Séance du
jeudi 27 juin 2002 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
10e
session -
48e
séance
PL 8747-A
Premier débat
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. L'agriculture suisse est confrontée depuis plusieurs années à la problématique de la prise en charge par étapes de la commercialisation de ses produits et de l'ouverture à la concurrence internationale. Ce drastique changement d'orientation impose à l'agriculture une restructuration en profondeur, au moment même où s'exerce une pression particulièrement forte sur les prix. Beaucoup de produits étrangers sont élaborés dans des conditions sociales et environnementales qui ne peuvent pas être comparées à celles prévalant dans notre pays. Malgré le fait que ces contraintes sociales et environnementales soient en partie compensées, elles affectent fortement l'économie agricole dans notre canton. Aujourd'hui, le revenu tiré de la vente de productions agricoles suffit parfois à peine à compenser les charges d'exploitation.
La récente décision de la Chambre des relations collectives du travail d'augmenter les salaires agricoles minimums genevois de 2730 F à 3000 F vient encore péjorer la situation financière de bon nombre d'exploitants de notre canton. Si cette augmentation se justifie dans le contexte socio-économique genevois, elle oblige à verser des salaires supérieurs de quelque 24% à ceux versés en moyenne dans les autres cantons suisses. Ce problème spécifique a donné lieu à la présentation d'un projet de loi, le PL 8635, visant à instituer une prime temporaire d'aide à l'emploi agricole. Cette prime visait à éviter les effets d'une distorsion de concurrence fatale pour les producteurs genevois.
La commission de l'économie s'est réunie plusieurs fois pour étudier ce projet de loi 8635. Elle a rapidement conclu que cette forme de subvention, visant directement des salaires, était inadéquate. Estimant toutefois que l'agriculture genevoise se trouve actuellement dans une situation difficile, la commission a préféré la solution d'une aide limitée dans le temps, sous la forme d'un projet de loi ouvrant un crédit d'investissement et un crédit de fonctionnement au titre de mesures d'urgence en faveur de l'agriculture. C'est le projet qui nous occupe ce soir. Le principe du dépôt de ce projet de loi a été accepté par une très large majorité de la commission de l'économie. Cette commission s'est réunie à trois reprises pour parler de ce projet de loi en présence de M. Claude Convers, secrétaire général du DIAE, et de M. Jean-Pierre Viani, directeur du service de l'agriculture.
En Suisse et tout particulièrement à Genève, les exploitants agricoles ont consenti depuis plusieurs années des efforts très importants pour la restructuration de leurs entreprises et l'amélioration des processus de production. Les exploitants réunis en association professionnelle, voire interprofessionnelle, prennent en main le domaine, nouveau pour eux, de la valorisation commerciale de leurs produits. C'est le cas des maraîchers depuis bien longtemps ainsi que, depuis quelques années, celui des viticulteurs. Toutefois la mise en place d'une politique visant à rapprocher le producteur du consommateur sur le marché local reste fastidieuse. Il apparaît donc comme nécessaire, pour la majorité de la commission, que des mesures conservatoires soient prises pour éviter la disparition d'exploitations qui auront une chance de se développer dans le nouveau contexte.
Le projet de loi 8747 comporte quatre mesures qui déploieront leurs effets sur tous les secteurs de l'économie agricole genevoise et permettront d'assurer et de préparer le passage à de nouveaux objectifs.
La première mesure a trait au désendettement. Les charges d'endettement pèsent fortement sur les exploitations agricoles. Malgré les limitations imposées par le droit fédéral en la matière, le projet de loi prévoit la possibilité d'octroyer des prêts sans intérêt à des agriculteurs tombés dans l'embarras financier et méritant d'être soutenus. Ces prêts ne servent pas à financer un investissement, mais à convertir des dettes coûtant intérêt.
La deuxième mesure concerne la viticulture. Cette activité est confrontée à une crise particulièrement profonde, due notamment à des excédents de stocks de vins et à une féroce concurrence des produits étrangers. Les mesures proposées visent notamment à l'instauration de primes à l'arrachage volontaire.
