Séance du
jeudi 28 novembre 2002 à
20h35
55e
législature -
2e
année -
2e
session -
7e
séance
Le président. La séance est ouverte à 20 h 35, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Robert Cramer et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Erica Deuber Ziegler, Alexandra Gobet Winiger, Dominique Hausser, André Hediger, David Hiler, Jacqueline Pla, Alberto Velasco, Anne-Marie Von Arx-Vernon et Ariane Wisard-Blum, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
MM. Serge Fasel, Didier Brosset et Claudio Mascotto sont assermentés. (Applaudissements.)
Suite du débat
Mme Michèle Künzler (Ve). C'est un débat extrêmement important, qui ne doit pas être évacué par des opinions simplistes. Cela touche des questions existentielles, la vie et la mort, et c'est vrai que nous partons tous d'un point de vue différent. Nous avons tous notre histoire personnelle. Cette question nous touche beaucoup, même si dans notre société, la mort est un tabou. Elle survient toujours comme un moment de stupeur dans une société vouée à l'instant, et on ne comprend pas que la vie puisse s'arrêter. Je crois que dans cette question des cimetières, il faut avoir une vision plus élevée de ce qui pourrait être fait. Je ne pense pas que les solutions simplistes proposées, soit revenir à la loi d'il y a cent trente ans, puissent convenir à la situation actuelle.
Nous pensons que le cimetière doit être un espace public, réservé à tous les citoyens et habitants de cette République. On doit pouvoir offrir une place à chacun. Personne ne doit être exclu de ce cimetière. Mais il faut aussi faire en sorte que chacun puisse y accéder avec ses problèmes, avec ses difficultés. Même si personnellement, je n'y accorde que peu d'importance, c'est extrêmement important pour certaines personnes de savoir comment elles seront enterrées. C'est pourquoi il ne faut pas faire peser une charge très lourde sur ces gens, à un moment difficile de leur existence. Il faut avoir une forme de respect pour leur situation, même si on ne partage pas forcément leur avis. Cela s'appelle tenir compte de la fragilité humaine.
Il faut aussi adapter cette loi à ce nouveau contexte, pour offrir une vraie laïcité. Comme l'a souligné M. Vanek, c'est vrai que même dans l'espace public ordinaire, on ne camoufle nullement les églises ou les mosquées; elles existent, on voit qu'il y a des religions différentes, qu'il y a des opinions différentes, et il est normal de les respecter. Dans le cimetière aussi, on doit voir cette pluralité. Les Verts, au Conseil municipal déjà, avaient évoqué cette question, car elle se pose pour un grand nombre de nos concitoyens, c'est pourquoi il faut la régler maintenant. Nous devons viser la cohabitation paisible, même parmi les morts. Ce qui se passe pour les morts est toujours un signe de ce qui se passe pour les vivants.
Pour moi, il est clair que ce sont les vivants qui comptent. Nous refuserons donc cette motion, et demandons instamment au Conseil d'Etat de revenir sur cette loi pour nous faire un nouveau projet de loi qui permette une plus grande souplesse dans l'application de la loi.
M. Sami Kanaan (S). Les socialistes ne feront pas de déclaration catégorique ce soir pour décider si, par exemple, la Ville de Genève a eu tort ou raison dans ce dossier; nous ne ferons pas non plus de déclaration sur la solution qu'il serait bon d'adopter, ni sur la pertinence ou non de la loi en l'état. Nous sommes surtout soucieux de la manière dont ce débat a lieu et doit avoir lieu, et aimerions nous assurer que quelles que soient les positions de départ, il se fasse dans la sérénité et l'écoute mutuelle. En particulier, nous incitons toutes les personnes souhaitant y participer à bien vérifier de quoi elles parlent avant de prendre position.
Personne ici, je crois, n'est spécialiste des rites funéraires. Les hasards de la vie font que j'ai enterré mon père selon le rite musulman et ma mère selon le rite chrétien, ce qui ne me permet pas de dire ce qui est juste ou faux dans ce domaine, car celui-ci relève de la sphère privée. La laïcité est un principe fondamental de notre société, et les socialistes y tiennent. Nous y sommes attachés. Mais la question - légitime dans un Grand Conseil qui s'occupe de législation - est de savoir si la loi, telle qu'elle a été conçue, est toujours adaptée à ce qu'on souhaite atteindre ou à ce qu'on comprend par laïcité. Je vous rappelle que la loi est issue de débats du XIXe siècle. Elle est liée à un contexte et à des problèmes de l'époque, dont certains restent pertinents alors que d'autres ont évolués. Elle a permis d'assurer la paix confessionnelle, elle a permis d'harmoniser les relations entre les communautés et on peut estimer de ce point de vue-là - sous toutes réserves - qu'elle a atteint son objectif.
Elle était apparemment compatible avec les différents besoins exprimés à l'époque, et chacun a dû alors faire un bout de chemin pour arriver à un compromis. C'est un résultat positif, à préserver certainement.
C'était donc en quelque sorte une laïcité source d'intégration. Est-ce toujours le cas aujourd'hui ? Il est normal et légitime - je le répète - qu'un Grand Conseil se pose cette question de temps en temps. Cela ne se passe jamais de la manière attendue, c'est parfois un incident particulier, parfois l'évolution d'un problème qui provoque le questionnement. Or si on décide d'emblée - comme certains le font - d'exclure les demandes formulées aujourd'hui ou récemment par l'une ou l'autre des communautés, si on décide d'emblée que ces demandes sont incompatibles avec la laïcité, cela signifie qu'on refuse le dialogue. Cela veut dire qu'on décide d'emblée qu'ils ont tort, que c'est à eux de s'adapter à la laïcité telle que définie au XIXe. Cela veut dire qu'on refuse la discussion et la concertation. Il n'est pas question ici d'accepter d'emblée quelque demande que ce soit, il s'agit simplement de se demander si on peut au moins écouter les demandes et en discuter sereinement, pour voir ce qu'il y a à faire. Sinon, on fait de la ségrégation, voire - même si cela n'est pas voulu - on dérive vers l'assimilation forcée, qui n'est certainement pas une affaire raisonnable. On peut aussi choisir la solution de facilité - certains l'ont déjà proposée - qui serait la privatisation des cimetières confessionnels, mais les socialistes ne sont pas sûrs qu'ils s'agissent d'une bonne idée.
Le doute subsiste quant à savoir si la laïcité, telle que définie aujourd'hui, est toujours aussi laïque que le prétendent les uns et les autres, si elle est toujours aussi équitable; on se demande même si elle n'a pas un léger biais, par lequel elle répondrait aux besoins des communautés chrétiennes plus ou moins pratiquantes... Il se trouve qu'apparemment - les communautés musulmane et juive le disent - la laïcité telle que définie aujourd'hui peut poser problème aux communautés non chrétiennes. Nous sommes pour une laïcité citoyenne, prise au sens large, qui consiste à assurer la neutralité de l'espace politique et institutionnel, ainsi que la neutralité de l'Etat civil face aux religions. La religion relève de pratiques de la sphère privée, mais à aucun moment la laïcité publique, définie dans la constitution, ne doit empêcher la pratique religieuse, surtout face à la mort. Et si nous appliquons la laïcité, il faut qu'elle le soit de manière équitable, or on se rend compte qu'aujourd'hui, dans la pratique, il y a ma foi des rites chrétiens au cimetière de Saint-Georges - apparemment personne n'y trouve à redire - alors que ce n'est pas certain que les communautés juive et musulmane puissent y pratiquer des rites propres à leur confession.
Les motionnaires sont particulièrement mal informés. La Ville de Genève a précisé un certain nombre d'éléments, notamment le fait que le règlement n'a pas été modifié sur ce point. Il se trouve que la pratique existe depuis longtemps: cela fait des années, voire des dizaines d'années, qu'il existe des cimetières qu'on pourrait appeler confessionnels, et il est intéressant de voir que les motionnaires n'ont pas réagi plus tôt. Il y a le cimetière musulman du Petit-Saconnex, le cimetière juif de Carouge ou celui de Veyrier...
Une voix. Il est sur France !
M. Sami Kanaan. Oui, il est sur France avec une porte sur la Suisse, donc très cohérent ! Si le problème ressort aujourd'hui, c'est simplement qu'apparemment ces espaces sont pleins. Cette pratique a été tolérée en ville de Genève - faut-il le préciser ? - par deux magistrats radicaux. Nous savons que le groupe radical fait du révisionnisme en permanence, puisque tout ce qui a pu être fait par Guy-Olivier Segond n'a forcément plus le droit d'exister... C'est Guy-Olivier Segond qui a ouvert cette pratique, poursuivie par Michel Rossetti, et aujourd'hui c'est le groupe radical qui fait la leçon à la Ville de Genève ! Leur mémoire est très courte dans ce domaine... Mais dans un domaine aussi sensible, on ne plaisante pas avec des faits en plus assez récents.
De plus - et cela a déjà été dit - il existe toutes sortes de régimes particuliers dans ces cimetières: aujourd'hui, le principe de tombe à la ligne est respecté pour ceux qui choisissent l'ensevelissement gratuit, mais toute personne prête à payer une somme relativement modeste - en l'occurrence de quelques centaines de francs - peut avoir une concession de son choix, avec une orientation de son choix, à l'endroit de son choix, sous réserve de place disponible au cimetière de Saint-Georges. Et c'est sans compter d'autres solutions particulières: nous connaissons la situation du cimetière des notables à Plainpalais, qui apparemment ne dérange personne.
La Ville de Genève a peut-être fait preuve de maladresse, mais on jugera au moment du débat en commission, de manière sereine. Il faut dire cependant qu'elle s'est trouvée face à des demandes auxquelles elle a tenté de répondre, et qu'un processus de discussion a débuté. C'est certainement recommandé. Cela prouve que le dialogue est possible et qu'il ne s'agit pas d'accepter telles quelles les demandes. De notre côté, nous souhaitons que cette motion, même si elle nous paraît douteuse en l'état, aille en commission, justement pour éviter toute polémique, tout doute. En commission législative ou aux affaires communales - le lieu est relativement secondaire - nous aurons l'occasion d'entendre toutes les personnes concernées, de vérifier quelles sont les réelles demandes, quels sont les scénarii possibles, et nous pourrons trouver une solution qui puisse aboutir, le cas échéant, à une révision de la loi de 1876, et qui préserve la laïcité tout en donnant l'espace nécessaire à l'exercice libre de la pratique religieuse.
Il reste une dernière chose qui nous choque beaucoup, qui est un des grands dangers de ce débat et que n'a malheureusement pas évité un des intervenants radicaux: sous prétexte que ce sont en l'occurrence des musulmans qui font des demandes par rapport à leurs rites funéraires, on assimile cela de fait à de l'intégrisme. C'est là un des pires dangers, car ce serait coller à l'ensemble de la communauté musulmane à Genève, en Suisse ou à l'étranger, l'étiquette intégriste. Dans le contexte actuel, nous trouvons cela particulièrement lamentable. C'est pourquoi le groupe socialiste insiste sur la nécessité de mener ce débat de manière ouverte et sereine, et propose d'envoyer cette motion en commission, non pas parce qu'il l'approuve, mais parce qu'une clarification est visiblement nécessaire. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez parlé pendant sept minute trente-cinq; la prochaine fois, on vous interrompra. Le Bureau vous propose de clore la liste des orateurs, car il y a déjà neuf personnes inscrites.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Christian Bavarel (Ve). La question qui est posée ce soir est de savoir si la mort est un moment privé ou public. Les archéologues considèrent les premières traces de religion lorsqu'un rite funéraire est avéré. Nous sommes donc bel et bien sur un sujet fondateur de la civilisation. Nous sommes sur quelque chose qui touche très profondément les gens qui vivent dans notre pays, quelles que soient leur nationalité, leur confession, leur religion.
Ce thème du culte des morts exige de nous des précautions. Il s'agit de moments douloureux pour les vivants, pour ceux qui doivent accompagner l'un des leurs vers autre chose ou vers le néant. Le risque encouru par des principes et des cimetières qui excluraient certaines personnes est aussi important. Faut-il revenir à une époque où les comédiens ou les suicidés étaient interdits de cimetière par la religion catholique ? Faut-il encore penser que des personnes non baptisées ou autres ne puissent avoir accès à certains lieux ? Se pose aussi le problème des couples de confessions différentes, qui est un cas sans doute assez courant dans notre société et ville de Genève, qui s'enrichit de ces différences.
Comme Mme Michèle Künzler l'a dit, les Verts ne pourront pas accepter cette motion de manière catégorique. Nous ne souhaitons pas non plus que cette motion parte telle quelle en commission. Nous voulons réellement que le Conseil d'Etat présente un autre projet, quelque chose qui tienne compte des différentes sensibilités. A ce moment-là seulement, nous serons prêts à l'envoyer en commission et à l'étudier.
Le président. Merci, Monsieur le député, mais je suis obligé d'appliquer le règlement et pour l'instant, nous n'avons qu'un texte.
M. Pierre Schifferli (UDC). Le groupe UDC appuie la proposition de motion du groupe radical, concernant l'application de la loi sur les cimetières du 20 septembre 1876. En fait, il s'agit d'une invite toute simple au Conseil d'Etat, pour qu'il respecte et fasse respecter la loi.
Nous partageons également les réflexions qui nous ont été soumises par M. Kunz: l'octroi de carrés confessionnels exclusifs serait manifestement le prélude à la satisfaction d'autres revendications religieuses, qui iraient contre le principe de la laïcité et du droit. Ce Grand Conseil ne peut pas et ne doit pas accepter les revendications de minorités religieuses qui pratiquent parfois la ségrégation et l'exclusion pour les vivants, notamment dans le mariage, et qui veulent maintenant nous imposer la ségrégation et l'exclusion pour les morts.
Notre vote doit être un vote de refus de l'arrogance et de l'exclusion. Je rappelle aussi que si les protestants et les catholiques suisses, qui se sont combattus pendant plus de trois cents ans dans notre pays, souvent par les armes, ont enfin accepté de faire la paix et d'instaurer un minimum de laïcité et de neutralité confessionnelle dans nos lois, il n'appartient pas à des religions souvent agressives, étrangères à nos traditions et à notre histoire suisse, de nous imposer leur solution confessionnelle dans le domaine publique. (Protestations.)
La Suisse, que vous le vouliez ou non, est une nation d'histoire et de tradition chrétiennes, et la croix fédérale de notre drapeau - il faut le rappeler - a pour origine celle du drapeau du canton qui a donné son nom à notre pays, le canton de Schwyz ! Si l'on suit la logique de certains députés de gauche, il faudrait alors aussi enlever la croix de notre drapeau. Elle a été octroyée aux Schwyzois pour leur courage au combat. Aujourd'hui, les chrétiens, les musulmans et les juifs ne sont pas discriminés, ils ont le droit de reposer à jamais, ensemble et côte à côte, sur notre terre suisse. Aussi bien le christianisme que le principe de laïcité nous imposent cette solution, qui est celle de la loi actuelle, qu'il convient simplement de faire respecter par les autorités communales.
Le président. Merci, Monsieur le député. Ce débat est resté très digne jusqu'à présent, et je souhaite qu'il reste ainsi jusqu'à la fin et que chacun écoute les arguments de l'autre.
M. Pierre Weiss (L). Je voudrais notamment féliciter ceux qui, parmi mes préopinants, ont précisément eu à coeur de donner à ce sujet la dignité qui lui sied. Certains ont prétendu, d'une façon que je trouve quelque peu apodictique, que le XXIe siècle serait religieux ou ne serait pas. Pour ma part, je ne sais pas dans quelle société nous voulons vivre, mais s'il s'agissait d'une société spirituelle, d'une société religieuse, je ne voudrais pas qu'elle soit intégriste. Et ne voulant pas qu'elle soit intégriste, je n'aimerais pas non plus que la paix qui règne dans les cimetières nous donne l'occasion de nous livrer ici à une guerre de fort mauvais aloi.
