Mark Muller (L). Dans l'hypothèse où nous serions en débat de préconsultation, je demande la discussion immédiate.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je dois dire que plus cette soirée avance, plus je suis étonné parce qu'en certaines circonstances vous êtes tellement tatillon avec le règlement, Monsieur Muller... Je ne voudrais pas insinuer, Monsieur le député, que vous êtes plus tatillon dans certaines circonstances que dans d'autres, mais, en l'occurrence, je trouve que votre procédé est gros. J'ai du mal à croire que vous n'étiez pas au courant des préoccupations qui ont été exprimées à juste titre par Mme le sautier. Mme Hutter avait remarqué qu'il y avait un problème avec ce projet de loi. Nous avons d'ailleurs eu une séance spéciale de la commission du logement à la salle des Fiefs et il était apparu nettement que le droit d'initiative législative appartient soit au Conseil d'Etat soit aux députés. J'ai moi-même aidé la majorité dont vous faites partie, Monsieur Muller, qui ne s'était même pas rendu compte du problème. J'ai, très gentiment, pour faciliter les débats ce soir, suggéré que les projets de lois soient déposés par les députés qui voulaient bien les présenter. J'imagine, Monsieur le président, que vous avez le rapport général devant vous et vous pouvez constater que la date de dépôt indiquée est le 4 mars 2003. Je ne vois pas comment la commission du logement qui avait clos ses travaux quinze jours auparavant aurait pu voter un projet de loi déposé le 4 mars. C'est un tour de force inouï jusqu'ici !
Notez bien que si on veut continuer sur la question de l'application très rigoureuse qui vous plaît tant de notre règlement, vous auriez dû, Monsieur le président, refuser d'enregistrer ces quatre projets de lois, comme vous aviez, de votre propre autorité, considéré qu'un projet de loi que votre serviteur avait déposé était irrecevable. Vous avez écarté un projet de loi que j'ai déposé parce que d'après vous il n'était pas conforme au règlement. Vous avez même demandé un avis de droit. Dans le cas présent, il n'était même pas nécessaire de demander un avis de droit: les quatre projets de lois ont été déposés sans exposé des motifs, voyez-vous. Or, quand nous déposons un projet de loi ou une motion sans exposé des motifs, M. Thorens nous téléphone immédiatement pour réclamer un exposé des motifs, faute de quoi notre projet ne sera tout simplement pas pris en compte. Je vois M. Thorens qui rigole et qui rougit... (Brouhaha.)...mais vous faites très bien votre travail, Monsieur, et cela sans doute sur les instructions de M. le président, qui est toujours attentif à ce que toutes ces prescriptions formelles soient respectées. Je constate qu'aujourd'hui nous sommes saisis de quatre projets de lois dont j'avais suggéré le dépôt pour rendre service, mais je n'allais tout de même pas rappeler à ces messieurs dames qu'il fallait encore rédiger un exposé des motifs.
Bref, je remarque qu'il y a une série d'informalités. Je ne veux pas en faire des choux gras, mais je demande simplement que le règlement soit respecté, c'est-à-dire que, ces projets de lois ayant été déposés le 4 mars, il convient de suivre la procédure prévue par le règlement qui consiste à procéder à un débat de préconsultation.
J'aimerais encore - car vous êtes prompt, Monsieur le président, à clore la liste des orateurs - remercier Mme Brunschwig Graf pour son intervention. (L'orateur est interpellé.)Je n'ai rien dit de tel, seulement, après votre intervention, je suis très préoccupé, parce que si je conçois que l'impact financier soit difficile à estimer et si, comme vos amis politiques nous le disent, ce projet de loi sera tellement utile aux futurs propriétaires, les coûts ne se limiteront pas à quelques dizaines de milliers de francs. On parle sans doute de quelques millions. (L'orateur est interpellé.)Je vous en prie, je parle sérieusement. Il faut tout de même distinguer les lois de portée générale, qui peut-être engendrent quelques dépenses - l'impression pour remplacer le texte dans le recueil systématique ou les frais de salaires de M. Thorens qui relit les textes... (Vif brouhaha.)...très attentivement d'ailleurs - des lois spécifiques qui prévoient des décaissements. Avec cette loi, Monsieur Muller, vous proposez des décaissements. Nous ne sommes même plus au stade des abattements fiscaux, dont on ne sait d'ailleurs pas non plus combien ils coûteront, ce sont des primes versées en espèces sonnantes et trébuchantes dont il s'agit. Ainsi, en l'occurrence, je ne vois pas comment on pourrait passer outre cette exigence de notre règlement. Je ne vous interpelle pas sur ce point, Madame Brunschwig Graf, car c'était de la responsabilité de M. Muller et de ses amis de rédiger correctement leur projet de loi. Il y a cependant des tableaux d'estimations qui viennent de votre département, Madame la conseillère d'Etat, et qui montrent que ce projet de loi aura des conséquences financières importantes.
Pour conclure, je vous demande, Monsieur le président, de traiter avec la même attention les textes déposés et cela d'où qu'ils proviennent dans ce parlement. Vous m'aviez fait remarquer, Monsieur, que j'avais déposé un projet de loi...
Le président. Un projet de loi à 20 millions.
M. Christian Grobet. ...qui ne respectait pas toutes les exigences du règlement, alors que le seul but de mon texte était la reprise d'un projet du Conseil d'Etat pour activer la construction de logements. J'ai cru naïvement... (Brouhaha.)...que tout le monde serait favorable à ce qu'on débloque un projet permettant de construire 1000 logements. Je n'ai fait que copier un projet de loi du Conseil d'Etat et ce projet de loi a été considéré comme irrecevable, alors que quatre projets de lois sans exposés des motifs et sans la couverture financière, telle que prévue par le règlement du Grand Conseil, passent comme une lettre à la poste avec notre président Lescaze. Je le répète, je vous demande d'avoir la même rigueur - non, pas la même rigueur, vous n'êtes pas un maître d'école - la même attention sur le contenu des projets de lois, qu'ils viennent des bancs de la droite, de la gauche ou du milieu où nous nous trouvons ici.
