Séance du
vendredi 13 décembre 2002 à
14h
55e
législature -
2e
année -
3e
session -
13e
séance
PL 8808-A
Le président. Je vais mettre aux voix en deuxième débat l'ensemble projet de loi établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2003.
Mis aux voix, ce projet est adopté en deuxième débat.
Troisième débat
Mme Janine Hagmann (L). En préambule au troisième débat, je voudrais profiter de la présence parmi nous de la nouvelle conseillère fédérale pour lui poser une question. Madame la présidente, vous aviez donné aux communes un délai pour l'élaboration des budgets. Vous nous aviez promis la confirmation des résultats et nous avons travaillé sur des chiffres un peu virtuels. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez pu constater comme il est difficile d'établir un budget ! Je voudrais donc vous demander, Madame Calmy-Rey, de bien vouloir nous envoyer la confirmation des chiffres reçus et d'ajouter les informations nécessaires, voire indispensables, que nous avions l'habitude de recevoir en juillet ou août quand M. Dupont était dans vos services. Il s'agissait du nombre d'habitants par catégorie de contribuables. Les présidents des commissions financières des conseils municipaux aimeraient beaucoup avoir ces informations.
Je vous remercie par avance.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Je réponds brièvement à Mme Hagmann et j'interviendrai ensuite sur le budget. Cette année est un peu particulière en raison du vote tardif des diminutions d'impôts pour les familles. Les borderaux sont envoyés actuellement encore. Nous vous confirmerons ces chiffres, je l'espère, avant la fin de l'année, mais quoi qu'il en soit je m'engage à ce qu'ils vous parviennent très rapidement.
M. Rémy Pagani (AdG). Je profite de ce troisième débat pour mentionner la question un peu délicate des fraudes dans l'administration. Depuis que je fréquente ces bancs, je me rends compte qu'il y a des fraudes et des fraudeurs dans l'administration. Je le constate aussi dans le cadre de mon activité professionnelle. Une de ces fraudes les plus scandaleuses a été le détournement de 3,5 millions à l'office des poursuites et faillites, détournement avéré, poursuivi et condamné. (Brouhaha.)
Notre législation, élaborée en 1985 ou 1987, prévoit un système de contrôle par l'inspection cantonal des finances. Chaque chef de service a, selon cette législation, le pouvoir de mettre en place des contrôles internes. Or, ces contrôles internes ne sont pas réalisés pour la simple et bonne raison que c'est, en quelque sorte, se tirer une balle dans le pied que de metter en place un système de contrôle rigoureux. A mon avis, c'est un processus un peu spécial qui a été imaginé. De fait, il ne donne pas satisfaction puisque, ces derniers mois encore, plusieurs personnes ont été repérées et licenciées avec effet immédiat, bref des fraudes ont à nouveau été constatées.
Pour ma part, je suis favorable à la plus grand autonomie possible du personnel de la fonction public, des serviteurs de l'Etat qui dans leur immense majorité se comportent de façon irréprochable. Une petite minorité cependant se permet, dans les interstices de ces contrôles d'aller manger avec un mandataire et de prétendre que c'est une activité normale de fonctionnaire de recevoir des cadeaux. Et l'interdiction de recevoir des cadeaux est inscrite dans le règlement de la fonction publique. Je le répète, il n'y a pas de contrôle systématique et par conséquent les cas de fraude ne peuvent pas être détectés systématiquement. Ma question sera dorénavant récurrente, j'essayerai de la poser chaque année: que va faire le département des finances pour mettre en place non seulement un contrôle financier qui existe déjà et qui fonctionne parfaitement, mais aussi un contrôle systématique au niveau des chefs de service et des services eux-mêmes ?