La troisième mesure concerne le soutien promotionnel à la vente directe par les producteurs et à l'identification des produits locaux afin de mieux occuper le marché genevois.
Enfin, la dernière mesure consiste en subventions pour la construction et la mise en conformité d'installations de détention d'animaux, partant du principe que le contexte genevois est favorable, avec la présence d'une industrie de transformation de produits laitiers et carnés.
S'agissant de l'articulation technique du projet de loi, les trois premières mesures mentionnées feront l'objet d'un crédit extraordinaire de fonctionnement sur trois ans, soit pour 2002, 2003 et 2004, selon des tranches définies à l'article 4 du projet de loi. La subvention relative à la production animale fera quant à elle l'objet d'un crédit extraordinaire d'investissement pour les trois mêmes années.
Permettez-moi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de donner quelques explications sur certains articles du projet de loi, puisque le rapport ne vous a été transmis qu'aujourd'hui.
Je commence par l'article 2 du chapitre II, dont le titre est «crédit extraordinaire de fonctionnement». La majorité de la commission a souhaité inclure des contraintes environnementales comme conditions de subvention. Ainsi l'article 2 du chapitre II a pris la forme suivante : «Une subvention extraordinaire annuelle est ouverte en 2002, 2003 et 2004 au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale destinée au financement de mesures d'urgence au profit de l'agriculture genevoise, dans le respect des dispositions légales en matière d'environnement.»
S'agissant de l'article 3 du chapitre II, intitulé «mesures d'urgence», la commission est d'avis que la mesure décrite à l'alinéa 2, relative à l'arrachage des vignes, doit se baser sur deux principes: le volontariat et la limitation de la production de cépages de qualité moindre.
Plusieurs commissaires ont aussi souhaité introduire un amendement visant à l'interdiction de replanter pendant dix ans. En effet, après dix ans, il est nécessaire d'obtenir une nouvelle autorisation, car les surfaces sortent, passé ce délai, du cadastre viticole. La majorité de la commission est d'avis qu'il faut inciter à la diversification de la production. Elle estime qu'une réorientation sur des cépages plus nobles ne peut être que positive pour la viticulture genevoise. Nous nous sommes donc mis d'accord sur l'amendement suivant : «L'instauration d'une prime à l'arrachage volontaire de vignes sises dans le cadastre viticole à destination vinicole commerciale, en vue d'une reconversion progressive et qualitative de l'encépagement.» Les modalités de reconversion seront réglées par un règlement élaboré par le Conseil d'Etat.
S'agissant du principe d'une prime d'incitation à la limitation du rendement à la surface, il figure dans un autre alinéa, à la fin de l'article 3.
En ce qui concerne l'alinéa 4 de cet article 3, il faut préciser qu'il vise à mettre en oeuvre une politique de promotion des produits locaux. La commission a ainsi voulu introduire la notion de label de qualité visant principalement à assurer la traçabilité des produits. L'article a le libellé suivant : «L'aide à la promotion des produits agricoles genevois, notamment les productions maraîchères, fruitières et les céréales panifiables, en vue de la mise en oeuvre et d'un contrôle d'un label de qualité du terroir.»
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Jacques Jeannerat. S'agissant de l'article 4 du chapitre II, qui a trait au budget de fonctionnement, deux des mesures présentées - l'arrachage de vignes et le désendettement - demandent une étude sur le terrain. Les crédits prévus initialement par le projet de loi envoyé en commission ont semblé excessifs à notre commission. Nous avons donc opté pour un transfert d'une partie du budget 2002 sur les années 2003 et 2004.
