Séance du
jeudi 27 février 2003 à
20h45
55e
législature -
2e
année -
5e
session -
22e
séance
Le président. La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, premier vice-président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Robert Cramer, Carlo Lamprecht et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Baudit, Erica Deuber-Ziegler, Antoine Droin, Pierre Froidevaux, Morgane Gauthier, Mariane Grobet-Wellner, David Hiller, Nicole Lavanchy, Bernard Lescaze, Christian Luscher, Pierre Schifferli et Carlo Sommaruga, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
M. Christian Bavarel. Monsieur le président, suite à une discussion de notre caucus à la pause, je vous fais part de notre surprise de trouver le point 21 au niveau de l'aménagement, de l'équipement et du logement alors qu'il devrait se trouver au niveau du DIAE. Nous vous demandons donc de remettre ce point du jour au département auquel il devrait appartenir.
Le président. Monsieur Bavarel, je vous rappelle que vous avez un chef de groupe et que l'ordre du jour est connu. Aucune remarque n'ayant été formulée ni à l'occasion de notre réunion du bureau de chefs de groupe, lundi, ni à l'occasion de la réunion de ce soir, je dois avouer que votre requête me surprend quelque peu. Il n'y sera pas donné suite. (Applaudissements.)
Le président. Mme Claudine Nebelest assermentée. (Applaudissements.)
Suite du premier débat
Le président. Je vous rappelle que nous traitons du point 17 de l'ordre du jour. Nous avons refusé un renvoi en commission avant la clôture des débats. Le Bureau vous a par ailleurs proposé de clore la liste des intervenants, ce que vous avez accepté. Nous passons maintenant à la suite des débats. La parole est à M. le député Christian Grobet.
Une voix. Christian n'est pas là.
Le président. Je passe donc la parole à Mme Ariane Wisard.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Merci Monsieur le président. J'ai déposé un amendement avant la pause, mais il ne se trouve apparemment pas sur les bureaux... (L'oratrice est interpellée.)
Le président. Je crois qu'il l'est, Madame la députée.
Mme Ariane Wisard. Mon amendement portait sur l'article 5, mais je ne l'ai pas ici. (Brouhaha.)Je reviendrai donc en deuxième débat.
Le président. Avant de développer votre amendement, il faudra effectivement voter sur la prise en considération du projet de loi. Si cette dernière est acceptée, vous pourrez alors développer votre amendement.
La parole est à M. le député Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Lors de mon intervention précédente, j'ai relevé un certain nombre d'incohérences dans le rapport ainsi que dans la prise de position de la majorité de la commission. Je voudrais maintenant relever un élément qui me semble important, situé dans la conclusion du rapport.
Je lis ceci dans cette conclusion: «Que l'on soit favorable ou pas à l'élargissement de l'indemnité mensuelle de quatre cents francs aux première et deuxième années d'étude HES, ce projet de loi a un défaut majeur. Il ne s'applique qu'à l'égard des étudiants de l'école «Le Bon Secours» à l'exclusion des autres formations HES. L'inégalité de traitement se traduirait non seulement à l'égard des autres professions, mais également vis-à-vis des étudiants des autres cantons par le montant de l'indemnité, puisque le projet de loi propose une indemnité de huit cents francs au lieu d'une indemnité de quatre cents francs prévue par la convention HES».
J'aimerais savoir si cette profession de foi de la majorité de la commission - la majorité de l'Entente et de l'UDC - est sincère. Je souhaite donc que le Grand Conseil vote la prise en considération du projet de loi afin de pouvoir corriger cette inégalité de traitement en appliquant le montant de quatre cents francs à l'ensemble des étudiants évoqués par le rapport de majorité, à savoir à tous les étudiants HES-S2 ainsi qu'aux étudiants du «Bon Secours».
Je tiens à ajouter que, lorsque nous voulons que les étudiants puissent travailler dans les meilleures conditions possibles, nous oeuvrons en même temps en faveur du succès dans les études et, par conséquent, nous oeuvrons contre l'échec scolaire. Combien de fois avons-nous entendu, à l'intérieur de cette enceinte, parler du coût des élèves ! Imaginez, par exemple, le coût d'un doubleur: ce coût est nettement plus élevé que la somme touchée par cette personne à raison de quatre cents francs par mois. Vous savez très bien que ces quatre mille huit cents francs sont très loin du coût d'une année supplémentaire. De nombreuses personnes ne sont, de surcroît, pas capables de poursuivre leurs études. Nous contribuons donc à ce que les qualifications aujourd'hui nécessaires pour trouver un emploi ne soient pas acquises par des individus en formation.
Je souhaite en dernier lieu rappeler que les professions de la santé et du social sont actuellement sinistrées. Les besoins sont énormes partout et il règne un manque considérable d'effectifs dans les établissements liés à ces professions. Par conséquent, empêcher un grand nombre de personnes, n'en disposant pas des moyens financiers, de suivre effectivement ces études et, partant, de répondre aux besoins actuels, constituerait une très mauvaise opération.
Je recommande en conséquence à votre noble assemblée de bien vouloir accepter la prise en considération de ce projet pour nous permettre d'apporter un certain nombre d'amendements et de propositions.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Sans vouloir prolonger les débats, je tiens à préciser que la majorité de la commission n'est pas défavorable au sens souhaité par les auteurs du projet de loi. Ce dernier ne constitue toutefois ni le bon moyen, ni le bon outil, pour atteindre ce but. Je vous rappelle que ce n'est pas directement à l'Etat de financer les indemnités de stage. C'est dans le fonds de formation, dans lequel les employeurs versent quarante francs par jour de stage, que les indemnités de stages doivent être prélevées. Et c'est au comité stratégique qu'il incombe de débattre de cet objet.
Telles sont les dispositions prévues par la convention romande sur les HES approuvée par le Grand Conseil. Il s'agit donc d'une compétence du Conseil d'Etat.
Le président. Messieurs Mouhanna et Vanek ont demandé la parole après que le Grand Conseil a décidé de clore la liste des intervenants. La parole est donc à Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Tout à l'heure, certains se sont offusqués de mon absence - par ailleurs parfaitement légitimée. Mais je suis satisfaite de pouvoir être présente au cours de ce débat puisque je représente le département rapporteur dans cette question.
Je souhaite rappeler au préalable qu'il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, pendant des années, le département rapporteur était, pour des raisons évidentes, celui de l'action sociale et de la santé: il s'agissait en effet d'une prestation attendue de l'employeur.
Il est vrai qu'il y a quelques années, la Conférence romande de l'action sociale et de la santé avait décidé, dans un premier temps, de supprimer toutes les indemnités de stage. Cependant, cette conférence est ultérieurement revenue sur sa décision alors que le canton de Genève est resté sur sa position initiale, en décidant de réexaminer la situation lors de la mise en place d'une HES. Tels sont les faits qui m'ont conduite en 2001, préparant en cela les négociations pour l'entrée dans la HES santé-social à la rentrée 2002, à examiner avec le département une solution intermédiaire, d'entente avec une délégation d'étudiants. Cette solution intermédiaire a consisté à admettre la nécessité de reconnaître la part de travail suscitée par les stages; une telle solution permettait, sans préjuger de ce qui serait appliqué ultérieurement, de pouvoir procéder dans une phase intermédiaire à une indemnisation de quatre cents francs par mois pour la troisième et la quatrième années, destinée à toutes les professions de la santé. Un véritable accord, sur lequel nous nous sommes entendus, a été présenté.
Il avait été prévu au printemps 2002 déjà - raison probable pour laquelle est parue la généralisation des stages dans certains prospectus - de régler la question des stages et des indemnisations sur le plan romand. Le problème s'est cependant révélé plus complexe à l'analyse en raison des pratiques des uns et des autres.
Je tiens, au passage, à informer le parlement que le nombre et la durée des stages dans la formation HES ont diminué. Les autres cantons ont engagé un débat au sujet de la régulation à mettre en place par rapport à celle instaurée pendant un certain nombre d'années. J'ai été amenée à proposer, de manière prudente, de rester sur notre position intermédiaire, tout en assurant que le canton s'engagerait rétrospectivement, à la rentrée 2002, à adopter la solution qui, si elle était plus favorable sur le plan romand, serait également pratiquée à Genève depuis ladite rentrée en HES. Cela a été écrit à deux reprises l'an dernier et reprécisé aux étudiants lorsque ceux-ci me l'ont demandé à la rentrée. Ces points ont valeur écrite, puisqu'ils ont été signés par la présidente du département. Je les ai en outre précisés aux enseignants de l'école «Le Bon Secours».
Les débats qui ont eu lieu sous ma présidence nous ont amenés à constater que, dans cette situation difficile, la solution adoptée serait probablement proche de celle pratiquée jusqu'ici, du moins dans ses montants totaux. Cela n'est pas évident puisque je vous rappelle qu'il y aura moins de stages. Mais il s'agissait également de reconnaître la problématique du recrutement. Ainsi, lorsque nous appliquerons cette solution, nous respecterons ce qui a été pratiqué jusqu'à ce jour. La décision finale interviendra en avril, la question des flux avec les employeurs devant être réglée canton par canton.
Je tiens à préciser que, contrairement à ce qu'imaginent les étudiants et à divers propos, et si certains ont évoqué durant les débats le fait que les stages et leur rémunération n'étaient pas souhaités, telle n'était pas ma position. J'ai défendu très clairement le stage intermédiaire puis, dans la discussion finale, la position du statu quo. Je ne suis donc ni à l'origine de rumeurs relatives à la suppression des indemnisations de stages, ni à l'origine de celles relatives à des réductions de je ne sais quel ordre...
S'agissant des stages prévus et des propositions soumises, le projet de loi tel que présenté ne me semble pas heureux. Il ne règle en effet qu'une partie du problème, et encore, avec des montants inacceptables. Ce projet de loi propose dans le fond, compte tenu de la situation économique, de prendre en charge par le biais des indemnisations de stage des problématiques liées au soutien des étudiants qui suivent une formation. Comme je l'ai dit en commission des finances, il y a lieu d'examiner la loi sur les allocations d'études. Nous avons déjà eu l'occasion de discuter de l'inadaptation de cette loi à certains aspects de la vie des étudiants. Nous avons d'ailleurs exprimé notre compréhension en proposant l'indexation des barèmes. Nous nous sommes également engagés à étudier, comme l'a demandé la commission d'évaluation des politiques publiques dans ses recommandations, des principes susceptibles de permettre une modification de la loi.
Nous devons donc rester très prudents: si nous allons plus loin dans l'indemnisation des stages, nous adressons également aux employeurs le message selon lequel le personnel en stage n'est présent que pour travailler. Je rappelle qu'il est important de donner une valeur de formation au stage, que ce dernier ne peut assurer seul les problèmes découlant du suivi d'une formation et qu'il ne peut être financé par le biais des allocations d'études.
Je suis à même d'affirmer ici, d'entente avec mes collègues, que la solution proposée s'acheminera vers le statu quo et que la rétroactivité sera assurée à compter de la rentrée 2002 pour la première et pour la deuxième année. Cet élément a été dit et écrit. (L'oratrice est interpellée.)Je n'accepte pas d'être interpellée en séance plénière. Je répéterai ce que je viens de dire, mais je ne peux pas répondre à l'agressivité manifestée ici. Ma bonne foi est totale en ce qui concerne la rétroactivité. Nous avons admis, tant pour la première que pour la deuxième année, que l'on ne pouvait avoir deux statuts, l'un pour les élèves de deuxième année - qui n'auraient pas bénéficié par leur entrée en première année de cette situation - l'autre pour les élèves de première année qui bénéficieraient de la totalité de cette mesure. Cet élément ayant été discuté et admis, il ne fait pas l'objet d'un débat complémentaire. Il touche évidemment tous les étudiants pour éviter une discrimination non justifiée.
