Séance du vendredi 21 mars 2003 à 14h
55e législature - 2e année - 6e session - 28e séance

La séance est ouverte à 14h00, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Florian Barro, Thomas Büchi, Gillles Desplanches, Erica Deuber Ziegler, Pierre Froidevaux, Renaud Gautier, Philippe Glatz, Alexandra Gobet Winiger, Christian Grobet, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halperin, David Hiler, René Koechlin, Christian Luscher, Claude Marcet, Patrice Plojoux, Pierre Schifferli, Patrick Schmied, Louis Serex, Ivan Slatkine, Alberto Velasco, députés.

PL 8882-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner la parcelle 4226, plan 20, de la commune de Thônex, pour 2'600'000F
Rapport de Mme Michèle Künzler (Ve)

La loi 8882 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.

Le président. Avant de passer au point suivant de l'ordre du jour, je vous signale qu'à la demande des chefs de groupe nous avons remis le point 88 dans les extraits. Il est proposé de donner la parole à un représentant par groupe, ce qui représente un total de trente-cinq minutes.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Les différents groupes ont effectivement eu une discussion à ce sujet, mais notre accord ne limitait pas les interventions à un orateur par groupe: il devait autoriser les uns et les autres à répliquer. Un minimum de débat est souhaité.

Je rappelle donc que l'accord ne portait pas sur une limitation de la parole à une personne par groupe. Je constate d'ailleurs le hochement de tête de membres de la commission des affaires sociales dans d'autres groupes.

Le président. Nous transigerons de la manière suivante: comme aucun autre objet n'est prévu pour le département de l'action sociale et de la santé, nous mettrons ce point à la fin des extraits. Nous disposerons, le cas échéant, de tout le temps nécessaire pour en débattre si nous terminons plus tôt. Dans le cas contraire, nous traiterons de ce point lors de la prochaine séance.

Je vous invite à passer au point 96 de l'ordre du jour.

PL 8843-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 3'470'000F pour la mise en conformité aux normes de sécurité en vigueur du parking P12, propriété de l'Etat de Genève, situé sous la halle 5 de Palexpo, route de la Vorge
Rapport de M. Hugues Hiltpold (R)

Premier débat

M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur. Il est utile de rappeler, en guise de préambule, que ce projet de loi s'inscrit dans la série de mises en conformité d'un certain nombre de bâtiments publics appartenant à l'Etat et ne répondant pas aux nouvelles normes AEAI en matière de sécurité incendie, lesquelles sont en vigueur depuis 1997. Ce projet, dont le crédit d'investissement s'élève à trois millions quatre cent septante mille francs, préconise l'amélioration du compartimentage du parking et des voies de fuite ainsi que l'installation d'un équipement de sprinklers. Les mesures de mise en conformité proposées sont nécessaires à engager. Bien que la proposition présentée ne soit pas idéale, elle possède l'avantage de tenir compte de la configuration des lieux. Il est à noter que le couloir central d'évacuation a fait l'objet de sévères critiques en commission tant quant à son utilité qu'au danger potentiel qu'il pourrait représenter. Il est cependant apparu inacceptable de prôner sa non-réalisation, car cette décision aurait mis en péril le concept global de sécurité du parking.

La majorité de la commission a demandé au DAEL d'effectuer une variante du projet consistant en la non-réalisation de ce couloir d'évacuation et la création d'autres mesures adaptées garantissant les mêmes objectifs sécuritaires. Elle a également demandé au DAEL de communiquer à ce parlement les incidences financières tant positives que négatives des mesures préconisées. La commission demande, en dernier lieu, la mise en ordre rapide de la signalisation des issues de secours, qui sont actuellement déposées en attente du vote du projet de loi.

Compte tenu de ce qui précède, la majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.

Mme Morgane Gauthier (Ve). En examinant ce projet de loi, la commission des travaux a réalisé que la structure d'Orgexpo est pour le moins obscure. Nous nous sommes également penchés sur le problème des relations entre l'Etat et Orgexpo car, en tant que propriétaire des murs, le premier devrait engager des travaux pour assurer la sécurité du parking.

Le groupe des Verts juge certes nécessaire une mise en conformité de ce parking aux normes de sécurité incendie. Cette position ne signifie pas pour autant que notre groupe reconnaisse la clarté des relations entre l'Etat et Orgexpo. C'est pourquoi nous demandons formellement l'examen de ce projet de loi par la commission de contrôle de gestion.

Le président. La parole est à M. Baud, qui présentera également l'amendement de M. Catelain.

M. Jacques Baud (UDC). Sans nier la nécessité de la mise en conformité de ce parking aux normes de sécurité incendie, il nous semble évident que le projet présenté en commission n'est guère valable concernant la sortie pour les handicapés. La conception même de ce projet nous semble douteuse.

Nous proposons par ailleurs un amendement à l'article 3, à savoir la suppression des termes «au besoin, par le recours à l'emprunt». En effet, il serait temps d'inclure ces objets dans le budget plutôt que de contracter des dettes. Nous devrions nous efforcer de dépenser l'argent que nous possédons, et non celui que nous n'avons pas !

M. Antoine Droin (S). J'aimerais intervenir sur un point qui a fait frémir les commissaires lors de notre visite sur le terrain: comme l'a mentionné le rapporteur, nous avons constaté que la signalisation pour la sécurité avait été débranchée en plusieurs lieux ou était tout simplement inexistante. Il nous a été expliqué que l'on attendait la rénovation du parking pour prendre des mesures. Il nous paraît cependant inacceptable, dès lors qu'un parking est en fonction, de laisser des signalisations de sécurité débranchées ou d'en supprimer les écriteaux !

Une question découle de cette remarque: procède-t-on de la même manière dans les autres parkings ou établissements gérés par l'Etat ? Si tel est le cas, la situation pourrait s'avérer extrêmement grave en cas de problème. Il nous semble dès lors nécessaire de s'assurer que les autres établissements ne se trouvent pas confrontés à des problèmes analogues. Je pense plus particulièrement à l'ensemble des parkings dont l'Etat a la gestion.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je répondrai en premier lieu à M. le rapporteur que les demandes de la commission des travaux, soit le rétablissement urgent de la signalisation et l'étude d'une variante au projet actuel, sont évidemment acceptées par le département.

Sans être un spécialiste en matière de sécurité de parkings, je m'étonne de la critique détaillée menée par la commission quant aux propositions formulées par les experts. Bien que je ne doute nullement des compétences des commissaires, il me paraît difficile de remettre complètement en cause des normes généralement admises et recommandées par les établissements d'assurances. Quoi qu'il en soit, je me suis engagé à étudier la possibilité de trouver une solution préférable à celle du couloir central. La commission des travaux sera informée de cette étude tant en ce qui concerne le projet qu'en ce qui concerne ses conséquences financières éventuelles. Si aucune solution plus satisfaisante ne peut être trouvée, c'est évidemment le projet sous sa forme actuelle qui sera réalisé.

En deuxième lieu, suite à la remarque de Mme Gauthier, je répondrai que les relations générales entre Orgexpo, Palexpo et l'Etat ne sont guère satisfaisantes. Je ne crois toutefois pas que ce soit par le biais d'un projet de sécurisation d'un parking qu'il faille remettre l'ouvrage sur le métier. En revanche, le Conseil d'Etat présentera prochainement devant votre parlement, dans le cadre de la construction du centre de congrès, un projet reprenant l'ensemble des structures et des relations entre Palexpo et l'Etat de Genève. C'est ce projet qui devrait vous permettre de poser toutes les questions souhaitées concernant les modes de financement ainsi que les rôles des uns et des autres. Mais ce n'est pas à l'occasion d'un projet portant sur des sprinklers et des marquages dans un parking qu'il me semble le plus approprié d'aborder ces différentes questions.

Quant à la proposition d'amendement de l'UDC, je vous rappelle que ce projet est inscrit dans le budget que vous avez voté. Si cet amendement était accepté, je vois mal comment il pourrait être suivi d'effets. Je m'explique: si une part du volume des investissements est autofinancée, une autre part est financée par le recours à l'emprunt. Dès lors, comment déterminer que ce projet précis soit financé par l'emprunt ou qu'un autre projet le soit par les amortissements ? Un tel amendement ne présente donc guère de sens! Je comprends, certes, la préoccupation de M. Baud pour les finances de l'Etat, mais elle me paraît être exprimée de manière inadéquate.

C'est pourquoi je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter ce projet de loi.

Le président. Nous voterons en premier lieu la proposition formelle de renvoi en commission de contrôle de gestion de Mme Morgane Gauthier. Si le renvoi est rejeté, je ferai voter l'entrée en matière.

Mise aux voix, cette proposition (renvoi du projet de loi à la commission de contrôle de gestion) est rejetée par 26 non contre 17 oui et 2 abstentions.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'entrée en matière.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 3 proposé par M. Catelain. Cet amendement vise à supprimer la notion de recours à l'emprunt. L'article 3 se lirait donc ainsi: «Le financement de ce crédit extraordinaire est assuré dans le cadre du volume d'investissement «nets-nets» fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 3 est adopté.

Mis aux voix, l'article 4 est adopté, de même que l'article 5.

Troisième débat

La loi 8843 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.

M 1455-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition motion de Mmes et MM. Pierre-Louis Portier, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Claude Blanc, Hubert Dethurens, Pascal Pétroz, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Stéphanie Ruegsegger, Patrick Schmied, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, René Koechlin, Mark Muller, Jean-Claude Egger, Guy Mettan relative à l'exploitation des surfaces/volumes disponibles au-dessus des axes routiers ou des voies ferrées
Rapport de M. Olivier Vaucher (L)

Débat

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. Cette motion, partie d'une longue série, ne donne qu'une piste parmi d'autres pour réaliser des logements à Genève. Nous espérons que le conseiller d'Etat en charge du département s'en saisira et y donnera, dans les plus brefs délais, la meilleure suite possible.

Mme Anne Mahrer (Ve). La commission a accepté de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, non sans y apporter quelques bémols: d'une part, de telles réalisations étant particulièrement complexes, elles nécessitent de sérieuses études d'impact; d'autre part, leur coût est extrêmement élevé. Prenons l'exemple de Saint-Jean: nous ne sommes pas sans connaître les problèmes de vibrations magnétiques, qui n'ont pas été résolus à ce jour et provoquent l'insatisfaction des usagers. Quant à l'immeuble construit au-dessus de la route du Lignon, il présente des nuisances certaines pour les habitants. Nous sommes par ailleurs d'avis que les parcs devraient se développer dans des sols naturels.

Un bilan des problèmes engendrés par les réalisations existantes serait donc souhaitable, les axes routiers et les voies ferrées n'étant pas les meilleurs endroits pour construire des logements.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Si cette proposition de motion a été votée à l'unanimité de la commission de l'aménagement - unanimité rare dans cette commission - c'est parce que le travail accompli a permis certaines mises au point la rendant acceptable aux yeux de tous. L'idée de construire au-dessus des axes routiers ou des voies ferrées ne pouvait se concevoir systématiquement et sans réflexion. On ne pouvait envisager, ainsi que l'a fait remarquer d'emblée le conseiller d'Etat en charge du DAEL, un inventaire des lieux, car une telle mesure aurait surchargé son département. On ne pouvait pas non plus éluder la problématique de la création de logements au-dessus d'endroits exposés à la pollution de l'air et aux nuisances dues au bruit. Il fallait, en outre, envisager une modification nécessaire de la législation. En fonction de toutes ces mises au point et de la révision des invites, il n'y avait plus de raison de s'opposer à une proposition de motion dont l'ambition a été revue à la baisse, mais qui gagnait en crédibilité grâce, notamment, à l'ouverture d'esprit dont a fait preuve M. Moutinot.

Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 1455 est adoptée.

P 1357-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour la réalisation d'un projet de bâtiment artisanal à Sécheron en lieu et place de Mouille-Galland
Rapport de M. Louis Serex (R)

Débat

M. Jacques Baud (UDC). Il est temps d'arrêter ce genre de manichéisme entre la gauche et la droite ! Il a été convenu d'un déplacement des artisans de Sécheron, et un emplacement tout à fait valable leur a été fourni. Dès lors, je vois mal pourquoi nous revenons sur ce sujet. Il ne peut s'agir que d'une volonté de retarder les travaux prévus à Sécheron. Compte tenu des problèmes supplémentaires qui seront provoqués par le parking, j'estime qu'il est temps de cesser ce manichéisme inadmissible et je demande le renvoi de cette pétition aux oubliettes, dont elle n'aurait jamais dû sortir !

M. Carlo Sommaruga (S). Je souhaite d'abord rappeler qu'il ne s'agit pas du premier débat concernant cette pétition: cette dernière a déjà fait l'objet d'un vote d'entrée en matière et d'un renvoi en commission des pétitions, d'où elle nous revient. Il s'agit donc de clôturer le débat.