J'attends des réponses précises. Je sais que c'est un chantier qui durera plusieurs années parce que beaucoup d'habitudes ont été prises qui sont mauvaises. J'estime qu'il était important de le dire à ce stade du débat.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Le contrôle interne de l'Etat est basé sur trois niveaux : le contrôle du service, le contrôle départemental, le contrôle interne transversal. Le contrôle effectué par l'inspection cantonale des finances s'ajoute à ces trois niveaux. Les systèmes de contrôles ont été renforcés puisque le niveau transversal est récent, il a été voté par votre Conseil en septembre et c'est dans le cadre de ce contrôle interne transversal qu'est élaboré actuellement un inventaire de ce qui existe dans les différents services en matière de règles de contrôle interne. Cela prendra du temps, vous avez raison de le dire, Monsieur le député. Tout n'est pas en place de façon correcte dans chaque département, mais l'idée est de mettre en place des règles communes de contrôle interne pour tous les services de l'Etat.
Par ailleurs, un code de déontologie a été mis en place au département des finances puisque c'est un département qui recouvre des services sensibles. L'idée est d'étendre à tout l'Etat ce code de déontologie qui résume en quelque sorte ce que l'on peut faire et ne pas faire, ce que l'on accepte et ce que l'on accepte pas comme cadeau pour rester dans le cadre du principe de la bonne gouvernance.
Voilà ce que je peux vous dire aujourd'hui. J'espère, M. Pagani, que vous n'aurez pas besoin de poser cette question chaque année pendant 10 ans, mais il est exact que ce débat est utile et urgent.
M. René Ecuyer (AdG). J'ai quelques soucis à propos de l'exercice des droits politiques dans ce canton. Je m'explique. On a généralisé le vote par correspondance. C'est bien pratique, les gens s'y sont habitués, tellement pratique qu'il ne reste qu'un petit pourcentage d'électeurs qui prennent la peine de se déplacer au local de vote. Je note au passage qu'il est possible de voter à la place de quelqu'un au cas où une enveloppe traînerait. La signature n'est pas contrôlée, etc. Les Genevois sont fiers... (Brouhaha.)C'est vrai que c'est un peu le bordel dans cette salle. Comme à la maison: on est nombreux à table, tout le monde parle en même temps, mais ça ne me dérange pas...
Le président. Monsieur Ecuyer, nous vous écoutons, mais je vous prie de résumer votre intervention, car il y a déjà 8 heures que nous débattons.
M. René Ecuyer. Les Genevois donc sont fiers d'être parmi les premiers à transmettre les résultats finaux des votations. Pour cela, les enveloppes sont ouvertes le samedi déjà et la machine à lire les bulletins fonctionne le samedi également. (Brouhaha.)Ce n'est pas possible autrement: j'ai ici le résultat du dépouillement qui porte sur 104 831 bulletins, soit plus de 90% des votants. Or, ce résultat est imprimé le dimanche matin 24 novembre à 6h27. C'est le chiffre que donne la radio aux informations de midi. A quel moment sont convoqués les contrôleurs des partis et pour quoi faire ? Est-ce que les opérations d'ouverture des enveloppes, de dépouillement des bulletins et de passage des bulletins à la machine sont contrôlées ? Est-ce que les représentants des partis sont présents durant ces opérations ?
Je remarque en outre que les bulletins nuls ne figurent plus dans la publication des résultats. Impossible donc de savoir combien de personnes se sont trompées en remplissant leur bulletin, si les citoyens ont compris le système.
J'estime qu'on doit mettre en route les opérations de dépouillement de telle façon que le résultat ne puisse en aucun cas être connu avant la fermeture des bureaux de vote. Si on peut connaître le résultat d'une votation sur plus de 90% des votants à 6 heures 27 du matin, il est possible à un groupement ou à un autre d'ameuter la population en vue d'influencer le vote. Je vous demande de faire attention à cela ! Quelle est l'utilité de connaître les résultats à midi pile ou à une heure de l'après-midi. Il vaut mieux veiller à ce que les règles démocratiques soient respectées, et à ne laisser aucune place à la moindre des petites magouilles.
Le président. Il s'agit plutôt, Monsieur le député, d'une interpellation, mais nous vous avons écouté.
