Séance du
vendredi 28 juin 2002 à
17h
55e
législature -
1re
année -
10e
session -
52e
séance
PL 7886-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Quelques mots en introduction. Tout d'abord, Monsieur le président, je souhaiterais rappeler que la pétition à l'origine de ce projet de loi n'est pas la pétition 1145-A, traitée avec ce projet et dont je vais vous parler dans deux secondes, mais une pétition communale, qui demandait de se saisir du problème du hameau de la Petite-Grave.
Deuxièmement, j'aurais voulu vous exprimer mes excuses, Mesdames et Messieurs les députés, concernant la pétition 1145. Celle-ci a été traitée avec le projet de loi 7886, mais n'a pas été explicitement ajoutée à mon rapport; c'est pourquoi vous avez reçu sur vos tables un rapport distinct 1145-A, mentionnant que la pétition a bien été traitée avec le projet de loi 7886-A.
Enfin, j'aimerais vous rappeler une chose importante, qui pourra peut-être influencer la suite de notre débat: le vote ne pourra s'effectuer aujourd'hui qu'en deux débats, car le troisième débat ne pourra intervenir qu'après l'achat par la commune de la parcelle en question, au prix convenu de 100 F le m2.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Le déclassement de la Petite-Grave fait partie de toute une série de déclassements de hameaux, qui suscitent passablement de débats. Jusqu'à présent, la position de la commission de l'aménagement - ainsi que celle de ce Grand Conseil, puisqu'il a entériné cinq ou six déclassements de hameaux dans le canton - était de protéger ces biens, qui sont un élément important de notre patrimoine et de limiter le développement de ces hameaux, dans la mesure où, comme on le sait, tout développement de ces petites agglomérations nécessite de lourds investissements d'infrastructure de la part des collectivités publiques et entraîne des déplacements importants, qui ne sont pas forcément les bienvenus dans notre canton.
Ceci dit, nous avions, dans un premier temps, soumis à l'enquête publique le déclassement de la Petite-Grave sur un périmètre large, mais la commission est depuis revenue à des notions plus restrictives, plus «raisonnables» me dit M. Vaucher, visant à déclasser la zone au plus près des maisons. On peut encore discuter pour savoir ce que signifie «au plus près des maisons», toujours est-il que le problème juridique qui se pose aujourd'hui, c'est que la commission est tombée d'accord sur ce déclassement réduit, sans remettre à l'enquête publique le projet de loi, alors qu'à mon sens, cela aurait dû être le cas.
On a affaire aujourd'hui à un propriétaire qui n'hésitera pas à faire recours contre la décision que nous allons prendre, même si c'est en deuxième débat, parce que, d'une part, nous avons réduit le périmètre et que, d'autre part, nous avons déclassé un terrain pour permettre le développement de ce hameau, contrairement à la pratique habituelle. Par ailleurs, nous avons déclassé ce terrain sans faire de même pour celui de ce propriétaire «spécial».
Par conséquent, si nous ne renvoyons pas ce projet de loi en commission, pour qu'elle étudie la jurisprudence du Tribunal fédéral intervenue depuis le dépôt de mon rapport, nous allons devoir dans tous les cas rediscuter cette question, après la décision du Tribunal administratif. Je vous propose donc formellement de renvoyer cet objet en commission, pour une étude plus approfondie de la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de demande de renvoi en commission, il n'y aura donc qu'une intervention par groupe.
Mme Anita Frei (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, concernant strictement le renvoi en commission, il me semble que cette question avait été tranchée lors des débats en commission de l'aménagement. Il avait été décidé que le plan adopté ne devait pas faire l'objet d'une nouvelle mise à l'enquête. A ce stade, nous nous opposons donc au renvoi en commission.
Le président. Pourrions-nous savoir, Monsieur le président du département, si vous demanderez le troisième débat? Ah, ce n'est pas le même problème ? Très bien, dans ce cas, vous m'éclairerez au fur et à mesure des votes.