Ce débat me permet d'évoquer la question du relogement des artisans de Sécheron. Je tiens à cet égard à souligner le rôle extrêmement positif joué par la Ville de Genève, qui a mis à disposition des locaux aménagés permettant le relogement de l'ensemble des artisans du site de Sécheron - soit une trentaine d'entreprises. Je salue donc l'effort fourni par la Ville de Genève, dont, il faut le souligner, le législatif et l'exécutif détiennent une majorité de gauche. Cet effort a permis de sauver ce tissu de petites entreprises, alors que d'autres entités n'ont pas répondu aux attentes.

Sans vouloir polémiquer à ce sujet, je désire insister sur le fait que, si le DAEL a examiné diverses possibilités alternatives telles que le site de Mouille-Galland, l'implication du chef du département de l'économie et de l'emploi a été minime dans ce dossier - ce que l'on ne peut que regretter. Il a toutefois mis à disposition, à de nombreuses reprises, des locaux pour des séances de concertation. On aurait cependant pu espérer, au-delà de ces mesures, une présence plus active de ce département, notamment par le biais de la Fondation des terrains industriels. Cela étant, je crois savoir que l'ensemble des artisans sont aujourd'hui sur le point d'être relogés, résultat dont on ne peut que se féliciter.

M. Claude Blanc (PDC). Je regrette que M. Serex ne soit présent pour défendre son pseudo-rapport, qui est incompréhensible. Il semblerait que la commission ait constaté la satisfaction des pétitionnaires quant à la suite donnée à leur requête mais, dans le même temps, la commission décide de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat ! Je souhaite dès lors des précisions quant à la position de la commission. Ce rapport est tellement succinct qu'il n'est d'aucune utilité !

Puisque j'ai la parole, j'évoquerai également le point 108 de l'ordre du jour, qui concerne la pétition 1346-A: le rapport ne présente ni les motivations de la commission, ni les raisons du renvoi de ladite pétition au Conseil d'Etat. Or, au vu de la satisfaction des uns et des autres, on aurait pu imaginer que cette pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil. Il ne vaut, à mon avis, pas la peine de rédiger de tels rapports. Les jetons encaissés représentent, dans ce cas, un véritable gaspillage !

Le président. Il faut tout de même être conscient, Monsieur le député, de l'important laps de temps qui s'est écoulé entre la réunion de la commission des pétitions sous la présidence de M. Dethurens, en 2001, et son dépôt aujourd'hui.

Il est vrai que les artisans de Sécheron ont trouvé, grâce à la Ville de Genève, un lieu où s'installer. Le conseil municipal de la Ville a de surcroît accepté un crédit de trois millions, en plus des cinq précédents, pour aider ce relogement.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Le relogement des artisans sur le site de Sécheron constitue un processus relativement long et complexe. La Ville de Genève y a, certes, joué un rôle, mais elle n'a pas été le seul acteur de ce processus: plusieurs départements de l'Etat de Genève et la Fondation des terrains industriels ont également joué un rôle non négligeable.

A ma connaissance, la question du relogement des personnes menant des activités économiques est actuellement réglée - ou est en voie de l'être définitivement. Reste à reloger un certain nombre d'activités culturelles, tâche qui s'avère plus difficile; je pense notamment à une école et à un théâtre. Cela dit, compte tenu du nombre de personnes à reloger, ce processus, d'une durée d'environ deux ans, se trouve extrêmement bien engagé et pourrait prochainement être clos.

N'ayant pas été convoqué par la commission des pétitions, j'ignore les propos qui y ont été échangés; j'ai cru comprendre que le cas des pétitionnaires avait été réglé. Je ne saurais fournir davantage d'informations à M. Blanc.

Le renvoi au Conseil d'Etat me semble également relativement curieux dans la mesure où les demandes qui nous ont été adressées ont été réalisées ou sont en cours de réalisation. Je trouverais dès lors plus adéquat de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. A défaut, le Conseil d'Etat rédigerait un nouveau rapport, lequel relancerait ce dossier sans aucune raison !

Si un nouveau problème devait se poser à un moment donné, je pourrais concevoir que vous en débattiez. Toutefois, en l'état, il me semble que nous nous lançons dans une opération relativement compliquée. Je suggère donc que vous déposiez cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Le président. Si la pétition est devenue sans objet, nous pourrions fort bien la classer plutôt que la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur ad interim. En tant que rapporteur ad interim, je souhaite apporter cette précision : lors du vote de la commission sur cette pétition, la solution adoptée par la suite n'avait pas encore été trouvée. Deux autres possibilités avaient été à cette époque évoquées: d'une part l'immeuble de Mouille-Galland, d'autre part une proposition faite par la Ville à Châtelaine. Or la commission avait, en son temps, jugé important de soutenir l'action des pétitionnaires. C'est pourquoi il avait été proposé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. M. Serex a sans doute tardé pour rendre son rapport. Au vu de la solution qui a été trouvée, il me semble que nous pouvons tout à fait accéder à la demande de M. le président Moutinot.

Je souhaite par ailleurs faire remarquer à M. Sommaruga qu'il est injuste de prétendre que le président du département de l'économie et de l'emploi n'a apporté aucune solution lorsqu'on n'a pas participé aux travaux de commission: M. Lamprecht avait, en effet, proposé une issue à ce problème puisqu'il était venu présenter devant la commission les différentes possibilités de relogement des artisans.

M. André Reymond (UDC). Je souhaite simplement signaler que nous avons quelque peu épuré cette pétition, qui a été déposée et traitée sous l'ancienne législature. Il convient à mon sens de soutenir la proposition du rapporteur ad interim.

Le président. Je mettrai d'abord aux voix les conclusions du rapporteur, à savoir l'acceptation de cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat. En cas de refus, je mettrai aux voix le dépôt de la pétition, comme l'a proposé M. Moutinot. Si le dépôt est refusé, je mettrai aux voix le classement de la pétition.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1357 au Conseil d'Etat) sont rejetées.

Mise aux voix, la proposition es conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1357 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1405-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant la sauvegarde de 3 chênes à Lully - Commune de Bernex
Rapport de majorité de Mme Jacqueline Pla (S)
Rapport de minorité de M. Pierre Weiss (L)
Renvoi en commission: Mémorial 2001, p. 5693

Débat

Mme Jacqueline Pla (S), rapporteuse de majorité. Le rapporteur de minorité a surtout axé son rapport sur le problème du droit des pétitionnaires. J'ai donc recherché un article traitant précisément de ce droit, article que je vais vous lire: «L'histoire genevoise a connu une date charnière, à savoir l'année 1841, qui fut marquée par une agitation politique importante. En date du 22 novembre 1841, le conseil représentatif vota une loi intitulée «Loi qui décrète une assemblée constituante pour la révision de la constitution». Ainsi vit le jour l'assemblée constituante. Cette dernière, le 29 décembre 1841, adopta un règlement pour l'assemblée constituante dont le chapitre 10 était intitulé «Des pétitions». Quelques articles traitent de ce domaine:

Article 65, alinéa 1: les citoyens genevois ont seuls le droit d'adresser des pétitions à l'assemblée constituante.

Article 67: Il sera nommé une commission qui sera chargée d'examiner toutes les pétitions et qui devra faire son rapport sur chacune d'elles. Après ce rapport, la lecture de la pétition pourra être demandée. Si cette demande est appuyée par cinq membres, la pétition devra être lue. La commission pourra proposer le renvoi à une commission spéciale ou aux diverses commissions qui pourraient être chargées de travaux préparatoires sur les objets auxquels se rapporte la pétition. Elle pourra aussi proposer que la pétition soit simplement déposée sur le bureau à titre de renseignement ou écartée par l'ordre du jour si elle ne porte pas sur des sujets qui soient du ressort de l'assemblée constituante. L'assemblée statuera sur le rapport de la commission.

Par ailleurs, la constitution de 1842 a garanti le droit de pétition. Enfin, le 14 septembre 1842, le premier règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève a consacré un chapitre dénommé «Les pétitions». Cette commission peut, pour chaque pétition, proposer le renvoi à une commission spéciale ou le renvoi aux diverses commissions chargées des travaux préparatoires sur les objets auxquels se rapporte la pétition. Elle peut aussi proposer, entre autres, qu'elle soit déposée sur le bureau à titre de renseignement.»

C'est cette décision que la commission a prise à la majorité. Nous avons décidé de prendre en considération cette pétition en la déposant sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Je tiens en premier lieu à remercier Mme Pla tant pour son rapport que pour les compléments qu'elle vient d'y apporter. Il est toujours bon de se replonger dans l'histoire de nos droits démocratiques.

Il est également bon de se rappeler qu'il y a près de cinquante ans Maurice Battelli écrivait qu'il serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs de transformer le droit de contrôle du Grand Conseil en un pouvoir de révision. Or, le Conseil d'Etat a pris la décision de permettre l'abattage de trois chênes lorsque les conditions de l'opération immobilière seront réunies. Soulignons par ailleurs qu'il ne s'agit que de trois chênes sur les quelque deux cent mille que comptait notre canton lors de l'inventaire de 1974.

D'autre part, je rappelle que les pétitionnaires ont été déboutés suite au recours qu'ils avaient déposé. En outre, alors que ces derniers auraient pu engager une nouvelle procédure sur le plan juridique, ils ne l'ont pas fait, et cela pour des motifs peu clairs tant pour le service de l'Etat compétent que pour certains commissaires. Il est dès lors légitime de se demander s'il y a, dans ce cas précis, un abus du droit de pétition. Il est en tout cas certain qu'il y a non-utilisation des voies de droit, notamment au Tribunal administratif. Une autre possibilité doit en outre être signalée: l'un des deux terrains concernés appartenant à l'Etat, il devra être aliéné par une décision de notre Grand Conseil. Lorsque le projet de construction viendra devant notre parlement, nous pourrons dès lors nous pencher de façon valable sur la question posée par les pétitionnaires.

Je propose le classement de cette pétition, afin que nous ne donnions pas de fausses indications aux citoyens quant aux possibilités d'utilisation du droit de pétition. En revanche, lorsque le dossier arrivera au moment opportun devant le Grand Conseil, nous pourrons donner une réponse compte tenu de nos préférences et de nos convictions sur les questions indirectement posées par cette pétition. Telles sont les raisons qui devraient nous conduire à classer aujourd'hui, mais à examiner demain la question qui nous est posée.

Le président. La liste des intervenants s'est allongée durant l'intervention de M. Weiss. Je clos maintenant cette liste, qui comprend Mmes et MM. von Arx-Vernon, Etienne, Wisard-Blum et Rodrik.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). On peut penser que toute pétition suppose des attentes réalistes ou démesurées de la part des auteurs. On peut également penser que toute prise de position de la commission des pétitions est frustrante et décevante pour les pétitionnaires. Le grand intérêt du travail en commission des pétitions réside toutefois dans la compréhension des préoccupations de citoyens qui n'ont pas eu le sentiment d'être entendus par d'autres instances.

C'est dans ce contexte profondément respectueux des pétitionnaires et de leurs motivations - contexte qui est toutefois très limité dans ses outils opératoires par rapport aux souhaits et aux attentes des pétitionnaires - que nous souhaitons le renvoi de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Alain Etienne (S). Il convient de rappeler que l'autorisation de construire n'est pas encore en force. Nous ne sommes nullement opposés à cette construction, puisqu'il s'agit d'une zone villas et qu'une dérogation a préalablement été acceptée. Toujours est-il qu'un bon projet est requis pour cela.

Voici la cause de notre surprise à propos de ces chênes: lors de l'étude de la nouvelle loi sur les forêts au sein de la commission de l'environnement, il avait précisément été question des arbres isolés. Le département nous avait, à cette occasion, affirmé qu'une excellente loi cantonale assurait la protection des arbres. Or, la pesée des intérêts se fait désormais directement au sein du DIAE. Cette procédure ne manque pas de nous surprendre car, si le département s'engage dans la pesée des intérêts, comment pourra-t-il donner un avis sur la santé des arbres à préserver - notamment les arbres isolés ? Le site de Lully étant de bonne qualité, nous proposons, non pas un renvoi au Conseil d'Etat, mais le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Quant au rapport de minorité, nous le jugeons plutôt déplacé. En effet, comme l'a souligné Mme von Arx-Vernon, le droit de pétition existe et, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, l'avis des habitants du quartier doit être pris en compte. Il est possible que le recours de certaines personnes soit motivé par le désir d'éviter l'apparition de nouvelles constructions dans le secteur. Cependant, une association de défense de la nature s'est également engagée dans cette pétition, association dont nous devrions être à l'écoute. Pour ce faire, je vous suggère donc de renvoyer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Comme vous l'aurez compris, cette pétition concerne la sauvegarde de trois chênes séparant deux parcelles, dont l'une appartient encore à l'Etat. Un promoteur envisage effectivement de construire plusieurs villas, sans pour autant avoir déjà acheté la parcelle de l'Etat. Pour rentabiliser son opération, il faut faire table rase de trois beaux arbres.