Je ne vois pas, dès lors, en quoi j'ai pu faillir à ma mission ou à mes promesses puisque j'ai signalé ces éléments. Ils sont, tant pour moi que pour les personnes traitant ce dossier, parfaitement clairs! Je pense qu'il n'y a donc pas lieu de voter ce projet de loi. Cette discussion sera reprise sur le plan romand et il est fort probable que la décision finale soit celle que je vous ai indiquée. La rétroactivité serait, dans un tel cas, appliquée pour les élèves de première et de deuxième années.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter la prise en considération du projet de loi. (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur le député, nous appliquons l'article 78A du règlement du Grand Conseil qui ne prévoit pas que la parole soit donnée, après la clôture de la liste des intervenants, à l'un des auteurs du projet de loi. Nous nous prononçons sur la prise en considération du projet. Par souci de clarté, nous procédons par vote électronique.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 46 non contre 35 oui.
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de la motion relèvent à juste titre (Brouhaha.)...Monsieur le président, le déroulement de la procédure semble être contesté.
Le président. J'ai effectivement commis une erreur: j'aurais dû donner la parole en premier lieu aux auteurs du projet. Je vous remercie d'avoir la courtoisie de céder la parole à M. le député Charles Beer.
M. Charles Beer (S). La motion que nous vous proposons ce soir s'inscrit parfaitement dans la préoccupation du projet de loi 8561. Bien qu'elle ne concerne pas directement le même rayon d'activités - la motion se limitant aux jeunes stagiaires, soit principalement aux mineurs - il s'agit dans les deux cas de s'attaquer à la forêt des stages. Cette forêt comporte en effet un certain nombre de zones de droits et de non-droits qui débouchent, le cas échéant, sur des situations totalement anormales.
Je souhaite rappeler en quelques mots que la principale préoccupation de la motion est d'attirer l'attention sur la multiplication des stages de tous types. Certains de ces stages sont prévus, bénéficient d'un encadrement, font l'objet d'une définition de conditions de travail et prennent, le cas échéant, ancrage sur un travail paritaire. D'autres stages, en revanche, ne relèvent d'aucune concertation ni d'aucune élaboration précautionneuse en ce qui concerne le droit du travail.
C'est ainsi qu'aujourd'hui le Service des classes d'accueil et d'intégration (SCAI), qui propose des stages à des jeunes de quinze ans qui terminent le cycle d'orientation, prévoit des conditions de travail définies avec les partenaires sociaux. Ce service offrira, par exemple, un salaire minimum équivalent à la moitié du salaire de première année des apprentis. En revanche, les stages de plus courte durée qui sont développés dans la filière «VOIR» de l'école de culture générale ne prévoient ni salaire, ni définition précise dudit stage. Je rappelle au passage que l'Ecole de culture générale s'apprête à subir dès l'année prochaine une mutation par le biais des compléments de formation. Différents stages destinés aux jeunes gens de quinze ans se trouvent donc en concurrence, certains proposant un salaire, d'autres non. Ces stages se retrouvent parfois même en concurrence avec des places d'apprentissage.
Il existe en outre un certain nombre de stages dits «de sensibilisation», qui prévoient quelques jours d'insertion dans une entreprise dans le but de faciliter le choix de l'apprentissage. Nous constatons cependant que les choix de sensibilisation, qui reposent initialement sur trois jours, débouchent dans certains cas sur deux mois de stage, et ceci sans qu'aucun salaire ne soit versé. Il s'agit là d'une situation anormale !
Il existe donc, au nom du stage - terme fort pratique pour désigner un travail de quasi-volontariat - une multitude de types de formations. Il existe également une multitude de types de travaux qui utilisent l'argument de la formation, mais dont le contrat ne possède pas comme objet principal la formation d'un jeune. C'est ainsi qu'il existe, au nom du stage, des stages dans le cadre du chômage, de l'assurance-invalidité, des HES, de l'Ecole de culture générale, de l'Ecole de commerce ou encore des classes d'accueil et d'intégration. Un certain nombre d'entreprises utilisent également le terme de «stage» alors qu'il n'en est, en réalité, nullement question. Il arrive même, dans certains cas, que les jeunes gens paient leurs frais de stage !
Nous souhaitons donc, par le biais de cette motion, non seulement l'instauration d'un salaire minimum, mais également la mise en place de conditions minimales de travail qui permettent au terme de «stage», ou tout au moins au label étatique, de désigner clairement des stages garantis par l'Etat et prenant ancrage sur un certain nombre de préoccupations minimales comme celle d'assurer un salaire minimum en échange d'un travail fourni.
Cette motion ne concerne certes pas les stages d'une journée. En revanche, dès que le stage dure quelques jours ou quelques semaines, il paraît évident que des objectifs clairs de formation doivent être fixés, que certaines conditions de travail doivent être respectées, qu'un salaire doit être proposé et qu'une surveillance doit être instaurée - comme cela est le cas dans le cadre de l'apprentissage.
Notre préoccupation est donc de baliser cette forêt de stages, qui voit aujourd'hui naître dans sa nébuleuse un certain nombre de monstres auxquels il convient de mettre un terme.
Le président. Monsieur le député Barrillier, je vous remercie d'avoir eu tout à l'heure la courtoisie de céder la parole à votre préopinant. C'est avec grand plaisir que je vous la donne maintenant.
M. Gabriel Barrillier (R). Les auteurs de cette motion ont relevé à juste titre - notamment à l'instant par la voix de M. Beer - l'explosion de la demande de stages en entreprises: stages d'observation, d'orientation, de sensibilisation, d'insertion professionnelle, de formation intégrée dans un cursus supérieur - notamment pour l'obtention de la maturité professionnelle extra-CFC dans le cadre des formations HES. Mais il ne faut pas oublier que ce sont les entreprises qui offrent ces stages, et que les 80% de ces entreprises sont des PME et des PMI occupant entre une et dix personnes. Il a été reconnu que ces entreprises, très sollicitées, jouent le jeu.
Ces stages sont aussi dans l'intérêt de la relève professionnelle à tous les niveaux. L'office d'orientation professionnelle, sous la houlette du conseil central interprofessionnel, a mis sur pied une bourse, cela de façon à avoir une vision globale de l'offre et de la demande de stages. Je vous rappelle que le CCI est un organisme tripartite réunissant l'Etat, le patronat et les syndicats. Or, dans les cas où le stage dure plusieurs mois, comme pour l'obtention de la maturité professionnelle extra-CFC, des contrats-cadre élaborés sur cette base tripartite prévoient une rémunération ainsi que les conditions de ces stages. Il n'est, en revanche, pas réaliste d'étendre ces arrangements à tous les types de stages, dont la plupart n'excèdent pas quelques jours, en mettant à contribution le patron et les cadres de l'entreprise. Instaurer un régime centralisé et obligatoire de rémunération irait à une fin contraire en réduisant à coup sûr l'offre de stages! En effet, les entreprises risquent d'être rebutées par les charges administratives et pécuniaires de ces derniers.
Il faut rappeler, et je le souligne à l'attention de M. Beer, que ces jeunes ne sont pas employés comme main-d'oeuvre à bon marché. Il faut éloigner ce risque! Je m'étonne par ailleurs que cette question n'ait pas été posée d'abord au CCI.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette motion superfétatoire. (Applaudissements.)
M. Blaise Matthey (L). Je crois que nous ne pouvons que nous réjouir de la multiplication des stages. On a en effet cherché, pendant de nombreuses années, à améliorer la formation professionnelle par une meilleure adéquation entre la théorie et la pratique. Vous connaissez bien le cursus recherche fondamentale - recherche appliquée; il peut être pratiquement appliqué à tous les stades de formation. La multiplication des stages constitue donc une véritable chance pour la formation, chance qu'il convient à tout prix de préserver. Le mariage entre la théorie et la pratique est la garantie d'une meilleure insertion. Le stage offre également une première entrée dans la vie professionnelle. Il constitue donc un véritable avantage pour les jeunes à une époque où le marché du travail se trouve quelque peu troublé.
J'avoue avoir de la peine à comprendre la démarche des motionnaires lorsque j'observe l'ensemble des stages répertoriés sur le site «Interface Entreprises» - dont j'ai apporté ici des extraits - et je constate que nous ne sommes pas, et de loin, dans une jungle. Au contraire, le terrain se trouve fort bien balisé puisque les conditions de stage, le public, le contenu, l'encadrement et l'évaluation sont spécifiés pour chaque type de stage.
J'ai encore plus de peine à comprendre quand je m'adresse aux responsables étatiques de la question des stages pour leur demander où se situent les problèmes et qu'ils me déclarent qu'il n'y en a aucun, hormis des cas extrêmemnt rares qui pourraient, précisément, échapper à l'encarement étatique... Ne réglementons donc pas un sujet qui fonctionne déjà bien, ce bon fonctionnement étant justement dû à la prise en compte par l'Etat de la spécificité des formations et des besoins des entreprises!
J'approuve pleinement les propos du député Barrillier quant à l'effort fourni par les entreprises en matière de stages. Il me semble que l'on mesure mal la forte demande actuelle pour de stages. Or, cette dernière se voit largement satisfaite par les entreprises qui fournissent un véritable effort, non pas en termes de main-d'oeuvre, comme on le dit si souvent, mais en termes pédagogiques! Il faut en effet s'occuper des stagiaires - ce que font les entreprises. J'ai moi-même eu l'occasion d'accueillir plusieurs types de stagiaires, qu'il s'agisse de la maturité professionnelle, des HES ou de l'Université. Il faut s'investir! La plupart des entreprises le font. Et les jeunes sont satisfaits!
En conclusions, il faut garantir à ces stages la même souplesse que celle qui est systématiquement revendiquée pour la recherche fondamentale ou la recherche appliquée. Nous sommes dans un processus continu... il n'y a aucune raison de refuser cette souplesse à l'issue d'une chaîne qui comprend une valeur extrêmement importante pour notre société.
Cela constitue une excellente raison de refuser cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le postulat de la motion repose sur l'affirmation que le chaos règne dans le monde des stages et que de nombreux abus existent. Or, ces assertions, si elles servent peut-être les vues de réglementation et d'étatisation des motionnaires, ne sont absolument pas démontrées. D'ailleurs, la question a déjà été posée dans le cadre du conseil central interprofessionnel: aucun exemple d'abus n'a pu être cité. En outre, si des cas d'abus devaient être découverts, ils devraient non seulement être dénoncés mais, surtout, être portés prioritairement à l'attention des partenaires sociaux.
Plus concrètement, la motion demande plusieurs mesures: instauration de salaires minimaux pour les stages, création d'un système unique de surveillance et d'autorisation, obligation d'annonces pour les entreprises. En clair, elle demande une réglementation et une étatisation stricte des stages. Mais l'on pourrait déjà s'interroger sur la définition d'un stage. Il existe évidemment plusieurs types de stages, allant de celui de quelques jours - stage de sensibilisation évoqué par M. Beer - à celui de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, qui s'apparente davantage à une formation professionnelle. Il n'existe pas une seule et unique sorte de stage; il n'y a donc aucune raison de réglementer ces divers stages de la même façon.
Vouloir l'étatisation des stages, qui plus est par un système unique, est donc absurde dans la mesure où cette notion recouvre des réalités multiples et différentes. Cette proposition peut même se montrer contre-productive, comme l'ont dit mes préopinants, dans la mesure où la lourdeur du système pourrait décourager certaines entreprises. Je pense notamment à l'obligation d'annonces. Je vous rappelle à cet égard la mise en place du système «Contact Entreprises» qui permet aux entreprises d'offrir des stages par un biais centralisé mais extrêmement souple.
En outre, la motion demande l'extension des informations paritaires aux stagiaires. Mais ces informations paritaires sont déjà offertes dans le cadre de l'apprentissage! Il est donc inutile de les proposer aux stagiaires, d'autant moins que ces informations ne commencent à intéresser les apprentis qu'au moment où ceux-ci se trouvent aux portes de la vie professionnelle, soit lorsqu'ils terminent leur apprentissage. Or, le stage ne constitue pas une entrée vers la vie active, mais une entrée vers la formation professionnelle.