S'agissant enfin de l'article 13, la commission souhaite qu'un rapport soit fait par le Conseil d'Etat au Grand Conseil à la fin de l'exercice comptable de 2003 et de 2004 et qu'une évaluation sur l'ensemble de cette loi et des mesures qu'elle propose, soit transmise par le Conseil d'Etat à notre parlement en 2005. En conclusion, je peux dire qu'une large majorité de la commission de l'économie a adopté ce projet de loi et invite ce parlement à faire de même.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. J'ai un petit problème de procédure: je ne sais pas si, dans le cadre du dépôt d'un rapport écrit, on doit lire, comme l'a fait M. Jeannerat, l'ensemble de... (Commentaires.)J'ai en effet eu l'impression qu'il a lu tout son rapport.
Le président. Il peut le faire, dans la mesure où il reste dans le temps qui lui est imparti, Monsieur Pagani. Ce n'est peut-être pas la méthode la plus efficace mais ça peut se faire.
M. Rémy Pagani. Je vais essayer de résumer. Comme dit mon collègue John Dupraz, je vais essayer de parler avec le coeur.
Tout d'abord, il faut avoir une discussion de fond et le débat de ce soir sur l'agriculture nous en donne l'occasion. Je ne suis pas tellement d'accord avec M. Jeannerat quand il dit que l'agriculture genevoise subit actuellement une crise. Je crois qu'il y a cinquante ans que l'agriculture, de manière générale, subit une crise. En effet, en privilégiant l'ouverture des marchés mondiaux, l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, on est en train de couler l'agriculture. Ensuite, on demande aux paysans de se confronter à la concurrence internationale. C'est dire qu'on met en crise ce secteur de façon volontaire. Je ne connais aucun autre domaine de production en Suisse - pas même l'horlogerie - dans lequel les producteurs sont mis dans de telles conditions. C'est particulièrement grave dans le cas de l'agriculture, puisqu'il est essentiel pour l'ensemble de la population de pouvoir bénéficier de produits sains et - si j'ose dire - de produits du terroir.
Ceci étant, pour fixer un peu le cadre général, il s'agit bien évidemment de trouver des solutions à cette logique infernale. En effet, depuis soixante ans le nombre de paysans en Suisse n'a fait que diminuer. Les paysans représentent aujourd'hui 4,8% de la population genevoise - et ce n'est pas meilleur au niveau suisse - alors qu'avant la Seconde Guerre mondiale il y avait quasiment une majorité de paysans dans la population active.
Alors, l'Alliance de gauche a bien évidemment soutenu ce projet de loi qui s'opposait à un autre projet de loi visant purement et simplement à mettre 450 francs par mois dans la poche de certains agriculteurs, ce qui ne nous semblait pas pouvoir améliorer leur sort. En revanche, les propositions faites par le département de l'agriculture étaient bien ciblées, puisqu'elles visaient pour l'essentiel à limiter la production. Aujourd'hui, nous sommes en effet tous d'accord pour dire que le gros problème de l'agriculture, et notamment de la viticulture, vient à la fois des excédents de production et de l'ouverture du marché à la concurrence internationale. Pour parler concrètement de la viticulture, il est aberrant de faire venir du vin d'Australie, en raison notamment des coûts écologiques et de l'absence de réglementation dans ce pays. Rappelons par exemple qu'il est permis en Australie d'ajouter des copeaux au vin, alors que cela est rigoureusement interdit en Suisse. Il est aussi assez aberrant, mais cela fait partie de la politique fédérale, de laisser entrer du vin de cette qualité pour le mettre en concurrence, soi-disant, avec du vin du terroir.
Nous soutenons donc la mesure structurelle visant à désendetter les agriculteurs qui se sont endettés non pas pour acheter une villa mais pour exploiter leurs terres. Cette mesure nous convient tout à fait parce qu'elle vise à mettre en place un filet social pour atténuer les rigueurs de cette pseudo-concurrence internationale.