Peut-on blâmer des habitants de s'être opposés à ces abattages ? Assurément non. Déboutés de leur action en justice, ils ont utilisé la voie politique pour se faire entendre. Or, chaque citoyen dispose du droit de faire usage d'une telle voie quand il le juge nécessaire.

Nous avons décidé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil pour information. Si nous ne pouvons pas remettre en question la décision de justice et les préavis des différents départements intéressés, nous comprenons pleinement la tristesse des pétitionnaires de voir disparaître de magnifiques vieux arbres en pleine santé et abritant une multitude d'espèces animales.

Je terminerai mon intervention par une question et un souhait. Je me demande en premier lieu pourquoi il est si difficile de construire en ne maintenant que trois arbres, alors qu'en d'autres lieux les architectes s'en accommodent et embellissent leurs projets en intégrant la végétation environnante.

Nous souhaiterions que, dorénavant, aucune autorisation d'abattage ne soit délivrée avant que le promoteur ne soit propriétaire de la totalité des terrains.

M. Albert Rodrik (S). Puisque le rapporteur de minorité a cité mon maître de droit public et administratif, Maurice Battelli, je me permets de prendre la parole pour rappeler un certain nombre de notions de base.

Je signale en premier lieu que le droit de pétition est, dans ce canton, très large, sans formalité aucune et peut ne porter, à la limite, qu'une seule signature. Le Grand Conseil ne dispose que de trois possibilités lorsqu'il reçoit une pétition: l'envoi au Conseil d'Etat, le dépôt sur le bureau du Grand Conseil pour information ou le classement. Il a donc dû se faire une «religion» sur l'utilisation des pétitions, lesquelles nous apportent, comme des alluvions, des éléments fort divers: si une affaire s'avère fondée et mérite une action gouvernementale, elle est envoyée au Conseil d'Etat. La différence pratique entre les deux autres voies est ténue. Le Grand Conseil ayant toutefois constaté des pétitions relevant de l'absurdité, du mensonge, de l'affabulation ou de l'insulte, il a progressivement réservé le classement vertical à ce type d'affaires, réservant le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à des affaires louables et généreuses, mais ne devant entraîner aucune conséquence.

On ne peut cependant à la fois bénéficier d'un droit extrêmement large et non-formaliste et s'appliquer à mettre toutes les pétitions possibles aux oubliettes. Je m'étais d'ailleurs permis, en début de législature, de l'expliquer à la commission des pétitions: il s'agit d'une question de gradation et d'égard pour les citoyens. Le classement doit, à mon sens, être réservé à des pétitions telles que celle, récente, d'un groupe étranger qui insultait l'instruction publique. Certains pères de famille étaient tellement obnubilés par leur amour pour leur enfant handicapé mental qu'ils ne savaient plus de quoi ils parlaient. Pour les autres cas dans lesquels l'action gouvernementale n'est pas requise, nous disposons de cette voie plus simple, plus honorable et plus agréable qu'est le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Si nous pouvions nous en tenir à ces quelques modulations, je pense que nous vivrions bien !

Le président. Je ne suis pas certain que le temps consacré aux extraits doive être dédié à des explications sur les différents types de pétitions...

M. le député Weiss souhaite répondre à M. le député Rodrik.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Je remercie le député Rodrik de ses précisions quant à la façon d'entendre le droit de pétition et me permets de signaler que je n'ai tenu aucune parole susceptible de contredire ses propos. Il nous faut néanmoins examiner les conséquences pratiques du dépôt d'une pétition sur le bureau du Grand Conseil. Or, ces conséquences sont nulles ! En d'autres termes, déposer sur le bureau du Grand Conseil équivaut simplement à donner de la considération, mais n'aboutit à aucune traduction dans les faits de la demande des pétitionnaires.

Dans l'affaire qui nous occupe - peut-être exagérément aux oreilles du président - il s'agit, dans le fond, de s'interroger sur la possibilité d'explorer d'autres voies. J'en ai pour ma part indiqué deux. La première voie consiste, pour les pétitionnaires, à recourir contre la décision négative à leur encontre. La deuxième voie réside, pour le Grand Conseil, dans une prise de décision en toute responsabilité. En déposant aujourd'hui cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, nous nous bornons à laisser s'évanouir dans la mémoire du Mémorial - mais nulle part ailleurs - cette demande. Le problème posé méritant à mon sens davantage d'attention, je suggère de le traiter concrètement. Telle est la voie que je propose. Je conçois cependant que nous puissions diverger sur la solution à choisir.

Le président. Je mets aux voix les conclusions du rapport de majorité, à savoir le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Si ce dépôt est rejeté, nous voterons les conclusions du rapport de minorité.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1405 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 38 oui contre 12 non et 3 abstentions.

PL 8914-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ratifiant deux modifications des statuts de la Banque cantonale de Genève
Rapport de M. Jean-Marc Odier (R)

Premier débat

M. Pierre Kunz (R). Je souhaite profiter de ce rapport pour rappeler au Conseil d'Etat l'envoi, il y a plusieurs mois déjà, d'une motion par le Grand Conseil. Cette dernière lui demandait de prendre les mesures nécessaires pour réduire le nombre des administrateurs de la BCGe, conformément aux demandes mêmes des dirigeants de la banque.

J'aimerais donc connaître les raisons pour lesquelles aucune mesure n'a été prise jusqu'à ce jour, alors que l'assemblée générale de la BCGe se tiendra dans un mois.

La loi 8914 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.

M 1357-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et M. Nelly Guichard et Hubert Dethurens sur des mesures d'accompagnement pour le tram 13, rue de Lausanne
Rapport du Conseil d'Etat
Débat: Mémorial 2000, p. 6768

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

RD 473
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les transports publics

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

M 1516
Proposition de motion de Mmes et MM. Rémy Pagani, Christian Grobet, Pierre Vanek, Jocelyne Haller, Anita Cuénod, Nicole Lavanchy et René Ecuyer sur la maltraitance et les violences faites aux nourrissons, aux enfants, aux adolescents et aux jeunes et la violence sociale qui en résulte

Débat

Le président. Monsieur Pagani, vous serez le quatrième intervenant, car plusieurs députés ont demandé la parole avant vous. (Brouhaha.)

Une voix. Les motionnaires devraient être prioritaires !

Le président. Je suis désolé, mais les motionnaires ne bénéficient d'aucune priorité ! La parole est à M. le député Baud.

M. Jacques Baud (UDC). Merci, Monsieur le président. Oui, la maltraitance envers les enfants est un phénomène extrêmement grave et inadmissible. Je trouve cependant aberrant que la gauche ose, dans cette motion, considérer que la maltraitance des enfants ne se trouve que chez les pauvres ! Savez-vous ce que vous disent les pauvres ? Tous les pédophiles sont des hommes de droite pleins de pognon ! Les pauvres font preuve de beaucoup plus de respect que d'autres. Mais il est vrai qu'il n'y a guère de pauvres qui siègent sur les bancs d'en face... (Rires et protestations.)J'estime que vous ne représentez pas votre électorat.

Bien que cette motion vise à la protection de l'enfance, je m'y oppose, car elle prétend que nous, les pauvres, sommes des salauds !

Le président. La parole est à Mme Esther Alder. (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)Je vous demande de laisser parler Mme Alder. Allez-y tranquillement, Madame Alder.

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts regrettent que les considérants de cette motion relèvent davantage de la caricature que de la réalité. Ils ne reflètent guère la complexité des phénomènes conduisant à la violence envers les enfants. Cela dit, nous acceptons d'examiner cette motion en commission, car il est nécessaire de fournir une aide à toutes celles et ceux qui maltraitent d'innocentes victimes. Il nous semble important que le dispositif mis en place soit efficient avant l'apparition de la violence; un accent devrait donc être mis sur la prévention. D'autre part, nous pensons qu'un bon fonctionnement des divers services en charge de la protection de l'enfance - protection de la jeunesse, service santé jeunesse, Tuteur général, etc. - permettrait de résoudre la plupart des situations.

M. Thierry Apothéloz (S). Je regrette que les motionnaires n'aient pas eu la parole avant nous pour présenter cette motion. En effet, un certain nombre d'explications me font défaut. Comme l'a prouvé l'intervention de M. Baud, la maltraitance des mineurs représente un sujet vaste, complexe et émotionnel. Il mérite en cela une attention particulière. Soulignons au préalable que de nombreux facteurs peuvent être à l'origine des maltraitances; certains sont mentionnés dans ce rapport, bien que de manière quelque peu caricaturale.

Cette motion appelle quelques commentaires de ma part. Tout d'abord, la motion demande la création d'un service fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour venir en aide «aux nourrissons, aux enfants, aux adolescents et aux jeunes». Je vous avouerai que je saisis mal la distinction effectuée entre les «adolescents» et les «jeunes». Peut-être les motionnaires souhaitaient-ils inclure de jeunes adultes ?

En deuxième lieu, je tiens à rappeler l'existence de nombreuses structures traitant des problèmes de maltraitance à Genève: Piccolo, l'Etape, la DUMC, le Service santé jeunesse, le Service de la protection de la jeunesse, le Service du tuteur général, la pédiatrie, la CIMPV, VIRES, le CTAS, les écoles, les infirmières scolaires, etc. Comme l'a fait remarquer Mme Esther Alder, l'efficacité de ces structures devrait être accrue. Il conviendrait peut-être de créer une structure assurant la coordination entre ces différentes institutions.

Il me semble également nécessaire d'insister sur la dimension préventive du problème de la maltraitance. Bien qu'il soit possible de détecter de nombreux indices de maltraitance dans la prime enfance, des professionnels devraient, selon moi, être formés spécifiquement en matière de prévention. Je pense ici à des enfants âgés de 0 à 4 ans.

Lors du traitement de cette motion en commission, il faudrait également examiner la possibilité de mener une étude sérieuse sur les causes pouvant amener certains parents à user de la violence à l'encontre de leurs enfants, particulièrement s'ils sont mineurs.

Le groupe socialiste se réjouit de travailler sur ces différents aspects en commission. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le renvoi de cette motion en commission.

M. Rémy Pagani (AdG). Avant de présenter cette motion, je souhaite procéder à une explication de texte à l'attention de M. Baud. Ce dernier n'a en effet pas compris l'intention qui a présidé à la rédaction de ce texte. Le paragraphe qu'il a commenté, soit le quatrième considérant, ne prétend nullement que seuls les pauvres maltraitent leurs enfants: des personnes gagnant des millions peuvent également connaître une précarisation de leurs relations familiales et sociales jusqu'à en arriver à des situations dramatiques.

Après cette explication de texte, je désire revenir sur le fond de cette motion. (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Pagani n'a pas encore épuisé son temps de parole. Merci de l'écouter. (Protestations)

M. Claude Blanc. Il nous épuise !

M. Rémy Pagani. Monsieur Baud, on se passera de vos commentaires... Oui, il n'est pas "Baud" il est "Blanc".

Le président. Veuillez continuer, Monsieur Pagani !

M. Rémy Pagani. Je reconnais que l'exposé des motifs de cette proposition de motion est, comme l'ont remarqué certains, relativement dur. La situation sociale dans laquelle vivent nos concitoyens est toutefois beaucoup plus difficile que ne le sont les rapports amicaux entre parlementaires - bien qu'il puisse nous arriver de nous invectiver ou de connaître des divergences politiques. Compte tenu de cette situation, le texte présenté en annexe propose une véritable révolution "copernicienne", si j'ose dire, de la prévention sociale. Selon ce texte, la société ne doit pas détecter les problèmes sociaux - comme l'a demandé mon préopinant - mais elle doit mettre à la disposition des parents une structure chargée de transmettre la connaissance du métier de parents - tâche qui incombait auparavant à la famille élargie, mais que nous n'effectuons plus au sein de nos familles nucléaires modernes. J'ajoute que cette structure ne devrait pas être de type médical ou juridique.

Un certain nombre de parents ne sont plus en mesure de se référer à des traditions et à des savoirs qui étaient auparavant transmis oralement. Cette transmission se fait désormais par écrit, et il est nécessaire de trouver de très bons auteurs pour résoudre les problèmes pouvant se poser à certains parents. Des mesures doivent dès lors être prises pour remédier à la perte de tissu social. Dans un contexte de précarisation économique, il est indispensable de mettre à disposition des parents une structure qui puisse être utilisée sans crainte de se voir déferrer à la justice ou renvoyer chez un psychiatre, un psychologue ou un pédagogue. C'est pourquoi nous espérons que vous réserverez un bon accueil à notre motion.

Je vous signale, par ailleurs, que le texte annexé a permis de réaliser une série d'économies en Allemagne et en Belgique, et de mettre en place une politique d'aide aux familles. Cette politique se trouve complétée par l'ensemble des structures déjà existantes, chargées de la détection des problèmes.

Le président. Vous vous répétez, Monsieur Pagani. De plus, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Rémy Pagani. Je termine et vous remercie de réserver un bon accueil à notre proposition de motion, susceptible d'engendrer des économies.