Le groupe démocrate-chrétien estime donc que ni les stages ni les stagiaires n'ont quoi que ce soit à gagner avec cette motion qui prévoit une réglementation stricte. Il pense également que les informations paritaires doivent rester dans le cadre de l'apprentissage et qu'elles doivent servir l'intérêt des jeunes plus qu'elles ne serviraient l'intérêt de ceux qui les proposent. Nous vous proposons par conséquent de rejeter cette motion.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Nous accueillons pour notre part de manière favorable cette motion et nous la soutiendrons. Les systèmes de stages nous semblent effectivement loin d'être homogènes, et il nous paraît nécessaire de veiller à ce que les jeunes stagiaires ne soient pas victimes d'abus dans ce domaine. Nous tenons également à souligner la nécessité de soutenir et d'encourager les entreprises qui accueillent des stagiaires, les stages étant à nos yeux l'un des meilleurs moyens d'encourager les jeunes à connaître une profession et à s'engager dans une filière professionnelle en toute connaissance de cause.
Au vu des opinions contrastées émises par les préopinants et au vu de l'importance que revêtent les stages pour la formation professionnelle, cette motion devrait précisément permettre à la commission de discuter des deux aspects que je viens d'évoquer: surveillance des jeunes qui effectuent un stage d'une part, encouragement aux entreprises pour proposer des stages d'autre part.
Je rappelle en outre que le renvoi d'une motion en commission implique nécessairement des débats et que la motion initiale peut tout à fait se trouver modifiée en fin de séance.
Le président. Madame la députée, vous n'avez pas indiqué la commission à laquelle vous souhaitiez que la motion soit renvoyée.
Mme Sylvia Leuenberger. A la commission de l'enseignement.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). Notre groupe appuie cette motion dans la mesure où, contrairement aux propos tenus par certains, nous estimons que l'apprentissage est en crise. Je vous citerai quelques chiffres pour mettre en évidence la situation difficile de ce système d'apprentissage qui constituait l'un des fondements de nos relations économiques: il y a vingt ans, 30% des élèves qui sortaient du Cycle d'orientation commençaient un apprentissage à l'âge de quinze ans, alors que cela n'est actuellement le cas que de 7% des élèves. De plus, la moitié de ces 7% entame un apprentissage après avoir suivi deux ans de collège. Cette situation constitue un véritable problème. A cela s'ajoute le fait que les entreprises ont institué dans leur système productif un certain nombre de travaux flexibles, réclamant différentes forces selon les périodes de l'année ou les moments de la journée et, partant, une flexibilité accrue. Les employeurs tendent, de ce fait, à reporter sur l'Etat et sur les apprentis ou les individus désireux de se former la charge qu'ils prenaient sur leur bourse.
Nous nous apercevons que l'Etat a assumé de manière croissante le poids de la formation des jeunes durant ces dernières années. Un certain nombre d'employeurs profitent de ce système de stages pour se donner les moyens de disposer de bons travailleurs sans en payer le prix, comme ils le faisaient précédemment. Nous estimons dès lors qu'il est nécessaire de mettre en place des contrats-cadre garantissant des conditions minimales et permettant aux uns et aux autres de sortir de la situation actuelle.
Cela étant, nous constatons une nouvelle fois - comme nous l'avions déjà noté lors d'un débat précédent - que le système mis en place et qui prendra tous ses effets en juin 2004, soit l'établissement de contrats-cadre élaborés par les partenaires sociaux, a déjà aujourd'hui du plomb dans l'aile. Comme vous l'aurez remarqué - et les discussions de ce soir le prouvent - la majorité de droite refuse l'élaboration de contrats-cadre dans des secteurs qui se précarisent. Nous regrettons cette position, de même que nous avons regretté la souscription à ce système de la part de certains partis de gauche. Ce système, qui requiert l'accord de l'Etat et des employeurs pour mettre en place des contrats-cadre dans les secteurs de l'économie qui se dérégularisent, ne fera dès lors qu'augmenter la dérégulation de notre travail, puisque l'une des parties ne sera en principe jamais d'accord avec l'instauration de ces contrats-cadre. (Brouhaha.)
M. Charles Beer (S). Je souhaiterais préciser un certain nombre de points. Le premier que je tiens à souligner est le suivant: la motion ne condamne pas l'existence de stages ! Il me semble important de préciser ce point suite au vibrant témoignage de M. Matthey. (Rires.)
Ce vibrant témoignage a montré combien les stages peuvent être formateurs et utiles, et il ne m'incombe absolument pas de contrarier M. Matthey. Il faut cependant savoir que, parallèlement à un certain nombre de stages formateurs, certains stages figurant sur le site de l'OOFP prétendent être répertoriés par l'Etat, alors que cela n'est en réalité pas le cas. Ainsi, nous avons découvert qu'une grande entreprise, dont je ne citerai pas le nom ici pour des raisons évidentes, a employé un stagiaire avant le début de son apprentissage afin de décider si le futur apprenti était digne de l'être ou non. Cette situation s'est poursuivie durant deux mois, sans aucun salaire! Ce système n'est pas normal, et je sais que ni M. Barrillier ni M. Matthey ne le défendent. Ils doivent dès lors constater avec nous qu'il est nécessaire de mettre un peu d'ordre dans ce qu'il convient d'appeler «stage». (L'orateur est interpellé par M. Dupraz.)
Je suis désolé: je me suis adressé à M. le président et à Mesdames et Messieurs les députés, mais j'ai omis de saluer M. Dupraz, qui se manifeste. (Rires.)Si M. Dupraz daigne se taire quelques minutes, il pourra entendre la suite de mon propos.
Nous devons faire l'examen, type de stage par type de stage, des éléments qu'il convient de mettre en place pour éviter les abus et pour assurer un caractère formateur à ces stages. La souplesse ne s'oppose, à mes yeux, en rien à l'instauration d'un minimum d'ordre.
J'insiste également sur un autre point: je ne doute absolument pas que l'Office d'orientation et de formation professionnelles fait un effort d'information indéniable et que le CCI se soucie également de la multiplication actuelle des types de stages. Il n'en convient pas moins aujourd'hui de se poser la question suivante: dans quelle mesure l'Etat doit-il prêter son concours à des stages qu'il répertorie, mais qui ne font l'objet d'aucune surveillance, alors que l'ordre législatif a souhaité, durant le stage des mineurs, leur assurer un minimum de formation et d'encadrement ?
Je sais, pour avoir discuté dans les travées de ce Grand Conseil avec M. Barrillier, que celui-ci était favorable à un renvoi en commission de cette motion. Je suppose qu'il n'aura pas l'outrecuidance de changer de propos en commission plénière par simple vocation théâtrale, ainsi que M. Dupraz l'a énoncé tout à l'heure.
M. Bernard Annen (L). Nous nous trouvons saisis ce soir d'une «mauvaise bonne solution». Je pense qu'il est périlleux d'essayer de légiférer tant bien que mal sur certains éléments à la fois inutiles et dangereux, et cela pour remédier à des abus dont je reconnais certes l'existence.
Si j'interviens ce soir, c'est tout simplement parce que je suis dans le cadre de mon organisation responsable de quelque deux à trois cents apprentis. C'est dire que cela n'est pas mineur ! Or, nous nous trouvons confrontés, année après année, à la grande difficulté de recruter de nouveaux apprentis. Le stage constitue donc un élément essentiel. Mais le problème est le suivant: chaque année, l'ensemble de mes collaborateurs, l'ensemble des syndicats de la FTMH prennent leur téléphone pour implorer les entreprises d'offrir des stages ! Ca, c'est le drame !
Et pourquoi ? M. Blaise Matthey l'a très bien expliqué: il faut à tout prix investir! Un stage ne consiste pas à mettre un gamin dans un coin en lui demandant de balayer et d'observer les activités d'autrui ! Il s'agit, au contraire, de l'intéresser à l'activité de l'entreprise et de s'en occuper ! A cela s'ajoutent des problèmes de sécurité. Tous ces paramètres sont fondamentaux ! M. Beer sait par ailleurs fort bien que, dans un certain nombre de pays, on fait payer les stages aux gens.
Je partage l'avis de M. Beer en ce qui concerne des abus de deux ou trois mois de stage ainsi que le recours à la notion de stage pour employer des jeunes sans les payer, et que je condamne bien évidemment de tels abus - comme probablement tous les députés de ce parlement. Mais il n'est pas nécessaire de faire un peu de retape syndicale pour y remédier en demandant des informations sur le droit du travail, etc., alors que ces droits existent déjà ! Les motionnaires savent fort bien que des informations paritaires sont communiquées chaque année au niveau des apprentis ou du CEPTA. Ce n'est cependant pas au niveau du stage qu'il convient de fournir ces informations, car celui-ci doit permettre à un jeune de choisir, d'apprécier et d'aimer un métier! L'intérêt du stage réside dans la promotion d'un métier.
Je mets donc en garde les motionnaires: s'ils réglementent trop, s'ils souhaitent légiférer, plus aucune entreprise ne sera disposée à offrir des stages. Ils commettent une erreur avec leur motion qui représente, comme je l'ai déjà dit, une «bonne mauvaise solution»...
Une voix. Vous aviez dit le contraire !
M. Bernard Annen. Une «mauvaise bonne solution», si vous le préférez; prenez les choses comme vous le souhaitez !
Le système actuel est globalement bon puisqu'il procure aux jeunes l'énorme chance de pouvoir choisir leur profession. Que les motionnaires ne détruisent pas le système existant ! Au pire, je leur suggère de faire connaître et de négocier leurs soucis dans des secteurs spécifiques par le biais des partenaires sociaux, mais en tous cas pas au plan législatif. (Applaudissements.)
Le président. La parole est au député Gabriel Barrillier... qui renonce ? Vous y renoncez, Monsieur le député ?
M. Gabriel Barrillier (R). Non, je n'y renonce pas!
C'est le lieu de rappeler l'existence d'un certain nombre d'organismes dans cette République. J'ai évoqué précédemment le Conseil central interprofessionnel qui possède - je rebondis sur les propos du député Annen - une structure tripartite. Le député Beer a certes mentionné l'Etat, mais cet organisme possède l'avantage de réunir l'Etat, le patronat et les syndicats. Or, je ne pense pas que l'on puisse jouer sur les deux tableaux dans le cas de problèmes techniques pratiques. Si l'on a créé cet organisme tripartite, c'est précisément pour régler ce type de questions d'entente avec tous les partenaires, sans monter immédiatement au niveau politique.
Monsieur Beer, j'ai moi-même siégé à vos côtés au sein de cet organisme. Vous aviez certainement l'avantage d'être, en votre temps, à la fois membre du parlement et du CCI, soit un organe extra-parlementaire. Et je vous avais reproché à quelques reprises de jouer sur les deux tableaux. Permettez-moi en toute amitié - car vous traversez une période quelque peu tendue (Rires.)- de vous répéter que la question que vous soulevez dans cette motion doit être réglée au CCI, et non au parlement qui a d'autres objets à traiter. (Applaudissements.)
M. Charles Beer (S). Si M. le président écoutait le débat, il aurait pu constater que l'on aurait dû débattre du renvoi en commission, ce qui n'a pas été le cas. (Protestations.)
Une voix. C'est une motion !
M. Charles Beer. Même dans le cas d'une motion, cela en vaudrait la peine !
Monsieur Barrillier, vous avez déclaré que je traversais une période tendue, et je ne saurais vous démentir. J'aimerais cependant vous faire remarquer que ce n'est pas parce que vous vivez une situation détendue depuis un mois et demi... (Rires.)...que l'on doit aujourd'hui dénier toute légitimité à une motion comme celle-là !
Sur le fond du problème, j'aimerais également vous dire ceci : lorsqu'on fait appel à la légitimité des partenaires sociaux... D'abord remarquez avec moi ce que la motion stipule : elle demande justement de négocier ou de discuter ces conditions en concertation avec les partenaires sociaux. Mais, pour se prononcer sur une motion, encore faut-il la lire, Monsieur Barrillier... Il ne s'agit donc pas de contrecarrer les intentions des partenaires sociaux mais, au contraire, de s'appuyer sur elles.