Dans quelle société voulons-nous vivre dans ce XXIe siècle ? Voulons-nous une société faite, en ce qui concerne les vivants, de pluralisme et, notamment en ce qui concerne les morts, d'égalité, ou voulons-nous au contraire une société de communautarisme ? Car voilà à quoi pourrait conduire une prise en considération de la demande de carrés confessionnels dans les cimetières publics; c'est en tout cas un risque que certains pourraient y voir, et une interprétation que d'autres pourraient donner.
Le terme hypocrisie a été prononcé tout à l'heure à propos du cimetière juif de Veyrier. Je crois qu'il est fort à propos. Je crois qu'il s'agit de ne plus vivre dans un monde hypocrite, où l'on rejette certains morts de notre communauté en dehors de nos frontières, et je crois tout autant qu'il est important de ne pas transformer la société dans laquelle nous sommes en une société faite d'exclusions. En d'autres termes, je plaide pour que les lumières du XVIIIe tombent en quelque sorte sur la laïcité, qu'elles sachent la renouveler, qu'elles sachent donner à cette laïcité une vision inspirée, de tolérance et de pluralisme. Cette vision devrait faire en sorte que nos citoyens, principalement et de plus en plus je l'espère, acceptent d'être enterrés dans des cimetières publics, mais que des règles spécifiques soient aussi disponibles pour ceux qui refuseraient la règle commune. Ces règles spécifiques devraient leur permettre un enterrement dans des espaces privés, car de même qu'il y a des écoles privées, de même devrait-il également y avoir des cimetières privés, où la ferveur religieuse particulière permettrait le plein accomplissement des rites.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaite, dans un renvoi de cette motion en commission, où elle devrait, je l'espère, avec toute la sagesse nécessaire, trouver les accommodements et les améliorations ponctuelles qui, d'une part, respecteraient l'histoire de notre République et qui, d'autre part, permettraient une adaptation à l'esprit de notre temps et à celui de ce XXIe siècle que j'appelle de mes voeux comme étant pluraliste et tolérant.
M. Robert Iselin (UDC). En fait, mon collègue Pierre Weiss a exprimé avec une bien plus grande habileté que je ne le puis, mes pensées et mes réactions. Je voudrais simplement rappeler, à titre anecdotique, qu'il y a dans ce pays encore trente églises utilisées par les deux confessions et que depuis la Réformation, les deux communautés ont fait un effort de compréhension. Je ne voudrais pas que revienne dans ce pays cet esprit rappelé par une anecdote qui nous faisait rire enfants, de ce brave curé du Midi de la France, élevé dans une tradition fort respectable, mais qui se regimbait parce qu'il fallait enterrer un hérétique de ma tradition, et qui déclara: «Ah non, pas là, il aurait la vue sur la mer !»
M. Christian Grobet (AdG). Comme Pierre Vanek l'a indiqué tout à l'heure, le groupe de l'AdG n'a en fait pas pris de position sur cette motion. Nous avons eu une discussion, un certain nombre d'avis divers ont été évoqués, et le seul point sur lequel nous nous sommes mis d'accord est de renvoyer cette motion non pas à la commission des affaires communales mais à la commission législative, puisque celle-ci a pour mission d'examiner le fonctionnement de nos institutions. Or, cette motion touche effectivement le fonctionnement de nos institutions.
On voit par le débat de ce soir que le problème évoqué par cette motion touche diversement les uns et les autres, mais toujours de manière très directe. En ce qui nous concerne, moi et mes camarades de l'Alliance de gauche, nous sommes attachés au premier chef au principe de la laïcité. Il faut bien reconnaître - et Pierre Vanek l'a mis en évidence - que cette laïcité n'est pas respectée à la lettre, puisqu'il y a eu en effet un long débat aux Chambres fédérales pour savoir si la Constitution fédérale conserverait ce préambule où on invoque le Souverain, ou plutôt...
M. Claude Blanc. Dieu Tout-puissant !
M. Christian Grobet. C'est cela, Dieu Tout-puissant. Vous m'excuserez, Monsieur Blanc, vous avez toujours une excellente culture, surtout...
M. Claude Blanc. Vous n'avez pas peur des mots ! (Le président agite la cloche.)
M. Christian Grobet. Non, je n'ai pas peur des mots, cher Monsieur, mais je connais toute votre science en ce qui concerne l'Eglise, et j'avoue ne pas avoir les mêmes connaissances que vous dans ce domaine ! C'est vrai qu'il y a des gens qui aiment bien évoquer Dieu, et d'autres qui sont peut-être plus modestes et s'abstiennent de faire cette invocation. (L'orateur est interrompu par M. Blanc; le président agite la cloche.)Je sais, Monsieur Blanc, que vous aimez bien invoquer la religion, mais je ne suis pas sûr que vous le fassiez toujours à bon escient !
Ceci dit, il est vrai que la laïcité est loin d'être appliquée partout dans ce pays. Je me félicite qu'on ne voie pas de crucifix dans les écoles genevoises, mais il y en avait dans certains cantons catholiques. Je me souviens avoir plaidé devant un tribunal à Fribourg, où un crucifix était accroché au mur derrière le juge ! Ne parlons pas des hôpitaux et autres... Je ne sais pas si le Conseil d'Etat a abandonné ou non cette pratique de faire prêter serment sur la Bible, mais il est vrai qu'on a gardé toute une série de traditions qui ne sont pas laïques. Dans les cimetières aussi, on admet - M. Gautier me le rappelait tout à l'heure - que chacun manifeste sa confession par un signe distinctif sur les pierres tombales.
Pourtant, comme d'autres l'ont relevé, certains principes de la laïcité ont apporté une paix religieuse, tout particulièrement à Genève. Il faut reconnaître qu'à la fin du XIXe siècle il y a eu une Kulturkampfterrible à l'égard de l'Eglise catholique, et je suis convaincu que nos principes de laïcité ont précisément permis de retrouver la paix confessionnelle à Genève. Pour une fois, je souscris aux propos tenus tout à l'heure par M. Kunz, qui a très bien cadré cette question, même si l'on peut avoir des opinions divergentes.
Ce qui me paraît fondamental, c'est qu'on ne saurait modifier la loi par la pratique ! La loi est là, elle existe. La motion ne fait du reste que demander que cette loi soit respectée, et si l'on veut faire autrement, il faut modifier la loi ! Personnellement, j'aurais tendance à dire qu'on pourrait voter immédiatement cette motion qui ne fait que rappeler ce principe fondamental de notre Etat de droit, et qui vise précisément à éviter que des initiatives contraires à la loi puissent créer des troubles - car c'est ce qui va se passer. Mais je suis aussi d'accord d'examiner si d'autres solutions existent, et de bien comprendre le message de mon ami Manuel Tornare que j'aime beaucoup. J'avoue cependant que la lecture de cette lettre m'a laissé sur ma faim. On a l'impression qu'il dit quelque chose, qu'il en écrit une autre, et peut-être a-t-il changé d'avis comme cela a été évoqué tout à l'heure, je n'en sais rien. Le plus simple eût été que la Ville de Genève use de son droit d'initiative ! Je remarque que ce soir, nous avons une motion du Conseil municipal de Vernier, qui nous demande de prendre des mesures sur l'avenue de Châtelaine - on verra si on les prend ou pas - et rien n'empêchait la Ville de faire de même ! Jusqu'à fait nouveau, la question est réglée par la loi, c'est donc du domaine de notre Grand Conseil.
Par voie de conséquence, je ne m'opposerai pas à ce que cette affaire soit renvoyée à la commission législative pour en débattre, pour bien comprendre ce qui est proposé, mais je voudrais dire en tout cas que cela serait une profonde erreur de laisser entrevoir des solutions qui ne correspondraient pas à la loi telle qu'elle est aujourd'hui, cela sans modifier cette loi. Je crois que nous irions vers de sérieuses difficultés. Nous voyons aujourd'hui que le principe de la laïcité n'est pas seulement contesté dans les cimetières, mais aussi ailleurs, et j'aimerais ici, entre parenthèses, rendre hommage à...
Le président. Il est temps de conclure, vous avez dépassé les sept minutes !
M. Christian Grobet. J'arrive à la fin ! Permettez-moi pour une fois de rendre hommage au Conseil d'Etat, tout particulièrement à Mme Brunschwig Graf, mais je suis certain que M. Unger sera tout aussi attentif au problème des crucifix dans les hôpitaux. Il y a des demandes, on le sait, et je crois qu'il faut être rigoureux, sans quoi nous aurons des problèmes, cela est certain.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je souhaite que les orateurs ne dépassent pas les sept minutes auxquelles ils ont droit. Monsieur le député Jean Spielmann, c'est à vous.
M. Jean Spielmann (AdG). La question qui nous est posée est relativement simple, même si elle porte sur des aspects très importants liés à la liberté de croyance de chacun. Je crois que cela doit être respecté. Il y a dans nos lois une série de dispositions qui précisent quelles sont les libertés de culte, quelles sont les libertés d'organisation, etc. Dans notre Constitution, sous liberté d'organisation des Eglises, il est toujours précisé que cette liberté est accordée sous réserve du respect des lois, des réglementations de police; on dit aussi que dans leur organisation, elles doivent respecter le code des obligations. La loi est chaque fois mise en évidence. Autrement dit, il s'agit de quelque chose de complètement séparé de l'Etat, c'est le principe de la laïcité.
Mme Künzler nous a expliqué tout à l'heure que ce qu'il fallait en fin de compte, c'était une cohabitation paisible même au moment de la mort. Moi, je veux bien, mais faut-il séparer les gens pour qu'il y ait cohabitation paisible ? Faut-il instaurer la différence alors que vivants, ils étaient les mêmes ? Il y a là à mon avis un problème de fond. Je comprends à certains égards les propositions faites par M. Weiss, notamment l'idée que chacun doit pouvoir jouir de la liberté de croyance et agir comme il l'entend dans un cadre privé, dans la mesure où les lois et les règlements sont respectés. En ce qui concerne la collectivité et l'Etat, les lois sont claires, et si l'on veut changer des dispositions et introduire des modifications dans un domaine aussi sensible que celui qui nous occupe aujourd'hui, il faut modifier la loi. Et si la loi n'est pas changée, alors il faut la respecter !
Dans ce sens-là, le principe de base de la motion me semble tout à fait valable. Pour ma part, je souscris aux propositions telles qu'elles sont faites, car à mon avis - le problème est délicat - il s'agit de laisser sa liberté à chacun, mais aussi et surtout d'assurer la paix confessionnelle. La séparation de l'Eglise et de l'Etat me semble un principe tellement important que je ne pense pas qu'on puisse y déroger, même au-delà de la vie, même par rapport à la manière selon laquelle les gens entendent faire leurs sépultures. La situation actuelle permet parfaitement à chacun de cohabiter normalement. Ils vivent ensemble en société, qu'ils continuent ainsi au-delà ! Que chacun inscrive ce qu'il veut sur sa tombe, cela est largement suffisant pour respecter tout le monde. Mais si on doit aller au-delà, alors ayez le courage de présenter un projet de loi pour changer la loi.
M. Pierre Vanek (AdG). Je rappelle tout d'abord, pour ceux qui ne l'auraient pas entendu tout à l'heure, que je rejette cette motion. Je suis partisan de la laïcité de l'Etat, je suis moi-même athée et j'ai été choqué, du point de vue de la laïcité et de mes convictions, par les propos de M. Schifferli qui faisait à la fois l'éloge d'une motion «laïque» et tout un laïus sur les religions étrangères à nos traditions chrétiennes et à la croix suisse. Il manifeste ainsi cette contradiction que j'évoquais tout à l'heure par rapport à M. Kunz, qu'on retrouve aussi dans l'invocation par M. Blanc du Dieu Tout-puissant en tête de notre Constitution, invocation paradoxalement doublée d'une revendication de la laïcité. M. Schifferli a dit des choses qui m'ont profondément dérangé, y compris sur la possibilité pour chrétiens, musulmans et juifs de reposer côte à côte, en paix, etc. Il oublie qu'il y a toute une série de personnes dont je suis, qui ne sont ni chrétiennes, ni musulmanes, ni juives, ni croyantes en aucune manière, et qui reposeront dans cette terre avec les autres, dans des cimetières publics. Et évidemment, les gens continueront en grande majorité à se faire enterrer selon les conditions actuelles.
Dans la motion proposée ici, on s'insurge contre l'idée que la liberté religieuse - que je défends aussi, à fond, même si je suis personnellement un opposant à la religion - s'exerce aussi en matière de sépulture. Comme l'a dit très justement mon collègue Jean Spielmann, avec qui je ne suis pas d'accord sur ce point, notre Constitution dit que l'organisation des Eglises relève du droit ordinaire des associations et de la liberté de réunion. Il a dit aussi que les gens pouvaient très bien se faire enterrer ensemble, comme ils vivent. Or le droit d'association et de réunion est un droit accordé aux vivants, et je ne vois pas pourquoi et au nom de quoi on refuserait aux gens de se réunir et de s'associer en cas de décès ! C'est de cela qu'il s'agit. A mes yeux, ce sont essentiellement les vivants qui sont concernés par la mort - les morts ne sont plus là pour en parler - de sorte qu'on peut se demander pourquoi les vivants ne pourraient pas s'associer pour enterrer ensemble leurs morts, comme ils l'entendent.
On invoque beaucoup cette laïcité, notamment dans les considérants de la motion où on se réfère à la loi de 1876, pour dire que les emplacements sont attribués sans distinction d'origine ou de religion. L'essentiel, bien sûr, dans cette question et dans celle de l'origine de la laïcité, est une question de droits. Et nous défendons les droits des gens ! C'est cela qu'il faut rappeler. C'est le droit à la non-exclusion ! Il fut un temps où l'Eglise catholique, par exemple, excluait de ses cimetières les personnes qui se seraient donné la mort, voire les personnes de mauvaise vie, les acteurs ou Dieu sait qui encore. La laïcité consistait à arracher à l'emprise de certaines institutions, notamment l'Eglise catholique dans certains endroits, d'autres institutions comme l'école, les cimetières, les hôpitaux. C'est cela l'important. Et de ce point de vue-là, si on refuse aujourd'hui à certains le droit d'avoir un enterrement conforme à leurs convictions religieuses, fut-il collectif, on enfreint le droit de la personne. Tel est le fond de la question.
M. Weiss dit que, bien sûr, ces droits peuvent s'exercer, mais qu'il faut privatiser tout ça... On reconnaît là le parti libéral, qui veut tout privatiser, même la mort ! Non, je pense que nos institutions publiques et nos cimetières en particulier sont assez grands pour pouvoir répondre à cette demande, le cas échéant. Christian Grobet a parfaitement raison: si ce qui est proposé par la Ville de Genève ne correspond pas à la loi, il faut la changer. Mais quand même, ce débat ne porte pas sur la lettre de la loi - pour cela il faudrait que les uns ou les autres déposent un projet - mais il porte sur une motion et sur des principes. Or je refuse radicalement les principes de cette motion, entre autres au nom du respect de la laïcité de l'Etat, mais aussi au nom du respect du traitement des organisations religieuses comme des associations, qui ont droit à une activité collective. On accepte des symboles religieux dans nos cimetières laïcs et publics, on accepte que chacun mette sa croix ou Dieu sait quoi - c'est le cas de le dire ! - sur sa tombe. Pourquoi n'accepterions-nous pas que cela se fasse collectivement ? Ce qui vous gêne là-dedans, c'est apparemment cette dimension collective, comme dans beaucoup d'autres domaines. Vous êtes des partisans de l'individualisation la plus absolue.