M. Claude Aubert (L). Je ne reviendrai pas sur les considérants, qui traduisent bien les pensées des motionnaires sur des sujets particulièrement difficiles. Je précise que, si chaque pensée est tout à fait honorable, des divergences d'opinion peuvent surgir à leur propos. Mon intervention se concentrera sur la première invite.

Evaluer la nécessité de créer un nouveau service revient à suivre la règle selon laquelle un problème égale une structure - ce qui ne résout habituellement rien. J'invite donc celles et ceux qui étudieront cette motion à tenter de cerner les causes de «l'inefficacité» du fonctionnement des divers services traitant des problèmes relatifs à la maltraitance. Je cite de mémoire la consultation pour nourrissons de la Croix-rouge, le Service de protection de la jeunesse, le Service de santé de la jeunesse, le Service médico-pédagogique, le Service de guidance infantile, l'équipe de la clinique de pédiatrie qui travaille sur la violence, la LAVI, la Consultation de la violence, la Consultation conjugale, la police, les services de santé en général, ainsi que les services sociaux. Une large autocritique du fonctionnement de ces différents services m'apparaît indispensable avant de proposer la création d'une nouvelle structure. L'ajout continuel de nouvelles structures mène en effet à un système causant de graves problèmes tels que celui survenu à Meyrin.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Je me rallie aux propos tenus par MM. Apothéloz et Aubert. Cette motion présente un intérêt évident aux yeux du PDC, puisqu'elle vise à la défense des plus fragiles de notre société ainsi qu'à la dénonciation d'un système qui demande à être amélioré. La politisation linéaire selon laquelle notre modèle de société économique engendre la maltraitance est toutefois trop réductrice. En effet, comme nous le savons fort bien, maltraitance, abus sexuels et dénigrement existent également parmi les milieux les plus aisés. Il ne s'agit nullement de phénomènes engendrés par un stress uniquement lié à des occupations professionnelles. De grâce, ne politisons donc pas à outrance un phénomène relationnel où les enjeux de pouvoir des plus forts sur les plus faibles existent depuis toujours! La maltraitance et les abus sexuels envers les enfants ne sont certainement pas plus fréquents actuellement qu'il y a cinquante ou cent ans. Espérons que les tabous tombent, que les personnes concernées osent dénoncer et demander de l'aide aujourd'hui plus qu'hier! C'est en cela que consiste le travail des instances mises en place qui, comme cela a précédemment été mentionné, doivent toujours mieux coordonner et partager leurs expériences et leurs informations.

Cette motion possède le mérite de mettre en exergue la nécessité de renforcer l'aide à la parentalité. Des mesures ont déjà été prises à cet égard avec la mise en place de formations adéquates dans le domaine de la petite enfance. Il est important de ne pas oublier ces nombreuses mesures, qui devraient gagner en visibilité.

Ce texte nous intéresse également en ce qu'il tente d'améliorer le fonctionnement des instances au service des enfants.

Pour toutes ces raisons, le PDC vous invite à renvoyer cette motion à la commission judiciaire.

M. Pierre Kunz (R). Je m'étonne de l'amabilité générale qui préside à l'accueil de cette motion. Cette dernière est en effet extrêmement révélatrice de la façon dont certains milieux s'inspirent de faits divers - certes dramatiques - qui se produisent depuis longtemps, et plus particulièrement dans les couches les moins favorisées de la population, pour abuser à la fois les institutions, la population et les élus. Cette manière de procéder, aussi ancienne que le monde démocratique et utilisée depuis longtemps par les extrémistes de tous poils, consiste à proférer contre-vérités et mensonges les plus grossiers et à emprunter les raccourcis les plus trompeurs. Il est en effet grossièrement mensonger d'affirmer, comme le font les motionnaires dans leurs considérants, que la précarité et la paupérisation caractérisent désormais notre pays ! M. Serge Gaillard, de l'Union syndicale suisse, reconnaît lui-même que la population helvétique ne s'appauvrit pas, y compris parmi ses couches les moins favorisées. Il est dès lors malhonnête et malsain de prétendre que la maltraitance et les violences à l'encontre des enfants sont causées par le système économique dans lequel nous vivons, système qui serait fondé sur le culte du profit et qui engendrerait la violence guerrière - comme si deux mille ans de christianisme et de philosophie n'avaient laissé dans notre monde occidental aucune trace ! Il est non moins stupide d'affirmer que nous assistons - tenez-vous bien - au «retour des pratiques éducatives ancestrales, basées sur la contrainte et la violence» !

Ce texte contient de telles outrances qu'il me laisse pantois et bégayant ! Cette motion est une vilenie ! Ce n'est pas en commission qu'il convient de la renvoyer, mais au panier ! Je rappelle en outre que, comme le savent fort bien nos collègues de l'Alliance de gauche, Genève est le canton le plus généreux en matière de protection de la jeunesse. Or, il ne connaît pas moins de problèmes que ses cantons voisins. Ce constat nous permet d'affirmer que le problème évoqué dans cette motion ne résulte nullement d'un manque de moyens de la part des familles ou d'un manque de ressources mises à disposition par l'Etat. Disons-le clairement: l'origine de ce problème réside dans la société matérialiste, laxiste et égoïste que, sous l'influence des doctrines marxistes, nous avons laissée se développer au nom d'un égalitarisme et d'un individualisme insensés ! (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)

Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les motionnaires, de vous recommander, en guise de conclusion, la lecture avec un minimum d'humilité d'un ouvrage qui vous fera le plus grand bien: je fais ici référence au livre de Maurice Nanchen, intitulé «Ce qui fait grandir l'enfant».

Le président. La parole est, pour la deuxième fois, à M. Thierry Apothéloz. Comme il s'agit du renvoi d'une motion en commission, nous n'allongerons pas davantage le débat. Sont encore inscrits M. Pagani, Mme Haller ainsi que Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri.

M. Thierry Apothéloz (S). C'est bien sur le renvoi en commission que je souhaite reprendre la parole. Je voudrais demander à mes collègues députés de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales, car un certain nombre de projets mériteraient de pouvoir être associés à cette motion.

Le président. Merci Monsieur le député. Deux propositions ont d'ores et déjà été formulées: le renvoi à la commission judiciaire et le renvoi à la commission des affaires sociales.

M. Rémy Pagani (AdG). Bien que n'ayant pas envisagé au préalable le renvoi de la motion à la commission judiciaire, il me semblerait très intéressant que la commission judiciaire se penche sur l'ensemble des lois qui ont établi le système social actuel. Cet examen permettrait de prendre connaissance de l'ensemble des objectifs décidés par nos prédécesseurs et de repérer les éventuels chevauchements dans l'arsenal légal concernant la petite enfance.

Je trouve cette proposition d'autant plus judicieuse qu'un certain nombre de conflits se sont produits ces dernières années entre le pouvoir judiciaire et la protection de la jeunesse ou le Tuteur général. L'ensemble des employés de ces différents services se sont d'ailleurs amèrement plaints des conflits engendrés par le chevauchement des mandats des uns et des autres. Je me rallie donc à la proposition de renvoi à la commission judiciaire, même si cette motion relève davantage du domaine social.

Cela étant, je trouve l'intervention de M. Kunz tout à fait... (Rires.)Disons que j'ai toujours eu le sentiment que le parti radical, dont M. Kunz est l'expression même, ne comprenait plus guère la réalité sociale de nos concitoyens. Les personnes appartenant à son milieu peuvent peut-être se gargariser de la hausse de leurs salaires, mais il est difficile de soutenir que la misère n'existe pas ! Prenons l'exemple suivant: parmi les deux mille cinq cents demandeurs de logement qui sollicitent la Fondation pour la construction de logements HBM, on a constaté que la dette de la majorité de ces personnes était passée de trente à cinquante, voire quatre-vingt mille francs durant ces cinq dernières années. Cet accroissement témoigne de l'appauvrissement d'une partie de la population suite aux années de crise. Que M. Kunz continue à vivre dans sa bulle, cela sera tant mieux pour nous ! (Protestations.)

Sur le fond du problème, il convient de reconnaître, comme l'a fait M. Aubert, la complexité de la situation actuelle. Ainsi que le déplore l'un des considérants de notre motion, une mosaïque de services a été mise en place pour répondre à des besoins spécifiques qui ont émergé au fil de ces trente dernières années. Notre motion constitue donc une occasion de s'interroger sur la coordination de l'ensemble de ces services et de créer une «porte d'entrée». La protection de la jeunesse avait à cet égard eu un débat sur l'opportunité de mettre en place un portail d'accueil pour les parents, lequel a fermé après cinq ans de fonctionnement. Les employés s'opposent actuellement à la remise sur pied de ce portail, car les parents seraient amenés à rencontrer successivement plusieurs assistants sociaux du même service. Notre proposition permettrait de réfléchir à une structure qui joue le rôle de portail d'accueil tout en garantissant aux parents le secret le plus absolu. C'est pourquoi nous demandons à nos collègues - du moins à ceux qui connaissent cette réalité - de prendre en considération cette motion ainsi que ses annexes.

Mme Micheline Spoerri. Afin de contribuer à l'efficacité du débat, je ne me prononcerai pas sur le fond de cette motion.

Il convient effectivement de s'interroger sur l'opportunité de renvoyer ce texte à la commission judiciaire ou à la commission sociale. J'opterais personnellement pour la seconde solution car, comme l'a relevé M. Aubert, il existe actuellement une cascade d'institutions déjà actives dans le domaine qui préoccupe les motionnaires. Dans une telle situation, le véritable problème réside dans une définition claire des tâches des uns et des autres afin d'éviter une dilution des responsabilités.

La première invite demande une évaluation de la nécessité de mettre sur pied un nouveau service. C'est, à mon sens, dans le cadre de la commission sociale que cette première invite doit être traitée, l'évaluation de la nécessité et la clarification des missions nous permettant, dans un deuxième temps, d'élaborer une stratégie concrète. Je constate que, si l'on travaille et l'on discute beaucoup dans ces domaines, on ne s'en retrouve pas moins devant un vide lorsque survient un drame.

A la suite d'un entretien avec mon collègue Pierre-François Unger, je proposerai donc que la commission sociale effectue une première analyse, au terme de laquelle nous entrerons dans une action véritablement stratégique. Le cas échéant, la motion pourrait ensuite être examinée par la commission judiciaire dans le cadre des problèmes de violence domestique.

Pour être efficace, il vaudrait donc mieux renvoyer en premier lieu cette motion à la commission sociale, puis à la commission judiciaire.

Le président. Le Conseil d'Etat souhaitant le renvoi à la commission sociale, je mets aux voix cette proposition. Si elle est refusée, je mettrai aux voix son renvoi à la commission judiciaire.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission sociale.

P 1400-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition demandant une intervention d'extrême urgence pour la cessation immédiate de la séquestration de la fille du pétitionnaire
Rapport de M. Pierre Weiss (L)

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition) sont adoptées.

PL 8952
Projet de loi du Conseil d'Etat sur les structures d'accueil de la petite enfance et sur l'accueil familial à la journée (J 6 29)
M 866-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes Liliane Johner et Fabienne Bugnon concernant la surveillance des crèches-garderies et jardins d'enfants
Proposition de motion et adoption: Mémorial 1993, p. 3702
Rapport A: Mémorial 1993, p. 7396
M 1365-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de la commission des affaires sociales concernant les structures d'accueil des enfants de 0 à 4 ans à titre de soutien à la famille et au travail des femmes
Proposition de motion et adoption: Mémorial 2000, p. 10678
M 1366-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Dolorès Loly Bolay, Nicole Castioni-Jaquet, Alexandra Gobet, Luc Gilly, Erica Deuber Ziegler, Pierre Froidevaux, Nelly Guichard, Antonio Hodgers, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Jean-Pierre Restellini, Luc Barthassat, Walter Spinucci et Cécile Guendoux pour une politique concertée sur le mode de garde des mineurs et la prévention de la maltraitance des enfants et de la pédophilie
Proposition de motion et adoption: Mémorial 2000, p. 10695
M 1387-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Philippe Glatz, Luc Barthassat, Claude Blanc, Hubert Dethurens, Henri Duvillard, Nelly Guichard, Pierre Marti, Etienne Membrez, Michel Parrat, Catherine Passaplan, Pierre-Louis Portier, Stéphanie Ruegsegger, Janine Hagmann, Marie-Françoise de Tassigny, Bernard Lescaze, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Esther Alder, Christine Sayegh, Dominique Hausser, Jacqueline Cogne et Christian Brunier demandant l'étude d'un éventuel assouplissement des exigences techniques imposées par les autorités compétentes aux structures d'accueil de la petite enfance
Proposition de motion et adoption: Mémorial 2001, p. 225
M 1422-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Erica Deuber Ziegler, Albert Rodrik, Alberto Velasco demandant la création d'une crèche afin de recevoir les enfants des femmes et des hommes au chômage ayant trouvé un emploi mais pas de lieu pour garder leurs enfants

Préconsultation

Le président. De nombreux orateurs se sont inscrits. Je vous propose cependant de procéder par ordre. Nous examinerons en premier lieu le projet de loi 8952 selon la procédure de prise en considération de ce projet de loi. Nous examinerons ensuite les différents rapports, dont nous prendrons acte dans un seul débat. Seul un député par groupe peut donc intervenir durant un maximum de cinq minutes sur le PL 8952. Si certains députés souhaitent également intervenir sur l'une des motions, ils se réinscriront par la suite.