Je ferai par ailleurs remarquer à Monsieur Annen, qui a parlé de légiférer, que cette motion demande d'abord à être étudiée en commission, puis à être soumise au Conseil d'Etat pour que celui-ci nous donne un avis. Si, pour vous, donner un avis du gouvernement revient à légiférer, je me fais du souci ! Parce que vous souhaitez à ce moment-là transformer notre parlement en société protectrice patronale, ce qui n'est pas tout à fait sa vocation ! (Rires et protestations.)
Le président. Je dois reconnaître ne pas avoir très bien compris votre intervention: vous indiquez qu'il faudrait se limiter à un débat sur le renvoi en commission alors que vous venez de développer un argument sur le fond... Bref! Nous n'allons pas épiloguer inutilement.
La parole est à Mme la conseillère d'Etat Mme Brunschwig Graf. Ensuite, nous voterons en premier lieu sur la demande de renvoi en commission, puis sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, suis-je autorisée à traiter du fond de la motion ou dois-je me prononcer uniquement sur le renvoi en commission ?...
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il me semble que la problématique soulevée par cette motion a été quelque peu perdue de vue. Deux questions se posent: quel est l'objectif du stage ? Quel est le type de protection qu'on veut lui accorder ? Ces deux questions en amènent une troisième: quelle est la rétribution ?
De même que pour le sujet dont nous avons traité précédemment, ces questions sont loin d'être simples. Nous avons réalisé, au fil des années, que lier ces trois éléments était dangereux. En effet, soit le stage s'inscrit dans une dynamique de formation, d'accompagnement et de contrôle, et l'on donne un véritable sens à ce qu'est un stage en évitant que l'employeur interprète ledit stage comme un emploi de seconde zone, soit on discute sérieusement salaire, en sous-entendant dès le départ qu'une contre-partie doit être offerte par rapport au stage. Si cet élément peut paraître secondaire, il n'en est rien dans la réalité: il structure en effet grandement à la fois l'attitude des employeurs, la signification du stage et, comme l'ont rappelé certains députés, la possibilité même de trouver un stage.
J'entends dire par certains que la situation actuelle constitue un grand désordre. Les commentaires parus dans les journaux sur la gestion du département de l'instruction publique peuvent aussi laisser penser que cette gestion tout entière représente un grand désordre! Je ferai cependant remarquer qu'il existe, parmi ce prétendu "grand désordre", une association - Contact entreprises - qui gère les stages du Cycle d'orientation. J'ignore si cette association couvre tous les stages; il est clair que nous pourrions être amenés à prendre connaissance d'éléments irréguliers et, partant, à intervenir. Cependant, la statistique 2001-2002 dénombre tout de même, pour ce seul type, 4 223 stages pour les populations scolarisées et 969 pour les populations non scolarisées. Il s'agit de stages de un à cinq jours, qui bénéficient d'une couverture assurance prise en charge par le département. Certes, ces stages ne comprennent ni contrat ni rémunération. Un rapport de stage est toutefois établi par l'entreprise et un bilan du stage effectué soit par l'école, soit par l'Office d'orientation et de formation professionnelles, et ceci pour les élèves du Cycle d'orientation, du dixième degré postobligatoire et des écoles de formation préprofessionnelle.
De nombreux autres stages - je vous épargnerai l'énumération - peuvent également être dénombrés. Tous placés sous le contrôle d'Interface Entreprises, ces stages sont de durée variable et font l'objet d'un contrôle du département. Une convention de stage avec rémunération facultative est en outre signée avec l'entreprise dans de multiples cas, notamment pour des stages d'un mois.
Je ne prétends pas que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais, si j'examinais en détail les stages organisés dans ce canton, je pourrais constater ces deux éléments: premièrement la volonté du Conseil d'Etat - puisque deux départements sont fortement impliqués, le département de l'économie et le département de l'instruction publique - de coordonner et d'intervenir concernant les stages qui le permettent; deuxièmement la volonté du département de l'instruction publique de garder un oeil attentif sur la situation. On peut, je le répète, être amené à connaître des dysfonctionnements et des dérives, mais cela sous réserve de les dénoncer, de les porter à la connaissance de l'autorité et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires.
Je partage l'inquiétude des auteurs de la motion. Mais, en croyant pouvoir faire mieux, ils constateront à un moment donné que les entreprises pourront être découragées. Je rappelle que nous allons introduire à la rentrée 2003 la réforme de la formation commerciale professionnelle de base. Or, les exigences auxquelles les entreprises sont soumises par cette réforme engendreront, dans tous les cantons qui l'appliqueront, un recul de 20% des places d'apprentissage puisque les entreprises ne se trouvent plus en mesure d'assumer la totalité de leurs obligations. Je ne voudrais donc pas que, tout en essayant de bien faire, cette motion conduise à ruiner une part des efforts importants qui ont été fournis tant par les partenaires sociaux que par l'Etat pour développer les stages dans ce canton.
Je me souviens bien des discussions avec l'école d'enseignement technique qui, lors du passage de la formation de deux à trois ans, a émis quelques craintes quant aux possibilités de trouver des stages! Or, nous avons tous été fiers de constater que cette difficulté avait été brillamment surmontée. Je ne voudrais pas que par des interventions intempestives - même animées de bonne volonté sur le fond - on aboutisse à l'effet contraire! C'est pourquoi cette motion n'est pas la bienvenue.
Traitez-là en commission si vous le souhaitez; le département apportera toutes les informations nécessaires et de façon détaillée. Mais j'aimerais aussi que vous en mesuriez les effets quand nous parlons des stages: soit nous parlons de formation, soit nous parlons de rétribution de travail à bon marché. Et choisir de parler de formation influence aussi la façon de traiter cette problématique!
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder en deux temps. Nous voterons d'abord sur la demande de renvoi en commission de l'enseignement et de l'éducation. Si cette dernière est acceptée, il en sera fait ainsi; si elle est refusée, nous voterons sur le renvoi éventuel au Conseil d'Etat.
Je vous propose, par mesure de clarté, que nous procédions par vote électronique.
Mise aux voix, la proposition de renvoi en commission est rejetée par 47 non contre 33 oui.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 45 non contre 32 oui.
Débat
Le président. Cette fois-ci, je ne ferai pas l'affront de ne pas donner la parole à l'un des auteurs du projet de motion. Je cède donc la parole à M. le député Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en déposant cette seconde motion concernant l'école depuis le début de la législature, le groupe radical poursuit une politique logique et cohérente visant à restaurer la confiance chez tous les acteurs de l'enseignement en provoquant un débat démocratique sur les buts et le fonctionnement de l'institution scolaire, institution dont je vous rappelle que le Grand Conseil et finalement le peuple sont responsables! Les radicaux souhaitent également se faire les porte-parole des vives préoccupations qu'exprime presque quotidiennement - je dis bien quotidiennement - une partie importante du corps enseignant sur divers aspects de leur mission. Ces préoccupations ont trait aussi bien au rôle des parents qu'à l'attitude des élèves, à l'enchaînement des réformes ou, encore, au manque de considération et de soutien tant des autorités que de la société à leur égard.
Plusieurs visites dans des établissements scolaires, dont une journée entière passée dans un cycle d'orientation de la rive gauche comptant six cent cinquante élèves de cinquante-deux nationalités, m'ont convaincu de la justesse de notre action de restauration du rôle et de la position de l'institution et de ses serviteurs.
Pour qui prend la peine, comme je l'ai fait, d'aller sur le terrain - dans les classes et surtout dans les salles des maîtres et des maîtresses - il est un terme qui revient de plus en plus souvent : celui d'«autorité». Non pas celle du régent craint par une classe de potaches, les bras croisés sur les pupitres - comme certains parmi nous, qui sommes des anciens, avons peut-être connue - mais une autorité reconnue par l'élève, par les parents et par les pouvoirs publics. L'autorité du maître est fonction de plusieurs facteurs: la personnalité et la qualité de l'enseignant! Ensuite, la qualité et la crédibilité des programmes scolaires, le soutien des autorités scolaires, le comportement des parents et des élèves et, bien sûr, l'aspect et l'ordre qui règnent dans les écoles.
Pour illustrer les propositions contenues dans cette motion, je citerai à titre d'exemples le débat qui s'engage sur le tutoiement à l'école et la demande - et ses conséquences! - de la Fédération suisse des associations d'enseignants de ne pas accepter la dépénalisation du cannabis et d'interdire les joints et autres pétards à l'école.
Une voix. Oh !
M. Gabriel Barrillier. J'ai lu cela dans le journal.
Enfin, chers collègues, le rétablissement du respect de l'élève à l'égard du maître d'école ne peut se concevoir que dans des établissements propres et bien entretenus. Les murs sinistres - allez au CEPTA voir comment cela se passe ! - et taggés de certaines écoles ne constituent pas un encouragement. Pour avoir lu le texte de la conférence de presse du Conseil d'Etat, je reconnais cependant qu'une première tentative est faite pour supprimer les tags dans deux collèges.
Pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, le groupe radical vous prie de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation. (Applaudissements.)
M. Jacques Baud (UDC). Comment a-t-on pu en arriver là ? C'est une question que je me pose bien souvent. A notre époque, l'école était une institution que l'on respectait, tout en la craignant quelque peu, car nous savions qu'il s'agissait d'un cap à franchir pour nous guider dans la vie.
Une voix. Bravo !
M. Jacques Baud. Or, que se passe-t-il aujourd'hui ? On mélange enseignement et éducation, et l'on veut nous faire croire que le système éducatif de notre jeunesse est devenu rétrograde et inadapté à de nouveaux publics. Nous passons ainsi de réforme en réforme, ce qui a provoqué une déstabilisation au niveau du corps enseignant, des parents et des élèves. La motion exprime bien le malaise auquel se heurte le système éducatif: plus de discipline, rébellion contre toute forme d'autorité, irrespect, actes violents tels que dégradation du matériel et des bâtiments, vols, injures ou encore agressions physiques! N'oublions pas que les jeux vidéos, le laxisme parental, l'impact de la télé et la disparition de valeurs ont gravement nui au climat scolaire.
On a voulu bannir le mot «autorité»! Les enfants sont ainsi devenus des rois sans repères. On demande aux élèves de se gouverner seuls, mais il est clair que les jeunes d'aujourd'hui sont moins résistants aux tensions et à l'échec. Les enseignants sont confrontés à des problèmes relationnels de plus en plus compliqués, tout en étant déstabilisés par des réformes pédagogiques. L'enseignant qui rencontre des problèmes avec ses élèves est, comme par hasard, un «prof' qui manque d'autorité», "qui n'est pas un bon pédagogue", «qui n'intéresse pas ses élèves»; le «prof'» est donc responsable de son propre échec. Ce n'est pas admissible de penser cela, enfin !
Rechercher systématiquement les causes du comportement irrespectueux d'un élève dans son passé, dans son environnement et dans sa psychologie fait que l'on n'ose plus le punir! L'élève qui a une mauvaise attitude étant forcément un élève «traumatisé», il ne faut donc pas le brusquer... Tout cela est dû au fait qu'une grande part de la société accepte l'impolitesse des enfants et des ados. (Brouhaha.)
Le rôle de l'enseignant n'est pas de mater ou de faire les élèves se tenir tranquilles, mais bien de favoriser la construction des savoirs. C'est ensemble qu'ils doivent oeuvrer à une tâche commune, chacun dans son rôle. Le corps professoral ne peut, à lui seul, faire face aux carences de parents irresponsables. L'école n'est pas un lieu où l'on dépose un enfant pour se débarrasser de son propre rôle qui, lui, est éducatif; l'école est un lieu où l'on transmet le savoir et où l'on enseigne comment l'acquérir. L'école n'est pas responsable face à la démotivation et aux violences des élèves. Elle me semble être devenue la victime impuissante des difficultés socio-économiques et familiales que vit notre système.
Mes collègues et moi-même restons convaincus que trop de réformes, ainsi qu'une évolution constante dans la manière d'enseigner, ne serviront à rien tant que le sens de la responsabilité et la conformité aux règles et aux valeurs ne seront pas réinstaurés dans la société et parmi les familles. Malgré un certain manque d'engagement dans cette motion, notre groupe la soutiendra. Respect ! (Quelques applaudissements.)