M. Robert Cramer. Je ne peux bien sûr pas répondre à la question précise posée par M. Ecuyer, à savoir pourquoi trouve-t-on une page Internet présentant les résultats sur laquelle il est écrit ce qu'il a lu comme étant 6h20 du matin. Le mieux serait peut-être que vous me remettiez ce document. Je demanderai au service des votations de vous faire parvenir la réponse.
Quant au principe, il faut tout de même que vous sachiez que le Conseil d'Etat tient pour essentiel le fait que personne ne puisse connaître les résultats partiels ou même les première indications sur les résultats avant la fermeture des bureaux de vote. Non seulement le Conseil d'Etat y veille, mais aussi la Confédération. C'est dire que le système de dépouillement anticipé mis en place à Genève et qui permet de connaître très rapidement les résultats a reçu l'approbation de l'administration fédérale qui s'est assurée que toutes les mesures avaient été prises pour qu'en aucun cas on ne puisse avoir connaissance des résultats de façon anticipée. En d'autres termes, dès le moment où le dépouillement anticipé commence, tous ceux qui en sont chargés restent dans le même lieu sous le contrôles des représentants des partis et ne peuvent le quitter qu'une fois les bureaux de vote fermés. (M. Ecuyer remet le document à M. Cramer.)
Quant au document que vous me transmettez à l'instant, nous l'examinerons et je vous ferai parvenir les quelques éléments de réponse supplémentaires.
M. René Ecuyer (AdG). J'aimerais seulement savoir si les contrôleurs des partis sont présents lors de l'ouverture des enveloppes et s'ils sont présents durant le passage des bulletins à la machine. Si ils ne sont convoqués que le dimanche matin, je vous demande à quoi ils servent...
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai débattu aujourd'hui avec vous pour la dernière fois du budget de l'Etat de Genève. C'est un moment très émouvant et très dur pour moi. Ensemble, nous avons réussi à mettre en place une politique budgétaire, une politique que nous avons voulue transparente, c'est-à-dire basée sur des normes connues, des normes claires et appliquées; une politique que nous avons voulue prudente, et pour cela nous avons utilisé l'instrument des réserves et des provisions, de sorte que les prestations publiques puissent être financées de façon stable dans le temps quels que soient les aléas de la conjoncture. Une politique enfin que nous avons voulue juste et redistributive. C'est important de le dire au moment où la conjoncture s'affaiblit et ou le nombre de celles et de ceux qui ont besoin de l'aide de l'Etat s'accroît. Nous avons, dans ce but, entrepris de réformer l'Etat, de moderniser ses systèmes d'informations, de professionaliser la gestion de ses liquidités.
Nous avons bien travaillé ensemble, mais je suis consciente que le travail n'est pas terminé. Par exemple du côté de l'application des règles de comptabilité internationales, des normes IAS, la plus grosse partie du travail est encore à faire. Du côté des subventions aux grosses institutions, nous en avons parlé ce matin, il y a encore du travail pour avoir un peu plus de transparence. Enfin, nous avons encore à mettre en place une caisse unique pour la gestion de nos liquidités. Je ne serai plus là pour voir ces progrès et croyez-moi, je le regrette. Je sais que je peux compter sur le Conseil d'Etat et j'espère que je peux compter également sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour que nous ne nous arrêtions pas là et que l'on arrive au bout de ce travail.
Je voudrais encore vous supplier de ne pas considérer l'exercice budgétaire comme une compétition dont le but serait d'avoir le plus gros excédent possible. Je pense que cela n'est pas souhaitable; ce qui l'est, c'est au contraire de pouvoir mettre de l'argent de côté pour financer les prestations dans les périodes de difficultés conjoncturelles. La stabilité du financement des prestations est essentielle et pour y parvenir il faut utiliser les instruments de réserve et de provision. Franchement, il n'y a pas de gloire à tirer d'avoir un excédent particulièrement important. Je vous remercie de bien vouloir poursuivre avec une politique budgétaire qui soit prudente et généreuse à la fois. (Applaudissements.)