Mme Marie-Françoise De Tassigny (R). Enfin, le grand jour des tout-petits est arrivé ! Cela représente une grande étape et une reconnaissance du secteur de la petite enfance. Depuis le temps que l'on scrutait l'horizon afin d'obtenir une loi pour harmoniser et soutenir les institutions de la petite enfance ! Tous les cantons romands nous ont devancés: ils avaient déjà planché sur le sujet et approuvé une base législative régissant ce secteur toujours plus soutenu et sollicité par la population.

Comme un beau bébé, ce projet de loi a été longuement pensé, imaginé, rêvé par les partenaires qui travaillent autour du jeune enfant. Ce bébé a été soupesé, mesuré et peaufiné par l'Association des communes genevoises. Sa marraine, Mme Brunschwig Graf, a imaginé ses contours ainsi que son coût. Je suis convaincue que ce projet de loi, qui est le fruit d'une longue réflexion, trouvera un bon accueil - et dans les meilleurs délais - à la commission de l'enseignement. Le temps "urge": les familles genevoises réclament des lieux de garde en nombre et en qualité. Ces dernières ne comprendraient pas que la petite enfance ne soit pas soutenue par le canton.

Le groupe radical vous recommande d'adresser ce projet à la commission de l'enseignement. (Applaudissements.)

Mme Janine Hagmann (L). Il est évident que le groupe libéral se réjouit également d'étudier ce projet de loi à la commission de l'enseignement, d'autant plus que cette dernière l'attendait. Une copie conforme du PL 8952, déposé par les socialistes, est actuellement en attente - les socialistes ayant copié le projet de loi de Mme Brunschwig Graf afin de pouvoir en proposer un avant le sien. (Protestations.)Le groupe libéral restant très attaché à la liberté de chacun, il ne manifeste toutefois pas le même enthousiasme que Mme De Tassigny à l'encontre de ce texte. Si des structures d'accueil sont certes nécessaires au vu des nombreuses demandes, chacun doit disposer du droit d'élever comme bon lui semble son enfant jusqu'à l'âge de quatre ans. Plusieurs possibilités existent pour les parents de jeunes enfants: la maman peut, par exemple, rester à la maison ou trouver une aide pour la garde des enfants. Les préoccupations du groupe libéral sont d'ailleurs connues à l'égard du chèque-emploi, qui permettrait de légaliser certaines situations actuellement au gris. Outre les structures d'accueil de la petite enfance, les mamans de jour constituent une autre possibilité. Il n'est pas question, pour le groupe libéral, d'étatiser ce système, ni même de municipaliser les crèches. Laissons cela à la Ville de Genève pour l'instant...

Tout le monde s'est penché sur le financement des crèches. L'exposé des motifs indique à cet égard qu'«il a paru normal au Conseil d'Etat de faire une différence, comme cela se fait dans d'autres domaines, entre les communes favorisées et celles moins favorisées financièrement». Il s'agira de débattre de ce point. Il existe une grande différence dans les montants dont s'acquittent les personnes qui paient les impôts. J'estime que chacun peut bénéficier du droit de recevoir une aide en retour.

Nous avons, par ailleurs, reçu un tableau d'apparence très compliquée présentant différentes courbes relatives à l'investissement des nouvelles structures d'accueil. Mme Brunschwig Graf nous avait promis que cinq millions placés dans le fonds d'équipement communal étaient réservés au subventionnement de ces crèches. Or, la présentation des comptes a réservé un autre sort à ces cinq millions. Il faudra donc réfléchir à la manière de financer ces structures. D'autre part, je vous rappelle qu'il faut trouver un bassin de population suffisant pour créer une crèche. Qu'une municipalité veuille absolument créer une crèche me semble impossible; des regroupements de communes sont indispensables.

Une voix. Comme le GICAL !

Mme Janine Hagmann. Oui, mais il faudrait que l'opération réussisse dans ce cas !

J'ai lu, il y a quelques jours, un article de Lynn Mackenzie, que toutes les femmes de ce parlement apprécient pour son intelligence et sa beauté: selon cette économiste, les crèches nourrissent la croissance car, la structure d'accueil s'intégrant dans un circuit économique, un franc investi dans une crèche en rapporte trois. Cette idée me plaît énormément. Cela me plaît en revanche moins que ce projet de loi mette sur le même pied crèches et mamans de jour en proposant une réglementation des activités de ces dernières. Voici un extrait de l'exposé des motifs suffisamment explicite: «Il apparaît en effet nécessaire que l'accueil familial à la journée (communément appelé mamans de jour) soit coordonné et géré par une structure. Les personnes responsables desdites structures devront répondre à un certain nombre de qualifications professionnelles et personnelles qui seront précisées dans le règlement d'application de la loi». La loi devrait-elle également préciser quelles sont les qualifications nécessaires pour devenir parents afin de ne plus courir aucun risque ?! Il me semble peu judicieux de légiférer à outrance à l'encontre de ces mamans de jour particulièrement dévouées.

Tout en acceptant d'étudier ce projet de loi en commission, et, à mon avis, qui ne devra pas être modifié puisqu'il a été accepté tel quel par l'ADG, je vous demande donc de garder raison: la petite enfance n'équivaut pas encore à l'école obligatoire !

Mme Nicole Lavanchy (AdG). Le projet de loi du Conseil d'Etat a été élaboré sur la base du résultat de travaux menés par la commission mandatée par le Conseil d'Etat, dans laquelle siégeaient des associations des parents, des associations des communes, des employeurs ainsi que les syndicats. Cette commission a déposé, fin 2002, son rapport sur la table du Conseil d'Etat sous la forme d'un avant-projet de loi. Ce dernier était le fruit d'un consensus obtenu après de nombreuses heures de discussions. Pour l'Alliance de gauche, cet avant-projet de loi, quoique comportant encore quelques lacunes, posait des jalons tout à fait prometteurs pour le développement d'une politique de la petite enfance cohérente et efficace.

Or, que constatons-nous aujourd'hui ? Les principaux éléments novateurs de l'avant-projet n'apparaissent plus dans le projet de loi du Conseil d'Etat. Des éléments fondamentaux ont été modifiés, voire purement supprimés. Je citerai des alinéas concernant trois thèmes indispensables à nos yeux, alinéas qui ont été jetés à la poubelle.

Le premier thème concerne le rôle des communes. L'avant-projet proposait des alinéas incitant fortement les communes n'ayant pour l'heure que très peu développé de structures sur leur territoire à le faire. La suppression de ces alinéas dénote la volonté du Conseil d'Etat de faire perdurer une inégalité d'accès des structures d'accueil pour la population genevoise - laquelle appréciera... Voici un premier exemple: l'article 4 de l'avant-projet comportait un alinéa 3 qui donnait l'injonction aux communes «d'établir, sur la base des données fournies par le canton, une planification tentant de couvrir les besoins». Or, cet alinéa a été supprimé. Je vous donne un deuxième exemple: l'article 5 de l'avant-projet comportait un alinéa 3 stipulant que «lorsqu'un enfant est accueilli dans une structure d'accueil située dans une autre commune que celle de son domicile légal, la commune du lieu de la structure d'accueil facture le prix coûtant de la journée à la commune du domicile». Cette mesure permettait aux communes possédant davantage de structures de demander à celles n'en développant pas de rétrocéder de l'argent. Cet alinéa a également été supprimé. Troisième exemple: l'avant-projet comportait à l'article 6 un alinéa 2 selon lequel «la participation financière des parents est harmonisée sur le plan cantonal, fondant ainsi une égalité de traitement d'une structure à l'autre». La suppression de cet alinéa permet la poursuite d'une politique de tarifs différenciés d'une crèche à l'autre, ce qui est inacceptable. Le lobbying des communes a, de toute évidence, joué un rôle important en coulisses pour faire supprimer les alinéas cités. Cela est d'autant moins acceptable que l'Association des communes genevoises possède un représentant au sein de cette commission.

Le deuxième thème concerne les conditions de travail des employés des crèches. Comme tout le monde le sait, la Ville de Genève et les syndicats ont signé une convention collective de travail assurant de bonnes conditions aux salariés. L'article 7, alinéa 4, paragraphe f) de l'avant-projet de loi proposait de lier le subventionnement des structures à l'application d'une convention de travail établie au niveau cantonal. Or, le Conseil d'Etat a donné aux communes le pouvoir de négocier les CTT avec les syndicats. Cette mesure provoque une nouvelle inégalité de traitement des salariés de la petite enfance d'une structure à l'autre, ce qui est inacceptable.

Le dernier thème est relatif aux conditions offertes aux familles d'accueil, plus communément nommées "mamans de jour". A l'article 9, alinéa 4, l'avant-projet de loi se proposait de salarier ces mamans de jour. Le Conseil d'Etat se contente, comme cela est le cas actuellement, d'établir un contrat-cadre. Nous aurions, pour notre part, trouvé intéressant d'étudier en commission la possibilité de salarier les mamans de jour plutôt que jeter ladite possibilité immédiatement à la poubelle!

Comme vous pouvez le constater, le Conseil d'Etat a largement dénaturé le résultat du travail mené par une commission qu'il a lui-même mandatée. C'est pourquoi l'Alliance de gauche proposera de nombreux amendements en commission de l'enseignement afin de tenter de restituer les orientations tout à fait louables prises en leur temps par la commission de la petite enfance.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Mme Brunschwig Graf, ex-présidente du département de l'instruction publique, nous laisse en héritage son dernier bébé, le projet de loi concernant la petite enfance. Son papa d'adoption, M. Charles Beer, nouveau président du département, saura l'accompagner après avoir concrétisé son désir de paternité législative au travers d'un projet de loi de son parti sur le même sujet. Le texte de loi du Conseil d'Etat, comme tout enfant très désiré et attendu depuis longtemps, peut être qualifié de précieux et mérite toute notre attention. Les députés de la commission de l'enseignement commenceront par lui présenter son grand frère, né des socialistes. Avec douceur, sans brusquerie, il faudra les aimer équitablement afin d'éviter toute jalousie - même si ce sentiment dans une fratrie est source d'échanges intéressants. Mais que la maman ne se fasse aucun souci: nous dorloterons, cajolerons, peut-être toiletterons un peu son bébé et nous vous le représenterons tout beau, grandi, pour qu'il fasse, nous l'espérons, l'unanimité et la fierté de tous!

Les Verts se réjouissent d'accueillir ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Sami Kanaan (S). Je suis le premier représentant du sexe masculin à prendre la parole sur ce sujet et je n'ai même pas d'enfant. Mon intervention confirme cependant la capacité du groupe socialiste à adopter une vision globale des enjeux liés à un projet.

M. John Dupraz. Tu peux quand même aller à la crèche !

M. Sami Kanaan. Je suis très surpris par la déclaration du groupe libéral, qui semble très embarrassé par ce projet: il voudrait pouvoir le soutenir sans y arriver et trouve de multiples raisons pour le critiquer avant même le début de la discussion !

J'aimerais rappeler à ce groupe que la liberté - qui leur est chère et qui nous l'est également - est actuellement impossible, car ceux qui souhaitent confier leurs enfants à des crèches ne le peuvent pas, faute de places disponibles. Nous n'avons jamais souhaité rendre la crèche obligatoire: il s'agit simplement de la rendre accessible à tous, y compris aux personnes ayant un revenu modeste ou domiciliés dans des communes n'offrant pas l'équipement nécessaire en la matière. C'est cette liberté que nous défendons. Quant à rendre la crèche obligatoire, ce n'est pas demain la veille que nous arriverons à une telle extrémité !

Nous sommes très heureux de voir enfin arriver ce projet de loi en commission de l'enseignement - j'insiste, comme ma collègue Marie-Françoise de Tassigny, sur le terme d'«enfin», car l'élaboration de ce texte a été longue. Il correspond dans ses grandes lignes aux voeux du groupe socialiste, puisqu'il maintient les compétences principales au niveau communal tout en introduisant un certain nombre de normes, d'obligations et de dispositions relatives au financement. Je rappelle que le projet de loi déposé cet automne par les socialistes portait prioritairement sur le financement. Nous souhaitions nous assurer que cet aspect serait couvert, car les communes seules ne pourront pas assumer une telle charge financière et le crédit fédéral actuellement libéré pour les crèches s'avère largement insuffisant: le canton de Genève peut espérer dans le meilleur des cas deux ou trois millions, alors que des dizaines de millions seraient nécessaires.

