Séance du
vendredi 13 décembre 2002 à
17h
55e
législature -
2e
année -
3e
session -
14e
séance
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Erica Deuber Ziegler, Dominique Hausser, Georges Letellier, Alain-Dominique Mauris, Véronique Pürro et Pierre Schifferli, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Vous avez la parole, Madame Hagmann.
Mme Janine Hagmann. Je voudrais faire une recommandation à ce Grand Conseil...
Une pétition signée par un groupe d'habitants d'une commune de la rive gauche a été distribuée à 14h. J'aimerais, Monsieur le président, que cette pétition soit enregistrée et renvoyée à la commission des pétitions par la voie normale, pour qu'elle soit traitée par notre Grand Conseil.
Le président. Oui, Madame, nous allons en parler au point suivant !
Annonces et dépôts
Le président. Les auteurs du projet de loi suivant nous annoncent qu'ils le retirent, suite à l'adoption de la loi 8548, adoptée le 29 novembre 2002:
Projet de loi de MM. René Koechlin, Olivier Lorenzini modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987. ( PL-7598)
Par ailleurs, la pétition suivante est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition "On veut tuer Vandoeuvres !" ( P-1422)
Le président. Je tiens à signaler que M. Christian Luscher se retire: il ne participera ni au débat ni au vote, sur le dossier de la grâce que nous abordons maintenant.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. La commission de grâce me demande de vous soumettre aujourd'hui le cas de M. S. M.
Ce monsieur est de nationalité brésilienne, mais il est né à Alexandrie, en Egypte, le 11 avril 1944. Il est marié et il a un fils de 29 ans qui est de nationalité suisse. M. S. M. est au bénéfice d'un permis C.
M. S. M. a été condamné à cinq ans de prison pour escroqueries par métier, faux dans les titres, gestions déloyales, abus de confiance, par arrêt de la Cour d'assises de Genève du 16 février 2001. Cette sentence a été confirmée par la Cour de cassation, en date du 14 décembre 2001, et par le Tribunal fédéral, en date du 8 avril 2002.
M. S. M. se trouve en liberté provisoire, après avoir versé une caution de 500 000 F, depuis le 4 avril 1995. M. S. M., en sa qualité d'animateur et responsable de plusieurs sociétés, a été condamné parce que le montant de ses escroqueries, via ses sociétés, s'élevait à plus de 100 millions de francs suisses... Et le préjudice pénal reconnu à M. S. M. est de 19 millions de francs suisses...
Je tiens néanmoins à signaler que M. S. M. n'avait pas d'antécédent et que, s'il demande à ce Grand Conseil d'être au bénéfice d'une semi-liberté, c'est parce qu'il a trouvé un travail entre-temps, et qu'il ne veut pas être à la charge de la société... (Rires.)
La commission de grâce vous recommande donc, à l'unanimité, de refuser sa grâce.
J'aimerais toutefois apporter une précision. En effet, un élément a été évoqué lors du débat de la commission de grâce: suite aux différents entretiens que le service du Grand Conseil - je tiens à le remercier ici au passage - a eus avec le service de l'exécution des peines, nous savons que cette mesure ne sera pas exécutoire pendant la période de fin d'année, mais en janvier 2003. M. S. M. pourra donc encore rester chez lui pendant la période de Noël.
Mme Janine Hagmann (L). Comme l'a très bien dit le rapporteur, la commission des grâces, qui a été tirée au sort au mois de novembre, s'est réunie pour la première fois lundi dernier, pour étudier les dossiers qui avaient été remis environ une semaine avant aux commissaires. Les modifications de programme dues aux festivités - qui nous réjouissent tous - avaient laissé entrevoir que nous n'aurions pas le temps d'étudier ces dossiers... Le président de la commission des grâces avait du reste dit que nous n'étions pas obligés de les étudier pour cette fois, et que nous n'aurions peut-être même pas de séance de commission, puisque la séance du Grand Conseil d'hier a été supprimée.
J'ai contacté personnellement le président de la commission et le président du Grand Conseil pour savoir s'il était possible de supprimer ce point, en raison de notre ordre du jour très chargé. M. Lescaze, avec son bon sens habituel... (Exclamations et applaudissements.)Oui ! ...et sa clairvoyance, m'a expliqué qu'il estimait en son âme et conscience que le plus beau cadeau de Noël que nous pourrions faire aux personnes qui déposent un recours en grâce serait de leur octroyer cette grâce avant Noël. Il fallait donc traiter impérativement les dossiers qui nous avaient été remis.
En commission de grâce, à laquelle - je l'avoue - je n'ai pas pu participer, puisque, comme je l'ai déjà dit, je croyais que cette séance de commission serait supprimée, seul le dossier de M. S. M. a été traité... Et nous pouvons constater que la grâce a été refusée à l'unanimité, même si la peine ne sera exécutoire qu'après Noël.
J'ai tout de même envie de vous faire une proposition, même si elle peut vous paraître irrationnelle : privilégier l'esprit de Noël en donnant de l'espoir...
Je trouve en effet votre proposition très sévère: le condamné n'est ni un meurtrier, ni un pédophile, ni un trafiquant de stupéfiants... Alors j'aimerais que lui soit octroyée une grâce partielle, compatible - c'est ce que Mme Loly Bolay avait demandé - avec le régime de semi-liberté. Ce condamné a 58 ans. Il a été arrêté en 1994 et il n'a été jugé qu'en 2001... Alors, maintenant, je vous fais une demande, car cet homme a retrouvé un emploi, un emploi certes modeste, puisque cet ancien banquier est devenu contremaître. S'il est mis en prison, il perdra évidemment son emploi et ressortira de prison au terme de sa peine, trop âgé pour en trouver un autre; il se retrouvera donc à la charge de la collectivité publique. Et je suis en mesure de vous certifier qu'il exécute ce travail, qui n'était pas dans ses cordes, avec conscience.
Il me paraîtrait donc personnellement beaucoup plus raisonnable, même si c'est un peu irrationnel, de trouver - n'ayez pas peur, Mesdames et Messieurs, je ne vais pas demander sa grâce ! - une formule qui lui permette de payer sa dette envers la société, en réintégrant la prison la nuit, durant les week-ends, pendant les vacances. Il pourrait ainsi travailler la journée et garder son emploi. Bien sûr, ce que je demande représente un cadeau de Noël: j'en suis consciente ! D'autant plus - et les membres de la commission de grâce le savent bien - que ce n'est pas dans mes habitudes. Mais j'aimerais vraiment que cette personne puisse garder son emploi, et je me suis bien évidemment renseignée à qui de droit. Pour cela, il faut obligatoirement lui accorder une réduction de son temps de peine, parce que les modalités de l'exécution dépendent uniquement du SAPEM, et c'est ce dernier qui déciderait s'il peut continuer à travailler le jour en réintégrant la prison la nuit et pendant les vacances.
Mesdames et Messieurs les députés, faites ce que vous voulez de cette proposition, mais sachez que si je vous la fais, c'est en pensant à la trêve de Noël: je vous demande de diminuer sa peine de moitié.
M. Rémy Pagani (AdG). De manière générale, je crois que la commission de grâce - et j'y ai participé durant deux ans - est plus que généreuse et c'est son rôle, s'agissant de l'application du fait du prince.
En l'occurrence, je trouve tout de même cette proposition particulièrement bizarre... En effet, Madame, ce monsieur a quand même détourné des millions de francs ! Il a eu un certain nombre d'avocats à sa disposition pour défendre ses droits, contrairement à d'autres personnes qui ne peuvent pas en faire autant parce qu'ils n'ont pas les moyens de se les payer - avocats qui viennent d'ailleurs des milieux que vous représentez, Madame ! De ce fait, il a pu bénéficier d'un certain nombre de reports, car ses avocats ont défendu activement ses droits, tout cela parce qu'il a les moyens de les payer - en tout cas il les avait - en ayant détourné de l'argent !
Et maintenant, vous nous dites que les faits remontent à huit ans... Bien sûr, puisqu'il a fait valoir ses droits à tous les niveaux, depuis huit ans ! Qu'il est relativement âgé et qu'il va perdre son travail... Mais, Madame Hagmann, combien de personnes, qui n'ont pas les moyens de se défendre, ont perdu leur emploi immédiatement, alors qu'elles n'avaient commis aucun délit !
En graciant cet homme, nous commettrions une injustice flagrante et déplacée par rapport à toutes ces personnes qui perdent leur emploi et qui n'ont - pas plus que vous et moi, Madame Hagmann - pas les moyens de payer grassement des avocats pour se défendre. Et puis, cette une sanction devait bien tomber un jour ou l'autre !