Le président. Votre petit numéro est juste. (Brouhaha.)Cependant, Monsieur Grobet, vous avez oublié de lire la page 9 du rapport de majorité de M. Muller. Je lis: «La proposition de concrétiser l'initiative 116 par quatre projets de lois distincts, soit par les deux projets adoptés par la commission du logement, le projet de loi adopté par la commission fiscale et le projet de loi adopté par la commission d'aménagement du canton.» Suit le résultat d'un vote. A l'évidence, ce vote a eu lieu en commission et donc ces projets de lois ont été vus en commission, même si formellement des députés ont déposé ces projets par la suite.
Cela étant, la discussion immédiate a été demandée et je vais mettre aux voix cette proposition. De cette façon, il n'y aura pas d'informalité. C'est le même vote que tout à l'heure après lequel nous entamerons le premier débat.
M. Albert Rodrik (S). Je ne sais pas si dans cette salle beaucoup de gens s'amusent ou ont l'air de s'amuser, mais moi, tout cela ne m'amuse pas.
Le président. Moi non plus.
M. Albert Rodrik. Surtout pas depuis que j'ai entendu le président du Conseil d'Etat et Mme Brunschwig Graf. Nous sommes dans la gaudriole et dans l'idéologie du cadeau à qui n'en a pas besoin. Véritablement, je crois que ce soir nous nous sommes suffisamment donnés en spectacle. Quand le président du Conseil d'Etat et la responsable des finances nous parlent comme ils nous ont parlé... A l'issue de leurs déclarations, il apparaît que nous allons adopter quatre projets de lois dont au moins deux sont avérés pernicieux. Je vous dis que cela n'est pas sérieux, car vous prenez des libertés avec les élémentaires précautions en matière législative. Je demande donc très simplement que ces quatre projets de lois retournent en commission et qu'on finisse la farce.
Des voix. Ce n'est pas possible.
Le président. Je mets aux voix l'entrée en matière... M. Sommaruga demande la parole. Je la lui donne ainsi qu'à M. Muller qui est aussi rapporteur sur ce projet. Ensuite, je mets aux voix la proposition de discussion immédiate.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. En tant que rapporteur de la première minorité, j'appuie cette proposition de renvoi en commission. Je pense qu'il faut la mettre aux voix avant même le vote sur l'entrée en matière. Effectivement, certains nous disent que ce serait impossible, c'est tout à fait inexact, ces projets de lois peuvent être renvoyés en commission. Effectivement le délai d'adoption de la loi de concrétisation sera passé puisqu'il échoit aujourd'hui, mais cela signifie seulement qu'il faudra soumettre au peuple l'initiative non formulée. Il n'y a strictement aucun problème légal.
J'aimerais relever que lorsqu'il a fallu élaborer un contre-projet à l'initiative Casatax, le Conseil d'Etat est venu avec un projet dont il a pris la paternité dès le départ. Il y a, dans le cas qui nous occupe, quelque chose de très particulier. On nous soumet un projet de loi signé par sept députés alors même que le rapport de majorité sur le même projet de loi nous dit, à la page 56: «La commission a fondé son travail sur les propositions de modification de la loi encourageant l'accession à la propriété du logement par l'épargne-logement formulé par un membre de la commission.» Alors je me demande: est-ce que c'est un député qui a formulé une proposition ou est-ce que ce sont sept députés qui ont déposé un projet de loi? Bref, on n'y comprend plus rien. Soit le rapport de majorité est totalement inexact, soit il y a une informalité majeure du projet de loi qui nous est présenté. Dès lors il apparaît indispensable que ce projet de loi soit renvoyé, dans un premier temps, à la commission qui l'a étudié, non seulement pour examiner ces problèmes d'informalité mais également ce qu'il en est de la couverture financière.
Le président. Avant de donner la parole à M. Muller qui est le rapporteur de majorité, je vous rappelle tout de même les termes de l'alinéa 1 de l'article 122 concernant les initiatives non formulées - et tout le monde convient qu'il s'agit ici d'une initiative non formulée. «Lorsque le Grand Conseil approuve l'initiative non formulée - ce que nous avons fait - il renvoie celle-ci à une commission chargée de la formuler en un projet de loi ou de loi constitutionnelle - c'est ce qui a été fait puisqu'il y a des rapports. Son rapport est porté à l'ordre du jour de la prochaine session utile.» La conséquence de cet article, c'est que ces projets de lois ont été déposés et même s'ils ont des signataires, nous pourrions les considérer comme des projets issus de la majorité de la commission. Nous écoutons maintenant M. Muller après quoi je mettrai aux voix la proposition de renvoi en commission, puis celle de discussion immédiate.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Je pense que vous devrez d'abord mettre aux voix la proposition de discussion immédiate puisqu'elle a été faite en premier.
Je voudrais dire deux mots de la question de la couverture financière. Celle-ci est en effet prévue, pas au franc près puisqu'il est impossible aujourd'hui de savoir exactement ce que cette loi coûtera effectivement à l'Etat puisqu'on ne sait pas quel sera son succès. En revanche, ce que nous savons, c'est que le projet de loi lui-même réduit les aides fiscales accordées à ceux qui deviennent propriétaires grâce à l'épargne-logement puisque nous avons supprimé l'exonération de la valeur locative et celle de l'impôt sur la fortune. La couverture financière est contenue dans le projet de loi lui-même et je crois que le problème est réglé de cette façon-là.
Le président. Je rappelle le contenu de l'article 130: «A l'issue de la préconsultation, le projet de loi est renvoyé en commission à moins que le Grand Conseil ne décide de passer à la discussion immédiate.» Il est donc clair que le vote sur la discussion immédiate vient en premier.
M. Jean Spielmann. Il y a un article qui prévoit que la demande de renvoi en commission prime toutes les autres demandes.