Un dernier mot: on s'est référé aux lois, aux règlements, en disant qu'il ne fallait pas les enfreindre. On a parlé aussi d'exclusion. Si vous voulez faire un acte dans le sens de la laïcité de l'Etat de Genève, de l'égalité entre les membres d'une association religieuse, des gens qui appartiennent à une Eglise et de ceux qui n'en sont pas, et si vous voulez être conséquents sur le plan législatif, abrogez s'il vous plaît ce règlement toujours en vigueur, ce règlement qui a acquis la dignité d'être diffusé partout sur CD-rom et consultable sur Internet à travers toute la planète, et qui est un règlement du Conseil d'Etat datant de 1944, qui a un article unique qui dit ceci: «les Eglises ci-après dénommées a) Eglise nationale protestante, b) Eglise catholique romaine, c) Eglise catholique chrétienne sont reconnues publiques...». Qu'est-ce que c'est que ça ? Dans un Etat laïc, il y aurait des Eglises publiques ? Non, bien sûr, c'est une affaire privée, comme le dit notre Constitution. Abrogeons donc ce règlement, qui dit ensuite «... à l'exclusion de toute autre communauté religieuse». Vous parliez d'exclusion des uns et des autres, Monsieur Schifferli, or nous avons ici un arrêté qui a toute autorité et qui exclut toute autre religion que les trois officielles, alors qu'il y a en a bien évidemment d'autres. C'est une réalité qu'il faut reconnaître.
Je vous propose donc, si vous voulez faire un acte utile en matière d'affirmation...
Le président. Il est temps de conclure, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. Oui, je concluais, justement.
une voix. On en est à huit minutes !
M. Pierre Vanek. Je vous remercie, Monsieur le président, je concluais justement. Je pensais que vous me donneriez un petit signal avant la fin. Je vous propose donc d'abroger ce règlement qui institue certaines religions comme publiques et officielles, à l'exclusion d'autres.
Le président. Bien. Monsieur Vanek, je souhaiterais que vous respectiez le règlement ! Vous avez parlé plus de sept minutes la première fois, plus de huit minutes la seconde, ça n'est pas correct vis-à-vis du reste de l'assemblée. Monsieur Kunz, vous avez la parole pour la seconde fois
M. Pierre Kunz (R). Monsieur le président, je renonce à prendre la parole. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Blanc, vous avez la parole.
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais d'abord dire à l'intention de MM. Grobet et Vanek que si la Constitution fédérale fait allusion dans son préambule à qui vous savez, ce n'est pas moi qui l'ai écrit, c'était écrit bien avant moi et Dieu veuille que ce soit écrit encore bien après moi !
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler que le problème de nos cimetières est le fruit d'une longue discussion, de longues luttes dans cette République et dans ce pays, qui ont opposé pendant des siècles les tenants de l'une ou l'autre religion, puisqu'à l'époque il n'y en avait que deux. En 1876, on a trouvé une solution qui, à l'époque, n'était pas forcément acceptable pour chacun... Je rappelle quand même que les positions étaient beaucoup plus figées qu'aujourd'hui. Nous vivons aujourd'hui dans une époque où beaucoup de progrès ont été faits sur le plan religieux, dans le sens d'une compréhension mutuelle. L'oecuménisme n'est pas un vain mot pour la plupart des chrétiens, et ceux-ci sont aujourd'hui prêts à accepter des choses que, il y a un peu plus d'un siècle, ils avaient de la peine à accepter... Un effort à été fait par les uns et par les autres pour vaincre, sur le plan des cimetières, ces différences et pour accepter qu'il y ait des cimetières publics pour tous, où tous seraient enterrés dans le même enclos.
Moi qui fus maire de Meyrin pendant plusieurs années, j'ai vu dans les archives qu'avant cette loi, par exemple, les catholiques du Mandement venaient se faire enterrer à Meyrin parce qu'on ne voulait pas d'eux dans les cimetières protestants du Mandement ! On en était là, Mesdames et Messieurs ! Je rends donc hommage à cette loi de 1876, qui a enfin permis aux gens de ce pays - même si cela s'est certainement fait en partie contre leur gré - de faire un pas en avant.
Je ne pense pas qu'on puisse dire aujourd'hui que cette loi est désuète. Je pense que cette loi a toujours son actualité, elle a été acceptée à une certaine époque dans des circonstances difficiles, et il n'y a pas de raison de la remettre en cause. J'ai été assez frappé par la lettre qui nous a été adressée par M. Tornare, puisque celui-ci, qui est un fin politicien et qui s'est rendu compte que sa première proposition avait semé le trouble, adopte maintenant une position de retrait qui me paraît raisonnable. La loi de 1876 autorise les enterrements privés - si j'ose dire - et accepte que, moyennant une modeste somme, on puisse être enterré dans un quartier du cimetière à un endroit qu'on aurait choisi, sur la tombe d'un parent ou à une place vierge. M. Tornare nous présente cette possibilité comme une réponse possible aux demandes qui sont faites, et je pense que c'est peut-être là une voie à suivre pour que les gens aient le droit de choisir et obtiennent ce qu'ils souhaitent, dans la mesure des places disponibles.
J'ai un seul problème, qui n'a pas encore été évoqué dans cette assemblée: à ma connaissance, autant les musulmans que les juifs ont cette notion de pérennité de la tombe, c'est-à-dire qu'en principe - et, je crois, même plus qu'en principe - ils ne peuvent pas, comme on dit, relever une tombe. Ils sont obligés de la garder. C'est d'ailleurs pour cette raison, semble-t-il, qu'au cimetière du Petit-Saconnex, le carré qui avait été accordé aux musulmans par un ancien conseiller administratif bien connu de nos amis radicaux est maintenant complet. Et comme on ne peut pas enterrer sur des tombes existantes, il faut élargir... Or il me semble qu'on ne peut pas aller jusque-là. Ceux qui ont eu le privilège d'aller dans des pays arabes ou juifs savent que cela pose des problèmes insolubles, il n'y a qu'à voir par exemple l'immense nécropole à l'entrée de Jérusalem.
Je suis d'accord d'aller à la rencontre des juifs et des musulmans, mais il faudra qu'ils acceptent, ma foi, de réutiliser les tombes de leurs parents, car le sol n'est pas extensible. Les chrétiens ont dû s'y faire, je pense que les juifs et les musulmans pourront s'y faire aussi. La paix confessionnelle, Mesdames et Messieurs les députés, est faite de concessions mutuelles, et si nous ne faisons pas tous des concessions, cette paix sera rompue. Je crois qu'on a donc le droit de demander aux uns et aux autres d'en faire, aux chrétiens comme aux juifs et comme aux musulmans
Le président. Je vous remercie, la parole est à M. le conseiller d'Etat Cramer.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il s'est fait apparemment un consensus sur tous les bancs, pour dire qu'il faut renvoyer cette motion en commission. Le Conseil d'Etat est d'avis que c'est une mauvaise idée, il vous invite à y renoncer et entend vous faire ici une autre proposition.
Quelle est l'invite de cette motion ? On demande au Conseil d'Etat de faire respecter strictement les articles et l'esprit de la loi sur les cimetières. Nous avons prêté serment de faire respecter les lois dans notre canton, et c'est faire injure au Conseil d'Etat que d'imaginer que le Grand Conseil doit, par la voie de motions, nous rappeler à nos devoirs. On nous demande ensuite de rappeler à la Ville de Genève les dispositions et l'esprit de cette législation. Or, pour cela, nous n'avions pas besoin de motion: cela a été fait il y a déjà un certain temps, puisque nous avons été amenés, lorsque nous avons appris par la presse le débat qui s'engageait, à rappeler à la Ville de Genève qu'il existait une loi - la loi sur les cimetières - et que celle-ci interdisait à nos yeux qu'on établisse des carrés confessionnels. Nous avons même précisé dans notre courrier au Conseil administratif que de tels carrés confessionnels, sous toute forme juridique que ce soit, seraient illicites à teneur de la loi en vigueur. Par là même, nous avons donc demandé au Conseil administratif de s'abstenir de créer de tels carrés confessionnels, en précisant toutefois au terme de notre courrier que nous ne serions pas opposés à ouvrir un nouveau dialogue portant sur cette question très sensible et à consulter à cet effet les autorités municipales du Canton, les autres milieux concernés et les diverses communautés religieuses établies à Genève, dans la perspective éventuelle d'un nouveau débat dans le Grand Conseil, pour modifier, cas échéant, la loi sur les cimetières. Voilà en somme quelle est la situation.
Autour de la motion qui vous a été présentée, un long débat s'est ouvert, et nous avons eu la satisfaction sur les bancs du Conseil d'Etat de constater qu'au fond, les termes de ce débat, qui a été digne et où beaucoup de choses profondes ont été dites, rejoignaient d'assez près les réflexions qui étaient les nôtres.
Ces réflexions, en substance, quelles sont-elles ? La première, c'est que nous vivons dans un Etat laïc, que les pratiques religieuses et l'attitude que chacun adopte face à la mort renvoient à des opinions personnelles et non collectives, et que si nous ne voulons pas tomber dans ce danger qui pourrait nous guetter et qui est celui du communautarisme - c'est-à-dire que les personnes ne se définissent pas comme participant à la société genevoise mais comme participant à une communauté religieuse - eh bien nous devons nous en tenir à cette ligne selon laquelle la religion est une affaire de conviction personnelle. Mais, dans le même temps, dans une société tolérante, on se doit de permettre à chacune et à chacun d'exprimer ses convictions, et de la même façon qu'il nous paraît normal que chacune des confessions puisse avoir une église, il faut savoir - c'est M. Vanek qui le disait - qu'il y a d'autres lieux de culte que les bâtiments, que les cimetières aussi sont aux yeux de plusieurs religions des lieux de culte, et qu'il faut également les respecter. Au fond, le chemin que nous essayons de trouver au Conseil d'Etat est un chemin où nous voulons à la fois préserver la laïcité - en d'autres termes faire en sorte que les pratiques cultuelles culturelles soient régies par la loi - et respecter la liberté personnelle.
En ce sens, nous avons désigné parmi nous une commission. Des conseillers d'Etat sont actuellement au travail pour engager des contacts avec la Ville de Genève - cela a été fait notamment avec M. le conseiller administratif Tornare, qui fait référence à ce dialogue en conclusion de son courrier - et avec les différentes communautés religieuses, afin de voir dans quel sens nous devons aller pour trouver une solution dans le cadre de l'Etat laïc. C'est vous dire que dès l'instant où ces démarches, qui demandent une certaine subtilité et surtout une certaine discrétion, sont en cours, il m'apparaîtrait contre-productif que ce même travail se fasse ailleurs, c'est-à-dire dans une commission du Grand Conseil. Nous vous demandons simplement de nous donner la possibilité de continuer cette démarche. C'est en ce sens finalement que je vous demanderai non pas de rejeter cette motion, qui a déjà été appliquée dans une large mesure par le Conseil d'Etat - ce qui veut dire qu'elle avait au fond une forme de légitimité - mais de la modifier, pour inviter le Conseil d'Etat à engager un dialogue - nous l'avons déjà commencé - avec tous les milieux intéressés, afin d'examiner une possibilité de modification de la loi sur les cimetières, préservant les convictions des différentes communautés, dans le respect de la laïcité, ce point nous semblant devoir effectivement cadrer toute réflexion d'une modification législative.
Voilà la proposition que vous fait le Conseil d'Etat. Au terme des démarches qui sont en cours, nous viendrons devant vous avec un projet de loi. Vous pourrez en juger, mais je crois que c'est ce projet de loi-là qui devra être renvoyé en commission. Ma collègue Martine Brunschwig Graf, parce que nous sommes très collégiaux, a la gentillesse de rédiger les termes de cette proposition d'amendement qui sera bientôt distribuée sur vos bancs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le débat est clos. Nous sommes saisis d'une proposition d'amendement, mais comme le renvoi a été demandé, je mets d'abord aux voix le renvoi en commission, selon l'article 147. Monsieur Dupraz, le débat est clos. Je vous lis quand même l'amendement du Conseil d'Etat: «Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à engager un dialogue avec tous les milieux intéressés afin d'examiner une possibilité de modification de la loi sur les cimetières préservant la conviction des différentes communautés dans le respect de la laïcité.»
Je mets d'abord aux voix la motion initiale, non amendée, et son renvoi à la commission législative. Ceux qui l'acceptent - ce qui signifie évidemment qu'ils n'accepteront pas forcément l'amendement du Conseil d'Etat - sont priés de lever la main.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission législative est rejeté.
Le président. Je fais maintenant voter l'amendement, avant l'autre possibilité qui était le renvoi de la motion au Conseil d'Etat, pour que, le cas échéant, la motion amendée soit renvoyée au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, l'amendement proposé par le Conseil d'Etat est adopté.
Le président. Je mets aux voix le renvoi de la motion ainsi amendée au Conseil d'Etat. Celles et ceux qui l'acceptent sont priés de lever la main. Large majorité. Celles et ceux qui le refusent ? Un certain nombre, sur tous les bancs, à gauche, à droite et au centre... Celles et ceux qui s'abstiennent ? Quelques-uns, également sur tous les bancs.
Mise aux voix, la motion 1468 ainsi amendée est adoptée.
Débat
Le président. La parole est à M. Christian Bavarel. (Le président agite la cloche.)J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous écoutiez l'orateur. Monsieur le député, à vous.
M. Christian Bavarel. Merci, Monsieur le président, mais si les motionnaires désirent parler avant moi, je leur laisse volontiers la priorité, n'étant pas signataire de la motion.
Le président. Monsieur Bavarel renonce provisoirement. La parole est à M. Claude Blanc, puis viendront M. Spielmann, Mme Loly Bolay, M. Desbaillets et M. Bavarel. Voilà. Monsieur Claude Blanc, à vous.
M. Claude Blanc (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, après avoir longuement parlé de bières, nous allons parler de vins, de vins du terroir... (Soupirs de désapprobation. Rires.)Si M. Gautier voulait bien fermer la fenêtre, il y a un vent insupportable... (Rires.)
Le président. Monsieur Blanc, allez-y, ceux qui veulent parler des cimetières sortent de la salle un moment.
M. Claude Blanc. Je vous rappellerai, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion est née à la suite d'un débat que nous avions eu dans ce Grand Conseil pour apporter une aide d'urgence à l'agriculture, qui connaissait de difficiles circonstances économiques, et qu'à l'occasion de ce débat, j'avais proposé qu'en plus des millions que nous étions disposés à donner comme aide ponctuelle à l'agriculture, nous pourrions aussi faire en sorte que l'Etat, lorsqu'il participe ou subventionne une manifestation officielle ou associative, demande formellement que les produits du terroir genevois soient mis en vente auprès des participants.
Cette idée est issue des fêtes de l'Escalade qui ont eu lieu au mois de juin - rappelez-vous ! - et où on avait offert à nos hôtes des autres cantons un vin valaisan, par ailleurs excellent, mais qui reflétait assez mal la fête de l'Escalade puisqu'il s'agit d'une fête typiquement genevoise. Les vins qui ont été offerts lors de cette manifestation officielle, payée en grande partie par l'Etat, auraient tout de même pu être genevois...