Je m'oppose donc vivement à cette proposition, et j'appuie la décision unanime de la commission de grâce.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Je rappelle un élément important que je n'ai pas signalé tout à l'heure. M. S. M. a déjà fait un an et dix-sept jours de préventive. Et, par ailleurs, la question de la semi-liberté évoquée par Mme Hagmann a déjà été traitée en commission, et nous l'avons refusée.
Nous avons en effet estimé que l'on ne pouvait pas accepter cette demande, car, comme vient de le dire M. Pagani, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures dans ce domaine. Il faut savoir que de telles demandes ont été refusées à des personnes qui avaient commis des délits autrement moins graves!
Je vous répète tout de même que M. S. M. est en liberté depuis le 8 avril 1995. C'est beaucoup ! Il a pu rester en liberté tout ce temps, effectivement grâce aux reports obtenus par ses avocats. Mais il ne faut tout de même pas oublier qu'il y a eu à son procès septante-deux parties civiles et que certaines d'entre elles ont tout perdu ! C'est un élément important qu'il faut prendre en considération - je suis désolée et je vous demande encore une fois de lui refuser la grâce, comme la commission vous le recommande à l'unanimité.
M. Jacques Follonier (R). Je voudrais simplement ajouter que ce monsieur a tout de même eu les moyens de verser 500 000 F de caution - ce qui est quand même étrange - et qu'il a en outre fait obstruction à la justice par des moyens relativement retors - cela nous a été signalé par la justice.
Je m'oppose donc vivement à la proposition qui a été faite, car j'aimerais vraiment que nous donnions pleine mesure à la justice et que nous ne laissions planer aucun doute.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant nous prononcer au moyen du vote électronique. Que celles et ceux qui acceptent la proposition de Mme Hagmann, qui est la plus favorable, votent oui; ceux qui votent non se rallient donc au rapport de la commission. Le vote est lancé.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 49 non contre 4 oui et 6 abstention.
Le préavis de la commission (rejet de la grâce) est adopté.
Débat
Le président. En raison du 400ème anniversaire de l'Escalade, dont une partie des manifestations a dû être reportée d'hier à aujourd'hui, je vous rappelle que nous descendrons à 18 h 30 dans la cour pour être accueillis par la Compagnie de 1602, aller planter un arbre, sauf erreur à la Cour Saint-Pierre, puis poser deux couronnes. Nous reprendrons nos travaux à 20 h 30. Ainsi, si ce point-là n'est pas fini à 18 h 30, c'est par celui-là que nous reprendrons à 20 h 30. C'est ce qui a été dit ce matin, Monsieur Grobet, et répété au cours de l'après-midi.
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. Je n'entends pas allonger inutilement les débats dans la mesure où la majorité a fait part de ses explications dans le rapport sur l'IN 119-B, rapport daté du 19 novembre 2002. J'aimerais juste rappeler que ce rapport ne porte pas du tout sur les mérites de l'initiative, mais uniquement sur sa recevabilité. La majorité a constaté que cette initiative devait être déclarée irrecevable en raison de la violation du principe de l'unité de la matière. En conséquence, je demande à ce parlement, au nom de la majorité, de constater et de prononcer l'irrecevabilité de l'initiative 119. Je reprendrai la parole si nécessaire.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Avant d'évoquer le fond de cette affaire, j'aimerais relever, parce que je tiens à ce que cela soit inscrit au Mémorial, un vote qui a eu lieu devant la commission législative et qui n'a pas été relaté dans le rapport de majorité de M. Luscher. Celui-ci a fait un compte-rendu de la séance de la commission législative du 11 octobre 2002 et a relaté une succession de votes. Vous avez omis, probablement délibérément, mais peu importe, le deuxième vote par lequel la commission s'est prononcée sur la nullité de l'initiative. Se sont exprimés en faveur de la nullité 1 UDC, 2 libéraux; contre la nullité 1 socialiste, 1 Vert, 1 AdG; et 2 députés se sont abstenus, soit 1 radical et 1 PDC. La commission n'a donc pas admis la nullité. Je tiens à le souligner, parce que vous mentionnez une succession de votes, en disant que l'un découle de l'autre, mais ce vote assez important de la commission n'a pas été relaté dans votre rapport. Je pense qu'il est important que cela figure au Mémorial.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, je dois dire que la minorité, et plus particulièrement les députés de l'Alliance de gauche, est indignée de la position adoptée par la commission législative. Celle-ci vous demande de déclarer l'irrecevabilité d'une initiative qui a récolté près de 13 000 signatures dans le but d'une part de créer une caisse d'assurance-maladie publique à but social et d'autre part d'instituer des règles défendant le service public. Si la privatisation d'un service public, d'un établissement public ou d'une institution de droit public devait être prononcée, cette décision devrait être prise par le Grand Conseil et soumise ensuite au référendum obligatoire.
Pour en revenir à la proposition de créer une caisse d'assurance-maladie publique, cette proposition apparaît plus que jamais d'actualité. Vous ne le savez peut-être pas encore, mais ce matin, à 9 h 30, après deux jours et demi de longs débats sur le projet du Conseil fédéral visant à modifier la loi fédérale sur l'assurance-maladie, une majorité, formée bien entendu des représentants de l'UDC, du parti radical, du parti démocrate-chrétien et des libéraux siégeant à Berne, a refusé ce projet de loi, qui a donc été balayé, par une faible majorité il est vrai, mais qui a été balayé quand même au moment du vote final.
Aujourd'hui, le message politique de la droite, majoritaire sur le plan fédéral, est clair. Malgré tous les discours issus de vos rangs, Mesdames et Messieurs, vous ne voulez pas la moindre amélioration de l'assurance-maladie. Le vote de ce matin traduit une volonté de statu quo : la volonté de ne rien faire, la volonté de garder une assurance-maladie insatisfaisante, générant des augmentations de primes de 5 à 10% chaque année, la volonté de laisser le pouvoir entre les mains des caisses-maladie privées. Il y avait au demeurant ce matin beaucoup de porte-parole de ces caisses dans les rangs de la droite, qui sont intervenus dans le débat, et je n'ai pas besoin de vous dire dans quel sens. Il est vrai que nous avons au moins réussi à éviter que cette assurance-maladie soit péjorée, notamment que les franchises, telles que proposées par le Conseil fédéral, soient portées à 400 F. On imagine ce que cela peut représenter en plus des primes que doivent payer les assurés, comme contributions pour les familles nombreuses et pour les assurés de condition modeste. Il est vrai que l'on a aussi pu contrecarrer, avec une courte majorité, la volonté de la droite de supprimer l'obligation de contracter.
Mais si l'on a, au moins, évité que la situation n'empire, si l'on a réussi à éviter que la LAMal ne soit péjorée, le projet étant tombé à l'eau, aucune amélioration quelconque n'a toutefois été apportée à cette loi qui, je vous le rappelle une fois de plus, parce que l'on aime bien mettre Mme Dreifuss en cause, est la loi de la droite, de M. Cotti, votée par la droite à l'Assemblée fédérale... (L'orateur est interpellé.)Peut-être pas toute la droite ! Je ne sais pas quelle était votre position à l'époque, Monsieur Dupraz. Il est vrai que vous êtes un peu franc-tireur et je vous en félicite par rapport au parti radical tel qu'on le connaît à l'Assemblée fédérale ! La LAMal actuelle est donc la loi de la majorité de droite et vous avez décidé de la maintenir.
Pourquoi est-ce que je dis que notre initiative est plus d'actualité que jamais ? Nous pensons qu'il y aurait la possibilité d'améliorer un peu la situation sur le plan cantonal, comme c'est le cas à Bâle, en instituant une caisse d'assurance-maladie publique à but social, qui aurait au moins le mérite de la transparence, transparence qui n'existe absolument pas dans les caisses privées. Vous vous préparez aujourd'hui à refuser à la population le droit de se prononcer sur une autre solution. Vous voulez écarter cette initiative qui porte précisément sur l'un des objets qui concerne le plus la population. Vous me permettrez de dire que cette position, qui bafoue les droits populaires, est particulièrement scandaleuse dans la situation actuelle !
Bien entendu, puisque je fréquente cette salle depuis 1996, la droite, lorsqu'elle s'oppose politiquement à une initiative, comme c'est le cas aujourd'hui, trouve toujours des arguments juridiques pour essayer d'empêcher le peuple de se prononcer sur une réforme législative.