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Le Grand Conseil vient de renvoyer à Mme Brunschwig Graf un rapport très complet sur la motion 1192 concernant l'état des relations enseignants-élèves, motion traitée par la commission de l'enseignement et de l'éducation pendant neuf séances. Tout aussi récemment, cette même commission a été saisie de la motion des radicaux demandant l'instauration d'un moratoire sur les réformes, dont le rapport figure à l'ordre du jour. Ainsi, depuis plus d'une année, les inquiétudes relevées dans la nouvelle motion qui nous est proposée aujourd'hui ont en grande partie été abordées. Le seul point qui n'a pas encore été discuté en commission est celui de l'état des bâtiments scolaires.
Sans vouloir nier certains problèmes soulevés par ce nouveau texte, comme par exemple les incivilités commises par une minorité, nous sommes à nouveau choqués par la vision très caricaturale et réductrice qui est donnée des différents partenaires de l'école; nous sommes heurtés par les propos de cette motion. Sur le fond, le texte proposé par le parti radical a un curieux goût de réchauffé: on croit assister à un film déjà vu. Après la motion «Le moratoire sur les expériences pédagogiques», voici «Les radicaux II - Le retour» dans la motion «L'autorité à l'école» avec, dans les rôles principaux, des vilains parents démissionnaires qui ne remplissent plus leur responsabilité d'éducateurs, des jeunes violents, indisciplinés, difficiles et mal éduqués, des enseignants fatigués, une hiérarchie inefficace, un climat de changement permanent appelé «réforme», cause de tous les maux, le tout dans un décor constitué de bâtiments scolaires délabrés.
Voilà donc les responsables du malaise de l'école selon les motionnaires, dont l'analyse manque, ma foi, un peu de recul! Et pourtant, souvenez-vous: il y a à peine dix ans, en pleine crise économique et de gouvernement monocolore, les radicaux tapaient allègrement, tout comme leurs alliés de l'Entente, sur ces enseignants qu'ils estimaient trop payés et trop impliqués dans les grèves de la fonction publique. Et je ne parle même pas de la durée des vacances des enseignants, sujet de grande moquerie pour certains!
Le budget attribué à l'école a été revu à la baisse, péjorant la qualité de travail et laissant l'école sans les moyens suffisants pour répondre aux difficultés qu'elle rencontrait déjà à l'époque. Les attaques dont cette profession a été victime ont laissé de profondes cicatrices. Elles ont encouragé une partie de la population à ne plus soutenir les enseignants, décrits alors comme les enfants gâtés de la fonction publique. Face à ce dénigrement, faut-il s'étonner aujourd'hui du peu d'engouement des jeunes pour cette profession, d'où la difficulté rencontrée par le DIP pour engager des remplaçants ou des nouveaux enseignants qu'il faut parfois recruter jusqu'à l'étranger ? Maintenant, ironie de l'histoire, les mêmes personnes qui dénigraient seraient les farouches défenseurs des enseignants et d'une école genevoise reformatée à leur vision de la société ! Et quelles solutions nous propose-t-on dans cette motion ?
Première mesure radicale: modifier l'article de loi sur l'instruction publique dans le but de rappeler et de redéfinir clairement les responsabilités de la famille en matière éducative et de suivi scolaire. La belle affaire que d'inscrire dans la loi ce que signifie être de bons parents ! Les signataires se sont bien gardés de reformuler eux-mêmes cet article; ils préfèrent laisser cette tâche périlleuse à d'autres. La plupart des parents assument courageusement ce difficile et magnifique rôle. Et, pour la minorité qui n'arrive pas à faire face à cette responsabilité, il ne suffit pas de quelques lignes dans la loi et de sanctions en cas de violation pour que les problèmes s'effacent comme par enchantement. La plupart du temps, ces familles vivent des situations sociales, économiques et affectives dramatiques. Ce sont souvent des femmes seules, sans aucun soutien familial, travaillant beaucoup et dont les horaires de travail ne leur permettent pas d'être suffisamment présentes auprès de leurs enfants. Trouvons donc ensemble des mesures de soutien plutôt que de rétorsion !
Deuxième mesure radicale: accroître les responsabilités des enseignants s'agissant tant des méthodes d'enseignement que de la discipline et des relations avec les parents d'élèves. Je ne vois pas qui va soutenir une telle dérive... Alors que le but de l'école est d'offrir un enseignement identique à tous les élèves - en tenant compte toutefois de l'individualité et de l'aptitude de chacun - vous nous proposez de donner carte blanche aux enseignants pour ce qui est de la pédagogie et de la discipline ! Il ne restera plus qu'à fixer des objectifs tout en ignorant les moyens utilisés pour les atteindre. Non merci !
Les Verts ne peuvent adhérer ni aux considérants, ni à la première partie des invites de cette motion. Mais je laisserai Mme Mahrer intervenir sur la partie concernant l'état des bâtiments scolaires. (Applaudissements.)
Le président. Le bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Se sont inscrits Mme Janine Hagmann, Mme Anne Mahrer, M. Souhail Mouhanna, M. Patrick Schmied, M. Rémy Pagani, M. Jacques Follonier, M. François Thion et M. Thierry Apothéloz. Le Conseil d'Etat aura bien évidemment la parole pour conclure s'il le souhaite. La parole est à Mme la députée Janine Hagmann.
Mme Janine Hagmann (L). Voilà à nouveau une belle motion qui nous propose un vaste sujet de modèle de société dépendante d'une école idéale! En lisant les considérants quelque peu catastrophistes de cette motion, je me disais qu'il était tout de même plus facile de tenir une classe sans élèves qu'une classe occupée par vingt-cinq têtes blondes...
Cette parenthèse refermée, la commission de l'enseignement et de l'éducation se réjouit certainement de retravailler, avec un intérêt évident, ce sujet sur lequel elle s'est déjà penchée pendant plusieurs mois. Je dois préciser que cet intérêt est en grande partie dû aux intervenants de qualité que nous avons entendus et au fait que les radicaux, qui avaient présenté une motion assez proche de celle-ci, ont beaucoup travaillé leur motion telle qu'elle figure à notre ordre du jour et que nous avons pu accepter.
Je pense néanmoins qu'il sera extrêmement intéressant de relever ce que chaque commissaire imagine lorsqu'on lui parle de responsabilité familiale en matière éducative et de suivi scolaire... (Exclamations.)Tout est-il toujours dû à la faute de l'école ? Et quelles mesures prenons-nous dans cette enceinte pour améliorer le respect ? Je vous donnerai deux exemples.
Premièrement, grâce à l'imagination d'un exécutif communal, maire de la Champagne, une grande campagne a été lancée dont le titre est : «Le respect, ça change la vie». Cette campagne rencontre un vif succès. Le Conseil d'Etat in corpore, mon collègue de Berne, moi-même, ainsi que de nombreuses autres personnes y avons adhéré. Ne serait-il pas concevable d'affirmer que le respect change la vie, la politique, mais également l'école ? Une telle idée me semble intéressante.
Deuxièmement, je constate que nous avons vécu ce soir un événement assez intéressant: les garçons de plusieurs classes, venues à la tribune pour assister à nos débats, ont gardé leur casquette vissée sur leur tête. Ce comportement constitue à mes yeux un manque évident de respect. Or, ni les membres du bureau ni le président n'ont eu le courage de demander à ces jeunes d'enlever leur casquette. Et le port de la casquette était naturellement la faute de l'école... Il me semble que nous ne suivons pas toujours le bon chemin !
Cette motion comporte deux parties. La partie concernant les tags n'ayant, selon moi, aucun lien avec la première partie de la motion, il me semble qu'elle pourrait être immédiatement supprimée, cela d'autant plus qu'un projet de loi, déjà travaillé à la commission des travaux, va être repris et qu'une subvention sera versée pour combattre les tags. Une campagne antitags a par ailleurs débuté avec beaucoup d'effet dans deux cycles - le cycle des Coudriers et celui de la Gradelle.
En outre, je ne peux m'empêcher de relever dans l'exposé des motifs les propos suivants: les motionnaires constatent que les enseignants sont trop souvent amenés à faire davantage d'éducation que d'enseignement et qu'ils sont surchargés de tâches administratives car ils se voient imposer des réformes dont ils ne comprennent trop souvent ni la justification ni l'intérêt. Je vous rappelle que toutes les réformes de l'enseignement primaire ont été basées sur la volonté des titulaires de classes et que toutes les écoles qui se sont lancées en projets d'écoles l'ont fait de manière libre. Il ne s'agit donc pas d'une imposition !
Nous aurons beaucoup de plaisir à retravailler le contenu de cette motion en commission, mais nous ne pouvons pas attribuer tous les maux qui y sont décrits à l'école d'aujourd'hui. (Applaudissements.)
Mme Anne Mahrer (Ve). Depuis le temps que je travaille au cycle d'orientation, et du fait que j'y ai apparemment survécu, j'ai presque l'impression d'être une rescapée !
Je ne reviendrai pas sur les considérations pédago-éducatives de la motion, mais sur les nettoyages, l'entretien et la maintenance des bâtiments scolaires. Sans tomber dans un «propre en ordre compulsif» et tout en poursuivant une éducation au respect du bien public, les équipes de nettoyage devraient être renforcées; les concierges devraient quant à eux être présents pendant les horaires scolaires et rattachés au DIP. Les bâtiments des années 70, cycles d'orientation notamment, ont besoin d'être rénovés, les classes et les couloirs repeints et des mesures prises concernant les économies d'énergie. Certains bâtiments sont des passoires !
Quant au langage des murs, ces calligraphies codifiées appelées «tags», elles s'expriment surtout sur les murs extérieurs des lieux publics et en-dehors des heures scolaires. Les mesures à prendre pour lutter contre leur prolifération sont largement exposées dans le rapport cité hier dans le point de presse du Conseil d'Etat. Seront-elles efficaces ? Peut-être ! A condition que l'on ne dise pas aux «ados» - mentionnés comme tels cités dans ledit rapport - que les tags sont bêtes et méchants et qu'ils peuvent être interprétés comme les symptômes d'une société malade. Les ados apprécieront et taggeront leur réponse sur les murs fraîchement nettoyés...
Je propose de renvoyer cette motion à la commission des travaux.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, je trouve que le groupe radical se réveille peut-être un peu trop tard...
M. Pierre Kunz. Six mois, hein !
M. Souhail Mouhanna. Oui, oui... Cher Pierre, tu vas être servi, attends un tout petit peu ! (Rires.)
Je voudrais rappeler que les élèves passent environ 20% de leur temps dans les écoles et les 80% restants à l'extérieur de l'école. Les problèmes de la société ne s'arrêtent par conséquent pas aux portes de l'école, et les jeunes les vivent au quotidien, comme nous tous.
Je me souviens d'un débat qui a eu lieu, il y a un peu plus de dix ans, au sujet d'un projet du Conseil d'Etat. Ce projet, présenté par un ancien conseiller d'Etat de l'instruction publique et intitulé «Préserver l'essentiel», proposait une réduction de 10 à 12% des ressources de l'école publique - la réduction proposée était, en réalité, beaucoup plus importante, car le conseiller d'Etat ne savait pas s'il s'agissait de francs courants ou de francs constants. A cette époque s'était constitué un mouvement d'opposition de la part des enseignants, des élèves et des parents face à cette politique de restriction budgétaire en raison des dégâts que cette dernière provoquerait immanquablement au niveau de l'instruction publique. Je me souviens d'ailleurs d'une conférence de presse durant ces manifestations, à l'occasion de laquelle une journaliste bien connue en son temps, chroniqueuse au Journal de Genèvepuis journaliste à la Tribune de Genève, m'avait demandé les raisons d'une telle mobilisation en me faisant remarquer que l'école publique disposait de moyens considérables. Je lui ai expliqué que c'était précisément ces importants moyens qui permettaient à notre école publique d'éviter le sort réservé, entre autres, aux établissements de certaines banlieues françaises; ces manifestations visaient par conséquent, lui ai-je expliqué, à préserver l'école publique et la qualité de l'enseignement, à éviter une dégradation de cette école, et pour éviter que l'école ait davantage besoin de policiers que d'enseignants. Le lendemain, voici ce qu'a retenu la journaliste : «Décidément, M. Mouhanna, toujours aussi pessimiste, prévoit des policiers à la place des enseignants». Voilà ce qui avait été dit à l'époque! Aujourd'hui, en prenant connaissance de la motion du groupe radical, j'ai l'impression que même la caricature de cette journaliste est en train de se réaliser !