Le président. Ce qui s'applique en l'occurrence, c'est l'article 130 alinéa 2 que je viens de lire. Je mets aux voix la proposition de discussion immédiate.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée par 47 oui contre 37 non.
Premier débat
Le président. Nous entamons le premier débat et c'est maintenant, Monsieur Spielmann, que vous pouvez demander le renvoi en commission en vertu de l'article 78 alinéa 1 lettre a) de notre règlement.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je constate de nouveau que les procédures changent au gré des débats et des personnes concernées. Par le passé, chaque fois qu'il y a eu des demandes de renvoi en commission vous avez interrompu le débat sur le fond pour exiger que l'on s'exprime sur la proposition de renvoi. Comme vous n'avez pas mis aux voix cette proposition, je la formule à nouveau. Je demande le renvoi en commission de ces projets de lois pour la raison suivante: le problème de la couverture financière n'est pas réglé dans ce projet de loi contrairement à ce que prétend M. Muller. Vous avez évoqué, Monsieur, des questions d'exonérations fiscales. M. Sommaruga est mieux placé que moi pour en parler. Ce que je conteste, c'est l'existence d'une couverture financière pour l'augmentation des primes pour le carnet d'épargne-logement. C'est évidemment un cas de figure différent, je l'ai rappelé tout à l'heure. Il y a les primes d'une part qui sont des décaissements, et il y a les abattements fiscaux d'autre part. Or, l'augmentation des primes pour les détenteurs de carnets d'épargne-logement doit forcément faire l'objet d'une clause de couverture financière. Visiblement les auteurs de ce projet de loi ont oublié cette exigence. Je vous rappelle que nous avions eu un débat similaire sur l'initiative Casatax. Il avait alors fallu rectifier un projet de loi. Eh bien nous sommes exactement dans la même situation.
J'avais retrouvé le rapport sur l'initiative Casatax, mais je ne l'ai pas sous la main en ce moment. Je me souviens cependant, et j'attire l'attention du président sur ce point, que c'étaient des députés - ou le Conseil d'Etat, je ne sais plus - qui avaient déposé le projet de loi, lequel avait ensuite été renvoyé en commission. En tous les cas, la commission avait travaillé sur un projet de loi dont elle avait été saisie. Dans le cas qui nous occupe en revanche, la commission du logement n'a jamais été saisie d'un projet de loi. C'est au cours des travaux que la commission a imaginé un texte de loi, mais elle n'a pas été saisie d'un projet en bonne et due forme. La pratique constante, que j'ai rappelée à la majorité, veut qu'au terme des travaux le texte élaboré soit repris par certains membres de la commission, voire la totalité qui le déposent. C'est ce qui s'est passé et c'est pourquoi nous étions en débat de préconsultation.
Dans l'immédiat, en raison de l'absence de couverture financière, je demande que ce projet de loi soit renvoyé en commission.
Le président. Je vous rends attentif à la formulation de l'article 122 sur l'initiative non formulée qui pose des conditions différentes de celles que vous indiquez pour l'élaboration d'un projet de loi par une commission dans le cadre de la concrétisation de ces initiatives.
M. Albert Rodrik (S). Je vais peut-être répéter sous une autre forme ce que j'ai dit tout à l'heure. La politique, Monsieur Muller, ce n'est pas la dixième croisade et ce n'est pas non plus la charge de la brigade légère. Il faut que cette manière de procéder s'arrête parce qu'on ne fait pas la politique du logement de cette façon-là. Je vous en conjure, il faudrait que maintenant, au bout de quinze mois dans cette enceinte, vous le compreniez.
Je demande formellement que ces quatre projets repartent en commission pour qu'on évalue ce que nous sommes en train de faire. Je le répète, ce n'est ni la dixième croisade, ni la charge de la brigade légère, comprenez, Monsieur, qu'on ne peut pas travailler comme cela. (Applaudissements.)
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. J'ai déjà indiqué tout à l'heure qu'effectivement il était opportun de renvoyer ces projets en commission. La proposition de M. Rodrik vise à renvoyer les quatre projets en commission. Cependant, comme la majorité a souhaité concrétiser l'IN 116 sous la forme de quatre projets de lois, nous devrons, lors des débats sur chacun des projets, procéder à un vote sur le renvoi en commission. Nous ne pouvons en effet pas voter, maintenant, sur le renvoi de l'ensemble de ces projets.
Le rapporteur de majorité a dit quelque chose de totalement inexact en prétendant que ce projet n'aurait aucune incidence pour le budget de l'Etat. Même sans tenir compte de la question soulevée par M. Grobet qui porte spécifiquement sur les décaissements effectifs pour les primes versées par l'Etat, il est faux de prétendre que le projet de loi équilibre nouvelles dépenses et nouvelles recettes, notamment par le biais de la suppression des exonérations. Celles-ci ont été supprimées en raison de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs, c'est-à-dire l'harmonisation fiscale intercantonale. En d'autres termes, il a été procédé à un toilettage en vue de la mise en conformité avec le droit fédéral. La majorité a profité de ce toilettage pour augmenter les prestations sous la forme de prestations financières supplémentaires et sous la forme de déductions fiscales supplémentaires et, désormais, obligatoires.
Il y a donc lieu de renvoyer ces projets en commission pour clarifier tous ces points.
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai un doute - j'imagine que vous allez le lever, Monsieur le président - parce que je me souviens d'un projet de loi sur lequel nous avions travaillé et qui concernait la parole des enfants dans les procédures judiciaires. Nous avions alors effectué une sorte de gymnastique juridique consistant à renvoyer le projet à la commission judiciaire. Celle-ci proposait un nouveau projet de loi signé par des députés qui était à son tour renvoyé en commission et ceci même si le projet de loi avait été élaboré à la virgule près. Il s'est passé la même chose avec Casatax. Venir nous dire aujourd'hui que la procédure est différente parce qu'il s'agit d'une initiative non formulée, c'est, à mon avis, faire une erreur. Nous estimons, pour notre part, qu'il y a lieu de respecter, y compris dans le cas qui nous occupe, la procédure habituelle. M. Grobet me souffle à l'instant que le projet sur l'initiative Casatax avait été déposé par M. Muller.