Le président. Il faut vous acheminer vers la conclusion !
M. Christian Grobet. Nous entendons à chaque fois l'argument disant que l'on est favorable au changement. On a entendu M. Unger, qui va encore plus loin en déclarant qu'il faut créer cette caisse publique sur le plan romand. Mais, en attendant, vous ne siégez plus dans ce Grand Conseil ! Je ne sais donc pas comment vous auriez levé la main... En attendant, vos troupes, elles, ne veulent pas entrer en matière sur quoi que ce soit... Je vais tout de suite m'arrêter, Monsieur le président ! On refuse cette initiative pour un simple prétexte juridique, comme vous l'avez fait dans le passé pour d'autres initiatives, alors que le refus d'entrée en matière résulte d'une motivation politique. Je reviendrai tout à l'heure sur les aspects juridiques.
Le président. Bien sûr, Monsieur le député. En tant que rapporteur, vous pouvez reprendre la parole ! La parole est à présent à Mme la députée Loly Bolay. Mais, Madame, comme les autres, vous ne disposez pas plus de sept minutes. M. Grobet a un peu dépassé cette durée, mais c'était le début du débat. On va à présent essayer de ne pas dépasser ces sept minutes !
Mme Loly Bolay (S). Je serai beaucoup plus brève, Monsieur le président ! Ce que je regrette surtout, c'est le cafouillage qui s'est produit lors du vote de la commission législative. Je regrette vraiment que le vice-président, qui officiait à ce moment-là comme président, ait d'abord soumis au vote l'unité de la matière, alors qu'il aurait d'abord fallu se prononcer sur une éventuelle scission de l'initiative en deux parties. J'en suis d'autant plus surprise que M. Luscher et M. Muller ont expliqué pendant tout le débat, lors de plusieurs séances, qu'ils étaient d'accord de scinder l'initiative en deux. Tout d'un coup, renversement de situation. Au moment du vote, ces messieurs ont totalement changé d'avis.
J'aimerais encore dire, comme l'a indiqué M. Grobet, et l'appuyer, que le Conseil d'Etat demande à ce que le peuple puisse se déterminer par rapport à la création d'une caisse publique. J'aimerais aussi rappeler qu'il y a, aujourd'hui, 23 000 personnes qui ne peuvent plus payer leur assurance-maladie et 120 000 personnes qui sont aidées par l'Etat. On se trouve donc véritablement face avec un réel problème de société.
C'est pour toutes ces raisons que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la scission de l'initiative en deux.
M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. L'Alliance de gauche se moque du monde et je vais vous en faire rapidement la démonstration. M. Grobet n'a pas pu s'empêcher d'entrer directement sur le fond du sujet, alors même que, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ce n'est qu'un problème de forme que nous avons à traiter pour l'instant, puisque la majorité de la commission législative a constaté l'irrecevabilité de celle-ci.
Pourquoi l'irrecevabilité ? Tout simplement parce que cette initiative contient deux objets qui n'ont strictement rien à voir l'un avec l'autre. Il suffit de voir, Mesdames et Messieurs, les noms et qualités des membres du comité d'initiative, qui sont tous rompus aux arcanes de la politique, qui sont pour la plupart des crocodiles de ce parlement, qui sont donc particulièrement rompus à l'exercice des droits populaires. Il suffit de consulter cette liste pour constater que les personnes qui ont déposé cette initiative ne pouvaient tout simplement pas ignorer que l'unité de la matière, le sacro-saint principe de l'unité de la matière, n'était pas respecté. Mais cela ne suffisait pas, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il se trouve que l'un des objets traités contient un certain nombre de dispositions, environ les deux tiers - cela figure dans le rapport, je ne vais pas vous en dresser la liste exhaustive - les deux tiers des dispositions relatives à la caisse d'assurance-maladie, qui sont contraires au droit fédéral. Cela, le comité d'initiative ne pouvait pas l'ignorer non plus. Ce qui, évidemment, change la donne lorsqu'on a fait une approche juridique relativement simple de ces dispositions.
Il y a un ancien principe latin - je ferai plaisir à M. Lescaze en parlant un tout petit peu latin - qui veut que nemo auditur propriam turpitudinem allegans. En d'autres termes, personne ne peut faire valoir des droits qui sont le fruit de sa propre turpitude. En l'espèce, la majorité n'est pas dupe. L'Alliance de gauche a déposé une initiative en sachant qu'elle présentait deux objets qui ne respectaient pas l'unité de la matière. Quel était l'espoir de l'Alliance de gauche ? C'était que le parlement scinde en deux cette initiative. Pour une raison toute simple, double publicité, double votation et, cela étant dit en passant, double frais, puisqu'il y aurait eu deux votations distinctes. Et bien, Mesdames et Messieurs, ce que la majorité de la commission législative a très clairement voulu dire, c'est qu'une telle façon de procéder est inacceptable. Autant l'on peut comprendre que des initiants non rompus, non «professionnels», puissent faire l'objet d'une certaine mansuétude de la part du parlement lorsqu'ils ignorent déposer une initiative qui contient deux objets qui ne respectent pas l'unité de la matière, autant on peut attendre de l'Alliance de gauche, et en particulier du comité d'initiative, qu'il respecte le principe de l'unité de la matière. C'est précisément parce qu'il n'a pas voulu, le voulant et le sachant, le respecter que la commission législative a conclu à l'irrecevabilité de cette initiative.
J'aimerais encore dire une dernière chose en l'état. C'est que si l'Alliance de gauche avait véritablement voulu que le peuple vote sur cette initiative pour une caisse d'assurance-maladie publique, il lui suffisait alors de ne présenter que cet objet, sans glisser la peau de banane de la défense du service public. Il aurait suffi que l'on ne présente que cet objet pour qu'il n'y ait strictement aucune discussion dans ce parlement et pour que le peuple soit saisi. Cela, Mesdames et Messieurs les députés, l'Alliance de gauche ne l'ignore pas ! (Applaudissements.)
Le président. Il y a beaucoup d'orateurs inscrits. Le sujet est délicat. Je prie donc chacun des députés d'avoir la courtoisie d'écouter les arguments de ses adversaires.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je sais que nous sommes au Grand Conseil, enceinte dans laquelle se déroulent les débats politiques de notre République. Cela étant, l'initiative qui nous occupe ce soir ne nous demande pas de faire de la politique, mais bien du droit, puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur la recevabilité d'une initiative populaire. Je crois qu'il faut raisonner de manière un peu stricte et rigoureuse et laisser les arguments populistes et de politique générale au vestiaire. Nous les reprendrons plus tard lorsque nous traiterons d'un autre objet.
S'agissant des arguments juridiques, il a été dit tout à l'heure que cette initiative comportait deux volets tout à fait distincts. Le premier volet consiste en l'instauration d'une caisse maladie publique, mais pas uniquement une caisse maladie publique sans autre précision, une caisse maladie publique à but social. Cette caisse maladie est proposée par les initiants avec un certain nombre de dispositions extrêmement précises, parmi lesquelles figure notamment l'exigence que les primes maladie de cette caisse publique soient au moins 10% inférieures à la moyenne des primes cantonales. Il y a un deuxième volet, qui interdit toute sous-traitance ou toute privatisation d'une activité dévolue à l'Etat sans une loi votée par le Grand Conseil et soumise au référendum obligatoire.
Il est assez intéressant de lire le formulaire que le comité d'initiative a fait signer et qui figure dans un encadré au centre de la page 19 du rapport. C'est extrêmement intéressant, parce que l'on peut lire ceci : «La présente initiative vise à instituer une caisse cantonale d'assurance-maladie, à but social, inspirée de la caisse cantonale bâloise, forte de 125 000 assuré-e-s, et répondant notamment aux objectifs suivants : primes au moins 10% inférieures à la moyenne des primes des autres caisses-maladie exerçant leurs activités à Genève; contrôle par le Conseil d'Etat de toute augmentation des primes; octroi de subventions pour diminuer les primes des personnes seules ou des couples dont le revenu annuel net est inférieur à 50 000 francs, respectivement 75 000 francs, ou qui ont plus d'un enfant mineur à charge; remboursement direct par la caisse des factures de soins, d'hospitalisation, de médicaments, etc. (principe du tiers payant).»
Vous avez entendu ce que je vous ai lu, Mesdames et Messieurs les députés ? Il n'y a aucune référence au deuxième volet de cette initiative, à savoir à la privatisation et à la sous-traitance. Je crois pour ma part qu'il ne s'agit pas d'un hasard.
