Séance du
vendredi 13 décembre 2002 à
8h
55e
législature -
2e
année -
3e
session -
11e
séance
M 1508
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons déposé en urgence la motion qui est distribuée sur la table des députés (Brouhaha.)et sur laquelle mon ami Ecuyer reviendra. Suite à un certain nombre de sondages, nous avons été amenés à faire des constats d'ordre général concernant la perception des impôts qui est arrivée et qui arrive encore ces jours dans les foyers genevois, constats portant sur une certaine inégalité de traitement: si les personnes dont les revenus ont augmenté ont logiquement vu une augmentation de leurs impôts et celles dont les revenus ont diminué ont logiquement vu une diminution de leurs impôts, un certain nombre de problèmes ont toutefois surgi, notamment concernant des augmentations d'impôts non négligeables pour des personnes dont l'augmentation de revenu était peu importante. Bien que cela demande vérification, il semble y avoir plus particulièrement un problème concernant les personnes âgées, dont les revenus n'ont à l'évidence pas augmenté ces deux dernières années, mais dont les impôts ont eux augmenté. Ce nouveau problème s'ajoute à celui relatif aux familles, qui était apparu avant l'été et auquel nous avions remédié par une votation ayant recueilli un nombre considérable de suffrages. Toujours est-il que nous demandons... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Oui, du genre que vous connaissez dans certains pays ! Ah non, moi je n'ai pas connu cela, je vous prie de m'excuser, Monsieur Blanc ! Toujours est-il que nous demandons par l'adoption de cette motion que le Conseil d'Etat, et plus particulièrement Mme Micheline Calmy-Rey, utilise ses derniers jours de mandat en notre canton pour essayer d'éclaircir la situation et nous faire rapport assez rapidement sur cette question. M. Ecuyer donnera des exemples plus concrets à ce sujet.
M. Pierre Froidevaux (R). Je souhaiterais revenir sur l'évaluation des revenus fiscaux de l'Etat. Madame la présidente du département, vous nous avez habitués cette année à un sujet qui me préoccupe:vous avez en effet fait des prévisions pour la fiscalité de cette année, prévisions au sujet desquelles l'on a parlé d'un «couac». Or, lorsque nous avons étudié ce «couac», nous n'avons pas obtenu les valeurs que l'on a pu juger comme étant correctes.
Madame la présidente, vous nous annoncez une augmentation des revenus d'environ 3 %. Je m'interroge cependant, lorsque j'examine le budget, sur la manière d'obtenir un tel chiffre. Nous savons que l'imposition de 1999 est arrivée dans les caisses de l'Etat; elle est calculée de façon certaine. L'année 2000 était une brèche fiscale: un certain nombre de ressources étant réapparues, certains citoyens ont profité de cette brèche fiscale, ce qui généré une amélioration alors bien réelle des revenus. Quant à l'année 2001, nous n'avons pas pu avoir des chiffres corrects, le budget étant encore en cours d'établissement durant l'été. Or, vous nous expliquez que vous avez fait une moyenne générale sur ces dernières années en tenant compte, naturellement, de l'année 2000, qui a été une année particulièrement favorable.
Nous voulons bien partager votre optimisme en disant qu'il y aura réellement une augmentation des revenus de l'Etat. Je crains toutefois que cela ne soit davantage une augmentation de la charge fiscale. En effet, j'ai examiné le document que nous avons tous reçu dans notre boîte aux lettres pas plus tard que hier soir, mettant en évidence la marche de l'Etat - et je rappellerai que l'on doit tenir compte de ce document réalisé par l'OCSTAT, car la statistique constitue la base de l'Etat, le terme «statistique» comprenant le mot «Etat». Or, ce document met en évidence le fait que la marche des affaires dans l'industrie est de 5 points - il s'agit du dernier chiffre proposé - et que l'indice avancé de l'économie genevoise, qui était de 100 en décembre 1983, est estimé à 98,9 en septembre de cette année. Ces indices montrent très clairement que nous avançons vers une potentielle régression. Se pose dès lors la question de savoir comment vous avez pu obtenir une augmentation de 3 % des revenus pour l'Etat. Je souhaiterais donc avoir toutes ces précisions.
Le président. Je rappelle que nous discutons actuellement de la motion. Cette dernière n'ayant cependant pas été inscrite au point 4 de l'ordre du jour, elle ne sera pas mise aux voix, mais elle sera remise dans l'ordre du jour normal. Monsieur Pagani, je vous rappelle que vous ne pourrez intervenir que trois fois dans tout ce chapitre. La parole est à M. Ecuyer.