Dans le cadre de ce débat, j'avais soulevé ce problème, et M. Cramer, dans sa grande sagesse - M. Cramer qui ne m'écoute pas pour le moment parce qu'il écoute M. Vanek qui est certainement beaucoup plus intéressant - avait saisi la balle au bond en disant qu'il était d'accord mais qu'il lui fallait une motion. Aussitôt dit, aussitôt fait. Voilà pourquoi nous avons, à quelques-uns, concocté une motion qui concrétise ce qui avait été évoqué dans ce débat et permettra certainement au Conseil d'Etat de se prévaloir de la volonté du Grand Conseil pour demander formellement aux gens qu'il subventionne ou dans le cas de manifestations officielles, de servir des produits du terroir genevois.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, compte tenu du fait que M. Cramer avait lui-même suggéré cette motion et qu'elle est aujourd'hui prête, je vous propose de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez tout de même échappé aux vins savoyards, lors du 1er juin...
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'entends intervenir dans ce débat sur la question des motions. Tout à l'heure, Monsieur le président, vous avez inauguré une nouvelle procédure un peu particulière: la motion est un acte législatif propre au parlement, c'est-à-dire que le parlement, conformément au règlement, dépose des motions et que les députés interviennent dans le débat et peuvent bien sûr proposer une modification de la motion. Vous avez avec raison décidé de clore le débat, mais vous avez ensuite paradoxalement donné la parole au Conseil d'Etat, qui a amendé une motion qui lui était adressée - il est évidemment intéressé à l'amender et à la modifier le plus possible afin qu'elle aille dans le sens de la réponse qu'il entend lui donner ensuite - et le comble, c'est que vous n'ouvrez pas le débat et interdisez de parler de cet amendement ! (Applaudissements.)Cela n'est pas possible, Monsieur le président !
Le président. Merci, Monsieur Spielmann, pour cette bonne contribution au débat sur les produits du terroir genevois... C'est effectivement une spécialité de notre parlement.
M. Jean Spielmann. Vous avez fait une entorse au règlement. Je vous demande au contraire de le respecter et donc d'ouvrir le débat suite à l'amendement du Conseil d'Etat.
Le président. La parole est à Mme Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Je continue sur la motion 1474, Monsieur le président ?
Le président. Oui, Madame.
Mme Loly Bolay. Le groupe socialiste partage totalement, sur le fond, la motion 1474. J'étais parmi quelques-uns d'entre vous, ce 1er juin, lorsque nous avons dégusté à la Place Neuve ces très bons breuvages venus du canton du Valais. C'est vrai que nous avons été surpris de constater que la compagnie 1602 qui, comme indiqué dans l'exposé des motifs, a souvent été subventionnée par l'Etat de Genève, n'avait pas choisi d'offrir à cette occasion du vin genevois, excellent au demeurant.
Par contre, notre critique ne touche pas le fond du problème, mais la forme. Je suis désolée, mais certains signataires de cette motion - notamment les vignerons - auraient pu s'abstenir de signer, puisque certains d'entre eux tombent sous l'article 24 de notre règlement. Même si nous partageons totalement le fond de vos soucis, je crois qu'en signant cette motion, certains d'entre vous lui ont enlevé un peu de sa crédibilité et de sa force.
M. Gabriel Barrillier. Des noms !
Mme Loly Bolay. Vous n'avez qu'à regarder les noms, regardez ceux qui ont signé, Monsieur le député Barrillier. Voilà ce que je voulais vous dire ce soir.
M. René Desbaillets (L). Concernant l'article 24, j'ai la conscience tout à fait clean, car à aucun moment, dans le texte de cette motion, on ne fait état de vin. Je vais remonter le débat un peu plus haut que la picholette, car... (Le microphone de l'orateur fonctionne mal. Grésillements). Excusez-moi, je prends le bon micro. On m'a déplacé d'un cran sur la gauche, je ne suis pas d'accord; qu'on me remette d'un cran sur la droite, s'il vous plaît. (Rires.)Bon, je resterai momentanément à gauche.
Je recommence pour Léman Bleu qui n'a pas entendu. Il y a une vingtaine d'années, si ma mémoire est bonne, une grande campagne avait été lancée sur le thème «je vis à Genève, j'achète à Genève». Nous étions en récession, et il fallait faire prendre conscience aux Genevois qu'ils étaient en train de scier la branche sur laquelle ils étaient assis. Les années passant, les vaches grasses revenues, cette logique a été oubliée par beaucoup et - ce qui est plus grave - même par certaines collectivités publiques ou associations subventionnées. Il nous faut donc remettre l'église au milieu du village (Brouhaha.)- je m'excuse de parler d'église, puisqu'on a parlé de cimetière, mais il y a une suite logique: on passe d'abord par l'église avant d'être au cimetière (Protestations.)- et resserrer les rangs face à l'orage qui s'approche.
Pour moi, en plus des produits agricoles, je suis d'avis qu'on pourrait également faire appel prioritairement, lors d'organisations de manifestations subventionnées, à des artisans genevois, tels que publicistes, imprimeurs, traiteurs, décorateurs, etc. La loi sur le développement durable et l'Agenda 21 nous le recommandent d'ailleurs. Merci donc de bien vouloir transmettre cette motion à la commission de l'environnement.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je suis extrêmement satisfait ce soir de me rendre compte que les gens de l'Entente ont enfin compris que l'écologie pouvait être quelque chose de jouissif. Nous allons enfin pouvoir consommer des produits locaux. Il vaut mieux prendre du mouton élevé à Genève pour faire la fête qu'un mouton néo-zélandais. Il vaut mieux, plutôt que de transporter des tomates pleines d'eau du fin fond de l'Espagne, prendre des tomates genevoises. Nous sommes en train d'économiser du pétrole, ce qui réjouit les Verts.
Pour notre plus grand plaisir, cette motion vise les manifestations publiques, des moments de fête et de convivialité. Si le cardon peut aider à ce que nous soyons tous ensemble pour célébrer différents événements, que ce soit avec la poire à rissole, les longeoles ou nos vins genevois, les écologistes s'en réjouissent ! Nous vous invitons à suivre cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat, car c'est comme ça, d'une manière pratique et festive, que nous ferons aussi avancer la cause de l'écologie. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, le débat avance. La parole est à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer. Ensuite, nous mettrons aux voix d'abord le renvoi en commission, puis, si celui-ci est refusé, le renvoi direct au Conseil d'Etat.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Ce que je tiens à dire, c'est que M. Blanc - qui ne m'écoute pas - s'est fait remarquablement l'interprète de mes propos.
Une voix. Monsieur Blanc !
Le président. Monsieur Blanc, M. le conseiller d'Etat s'adresse à vous ! (Rires.)
Une voix. Claude, on te parle !
M. Robert Cramer. M. Blanc, disais-je donc, s'est fait remarquablement l'interprète de nos réactions, lorsqu'il s'est exprimé tout à l'heure. Cette motion procède de discussions que nous avons eues, et notamment en commission déjà, autour d'autres objets, où il est apparu qu'au-delà des aides financières - et celles-là, le Grand Conseil en a accepté le principe au mois de juin - il y avait la nécessité d'avoir une perspective qui soit également promotionnelle, commerciale. C'est en ce sens que la proposition contenue dans cette motion a été faite, et c'est la raison pour laquelle je peux vous dire bien volontiers que le Conseil d'Etat acceptera d'appliquer cette motion. De façon à ce qu'il puisse l'appliquer le plus rapidement possible, je vous invite à renoncer à ce détour par des commissions surchargées et à renoncer également à une inscription à votre ordre jour - on m'a laissé entendre que ce ne serait probablement pas avant l'automne prochain que le département dont j'ai la charge verrait à nouveau ces objets traités par cette assemblée - et donc de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le président. M. le député Desbaillets m'a chargé de vous communiquer qu'il avait fait une petite erreur et qu'il était favorable au renvoi au Conseil d'Etat. En conséquence, le renvoi en commission n'étant pas demandé, je fais voter la prise en considération et le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 1474 est adoptée.
Débat
M. Sami Kanaan (S). Si j'en juge par le nombre de réactions médiatiques, sous forme de lettres de lecteurs ou de courriers électroniques, que nous avons reçu suite au dépôt de cette motion - nombre nettement supérieur à tout autre dépôt récent - et si nous devions considérer cela comme critère pour estimer l'importance des textes que nous déposons, ce serait certainement un texte fondamental. Tel n'est pas le cas.
Afin d'éviter les malentendus, nous aimerions d'abord préciser ce dont on ne parle pas, avant de préciser ce dont on parle. Il n'est pas question ici de parler de véhicules dont on a besoin ou pas dans un usage de type sportif ou en plein air. Nous ne parlons pas non plus d'usage professionnel de certaines catégories de véhicules, ni même, comme certains courriers de lecteurs l'ont laissé entendre, de l'expérience qu'on a pu avoir dans le domaine militaire ou sportif. On ne parle pas non plus des compétences spécifiques des conducteurs, qui peuvent varier d'un cas à l'autre. Et même, je le reconnais, la dénomination 4X4 est trompeuse et imprécise, car le fait d'avoir quatre roues motrices est sans rapport avec la taille du véhicule ou sa motorisation, puisqu'il existe même une Fiat Panda vendue en version 4X4.
Ce dont nous parlons ici, c'est d'une certaine catégorie de véhicules, qui accumule quelques critères bien précis: ce sont des véhicules de grande masse, de grand volume, élevés sur roues, plus hauts que la moyenne des véhicules, de grosses cylindrées, avec d'autres facteurs favorisant leur puissance. Ce dont nous parlons ce soir, c'est d'un problème de sécurité routière et de nuisances en matière de bruit, de pollution de l'air et d'occupation d'espace.
Nous ne demandons pas non plus, comme cela a pu être écrit ici et là, des interdictions quelconques. Nous demandons simplement une analyse de la question, et si l'étude montre que nous nous sommes trompés sur nos hypothèses, nous serons les premiers à le reconnaître.
Certains éléments nous laissent songeurs: ce sujet n'est apparemment pas encore courant en Suisse, mais dans le monde anglo-saxon - et ce n'est pas fréquemment que je cite les débats en cours aux Etats-Unis - c'est un thème extrêmement courant. Si vous surfez un peu sur Internet et lisez la presse anglo-saxonne, vous le constaterez vous-mêmes. Ils ont là-bas une dénomination que nous n'avons pas: ces véhicules ont un nom bien précis dans le débat anglo-saxon, il s'agit des SUV, les Sport Utility Vehicles. Le nom l'indique déjà, ce sont des véhicules à but initialement sportif. Les études diverses - elles sont récentes - faites en Australie et aux Etats-Unis montrent qu'en cas d'accident, ces véhicules génèrent cinq à vingt-six fois plus de risques de décès que des véhicules normaux. De plus, ce qui est particulièrement intéressant pour tous les clients de ces véhicules - des clients forcément assez aisés, vu le prix élevé de ces voitures à l'achat comme à l'entretien et à la consommation - c'est que ces véhicules sont dangereux même pour leurs occupants ! Dans un contexte urbain - car c'est de cela dont on parle - ils sont dangereux, car étant construits initialement pour un usage hors-route et sur des terrains difficiles, ils sont rigides. Contrairement aux véhicules modernes qui, dans la mesure du possible, absorbent les chocs hors de l'habitacle, ceux-ci les répercutent intégralement à l'intérieur de l'habitacle, de par leur rigidité. Ces véhicules sont donc dangereux même pour leurs occupants, et cela se doit d'être relevé puisque les gens qui achètent ces véhicules sont généralement convaincus d'être en sécurité.
C'est pourquoi nous estimons, vu l'étroitesse du réseau routier dans l'agglomération urbaine genevoise, vu la densité du trafic que nous connaissons bien et quelle que soit l'idée qu'on peut en avoir, que ce problème mérite qu'on l'examine et qu'on s'y attarde. Et si on a la confirmation qu'il y a un problème de sécurité - ce n'est peut-être pas le cas ! - il faudra qu'on étudie les mesures à prendre.
J'ajouterai là-dessus que ces véhicules consomment en moyenne beaucoup plus qu'un véhicule de petite taille - qu'on ne vienne pas me donner des exemples de vieux véhicules, car c'est un cas particulier - et qu'ils génèrent plus de bruit. D'ailleurs, l'office général de l'environnement a dit que les tendances à la baisse du bruit dans le trafic routier étaient en train d'être inversées par la multiplication de ces véhicules. Par conséquent, ceci mérite examen, et j'aimerais d'ailleurs citer une des lettres de lecteurs parues dans «La Tribune de Genève» suite au dépôt de cette motion, d'une dame qui expliquait pourquoi elle avait ce véhicule. Elle habite apparemment dans une zone rurale avec des routes d'accès non goudronnées et difficiles, ce qui constitue une raison légitime d'avoir un tel véhicule, et disait dans sa lettre qu'après avoir appris à le conduire, elle admettait volontiers qu'il était complexe à conduire et nécessiterait probablement un permis particulier. Je ne sais pas si c'est une mesure intelligente, on le verra bien.
Quoi qu'il en soit, nous vous demandons aujourd'hui de renvoyer cette motion en commission des transports, au vu de la responsabilité que nous avons envers la sécurité de nos concitoyens.
Mme Anne Mahrer (Ve). Notre canton est un territoire d'aventures tout à fait exceptionnelles pour les propriétaires de véhicules tout terrain. Ils parcourent nos routes de campagne, devenues peu sûres, traversées qu'elles sont à la nuit tombée par des sangliers imprudents et pressés... (Exclamations.)Le choc est terrible, mais les dégâts limités. Le pare-buffles a eu raison de ce maudit animal ! Ils partent, avec leurs engins, en expédition au centre commercial, pour s'enterrer dans les parkings aux pentes vertigineuses. Ils ont la liberté de contempler de haut les embouteillages quotidiens dans lesquels ils s'engouffrent avec résignation.
Très sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, ce type de véhicule occupe un espace considérable. Il est dangereux en cas de choc et totalement inadapté à des déplacements urbains. Dans une ville saturée par le trafic motorisé, c'est une diminution drastique du nombre de véhicules, tous modèles confondus, qu'il s'agit d'encourager. Il faut, toujours et encore, favoriser les transports publics et les déplacements à pied et à vélo.
C'est pour ces excellentes raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que le groupe des Verts vous invite à soutenir cette motion, à la renvoyer à la commission des transports pour trouver ensemble des solutions à ces problèmes endémiques.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons encore six orateurs inscrits pour cette motion qu'on propose de renvoyer en commission. Ce sont Mme et MM. Odier, Ruegsegger, Desplanches, Desbaillets, Catelain et Sommaruga. Je vous propose de clore là le débat. (Protestations.)Bien, nous continuerons donc le débat, jusqu'à ce que vous sortiez de route... Monsieur Jean-Marc Odier, vous avez la parole, mais ce n'est pas raisonnable. Quand on pense que les chefs de groupe ont demandé une accélération des débats, ce n'est en tout cas pas en 4X4 que nous roulons !
M. Jean-Marc Odier (R). Il y a effectivement beaucoup de choses fausses dans cette motion. D'abord, on constate qu'on critique les 4X4 de grande taille. Le fait qu'il s'agisse d'un 4X4 n'a rien à voir, je pense qu'un autre véhicule peut être tout aussi dangereux. Dans la catégorie des grands véhicules, vous avez les monospace, très utiles pour les familles, et je ne crois pas qu'il y ait de différence par rapport à un 4X4.
En ce qui concerne la dangerosité pour les autres, quelle différence y a-t-il vraiment avec un véhicule de plus grande taille ? Je pense qu'il faut se soucier d'abord de la vitesse des véhicules. D'autres véhicules beaucoup plus petits peuvent créer des dangers et être néfastes pour la sécurité des cyclistes, puisque vous semblez vouloir parler de leur sécurité. En ce qui concerne la dangerosité pour les occupants, vous avez peut-être raison de dire que la rigidité de ces véhicules par leur châssis fait qu'ils absorbent les chocs. Cependant, les 4X4 sont de plus en plus souvent en carrosserie auto-portante et de nature déformable. Cet argument-là tombe donc aussi.