En ce qui concerne l'arrachage, nous arrivons au véritable problème. Nous sommes en effet d'accord avec l'arrachage de certaines vignes qui sont manifestement abusivement appelée vignes. On nous a dit en commission que produire du vin avec ces raisins s'appelle «faire pisser la vigne»... Là aussi nous sommes favorables à une limitation du stock et des capacités productives du canton. Cependant, nous nous sommes opposés en commission à une mesure allant à l'encontre de l'objectif proposé, à savoir viser la qualité et s'attaquer aux surproductions vinicoles. Cette mesure est celle qui permettrait d'aider les viticulteurs à changer leurs cépages. C'est comme si on proposait de donner une prime à un agriculteur pour changer son champ de poireaux en champ de carottes. Cela devrait soulever des problèmes idéologiques chez les députés assis en face de moi. La question qui se pose à ce moment-là est de savoir si l'Etat doit intervenir pour aider ce type de transformations de cultures. Je vous rappelle l'expérience qui a été faite concernant le blé. La Confédération a soutenu à un moment donné la production de blé, créant ainsi, quelques années plus tard, une situation de surproduction. Aujourd'hui, nous courons le risque, avec cette mesure, de nous retrouver dans quelques années dans une situation similaire. En voulant supprimer la surproduction de chasselas, par exemple, on arrivera à une surproduction de gamaret, au prétexte que c'est un cépage très demandé. Je reviendrai en deuxième débat sur cette mesure qui va à l'encontre de l'ensemble des mesures d'urgence destinées, si faire se peut, à sauver les 370 derniers agriculteurs-viticulteurs de notre canton.
M. Hubert Dethurens (PDC). Pourquoi une aide d'urgence en faveur de l'agriculture ? La situation de nos entreprises agricoles s'est détériorée très rapidement et ceci pour plusieurs raisons. Tout d'abord les accords de l'OMC obligent notre pays à stopper les aides directes à la production. Cela fait d'ailleurs sourire de voir aujourd'hui le président des Etats-Unis bafouer les règles de l'OMC que les Etats-Unis eux-mêmes ont mises en place, en triplant les aides aux agriculteurs américains. Je rappellerai par exemple que, même si le rapport n'est pas direct, le prix d'un quintal de blé en Europe est actuellement d'environ 15 francs suisses, ce qui ne couvre pas les frais de production. Les agriculteurs européens ne vivent ainsi que grâce à des subventions, puisqu'ils n'arrivent pas à couvrir leurs frais de production avec les résultats de leurs ventes.
L'agriculture ne peut pas être comparée avec l'industrie. Quand le produit qu'elle fabrique ne se vend plus, l'industrie se reconvertit et change totalement de production. L'agriculture, elle, est liée au sol et, parfois pour des raisons juridiques, ne peut pas envisager de modifier complètement ses produits.
La viticulture est d'ailleurs une branche particulièrement touchée. Quand un citoyen suisse boit une bouteille de vin chilien ou sud-africain, se pose-t-il la question des conditions de production et des conditions de travail des ouvriers qui ont produit ce vin à des salaires souvent inférieurs à 1 franc suisse de l'heure ?
Quand des traces d'OGM sont décelées dans un aliment, on crie au scandale et on boycotte les produits de la firme incriminée, mais se préoccupe-t-on des Marocains du sud de l'Espagne, qui vivent dans les serres où ils travaillent pour moins de 20 francs par jour? Au regard de ces conditions de production, la tomate genevoise aura toujours un meilleur goût.
Mesdames et Messieurs les députés, voulons-nous encore une agriculture à Genève ou voulons-nous des jardiniers fonctionnaires de l'environnement, qui coûteront certainement plus cher que l'agriculture elle-même ? Cette aide d'urgence est et doit rester ponctuelle. Simplement elle amènera une bouffée d'air frais à notre agriculture, à qui il faut laisser du temps pour se transformer, s'adapter et redevenir compétitive et innovatrice.
Je termine en remerciant M. Robert Cramer d'avoir su transformer un projet de loi qui était, je l'avoue, un brin provocateur et certainement irréalisable, mais qui a eu au moins le mérite de provoquer un débat et d'aboutir au projet de loi qui est présenté ce soir. Un grand merci aussi aux collaborateurs du département qui, en un temps record et en dépit d'une charge de travail certainement très élevée, ont su nous aider à élaborer ce projet de loi avec une grande compétence.