Il faut être clair. On ne peut pas mettre dans le même panier, si vous me passez l'expression, une caisse maladie publique, qu'elle soit ou non à but social, et les problématiques de privatisation et de sous-traitance. Ces deux objets n'ont absolument rien à voir l'un avec l'autre. Et lorsque deux objets n'ont aucun lien intrinsèque l'un avec l'autre, le principe de l'unité de la matière est violé, de sorte que l'initiative doit soit être scindée, soit déclarée irrecevable.
L'alternative que nous avons, si vous me passez ce jeu de mot, est de scinder cette initiative en deux volets, ou de la déclarer purement et simplement irrecevable. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer à de nombreuses reprises sur ces questions. La dernière fois, c'était à l'occasion de l'arrêt Rossetti concernant le Stade de Genève. C'est un arrêt récent, puisqu'il date du mois de juin de cette année. Ecoutez ce que le Tribunal fédéral a indiqué, parce que c'est extrêmement intéressant dans le cadre du dossier qui nous occupe : «Lorsque seule une partie de l'initiative apparait inadmissible, la partie restante peut subsister comme telle, pour autant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore correspondre à la volonté des initiants. En vertu du principe de la proportionnalité, l'invalidité d'une partie de l'initiative ne doit entraîner celle du tout que si le texte ne peut être amputé sans être dénaturé.»
A la lumière de ces principes, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la décision s'impose d'elle-même. Dans le premier volet, vous avez vu que pratiquement tous les alinéas de l'article constitutionnel que l'Alliance de gauche propose de modifier sont contraires au droit fédéral et devront être annulés. Exit les primes plus basses de 10%, exit le principe du tiers payant, exit toutes les autres mesures dites sociales proposées par l'Alliance de gauche. En définitive, il ne resterait plus que le principe de la caisse-maladie publique qui pourrait être soumis au peuple. Il me semble, lorsqu'on fait voter le peuple sur le principe d'une caisse-maladie à but social et que ne subsiste plus que le principe d'une caisse publique, que l'on dénature la volonté des initiants. La réponse me paraît donc tout à fait claire. Cette initiative doit être déclarée purement et simplement irrecevable, parce qu'elle viole le principe de l'unité de la matière, parce que son premier volet est dénaturé compte tenu des violations du droit fédéral dont je viens de parler et parce que, dans le second volet, l'on a trompé les citoyens en leur faisant signer une initiative pour une caisse maladie publique à but social, alors qu'il s'agissait en réalité de sous-traitance et de privatisation ! (Applaudissements.)
M. Pierre Froidevaux (R). Après cette brillante intervention et plaidoirie juridique, je veux vous faire part d'une vision purement politique. Et rappeler qu'il s'agit en fait de savoir jusqu'où peuvent aller des initiants pour déposer une initiative et à quel point l'on peut, en la déposant, tromper celui qui l'a signée.
On vous a expliqué, chers collègues, que la plupart des articles sont contraires au droit fédéral. M. Grobet ou M. Spielmann, qui sont les auteurs de cette initiative ou qui font partie du comité d'initiative, n'ont pu ignorer ce fait. Il y a donc là une volonté de tromperie. C'est une véritable malhonnêteté intellectuelle. C'est contraire à l'éthique et à la déontologie politiques, en tout cas celles que je prétends défendre dans ce parlement.
Nous devons donc voter, non sur un principe politique, ni même argumenter pour savoir si le Tribunal fédéral dira oui ou non, mais pour dire politiquement non et imposer des limites à ceux qui veulent outrepasser des règles. Monsieur Grobet, vous vous êtes comporté comme un enfant à qui l'on doit dire non ! Nous devons, nous, comme parlement, adopter l'attitude d'un homme adulte, être capable de dire non à celui qui nous propose n'importe quoi !
Je vous propose donc, sans vouloir entrer sur le fond, et le fond fera sans doute l'objet d'un débat qui pourrait s'avérer être un peu long ce soir, je vous propose de dire non à un principe politique. On ne dépose pas n'importe quelle initiative devant le peuple, en distribuant en plus partout des affiches annonçant une caisse maladie publique pour bientôt ! Non, Monsieur Grobet, vous trompez tout le monde ! On doit dire non à ce fait-là ! Nous devons être responsables ici, nous comporter en adultes et laisser les enfants dans la cour ! (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Je crois que nous sommes d'accord sur une chose au moins, c'est qu'il y a un véritable problème de forme, puisqu'il n'y a pas d'unité de la matière. Un chapitre est consacré à la caisse maladie publique et un chapitre consacré au service public. Nous avons donc déposé un amendement, que vous venez de recevoir sur vos tables, qui permet de scinder l'initiative en deux. Cette idée ne vient pas de milieux extrémistes, mais du Conseil d'Etat, qui l'a proposée ! M. Luscher l'a d'ailleurs reprise dans son rapport de majorité.
Nous déposons donc l'idée du Conseil d'Etat, qui permet tout simplement de relayer la préoccupation de la population. Vous dites, Monsieur Froidevaux, que cette initiative, c'est n'importe quoi. On peut énoncer, sur la forme, beaucoup de critiques à l'égard de cette initiative. Celle-ci aborde néanmoins deux thèmes majeurs, deux thèmes excessivement populaires qui traduisent un souci de la population. C'est le souci de faire diminuer, ou en tout cas de contenir les frais médicaux et donc les cotisations d'assurance-maladie, et de préserver le service public. Vous savez que la défense du service public est certainement un domaine important aujourd'hui pour les Genevoises et les Genevois. On l'a vu à de nombreuses reprises ces derniers mois à l'occasion de votations.
M. Luscher nous a expliqué qu'il ne souhaitait pas entamer un débat politique ce soir, mais n'ouvrir qu'un débat sur la forme. Je le mets donc à l'épreuve et je lui demande de soutenir et de voter notre amendement, qui est un débat sur la forme uniquement. Il est vrai qu'il est plus facile de combattre cette initiative sur une pseudo-forme, plutôt que d'aborder les vrais problèmes politiques qu'elle soulève, les problèmes, je le répète, de hausse continuelle des primes des caisses maladie et de démantèlement du service public. L'initiative veut répondre à ceci, veut renforcer le service public, veut renforcer la lutte contre les augmentations des caisses maladie. Même si elle a des défauts sur la forme, nous devons donner l'occasion à la population de pouvoir s'exprimer sur ces deux thèmes majeurs. C'est pourquoi je vous demande de soutenir l'amendement de l'Alternative.
Le président. La parole est à M. le député Vanek. Maximum 7 minutes, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek (AdG). Je m'en tiendrai aux sept minutes, Monsieur le président ! Arrêtez-moi à six et je commencerai à atterrir !
Nous vivons, Mesdames et Messieurs les députés, un débat un peu surréaliste. Le rapporteur de majorité, Christian Luscher, a cru devoir faire le reproche à Christian Grobet de parler du fond de cette affaire d'assurance-maladie et de ne pas être entré dans votre argumentaire juridique extrêmement douteux. Il y reviendra sans aucun doute. Mais l'essentiel, c'est évidemment la question de fond, la question d'une caisse maladie publique qui réponde aux besoins des habitantes et des habitants de ce canton, la question de l'arrêt de ce rouleau compresseur néolibéral des privatisations et suppressions d'activités de l'Etat. C'est cela le fond.
Dire qu'il n'y a pas unité de matière entre ces aspects-là est une déclaration absurde ! M. Pétroz a démontré qu'il y avait eu... (L'orateur est interpellé.)Même le Conseil d'Etat n'est pas à l'abri de faire des déclarations absurdes, Monsieur Luscher ! Cela peut lui arriver... Mais ne m'interrompez pas, sinon le président sera obligé d'ajouter du temps à mes sept minutes ! M. Pétroz a donc fait une pseudo-démonstration qui avait déjà été faite par l'un ou l'autre de ces messieurs des bancs d'en-face, en expliquant que cette histoire de caisse maladie, qui serait vidée car n'étant pas valable, servait en quelque sorte de locomotive ou de cache-sexe à une position que nous aurions voulu enfiler... (Exclamations. Brouhaha.)...consistant à dire que l'Alliance de gauche défend les services publics, s'oppose aux privatisations, aux cessations d'activités de l'Etat au service de la collectivité, au morcellement de celles-ci. Cette thèse est évidemment absurde. Tout le monde sait que l'Alliance de gauche n'a pas besoin de paravent pour, de manière souterraine, défendre les services publics. Nous avons, dans cette enceinte, par exemple sous la législature monomaniaque... monocolore, pardon ! (Rires.)...de 1993 à 1997, obtenu que l'on vote une loi sur la suppression de la clinique de Montana. Le conseiller d'Etat radical - il y en avait à l'époque ! - Guy-Olivier Segond pensait alors pouvoir passer cela en douce, sans même déposer un projet de loi. Nous avons donc obtenu le vote d'une loi. Nous avons déposé un référendum, nous avons défendu ce service public dans le domaine de la santé, comme nous avons battu le gouvernement monocolore sur la question de la privatisation-pilote du service des automobiles. L'idée absurde qu'il faille, à l'Alliance de gauche, se cacher derrière autre chose pour défendre les services publics, est, vous me l'accorderez, stupide !