M. René Ecuyer (AdG). Je ne peux pas vous donner des exemples précis, car il en existe un grand nombre. Je peux cependant vous affirmer qu'il s'agit d'un tour de passe-passe, auquel l'on pourrait croire. Le terme de «rabais» d'impôts prend ici tout son sens, car l'impôt de base est calculé sur le revenu imposable: vous soustrayez donc à votre revenu brut les déductions autorisées sur ce revenu pour calculer l'impôt de base avant les déductions sociales. Vous prenez ensuite le rabais, qui se monte pour un couple à 27 000F, à quoi s'ajoutent les déductions AVS pour les retraités ou les déductions pour les couples sans enfant, puis vous calculez l'impôt sur ce rabais, mais à un taux évidemment inférieur à l'impôt de base - l'impôt étant progressif. C'est en fait la différence d'utilisation des taux qui provoque cette augmentation pour des revenus égaux. Il faut donc corriger cela, car elle crée une différence importante.
Certaines personnes dont le revenu est identique connaissent une différence d'imposition de 2 000F! (Brouhaha.)L'augmentation est donc réelle. (Le président agite la cloche.)Lors des journées d'explication organisées à l'Avivo, les gens sont venus par dizaines demander pourquoi ils avaient une augmentation d'impôts. Les correctifs apportés n'ont donc malheureusement pas été suffisants, puisque les gens se voient pénalisés.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le projet de motion qui nous est présenté par M. Pagani mérite certes un certain intérêt. Je me demande cependant s'il n'arrive pas comme la grêle après les vendanges dans la mesure où, lors de la révision de ce que l'on avait appelé le «couac» de cette réforme fiscale liée au rabais d'impôts, je me souviens que mon collègue député M. Iselin avait rendu attentif ce parlement aux effets pervers de ladite révision pour les personnes âgées, car l'on savait déjà à cette époque qu'il y aurait de fortes hausses d'impôts pour les personnes âgées. Il s'agit donc d'un phénomène connu depuis de nombreux mois, phénomène dont nous avons déjà discuté, et qui recèle peut-être encore des effets pervers. Il ne faut pas, selon moi, restreindre notre analyse aux seules personnes âgées, car des couples mariés avec un ou deux enfants semblent être dans une situation analogue: ils connaissent également une forte augmentation d'impôts sans augmentation de revenus. Il me semble que le Conseil d'Etat, notamment le département des finances, avait proposé que l'on fasse le point après six mois. Je suggère donc que l'on attende le rapport d'experts indépendants et que nous tirions les conclusions de la réforme fiscale dans six mois.
M. Rémy Pagani (AdG). J'aimerais tout d'abord rappeler l'accord minimum sur lequel tout le monde s'entendait, à savoir que cette réforme des impôts devait être une opération blanche. Je précise ensuite que nous ne remettons pas en cause le rabais d'impôts, car nous sommes conscients que cette manière de faire préserve justement la politique d'opérations blanches. Toujours est-il qu'aujourd'hui, comme l'été dernier, certaines catégories de la population, comme les familles, voient leurs impôts augmenter, alors que les revenus n'augmentent pas. Il y aura en outre une nouvelle augmentation pour les retraités, qui ne seront plus exonérés des quelque 10 % sur la LPP. Cela constitue un problème supplémentaire.
Nous demandons pour notre part - et je lis l'invite - que l'on nous présente «au plus vite un rapport sur l'application de la LIPP V et les catégories de contribuables qui subissent une augmentation de leur impôt sur le revenu en vertu de ladite loi malgré l'adaptation apportée à cette loi en septembre 2002, ainsi que sur les remèdes qu'il y aurait lieu d'apporter à cette situation». Nous estimons par ailleurs que ceci doit être fait rapidement, afin que les retraités - et ils sont nombreux dans notre collectivité - ne connaissent pas l'année prochaine une augmentation de leurs impôts du fait de cette réduction de 10 % et du fait de cette distorsion malheureuse, que nous n'avons pas voulue, en ce qui concerne le rabais d'impôts.
Ceci étant, Monsieur le président, je vous propose de mettre au vote cette motion et de l'inscrire à l'ordre du jour, car je conçois mal qu'elle soit votée dans six mois au rythme où va notre travail de parlementaires. Je propose donc que vous la mettiez aux voix, comme il se doit, car l'on peut modifier en tous temps notre ordre du jour. Et, si la présidente du département le veut bien, il serait souhaitable que nous traitions rapidement ce problème.
Nous ne sommes cependant pas sûrs que le problème évoqué touche l'ensemble des retraités; seule une certaine catégorie pourrait être touchée. Il serait bon de le savoir avant la grande réforme qui va les toucher l'année prochaine.
Le président. La parole est à M. Iselin. Nous attendrons ensuite la réponse de Mme Calmy-Rey et, si le rapport ne venait pas rapidement, je mettrai aux voix votre proposition. Je rappelle que la majorité des deux tiers est nécessaire pour l'acceptation de ladite motion.