M. Pagani a commencé à parler de l'aspect technique de la redistribution de ces 12 millions. Je reviendrai sans doute plus tard sur cette question car, en commission, nous nous sommes aperçus que cela intéressait quelques personnes bien informées et que cela ennuyait beaucoup les autres. Ce qui compte aujourd'hui, c'est que l'agriculture a besoin de cet argent. Encore une fois, c'est une bouffée d'air frais qui lui est donnée à travers ce projet de loi.
M. Christian Bavarel (Ve). J'aimerais tout d'abord remercier les agriculteurs, parce qu'en une quinzaine d'années ils ont fait une révolution du point de vue de leur culture et de la mentalité de l'agriculture en Suisse. Nous sommes en effet passés d'une agriculture conventionnelle, usant de pesticides et d'engrais de synthèse, à une agriculture qui aujourd'hui est à 90% en production intégrée et qui respecte les prestations écologiques requises. Je dois dire que c'est une énorme satisfaction, pour nous les Verts, de constater qu'une profession s'est mobilisée à ce point pour respecter l'environnement. De plus, à Genève, les nouvelles normes sociales qui ont été instaurées - c'est-à-dire le salaire minimum de 3000 F - n'ont pas été contestées par les agriculteurs... (Commentaires.)La Chambre d'agriculture, en tout cas, n'a pas contesté ce salaire. En même temps, on reconnaîtra que vivre avec 3000 F à Genève, même logé, est difficile. Par contre, si on compare aux normes sociales appliquées dans l'agriculture ailleurs en Suisse ou dans le reste de l'Europe, c'est un net progrès. Nous sommes là aussi face à un important effort consenti par l'agriculture.
Je voudrais revenir sur l'écologie. On voit souvent l'écologie, l'agriculture et surtout les prestations écologiques au niveau de l'agriculture, comme un retour au passé. Aujourd'hui, un agriculteur, pour avoir des prestations écologiques satisfaisantes, est obligé d'utiliser des hautes technologies. Aujourd'hui, si vous faites un épandage d'engrais, que ce soit de l'engrais de synthèse ou un fumier de ferme, vous êtes obligé au préalable d'analyser le sol. Vous êtes obligé de faire ce travail en Suisse pour protéger nos rivières et nos lacs. Nous avons donc bel et bien à Genève, grâce à nos agriculteurs, des produits qui ne sont pas les mêmes que sur le reste du marché. Nous sommes face à une production de très haute qualité. Aujourd'hui, l'ouverture des marchés est demandée et nous importons par conséquent des produits dont les conditions de production seraient interdites en Suisse. Le vin, comme cela a été dit, peut subir des traitements interdits en Suisse. Vous trouvez aussi des fruits venant de la Communauté européenne qui ont été traités après récolte, ce qui est impossible chez nous. Il y a de nombreux produits pesticides heureusement interdits en Suisse qui sont employés ailleurs dans le monde. Nous importons et consommons des produits qui sont cultivés dans des conditions sociales et écologiques différentes. Nous devons donc intervenir en faveur d'une agriculture qui produit selon des règles strictes, pour la qualité de notre santé et pour que nous puissions bénéficier en Suisse d'une nourriture qui n'est pas tout à fait la même que celle du reste de la planète. Je souhaite vivement que les autres pays puissent nous rejoindre dans l'amélioration des conditions de production.
Pour ma part, je préfère consacrer plus d'argent dans mon budget à une nourriture saine, plutôt que payer les assurances-maladie pour les soins dispensés à une population malade de l'emploi des pesticides.
C'est pourquoi les Verts vous recommandent, même si des standards plus élevés sont souhaitables, même si nous voudrions arriver un jour à plus d'agriculture bio, de soutenir ce projet de loi, de manière à ce qu'on puisse garder une agriculture genevoise avec de hauts standards de qualité. (Applaudissements.)
M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais d'abord revenir sur le problème, évoqué par M. Dethurens, des salaires dans les pays en voie de développement. Comme il se scandalise de ces pratiques, je suppose qu'il est aussi satisfait, toute proportion gardée, de la décision de la Chambre des relations collectives du travail d'augmenter le salaire minimum des employés agricoles. Je le remercie donc de sa déclaration.