Et ce que je reproche au groupe radical, c'est qu'il ne s'interroge pas sur les cause de la situation actuelle dans les écoles. Il se trouve que je suis enseignant depuis une quarantaine d'années, dont environ trente-cinq à Genève; or je n'ai pas l'impression que l'image des élèves, des parents et des enseignants, qui est reflétée à travers cette motion soit correcte.
Je voudrais relever également que le groupe radical a mentionné, dans son premier considérant, qu'«une part importante des enseignants primaires et secondaires souffre d'épuisement émotionnel et d'un manque de soutien de la part des autorités» ! Eh bien, je vous félicite de vous en rendre compte! En effet, combien de fois avons-nous entendu et lu dans la presse, durant les années nonante, la description des privilèges immoraux dont disposaient les enseignants ! Avec tant de privilèges... on attend les candidats! Or vous reconnaissez aujourd'hui que la situation est difficile. Mais le groupe radical tient un double discours puisque, tout en demandant un certain nombre de dépenses - ce que je soutiens, car il est nécessaire d'effectuer un certain nombre de travaux pour assurer le bon état des locaux - il ne cesse de déposer des projet de lois et des motions visant à réduire les ressources de l'Etat!
Je souhaite à cet égard vous communiquer quelques chiffres tirés d'une brochure, bien connue par Mme la cheffe du département de l'instruction publique puisqu'il s'agit de celle de l'«Enseignement à Genève». En premier lieu, les dépenses du DIP rapportées au revenu cantonal sont passées de 8,5 à 6,9% entre 1992 et 2000, soit une diminution de 20%. En deuxième lieu, les dépenses du DIP rapportées aux dépenses de l'Etat sont passées de 31 à 26% entre 1992 et 2001, alors même que le canton de Genève a accru sa population de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. Ces chiffres ne tiennent, en outre, pas compte de l'inflation. Si l'on divise ce montant par habitant et qu'on le calcule en francs constants, les ressources dont dispose l'instruction publique genevoise ont diminué de près de 25% !
Je tiens également à relever qu'il est difficile d'exiger des jeunes qu'ils soient respectueux et qu'ils acceptent l'autorité lorsqu'ils voient leurs parents éjectés - comme des kleenex - des entreprises, alors que des casseurs d'entreprises partent en emportant avec eux des dizaines de millions! 170 millions pour un certain directeur d'ABB et des dizaines de millions pour certaines entreprises! Quand on voit le mépris qu'on a des travailleurs - et des enseignants, au niveau de certaines hiérarchies! Je ne dis pas au niveau de l'ensemble du DIP, mais de certaines hiérarchies. Eh bien, quand on voit le mépris que certains affichent à l'encontre des travailleurs en général, à l'encontre des gens victimes de cette société ou de l'argent roi... Et l'on voudrait que les gens soient respectueux et acceptent l'autorité de ceux qui devraient montrer l'exemple et, justement, le montrent pas! Et là, je ne saisis pas de quelle manière la motion radicale fait le lien entre la situation dans les écoles et la situation sur le plan économique et social au niveau de notre société.
Cela étant dit, je me réjouis d'entendre le groupe radical dans le cadre d'un travail de commission pour voir jusqu'où va sa sincérité. Je le rejoins sur de nombreux éléments, mais j'attends de lui une plus grande cohérence quand il s'agira de discuter des ressources devant être affectées à l'instruction publique.
M. Patrick Schmied (PDC). Nous sommes dans l'ensemble favorables à cette motion,car elle s'inscrit dans le mouvement général de rétablissement du respect dû à l'école et aux enseignants en tant que représentants de l'Etat, mais surtout en tant que personnes.
En ce qui concerne la partie de la motion traitant des bâtiments, je trouve quelque peu courte la proposition de Mme Mahrer de résoudre le problème avec davantage de peinture et de concierges. Nous vous proposerons donc d'envoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Je souhaite cependant émettre une critique aux auteurs de la motion... (Protestations.)Nous retrouvons dans les considérants l'épouvantail des réformes, cette hydre informe qui, dans l'exposé des motifs, devient même la cause principale de tous les problèmes d'incivilité à l'école. Mais il me semble un peu trop facile de mettre tous les problèmes sur le dos de cet épouvantail! Il est par ailleurs très étrange que cette accusation émane des personnes mêmes qui prônent le retour de la responsabilité individuelle des enfants, des parents et des enseignants. On sait que les quelques tentatives du DIP pour faire acte d'autorité ont presque toujours été combattues par les enseignants et les syndicats. S'il faut donc chercher des coupables à la situation détestable que nous vivons actuellement - et cela est à la mode de chercher des coupables, car il en faut toujours - luttons tous ensemble, mais ne nous réfugions pas derrière cette grande excuse nommée réforme !
Je voudrais également faire remarquer que la motion qui nous occupe ce soir n'a pas pris la peine d'attendre le résultat de sa grande soeur, à savoir la motion qui réclamait un moratoire sur ces réformes. Les travaux de notre commission ont montré la grande difficulté qu'il y avait tant pour les motionnaires que pour le département à formuler ce que le terme de "réforme" recouvrait. Ces travaux se sont conclus en demandant au DIP de mieux expliquer et d'évaluer ces réformes.
Renforçons donc l'autorité de l'école, renforçons le soutien aux enseignants, mais ne nous trompons pas de cible en concentrant le tir sur les réformes et attaquons-nous aux vrais problèmes sur le terrain, même si cette démarche est plus longue et plus difficile que de s'acharner sur des moulins à vent !
M. Jacques Follonier (R). Les nombreux discours entendus ce soir montrent à quel point le sujet de l'enseignement touche tant les députés que la population.
Il est vrai que les mesures instaurées par cette motion ont déjà obtenu une réponse partielle puisque, comme l'a souligné le député Gabriel Barrillier, une bonne partie des décisions de rénovation des cycles et des bâtiments scolaires va sans doute prendre le bon chemin, ce qui permettra de remettre de l'ordre dans lesdits bâtiments.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec les propos de Mme la députée Wisard au sujet de la première invite qui, à mon sens, conserve toute sa pertinence, et beaucoup plus peut-être que ce qu'on pourrait soupçonner. Il est vrai que la motion 1192 traitait des rapports entre les enseignants et les élèves, mais, ici, la première invite touche plus particulièrement les rapports entre les enseignants et les parents. Et c'est peut-être là que la commission de l'enseignement aura un rôle important à jouer.
En effet, comme vous le savez certainement, diverses enquêtes, menées principalement par le SRED, ont fait apparaître une grande difficulté entre les prestations fournies par les enseignants et les attentes des parents; le décalage entre ces deux groupes est tel que nous nous trouvons maintenant confrontés à un dilemme relativement grave qui pourrait remettre en cause une partie importante des réformes. Le fait que la majeure partie du travail des enseignants relève de l'éducation et du social alors que les parents souhaitent ardemment que leurs enfants acquièrent une formation de base, une transcription et une donnée claire des connaissances causent un décalage qui doit être corrigé. Il ne s'agit pas de mes propos, mais de ceux du SRED. Et le SRED, vous le connaissez comme moi, est tout à fait honnête et, d'ailleurs, dépendant département de l'instruction publique. Nous aurons dès lors en commission un travail important à effectuer sur ce sujet. C'est principalement pour cette raison que je vous demande de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
M. François Thion (S). Je dois avouer que je ne reconnais pas mon école dans la description de l'école genevoise brossée par les radicaux. J'ai l'impression que l'on parle d'une école d'une banlieue française...
Une voix. Et encore !
M. François Thion. Et encore, c'est vrai ! En tous les cas, je ne reconnais pas l'école genevoise. Avez-vous des statistiques concernant le nombre croissant d'élèves «violents» ? En vingt-cinq ans d'enseignement, j'en ai toujours vu. S'il est vrai que les médias abordent davantage cette question et qu'il existe une plus forte inquiétude par rapport à cela, je n'ai en toute honnêteté pas constaté une forte croissance de la violence dans les écoles que je fréquente - et je ne m'y rends pas durant une seule journée. Je conviens, en revanche, de l'augmentation de tags sur les murs des bâtiments scolaires. (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)La vision de l'école décrite dans cette motion ne me semble pas être objective. (Protestations.)
Cette motion demande par ailleurs un renforcement de l'autorité, comme si les enseignants n'en exerçaient aucune autorité. Or, un certain nombre de députés qui se sont rendus dans mes classes savent que les enseignants en ont encore! Mais il est sans doute nécessaire de passer un peu plus d'une journée dans une école pour s'en rendre compte.
Une voix. Oui, exactement !
M. François Thion. Il faut en revanche agir pour remédier aux problèmes - et il en existe - des élèves désorientés, «paumés». Je ne crois pas que le renforcement de l'autorité - de doyens et de directeurs - permettra de faire quelque chose. Il s'agit plutôt de renforcer le rôle des conseillers sociaux ou des conseillers d'orientation, et ceci non seulement dans l'enseignement secondaire supérieur, mais aussi dans l'enseignement primaire. Il faut également également... (Brouhaha.)Excusez-moi, mais, dans ma classe, les élèves m'écoutent ! (Rires et applaudissements.)La discipline est partout... Si vous voulez donner des leçons sur la discipline, commencez par m'écouter ! (Protestations.) (Le président agite la cloche.)
J'en viens maintenant aux parents. Il y a un certain nombre de parents qui, parce qu'ils sont stressés par leur travail ou parce qu'ils se retrouvent au chômage, éprouvent beaucoup de difficultés à faire face à l'éducation de leurs enfants et à suivre la scolarité de ces derniers. Une des solutions consisterait à créer des lieux de dialogue permettant aux parents de discuter avec des assistants sociaux, avec des enseignants, entre eux également, pour voir comment faire face à l'éducation, ce qui n'est pas toujours à un certain âge.
Quant aux enseignants, je tiens à rappeler que nous nous trouvons actuellement dans une période de renouvellement. Beaucoup de jeunes enseignants qui débutent maintenant se sentent dans une certaine insécurité, car ils ont entendu de nombreuses mises en garde. Il convient de leur offrir une formation. Il faudrait que les anciens...
Une voix. Les très anciens !
M. François Thion. Les très anciens, j'ai entendu ! (Rires.)...puissent leur donner un coup de main. Un laps de temps est donc nécessaire dans notre travail pour pouvoir prendre en charge ces nouveaux enseignants et leur apprendre le métier, notamment de dialoguer avec les jeunes, ce qui n'est, je le redis, pas toujours facile.
J'en viens au dernier volet de la motion qui a attiré mon attention: la cigarette, la drogue, l'alcool, etc. Les écoles font actuellement tout ce qui est en leur pouvoir pour lutter contre ces substances. Les moyens manquent essentiellement... Ce n'est pas de la répression, c'est de la prévention qu'il faut exercer! Il existe toutefois des lacunes, non pas en termes de répression mais en termes de prévention. Je vois des gamins qui fument maintenant des «clopes» à dix ans en sortant de l'école ! Il est donc indispensable de mener des actions préventives dès l'école enfantine et primaire, et pas trop tard!
Très honnêtement, je ne sais pas ce qu'il convient de faire avec cette motion. Je suggère de la jeter et d'en refaire une qui soit meilleure ! (Applaudissements.)
M. Thierry Apothéloz (S). Je tiens tout d'abord à remercier mon collègue François Thion pour son témoignage de terrain qui vous a apporté des éléments tout à fait essentiels sur le fond de ce débat. Mes préopinants ayant également pu le faire, je m'attaquerai donc plutôt à la forme de la motion qui vous est soumise ce soir.
J'aimerais tout d'abord remercier le groupe radical pour la régularité de ses motions sur l'enseignement. (Brouhaha.)En effet, tous les quatre, cinq, six mois, ils nous pondent une motion sur l'enseignement avec tout ou rien - malheureusement souvent avec rien... (Vives protestations.) (Le président agite la cloche.)