En ce qui concerne le bruit - et il y en a d'ailleurs passablement dans cette salle, Monsieur Gautier (Le président agite la cloche.)- je m'inscris en faux contre cette affirmation. Je ne pense pas qu'un 4X4 fasse plus de bruit que d'autres petits véhicules. Encore une fois, cela dépend de l'utilisation qui en est faite. Vous avez des véhicules de petite cylindrée qui, mal utilisés, font beaucoup plus de bruit !
C'est vrai qu'au niveau de la consommation, ces véhicules sont probablement plus puissants et consomment plus. Mais en ce qui concerne la conduite agressive, là aussi, cela est totalement faux ! Avoir un véhicule légèrement plus gros ne va pas permettre d'avoir une conduite plus agressive qu'avec des petits véhicules du genre voiture de sport, GTI, etc. L'utilisation de voitures tout terrain est au contraire une raison de plus pour avoir une conduite totalement souple. Là aussi vous avez tort.
Ce qui est recherché dans cette motion, c'est d'exclure les avantages du 4X4 qui ne correspondent pas à son utilité première. Mais si les 4X4 sont à ce point appréciés, c'est parce qu'ils sont totalement polyvalents !
Mesdames et Messieurs les membres du parti socialiste, si vous voulez vous opposer à ce genre de véhicules, je pense qu'il faudra encore vous opposer à d'autres véhicules qui, par leur côté pratique, ont beaucoup d'aspects favorables. Vous parlez dans votre motion d'un effet de mode. Si votre action politique consiste à combattre les effets de mode, libre à vous, mais c'est faire preuve de bien peu de tolérance. (Brouhaha.)Plus que des véhicules, vous devriez bien plus vous inquiéter de la manière dont ils sont utilisés. Là-dessus, on pourra vous suivre, mais en tout cas pas sur ce genre de motion qui veut retirer de la circulation une seule catégorie de véhicules. Après les 4X4, qu'est-ce que ce sera ? Les camionnettes ? Les camions ? Le groupe radical s'opposera à cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons à petite vitesse à Mme Stéphanie Ruegsegger.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je ne vous permets pas, Monsieur le président ! Je ne reviendrai pas sur les arguments techniques que vient de nous livrer notre collègue Odier. Je constaterai simplement que nous avons quatre-vingt-sept points à l'ordre du jour, de nombreux projets de loi qui sont en attente depuis des mois, qui sont importants et concernent notamment le logement à Genève qui, me semble-t-il, est un problème qui devrait effectivement nous préoccuper. Or onze intervenants sont inscrits à ce moment pour débattre d'une motion concernant les 4X4, qui ne repose que sur de vagues hypothèses et des a priori. Je dois dire que notre travail n'est tout simplement pas sérieux ! (Applaudissements fournis.)
Je ne reviendrai donc pas sur les arguments techniques, mais constaterai simplement que ces véhicules ont tous passé les tests concernant les normes de pollution et correspondent donc aux normes en vigueur en Suisse. Puisqu'on nous dit qu'il faudrait un permis spécial, j'ajouterai que tous les conducteurs à Genève pourvus d'un permis délivré par le SAN sont censés pouvoir conduire ces véhicules. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait stigmatiser plus particulièrement les conducteurs de ce style de véhicules.
Vous nous parlez également de la hauteur de ces véhicules. Soyez conséquents, Mesdames et Messieurs les motionnaires ! Parlez également des monospace, car je vous ferai simplement remarquer que les monospace sont également d'une certaine hauteur. Mais ce n'est peut-être pas politiquement correct d'attaquer les propriétaires de ces voitures-là, car ce ne sont peut-être pas les gens que vous voulez toucher avec votre motion, qui repose une fois de plus uniquement sur des a priori.
Pour ce qui est des invites, Mesdames et Messieurs les socialistes, je vous invite quant à moi à regarder un peu l'évolution de la société en général, et l'évolution des véhicules en particulier ! Vous nous dites qu'il faudrait rendre à ces véhicules leur vocation première. Avez-vous constaté que les 4X4 ont évolué et qu'ils sont devenus des 4X4 urbains ? Ce ne sont plus simplement des véhicules faits pour les champs et la campagne. Aurait-on idée d'exiger que les petites voitures sportives ne roulent que sur des circuits ? Je crois qu'en ce qui concerne les 4X4, qui sont à nouveau des 4X4 urbains, on peut les laisser rouler sur les routes.
A mon avis - et je pense que le groupe démocrate-chrétien le partage - cette motion est une immixtion totalement scandaleuse dans la sphère privée des gens. Elle ne repose que sur des a priori qui sont démentis par toutes les études qui ont été menées jusqu'à présent. C'est une motion - excusez-moi du terme - «délit de sale gueule», c'est à dire que les gens que vous considérez comme des bourgeois ne vous plaisent pas, et vous voulez les stigmatiser. Nous refuserons donc cette motion. (Applaudissements.)
M. Gilles Desplanches (L). Le groupe libéral ne va pas soutenir cette motion qui est avant tout moralisatrice et s'attaque directement au droit démocratique de chaque citoyen qu'est la liberté. C'est réellement une motion dépourvue d'intérêt, qui est non seulement dogmatique, mais qui fait aussi un amalgame relativement dangereux, puisqu'elle insinue que les utilisateurs de 4X4 auraient un comportement routier malsain. Cela, Messieurs les motionnaires, il faudra le prouver !
De plus, je rappellerai - mais cela a déjà été dit précédemment - que nous sommes un parlement de milice cantonale, avec des compétences cantonales qui ne concernent pas l'homologation des véhicules, car celle-ci est de compétence fédérale. Je crois qu'aujourd'hui nous avons largement assez à faire pour ne pas encombrer notre ordre du jour avec des motions hors de nos compétences. Le groupe libéral souhaite refuser cette motion.
Le président. Nous continuons à rouler avec M. René Desbaillets.
M. René Desbaillets (L). J'ai le bon micro cette fois ? (Grésillements.)
Une voix. Viens chez moi !
M. René Desbaillets. On me déplace à droite, cette fois, c'est bon. Cette motion du parti socialiste - puisque ce sont des socialistes qui ont signé - est emprunte selon moi de rancune et de jalousie. (Huées.)Les socialistes ne veulent pas admettre que le peuple ait voté pour la liberté du choix de transports. Chacun est libre de choisir son véhicule comme il l'entend; si des gens préfèrent avoir un véhicule où mettre leurs commissions sans avoir besoin de se casser le dos, ils en ont le droit.
Concernant la sécurité des piétons et des cyclistes: les véhicules sont homologués, les pare-buffles le sont aussi. Les cyclistes qui ne respectent ni les stops, ni les feux rouges, et les piétons qui ne traversent pas sur les passages cloutés ont ma foi plus de chance de passer sous le véhicule s'il s'agit d'un 4X4 que si c'est une Ferrari, contre laquelle ils vont percuter. Par ailleurs, je peux vous dire que si un 4X4 n'est pas très sécurisant lorsqu'on est à plus de 100 km/h sur l'autoroute ou sur la neige en montagne, ce n'est en tout cas pas à 40 km/h que les gens au volant d'un 4X4 se sentent en danger !
Pourquoi y a-t-il de plus en plus de 4X4 ? C'est parce qu'il y a des gens qui savent compter, et vu le vote de juin 2001 - je n'étais pas encore député - sur le changement des impôts automobiles, la personne qui avait un véhicule de 150 à 200 chevaux et se voyait taxer de plus de 500 F d'impôts s'achète naturellement un gros 4X4 de 130 chevaux et paie moins d'impôts qu'avant ! C'est un réflexe de libéral, me direz-vous peut-être, mais non: c'est une question d'économie.
De plus, lorsque vous passez la Luzerna avec cinq cartons de bouteilles dans le coffre de votre véhicule normal, vous laissez votre pot d'échappement sur le gendarme couché. Vous êtes donc obligés d'acheter un 4X4 pour éviter de vous casser la figure sur un gendarme couché. Voilà.
Ce qui reste le plus néfaste, ce n'est pas la question des quatre, six ou huit roues motrices sur un véhicule, mais c'est l'encombrement. Malheureusement, il y a des conducteurs qui ont de gros véhicules qu'ils ne maîtrisent pas et utilisent deux places de parcs lorsqu'ils stationnent. Dans ce cas-là, il faut revoir le système du permis de conduire. En tant que membre du comité genevois de l'Automobile Club de Suisse, je peux vous dire que nous sommes en train de réfléchir à la question d'éventuellement changer le mode du permis de conduire, car c'est évident que tout le monde n'est pas capable de conduire n'importe quoi. Mais cela n'a rien à voir avec la suppression de 4X4 !
Le président. Merci, Monsieur le député. J'aimerais qu'il y ait un peu moins de brouhaha dans cette assemblée, même si visiblement le sujet roule et intéresse beaucoup de monde. La parole est à M. le député Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). D'après le titre, cette motion concerne essentiellement la sécurité. Je suis sensible à cet argument de la sécurité mais, du point de vue du droit, il faut tout de même reconnaître que ces véhicules sont homologués et que chaque citoyen est libre d'acheter le véhicule qu'il veut. Cependant, pour reprendre cet argument de la sécurité, nous devons reconnaître un avantage à ce type de véhicule, c'est celui de la tenue de route, ainsi qu'un autre qui n'est pas repris dans la motion, c'est la qualité du freinage. Les quatre roues motrices diminuent la distance de freinage.
Malheureusement, cette motion n'est pas étayée par une analyse systémique, et le seul point valable que nous sommes prêts à soutenir est la dernière invite, qui prie le Conseil d'Etat de faire respecter la loi. J'ose espérer cependant que le Conseil d'Etat saura le faire sans qu'une motion de ce parlement ait à le lui rappeler.
En conséquence, par esprit de tolérance vis-à-vis de l'ensemble des conducteurs de ce canton, sachant aussi que de nombreux constructeurs sont en train d'investir d'importantes sommes pour trouver de nouveaux types de carrosseries qui permettent d'absorber les chocs, le groupe UDC ne soutiendra pas cette motion.
Le président. Il reste encore quatre intervenants, j'espère que vous serez raisonnables. Moi, je ne fais pas clore la liste des orateurs, puisque vous l'avez refusé une fois. J'attends votre motion d'ordre. Monsieur Carlo Sommaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S). Il y a en tout cas un point pour lequel je partage l'avis de Mme Stéphanie Ruegsegger, c'est qu'il y a en effet des sujets importants, comme le logement ou autres, qui méritent également notre attention. Ceci dit, je constate que le simple fait de déposer une motion touchant à la voiture - motion qui ne propose pas de mesure contraignante mais une évaluation et une étude d'un certain nombre d'éléments - suscite des débats idéologiques et philosophiques incroyables. Les arguments avancés par les tenants de la voiture - je tiens à le préciser - sont les droits démocratiques, la sphère privée. Je prends bonne note que certains orateurs mettent les droits démocratiques à la hauteur des pneus... C'est dire comment ils abordent certains problèmes et où ils voient la liberté et la sphère privée.
Je trouve inadmissible qu'on vienne dire que cette motion relève du «délit de sale gueule», alors qu'on sait qu'il y a aujourd'hui à Genève des dérapages au niveau de la police et que c'est là qu'il y a des «délits de sale gueule» ! Il faudrait donc remettre le débat là où il se situe. Cette motion, je le rappelle, n'a aucun autre objectif que d'aborder le problème de la sécurité routière - ce problème-ci uniquement ! - et d'inviter à une réflexion sur un des véhicules utilisés par un certain nombre d'usagers, pour limiter le nombre d'accidents et donc augmenter la sécurité. Il ne s'agit que d'ouvrir une réflexion au sein des services de l'Etat. Il est regrettable de voir qu'une simple réflexion de ce genre-là suscite autant d'émoi sur les bancs d'en face.
M. Olivier Vaucher (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques réflexions complémentaires: tout d'abord cette motion est parfaitement ridicule car elle parle de 4X4 en général. J'aimerais juste vous rappeler, Mesdames et Messieurs les motionnaires, que les trams n'ont que des roues motrices ! Il serait donc bien de préciser si vous incluez aussi les trams dans votre motion... Votre parfaite méconnaissance de l'automobile et de la mécanique montre bien que votre motion n'a de but que de partir à la poubelle. Je vous signale aussi qu'il y a des camions qui doivent être pourvus de 4X4 pour pouvoir travailler. J'ai moi-même une toute petite voiture, une Panda 4X4; or, si avec une Panda 4X4 je risque de faire des dégâts à un certain niveau du corps, vous me le direz, Mesdames et Messieurs les députés ! J'aimerais donc juste vous rappeler qu'un véhicule 4X4 n'est pas seulement un véhicule tout terrain, comme vous le laissez croire, mais ce sont aussi des véhicules qui offrent une meilleure sécurité, en particulier sur des routes mouillées, sans parler des routes enneigées.
Cette motion repose donc sur une totale méconnaissance de l'automobile, elle est tout juste bonne à être mise à la poubelle et je vous prie de la shooter, car elle est totalement erronée. (Huées.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous commençons à faire usage de l'ABS... Monsieur Christian Luscher a la parole.
M. Christian Luscher (L). Visiblement, dans ce parlement, certaines personnes confondent le Grand Conseil avec Star Academy. On lance une vague idée, d'ailleurs fondée plus sur un électoralisme de supermarché que sur des données sérieuses, et on convoque la presse. Ce qui est fantastique, c'est qu'ensuite, en plénière, on peut citer la tribune des lecteurs... Ah, c'est là un grand moment lorsqu'on peut citer la tribune des lecteurs !
Et lorsqu'on lit l'exposé des motifs, on se rend compte qu'une seule donnée est avancée - c'est le nombre de 4X4 en Suisse - et que selon les motionnaires, ce chiffre doit être revu à la hausse, mais que cela reste à vérifier. Messieurs, la prochaine fois que vous désirerez lancer une motion, vérifiez, avant de lancer une loco-motion ! Je propose de rejeter assez sèchement ce texte qui n'a ni queue ni tête, bref, qui est un vrai tête-à-queue. (Applaudissements.)
M. Sami Kanaan (S). Si je compte le nombre d'intervenants sur les bancs d'en face qui ont cru nécessaire de préciser que cette motion était nulle et non avenue et devait aller à la poubelle, c'est que visiblement, elle les perturbe tout de même un peu. Comme l'essentiel a été dit et qu'on ne fera pas changer d'avis les gens ce soir, je répéterai juste - et, même en face, certains d'entre vous l'ont admis - que, sur certains aspects, ces véhicules peuvent poser des problèmes en milieu urbain - j'insiste là-dessus.
Vous pouvez trouver des défauts ou des faiblesses à tout type de véhicules, évidemment, de même qu'à tout type de conducteurs. Simplement, ceux dont on parle cumulent les défauts: la masse, le volume, la consommation de carburant et même le bruit. Je parle bien d'un contexte urbain, de la ville; je ne parle ni de montagne, ni de zone rurale, ni de sport ou je ne sais quoi.
Pour résumer, j'aimerais quand même dire que cette motion est quand même basée sur des études faites par des organismes sérieux de prévention routière aux Etats-Unis, en Australie et dans d'autres pays anglo-saxons. Certains ici ont décidé que c'était nul et non avenu - c'est leur droit - mais il ne s'agit en tout cas pas d'organismes fantaisistes. De même, le bureau de prévention des accidents à l'échelon fédéral a également pris position, mais apparemment, vous le considérez également comme fantaisiste.