Maintenant, il y a évidemment un lien entre ces deux objets. L'idée défendue par M. Luscher dans son rapport de minorité...
Des voix. Majorité !
M. Pierre Vanek. Oh, vous savez, je me place du point de vue de la population et pas seulement du point de vue des gens qu'il y a dans cette enceinte... Ce n'est peut-être pas toujours le cas, mais nous défendons réellement, dans ce débat, les intérêts de la majorité. Ce lapsus était donc tout à fait révélateur et pertinent !
Dans son rapport de... ne le qualifions pas ! ...dans son rapport, Monsieur Luscher explique, à la fin, dans la conclusion, ce sur quoi il se fonde. Il indique que le risque est trop grand que les signataires n'aient voulu signer qu'une partie de l'initiative pour que le parlement puisse le cautionner. Vous nous avez traités de crocodiles, Monsieur Luscher, et bien, vous êtes des extraterrestres pour penser que l'on ne peut pas trouver, sur les deux objets simultanément, une majorité de gens qui soient volontiers signataires de cette initiative ! Vous ne le savez pas. Vous ne pouvez pas le dire, parce que vous n'y étiez pas ! Mais, pour ma part, j'en ai rencontré des centaines sur les stands. Je puis vous assurer que les deux objets ont été présentés et se sont avérés également populaires. et que le lien entre eux a été bien compris.
M. Pétroz nous a lu l'encadré au milieu de l'argumentaire de l'initiative. A côté de cet encadré, il est précisé que «pour assurer la pérennité de cette caisse et des autres établissements et services publics du canton, l'initiative prévoit en outre qu'aucune privatisation ou transfert de leurs activités ne puisse être effectué sans qu'une loi, soumise à référendum, n'ait été adoptée par le Grand Conseil.» Ce que Guy-Olivier Segond avait voulu faire par rapport à la suppression de la clinique de Montana. Vous vous en souvenez, Monsieur Froidevaux ? Vous aviez voté pour... C'est de cela qu'il s'agit !
Il y a donc bien unité de la matière. Mais s'il n'y avait pas unité de la matière - je vous l'accorde comme hypothèse, puisque les juristes et les avocats sont capables de défendre toutes sortes de choses, y compris des choses qui ne tiennent pas vraiment la route du point de vue du sens commun, y compris les pires - si donc il n'y avait pas unité de la matière, nous avons un article 66 dans notre constitution. Vous ne l'ignorez pas, Monsieur Luscher, mais vous faites semblant, apparemment, de l'ignorer, puisque vous ne l'évoquez pas ! Cet article précise que ce Grand Conseil, dans le domaine de l'unité de la matière, et c'est là qu'elle est traitée dans la constitution, doit le cas échéant scinder une initiative qui ne respecterait pas l'unité de la matière selon que ses différentes parties soient en elles-mêmes valides ou non. Il existe donc une disposition concernant le splitting des paquets ficelés. Vous êtes aussi le praticien des paquets ficelés à l'occasion, mais cela ne vous réussit pas ! C'est un autre débat ! Vous devez donc, en vertu de cet article constitutionnel, si vous défendez la thèse, éminemment discutable, qu'il y a deux objets qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre, vous devez effectivement présenter ces deux objets en votation populaire.
Vous nous dites par ailleurs, Monsieur Luscher, que cela va coûter cher, parce que l'on va devoir organiser deux votations. Mais, cher Monsieur, c'est le prix de la démocratie ! Lorsque nous lançons un référendum pour contester une décision aberrante que vous avez prise et que nous gagnons en votation référendaire, cela coûte un peu d'argent à cette République, mais c'est le prix de l'expression de la volonté populaire !
Le président. Vous arrivez bientôt à sept minutes !
M. Pierre Vanek. Je vous avais demandé de m'interrompre à six ! (Rires.)Pour me plier, avec tout le respect que je lui dois, à cette exigence du président, je vais m'arrêter sur ce et je reprendrai la parole tout à l'heure !
M. Carlo Sommaruga (S). Je n'aborderai pas la question de fond évoquée par d'autres députés avant moi, si ce n'est pour partager le sentiment que ce soir on veut, sous l'angle d'une question de forme, escamoter le débat démocratique sur deux sujets amenés sur la table de ce Grand Conseil par l'initiative déposée par l'Alliance de gauche.
Que l'on vienne nous dire aujourd'hui que l'initiative a été présentée uniquement sur la caisse maladie pour ramasser des signatures sur deux sujets différents ne correspond pas à la vérité. Il suffit de lire le titre de l'initiative et cela ressort de manière extrêmement claire. Il y a écrit : «Pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social» et deuxièmement «la défense du service public». Dès lors, lorsqu'ils ont apposé leur signature sur cette initiative, les électeurs et les électrices savaient pertinemment de quoi il retournait.
Il convient aujourd'hui de prendre une décision non pas sur le fond, comme cela a été dit, mais sur la forme et de savoir si cette initiative est recevable ou pas. M. Vanek vous a dit tout à l'heure que l'article 66 prévoit et donne compétence au Grand Conseil de scinder une initiative en plusieurs volets si cette initiative ne remplit pas l'exigence de l'unité de la matière. Au moment du vote, il conviendrait peut-être de faire une analyse un peu retrospective sur les initiatives qui ont déjà été discutées par ce Grand Conseil et même dans sa composition actuelle, c'est-à-dire depuis le début de la législature. Je vous renvoie au vote sur la recevabilité de l'IN 116, «Pour un toit à soi». Lorsqu'on examine la recevabilité de cette initiative, on constate qu'il y a une proposition d'ordre fiscal favorisant l'épargne en vue d'acheter un logement, on y trouve une mesure d'aménagement du territoire, une mesure de report des droits à bâtir et une modification de la LDTR en matière d'assouplissement des ventes d'appartements.
En d'autres termes, on se trouvait face à une initiative qui présentait sous un titre pour le moins ambigu, «Pour un toit à soi», des propositions fort différentes. Je n'ai pas souvenir, et le Mémorial non plus d'ailleurs, de débats à ce sujet et sur la question de la recevabilité de cette initiative. Dès lors, il est manifeste ce soir, lorsqu'on présente l'argument de l'irrecevabilité de la présente initiative et le refus de scinder, que l'on applique le principe «deux poids, deux mesures» face à l'initiative qui provient des milieux immobiliers et celle qui vient des milieux de la gauche. Ceci n'est pas admissible !
Il s'agit d'avoir, lorsqu'un problème de recevabilité se pose, une cohérence qui s'applique à l'ensemble des décisions que ce parlement doit prendre en matière de droits politiques et non pas d'escamoter le problème par un vote éminemment politique et non juridique.
Dès lors, il apparaît évident ce soir que le Grand Conseil, dans le cadre de l'application des dispositions légales, doit scinder l'initiative et doit renvoyer ensuite les deux morceaux d'initiative dans les commissions compétentes respectives.
Venir dire aujourd'hui que la partie de l'initiative portant sur la caisse maladie serait nulle dans sa totalité est faux. C'est un argument inexact et une constatation inexacte. Le principe de base prévu dans l'initiative, c'est la constitution d'une caisse maladie publique. L'ensemble des éléments figurant à l'article 170C de la constitution, proposés par l'initiative, ne sont que des modalités de mise en oeuvre de cette caisse maladie publique. Ce n'est donc pas le principe lui-même qui se trouve aujourd'hui critiqué ou criticable. Il y a simplement un certain nombre de modalités. Ces modalités ne sont pas toutes contraires au droit supérieur ou à la constitution. Certaines pourraient être interprétées conformément au droit supérieur. D'autres sont tout à fait conformes au droit supérieur.