Quel but cherche-t-on à atteindre avec une telle motion, que je dois malheureusement qualifier de fourre-tout ? De fourre-tout, en effet, car on y aborde pêle-mêle la démission parentale, les réformes, la hiérarchie, le nettoyage des bâtiments ou encore la consommation d'alcool et de drogue. Comment, alors que certains membres de l'Entente se plaignent en commission de l'enseignement d'empiéter sur les sujets, pouvoir traiter cette motion de façon efficiente sans y passer un nombre de séances incroyable pour un résultat plutôt maigre? Ce résultat sera d'autant plus maigre que, comme l'a signalé Mme Wisard, nous venons de rendre un rapport signé par M. Follonier sur le moratoire d'une motion radicale. Je tiens à préciser que le travail en commission, tout comme ledit rapport, a été de bonne qualité. C'est pourquoi je trouverais déplacé de renvoyer ce soir une nouvelle motion en commission de l'enseignement. Je ne partage, pour ma part, pas le plaisir de Mme Hagmann de retraiter les mêmes sujets, et avec les mêmes personnes, et qui nous rediront les mêmes choses, cela encore une fois pour un résultat plutôt maigre!
Je regrette également que le groupe radical n'ait pas le courage de ses convictions sur l'enseignement. En effet, il demande dans sa première invite au Conseil d'Etat de modifier l'article 5 de la LIP. Alors, Mesdames et Messieurs les députés radicaux, osez déposer un projet de loi de modification de l'article 5, et nous verrons à ce moment-là quelle position vous prendrez pour arriver à cela !
Je trouve un peu facile que le groupe radical, une fois de plus, nous soumette des choses qui n'ont pas beaucoup de sens et servent de fourre-tout.
Je terminerai en assurant que nous sommes pleinement conscients des difficultés rencontrées par certains élèves, certains enseignants et certains directeurs dans la gestion des bâtiments et des élèves. Nous ne fermons absolument pas les yeux vis-à-vis de la situation scolaire, au contraire ! Le travail en commission sur la dernière motion radicale le prouve bien. Je ne suis toutefois pas d'accord avec les motionnaires et vous demanderai, par conséquent, de ne pas entrer en matière sur cette motion qui n'amènera aucun élément constructif.
Je crois saisir à l'instant que des collègues radicaux entendent déposer un projet de loi sur l'article 5 de la LIP, ce dont je me réjouis. Cette intention renforce mon idée de ne pas accepter d'entrer en matière, d'autant moins que, concernant l'une des invites, je vous rappelle que le Conseil d'Etat prévoit un crédit extraordinaire d'investissement de plus de cinq millions avec des projets-pilotes...
Une voix. Ca fait trois ans que ça roupille !
M. Thierry Apothéloz. ... Dans deux cycles d'orientation, avec un certain nombre de mesures tant au niveau de la prévention qu'au niveau de la répression. Je vous demande donc instamment de ne pas entrer en matière sur cette motion.
Le président. La liste des orateurs ayant été close il y a déjà fort longtemps, je ne donnerai pas la parole à M. le député Follonier mais la cède à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mon intervention sera brève car mon collègue Moutinot semble avoir une chance de voir traiter quelques points en attente depuis un certain temps ! (Brouhaha.)
Vous choisirez vous-même le nombre d'heures que vous consacrerez aux objets suivants, mais j'aimerais tout de même soulever quelques sujets qui me semblent importants. J'ignore, Mesdames et Messieurs les radicaux, ce qui vous permet d'affirmer de façon aussi péremptoire que les enseignants souffrent d'un manque de soutien des autorités. Le fait que certains enseignants éprouvent ce sentiment ne signifie pas que les autorités se désintéressent d'eux. Ces motions à répétition me gênent, non pas par les sujets qu'elles abordent - car je pense qu'ils doivent effectivement être abordés - mais par les considérants, souvent tellement déqualifiants qu'il semble difficile d'ouvrir un véritable débat.
L'école genevoise possède ses qualités, ses défauts et ses difficultés. Il faut cependant se rappeler, et les personnes qui se trouvent sur le terrain vous le confirmeront, que 95% des élèves vont bien. Il faut également rappeler qu'un très grand nombre d'enseignants aiment leur métier, le pratiquent bien et jusqu'au bout; que des directeurs prennent plaisir à leur institution, même dans les difficultés; que des cadres du département s'engagent au quotidien; qu'enfin, à la tête du département, une conseillère d'Etat prend plaisir à son activité sur le terrain et dans l'ensemble de l'institution.
Il faut également rappeler que la situation ne correspond pas toujours et partout au portrait dressé par la motion. Reconnaître les difficultés ne revient pas à présenter les situations difficiles comme étant une généralité. Oui, certaines mesures doivent être prises, mais j'aurais mieux accueilli cette motion si ses auteurs avaient pris la peine de reconnaître les actions qui sont menées par le département! S'ils ont passé tant d'heures en commission, à auditionner, et même à remercier le département pour un certain nombre de travaux, j'aurais souhaité que l'on retrouve parfois ces éléments dans les motions déposées.
Prenons l'exemple de ces fameux tags: le Conseil d'Etat a effectivement, il y a deux ans de cela, déposé un projet de loi. Ce dernier se trouve actuellement en commission, car les députés ont décidé, à un moment donné, de suspendre leurs travaux et d'exiger le dépôt d'un projet pédagogique pour pouvoir poursuivre et voter le crédit - ce projet devait en effet permettre de décider les députés à voter la réfection des bâtiments. L'élaboration de ce projet ne s'est pas avérée totalement inutile, puisqu'elle a permis de réunir autour d'une même table responsables des bâtiments, enseignants et directions. Les uns et les autres ont ainsi pu prendre conscience qu'il ne suffisait pas de nettoyer les murs, mais qu'il convenait également d'en prendre soin. Si vous vous promenez à travers la République, vous constaterez que certains bâtiments sont taggés alors que d'autres ne le sont pas. Les murs de certaines écoles se trouvant dans des milieux parfois très difficiles sont vierges de tags, alors que ceux d'écoles situées dans des endroits très favorisés sont, malheureusement, totalement maculés! Cela reflète un engagement, une attention quotidienne, une motivation ainsi qu'un appui et une reconnaissance pour les actions menées.
C'est pourquoi j'éprouve quelques difficultés à soutenir cette motion. J'ai le sentiment qu'elle souligne les problèmes existants, mais qu'elle ne relève jamais les actions menées pour parer à ces problèmes. Pour ne parler que des enseignants et du département, je vous informe que nous menons de concert avec les enseignants justement - en commençant par les associations professionnelles - une enquête pour leur permettre de s'exprimer sur leur métier, leurs sentiments, leurs souhaits, ainsi que sur les éléments susceptibles d'être améliorés. Parce que menée en silence et en concertation, cette enquête n'a aucune valeur sur le plan politique! C'est pourtant ainsi que l'on avance, et dans le département, et dans l'école genevoise!
Je préfère donc prendre vos préoccupations comme une marque d'intérêt. Je ne saurais toutefois trop vous recommander d'éviter la caricature si nous voulons continuer à parler d'école dans ce Grand Conseil. Les personnes qui travaillent sur le terrain le savent, rien n'est simple! Le traitement des questions scolaires mérite donc un peu d'esprit et de finesse. Vous savez parfois en faire preuve. J'espère que cela en sera davantage le cas à l'avenir concernant l'école. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis de deux demandes de renvoi en commission successives: une première en commission de l'enseignement et de l'éducation, une seconde en commission des travaux. Je commence par vous faire voter le renvoi en commission de l'enseignement et de l'éducation, cette demande ayant été présentée par les auteurs de la motion. Procédons par vote électronique pour que les choses soient claires!
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation par 42 oui contre 28 non et 3 abstentions.
Le président. Comme il nous reste encore quelques minutes, nous traiterons du point 20 de notre ordre du jour, après quoi nous nous arrêterons. La parole est limitée à cinq minutes par groupe puisqu'il s'agit d'un débat de préconsultation. Je cède la parole à M. le député Mark Muller.
Préconsultation
M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, les associations ont traditionnellement deux types de prérogatives en matière d'aménagement du territoire.
Le premier type, bien connu - notamment sur le plan fédéral et dans quasiment dans tous les cantons - concerne le droit de recours. Ce droit de recours fait d'ailleurs actuellement l'objet d'une remise en question par certaines formations aux Chambres fédérales. Je tiens à préciser en guise de préambule que ce droit n'est pas remis en question sur le plan cantonal.
Le deuxième type de prérogative reconnu aux associations - et cela constitue une particularité genevoise - a trait au droit d'initiative. (Brouhaha.)A Genève, les associations d'importance cantonale possèdent en effet la faculté de demander, non pas l'adoption de plans d'aménagement, mais bien des mesures de protection du patrimoine, et ceci par le biais de demandes de mise à l'inventaire de bâtiments, de classement ou d'adoption de plans de site. A cet égard, les associations - qui sont des organismes de droit privé - jouissent des mêmes prérogatives que les collectivités publiques, en particulier les communes.
Comme vous le savez, nous nous efforçons, depuis le début de cette législature, d'alléger les procédures, de les simplifier et de les accélérer. Or, nous estimons que le droit d'initiative des associations en matière de protection du patrimoine constitue un facteur de blocage - comme nous avons pu le constater à de multiples reprises lors du traitement de certains dossiers par le passé. C'est pourquoi nous vous proposons, par le biais de ce projet de loi, de supprimer le droit d'initiative des associations en matière d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de protection du patrimoine - tout en leur conservant leur droit de recours qui, je le répète, n'est nullement remis en question. Nous souhaitons en effet que ce droit soit réservé aux collectivités publiques et non à des privés.
Ce projet de loi comporte un deuxième volet. Il touche certes le droit de recours, mais ne vise pas à sa suppression. Il s'agit simplement de le limiter à des associations d'importance cantonale. Je vous rappelle que la loi actuelle octroie ce droit de recours à toute association constituée depuis trois ans. De petites associations de quartiers ou d'habitants peuvent donc, en l'état, recourir dans un certain nombre de cas. C'est précisément ce que nous avons pu observer lors de l'aménagement du secteur de Sécheron: une association telle que la FAQH (Fédération des associations de quartiers et d'habitants) s'est vu dénier la qualité de recourir précisément parce qu'elle ne possédait pas la qualité d'association d'importance cantonale. Or, cette association pourrait, dans le cadre de la loi actuelle sur la protection du patrimoine, se voir reconnaître un droit de recours. Nous souhaitons donc limiter ce droit de recours à des associations véritablement d'importance cantonale telles que la Société d'art public.
M. Alain Etienne (S). Le projet de loi qui nous est proposé reflète bien l'esprit de la majorité actuelle de ce parlement, à savoir la restriction des droits démocratiques. M. Muller vient à l'instant d'exprimer une nouvelle fois cet esprit.
Ce projet de loi fait partie de l'ensemble de ceux déposés pour démanteler toutes les avancées que l'Alternative avait proposées durant la dernière législature. (Protestations.) (Le président agite la cloche.)
Que cachent les modifications proposées ? Il s'agit tout simplement d'enlever aux associations actives depuis trois ans, ayant pour but idéal de défendre le patrimoine la possibilité de faire une demande d'inscription à l'inventaire, une demande de classement ou l'élaboration d'un plan de site au même titre qu'une commune. Cette proposition nous semble inacceptable !
Si le parti socialiste reconnaît le besoin actuel en logements, nous pensons aussi que notre développement ne doit pas se faire n'importe comment. Le procès soulevé par ce projet aux plans de site n'est pas admissible. Ces plans assurent la garantie d'un développement harmonieux nécessaire à la préservation de notre cadre de vie.
Si l'on veut vouloir construire, il faut savoir où l'on met les pieds. (Brouhaha.)Des études sont nécessaires pour connaître la substance de notre patrimoine. Plus les connaissances sont bonnes, plus il est facile d'éviter les blocages évoqués par M. Muller. Plus on joue la transparence, plus on consulte en amont et permet au monde associatif d'intervenir, plus on évite les recours!