M. Annen prétend à l'instant que c'est une manoeuvre dilatoire que nous utiliserions. Il confirme en opinant du chef. Monsieur Annen, moi je suis respectueux de la démocratie. En adoptant cette initiative, vous avez refusé de la soumettre au peuple et tout ce que nous gagnerions en renvoyant aujourd'hui ces projets de lois en commission, c'est que le peuple se prononce. Je ne vois pas en quoi cette procédure est dilatoire, à moins que vous ne soyez opposé à l'expression démocratique du peuple, Monsieur Annen. Le peuple pourra, comme il se doit, se prononcer, dans un premier temps sur cette initiative non formulée et, ensuite, après le travail de la commission, sur des contre-projets qui correspondront, comme l'a dit M. Moutinot, à un consensus réel.
Ces projets de lois entraîneront des décaissements importants; ils mettront l'Etat, et notamment son budget, en péril, sur un simple coup de baguette. Ce que vous nous proposez aujourd'hui, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, c'est précisément cela. Vous nous proposez de prendre une décision contre le Conseil d'Etat, y compris contre les conseillers d'Etat issus de vos rangs, puisqu'ils se sont prononcés contre l'ensemble de cette initiative. Vous mettez en outre en péril les comptes de l'Etat, Mesdames et Messieurs, puisque vous décidez de décaisser des sommes importantes: on parle de plusieurs millions, Monsieur Annen, sans couverture financière, sans vous être assurés de l'ampleur des dégâts que cette affaire va provoquer.
A mon sens, il n'y a donc pas de procédé dilatoire, il y a simplement une volonté démocratique de notre part face à l'idée complètement absurde consistant à vouloir faire passer en force ces projets de lois qui de toute façon - et vous le savez, Mesdames et Messieurs - finiront par passer devant le peuple qui les rejettera.
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous soutiendrons cette proposition de renvoi en commission, en particulier pour le projet dont nous discutons actuellement, puisque nous ne connaissons pas les incidences exactes de ce projet, nous ne savons pas s'il aura du succès ou non. De plus certaines limitations qui ne sont pas prévues dans ce projet devrait y être inscrites.
Par ailleurs - et nous l'avions annoncé dès le début - les Verts ont toujours dit que cette initiative était inacceptable. Elle échouera dans tous les cas devant le peuple. Le plus sage serait peut-être de reporter le débat pour qu'elle soit soumise immédiatement au vote du peuple sans attendre le référendum. De cette façon, on en aurait enfin fini.
A tout prendre, je pense que c'est à la commission de grâce qu'il faut renvoyer ces projets de lois. Je crois que c'est le seul endroit où ils auront une chance ! (Applaudissements.)
M. Robert Iselin (UDC). Vous permettrez à quelqu'un qui est relativement peu lavé aux jeux parlementaires de vous donner franchement ses opinions sur ce débat. La lecture des textes volumineux qui ont été réunis, lecture parfois indigeste mais contribuant certainement à décrasser les méninges, cette lecture laisse parfois songeur. Le temps de songe a certains avantages... Il est probable que cette intervention me vaudra de me faire tirer dessus en descendant la rue de l'Hôtel-de-Ville.
Nous sommes en présence d'un ensemble de règles élaborées au cours des 30 ou 40 dernières années par des spécialistes désireux de résoudre le problème du logement à Genève. Le résultat est fort compliqué et on se trouve rapidement dans la situation du quidam qui ne voit que quelques arbres et n'aperçoit pas la forêt. Ce qui est par contre évident, c'est qu'on intervient par des règles contraignantes dans le marché, ce qui en détraque les mécanismes. En fait, pour diverses raisons, la situation de pénurie actuelle est le résultat de l'extension de la ville dans le cadre d'un canton dont la surface reste stable. En outre, les terrains agricoles sont protégés dans notre canton; c'est un but louable, mais qui freine l'extension de l'agglomération. Nous n'avons pas toujours connu une telle situation. Pour faire plaisir à M. Grobet, qui aime bien les références historiques, je parlerai de la période qui a précédé la Deuxième Guerre mondiale, à un moment où le canton avait une population de 175'000 personnes environ et la ville de 125'000. Le marché immobilier et la situation du logement à Genève étaient alors un paradis pour les locataires. Imaginez, Mesdames et Messieurs: 10% au moins des appartements étaient vides. La situation était telle que les régies et à travers elles les propriétaires offraient les six premiers mois de loyer. M. le conseiller d'Etat Unger me disait que, selon ses parents, c'était même une année de loyer qu'on offrait. Le résultat était que les petits malins, toujours nombreux et à l'esprit toujours fertile, s'étaient équipés d'un mobilier simplifié et déménageaient tous les six mois ou tous les ans de sorte qu'ils ne payaient jamais aucun loyer.
Le président. Merci, Monsieur Iselin.
M. Robert Iselin. Je n'ai pas tout à fait terminé, Monsieur le président. (Brouhaha.)Si ce que je dis ne vous intéresse pas, je m'arrête volontiers. (Brouhaha. Encouragements.)Nous ne pourrons pas revenir à cet âge d'or, mais le souvenir d'une telle configuration nous porte à penser qu'une solution à une situation brûlante ne doit pas être recherchée en bricolant par-ci, par-là, des améliorations sans grande influence, sans résultat pratique substantiel et qui en outre grippent le marché.
Il me semble qu'il est grand temps que le DAEL s'attelle à cette tâche en laissant à l'écurie les oeillères que sont les préjugés politiques et idéologiques. Je soutiens par conséquent le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs de l'Alternative.)
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (Vif brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places et d'écouter M. Spielmann.
M. Jean Spielmann. Monsieur le président, je souhaite intervenir très rapidement en vertu de l'article 79A sur le respect du règlement. Je voudrais... (Vif brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Spielmann interpelle ce Grand Conseil en vertu de l'article 79A «Rappel du règlement».