Dès lors, au niveau du principe, cette initiative est recevable. Elle est recevable sur le volet de la caisse maladie en tant que principe et certains des éléments de mise en oeuvre le sont aussi. Il n'y a finalement pas de raison de l'écarter.
Pour le deuxième volet de l'initiative, il est manifestement cohérent. Le texte soumis à la signature des électeurs précisait de manière très claire que l'objet était la défense du service public. Et dans le service public, il doit y avoir à terme cette caisse publique que voulaient les initiants.
Dès lors, on ne peut, aujourd'hui, en aucun cas considérer que l'initiative est irrecevable, d'une part au vu des dispositions légales, d'autres part au vu des décisions déjà prises par ce parlement, tout particulièrement au cours de cette législature.
Le président. Vous n'avez pas dépassé votre temps de parole, Monsieur Sommaruga. Je vous en félicite !
M. Christian Bavarel (Ve). Je serai bref. Je vais simplement vous donner la position des Verts. Pour nous, il ne s'agit pas de savoir si le peuple sait lire ou ne sait pas lire au moment où il signe une initiative. Il est fort probable qu'il ne soit pas aussi érudit en droit qu'une grande partie des députés qui siègent ici dans ce Grand Conseil. Mais c'est quand même à lui, à un moment ou à un autre, de trancher.
Pour notre part, comme le Conseil d'Etat qui nous avait donné quelques recommandations à la commission législative, nous avons regardé s'il y avait unité de la matière. A l'évidence, nous disons que non. Maintenant, c'est à la population de savoir ce qu'elle veut faire. Vous avez reçu sur vos tables un amendement. Nous vous proposons de suivre la procédure telle que nous vous la soumettons.
M. Jean Spielmann (AdG). Il est toujours difficile, lorsque des juristes s'expriment, de rester sur la forme et de traiter le problème juridique. Mais quand on s'écarte autant des textes de lois que les préopinants, en expliquant pourquoi ils partaient d'un manque d'unité de la matière et qu'ils concluaient à la nullité, je me permets quand même de relire l'article qu'ils ont cité tout à l'heure en le tronquant bien sûr volontairement. L'article 66 prévoit et permet la nullité d'une initiative seulement dans le cadre d'une initiative ne respectant pas l'unité de la forme ou du genre. On ne parle bien sûr pas, dans le cas de l'annulation d'une initiative, de l'unité de la matière. L'unité de la matière vient seulement dans l'alinéa 2 de cette disposition constitutionnelle. Qu'est-ce qu'il prévoit si l'unité de la matière n'est pas respectée ? Il précise que l'initiative est déclarée partiellement nulle. On peut donc la scinder. Ainsi, en partant de vos arguments juridiques, vous ne pouvez pas déclarer nulle l'initiative, puisqu'elle respecte aussi bien la forme que le genre. Premier point.
La seule chose que vous pouvez faire, c'est la scinder ou la déclarer partiellement nulle. Pour tout le reste, nous pouvons être confiant dans les démarches que nous entreprendrons pour faire valoir justice par rapport à un déni de justice que vous êtes en train de commettre, puisque vous argumentez, Messieurs les juristes, sur une nullité, alors que vous n'avez développé aucun argument sur le manque d'unité de genre et de forme.
Le second objet de mon intervention concerne l'idée même que vous avez émise. Certains ont été dire que nous cherchions à tromper la population. On a prétendu que nous entreprenions, par cette proposition, une démarche démagogique sur la base d'éléments qui n'avaient rien à voir entre eux. Mais expliquez-moi comment vous pouvez décemment, avec la majorité que l'on a en face de nous et sa volonté de privatiser et de remettre en cause les acquis et les votes de la population - vous avez d'ailleurs déjà appris à vos dépens que ce n'était pas si facile que cela de tout remettre en cause - comment voulez-vous décemment faire signer des gens pour la création d'une caisse publique sans prendre, parallèlement, les dispositions qui permettent de la maintenir dans le secteur public ? Ce serait malhonnête de faire signer une initiative en disant aux gens que l'on veut créer une caisse publique, tout en ne donnant parallèlement pas, dans la même initiative, les moyens légaux pour que cette caisse reste publique et qu'elle ne puisse par la suite pas être modifiée.
Ainsi, l'unité du genre, de la forme, de la matière et de l'idée sont totalement cohérentes. Si vous avez lu les textes correctement, et pas de manière tronquée comme vous l'avez fait tout à l'heure, vous constaterez, aussi bien dans les explications, dans le texte, dans les encadrés, que dans le titre, qu'il est précisé que nous voulions une caisse publique et que nous voulions maintenir la pérennité d'une telle caisse publique. C'est la démarche politique que nous avons entreprise.
Maintenant, sur l'autre aspect. Je n'ai bien sûr pas de temps suffisant pour développer l'ensemble des arguments. Il me semble que j'ai démontré, s'agissant des arguments présentés contre la nullité, que c'était totalement inexact. On pourrait probablement relever un autre aspet juridique. C'est que notre constitution prévoit deux formes d'initiatives. Il y a bien sûr l'initiative normale et l'initiative constitutionnelle. Or, dans l'article de la constitution qui prévoit la mise en place de l'initiative constitutionnelle, on indique précisément qu'une telle initiative peut prévoir une révision totale ou une révision partielle de la constitution, c'est-à-dire que le principe même de l'unité de la matière ne s'applique pas à une initiative constitutionnelle. Voilà encore un deuxième argument juridique, sur lequel je ne vous ai évidemment pas entendu ! Sur tous les arguments que nous avançons pour justifier la présentation de notre texte, on entend relativement peu de contre arguments.
Je conclurai en disant que vous avancez des prétextes juridiques en tronquant les textes, en ne citant même pas les articles dans leur entier, pour prendre une décision qui est une décision politique. Pour vous, il est évidemment difficile et compliqué de faire admettre que la population genevoise puisse tout d'un coup comprendre l'intérêt qu'elle aurait à créer une caisse publique, qui plus est une caisse publique qui règle le problème du montant des cotisations. Je rappelle quand même encore une fois que l'une des motivations essentielles de cette initiative, c'est qu'il y a, dans ce canton, plus de 25 000 personnes qui ne peuvent pas payer leur caisse maladie et que l'Etat doit se substituer à eux. En plus de ces 25 000 personnes, 27 000 même, il y a 200 000 personnes pour lesquelles l'Etat paye une partie des contributions. Or, où va cet argent ? Dans les caisses privées ! Christian Grobet a très justement relevé la duplicité de ceux qui interviennent au parlement au nom de ces caisses privées et la situation politique dans laquelle ils nous entraînent au niveau des caisses-maladie. Il y a là, au sein de la population, une incompréhension totale : on verse de l'argent à des caisses qui ne respectent pas la transparence et dont on ne sait même pas ce qu'elles font de leur argent.
Il y a donc nécessité : 1. de créer une caisse publique; 2. de contrôler cet argent; 3. de mettre un terme au bradage des deniers publiques. La collectivité verse de l'argent, pour 200 000 personnes, à des caisses maladie dont on ne sait même pas ce qu'elles font de cet argent, ni comment elles constituent des réserves ou gèrent cet argent. C'est pratiquement une escroquerie qui est en place. Pour couvrir cela, on cherche des arguments juridiques et pas des arguments politiques. Nous vous battrons sur le terrain juridique ! Après, nous nous battrons sur le terrain politique ! Et l'on verra alors bien qui gagnera cette bataille politique !
Le président. Vous n'avez pas totalement épuisé votre temps de parole, Monsieur le député, je vous en remercie !
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Pour les raisons excellement mentionnées par M. Spielmann dans son intervention, si je suis intervenu sur le fond dans ma première intervention, c'est parce qu'il est évident que la position adoptée par la majorité de droite en commission était dictée par des motivations politiques, visant à refuser au peuple la possibilité de se prononcer sur ces deux objets.
Je ne veux cependant pas, Monsieur Luscher, je n'ai pas besoin de vous rassurer à ce sujet, esquiver le débat juridique. J'ai du reste évoqué dans mon rapport de minorité les différents arguments sur la base desquels nous estimons, nous la minorité, que l'initiative est parfaitement recevable. Je ne veux pas les relire en détail, mais j'aimerais simplement dire une ou deux choses.
D'abord, le seul argument retenu en commission législative pour refuser l'initiative, pour la déclarer irrecevable, c'est son prétendu non respect du principe de l'unité de la matière. Contrairement à ce que M. Pétroz a pu laisser entendre tout à l'heure, il n'y a pas eu de débat en ce qui concerne la non-conformité de certaines dispositions au droit fédéral. J'y reviendrait tout à l'heure.