M. Thomas Büchi (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical est relativement dubitatif devant ce projet de loi. Nous l'avons voté en commission sans grande conviction, conscients que ce projet était devenu, au fil des séances, un véritable serpent de mer. Nous n'avons pas le sentiment aujourd'hui d'avoir finalement abouti à un projet à cent pour cent satisfaisant, mais il nous semble plutôt que vouloir le passer en force, avec le risque très sérieux des recours, n'amènera rien de bon et fera perdre des années à la commune. Ce serait aller contre nos objectifs. Nous soutenons donc le renvoi en commission et sommes certains que les quelques semaines que nous allons perdre vont nous faire gagner bien des années de procédure. Nous espérons arriver cette fois à une position unanime, qui puisse être défendue.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Comme je l'ai annoncé au début, nous ne pourrons de toute façon pas voter aujourd'hui en troisième débat. On étudie ce projet de loi en commission depuis environ quatre ans, avec ses différentes variantes. Je pense que ce qui reste à faire n'est pas un travail de commission, mais plutôt de recherche juridique. Or, comme on doit suspendre le troisième débat, on aura tout loisir de se renseigner et de prendre les avis juridiques nécessaires, voire d'organiser une séance de commission pour apporter des modifications, en fonction des avis juridiques qui nous seront donnés.
Le président. C'est ce que j'avais cru comprendre, mais on m'a dit que je m'étais trompé...
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Les dix séances que la commission de l'aménagement a déjà consacrées à ce projet de loi montrent à l'évidence la complexité de la législation sur les hameaux. D'ailleurs, la commission l'a bien compris, puisqu'elle travaille actuellement sur un projet de loi de notre collègue Dethurens et de votre serviteur, qui paraissait au départ totalement anodin, mais qui révèle en définitive toute une série de problèmes et, surtout, la nécessité de réapprécier, de réappréhender la question de la protection des hameaux visée par la loi ou, en tout cas, celle de leur déclassement. Je me permets de contester l'intervention de M. Pagani, qui nie la possibilité offerte au législateur d'étendre un peu la zone à bâtir. En effet, le nouveau plan directeur cantonal de l'aménagement permet d'étendre un peu les zones à bâtir des hameaux. C'est l'opportunité qu'a saisie la commission, en accédant à la demande de la commune de déclasser une parcelle, dont les dimensions m'échappent à l'instant, mais cela n'est pas important. Ce qu'il faut retenir, c'est que cela permettrait la construction de quelques logements sociaux, destinés plus particulièrement aux jeunes de la commune.
Par contre, la commission a, c'est vrai, refusé la proposition communale et du département de déclasser la parcelle d'un propriétaire qui, apparemment, n'attendait que cela et fait preuve d'une mauvaise volonté manifeste pour remettre en ordre l'aménagement de sa parcelle. Il y a, vous le savez, un désordre indescriptible. Il laisse en l'état une maison à moitié brûlée, quand bien même le département lui a déjà accordé l'autorisation de rénover ladite maison - qui, signalons-le en passant, est située en zone agricole. C'est dire que, manifestement, la commune essaie de faire de l'aménagement pour régler un problème local, ce que nous, démocrates-chrétiens, nous nous refusons à faire.
S'agissant du renvoi en commission, je pense sincèrement qu'il n'est pas opportun; nous avons eu tout le loisir d'apprécier la situation durant les nombreuses séances de commission évoquées. Monsieur Pagani, vous l'avez dit, il y a eu en effet deux mises à l'enquête: celle d'un périmètre élargi et celle d'un périmètre extrêmement restreint, que vous aviez voulu sous l'ancienne majorité. Et c'est vrai que le choix de la commission s'est porté en définitive sur le périmètre élargi qui, je dirais, laisse un petit espace de respiration autour des maisons existantes. Mais c'est vous-mêmes qui, indirectement, l'avez voulu, Monsieur Pagani, car face à vos propositions toujours extrêmement restrictives, comme pour ce périmètre au ras des façades, nous, en commission, avons essayé d'être un peu plus pragmatiques et de donner aux propriétaires la possibilité d'aménager un peu les alentours des édifices. C'est pourquoi nous, les démocrates-chrétiens, estimons qu'il faut voter le projet en l'état, tel que soutenu par le rapport de majorité, et nous nous opposons au renvoi en commission.