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, l'Alliance de gauche a toujours défendu l'Etat social, la justice sociale et les services publics. Nous avons connu des budgets qui étaient très clairement dirigés contre l'Etat social et les services publics et l'Alliance de gauche s'était engagée contre ce genre de budgets.
Depuis quelques temps, les budgets de la République et canton de Genève connaissent une amélioration du point de vue politique dans la mesure où ils prennent en considération certains besoins de la population. Il y a eu beaucoup de suppressions de postes. Il y a eu beaucoup de dégradations des conditions de travail du personnel de l'Etat dans les années 90. Aujourd'hui, le budget répond partiellement - et malheureusement il est encore loin de répondre totalement - aux réels besoins de la population et aux réels besoins des différents services publics, notamment en ce qui concerne les conditions de travail du personnel de ces derniers.
Nous aurions aimé que ce budget aille plus loin dans la satisfaction de ces besoins et nous regrettons que cela n'ait pas été possible. Cependant, ce budget nous donne satisfaction, sans enthousiasme. Nous nous prononcerons donc en faveur du budget dans la mesure ou les débats d'aujourd'hui n'ont pas péjoré les différents éléments que j'ai évoqués à l'instant.
J'ajoute que ce budget est bénéficiaire, et c'est une bonne chose. Je pense, Madame la conseillère fédérale élue, que c'est la conclusion d'une période de 5 ans de bonne gestion des finances publiques. J'espère que vous ferez aussi bien sinon mieux dans vos nouvelles activités. Je rappelle cependant que l'initiative 113 a été adoptée par la population genevoise. Elle doit permettre de réduire la dette. Cela montre bien que l'Alliance de gauche si elle est pour la défense des services publiques, pour la défense de l'Etat social, n'en oublie pas moins la question de l'endettement de l'Etat. Nous espérons que cette initiative 113 sera concrétisée aussi vite que possible par notre parlement.
Je vous remercie et j'espère que ce budget sera adopté par une large majorité de ce parlement.
M. Pierre Weiss (L). Je souhaite, comme M. Mouhanna le faisait ce matin, que ce parlement, surtout que ce canton ait la baraka l'an prochain et les années qui suivent pour faire face à des vaches qui vont devenir maigres. J'ignore d'ailleurs si les vaches ont la baraka... (L'orateur est interpellé.)Elles ont certes des cornes comme le dit finement M. Blanc.
J'aimerais saluer l'effort consenti par chacun ou du moins par la plupart d'entre nous et la sagesse qui a inspiré nos débats dans la mesure où nous n'avons pas pris en compte certaines propositions qui nous auraient conduits à dévier du cours fixé en commission des finances. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à Mme Grobet, notamment, qui a rejoint l'Entente dans son intention de parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses de l'Etat.
Ce parlement, Mesdames et Messieurs, est prisonnier d'un système. Tel Prométhée, il s'agira un jour de le libérer de ses chaînes en passant à des réformes de structure. Si nous avons fait cette année le maximum du minimum, il s'agira dès l'année prochaine et plus encore par la suite, de faire de plus en plus le minimum du maximum, notamment en réduisant les charges qui pèsent sur nos concitoyens, les charges fiscales en particulier. De ce point de vue, le refus de la concrétisation de l'IN 113, de même que l'acceptation de la suppression de la taxation des donations et successions en ligne directe s'imposera. 2003 sera une année très intéressante de ce point de vue et j'imagine que la conseillère fédérale alors en fonction y prêtera attention depuis Berne.
Compte tenu de ce qui c'est passé aujourd'hui, le groupe libéral se joindra à ceux qui ont décidé de soutenir ce budget en donnant à celui-ci une majorité remarquable.
Le président. Je tiens, avant le vote d'ensemble en troisième débat, à remercier M. Pangallo et l'ensemble des collaborateurs du département des finances.
La loi 8808 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.