Je vais vous expliquer la position du parti socialiste qui n'a finalement pas été signataire du projet de loi, suite à l'amendement général du président Cramer. Nous regrettons l'absence de mention de la notion de développement durable et le parti socialiste a proposé, en commission, des amendements par rapport à cette problématique. Il est ressorti des travaux de la commission un projet de loi qui ne satisfait qu'une partie de notre groupe. Les députés socialistes auront donc la liberté de vote sur ce projet.
Nous reviendrons sur le développement durable et sur l'agriculture au cours des travaux qui auront lieu à propos de la future loi-cadre qui sera proposée par le président Cramer d'ici une année ou deux.
M. Pierre Kunz (R). Je ne reviendrai pas sur les arguments évoqués par les défenseurs des mesures proposées par le projet de loi 8747. Ce sont de bons arguments, quoi qu'en pense M. Pagani, en faveur d'une loi malheureusement nécessaire et adéquate. Les radicaux soutiendront donc les mesures proposées. Permettez-moi néanmoins de souligner deux points. Ils concernent le projet de loi qui a donné naissance à celui qui nous occupe en ce moment.
En premier lieu, je crois qu'il convient de s'interroger sur le bien-fondé des pouvoirs accordés par ce parlement à la Chambre des relations collectives du travail. Sans douter de la sincérité, de l'intégrité et de la bonne volonté des gens qui composent cette chambre, on doit quand même se demander s'il est acceptable qu'un organisme qui ne jouit d'aucune légitimité démocratique et qui est en mesure d'agir en autorité suprême sans avoir de comptes à rendre à quiconque, puisse décider des salaires minimaux pour une branche entière de l'économie genevoise. Pour moi, la réponse est négative. J'engage ce Grand Conseil à réfléchir à cette question de principe. On voit dans le cas présent que cette chambre, malgré, je le répète, toute la bonne volonté et les bonnes intentions des gens qui la composent, est capable de déraper. En effet, fixer unilatéralement un salaire minimum de 3000 F pour l'agriculture, alors que partout ailleurs en Suisse la situation est différente, revient à défavoriser l'emploi dans l'agriculture genevoise.
En second lieu, je crois qu'il convient de féliciter M. Cramer et ses services qui ont su, dans l'urgence, transformer une situation pour le moins délicate et pénalisante pour l'agriculture, en un projet de loi et en un train de mesures de soutien qu'on peut qualifier d'intelligents et de dynamiques. Mais s'il vous plaît, Monsieur Cramer, lorsque que vous édicterez le règlement d'application, faites en sorte que cette loi ne soit pas un oreiller de paresse pour les agriculteurs... (Exclamations.)..qui sont moins dynamiques que ceux de leurs confrères qui ont déjà pris toutes les mesures nécessaires. (Brouhaha.)
M. René Desbaillets (L). Je n'entrerai pas dans le détail de cette loi car cela serait trop long et trop technique. Je vous expliquerai simplement pourquoi un groupe de députés de l'ancienne législature a déposé ce projet de loi et pourquoi des mesures d'urgence doivent être prises en attendant une nouvelle loi cantonale sur l'agriculture.
Le point de départ de ces mesures d'urgence vient d'une décision unilatérale, irréfléchie et inopportune d'un juge qui a décidé d'augmenter le salaire minimum des employés agricoles de 10%, sans se soucier des effets économiques de cette décision sur l'agriculture genevoise. Le mal étant fait, il s'agit maintenant d'y remédier.
Genève n'est pas un îlot au milieu de l'Europe. Nous avons à voter un projet de loi que certains qualifieront de subvention extraordinaire aux paysans genevois. Là, j'entends déjà les ricanements du genre : «Ils vont pouvoir changer de Mercedes.» (Brouhaha.)C'est un peu du réchauffé et j'en ai des meilleures à vous raconter à la buvette. Mais trêve de plaisanteries, Mesdames et Messieurs les députés, il nous faut regarder plus loin que notre chariot à commissions.