M. Alain Etienne (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste n'est pas favorable au renvoi en commission. Nous avons longuement étudié ce projet de loi en commission, nous sommes allés deux fois sur place, nous avons reçu la commune à deux reprises, nous nous sommes déjà posé la question de la mise à l'enquête et on nous a rassurés sur ce point. Je ne vois donc pas en quoi il est nécessaire de renvoyer le projet en commission.
M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, nous soutiendrons la proposition de M. Pagani de renvoi en commission du projet de loi. A notre sens, ce projet de loi est voué à l'échec devant le Tribunal administratif. Nous savons d'ores et déjà que deux propriétaires du périmètre concerné ont la ferme intention de combattre ce projet de loi, s'il devait être accepté en l'état. Le renvoi en commission doit donc être voté pour examiner ces problématiques. Ce ne sont pas celles évoquées par M. Pagani; ce n'est donc pas pour les mêmes raisons que nous prônons le renvoi en commission. Je vous expose très brièvement ce dont il s'agit.
D'une part, nous avons exclu du périmètre déclassé une partie du hameau. Cela est évidemment contraire à l'article 22 de la loi sur l'aménagement du territoire concernant les hameaux. D'autre part, nous avons inclus dans le périmètre déclassé une parcelle qui n'est pas construite et qui ne fait pas partie du hameau. Là aussi, nous violons les dispositions cantonales sur le déclassement des hameaux. Pour ces deux raisons toutes simples, le projet tel qu'il nous est proposé ce soir et tel qu'il a été voté par la commission a très peu de chance de tenir la route devant le Tribunal administratif. Nous estimons qu'il faut réexaminer cette problématique sous cet angle-là en commission, de manière à ce que ce déclassement de la Petite-Grave soit accepté, et conformément également aux voeux de la commune, sur lesquels la majorité de la commission est d'ailleurs passée allègrement. Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la demande de renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je me réjouis que certains se rallient à la proposition de renvoi en commission, même si c'est pour d'autres raisons. J'aimerais juste dire quelques mots, d'abord sur le fond, puis sur la proposition de M. Vaucher.
Comme l'a rappelé M. Portier, la commission de l'aménagement mène en ce moment une réflexion sur le déclassement des hameaux, car nous avons compris que c'était une opération délicate: soit nous adoptons la position de M. Muller par exemple, qui vise à englober dans le déclassement des hameaux les piscines, les cabanons et autres choses de ce genre; soit nous définissons une politique claire, celle qui jusqu'à maintenant prévalait dans ce Grand Conseil et qui consistait à déclasser «au plus près des maisons», et nous nous mettons d'accord sur ce que cela veut dire. Quant à nous, nous défendons l'idée selon laquelle «au plus près des maisons» signifie que les propriétaires ne bénéficient pas d'une augmentation de leurs droits à bâtir, qu'ils ne peuvent installer par exemple de grosses vérandas qui leur permettraient d'augmenter de 30% leur surface habitable, défigurant en même temps les hameaux qu'il est question de protéger. Bref, il y a un débat autour de cette question. L'autre débat est de savoir si, dans certains hameaux, on peut définir une zone à bâtir. La commission a pris une option exceptionnelle sur cette question, celle de dire que oui, c'est possible. Et nous souscrivons à cette volonté de la majorité de la commission.
Ceci étant dit, encore quelques mots sur le fond juridique: la commission a, dans un premier temps, voté et soumis à l'enquête publique le périmètre large, puis elle s'est repliée sur un périmètre restreint qui a lui aussi été soumis à l'enquête publique et, aujourd'hui, elle a un peu élargi ce périmètre, à six mètres des maisons. Or, cette dernière proposition n'a pas été soumise à l'enquête publique et, pire encore, l'avis de la commune - et je rejoins en cela la position de M. Muller - n'a jamais été sollicité. C'est pour ce déni démocratique que nous réclamons le retour en commission, pour que le jour où ce projet sera mûr, la commission puisse s'appuyer sur la décision de la commune et de l'enquête publique, afin d'avancer sérieusement et d'être prête à affronter des propriétaires devant les tribunaux - car de toute manière on en arrivera là - dont un notamment, récalcitrant. C'est de ce point de vue là que nous proposons le renvoi en commission.