Je souhaite également rebondir sur les propos de Mme Hagmann concernant l'investissement et le bénéfice. Des études menées tant à Zurich qu'en Suisse romande prouvent que les crèches rapportent plus qu'elles ne coûtent. Il s'agit donc d'un véritable investissement social et économique. Ces travaux montrent également à ceux et celles qui, dans cette enceinte, passent leur temps à critiquer les bureaux de l'égalité, l'utilité de ces derniers. L'étude pour la Suisse romande a, en effet, été préparée par la Conférence des délégués à l'égalité des cantons de Suisse romande.

En dernier lieu, j'insiste sur le fait que nous adhérons à l'idée d'une participation active des parents dans la gestion des crèches. Faire de ces derniers des partenaires actifs nous semble fondamental. L'expérience de certaines crèches ont cependant montré qu'il peut être pesant pour les parents de se voir confier l'entière gestion administrative. Il conviendrait donc, dans certains cas - du moins pour la partie administrative - de trouver une formule de gestion publique. Les parents pourraient ainsi se concentrer sur les enjeux pédagogiques liés directement à la petite enfance. Sans proposer nécessairement une municipalisation ou une cantonalisation, un cadre public clairement défini dans la loi nous paraît fondamental pour garantir l'équité d'accès, la qualité de l'accueil, les normes en matière de sécurité et les règles en matière de personnel. (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). Le nombre de motions auxquelles répond ce projet de loi est si impressionnant qu'il montre bien l'urgence du besoin de notre canton en matière de crèches. Notre parti, qui a toujours été très attaché à la famille et à la petite enfance, se réjouit de pouvoir entrer en matière sur un projet de loi qui apporte des solutions intéressantes et appréciables s'inscrivant pleinement dans la politique que nous entendons mener. Le manque de places de crèche dans la commune d'où je viens, soit la Ville de Genève, est estimé à quelque deux mille. Ce nombre peut être doublé pour l'ensemble du canton. Cette situation, vous en conviendrez, montre l'urgence avec laquelle nous devons traiter ce projet de loi. Notre parti recommande donc, bien évidemment, le renvoi à la commission de l'enseignement pour que cette dernière puisse s'en saisir aussi rapidement que possible. Vous me permettrez toutefois de faire deux remarques.

En premier lieu, nous devrions saisir l'occasion de ce projet de loi pour étudier l'équilibre entre les communes. Certaines grandes communes sont, selon moi, tentées par un impérialisme qui consiste à attirer le maximum de parents et de crèches sur leur territoire. Or, certaines petites communes devraient également pouvoir bénéficier de crèches, lesquelles constituent un instrument de proximité et d'animation villageoise important.

En deuxième lieu, comme l'a mentionné ma collègue Janine Hagmann, il faut se souvenir que le coût d'une crèche est élevé. Celui-ci s'élève, en Ville de Genève, à plus d'un million de francs au minimum, alors qu'une place de crèche coûte vingt mille francs. Si nous restons naturellement favorables à la création de nouvelles places dans les crèches, le problème soulevé par Mme Hagmann - qui n'a peut-être pas été tout à fait adroite dans son propos - est bien réel. Nous devrions donc saisir l'occasion de ce projet de loi pour étudier la possibilité de développer des crèches familiales, qui constituent des structures plus légères permettant d'abaisser les coûts - par exemple dans les petites communes n'ayant pas les moyens de créer des grandes crèches à plusieurs millions de francs.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est conscient des problèmes liés à la garde des enfants pour les parents devant travailler sur la place de Genève. Ce projet de loi constitue donc une réponse positive pour les hommes et les femmes qui souhaitent ou qui doivent travailler. Il n'apporte en revanche aucune réponse aux hommes et aux femmes qui souhaiteraient se consacrer à l'éducation de leurs enfants - on a abordé tout à l'heure la question de la violence vis-à-vis des enfants - mais qui se sentent obligés, pour des raisons financières, de confier ces derniers à des structures de garde pour travailler. Or, le ratio entre leurs gains et le coût du placement de leur enfant en crèche est défavorable tant pour ces parents que pour la société.

Ce projet de loi ne prévoit aucune estimation du nombre de places nécessaires ni du coût d'une telle mesure. Or, il faut savoir qu'une place de crèche en Ville de Genève revient à environ trente mille francs par enfant. Dans le cadre de la liberté de choix, on pourrait dès lors envisager d'offrir aux parents un choix entre la mise en crèche de leur enfant et le bénéfice d'une subvention pour assurer eux-mêmes son éducation dans le cadre de la structure familiale.

Nous soutenons le renvoi de ce projet de loi en commission et nous nous réjouissons par avance de pouvoir approfondir ces différents points.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

Le président. Nous allons maintenant discuter des rapports du Conseil d'Etat traitant de différentes motions sur ce sujet et ayant abouti au projet de loi 8952.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Je ne reviendrai pas sur les propos développés par Mme Lavanchy. Je souhaite intervenir à propos de la motion 1422 sous l'angle de l'article 13 développé dans le projet de loi 8952.

Cet article, intitulé «Urgences ou besoins particuliers», est supposé répondre aux invites de la motion 1422, qui demandent en substance au Conseil d'Etat de mettre en place des conditions permettant la mise à disposition de places de crèches et la prise en charge des personnes au chômage ayant trouvé un emploi. Cette motion demandait notamment qu'en cas d'impossibilité de placement, ces personnes ne soient pas pénalisées par une sanction quelconque les privant de leur droit aux indemnités de chômage. Or, l'article 13 tel que formulé dans le projet de loi indique simplement que «le canton veille à permettre la prise en charge des enfants en urgence lorsque leur situation ou celle de leurs répondants l'exige». Si cette affirmation est en soi positive, elle ne donne aucune indication concrète sur la manière dont seront mis en place ces lieux de prise en charge. Elle ne précise pas, non plus, le délai nécessaire à l'application de telles mesure et reste muette sur la question des besoins particuliers - il s'agissait de prévoir des moyens plus conséquents pour faire face à l'accueil des enfants nécessitant un encadrement adapté.

Tout en ayant conscience de la difficulté que suppose la mise en place de lieux d'accueil appelés à recevoir des enfants au pied levé lorsque leurs parents se voient confirmer leur engagement à un poste de travail, nous pensons que nous ne sommes pas dispensés de mettre en place et de réfléchir à un tel dispositif. En effet, aujourd'hui, nombre de chômeurs - mais aussi beaucoup de chômeuses - sont déclarés inaptes au placement sous prétexte qu'ils ne disposent pas d'une solution de garde pour leur enfant. Ils se voient dès lors privés du droit aux indemnités et se trouvent par conséquent soit confrontés à une baisse drastique de revenu - lorsqu'il s'agit d'un groupe familial - soit contraints de recourir à l'aide sociale ou à l'assistance publique en l'absence de toute autre ressource.

Nous considérons que cette situation constitue un déni de droit du fait de l'insuffisance du dispositif d'accueil et de garde d'enfants en bas âge. Il nous paraît indispensable d'engager une réflexion avec tous les partenaires concernés pour déterminer l'équipement le mieux à même de répondre à ce besoin. Une extrême souplesse devrait en outre être garantie dans l'acceptation de ce type de demande de placement.

Pour ces motifs et pour permettre un examen plus attentif de ces questions et de celles, nombreuses, soulevées par Mme Lavanchy, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement.

Présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président

Le président. Je crois, Madame la députée, que tel est d'ores et déjà le cas. Nous sommes en train de nous exprimer sur les rapports.

M. Albert Rodrik (S). J'aborderai successivement les motions 1422 et 1365. Cette dernière, rédigée par notre ancien collègue Godinat et émanant de la commission sociale unanime, a été adoptée dans cette enceinte à l'unanimité et se trouve à la source des projets que nous venons d'envoyer en commission. On peut se réjouir qu'elle ait pu apporter, au terme de plus de deux ans, ce projet de loi.

Nous nous réjouissons, en tant qu'auteurs de cette motion, du résultat des travaux de la commission d'experts. Nous ne sommes cependant pas oublieux des éléments rappelés par Mme Lavanchy. Nous ne sommes non plus pas persuadés qu'au terme de ces travaux, le respect dû à la fois aux choix fondamentaux des familles et aux diverses formes de prise en charge possibles puisse trouver droit de cité. Je déclarais moi-même dans cette enceinte que l'Etat doit marcher sur la pointe des pieds par rapport à certains sujets, non en faisant preuve de timidité dans les moyens mis en oeuvre, mais en se montrant respectueux de la manière dont les familles envisagent les affaires. Voici en quoi réside le noeud de la difficulté: marcher sur la pointe des pieds sur le plan conceptuel tout en se montrant actif et activiste dans l'engagement des moyens pour répondre à un problème social crucial. J'espère à cet égard qu'au terme de travaux parlementaires, la condescendance - sinon le mépris - qui règne dans certains milieux, même officiels, à l'égard de celles que l'on appelle les "mamans de jour" cessera au profit d'une reconnaissance à la mesure de leur contribution.

L'essentiel de mon intervention vise la motion 1422. Nous estimons que le projet de loi 8952, dont nous reconnaissons le mérite, ne répond malheureusement en rien à la motion 1422. La phrase proposée à l'article 13 est, certes, un joli sirop, mais les trois signataires - dont je suis - ne trouvent pas que cette motion a été prise en compte. Je ne pense pas qu'il faille y voir quelque malice: compte tenu de l'ampleur de la tâche, cette motion a simplement été oubliée.

C'est pourquoi nous demandons expressément à la commission de l'enseignement et de l'éducation de prévoir une réponse à cette motion, qui a été envoyée en bonne et due forme au Conseil d'Etat. Au moment où la manière d'aborder les questions relatives au chômage devient le tube de la rentrée pour l'Entente et le patronat, nous souhaitons trouver dans le projet de loi une réponse à cette motion. Nous vous remercions.

Mme Loly Bolay (S). Je serai très brève, car de nombreux éléments ont déjà été évoqués. Je m'exprimerai uniquement sur la motion 1366 dont je suis l'une des signataires. Je souhaite formuler deux commentaires par rapport aux réponses faite aux invites.

En premier lieu, je tiens à rendre hommage aux mères de jour agréées qui gardent les enfants chez elles et qui se voient soumises à un contrôle rigoureux de la part du Service de la protection de la jeunesse. Je rappelle que leur salaire est dérisoire par rapport au travail qu'elles fournissent: elles touchent quatre francs de l'heure, soit trente-cinq francs par enfant. Contrairement aux mamans de jour, l'accueil familial de jour - soit l'accueil des enfants au domicile des parents - ne fait l'objet d'aucun contrôle. Je me souviens d'une affaire qui avait fait grand bruit à l'époque: un homme d'un certain âge, qui s'est prétendu baby-sitter, avait fait subir des sévices aux enfants qu'il gardait. Cette affaire a provoqué d'importants troubles parmi les enfants concernés.

En deuxième lieu, l'invite 6 demande la création d'un poste de délégué à la maltraitance; le groupe PDC avait d'ailleurs déposé une motion dans ce sens. Je me demande s'il serait possible de prévoir, dans le cadre de l'article 16 du projet de loi, un délégué de la petite enfance au sein de cette future commission.

Le président. Vient de s'inscrire M. le député Guy Mettan, après quoi la parole sera à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Guy Mettan. Je renonce.

Le président. La parole est donc à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il m'incombe de défendre l'argumentation développée par le Conseil d'Etat dans ses réponses aux différentes motions et de donner son avis concernant le projet de loi qu'il vous soumet.

En ce qui concerne les motions, j'aimerais d'abord rappeler que la commission a insisté devant le Conseil d'Etat pour que celui-ci, et particulièrement le département de l'instruction publique, réponde aux différentes motions restées suspendues et sans réponse. Le projet de loi présente une réponse du département de l'instruction publique qui doit être saluée comme la manifestation d'une volonté de prise en compte globale d'une situation sociale nouvelle - même si cette situation et l'absence de réponse perdurent encore aujourd'hui. Nous nous trouvons pratiquement dans le même type de situation que face au vieillissement de la population et à la perte d'autonomie de certaines personnes qui ont surgi ces dernières années: aucune réponse ne peut être proposée face à une demande sociale qui émerge, car son élaboration prend du temps. Or, dans le cas de la petite enfance, nous arrivons au terme du processus de patience, ce qui implique une réponse à la fois globale et rapidement opérationnelle dans l'ensemble des dimensions évoquées par les motions.

J'aimerais également rappeler qu'après son examen dans le cadre d'une commission, le projet de loi du Conseil d'Etat a fait l'objet, comme l'ont relevé certains députés, d'une concertation particulière dans le cadre de l'Association des communes genevoises. L'avant-projet tel que revenu de la commission a donc été repris par l'ACG, qui y voyait probablement un trop grand interventionnisme de l'Etat.