M. Desbaillets a dit que l'ACS s'en préoccupait; si même l'Automobile Club de Suisse s'en préoccupe, c'est un signe que ça vaut la peine d'examiner la question. Je le répète, notre demande est d'envoyer cette motion en commission afin de voir plus précisément et plus sereinement s'il y a matière à mesures ou pas. Je l'ai dit, nous serons les premiers à reconnaître que nous nous sommes trompés, le cas échéant.
Pour voir si le Grand Conseil prend ses responsabilités en matière de sécurité routière en milieu urbain, je demande le vote nominatif. (Appuyé.)
Le président. Je crois que d'autres voulaient également le demander. En conséquence, nous voterons à l'appel nominal sur les deux sujets, d'abord sur le renvoi en commission des transports, puis sur la prise en considération et le renvoi au Conseil d'Etat. Je vous donne quelques secondes. J'ai appuyé sur la sonnette pour que tous les députés puissent rentrer et voter. Je vois que les derniers députés franchissent la porte de la buvette. Tout le monde se rend à sa place, s'il vous plaît. Messieurs Odier et Blanc, vous venez de la buvette mais le vote nominal a été demandé, vous devez donc voter depuis votre place. Merci.
Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi en commission est rejeté par 53 non contre 21 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition de motion est rejetée par 53 non contre 25 oui.
Débat
M. John Dupraz (R). Je crois que tout est dit dans l'exposé des motifs. Je n'ai par conséquent pas grand-chose à rajouter à l'appui de cette motion, si ce n'est que c'est à Berne que l'on change les choses (ce n'est pas moi, mais Mme Calmy-Rey qui le dit). Cette motion va dans ce sens, puisqu'elle propose la mise en place d'un auxiliaire pour le Conseil d'Etat et pour Genève afin que nous soyons mieux défendus et que nous obtenions de meilleures décisions de Berne pour notre canton. (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien trouve cette motion très intéressante, car Genève souffre de son éloignement par rapport à Berne, comme on le voit actuellement avec la future élection de Mme Calmy-Rey le 4 décembre prochain (élection que l'on espère réussie). Je crois que Genève a beaucoup d'efforts à faire pour se rapprocher de Berne. Cette motion allant dans cette direction, nous la soutenons et souhaitons que la commission des affaires communales, régionales et internationales s'en occupe.
Le président. La motion suscitant un vif intérêt, de nombreux orateurs se sont inscrits. Je passerai donc la parole à MM. Vanek, Bavarel et Iselin, puis à Mme Brunschwig Graf avant d'arrêter le débat. Monsieur Pierre Vanek, vous avez sept minutes!
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, interrompez-moi à six minutes pour que j'atterrisse en douceur dans le cadre du temps prévu ! Je serai bref, car je n'ai pas l'intention de perdre du temps, ni de vous en faire perdre.
M. Dupraz est l'auteur unique de cette motion pour la constitution d'un organisme de lobbying genevois en direction de Berne. C'est vrai que M. Dupraz est un spécialiste en matière de lobbying sur l'une des questions de la politique fédérale. Je rappellerai cependant que Genève dispose, en matière de représentation à Berne, d'une députation de onze conseillères et conseillers nationaux et de deux représentantes au Conseil des Etats. Ces représentations ont en outre le mérite d'être élues directement par le peuple; elles traduisent donc pour celui-ci - ou du moins pour la part du peuple qui jouit du droit de vote - un certain nombre de positions et de sensibilités politiques et sociales et défendent des intérêts qui ne sont pas forcément tous identiques.
Je suis par conséquent extrêmement sceptique lorsque l'on présente le canton de Genève comme devant défendre «ses» positions, se faire entendre et influencer les décisions à Berne. Notre Genève est en effet diverse et pleine de contradictions quant aux positions politiques relevant des affaires fédérales. Celles-ci ne sauraient être escamotées par l'idée que le canton de Genève ouvrirait en quelque sorte une ambassade à Berne pour être officiellement représentée auprès de nos autorités fédérales. Indépendamment des conseillers nationaux ou aux Etats que j'ai évoqués, les conseillers d'Etat nous représentent par ailleurs dans une série d'instances intercantonales et d'organismes fédéraux et répondent aux consultations qui sont adressées aux cantons. Genève est donc largement représentée en direction de Berne.
Dès lors, si en dépit de nos onze conseillers nationaux, de nos sept conseillers d'Etat et de nos deux conseillères aux Etats nous avons encore besoin de cette ambassade ad hoc que M. John Dupraz propose d'envoyer à Berne pour faire du «lobbying» - terme que je n'aime guère -, cela signifie que l'on est bien mal servi par les éminentes personnalités que j'ai évoquées, ou du moins par ceux et celles qui occupent ces postes. Il faudrait alors peut-être en changer... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Dupraz, je vous prie de rester à votre place.
M. Pierre Vanek. C'est pourquoi je vous invite à rejeter cette motion, à ne pas la renvoyer au Conseil d'Etat et à ne pas perdre de temps en commission à se gratter la tête sur la manière de lui donner, le cas échéant, un sort plus honorable que le refus ce soir. Refusons-la, Mesdames et Messieurs, l'on gagnera ainsi du temps ! Et ce temps-là, les gens que j'ai cités pourront le consacrer à faire leur travail à Berne et en direction de nos autorités fédérales.
M. Christian Bavarel (Ve). La Suisse nous semble toute proche - il semblerait même que nous en fassions partie - c'est pourquoi les Verts vous demanderont de renvoyer cette motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
M. Robert Iselin (UDC). Il est certain - et cela est dit par quelqu'un qui appartient aux deux communautés - que les relations de Genève avec ce qu'on appelle Berne ne sont pas ce qu'elles devraient être. Il est également vrai que la députation constituée par les conseillers nationaux et les deux conseillères aux Etats n'est probablement pas suffisamment impliquée dans la vie bernoise pour assurer un bon contact. Bien que je ne sois pas toujours d'accord avec M. Dupraz, son idée me semble être excellente, dans la mesure où l'on ne développe pas à l'excès un service pléthorique et où l'on se contente d'envoyer à Berne une personne, ce qui me semble amplement suffisant. Cette personne devrait simplement comprendre la mentalité - je veux bien qu'elle vous paraisse étrange - de mes compatriotes. Cette personne pourrait en outre venir expliquer de temps en temps à Genève le fonctionnement de la Berne fédérale.
M. Christian Grobet (AdG). Cette motion doit pour le moins être renvoyée en commission si l'on veut entrer en matière, car il n'est guère sérieux d'envoyer une motion contenant une invite aussi vague demandant au Conseil d'Etat de créer une direction des affaires fédérales. L'on constate déjà que M. Iselin propose une autre version d'application de cette motion, puisqu'il conçoit un missi dominiciqui serait établi à Berne, une sorte d'ambassadeur qui interviendrait à gauche à droite et qui se rendrait de temps en temps à Genève. (Brouhaha.)
Je sais, cher collègue, que vous avez des relations outre-Sarine qui ont permis, semble-t-il, d'accélérer l'examen d'un dossier dans un cas particulier. Cependant, pour bien connaître non seulement la Suisse alémanique, mais aussi le fonctionnement du pays, j'imagine mal un fonctionnaire de l'Etat de Genève établi à Berne et faisant un certain nombre de démarches - et encore moins s'adonnant au lobbying ! Cette allusion me paraît d'ailleurs peu adéquate dans cette motion.
En définitive, que signifie la création d'une direction des affaires fédérales, sinon nommer quelques fonctionnaires de plus pour traiter des affaires politiques ? Or, je dis non à cela ! Je ne suis déjà pas convaincu de la nomination de différents délégués par le Conseil d'Etat pour les affaires régionales, les affaires internationales, etc. Je suis encore moins convaincu que la désignation d'un fonctionnaire, aussi bon soit-il, soit de nature à avoir véritablement l'influence que souhaite l'auteur de cette motion. C'est aux représentants politiques et au Conseil d'Etat en premier lieu qu'il incombe d'assurer cette tâche. Le Conseil d'Etat ayant pris la bonne habitude de ne plus avoir de représentant aux Chambres fédérales, il devrait disposer théoriquement de davantage de temps pour ses relations avec Berne.
Je tiens par ailleurs à souligner, en tant que conseiller national, que les dossiers fédéraux deviennent de plus en plus complexes. Imaginer dès lors, comme M. Iselin, qu'il puisse y avoir un Pic de la Mirandole capable d'intervenir sur tous les objets auprès de Berne, non seulement s'avère irréaliste, mais ne ferait que ridiculiser Genève. De plus, même si je ne suis pas toujours d'accord avec les recommandations du Conseil d'Etat, je constate qu'il prépare ses réponses avec grand soin dans le cadre des consultations, et ceci souvent sur des sujets délicats qui nécessitent l'appui de spécialistes. Je ne crois par conséquent pas que l'on puisse confier l'ensemble des tâches à une délégation.
J'aimerais revenir, Monsieur Dupraz, sur l'objet de mon intervention lors de la dernière ou avant-dernière séance du Grand Conseil. Nous avions suggéré dans le cadre d'un projet de loi - qui n'a guère suscité d'intérêt - de créer une sorte de commission avec des représentants des partis, afin de soutenir le Conseil d'Etat et pour que Genève soit plus présente sur certaines questions fédérales qui sont d'actualité. Je remercie à cet égard M. Lamprecht d'avoir donné suite à cette suggestion; en effet, bien que conviée au dernier moment - ce dont M. Lamprecht n'est nullement responsable - notre délégation a fait bonne figure. L'histoire du tri postal montre certes l'intervention décisive des syndicats; je persiste cependant à croire - et M. Lamprecht aura certainement pu le dire au Conseil d'Etat - au rôle non négligeable des interventions des délégations de cantons. Les parlementaires ont par ailleurs la possibilité de tenir un discours différent d'un conseiller d'Etat, ce dernier se devant de respecter certains usages. M. Gygi ne s'attendait en tout cas pas à une telle réception de la part de cette délégation.
En conclusion, si l'on veut faire évoluer la situation, il vaudrait mieux s'interroger sur les moyens d'être plus efficaces sur le plan politique, car le Conseil d'Etat fait fort bien son travail sur le plan technique. Le problème en tant que tel méritant d'être étudié, je suggère que cette motion soit renvoyée en commission. Il serait intéressant que le Conseil d'Etat soit auditionné à l'occasion de l'examen de cette motion, afin qu'il expose la manière dont se développent les relations entre Berne et Genève et les moyens de les améliorer.
Le président. La parole est à Mme Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, qui remplace M. Cramer.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je remplace tout le monde aujourd'hui ! En attendant que les objets du département de l'instruction publique arrivent à l'ordre du jour, vous me voyez fort occupée ! (Commentaires.)
J'aimerais dire deux choses au nom du Conseil d'Etat. En premier lieu, même si chacun possède sa propre idée quant à la solution à adopter, la motion a le mérite de s'interroger sur la façon dont le canton de Genève pourrait non seulement améliorer la défense de ses intérêts, mais également faire clairement entendre sa voix; le Conseil d'Etat en a d'ailleurs débattu à plusieurs reprises. Il n'est cependant pas certain que le terme «direction des affaires fédérales» exprime vraiment cela, pas plus que l'idée d'envoyer un ambassadeur sur place - ambassadeur qui viendrait régulièrement rendre compte à l'«Empire» qui l'a envoyé à Berne. Le Conseil d'Etat est prêt à recevoir la motion si vous en décidez ainsi, tout comme il est prêt à participer à des débats en commission si vous en jugez autrement.
J'aimerais souligner un deuxième élément qui permettrait à Genève de bénéficier au maximum des échanges avec la Confédération et qui nous paraît beaucoup plus important que d'envoyer une personne à Berne; cet élément a d'ailleurs déjà été esquissé dans cette assemblée. En préliminaire, je dirais que le canton de Genève souffre parfois d'un déficit d'image, déficit très souvent dû à notre propre comportement et à une certaine propension à définir Genève, avec ses quatre kilomètres de frontière, comme un canton si différent des autres cantons confédérés qu'il n'a pas à participer ni aux préoccupations, ni à la solidarité confédérales. Or, ceci constitue un obstacle majeur pour les personnes qui travaillent sur le plan fédéral. Les députés doivent accepter, comme certains l'ont dit, que les conseillers d'Etat aient une activité intercantonale et une présence fédérale (je ne parle pas de présence élective) importante. De nombreux dossiers intercantonaux ou en lien étroit avec la Confédération se traitent en effet à Berne, ce qui implique des conseillers d'Etat un engagement, du temps et des prises de responsabilités dans des organes intercantonaux et en lien avec la Confédération. Cela signifie également que vous acceptiez la présence des conseillers d'Etat dans ces organes ainsi que les aménagements nécessaires en termes de disponibilité puisque, comme vous l'aurez compris, l'on ne peut être partout à la fois. J'ajouterai que certains horaires de votre Grand Conseil et certaines de vos décisions ne sont pas nécessairement de nature à faciliter l'exécution de ces mandats.
Mesdames et Messieurs les députés, vous déciderez vous-mêmes du sort de cette motion. Cependant, dès lors que vous souhaitez la traiter en commission, nous vous recommandons de prendre en compte tous les aspects de la problématique. Ce n'est en effet pas un fonctionnaire - fut-il le meilleur - qui pourra obtenir des décisions de nature politique auprès du Conseil Fédéral; en revanche, des personnes bien habilitées peuvent parfois connaître des arcanes, des dispositions fédérales et des modes de subventionnement qui font parfois défaut à notre canton.
M. John Dupraz (R). Je remercie le Conseil d'Etat pour sa prise de position. Cette motion, Monsieur Grobet, est sans prétention. Je constate - et je n'accuse personne - qu'il y a un manquement entre Genève et Berne. Dès lors, comment faire pour être le plus efficace ? J'ai proposé cette solution à l'image de la direction des affaires extérieures. Il est vrai que si les conseillers d'Etat pouvaient se libérer pour être plus présents à Berne, cela serait certainement mieux. Cependant, je tiens à rappeler à M. Vanek, qui s'interroge sur ce que font les onze députés du Conseil National, que nous sommes des miliciens et que nous ne pouvons pas tout faire !
Cette motion a uniquement et modestement pour objectif de poser le problème et d'y trouver la meilleure solution possible. J'ai proposé d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat, car cela me semblait le plus rapide. Si elle est renvoyée en commission, cela engendrera des périphrases et des auditions qui n'amèneront aucun élément nouveau par rapport au rapport du Conseil d'Etat. C'est pourquoi il me semble plus efficace et plus direct d'envoyer ladite motion au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le renvoi à la commission des affaires régionales ayant été demandé, je le mets aux voix en priorité, conformément à notre règlement.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
Débat
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. La majorité de la commission des transports a relevé avec satisfaction que les cinq projets de traversées de localités sont qualifiés par le Conseil d'Etat de réalisables sur le plan technique. Cette majorité a toutefois relevé que le projet le plus long à réaliser (soit la traversée du Grand-Saconnex) est prioritaire pour le Conseil d'Etat, alors que le projet le plus rapidement réalisable (soit la traversée de Vésenaz) est quasiment à bout touchant, puisque la commission des travaux a voté le crédit de construction il y a quelques semaines. Or, les cinq projets sont importants pour la majorité de la commission. Ils devraient donc tous être réalisés à terme. Leur réalisation va d'ailleurs dans le sens de la volonté des Genevois, qui ont souhaité l'inscription du principe de la complémentarité des transports dans la Constitution au mois de juin dernier.
L'amélioration de la traversée de ces localités non seulement bénéficiera à ceux qui doivent circuler rapidement pour des questions professionnelles, mais permettra de surcroît aux TPG d'être plus performants et donc plus attractifs. Je vous recommande donc de voter ce rapport, comme la majorité de la commission vous le propose.
Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. De nombreuses critiques sont à énoncer sur le rapport émanant du Conseil d'Etat. En premier lieu, si l'étude multicritère n'est certes pas mauvaise en soi, les solutions sont problématiques car la question est tout simplement mal posée: l'étude compare en effet des projets disparates dans le but d'établir des priorités. Les conditions générales reprises dans le rapport du Conseil d'Etat sont pleines de bon sens dans la mesure où elles considèrent que les projets répondant à des intérêts géographiquement élargis et ayant des impacts significatifs sur le trafic en général doivent être prioritaires par rapport à des projets répondant à des intérêts locaux et sans impact prépondérant sur le trafic général. Or, cela me semble être la moindre des choses lorsqu'on parle de deniers publics ! C'est faire preuve d'un minimum de bon sens !
Construire des tunnels et des nouvelles routes est un acte lourd de conséquences, dont les inconvénients sont loin d'être négligeables. Ainsi, les tunnels posent d'énormes problèmes de sécurité, comme l'a prouvé l'actualité de ces dernières années. Il faut en outre tenir compte des impacts urbanistiques causés, par exemple, par les trémies d'accès. Il ne faut pas non plus oublier que les voitures finissent toujours pas sortir du tunnel; il s'agit donc d'un emplâtre sur une jambe de bois. Pour finir, le coût de tels projets s'avère toujours élevé, et cela pour des retours sur investissements relativement faibles. C'est ainsi que la traversée de Vésenaz n'offrirait qu'un soulagement très local, ne concernant que quelques trois cents personnes, alors que la situation resterait identique tant en amont qu'en aval. Ces millions que certains sont prêts à investir pour résoudre ponctuellement - et non durablement - les problèmes réels que connaît la rive gauche sont investis au mauvais endroit d'après la minorité de la commission. L'alternative la plus intéressante nous semble être la mise en place d'une desserte performante par les bus sur la rive gauche.
Construire des tunnels est par ailleurs un non-sens dans l'optique de la complémentarité des modes de transports, car les tunnels sont de véritables aspirateurs à voitures; de telles constructions suppriment également toute volonté du report modal. Nous attendons en conclusion une véritable conception générale des déplacements qui permette de résoudre les problèmes que Genève connaît en matière de circulation et d'offrir une mobilité respectueuse de l'environnement et de la qualité de vie de chacun. Dans l'attente de cette conception générale, je vous invite à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
Le président. L'interpellation de M. Velasco ayant été reportée, nous traitons actuellement le dernier point à notre ordre du jour. Nous le terminerons cependant ce soir.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste s'est opposé aux conclusions du rapport de majorité, car il n'est absolument pas favorable à ces différentes propositions d'évitements de localités. L'on peut certes comprendre, sur le plan local, que des habitants souhaitent ces ouvrages pour leur confort immédiat. Nous ne sommes cependant pas du tout convaincus que ces ouvrages puissent apporter une solution aux problèmes de circulation; plutôt que de dissuader les automobilistes, ils créeront au contraire de nouveaux afflux de voitures. L'on nous propose donc une fuite en avant, ce qui nous semble être tout à fait contraire au principe du développement durable. Une telle logique devrait également impliquer la fermeture de plusieurs rues de la ville de Genève, car les habitants de la ville subissent des nuisances pires que ceux d'autres communes plus rurales ou des communes qui proposent précisément ces évitements de localités. Les ouvrages projetés sont de surcroît lourds de conséquences pour l'environnement. Il s'agit par ailleurs d'investissements coûteux d'une efficacité minime à l'échelon du canton.
Comme nous l'avons dit à maintes reprises, la solution aux problèmes du trafic routier passe par une meilleure performance des transports collectifs et par des parkings d'échange attractifs. Nous rejoignons donc les conclusions du rapport de minorité: il manque un concept global des déplacements. Ce n'est en effet pas une somme de solutions sectorielles qui permettra de résoudre le trafic à Genève. Nous vous demandons par conséquent de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
M. Christian Grobet (AdG). La députation de l'Alliance de gauche est également totalement opposée aux conclusions de la majorité de la commission des transports, et tout particulièrement aux propos tenus par M. Jeannerat, qui justifie ces nouvelles réalisations routières en faisant valoir qu'il faut, au nom de la complémentarité, donner davantage d'espace au trafic automobile pour faire face à l'augmentation de ce dernier.
Je tiens en premier lieu à faire part de mon effarement devant le manque total de responsabilité de l'Occident quant au développement du trafic automobile, à la pollution qui en résulte et au problème terrifiant du réchauffement du climat. Nous devons définitivement comprendre que nous ne pouvons plus continuer dans la voie dans laquelle nous nous sommes engagés, car nous faisons totalement fausse route. C'est ainsi que certains citoyens à Lully (aux malheurs desquels je compatis du reste) s'étonnent de constater que la Suisse commence à être confrontée à des problèmes semblables à ceux d'autres pays.
Or, il faut savoir qu'une île du Pacifique est appelée à disparaître prochainement et que, comme l'a montré la publication récente d'une carte dans la presse, de nombreuses côtes vont être submergées par des marées. Le problème du réchauffement climatique est donc véritablement dramatique et il est réellement temps d'agir! Une partie énorme de la banquise de l'Antarctique (plus grande que le Luxembourg) s'est détachée il y a quelques mois, les températures augmentent chaque année, les glaciers régressent et la pluie devient de plus en plus abondante, mais l'on persiste à ignorer ces problèmes ! Venir avec des discours tels que ceux entendus aujourd'hui n'est donc pas seulement contraire au développement durable - que chacun se gargarise à évoquer sur tous les bancs - mais cela contribue à mettre en péril l'avenir de notre humanité. Cela était un sujet sur lequel je voulais insister, car il s'agit du point le plus important de mon intervention - tout le reste n'étant que verbiage. Je poursuivrai néanmoins dans le verbiage. (Huées. Rires.)
Vos cinq projets sont aussi mauvais les uns que les autres. Comme la rapporteuse de minorité l'a indiqué, ces tunnels ne résoudront aucun problème de circulation, car ils ne feront qu'accélérer la circulation...
Une voix. Et il y a les gamins !
M. Christian Grobet. On y reviendra, aux gamins. Si l'on veut réellement protéger le public, il faut mettre en place dans les localités des mesures efficaces de ralentissement du trafic que vous refusez de prendre, et non construire des tunnels routiers qui sont, comme je l'ai appris lorsque j'étais au département des travaux publics, les éléments les plus dangereux. Oui, tu peux rigoler, Bernard ! On a eu toutes les peines du monde à faire admettre à la Berne fédérale les tunnels autoroutiers à Genève, et je dois avouer que je n'aurais jamais imaginé la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ni, au vu de toutes les mesures de sécurité prises, les accidents qui se sont produits dans le tunnel de Vernier et où on a frôlé le pire. La réalité, c'est que les tunnels routiers - et vous le savez ! - sont des ouvrages particulièrement dangereux. Or, vous voulez créer ces ouvrages dangereux pour gagner au maximum une ou deux minutes sur le temps de déplacement des voitures, temps qui sera perdu un kilomètre plus loin lorsque les voitures seront arrêtées à l'entrée de la ville ! Vous nous demandez donc de réaliser des ouvrages absurdes !
Je constate que la circulation en ville devient absolument impossible tant il y a de voitures. Tout à l'heure, en venant de la gare, j'étais assis dans le tram à côté de deux dames d'un certain âge qui regardaient par la fenêtre au moment de traverser le pont de la Coulouvrenière et qui notaient que l'ampleur du trafic était partout la même. Si vous continuez ainsi, il sera impossible de se déplacer à Genève dans cinq ans ! Vous avez vingt ans de retard, car toutes les villes modernes ont compris que la seule alternative consiste en un développement des transports publics si l'on veut, d'une part, pouvoir se déplacer et, d'autre part, éviter de suffoquer sous les gaz des voitures et de subir le bruit. Je vous rappelle à cet égard que 300 kilomètres de routes genevoises dépassent les valeurs limites de l'ordonnance fédérale sur le bruit.
Le président. Il vous reste 30 secondes.
M. Christian Grobet. Oui. Je conclurai ainsi, car je reprendrai la parole une dernière fois. (Brouhaha.)J'entends en effet dire très clairement ce que je pense du soutien par le Conseil d'Etat d'un projet absurde et coûteux, soit le contournement du Grand-Saconnex, alors que l'on se propose de ramener le tram jusqu'au Grand-Saconnex et de mettre en place un parking d'échange. J'approuve à cet égard Mme Fehlmann Rielle, qui estime que c'est cette politique que l'on doit mener. Voulez-vous vraiment que l'on investisse 100 millions dans un tram ainsi que 100 millions dans un tunnel qui enlèvera au tram une bonne partie de son intérêt ? Je ne comprends pas le Conseil d'Etat, qui me semble être complètement à côté de tous les objectifs fixés par le plan directeur des transports. (Huées.)J'en ai fini pour le moment. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous n'êtes d'ailleurs pas obligé, si vous voulez faire gagner du temps, d'utiliser tout votre temps de parole.
M. Alain Meylan (L). M. Jeannerat a fort bien résumé l'objectif de ce rapport, qui conclut très justement à la faisabilité de TOUS les projets, et c'est bien là que réside l'intérêt de ce projet. C'est pourquoi le groupe libéral soutiendra ce projet et en prendra acte avec plaisir.
Ce rapport a tout d'abord réussi à démontrer la faisabilité de ces projets sur le plan technique, et ceci par des éléments objectifs, c'est-à-dire par une pondération des éléments tant qualitatifs que quantitatifs relatifs à l'économie, à l'environnement, à la sécurité et à la qualité de vie, que d'aucuns semblent oublier lorsqu'il s'agit de prévoir dans les localités ces risques majeurs. Ce rapport tout à fait cohérent fixe certes certaines échelles, les cinq projets n'étant pas tous comparables; ils ont cependant tous été pondérés par rapport à des objectifs et par un bureau tout à fait neutre en la matière.
Il faut absolument soutenir ces projets et réaliser, dans la mesure du possible, les objectifs fixés dans les différentes localités. Quant aux discours tenus ce soir sur l'absurdité de développer de tels projets, je ne suis pas certain que les habitants de Chancy seront très satisfaits d'entendre que certains députés du banc d'en face considèrent que la sécurité n'est pas à l'ordre du jour, ou que la qualité de vie ne doit pas être prise en compte. Quant à la complémentarité des moyens de transports, lorsque le sujet est abordé j'entends fréquemment les députés des bancs d'en face prétendre qu'ils soutiennent cette complémentarité, mais lorsqu'il s'agit de soutenir des éléments la favorisant à Meyrin, au Grand-Saconnex et pourquoi pas à Vésenaz, cela n'est plus le cas. Or, vous avez tous voté, Mesdames et Messieurs les députés, une résolution avec le plan directeur des transports publics qui cherche à donner un concept général des déplacements basé sur la complémentarité. Nous n'avons malheureusement pas pu en discuter dans le cadre de nos travaux sur le contrat de prestation des TPG, mais M. Cramer nous a assuré qu'il viendrait prochainement devant notre commission et devant notre parlement pour nous faire une proposition raisonnable et cohérente.
En conclusion, le groupe libéral soutient pleinement cette résolution et en prendra acte avec plaisir.
Le président. Nous avons encore plusieurs orateurs inscrits: MM. Dethurens, Odier, Bavarel, Grobet, Rodrik, Pagani et Jeannerat. Mme la rapporteuse de minorité va, je pense, également s'inscrire. Si vous êtes d'accord, je vous propose de clore la liste. La parole est à M. Jean-Marc Odier. Essayez d'être concis.
M. Hubert Dethurens . Vous m'aviez donné la parole !
Le président. Excusez-moi, Monsieur Dethurens ! A force de lire la liste, je vous avais omis ! J'en suis désolé. La parole est à vous.
M. Hubert Dethurens (PDC). J'essaierai d'être bref, mais j'en ai tout de même pour un petit moment ! Avant de ressortir l'arche de Noé que nous propose M. Grobet, je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec lui quant au réchauffement de la planète. J'ai cependant appris que les voitures consomment plus d'essence dans les bouchons qu'en roulant, ce qui est contradictoire avec ses propos.
Je souhaite pour ma part recentrer le débat: ce rapport porte sur l'étude de cinq possibilités d'évitements de localités. Je n'ai nulle part lu dans le rapport d'administration que ces possibilités sont bonnes ou mauvaises, car l'administration s'est limitée à nous faire cinq études. Nous en avons ensuite fait l'usage que nous en avons voulu. Le vote en commission était d'ailleurs intéressant, car l'on ne savait pas si l'on votait pour ou contre.
Je prends maintenant le rapport de minorité de Mme Frei. Je souhaite dire à M. Cramer qu'il a des collaborateurs qui sont... ne disons pas nuls mais presque, selon la phrase suivante dudit rapport: «Soulignons tout de même que tous les acteurs de cette évaluation sont des membres de l'administration publique, ce qui oriente et limite sérieusement les résultats». J'espère donc, Monsieur Cramer, que vous changerez les personnes chargées de la réalisation de ces rapports, puisqu'ils semblent être limités !
Concernant certaines solutions préconisées, notamment à Onex qui a renoncé à sa traversée, je dirai: pourquoi pas ? Cependant, prendre des mesures moins invasives, comme le propose le rapport de minorité, signifierait qu'il faille mettre des pots de fleurs sur la route de Chancy, qui est un axe prioritaire. Or, cela est inacceptable, la voie devant être laissée libre sur les grands axes. On prétend par ailleurs que le tunnel de Vésenaz ne serait utilisé que par 300 personnes. Or, j'ai lu dans une étude qu'il serait utilisé par 18 000 véhicules par jour, et j'estime quant à moi à 30 000 le nombre de ses usagers quotidiens. Il ne s'agit donc de loin pas d'une utilisation purement locale.
J'en viens maintenant à Meyrin. M. Grobet nous dit qu'il est scandaleux de développer un tunnel à Meyrin et qu'il vaudrait mieux y développer une voie de tram. Vous avez certes raison; cependant, l'étude indique que le tram n'absorbera pas le supplément de trafic qui sera engendré d'ici dix ans. Ce n'est donc pas une, mais quatre voies de tram qu'il faudrait mettre les unes à côté des autres ! Je rejoins pour ma part M. Meylan sur la question de la complémentarité: nous demandons non seulement le développement d'une voie de tram, mais également l'amélioration du trafic des véhicules privés.
Que vous le vouliez ou non, l'augmentation de voitures aura lieu. Faites donc plutôt une loi interdisant les voitures, mais ne nous ennuyez pas avec l'arche de Noé !
M. Jean-Marc Odier (R). Si le Conseil d'Etat n'avait rien voulu faire, il n'aurait pas agi autrement: cette étude - fort intéressante - date en effet de fin 2001; cela fait donc bientôt une année que cet objet traîne à l'ordre du jour. De plus, la priorité est accordée à l'objet le plus controversé et ayant le moins de chance d'aboutir, soit la route interquartiers. Le projet qui aurait pu être démarré rapidement n'est en revanche pas soutenu.