M. Robert Iselin (UDC). Je renonce à mon intervention, mon collègue Catelain ayant déjà fort habilement mentionné ce que je souhaitais relever.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Je tiens à dire, concernant les problèmes évoqués par rapport à la LIPP V, qu'il n'y a pas eu de problèmes avec cette LIPP V, ni concernant les familles, ni concernant les retraités, comme vous le savez aujourd'hui.
Je rappellerai, concernant les retraités, que la LIPP V a été une opération d'harmonisation avec la loi fédérale. Cette dernière n'autorisait en effet plus la déduction cantonale des rentrées AVS-AI, qui pouvait aller jusqu'à 50 % en fonction des autres revenus. Si nous n'avions pas trouvé la solution du rabais d'impôts, l'augmentation d'impôts pour les retraités aurait été extrêmement importante. Or, ni moi ni la commission fiscale n'avons souhaité cela. Nous avons donc introduit l'instrument du rabais d'impôts pour corriger cette distorsion. Je vous rappelle que des simulations avaient été faites à l'époque, simulations qui portaient jusqu'à 18 000F une déduction sociale pour les retraités classiques sur leurs revenus bruts. Nous avions vu que cette déduction classique corrigeait très faiblement l'augmentation d'impôts pour les retraités. Avec le rabais d'impôts, la correction était beaucoup plus importante, bien que pas totale. Dans le cadre de la LIPP V, cette correction est globalement neutre: deux tiers des gens y trouvent un avantage, un tiers un inconvénient. Un certain nombre de retraités connaîtront donc effectivement une augmentation d'impôts. Vous connaissez les résultats de ces simulations, qui vous ont été donnés. Je ne vois dès lors pas ce qui pourrait être rajouté.
Ceci étant, comme une motion avait d'ores et déjà été renvoyée au Conseil d'Etat au moment de la discussion sur les familles, je m'étais montrée d'accord de vous faire rapport sur la correspondance entre la simulation qui avait été faite et la réalité des choses une fois que tous les bordereaux 2001 auront été envoyés: cela reste valable, et je prends la motion, si vous êtes d'accord, dans le cadre de ce rapport plus général qui vous sera remis. Mais je vous en supplie, Mesdames et Messieurs,soyez conscients que le rabais d'impôts protège les retraités autant que faire se peut ! Cela ne les pénalise pas !
Je souhaite dire en deuxième lieu à M. Froidevaux qu'il a entièrement raison: il y a effectivement une augmentation de 3,7 % des revenus de l'Etat par rapport au budget 2002, augmentation qui est portée au budget 2003. Ceci étant, le budget 2002 avait été estimé, comme d'habitude, de façon extrêmement prudente par le Conseil d'Etat, voire de façon trop prudente. Je suis dès lors en mesure de vous dire aujourd'hui, puisque nous avons fait une projection des comptes 2002 à la fin de l'année, que nous obtenons un résultat largement supérieur aux chiffres qui ont été mis dans le budget 2002. Par conséquent, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la croissance du budget 2003 par rapport aux comptes 2002 est de 0 %. L'on ne peut donc guère dire que le Conseil d'Etat fait preuve d'inconséquence dans l'inscription des recettes. Ainsi, si j'étais à votre place, Monsieur Froidevaux, je ne me ferai pas de souci. Je n'ai d'ailleurs jamais eu pour habitude de surestimer les recettes; l'on m'a plutôt reproché de les sous-estimer systématiquement! (Applaudissements.)
Le président. Madame la présidente ayant souhaité que cette motion lui soit renvoyée, je la considère comme renvoyée au Conseil d'Etat sans vote.
M. Ecuyer, vous tenez vraiment à prendre une nouvelle fois la parole? Bien, mais très brièvement, après quoi nous ferons la pause.
La motion 1508 est adoptée.
M. René Ecuyer (AdG). Je m'interroge simplement sur le point suivant: pourquoi n'avez-vous pas pu utiliser le même taux pour la défalcation du rabais d'impôts ? Il s'agit effectivement simplement de la différence de taux. Il était certes tout à fait juste d'essayer de trouver un moyen de ne pas faire payer les retraités d'une façon incroyable, car les augmentations auraient été spectaculaires. Mais pourquoi ne pas avoir utilisé le même taux pour la défalcation ?
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Sans rentrer dans des argumentations techniques, il faut savoir que ces instruments sont différents. Il n'est donc pas possible de faire avec le rabais d'impôts exactement la même chose qu'avec une déduction sur le revenu brut. L'on a vraiment poussé le raisonnement jusqu'au bout. Je suis prête à demander à l'administration fiscale de venir à l'Avivo pour vous expliquer ces problèmes ainsi qu'aux personnes concernées.