L'intervention des associations permet souvent d'améliorer les projets, car ces dernières bénéficient des connaissances que l'Etat n'a pas toujours. Renforcer le rôles des associations, c'est aussi dynamiser l'engagement de la société civile. Le développement durable passe aussi par ce processus de participation.
Votre projet de loi est donc dangereux. Les socialistes s'y opposeront par respect pour toutes celles et ceux qui s'engagent jour après jour dans le monde associatif.
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical soutient bien évidemment ce projet de loi. Pourquoi cela ? Parce qu'il vise à rétablir un ordre logique et démocratique entre les institutions et les associations habilitées à intervenir pour protéger le patrimoine bâti! L'ancienne majorité, la vôtre...
Une voix. Plus pour longtemps !
M. Gabriel Barrillier. ...avait accordé les mêmes droits aux associations de défense du patrimoine et aux communes. Or, les autorités communales bénéficient d'une légitimité: elles sont élues! Alors que les associations de protection du patrimoine, si importantes soient-elles, ne sont pas élues démocratiquement.
Nous souhaitons dès lors rétablir la hiérarchie normale en rendant aux autorités communales légitimement élues leur prééminence en matière d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi nous soutenons ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Mesdames et Messieurs, permettez-moi d'intervenir brièvement et au risque de me répéter, car j'interviendrai dans le même sens que M. Barrillier. M. Etienne ne sera pas étonné que le groupe démocrate-chrétien se trouve fort heureux d'être associé à un projet de loi qui vise à démanteler quelque peu le carcan fabriqué par l'Alternative au fil des années. Notre groupe estime en effet qu'il est grand temps de redonner le pouvoir aux politiques locaux.
Une voix. Bravo !
M. Pierre-Louis Portier. Le système mis en place par l'Alternative est en train de figer notre démocratie. Nous n'arrivons plus à avancer dans les projets. Toute une série d'objets se trouvent complètement bloqués parce qu'on associe une multitude d'acteurs à des décisions parfois complexes; or plus le nombre de personnes impliquées est important, plus les décisions sont difficiles et longues à prendre! Il est important de ne plus figer ce système démocratique, mais de parvenir à des décisions plus promptes permettant de déboucher rapidement sur des projets de logements ou, encore, sur des projets prévoyant le développement d'activités économiques.
Voilà ce que je souhaitais brièvement vous communiquer. J'exprime une nouvelle fois la satisfaction du groupe démocrate-chrétien de voir ce projet renvoyé en commission de l'aménagement. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais en préambule dire ma tristesse devant la joie manifestée par certains à démanteler des droits démocratiques. (Protestations.) Je vous invite à imaginer la ville de Genève sans les murailles, sans la Tour-de-l'Ile, sans les immeubles fazystes, sans l'hôtel Métropole, et j'en passe! Notre ville ne serait plus Genève, c'est vrai ! Or comment avons-nous préservé ces bâtiments ? Précisément parce que des citoyens ont pris les choses en main et se sont décidés à fonder des sociétés. C'était il y a un certain nombre d'années! Ce sont ces sociétés qui ont préservé cette ville que nous aimons tous ! (L'oratrice est interpellée.)
Et ce projet de loi vise à supprimer ces droits - car c'est la suppression des droits d'associations telles que la Société d'art public que vous visez! Cette dernière ne pourra plus déposer de demandes de classement, de demandes de mise à l'inventaire ou encore de plans de site, alors qu'elle est composée de citoyens très compétents.
Ce démantèlement des droits démocratiques se fait, qui plus est, au nom de la crise du logement, qui a bon dos! Soyons sérieux: M. Muller prétend que tous les projets ont été bloqués par les associations. Or en dix ans, à peine 2% des projets ont été bloqués par les recours d'associations. 2% ! Ce sont les propriétaires privés et les voisins qui font opposition, pas les associations! Ce sont donc vos milieux qui font opposition! Les associations ont, elles, des recours fondés. Je vous rappelle à titre d'exemple que les deux recours qui sont arrivés jusqu'au Tribunal fédéral ont été acceptés; il s'agissait donc de recours justifiés.
Vous valorisez habituellement l'initiative privée. Et dans ce cas précis vous vous efforcez de transférer toutes ces compétences aux communes! Mais seules les grandes communes en ont les moyens: la Ville de Genève ou la Ville de Carouge peuvent investir et engager un historien de l'art ou d'autres spécialistes. Les petites communes ne pourront pas, pour leur part, engager de professionnels pour traiter de ce domaine! Vous privilégiez dès lors les grandes communes bénéficiant des moyens nécessaires pour se défendre, alors que les autres communes ne disposeront pas cette possibilité!
Je vous invite donc à retirer ce projet qui est inique face à des associations comme la Société d'art public qui a grandement oeuvré pour cette République et dont je reconnais le travail. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Je souhaite m'associer aux propos tenus à l'instant par Mme Künzler. En effet, sans l'action des associations de protection du patrimoine, je m'interroge sur ce qui resterait du patrimoine genevois. Certains quartiers, comme celui des Grottes, auraient été totalement rasés... ( Rire d'un député.)Vous riez, mais c'est la réalité! Le projet des années soixante était de démolir intégralement ce quartier et de construire deux grandes barres d'immeubles s'entrecroisant. On peut citer d'autres quartiers, comme celui de Villereuse, qui auraient aujourd'hui disparu sans l'action des associations de protection du patrimoine. La population se pâme aujourd'hui d'admiration devant ces quartiers conviviaux sans se rendre compte que, sans l'action des associations de protection du patrimoine, tous ces quartiers n'existeraient tout simplement plus. La liste des bâtiments ainsi sauvés est extrêmement longue; elle va de la villa Edelstein - qui a malheureusement été abîmée - à toutes sortes d'autres bâtiments. Mme Künzler a d'ailleurs bien fait de rappeler la Tour-de-l'Ile.
Je me souviens de la bataille menée en son temps pour sauver l'hôtel Métropole : la plupart des partis souhaitaient la démolition de ce bâtiment; quelques années plus tard, tout le monde reconnaissait de façon unanime que la restauration du bâtiment était fantastique et se réjouissait que ledit bâtiment n'ait pas été démoli. Il ne suffit pas de se réjouir de la sauvegarde de tels bâtiments! A Genève, la liste des immeubles démolis aurait été extrêmement longue sans l'intervention d'un certain nombre d'associations de protection du patrimoine!
Par ailleurs, les interventions de ces associations de protection du patrimoine n'ont, comme Mme Künzler l'a relevé, nullement bloqué la construction de logements à Genève... (Protestations.) Et je trouve, Monsieur Muller, que vous avez un sacré culot! Ce sont en effet vos milieux et vous qui bloquez aujourd'hui les déclassements de terrain pour construire des logements sociaux, que ce soit à la Gradelle ou en d'autres endroits ! C'est vous qui bloquez la construction de logements actuellement ! (Vives protestations.) (Le président agite la cloche.)Pour avoir travaillé pendant douze ans au département des travaux publics, je peux vous affirmer que les principales oppositions émanent des propriétaires de villas - ce que vous savez fort bien. Alors, les associations de protection du patrimoine ont bon dos! On sait pertinemment que, si l'on ne peut pas construire de logements dans un certain nombre d'endroits, c'est parce que les dossiers sont bloqués.
Je souhaite demander à M. le conseiller d'Etat Moutinot quand serons-nous saisis ici d'un seul projet qui permette de construire mille logements? C'est celui de la Gradelle! Nous avons déposé un projet de loi reprenant celui du Conseil d'Etat! Evidemment, le bureau trouve un Professeur d'université pour dire que...
Une voix. Qu'as-tu contre les professeurs d'université ?
M. Christian Grobet. Je n'ai rien contre eux. (Rires.)Je constate simplement qu'ils savent aussi être partiaux. En effet, tout en admettant lui-même qu'aucun article de la Constitution ne limite le droit d'initiative des députés en matière de projet de loi, ce professeur dit implicitement que les députés n'auraient pas le droit de déposer un projet reprenant un projet de loi du Conseil d'Etat.
Dites-nous donc, Monsieur Muller, quand vous et vos amis politiques accepterez de...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. C'est vous, Monsieur Muller, qui bloquez actuellement la construction de logements. Quand discuterons-nous donc du déclassement des terrains de la Gradelle qui permettront la construction de mille logements ?
Lorsque vous abordez la question des communes, vous oubliez par ailleurs que ce sont les projets de lois de l'Alternative qui ont introduit le droit d'intervention et de recours des communes ! Lors de l'introduction des articles que vous voulez modifier aujourd'hui, c'est nous qui avons introduit le droit d'intervention et de recours des communes...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Christian Grobet. Et encore, je me souviens qu'en un endroit où nous avions oublié de mentionner les communes et que nous voulions le rétablir par la suite, vous n'en avez pas voulu !
Vous tenez un double langage tout à fait incroyable: d'une part, vous prétendez aujourd'hui défendre les droits des communes dont vous n'avez pas voulu jadis, d'autre part vous voulez leur retirer le modeste droit de motion qui leur a été accordé et qui a effectivement été utilisé par un certain nombre d'entre elles.
Le président. Votre temps de parole est dépassé !
M. Christian Grobet. Je trouve la duplicité de votre langage tout à fait intolérable ! (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, vous êtes entrés dans plusieurs sessions dévolues à l'aménagement. Les articles du projet que vous êtes en train d'examiner ont été adoptés il y a plus d'une année à peine. Je vous informe en outre que votre commission a voté le 28 novembre des modifications sur ces mêmes articles. Il conviendra donc de stabiliser ces articles au fil des années, ne serait-ce que pour une question de sécurité du droit.
L'objectif de ce projet de loi a été clairement exprimé: il s'agit de retirer aux associations la possibilité d'initier des procédures de protection du patrimoine. Or, il est important, comme vous l'avez souvent répété, d'agir en amont. La compétence que possèdent précisément les associations permet, par l'identification des bâtiments ou des périmètres à protéger, d'intervenir avant le début du processus d'aménagement ou de construction, et non par recours au dernier stade de la procédure.
Sachant que la plupart des demandes nous sont faites par des associations telles que la Société d'art public - associations auxquelles je rends hommage pour leur travail - sont des requêtes fondées, je ne vois dès lors aucune raison de les priver aujourd'hui de cette faculté.
Les auteurs du projet de loi invoquent des dérapages. Après vérification dans les dossiers du département, je peux leur affirmer qu'au maximum trois ou quatre cas de dérapages ont été décelés durant les quinze dernières années. Oui, c'est trop dans ce sens-là! Mais c'est trop risqué dans l'autre, que trois ou quatre cas de démolition regrettables se produisent en dépit de la vigilance de mon département.
Je crains que ce projet n'aboutisse à l'inverse de son objectif. Son but est d'accélérer les processus en évitant les embrouilles de procédures et les complications. Les associations se vouent aujourd'hui à rechercher ce qui doit être protégé; si elles se trouvent privées de cette faculté, elle mettront leur énergie à surveiller d'autant plus attentivement ce qui est autorisé et à déposer d'autant plus de recours. Il me semble donc irréaliste d'imaginer le moindre bénéfice d'une telle procédure qui accroîtra à terme toute une série de difficultés puisque les pétitions, les recours et les initiatives se multiplieront.
Nous avons toujours soutenu qu'il était préférable, en matière d'aménagement et de police des constructions, de détecter les problèmes le plus tôt possible en amont, pour éviter qu'un processus ne se trouve bloqué par un recours. Je crains vivement, Mesdames et Messieurs les auteurs du projet, que le dispositif que vous proposez aille à l'encontre du but visé et crée de surcroît des dommages collatéraux à l'égard du patrimoine genevois. (Applaudissements.)
Le président. Je constate que M. le député Iselin a demandé la parole en dernière minute...
M. Robert Iselin. Je renonce.
Le président. Vous renoncez ? Les débats sont donc clos.
Ce projet de loi est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Le président. Je vous propose de suspendre nos travaux, car il est déjà tard. Nous les reprendrons demain à 14h.
La séance est levée à 23h05.