Lorsqu'on évalue à quelques 40 % l'augmentation des déplacements pour les années à venir, il me semble que tous les modes de transports devraient être développés, et ceci sans les opposer les uns aux autres. Or, depuis deux mois, la commission des transports travaille sur le plan directeur des TPG et son contrat de prestation de 160 millions, qui arrivera en urgence au Grand Conseil; en revanche, l'étude n'a absolument pas été travaillée en commission. C'est pourquoi je propose, tout comme Mme la rapporteuse de minorité, d'adopter une conception générale des déplacements. Depuis des années, Genève mène en effet une politique du coup par coup. C'est ainsi que nous avons voté dernièrement le projet de loi 8148, qui déléguait certaines compétences aux communes et qui constituait un véritable morcellement de la vision d'ensemble que l'on devrait avoir; cela s'avère donc contradictoire. Je conclurai en répétant qu'une vision d'ensemble est absolument indispensable. Cette conception devrait en outre englober non seulement ces cinq projets, mais également la traversée de la rade. J'invite dès lors M. Cramer et les autres conseillers d'Etat à avancer non seulement sur les transports publics, mais également sur un plan directeur des transports individuels. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Je voulais rappeler à M. Dethurens - il n'est plus présent, mais il doit m'entendre depuis la buvette - qu'il s'agit des 300 habitants de Vésenaz (Manifestation dans la salle.)et non de 30 000 automobilistes qui auraient l'immense plaisir d'aller rouler en braille dans un tunnel. Cela dit, j'ai l'impression que la solution que l'on nous propose, soit mettre des voitures dans un tunnel, ressemble aux habitudes ménagères que nous les hommes - malheureusement majoritaires dans ce parlement - avons de mettre la poussière sous les tapis lorsque nous faisons le ménage. (Huées.)Or, je ne suis pas certain que cela soit la méthode la plus appropriée.
Le président. Messieurs les députés, écoutez l'orateur !
M. Christian Bavarel. La poussière est toujours présente, ainsi que les voitures. Nous avons bel et bien un problème de surplus de voitures... (L'orateur est interpellé.)Et bien entendu un surplus de poussière aussi... Nous avons donc un problème de surplus de voitures, dû à cette circulation qui nous pollue. Il s'agit donc de s'interroger aujourd'hui sur la manière de diminuer la circulation afin que nous puissions tous accéder à la mobilité; la mobilité nous concerne en effet tous, et les solutions préconisées ici ne peuvent pas nous satisfaire.
Je suis extrêmement satisfait de constater ce soir que M. Grobet a finalement compris les problèmes qui se posent... (Commentaires.)...et que l'Alliance de gauche nous soutient sur ce point. Je rappellerai que tout est faisable, mais que tout n'est pas forcément nécessaire. C'est pourquoi nous vous demanderons de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède pour la seconde fois la parole à M. le député Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Je dirai tout de suite à M. Bavarel, que j'apprécie beaucoup mais que je ne connais que depuis qu'il siège dans cette enceinte, que lui non plus ne me connaît pas depuis très longtemps, sans quoi il n'aurait pas dit les sottises qu'il vient de déclarer ! ( Chahut. )Sottises sur moi - je m'empresse de le préciser - pas sur le fond du dossier.
Je voulais revenir sur les cinq projets qui nous sont proposés, et ceci afin de souligner leur absurdité. En effet, les auteurs du projet de loi savent pertinemment que leur projet ne résoudra aucun problème de circulation. Vous avez invoqué comme argument principal la nécessité de réduire les nuisances dans la traversée des villages par des routes d'importance cantonale. Or, votre rapport est totalement dépassé, et l'était déjà il y a vingt ans, puisque j'ai eu connaissance de ces projets routiers lorsque j'étais au département des travaux publics. Je relève d'ailleurs que la commune d'Onex, qui insistait beaucoup pour que l'on mette la route de Chancy en tranchée couverte pour la traversée d'Onex, a finalement compris qu'il s'agissait d'une absurdité et a renoncé à ce projet.
Tous les projets discutés ici sont des demandes sectorielles de communes, demandes qui ne revêtent aucun intérêt cantonal: ce sont en effet des communes qui souhaitent réaliser ces ouvrages, et ceci pour des raisons soi-disant environnementales. Certaines d'entre elles ont finalement compris qu'un tel projet ne tenait pas la route - c'est le cas de le dire ! - et Onex a ainsi renoncé à son projet. Versoix a également renoncé à sa traversée, alors que j'ai reçu pendant plusieurs mois des bouchons dans ma boîte aux lettres pour me motiver en faveur de cette traversée, aujourd'hui abandonnée. Je constate également que la commune de Lancy a eu l'intelligence de renoncer à son projet.
L'on reste donc sur des projets dépassés. L'on nous dit par exemple que le projet de Vésenaz va améliorer la situation. Or, d'après ce que j'ai lu, l'autorisation de construire aurait été annulée par la commission de recours car, selon cette dernière, cette traversée ne diminuerait pas les nuisances, mais les aggraverait. Cela n'est du reste pas difficile à comprendre, puisque le fait d'entrer et de ressortir d'un tunnel provoque un bruit considérable de la part des automobiles. L'on voit donc aujourd'hui que ce projet soi-disant environnemental ne fait que dégrader la situation.
Le contournement de Chancy, qui était une affaire purement locale, n'a aucun intérêt cantonal. Quant à la traversée de Vésenaz, vous savez aussi bien que moi, Mesdames et Messieurs les députés qui vous dites favorables au développement de la complémentarité, qu'un tunnel risque de remettre en cause la réalisation d'une ligne de tram, qui devrait se faire depuis le Port-Noir jusqu'au-delà de Vésenaz: le tram ne pourra en effet passer ni par le tunnel, ni en dessus. (Chahut. Le président agite la cloche.) La réalisation de ce tunnel ne fait donc qu'empêcher la prolongation du tram.
La situation est la même à Meyrin: ce tunnel empêchera le tram ou des transports ferroviaires d'aller jusqu'à Saint-Genis. La dernière absurdité est celle du Grand-Saconnex, où la création d'un aspirateur de voitures ira à l'encontre de la volonté de créer une ligne de tram jusqu'au Grand-Saconnex avec un parking d'échange. En ce qui concerne la route du Grand-Saconnex, vous verrez, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Etat, qu'il y aura un référendum et vous verrez ce que la population décidera sur un ouvrage coûtant plus de 100 millions et impliquant de multiples dommages.
Il est donc vraiment temps, Mesdames et Messieurs les représentants de la droite, de revoir votre copie et d'arrêter de mettre en avant de tels projets en les justifiant par l'amélioration qu'ils procureront à quelques bordiers (car les villages de Vésenaz et de Meyrin ont peu d'habitants). Si vous étiez cohérents, vous devriez faire des tunnels partout en ville pour supprimer toutes les nuisances, car ces dernières y sont bien plus fortes que dans la traversée de Vésenaz ou de Meyrin. Vous voulez favoriser une catégorie de citoyens du canton par des investissements particulièrement coûteux; en revanche, vous vous fichez comme de l'an 40 des habitants de la ville, qui subissent toutes les nuisances de la circulation routière !
Le président. Merci Monsieur. Vous avez parlé durant six minutes, je tiens à le dire pour les bancs d'en face qui s'inquiétaient.
M. Albert Rodrik (S). J'ai écouté avec beaucoup de profit tous les grands ingénieurs de la circulation qui se trouvent dans l'Entente. Je tiens à leur dire que leur définition de la complémentarité des transports est en réalité une supplémentarité des transports privés. Ce canton est rongé par un cancer qui s'appelle «un véhicule pour moins de deux habitants»; or, vous voulez traiter ce cancer avec des tunnels, qui ne sont que ce que l'on appelait autrefois des cataplasmes à la moutarde des sinapismes, qui plus est fort onéreux. Vous ne nous proposez pas une complémentarité, mais la primauté du véhicule automobile partout et toujours ! Ne nous bourrez pas la tasse ! (Applaudissements.) (Huées.)
Le président. La parole est à M. Pagani, puis aux deux rapporteurs, enfin à M. Robert Cramer. Je vous rappelle que la liste est close.
M. Rémy Pagani (AdG). Je constate que ce débat se limite uniquement aux voitures, car un certain magistrat a, à une période donnée, supprimé tous les trams en ville pour laisser la place aux voitures. Donner la priorité aux voitures ne résout malheureusement rien. Je discutais il y a une dizaine d'années avec un ingénieur de la circulation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui faisait remarquer que le véritable problème à Genève résidait dans la configuration géographique de la ville, qui obligeait à la traverser de ponts. Or, selon cet ingénieur, à moins de boucher le Rhône et l'Arve, le problème des transports ne peut pas être résolu ainsi. Nous avons pour notre part développé une autre stratégie depuis plusieurs années, stratégie qui consiste à mettre le doigt sur le mal essentiel de cette ville, soit le déséquilibre entre l'emploi et le logement. Nous avons constaté depuis plusieurs années l'impossibilité de se loger au centre, et ceci en raison de visées spéculatives au centre. Toute une série de personnes ont dès lors été éjectées à la périphérie de la ville, y compris les frontaliers, car le terrain coûtait nettement moins cher et n'était pas suffisamment rentable pour y mettre des bureaux. C'est pourquoi nous nous activons depuis trente ans à combattre ce déséquilibre. Je rappellerai une seule statistique: Genève est la seule ville en Suisse, voire en Europe, à avoir regagné une population au centre-ville. Aussi longtemps que nous n'aurons pas résolu le problème du maintien d'un équilibre plus ou moins convenable entre les emplois et le logement, tant au centre-ville qu'à la périphérie, nous ne pourrons pas maîtriser la question de la circulation, car les 33 000 frontaliers et les 15 000 personnes qui viennent du canton de Vaud continueront de se déplacer en voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.
Ceci étant dit, pour ne prendre que le projet de Chancy, lorsque je vois qu'il s'agit au grand maximum de réguler le trafic pour 16 000 véhicules, j'invite les députés de l'Entente à se rendre à la rue des Deux-Ponts ou au boulevard du Pont-d'Arve, où pas moins de 50 000 à 70 000 voitures circulent quotidiennement. Vous devriez également voir la quantité impressionnante d'enfants traverser ces deux routes le matin. Je trouve dès lors un peu facile de faire du projet de Vésenaz un projet prioritaire alors que d'autres sites dans ce canton (notamment les deux axes que j'ai mentionnés) nécessitent une priorité absolue. Vous trahissez de surcroît vos électeurs, car vous savez que ce projet ne sera pas réalisé avant six ou sept ans, puisque aucun financement fédéral n'est acquis aujourd'hui. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Il est par ailleurs impossible de construire aujourd'hui la traversée de Vésenaz à cause de la pollution qui s'ensuivra car, comme l'a rappelé Christian Grobet, elle ne correspond pas aux normes OPR; cette traversée est donc plus polluante qu'autre chose. Ainsi, vous savez fort bien que, tant en raison du financement fédéral que du respect des normes de pollution OPR, la traversée ne peut être réalisée pour l'instant. Vous allez cependant adresser un recours au Tribunal fédéral et prendre de nombreuses mesures afin d'adapter Vésenaz aux normes qui ont été votées au niveau fédéral. Vous avez également voté en commission cette traversée de Vésenaz, qui faisait partie de votre programme politique. Je trouve pour ma part une telle procédure plutôt cavalière, car elle équivaut à respecter les engagements pris tout en sachant pertinemment que ce projet ne pourra pas être réalisé avant six ans. La gauche ou le Conseil d'Etat se voient ainsi accusés de s'opposer à la traversée de Vésenaz, alors que tel n'est pas le cas. Votre position est donc incohérente, et vous n'abordez pas le véritable problème que constitue le déséquilibre entre l'emploi et le logement - déséquilibre que vous avez maintenu envers et contre tout.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs de la minorité, cessez d'être dogmatiques et soyez réalistes: l'amélioration de la traversée des cinq localités dont il est question dans ce rapport ne constitue ni une fuite en avant, ni une réponse à la demande sectorielle de certaines communes; il ne s'agit pas non plus de la primauté des véhicules privés, et encore moins de gagner une ou deux minutes pour traverser le Grand-Saconnex, comme l'a dit M. Grobet.
Vous êtes en faveur du développement des transports publics. Or, le cas du Grand-Saconnex constitue la meilleure illustration de la manière d'améliorer les transports publics. Vous savez fort bien qu'il est impossible de faire monter le tram jusqu'au Grand-Saconnex et à Palexpo dans l'état actuel de circulation de la route de Ferney: un certain nombre de voitures descendent en effet le long de cette route étroite pour se rendre dans le secteur de l'ONU et d'autres organisations internationales. Dès lors, si l'on veut absolument développer les transports publics, comme vous le demandez, il faut impérativement pouvoir traverser de façon plus efficace ces localités. Le Grand-Saconnex est donc l'exemple parfait du développement d'une complémentarité, avec un tunnel pour les véhicules privés et un tram en surface, qui amène les gens du centre-ville au Grand-Saconnex et à la zone d'activité de Palexpo.
Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Je n'aurai besoin que de quelques secondes pour conclure. La Suisse s'est engagée à réduire ses émissions de CO2 d'ici 2010; or, nous ne nous engageons pas du tout dans cette voie. Il faudra prendre nos responsabilités un jour. Je vous rappelle par ailleurs que si quasiment tous les partis politiques présents dans cette enceinte ont inclus le développement durable dans leur programme électoral, peu d'actions concrètes sont prises en faveur du développement durable. Le respect de ce dernier impliquerait que l'on ne prenne pas acte de ce rapport et qu'on le renvoie au Conseil d'Etat.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Votre président m'interrogeait tout à l'heure sur le sens qu'il y avait à prendre la parole dans un débat portant sur un rapport. Il me disait que, le Conseil d'Etat s'étant exprimé par la voie de son rapport, celui-ci ne devrait pas faire l'objet d'un débat d'une telle dimension. Si votre président avait peut-être raison quant au principe, cela n'a assurément pas été le cas quant aux faits !
Si l'on observe les conclusions des rapports de majorité et de minorité, l'on constate que la majorité invite les députés à prendre acte de ce rapport, tandis que la minorité demande le renvoi du rapport au Conseil d'Etat afin que ce dernier réalise un plan directeur. Or, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en train de jeter les bases de ce plan directeur, et cela dans le prolongement du projet de loi portant sur la hiérarchisation du réseau routier - projet de loi qui n'a par ailleurs pas encore été renvoyé en commission. J'ai toutefois annoncé à la commission des transports, dans le cadre de ce projet de loi, que j'avais demandé au conseil des déplacements de réfléchir à un certain nombre d'amendements sur la façon même d'organiser la hiérarchie du réseau routier ainsi que sur quelques autres questions, parmi lesquelles la réalisation en matière de réseau routier du pendant des planifications en matière de transports publics. La nécessité d'une plus grande transparence dans la façon dont nous organisons et nous planifions le réseau routier est ressentie par chacune et chacun. Cette organisation devrait ainsi faire l'objet d'un débat, débat dans le cadre duquel un certain nombre d'options pourront être présentées et validées.
Je suis conscient que le rapport qui vous a été fourni par le Conseil d'Etat sur les évitements de routes ne représente qu'un très faible pas dans la direction de cette planification indispensable. J'espère très vivement être en mesure de vous soumettre les principes selon lesquels cette planification sera faite au plus tard lors du premier trimestre de l'année prochaine.
Un dernier mot pour rappeler qu'un rapport n'est qu'un rapport; tous les projets qui sont contenus dans ce rapport devront faire l'objet de deux projets de loi, portant respectivement sur le crédit d'étude et sur le projet lui-même. Tous ces projets seront ensuite soumis à la discussion de ce parlement, au référendum - comme l'a rappelé le député Grobet - ainsi qu'à toutes les voies de recours pouvant être exercées contre des autorisations de construire. Le présent débat me semble donc bien complet pour des objets dont nous aurons assurément l'occasion de reparler, et à plusieurs reprises.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport par 45 oui contre 24 non et 1 abstention.
La séance est levée à 23 h 25.