M. Jean Spielmann. Indépendamment des problèmes soulevés tout à l'heure par M. Grobet sur les modalités de dépôt de ces projets de lois et sur la manière avec laquelle les débats sont conduits, j'aimerais poser un problème qui me semble très important pour le Grand Conseil dans la mesure où il déterminera une pratique que nous mettrons en place dès ce soir en fonction de la décision que nous prendrons au sujet du respect du règlement.
Ce dont je veux parler, c'est bien sûr de l'article 128. Cet article est très précis et indique que lorsqu'un député dépose un projet de loi proposant une dépense nouvelle, le projet doit prévoir la couverture financière de cette dépense par une recette correspondante. Je suis tout à fait d'accord que ce Grand Conseil considère que cette disposition n'a pas lieu d'être, qu'elle peut être bafouée et que des projets de lois dépourvus de couverture financière peuvent être votés.
Pourtant, en vertu de l'article 79A, je vous invite, Monsieur le président, si le renvoi en commission est refusé, à faire voter formellement la proposition selon laquelle le Grand Conseil renonce à appliquer l'article 128 de son règlement. Cela nous permettra de déposer des projets de lois, comme cela a été fait, sans couverture financière. Je n'ose pas imaginer que vous ne traiteriez pas également tous les députés qui présentent des projets de lois. Si le Grand Conseil accepte que l'article 128 ne soit pas respecté, cela créera un précédent sur lequel nous ne manquerons pas de réintervenir. Nous ne manquerons pas non plus, Monsieur le président, de vous rappeler à l'ordre chaque fois que cela sera nécessaire.
Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoi en commission est rejetée par 40 non contre 35 oui.
Le président. Nous entamons le premier débat. (M. Spielmann continue à parler hors micro.)Nous verrons dans un deuxième temps si la présidente du département des finances peut nous donner un chiffre permettant de prévoir la couverture financière. Monsieur Sommaruga, je vous prie de commencer votre intervention.
M. Jean Spielmann. L'article 79A vous oblige à prendre en compte ma remarque immédiatement.
Le président. Le vote aura lieu après. Monsieur Sommaruga, vous pouvez parler.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Je dois relever que M. Spielmann a parfaitement raison puisque l'article 79A «Rappel du règlement» précise qu'un député peut en tout temps interrompre le débat pour inviter le Bureau à faire appliquer le règlement. Il me semble qu'il y a effectivement un problème juridique et peut-être devrions-nous interrompre le débat pour que la majorité réfléchisse à une disposition complémentaire sur la couverture financière. Dans le cas contraire, nous devrons considérer le projet de loi comme nul. Cela constituera un volet supplémentaire pour un recours de droit public. Je pense toutefois que ce serait un antécédent fâcheux.
Ceci étant, je propose, avec Mme Grobet-Wellner, un amendement à ce projet de loi. Il s'agit d'ajouter un article 2 souligné... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'écouter M. le rapporteur de minorité.
M. Carlo Sommaruga. Si je vous propose cet amendement maintenant et non pas en deuxième débat, c'est parce qu'il est en rapport avec le problème de couverture financière. Cet amendement se formule ainsi: «La présente loi n'est applicable que si les comptes de l'Etat sont équilibrés sur une période de 5 ans consécutifs».
Cette disposition aurait l'avantage de limiter les dépenses et surtout de ne faire supporter à l'Etat une dépense supplémentaire que s'il en a les moyens.
Il faut tout de même rappeler que, selon l'Entente, ce projet toucherait des centaines voire des milliers de personnes. Il engendrerait donc un coût extrêmement important pour la collectivité. Il s'agit donc de constituer des réserves pour pouvoir payer des prestations. Notre amendement devrait permettre de limiter un peu la politique de l'arrosoir que nous propose aujourd'hui l'Entente, politique qui s'appliquera, je le rappelle, aux nantis. En effet je rappelle que pour économiser les montants donnant droit aux prestations de l'Etat, il faut disposer de revenus qui sont nettement au-dessus de 100'000, voire 150'000F par année. J'employais tout à l'heure une image, je la reprends: ce projet de loi revient à octroyer à chaque citoyen une subvention pour qu'il puisse s'acheter une Ferrari. Notre amendement permettrait tout à la fois de résoudre le problème de financement et de limiter les effets délétères de ce projet de loi.
Je reviens cependant sur le fond du projet de loi. Il faut répéter que ce projet crée une inégalité de traitement scandaleuse entre les citoyens de cette République. Je rappelle en effet que les personnes qui sont dans une situation de nécessité financière, qui ne peuvent pas payer leur loyer - que celui-ci soit libre ou subventionné - toucheraient, après sept ans dans un cinq-pièces, 42'000F; dans la même période, la majorité de ce Grand Conseil est sur le point d'accorder à des personnes qui peuvent s'acheter des villas à 1 million et plus des prestations directes à hauteur de 52'000F et une exonération fiscale de 16'242F. Ces chiffres concernent une personne, vous pouvez les multiplier par le nombre de personnes disposant d'un carnet d'épargne-logement. Si l'on fait l'hypothèse que 1000 personnes souhaiteront bénéficier de l'épargne-logement, la dépense pour les prestations directes se montera à 52 millions et 16 millions pour des exonérations d'impôts.
La population genevoise doit se rendre compte aujourd'hui de la stratégie et des intérêts qui sont défendus derrière le discours sur l'accession à la propriété. En réalité, ce projet favorise seulement une minorité, une classe sociale aisée. C'est cela qui se cache derrière ce discours d'accession à la propriété. Aujourd'hui, il est assez intéressant de constater que pour éviter la confrontation politique, l'Entente a choisi une stratégie qui consiste à ne pas débattre. Il s'agissait dans un premier temps de faire une déclaration de principe idéologique et ensuite de ne plus intervenir. Si l'Entente a fait ce choix, c'est qu'elle a peur et qu'elle n'a pas les moyens de contrer les arguments qui sont mis sur la table.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, je voudrais simplement relever que vous êtes tenu de donner suite à la demande de M. Spielmann. Ainsi, nous devrions procéder au vote sur la proposition de mon collègue.