J'aimerais juste ajouter que la proposition de M. Vaucher de voter en deux débats fait allusion à la vente à la commune du terrain nécessaire à l'extension de ce hameau. Cependant, il est vrai que si nous votons le projet de loi en deux débats, cela voudra dire qu'on ne pourra pas revenir en arrière ensuite, puisqu'on aura déjà voté. Je propose donc de laisser tomber le vote en deux débats, de simplement renvoyer maintenant le tout en commission, afin d'avoir ensuite clairement les mains libres pour revenir ou non sur le projet de loi. Sans cela, on va se retrouver dans une pagaille juridique impossible.
Le président. Je vous rappelle que nous sommes devant une demande de renvoi en commission. Tous les groupes se sont exprimés, il reste M. Vaucher, rapporteur de majorité, et M. Laurent Moutinot.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. En ce qui concerne le projet de loi de déclassement des hameaux en cours d'étude dans notre commission, j'aimerais juste rappeler que celui-ci date de plus de dix ans ! Il est bien évident que la commune qui, j'aimerais le préciser en passant, est demandeuse d'une douzaine de logements à loyers modérés pour ses propres communiers - comme elle nous l'a dit à plusieurs reprises - serait très déçue si ce projet de loi devait de nouveau être renvoyé à perpète. Cependant, il y a un problème juridique certain qui pourrait provoquer un recours au Tribunal administratif. J'ai déjà discuté avec M. Pauli, du service juridique du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, qui m'a confirmé cette éventualité. Pour cette raison, et pour celle-là uniquement, tout en suppliant ce Grand Conseil et la commission de traiter le projet rapidement afin de pouvoir donner réponse à la commune désireuse de loger ses communiers, nous pouvons renvoyer en commission ce projet de loi, pour une étude des plus brèves. Comme on ne pourra de toute façon pas voter en troisième débat aujourd'hui, renvoyons-le brièvement, demandons les avis juridiques nécessaires, de manière à ce que nous ne soyons pas déboutés au Tribunal administratif ou fédéral.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est effectivement complexe. J'aimerais tout d'abord rendre hommage à la commission de l'aménagement, qui a su, avec passion parfois, trouver une voie juste entre un périmètre trop vaste et un périmètre trop petit. Il est exact que, le périmètre choisi n'étant ni le premier, ni le deuxième mis à l'enquête publique, mais un troisième quelque part entre les deux, le risque juridique d'une contestation ne peut être totalement éliminé, même s'il me paraît faible. Ce que je vous propose par conséquent, sachant de surcroît que le troisième débat n'aurait pas été demandé pour permettre l'acquisition de la parcelle par la commune, c'est de voter l'entrée en matière - ce qui permettra de rassurer clairement la commune sur l'intention de votre Grand Conseil d'aller de l'avant vers le déclassement, et de montrer aussi aux propriétaires intéressés dans ce secteur que vous voulez aller de l'avant - et de renvoyer en commission après le premier débat. Car si l'on renvoie en commission sans le vote d'entrée en matière, je crains que ce ne soit interprété par les uns et par les autres comme un renvoi aux calendes grecques. En commission, après le vote d'entrée en matière, on tâchera de régler définitivement la question de la nécessité d'une enquête publique supplémentaire, et on mettra au point les modalités pour que la commune puisse acquérir le bien-fonds en question.
Le président. Monsieur Pagani, êtes-vous d'accord avec cette procédure? Bien, j'en prends note. Je mets donc d'abord aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Le président. Je fais voter maintenant le renvoi du projet en commission.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 7886 à la commission d'aménagement du canton est adopté.
Mises aux voix, les conclusions de la commission d'aménagement du canton (classement de la pétition 1145) sont adoptées.