Je peux aujourd'hui affirmer que la volonté du Conseil d'Etat est de traiter, par le biais de ce projet de loi, la question de la petite enfance et la nécessaire adaptation de l'offre sociale à cette mission dans l'ensemble de ses dimensions. Il incombe de trouver l'articulation indispensable entre le canton, les communes et les familles. Divers types de flux doivent à mon sens être instaurés pour permettre l'harmonie et l'équilibre des projets: la question du subventionnement, celle des prix ainsi que celle des contraintes exigées par le canton vis-à-vis des communes pour subventionner une politique que ces dernières se trouvent obligés de mettre sur pied. La commission devra donc traiter cette logique dans toutes ses dimensions.

En ce qui concerne la motion 1422, j'estime que la disposition proposée à l'article 13 du projet de loi, soit le placement d'urgence, constitue une réponse adéquate du point de vue de la petite enfance pour les familles de chômeurs et de chômeuses contraints dans la rapidité de placer leurs enfants. Cet article offre, du moins, la possibilité de trouver la réponse adéquate. Pour ce qui concerne la politique de sanction envers les chômeurs et les chômeuses, si vous entendez obtenir un certain nombre de compléments pour disposer d'une offre satisfaisante pour les besoins d'urgence, il vaut mieux que la question soit traitée par le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures. Je vous invite donc, le cas échéant, à reprendre la question de la politique de sanction selon cette perspective.

La politique de la petite enfance doit pour sa part être développée du point de vue d'une intégration de l'offre à long terme. Elle doit être ouverte aux adaptations d'urgence et de crise et faire l'objet de flux entre le canton, les communes et les familles par le biais de subventions et de contraintes quant à la qualité de la prise en charge, les conditions de paiement ainsi que les conditions de travail.

J'ai noté que certains milieux ont émis des préoccupations légitimes lors de l'avant-projet. Celles-ci devront être reprises devant la commission de l'enseignement, qui pourrait procéder à l'audition des représentants des milieux intéressés afin de retrouver une argumentation complète garantissant l'équilibre de la prise en charge indispensable et urgente d'une demande sociale restée trop longtemps sans réponse. (Applaudissements.)

Présidence de M. Bernard Lescaze, président

Le président. Nous allons prendre acte de la motion 866-B, de la motion 1365-A, de la motion 1366-A, de la motion 1387-A et de la motion 1422-A.

M. Rodrik souhaite prendre la parole après le Conseil d'Etat - demande pour le moins inhabituelle.

M. Albert Rodrik (S). Je remercie M. Charles Beer de son intervention. A sa suggestion, nous demandons qu'il ne soit pas pris acte de la motion 1422, mais qu'elle soit retournée au Conseil d'Etat pour être examinée par celui-ci selon la voie proposée par M. le conseiller d'Etat Beer.

Le président. En relisant le rapport présenté par le Conseil d'Etat, je constate une certaine continuité. Alors que le Conseil d'Etat demandait la prise d'acte du rapport, le nouveau conseiller d'Etat demande que l'une des motions, contrairement au rapport imprimé, soit retournée au Conseil d'Etat. Je mets donc aux voix cette proposition.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 34 non contre 33 oui et 1 abstention.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

RD 461
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation des effets de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit (RMCAS)

Débat

Le président. J'aimerais bien que les députés s'inscrivent sans regarder qui parle avant eux. La parole est à M. Pierre Kunz.

M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous autres politiciens aimons, surtout lorsque nous nous sentons visionnaires et bâtisseurs de l'avenir, que de longs rapports mettent en évidence combien les réformes que nous avons engagées sont positives et efficaces. La conclusion des quatre-vingt-neuf pages de ce très long rapport - assez technocratique et mal lisible, mais qu'importe ! - aurait donc largement de quoi nous plaire. Seuls quelques problèmes pratiques semblent en effet subsister. Les faits sont cependant têtus et finissent souvent par détruire autant les promesses que les longs rapports.

Ces faits conduisent, pour l'objet qui nous occupe, à la synthèse suivante: le RMCAS - qui est désormais un droit - a remplacé l'assistance, mais sans réellement modifier la situation sociale des assistés. Ceux-ci reçoivent certes plus d'argent, et sans obligation de remboursement. Les assistés restent toutefois largement des exclus, car la prétendue contre-prestation visant à la réinsertion est une fiction. La pratique montre que ce système ne fonctionne pas.

Quant à l'impact du RMCAS sur le budget de l'Etat, contrairement aux propos qui nous avaient été tenus lors de sa mise en place, il s'avère nettement plus élevé que prévu. Le coût de ce nouveau système est supérieur à celui de l'ancien sans pour autant améliorer le statut social des bénéficiaires, ce qui est manifestement le plus grand échec du RMCAS.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, vous ne serez sans doute pas étonnés que ma position soit diamétralement opposée à celle de M. Kunz, qui semble confondre personnes encore à l'assistance et personnes bénéficiant du RMCAS; or, l'assistance est, jusqu'à nouvel ordre, remboursable.

Les auteurs du rapport qui nous est soumis relèvent un certain nombre de points positifs. Ils mettent notamment en évidence le fait que le RMCAS permet un traitement plus respectueux des personnes concernées que l'aide apportée dans le cadre de l'assistance publique. Cette situation est essentiellement due à la possibilité, pour le bénéficiaire, d'effectuer une contre-prestation. Cette dernière, pour le moins décriée, offre cependant aux individus particulièrement désinsérés de nouveaux points de repère. Cet élément est clairement souligné dans le rapport. Les détracteurs du RMR, qui avaient abondamment critiqué la contre-prestation comme étant un véritable oreiller de paresse, ne me paraissent donc pas du tout au fait de la réalité.

Les auteurs du rapport déplorent en outre l'absence de possibilité de contre-prestation dans le cadre de la formation, ce qui concerne plus particulièrement les jeunes. Un certain nombre d'éléments demandent donc à être améliorés. Cette absence pourrait cependant être due à un problème de travail en réseau entre les lieux de contre-prestation, les conseillers en emploi et les placeurs de l'OCE. Il conviendrait dès lors de développer davantage le travail en réseau, vocable interprété diversement par les uns et les autres. Il faut souligner que ce type de travail nécessite non seulement de la persévérance et des compétences spécifiques, mais également beaucoup de temps disponible, ce qui est souvent peu reconnu. Une politique plus volontariste serait à cet égard souhaitable.

Ce rapport est certes en demi-teintes. Il suscite des interrogations légitimes et soulève un certain nombre d'éléments dont il conviendrait de débattre en commission. Nous estimons toutefois qu'il va dans le bon sens; nous pouvons donc adhérer aux recommandations faites.

Je tiens néanmoins à souligner qu'une amélioration du système du RMCAS ne doit en aucun cas nous dispenser de poursuivre une politique cohérente en matière de traitement social du chômage. Je pense notamment aux occupations temporaires, qui font l'objet d'un projet de loi des partis de l'Entente auquel nous nous opposerons catégoriquement.

Pour revenir sur le RMCAS, il convient de rappeler que celui-ci se situe en bout de parcours et qu'à défaut d'avoir un meilleur système - soit l'instauration d'un véritable revenu minimum d'insertion - il faut poursuivre dans la direction adoptée pour continuer à améliorer le système.

Nous nous réjouissons de discuter de ces diverses questions en commission sociale.

M. Claude Aubert (L). J'aimerais reprendre quelques points figurant dans ce rapport, en particulier l'expérience des personnes sur le terrain. Je vous rappelle que ces personnes sont en contact direct avec la réalité, alors que les individus travaillant dans des bureaux s'occupent souvent davantage d'idées, d'idéologies ou de slogans.

Je citerai quelques propos tenus par les acteurs sur le terrain. L'un d'eux explique clairement la situation: «On pensait qu'on avait à faire à une population recyclable. C'est au moment où le service s'est mis en place et que les premiers clients sont arrivés qu'on a mesuré ce que cela signifiait que d'être chômeur en fin de droit, à savoir des difficultés psychologiques et physiques». Une autre personne émet la remarque suivante: «Et là, il y a des gens qui sont là depuis six ans. Donc, depuis six ans, il y a toujours la même histoire: on les prend, on alloue la prestation, on regarde un programme de réinsertion. On fait toujours comme s'il y avait une solution par le travail, alors que la solution par le travail, elle n'existe pas». Enfin, une troisième personne tient les propos suivants: «En ce qui concerne les objectifs, on vit dans une hypocrisie absolument terrible». Ces critiques de personnes actives sur le terrain, qui ne concernent pas simplement des chômeurs en fin de droit mais de véritables exclus, correspondent aux analyses faites dans la littérature consacrée à ce sujet. Il est par conséquent extrêmement dommage que ce rapport n'en tienne pas compte.

Je cite à cet égard l'ouvrage de Patrick Declerck, «Les naufragés». Cet homme, qui a travaillé durant quinze ans avec des clochards ne parvenant pas à s'insérer, en vient à s'en prendre fortement à ce qu'il nomme le «discours de la réinsertion». Selon lui, ce discours visant à normaliser la réinsertion - dans la mesure où un individu pourrait toujours être amené à se réinsérer - représente une utopie; il faut accepter l'idée que, certaines personnes se trouvant définitivement exclues, le mode d'aide pouvant leur être apporté ne passe pas par la réinsertion professionnelle. Declerck avoue lui-même n'avoir jamais vu, en quinze ans de métier, un exclu clochardisé se réinsérer professionnellement. Le problème du travail ne constitue par conséquent pas la préoccupation principale des chômeurs en fin de droit.

Tout autre est le problème des familles monoparentales. Les nombreuses complications dans le domaine relationnel, professionnel et éducatif que connaissent ces familles provoquent souvent un épuisement chez les mères. Le problème des familles monoparentales doit donc être traité dans sa totalité, et non uniquement par le biais du RMCAS.

J'ai présenté ces deux exemples pour apporter une critique fondamentale à ce rapport. Si vous me permettez d'utiliser un terme pompeux, il s'agit d'une simplification mutilante: en lisant attentivement ce rapport, en particulier les propos des personnes sur le terrain, on s'aperçoit que la réalité diffère totalement du raisonnement que l'on peut tenir à l'égard des chômeurs en fin de droit uniquement. J'utilise le terme de «mutiler», car on croit se trouver face à un problème homogène alors qu'il s'agit d'un problème extrêmement hétérogène.

Il semble impossible pour les libéraux d'accepter ce type de rapport, qui devrait contenir beaucoup plus d'indications et se référer à l'expérience des pays voisins. Par conséquent, si ce rapport est renvoyé en commission sociale, il sera essentiel de réfléchir de manière beaucoup plus précise sur les problèmes hétérogènes qui se posent. Des problèmes mal posés ne mènent en général qu'à des solutions bancales !

Mme Jocelyne Haller (AdG). Le rapport du Conseil d'Etat qui nous occupe se montre particulièrement sévère à l'égard du rapport d'évaluation rendu par M. Cunha. Il met en évidence un certain nombre d'imprécisions tout en nous informant que le DASS veillera à l'avenir au comblement de ces lacunes - ce qui constitue un élément positif.

En dépit des reproches que d'aucuns formulent à l'encontre de ce texte, il faut au moins lui reconnaître le mérite de mettre en évidence les qualités et les faiblesses du dispositif RMCAS. Il formule des recommandations qu'il serait particulièrement inopportun de laisser lettre morte. La loi sur le RMCAS a marqué une avance notable en matière de politique sociale: elle a concrétisé dans ses principes la volonté d'affronter autrement le chômage de longue durée; elle a voulu rendre leur dignité aux chômeurs en fin de droit; elle s'est voulue un instrument de lutte contre la désinsertion.

Il ne faut pas oublier que l'expérience du RMCAS a été conçue comme le laboratoire d'une entreprise autrement plus vaste, dont on a vu la triste fin qui lui a été réservée. Le RMR n'a pas vu le jour, ce dont certains se réjouissent: soit ! Mais il n'empêche qu'un véritable dispositif d'aide sociale promouvant la réinsertion fait toujours cruellement défaut. Dès lors, si le RMCAS, dont les limites sont d'emblée apparues, a été laissé en jachère dans la perspective de la mise en place du RMR, si le RMR tel qu'il a été conçu à la fin de la dernière législature n'a pas trouvé grâce aux yeux des électeurs, il nous faut à nouveau empoigner cette problématique !

Oui: le RMCAS s'adresse aux chômeurs en fin de droit, et c'était là une des gageures dès le départ. Il faut en sanctionner les acquis et combler ses déficits. Il faut, et cela est incontournable, remettre sur le métier le principe du revenu minimum et reconceptualiser l'aide sociale. C'est bien en amont de la désinsertion qu'il faut agir, et non pas devant le fait avéré car, comme nous le savons tous, la tâche est autrement plus ardue.