La décision d'irrecevabilité a été prise parce que vous avez prétendu que nous voulions tromper la population et que cette initiative ne respectait pas l'unité de la matière. Personnellement, je conteste ce qui a été dit à ce sujet. Comme M. Spielmann l'a indiqué, il n'est pas du tout établi, en ce qui concerne une modification de la constitution, qu'une initiative doive respecter le principe de l'unité de la matière, tel qu'il a été évoqué devant la commission législative. Je m'explique. Les dispositions de la constitution cantonale, plus particulièrement l'article 65A, relatives à l'initiative constitutionnelle indiquent que l'initiative peut proposer une révision totale, c'est-à-dire complète, de la constitution, rédigée de toutes pièces, ou une révision partielle. Or, qu'est-ce qu'une révision partielle ? Vous soutenez qu'une révision partielle ne porterait que sur une disposition de la constitution, plus précisément sur une question ou un objet de la constitution, et que l'on ne pourrait pas traiter plusieurs objets à la fois. Nous le contestons formellement.
La loi constitutionnelle forme un tout. Si la constitution prévoit des révisions partielles, par opposition à une révision totale, cela laisse la possibilité de présenter une initiative qui permettrait de modifier plusieurs articles à la fois. C'est précisément le commentaire que le rapporteur de la commission chargée de la modification de l'article 65A avait indiqué en 1992, à savoir que la révision partielle de la constitution peut porter sur la modification d'une ou plusieurs dispositions, l'adjonction d'une ou plusieurs dispositions, l'abrogation d'une ou plusieurs dispositions, etc. ou alors tendre vers une révision totale de la constitution. En d'autres termes, on voit très bien que le Grand Conseil, en adoptant l'article 65A, voici dix ans, laissait ouverte, dans le cadre d'une révision partielle, la possibilité de modifier plusieurs dispositions à la fois.
Nous avons rédigé cette initiative de bonne foi sur la base de cette disposition, considérant qu'il était possible d'introduire simultanément dans la constitution deux objets par deux articles séparés, qui se trouvent du reste dans le même titre XIII-A de la constitution. Cela montre bien que nous n'avons pas choisi de compléter par exemple l'article 3 de la constitution, et l'article 76. Nous proposons d'introduire deux articles sous un titre nouveau, parce que nous considérons par ailleurs que les deux questions sont liées l'une à l'autre et qu'il y a de fait une unité de la matière. Si, par la suite, on voulait remettre en cause cette caisse cantonale d'assurance-maladie - et lorsqu'on voit la manière avec laquelle vous êtes en train, par tranches de saucisson, de remettre en cause la protection cantonale des locataires, notre prudence était de mise - il fallait savoir introduire une disposition qui protège la loi qui va instituer la caisse cantonale d'assurance-maladie. Dans la mesure où l'on institue le référendum obligatoire pour cette caisse, une application à tous les services publics se justifie.
Maintenant, vous avez dit, Monsieur Pétroz, que l'initiative ne visait qu'un seul but, à savoir créer la caisse d'assurance-maladie publique. Il est vrai, comme Pierre Vanek l'a souligné tout à l'heure, qu'il y a une certaine discordance au sein de la majorité. On nous dit d'une part qu'il s'agit uniquement de créer une caisse d'assurance-maladie et d'autre part que la caisse n'est qu'un prétexte pour introduire une autre disposition. M. Sommaruga a bien fait de rappeler, comme je l'ai fait du reste dans le rapport de minorité, que le titre de l'initiative est particulièrement clair. On voit d'entrée de cause que cette initiative porte sur deux objets. M. Pétroz a lu la partie centrale de l'exposé des motifs, qui est encadrée et qui effectivement ne se rapporte qu'à la caisse maladie. Nous avons délibérément voulu avoir deux commentaires différents, l'un sur la caisse maladie, qui est au milieu et encadré, l'autre, dans la colonne de droite, dont M. Vanek ou M. Spielmann a donné lecture tout à l'heure, qui décrit le second objectif de cette initiative.
Pour celles et ceux qui, avant de signer, jettent un coup d'oeil sur le texte de l'initiative, on voit qu'il y a bien deux articles distincts sur deux objets distincts. Il n'y a donc pas eu de tromperie. Le texte de l'initiative est tout à fait clair. On voit qu'il y a deux objectifs.
Enfin, s'il y a des dispositions du droit fédéral qui seraient violées par l'un ou l'autre des objectifs de la caisse publique, j'aimerais contester le fait, que cela a pour conséquence d'annuler l'initiative. Comme l'a également signalé M. Spielmann, que demande cette initiative ? Tout simplement d'instituer une caisse publique similaire à celle qui existe dans le canton de Bâle ! Il y un modèle qui existe et qui fonctionne particulièrement bien. Et l'on ne pourrait pas faire la même chose à Genève ?
Reste à savoir, s'il y a une ou deux choses supplémentaires que l'on demande pour cette caisse et si elles sont conformes ou non au droit fédéral. Nous estimons qu'elles sont conformes, notamment, Monsieur Pétroz, en ce qui concerne la question du principe du tiers payant. Une caisse peut très bien décider elle-même d'appliquer ce principe. Je suis affilié à une caisse d'assurance-maladie qui rembourse directement les frais médicaux. On peut très bien demander à la caisse publique de faire de même. Nous contestons donc, il n'y a d'ailleurs pas eu de discussion sur le contenu exact de ces articles, le fait qu'il y ait des violations du droit fédéral. Mais même si cela devait être le cas, cela n'aurait pour effet que d'enlever un ou deux éléments de cette initiative, dont l'essentiel serait maintenu.
On est en tout cas très loin, et j'en finirai par là, de la solution que l'on a adoptée l'année dernière, à savoir de maintenir l'initiative sur la complémentarité des transports après en avoir enlevé, je dirais, la substantifique moelle, c'est-à-dire les trois-quarts du contenu. Il y a eu un recours au Tribunal fédéral de la part des initiants, qui a confirmé que ce qui était déclaré inconstitutionnel ou non conforme au droit fédéral par le Grand Conseil était correct. Le reste de l'initiative, qui n'était quasiment rien, a été maintenu par le Tribunal fédéral. Vous voudriez nous dire aujourd'hui que l'initiative serait déclarée nulle en enlevant une ou deux dispositions de la caisse publique ? Vous êtes d'une parfaite mauvaise foi !
Le président. Je souhaite, Monsieur le rapporteur de minorité, que la troisième intervention que vous ferez ne dure pas plus de 5 minutes, parce que vous parlez chaque fois entre 9 et 10 minutes !
M. Jacques Follonier (R). Dans quel monde vit-on ? Je suis finalement surpris que l'Alliance de gauche n'ait mis dans son initiative que deux projets. Pourquoi pas dix, pourquoi pas quinze pendant que l'on y est ? Il y a une limite aux choses et je suis quand même surpris de voir que l'on ose, au jour d'aujourd'hui, utiliser la détresse de la population genevoise, qui voit régulièrement ses primes augmenter, pour déposer une initiative qui n'a finalement pas de sens. Pourquoi ? On va en venir au fond de cette initiative.
Tout d'abord, je ne ferai pas l'injure aux conseillers nationaux de croire qu'ils ne connaissent pas la LAMal. Je suis surpris une nouvelle fois de voir que des gens qui ont quand même un sens politique se permettent d'écrire des initiatives dont ils savent parfaitement qu'elles sont complètement mensongères. On a effectivement l'indication que cette caisse maladie fixera ses primes de manière à ce qu'elles soient 10% inférieures à la moyenne des primes des autres caisses. Je m'excuse, mais tout le monde le sait; ou alors il faut que tout le monde le sache ! C'est l'OFAS et l'OFAS seul qui fixe les primes des caisses maladie ! Aucune exception n'est tolérée ! Dès lors, il n'y a pas de sens à cette phrase. On nous dit même que les personnes dont le canton prend en charge les primes de caisses maladie dans le cadre des lois de prestations sociales seront tenues de s'affilier à cette caisse maladie publique. Mais c'est encore faire un faux calcul, puisque l'on sait que la LAMal l'interdit expressément ! Alors, je ne vois pas comment l'on pourrait mettre en place une pareille absurdité.