Je reviens sur le fond de cette affaire et je comprends, Monsieur le président, que vous essayiez de mettre bon ordre dans la confusion qui a été créée par la majorité. Je voudrais simplement rappeler que nous avons soutenu la position selon laquelle cette initiative devait être concrétisée par une loi. La majorité de la commission du logement s'est crue autorisée à concrétiser cette initiative par quatre projets de lois, après que le Bureau que vous présidez, Monsieur, fut revenu sur une décision antérieure. Cette possibilité de concrétiser en quatre projets de lois implique forcément que ces projets soient déposés par quelqu'un, soit par le Conseil d'Etat, soit par les députés qui veulent les soutenir. La commission en tant que telle ne peut pas déposer un projet de loi non signé.
A ce sujet, entre ma dernière intervention et celle-ci, j'ai retrouvé le rapport sur l'initiative 115 «Casatax» que nous avons traité le 28 février dernier et je constate que le contre-projet concrétisant l'initiative 115 a bel et bien suivi la procédure réglementaire que j'ai rappelée tout à l'heure. Autrement dit, ce contre-projet est issu d'un projet de loi signé de Mmes et MM. Mark Muller, ici présent, Stéphanie Ruegsegger, Jean Rémy Roulet, Claude Marcet, Michèle Künzler, Pierre Froidevaux, David Hiler, Claude Blanc et Janine Hagmann. Vous voyez, Madame Hagmann, vous étiez co-auteur de ce projet et il est bien mentionné sur la première page du rapport qu'il s'agit d'un rapport de la commission fiscale chargée, Monsieur le président, d'étudier le projet de loi déposé par ces députés. Je remercie au passage M. Marcet, dont je connais la correction exemplaire, d'opiner du chef. Le projet de loi a donc bien été renvoyé à la commission fiscale et celle-ci a rendu un rapport sur ce projet.
Nous sommes ici dans un cas de figure totalement différent. Ces projets de lois ont été déposés après que la commission du logement eut clos ses travaux et ceci afin de régulariser la situation. Je ne critique pas ce procédé, mais ces projets de lois doivent respecter les exigences réglementaires et surtout en ce qui concerne une loi qui entraînera des dépenses supplémentaires. J'ajoute, Monsieur le président, que ce n'est pas à Mme Brunschwig Graf de faire des propositions, car il ne s'agit pas d'un projet de loi du Conseil d'Etat. Ce projet a été déposé par des députés et le Conseil d'Etat ne peut pas se substituer aux députés. Pourquoi est-ce que j'insiste sur ce point ? Parce que le Conseil d'Etat a des facilités en matière de couverture financière que n'ont pas les députés...
Le président. Je le sais bien, Monsieur.
M. Christian Grobet. Eh bien, puisque vous le savez, Monsieur le président, vous comprenez l'embarras dans lequel se trouvent vos collègues. Ils ont voulu suivre une procédure rapide sans bien réfléchir et la couverture financière fait défaut et c'est à eux de la proposer.
Le président. Monsieur le député, sur un point en tous cas, je vous donne raison: l'article 128 de la loi portant règlement du Grand Conseil s'applique. Par conséquent, M. Spielmann a tort, car il serait parfaitement illégal que je demande ce soir que cet article soit suspendu. Cela n'est pas dans mon pouvoir.
Je constate toutefois, que le projet de loi unique que présentait M. Sommaruga ne prévoit pas davantage de couverture financière, nonobstant quoi nous l'avons accepté. Nous avons accepté les projets de lois des Verts et de l'AdG créant des dépenses sans prévoir de couverture financière. Le projet de loi sur le logement des étudiants qui prévoit une dépense de 10 millions ne comporte pas de couverture financière pour l'instant.
Je n'ai pas l'intention d'ouvrir aujourd'hui un débat sur la validité de l'article 128 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Cet article existe et à mon avis il est en vigueur. Est-ce que c'est clair?
Maintenant, nous sommes saisis d'une proposition d'amendement de M. Sommaruga qui pourrait passer pour une proposition, non pas de financement du projet, mais de réduction des dépenses. Cela étant, comme l'a déjà dit M. le rapporteur de minorité, il appartiendra aux tribunaux de trancher. Pour l'heure, le débat continue et la réponse à la question de M. Spielmann est claire: l'article 128 est en vigueur.
M. Jean Spielmann (AdG). Vous indiquez de manière fort pertinente que l'article 128 est en vigueur. Je ne vous demande rien d'autre que d'appliquer le règlement. Si vous ne voulez pas l'appliquer et que vous acceptez que des projets de lois soient débattus malgré leur non-conformité avec le règlement, alors je demande un vote formel de ce Grand Conseil qui considère que l'on peut déposer des projets de lois sans couverture financière et que l'article 128 vous vous en fichez et vous ne l'appliquez, Mesdames et Messieurs de l'Entente, que quand cela vous arrange.
Monsieur le président, vous devez être objectif. Dans ce but, nous avons un règlement qui est valable pour tous les députés, mais aussi et surtout pour le président du Grand Conseil. Celui-ci nous dit que l'article 128 est en vigueur et qu'il s'applique, il s'agit donc de demander à leurs auteurs, sans attendre, que ces projets de lois soient dotés d'une couverture financière. Si les auteurs ne sont pas en mesure d'inscrire cette couverture financière, je vous demande de faire ratifier par ce Grand Conseil le fait que vous renoncez à appliquer l'article 128. De cette façon, nous introduirons un précédent qui nous permettra de déposer des projets de lois sans couverture financière.