Le canton de Genève ne peut se satisfaire d'instruments de politique sociale désuets ou inaboutis. Aussi, si le projet de loi 8867 du Conseil d'Etat, que vous avez accepté de renvoyer à la commission des affaires sociales lors de notre session de janvier, exprime l'intention de moderniser l'assistance publique, il importe maintenant de nous donner les moyens de parfaire le RMCAS dans l'attente d'un dispositif s'adressant à une population moins limitée que celle des chômeurs en fin de droit.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet en commission des affaires sociales.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Il est clair que des critiques peuvent être émises à l'encontre du rapport d'évaluation du RMCAS. Des critiques doivent également l'être à l'égard du système du RMCAS lui-même, que les Verts jugent insuffisant de par sa conception même. Toute une série de remarques sont à faire concernant son application, remarques que le rapport du Professeur Cunha et son équipe mentionnent en grande partie, mais sans les approfondir suffisamment. Le rôle des différents acteurs - conseillers en emploi, placeurs, responsables des lieux de contre-prestation et bénéficiaires - doit être précisé et formalisé, comme le souligne le rapport.

Je soutiens en particulier les propos du responsable d'un lieu de contre-prestation cité aux pages 55 et 56 du rapport: ce responsable insiste sur le flou qui règne trop souvent sur les projets d'insertion. D'importants progrès doivent, à mon sens, être accomplis dans ce domaine car, lorsqu'une partie - ou parfois même l'ensemble ! - des partenaires ne savent pas ou ne précisent pas s'il s'agit d'une mesure d'insertion sociale ou professionnelle, des couacs se produisent immanquablement. Ce n'est pas le système du RMCAS, mais la pratique qui induit de tels couacs.

Ce n'est un secret pour personne que les Verts ont participé au projet de réforme important que constitue le RMR. Une importante propagande a malheureusement contribué à l'échec de ce projet en votation populaire, il y a bientôt une année. Lors de la campagne de votation, j'ai cru comprendre que les partis de l'Entente et le chef du DASS avaient promis un nouveau projet du RMR. Il est vrai qu'entre-temps, un projet de loi propose de supprimer la dette d'assistance. Nous saluons cette loi, mais jugeons cette mesure totalement insuffisante. La discussion en commission sociale permettra un échange entre commissaires ainsi qu'avec le conseiller d'Etat chargé du DASS. Ce dernier pourra nous exposer les différents chantiers en cours concernant ce domaine.

Je souhaite faire encore deux remarques. La première concerne M. Kunz, qui est malheureusement sorti de la salle: ce dernier s'est opposé avec virulence au RMCAS de manière générale. Je comprends maintenant l'intention de certains - je n'espère pas de tous ! - députés de l'Entente et de l'UDC présentant un projet de loi sur les emplois temporaires cantonaux: M. Kunz s'est fait le porte-parole de ceux qui souhaitent supprimer le RMCAS et placer les chômeurs en fin de droit à l'assistance ! Or, cette proposition va à l'encontre de la dignité des nombreuses personnes confrontées à une situation économique et sociale très difficile.

Ma seconde remarque concerne M. Aubert. Je partage certaines de ses remarques, mais non ses conclusions. Après avoir cité un auteur connu, selon lequel la réinsertion professionnelle est impossible, il souligne l'existence de groupes hétérogènes. Il faut donc, à mon sens, nuancer l'idée d'une impossible réinsertion professionnelle et examiner attentivement la population qui a recours au RMCAS.

Je conclurai mon intervention en vous rappelant que vous venez d'entendre quelqu'un qui a eu sous sa direction cent cinquante personnes dans le cadre de mesures du RMCAS. Pour certains, la contre-prestation a constitué une mesure de réinsertion professionnelle; pour d'autres, elle a constitué une mesure de réinsertion sociale, étape importante qui a permis l'élaboration d'un nouveau projet professionnel. La situation est donc extrêmement complexe.

Le président. Je vous rappelle que chaque intervenant dispose au maximum de sept minutes. M. Leuenberger a légèrement dépassé son temps de parole.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Depuis 1995, le RMCAS a montré ses avantages et toutes ses limites. Grâce aux remarques de la page 4, la prochaine évaluation sera certainement plus objective et donc plus précise.

Si le RMCAS a été un outil utile en matière de lutte contre l'exclusion, les résultats, même globalement positifs, sont certainement insuffisants. C'est toujours insuffisants lorsqu'on a affaire au sentiment de dévalorisation et d'humiliation; c'est toujours insuffisant lorsque des personnes se sentent exclues et que rien ne parvient à les rassurer.

Les résultats doivent être améliorés, car nous ne pouvons pas nous contenter d'un outil qui ne serait pas réadapté aux besoins des usagers ni suffisamment contrôlant vis-à-vis des abus. Les besoins évoluent dans un sens qui doit prendre en compte la nécessité de coacher et de contrôler les bénéficiaires, de renforcer les professionnels dans leur rôle d'évaluateurs des potentialités des usagers.

Les recommandations de la page 83 seront extrêmement utiles à l'élaboration d'un outil encore mieux adapté à la situation actuelle avec les informations dont nous disposons maintenant et avec des ressources que nous devons encore identifier - mais dont certaines sont mieux maîtrisées. Je pense notamment au travail en réseau, au partenariat public-privé et, partant, à l'articulation entre l'économique, le social et le médical.

Ce rapport sur le RMCAS ponctue une étape dans un processus visant à réduire l'exclusion. Mais ce processus, dont le but est de garantir une place digne pour chacun et chacune, doit être remis sur le métier. C'est pourquoi le PDC vous invite à renvoyer ce rapport en commission sociale et vous donne rendez-vous à l'étape suivante du processus.

M. Albert Rodrik (S). Une fois encore, j'ai entendu avec beaucoup d'admiration les propos de notre collègue Claude Aubert, qui a posé les problèmes dans leur complexité, leur subtilité et même leur ambiguïté profonde.

Je souhaite vous faire remarquer, Monsieur Aubert, que c'est précisément pour cette raison que nous désirions un revenu minimum de réinsertion. ll s'en est fallu de peu que ce désir aboutisse, mais il a malheureusement connu une fin brutale. Le fin limier que vous êtes pourrait facilement se mettre sur la piste de ceux qui ont commis ce forfait: ils ne sont pas très loin... (Applaudissements.)

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Beaucoup de remarques ont été faites, qui seront évidemment discutées en commission si tel est votre souhait.

Je commencerai par rappeler brièvement que, si l'on veut porter un jugement sur la qualité du rapport, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. (Brouhaha.)Je favoriserais personnellement, quant à la qualité du rapport, l'hypothèse qu'il fût à moitié vide. Quant aux résultats, ils peuvent être comparés avec les deux évaluations précédentes.

Contrairement aux propos tenus par d'aucuns dans cette salle, je pense qu'un certain nombre des effets mesurables du RMCAS représentent, eux, un verre à moitié plein. Il n'est guère étonnant que la non-remboursabilité de la dette d'assistance - qui est soumise à votre parlement et qui sera bientôt examinée par la commission des affaires sociales - figure parmi les éléments les plus favorables.

Cela étant dit, je vous suggère de ne pas vous précipiter en commission sur le travail de ce rapport. Cette année constitue en effet une année d'évaluation au terme de la loi sur le RMCAS: nous mandatons actuellement un évaluateur qui tienne compte à la fois des objectifs de la loi et des quelques compléments utiles à une série de photographies faites au cours du temps pour que cette évaluation puisse s'insérer dans la réflexion menée par le département sur une révision complète de la loi sur l'assistance publique. Si je peux rencontrer ici et là des problèmes susceptibles d'être résolus par des approches relativement parcellaires, il n'en demeure pas moins vrai que le problème de l'exclusion s'inscrit, pour chaque personne concernée, dans une trajectoire individuelle unique.

Même si les conclusions des députés Aubert et Rodrik s'avèrent fort différentes, l'impératif que tous deux dénotent à deux demi-centres de ce parlement manifeste un combat commun pour la dignité. Il s'agit de garantir cette dignité par une modernisation de la loi sur l'assistance publique, qui devra améliorer sa coordination avec d'autres dispositifs complémentaires au rôle fondamental joué par l'Hospice général et tenir davantage compte d'un certain nombre de besoins individuels.

Il me semble évident que cette aide sociale se devra d'être à la fois dynamique et contractuelle. Il est, en revanche, moins évident de faire de l'impératif de la dignité un fantasme de normation.

Ce rapport est renvoyé à la commission des affaires sociales.

PL 8888
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la procédure administrative (E 5 10)

Préconsultation

M. Carlo Sommaruga (S). Le projet de loi 8888 vise à simplifier les procédures administratives lorsque l'autorisation attaquée par un recours concerne une zone dans laquelle une autorisation de construire préalable ou un plan localisé de quartier ont été adoptés. Ce projet nous semble intéressant car la plupart des recours déposés au sujet de décisions définitives faisant suite à une décision préalable ou à un plan localisé de quartier en force, le sont sur des points ayant été tranchés lors de décisions antérieures. Le dépôt de ces recours ne fait que retarder les procédures, puisque le projet se trouve formellement suspendu jusqu'à ce que la commission de recours, voire le Tribunal administratif, précise que l'objet du recours ne peut être remis en cause. Dans ces situations, faire de la commission de recours une autorité de conciliation nous paraît être une solution extrêmement intelligente que nous ne pouvons qu'appuyer.

Cela dit, il convient de rester vigilant car il n'est pas rare que, dans le cadre des procédures administratives, des décisions préalables soient finalement rendues en lieu et place de décisions ordinaires. J'en veux pour preuve une affaire actuellement traitée par la commission de recours: le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement a rendu une décision préalable en matière LDTR, alors qu'on ne peut prononcer, en matière LDTR, que des décisions définitives.

Si nous sommes donc clairement partisans d'une procédure allégée lorsqu'une décision préalable a déjà été rendue, une grande précision sera nécessaire dans le choix des procédures d'autorisation de construire utilisées par le DAEL pour éviter de trancher des questions devant être traitées en aval dans des autorisations préalables, voire dans des PLQ.

En conclusion, nous appuyons cette démarche tout en émettant quelques cautèles et nous espérons que l'amélioration de cette procédure permettra d'accélérer la mise en route de projets dans des plans localisés déjà en force.

M. Mark Muller (L). Le groupe libéral accueille avec beaucoup d'intérêt ce premier projet de loi de la législature du Conseil d'Etat qui propose un assouplissement et une accélération des procédures. Si nous devions formuler un bémol, ce serait précisément celui du manque d'activisme du Conseil d'Etat à ce sujet.

Une seconde critique peut être faite à l'égard de ce projet de loi: il est trop limitatif puisque, comme M. Sommaruga vient de l'expliquer, il restreint la suppression de l'étape intermédiaire du recours devant la commission de recours à un certain nombre de décision. Or, selon nous, l'ensemble des autorisations de construire et des refus d'autorisations de construire devrait pouvoir faire l'objet d'un recours direct au Tribunal administratif, assorti d'une phase de conciliation devant la commission de recours. Nous avancerons cette proposition en commission.

Nous proposerons également, en commission, d'accroître les capacités du Tribunal administratif par le biais de l'augmentation du nombre de juges et de la création d'une section des recours en matière de construction. Cette proposition vise à éviter les engorgements qui ne manqueront pas de se produire si le Tribunal administratif devait être saisi directement d'un grand nombre de recours en matière de construction.

M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical accueille également avec beaucoup d'intérêt cette proposition. Nous ne ferons pas la fine bouche et examinerons avec attention cette proposition d'accélération de la procédure.

Il faut être conscient de l'existence de trois étages dans la fusée: LCI, TA et TF. Dès lors, il nous semble envisageable de remplacer le recours LCI par une procédure de conciliation. Il ne faut, en outre, pas oublier qu'il s'agit d'autorisations de construire sur des périmètres dont les PLQ sont entrés en force ou ont obtenu une autorisation préalable en force. A la limite - mais je ne veux pas mettre le feu aux poudres - on pourrait même se demander s'il ne conviendrait pas de supprimer le droit de recours dans de tels cas.

Nous sommes, en conclusion, favorables à un renvoi en commission.

Le président. Tout le monde est favorable au renvoi en commission, Monsieur le député. La parole est à M. Pierre-François Unger, qui remplace M. Moutinot. Je vous rappelle qu'il s'agit du tour de préconsultation.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. La polarisation ambiante autour de ce projet modeste et modéré, mais susceptible de permettre certaines avancées, devrait vous inciter à chercher en commission des solutions communes aux problèmes se posant à nos citoyennes et nos citoyens, à savoir la construction d'un certain nombre d'édifices nécessaires.

Il est certes possible - et c'est probablement la seule voie offerte à ce jour - de s'opposer à l'ensemble des projets par le biais du référendum. Cependant, une démarche à petits pas, qui montrerait un sens vers la possibilité de trouver une solution, serait de nature à débloquer de manière plus durable une situation arrêtée depuis trop longtemps.

Ce projet est renvoyé à la commission législative.

Le président. Je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 17h précises.

La séance est levée à 16h40.