Je suis profondément choqué de voir cela. Lorsqu'on nous dit en plus qu'il suffit finalement de scinder ces deux initiatives en deux, c'est excessivement facile. On a utilisé ce système pour pouvoir récolter des signatures et l'on nous dit ensuite que l'on aura les signatures suffisantes sur les différentes parties, parce qu'on l'aura scindée en deux. Mais on n'a pas le droit de faire cela ! Quelque part, la première initiative n'est pas valable.
Je tiens à préciser ici, parce que je sens que certains vont le dire après, que je suis, au contraire d'un ardent défenseur des caisses maladie, quelqu'un qui les a combattues depuis six ans et qui en exige la transparence. Dieu sait combien de fois je me suis rendu aussi bien à Berne qu'à Soleure pour pouvoir faire des contrôles sur les caisses maladie. Mais je vous le dis, ce n'est pas de cette manière-là que vous créerez une caisse maladie correcte. Ce que vous allez faire, c'est créer une caisse maladie dont tous les frais seront transférés à la charge de l'Etat. Entre les deux situations, je ne sais pas laquelle est la meilleure, mais je ne pense pas que la bonne soit celle que vous avez choisie !
Quant à la deuxième initiative, elle est tellement mal explicitée qu'elle part d'un côté qui manque de transparence et peut-être d'honnêteté !
Dès lors, je voudrais souligner que l'on n'a pas le droit de faire croire des propositions fausses à la population ! Surtout, on ne peut pas donner de faux espoirs sur la simple idée de faire un coup médiatique ! (Applaudissements.)
M. Mark Muller (L). Nous devons examiner la validité de cette initiative d'un point de vue strictement juridique. A cet égard, deux éléments sont à prendre en considération. Tout d'abord, le principe de l'unité de la matière. En commission, nous avons été unanimes pour considérer que ce principe n'avait pas été respecté par les initiants, à l'exception effectivement des initiants eux-mêmes qui ont participé à ce vote de commission et qui considéraient que le principe de l'unité de la matière était respecté.
L'article 66 de la constitution nous dit que l'on doit scinder l'initiative lorsque l'unité de la matière n'est pas respectée. C'est juste, mais pour autant que ses différentes parties soient en elles-mêmes valides. Et là, Monsieur Spielmann, je crois que vous pourriez lire cette disposition jusqu'au bout ! L'article 66, alinéa 2 de la constitution nous dit : «A défaut, il déclare l'initiative nulle.» On peut donc parfaitement déclarer nulle une initiative si on ne peut pas la scinder lorsque ses différentes composantes ne sont pas valables.
S'agissant de la première partie de cette initiative, le Conseil d'Etat nous le dit lui-même dans son rapport, elle n'est pas valable, parce qu'elle viole grossièrement et à diverses reprises la LAMal. Pour cette raison-là, sous réserve de quelques dispositions mineures et éparses, les différentes parties du projet de caisse maladie publique, que les initiants nous proposent, ne tiennent pas la route. Ce volet-là de l'initiative doit être déclaré nul. Pour cette raison déjà, dans la mesure où l'une des parties de l'initiative n'est manifestement pas conforme au droit fédéral, on ne peut pas scinder l'initiative et on doit la déclarer nulle.
Mais il y une deuxième raison, Mesdames et Messieurs, pour laquelle nous ne pouvons pas scinder l'initiative et la déclarer valable. C'est parce que cette initiative viole manifestement le principe de l'interdiction de l'abus de droit. Vous savez bien qu'il y a une limite à tout droit dont certains voudraient se prévaloir, c'est celle de l'abus de droit. Ici, les initiants abusent manifestement de leur droit, Mesdames et Messieurs les députés, en voulant nous amener à scinder l'initiative de manière à pouvoir mener deux fois campagne devant le peuple pour faire de la propagande ! Nous ne nous prêterons pas à ce petit jeu. Au nom du respect d'un certain nombre de principes supérieurs, au nom de ce principe de l'interdiction de l'abus de droit que nous n'oublions pas, nous ne pouvons pas scinder l'initiative en deux et nous devons la déclarer radicalement nulle.
Il y a un autre principe qui existe. C'est l'article 66, alinéa 3 de la constitution, qui nous permet d'invalider partiellement une partie d'une initiative et de soumettre le reste de l'initiative au peuple. On aurait pu également entrer en matière sur cette voie-là, mais vous verrez, Mesdames et Messieurs, que l'on ne peut pas non plus le faire. Pourquoi ? Parce que, M. Grobet vient de nous le dire, la partie de l'initiative consacrée au service public, l'article 170D, est, d'après les initiants, étroitement liée à la première partie de l'initiative sur la caisse d'assurance-maladie ! Dès le moment où l'on considère que cette première partie d'initiative n'est pas valable, puisqu'elle contrevient à la LAMal, la deuxième partie tombe automatiquement, puisqu'elle n'a plus de sens pour elle-même ! Ainsi, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas invalider partiellement cette initiative et n'en soumettre que la partie restante au peuple !
Nous devons, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, l'annuler radicalement. Il est vrai que les initiants iront au Tribunal fédéral. Nous nous réjouissons d'ores et déjà des considérants du futur arrêt du Tribunal fédéral !
Le président. Nous avons plusieurs orateurs encore inscrits. Je vous rappelle que l'on s'arrête à 18 h 30 précise pour le cortège de l'Escalade !
M. Pierre Froidevaux (R). Nous devons effectivement faire un vote de principe sur des limites. Est-il possible de présenter une initiative qui contienne dix propositions, dont seules trois sont acceptables et, sur les trois, une peut avoir de la consistance alors que les deux autres n'ont qu'une valeur extrêmement faible ? Il y a une limite, Monsieur Grobet ! C'est un abus de droit que nous devons sanctionner de façon extrêmement claire, en disant non à la validité de cette initiative !
Maintenant, sur le fond lui-même. Le but d'une caisse maladie publique était, à mes yeux, de permettre une lisibilité des comptes de l'assurance-maladie. Alors là, chers collègues, permettez-moi de m'étonner ! Nous venons de voter le budget. Le budget contient toute une série de prestations à charge de l'assurance-maladie. Je vous prie de me dire, Monsieur Grobet, dans quelle ligne budgétaire se trouvent les charges que nous votons qui sont des charges liées à l'assurance-maladie !
Vous qui étiez à Berne ce matin, Monsieur Grobet, et où vous avez dû discuter de la LAMal, vous savez que l'objectif fondamental susceptible d'améliorer cette loi est d'assurer une meilleure concurrence entre les hôpitaux. Il est question d'un nouveau mode de financement ou d'un financement plus assuré, où 50% serait à la charge de l'Etat pour les établissements publics et 50% à la charge de l'assurance-maladie. Nous venons de voter 80 millions d'augmentation pour les Hôpitaux. Quelle est la charge qui sera répercutée sur les assurés ? En avez-vous une idée, Monsieur Grobet ? En tout cas, M. Unger est resté coi ! Je constate simplement que l'on essaye, globalement, dans tous les Etats, de mettre la main sur le financement de la santé, domaine qui s'avère toujours opaque. En France, on parle de la Sécurité sociale et de son trou béant. On ne sait pas ce que finance la Sécurité sociale en France. En Suisse, on essaye d'évoluer vers ce type de financement. A Genève, la police s'est battue pour des ambulances, comme s'il était important d'avoir un système de santé lorsqu'on est policier. On voit maintenant que l'armée se défend régulièrement en expliquant qu'elle est la patronne de la catastrophe sur le plan suisse. Tout ceci, c'est pour masquer des budgets. Je n'ai jamais vu, de la part de l'Etat, de la part d'une caisse publique, la moindre transparence !
Sur le fond, Monsieur Grobet, vous ne faites que favoriser une étatisation, vous ne faites que favoriser un immense magma que serait le financement de la santé, mais vous n'agissez pas là où il faudrait, c'est-à-dire déjà de demander des comptes à l'Etat. J'ai essayé d'en obtenir aujourd'hui, mais je n'y suis pas parvenu. Tout le monde m'en est témoin. C'est notre travail de député que de s'enquérir régulièrement auprès du Conseil d'Etat de l'influence des décisions que nous prenons ici sur les caisses-maladie. Même sur le fond, Monsieur Grobet, vous avez tort !
Le président. Prochain orateur inscrit, M. Vanek. Est-ce que vous arrivez à faire votre intervention en cinq minutes ? C'est comme vous voulez... J'ai déjà fait déplacer le cortège à 18 h30.
M. Pierre Vanek. Je prendrai la parole lors de la reprise du débat.
Le président. Nous allons donc clore ici notre séance et nous reprendrons à 20 h 30.
La séance est levée à 18 h 30.