Je le répète, votre tâche et votre fonction, Monsieur le président, sont de faire appliquer la loi. Vous ne pouvez pas dire, Monsieur, que l'article s'applique et ensuite continuer le débat comme si de rien n'était. C'est une question que vous ne pouvez pas éluder. J'ai déjà indiqué que les violations du règlement sont nombreuses ici et qu'elles favorisent une partie de ce parlement. On a expliqué tout à l'heure que la manière de déposer les projets de lois, l'absence d'exposé des motifs, la mise à l'ordre du jour constituent des violations du règlement. Je vous rappelle, Monsieur le président, qu'il y a une grande différence entre le débat de ce soir où nous avons voté l'entrée en matière et la discussion immédiate. Nous sommes en deuxième débat sur ces projets. Tout à l'heure, vous avez argumenté sur un projet de loi qui a été renvoyé en commission et qui reviendra de commission avec une couverture financière.
Monsieur le président, faites votre devoir, faites respecter le règlement, ou alors vous perdrez le peu de crédibilité qui vous reste encore.
Le président. Il y a trente ans que vous siégez dans ce Grand Conseil, Monsieur le député, et vous avez dû proposer de nombreux projets de lois sans couverture financière.
Je vous ai dit que cet article s'appliquait. Il appartient aux auteurs de nous dire quelle est la couverture financière qu'ils prévoient.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. J'ai un tout petit peu plus d'expérience que M. Spielmann. (Rires.)En vertu de cette expérience, je peux vous dire, Monsieur le président, que précisément, quand des députés de gauche déposaient des projets de lois sans couverture financière, eh bien, on nous le renvoyait immédiatement en pleine figure en nous sommant de trouver une couverture financière. De la même façon, lorsque nous voulions proposer des amendements au budget de l'Etat, on nous demandait systématiquement de trouver une couverture financière.
Monsieur le président, des propositions dont j'étais co-auteur ont été refusées parce qu'elles ne prévoyaient pas de couverture des dépenses. Alors n'essayez pas, Monsieur, d'accréditer la thèse selon laquelle nous aurions fait passer des projets prévoyant des décaissements sans prévoir en même temps la couverture financière. Je suis d'autant plus étonné du mutisme des bancs d'en face qu'il se trouve toujours quelqu'un parmi eux pour nous faire la leçon parce que nous serions dépensiers, etc. Vous nous faites rigoler, Messieurs de l'UDC. Encore récemment vous faisiez l'article sur vos bancs, en affirmant qu'il faut être rigoureux en matière de finances, mais ce soir, alors qu'il s'agit de verser quelques millions à des acheteurs de villas déjà millionnaires, vous trouvez inutile de savoir combien cela coûte à l'Etat, vous renoncez à la couverture financière. Ce n'est pas sérieux. Je vous le dis, Monsieur le président, je ne connais pas d'exemple de projet de loi accordant des subventions venu de nos rangs qui n'intégrait pas la couverture financière. Je vous prie de citer des exemples, Monsieur; moi, je n'en vois pas.
Le président. Je suis personnellement tout à fait d'accord avec vous: les projets de lois devront désormais être déposés au Grand Conseil avec une couverture financière. (Applaudissements.)Je ne cesserai de vérifier le respect de cette disposition. Je me tourne maintenant vers les auteurs de ces projets de lois pour savoir s'ils ont un amendement à nous proposer en ce qui concerne la couverture financière.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Je m'étonne de votre question dans la mesure où j'y ai déjà répondu. (Brouhaha.)Le projet de loi supprime des exonérations fiscales ce qui correspond précisément à de nouvelles rentrées fiscales. La couverture financière est donc assurée. (Vif brouhaha.)
M. Carlo Sommaruga. Votre argument n'est pas recevable, Monsieur. Vous ne pouvez pas, Monsieur le président, laisser un rapporteur dire des contre-vérités...
M. Mark Muller. Je vous prie de me laisser terminer l'intervention que le président a sollicitée de ma part, ce d'autant que je n'ai pas beaucoup pris la parole ce soir.
M. Christian Grobet. On parle des primes et non pas des exonérations !
Mme Michèle Künzler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat devient insupportable. Il faut demander l'ajournement de ce débat et appliquer l'article 78. C'est le seul moyen de s'en sortir maintenant. Monsieur le président, je vous demande de mettre cette proposition aux voix.
Le président. Je vous remercie de cette proposition, Madame. En effet, il y a un ensemble de problèmes financiers et juridiques qui se posent. Je ne sais pas comment a travaillé la commission, mais je suis personnellement assez fâché de cette situation.
Je mets aux voix la proposition d'ajournement, mais auparavant, je donne la parole à un député par groupe sur cette proposition. La parole est à M. Catelain pour le groupe UDC.
M. Gilbert Catelain(UDC). Je renonce à prendre la parole, Monsieur le président.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Je m'associe à la demande d'ajournement formulée par Mme Künzler. Je ne sais pas si M. Muller ne veut pas nous écouter ou si, pris de court, il continue à s'enferrer, mais le projet de loi dont nous parlons en ce moment, c'est-à-dire le PL 8934, prévoit diverses formes d'aides. Il y a certes des aides fiscales sur lesquelles M. Sommaruga parlera s'il le souhaite. Pour ma part, je parle de l'article 6 alinéa 1 qui est complété par l'article 9. L'article 6 prévoit des primes supplémentaires pour les titulaires d'un livret d'épargne-logement. Ce n'est pas une mesure fiscale. Il s'agit d'une subvention accordée à des personnes qui ouvrent un carnet d'épargne dans une banque accréditée. S'ils ont ouvert ce carnet d'épargne dans le but de contribuer au financement d'une acquisition immobilière, eh bien, ils peuvent bénéficier d'un taux d'intérêt de 5%. La différence entre le taux pratiqué par la banque et ce taux fixe à 5% est versé par l'Etat directement sur le carnet d'épargne. Il s'agit d'une subvention. On ne peut donc même pas prétendre que cette dépense supplémentaire serait compensée par une mesure fiscale. Le raisonnement de M. Muller est totalement vicié. Il faut bien une couverture financière traditionnelle.
Je ne sais pas si à 23h nous pouvons trouver une solution valable. Je pense, vous me connaissez, Monsieur le président, qu'il est préférable que Mme Brunschwig Graf puisse examiner cette couverture financière. Or, la conseillère d'Etat n'est pas ici en ce moment. Il n'y a donc pas d'autre moyen que d'ajourner les débats. Je remercie à mon tour Mme Künzler pour sa proposition tout à fait sensée à cette heure de la soirée.
M. Christian Brunier (S). Nous sommes face à un gros problème de couverture financière. Cela a d'ailleurs été dit, aucune estimation des coûts n'a été effectuée sérieusement, ni par le département, ni par la commission. M. le président nous a dit que la gauche comme la droite avaient présenté des projets sans couverture financière: il a raison. Pourtant ces projets n'ont jamais dépassé le stade du débat de préconsultation sans couverture financière. Je ne me rappelle pas d'un seul projet sortant de commission ayant une couverture financière aussi floue que la vôtre.
Pour mémoire, je vous rappelle que sur un projet mineur de subvention pour l'association Textura, M. Kunz nous avait fait longuement la morale suite à quoi nous avions accepté de renvoyer le texte en commission alors que nous étions majoritaires à ce moment-là. Je crois donc que la proposition des Verts est tout à fait sage. Le président l'a dit, les travaux de la commission n'ont pas été menés de façon suffisamment sérieuse. Nous souscrivons donc à la proposition d'ajournement d'un débat qui a trop duré.
M. Bernard Annen (L). Il faut bien constater qu'il y a plus de stratégie dans ce débat que d'arguments pour ou contre ce projet. Tout le monde convient qu'il y a un problème de couverture financière. Je tiens à dire très fermement ici que durant toute la législature passée de nombreux projets de lois ont été adoptés sans couverture financière. Nous dresserons la liste de ces textes. (Brouhaha.)Aujourd'hui, si nous voulons être raisonnables, nous devons essayer de clarifier la situation. Cela n'est possible effectivement qu'en votant l'ajournement des débats. Notre proposition est donc d'accepter l'ajournement jusqu'à la prochaine séance du Grand Conseil.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Il semble effectivement que nous nous acheminions vers un ajournement de ce débat, ce que je regrette profondément. Je voudrais tout de même dénoncer ici l'attitude détestable de l'Alternative... (Vif brouhaha.)...qui depuis 17h s'est ingéniée à faire durer les débats dans le seul et unique but de faire échouer l'adoption de ces projets de lois. Vous le saviez, Mesdames et Messieurs, cette séance constituait le dernier délai pour la concrétisation de l'IN 116. Vous qui nous servez sans arrêt un discours sur le respect des droits démocratiques et populaires, aujourd'hui, vous avez donné un exemple affligeant en la matière, et j'espère bien que vous ne nous donnerez plus jamais de leçon à ce sujet.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Monsieur Muller, vous n'avez de leçon à donner à personne. Depuis le début de la législature, vous avez cru bon de tout mener au pas de charge et de défaire ce qui a été fait pendant une décennie dans la recherche d'un consensus. Vos méthodes, sur le fond et sur la forme, ont toujours été inadmissibles. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de dire... (Vif brouhaha. L'orateur est interpellé.)Effectivement, je répondrai puisque je suis interpellé. Monsieur le président, je vous prie d'attirer l'attention de M. Luscher sur le fait qu'en 1997, lorsque nous avons proposé une modification de la LDTR, alors que je n'étais pas membre de ce parlement, nous ne visions que la LDTR et rien d'autre. Nous n'avons pas cherché alors à pervertir complètement l'équilibre social et économique de ce canton simplement pour promouvoir une valeur idéologique.
C'est cela le problème: Monsieur Muller, quand aurez-vous compris qu'on ne passe pas en force et qu'il est nécessaire de discuter ?
M. Mark Muller. C'est vous qui ne voulez pas discuter. Vous ne voulez jamais faire aucune concession. C'est comme cela que l'on négocie: en faisant des concessions réciproques.
M. Carlo Sommaruga. Quelles concessions Monsieur ? Vous avez dénoncé le bail paritaire cantonal. Les congés augmentent dans ce canton. Voilà la politique de la Chambre genevoise immobilière ! Je n'ai jamais entendu une quelconque dénonciation...
M. Mark Muller. C'est vous qui faites la politique du logement dans ce canton. Regardez où on en est !
M. Carlo Sommaruga. C'est vous au contraire qui faites un hold-up sur les terrains constructibles. (Vif brouhaha. Grande confusion.)
Le président. Je prie les rapporteurs de garder leur sang-froid. Avant de passer au vote, nous entendrons M. Moutinot. Je tiens cependant à vous indiquer que le Bureau a décidé de demander un avis de droit sur l'application de l'article 128 de la loi portant règlement du Grand Conseil. Désormais cet article, qui d'ailleurs se réfère à un article de la constitution, sera appliqué. Nous ne savons pas s'il l'a été par le passé, nous n'avons pas d'exemple pour l'instant. Je rappelle seulement aux députés socialistes que le projet de loi 8883 qui a été renvoyé en commission le 26 février 2003 et qui prévoyait une dépense de 20 millions n'a pu passer que parce que M. Moutinot a déclaré qu'il trouverait cette somme sur les crédits d'investissements. Cela n'a pas été fait pour les projets de ce soir.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. L'ajournement que vous allez voter est sage. Les débats reprendront lors de votre prochaine séance j'imagine, c'est-à-dire vendredi prochain. Dans l'intervalle, il va de soi que le Conseil d'Etat se tient à votre disposition pour améliorer les projets qu'il a déclaré être prêt à accepter. Je vous invite également, dans le même délai, à réexaminer votre position sur les objets que le Conseil d'Etat vous a conseillé de refuser.
Le président. Je mets aux voix la proposition d'ajournement des débats sur les projets de lois 8934, 8935, 8936 et 8937.
Mise aux voix, la proposition d'ajournement est adoptée par 53 oui contre 13 non et 7 abstentions.