Cette loi devrait s'intituler «mesures d'urgence pour le maintien d'un environnement, d'une alimentation et d'une vie de qualité à Genève». En effet, il faut savoir que tous les pays qui ont sacrifié une agriculture vivrière et de proximité pour satisfaire «l'agrobusiness» de la malbouffe sont aujourd'hui confrontés à d'énormes problèmes qui vont des catastrophes écologiques à la famine, de la suralimentation «fast-foodienne» à l'exode rural vers des banlieues paradisiaques qui se transforment très vite en enfer. Dans ces enfers, les drogues, la prostitution et les crimes sont le menu de tous les jours et les privilégiés ont comme seule chance de travailler en semi-esclavage, pour 2 dollars par jour, en fabriquant les maillots aux trois bandes blanches et deux étoiles de Zinedine Zidane.
Mesdames et Messieurs, Genève ne vaut-il pas mieux que d'être le canton suisse qui compte le plus de chômeurs ? Genève ne vaut-il pas mieux que d'avoir la ville la plus sale de Suisse ? Genève ne vaut-il pas mieux que d'être le canton qui, malgré un niveau de vie parmi les plus élevés du monde, dénombre le plus gros pourcentage de personnes dépressives ?
Je terminerai en disant que ce projet de loi ne doit pas être considéré comme une obole que l'on donne aux paysans mais comme le premier acte d'une réflexion profonde sur l'avenir durable et qualitatif que se préparent les Genevois à moyen et à long terme. Souvenons-nous, pendant qu'il est encore temps, de la fable de la cigale et la fourmi. (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). Beaucoup d'excellentes choses ont été dites et je n'y reviendrai pas. Je remercie d'ailleurs les gens qui les ont dites parce que, sur des registres différents, elles étaient toutes très sensées. J'ai ainsi été particulièrement sensible au plaidoyer de notre collègue Bavarel.
Mesdames et Messieurs les députés, il semble qu'il y ait une certaine unanimité dans ce Grand Conseil pour approuver ce projet de loi et pour consacrer à ces objectifs un certain nombre de millions. Il apparaît aussi que l'Etat de Genève fait certains efforts, notamment par l'office de promotion des produits agricoles genevois et par certaines subventions, pour promouvoir la production agricole cantonale. Je profite d'ailleurs de ce que nous discutons de ce projet pour dire, même si le rapport n'est pas direct, qu'il apparaît que ces efforts sont parfois mal ciblés. L'Etat subventionne en effet un nombre important de manifestations de toutes sortes qui se déroulent dans notre canton. Avec l'argent que l'Etat leur donne, les organisateurs vendent cependant souvent des produits qui ne sont pas des produits de l'agriculture cantonale. J'en veux pour preuve le malheureux couac de la Compagnie 1602, il y a trois semaines. Franchement, j'avais honte d'être assis devant le Grand Théâtre sur le même banc que les représentants des autres cantons, notamment Soleure et Zurich, et de voir qu'on nous servait du vin valaisan - excellent d'ailleurs - avec la subvention de l'Etat.
Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux que le Grand Conseil mette de l'argent dans le soutien et la promotion des produits genevois, mais je demande formellement au Conseil d'Etat qu'à partir de maintenant, à chaque fois qu'il interviendra financièrement dans l'organisation d'une manifestation, il exige que les organisateurs vendent ou offrent des produits genevois, vin y compris. Je pense qu'il faut être cohérent et avoir certaines exigences envers ceux qui reçoivent des subventions. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je vous signale que la pique de M. Kunz contre la Chambre des relations collectives du travail m'a fait froid dans le dos. Cependant, ce n'est pas une surprise, c'est même plutôt dans l'ordre des choses. Je vous rappelle que cette chambre, qui est la clé de voûte de la protection sociale dans ce canton, a été instituée à l'occasion du vote sur les accords bilatéraux. On nous a répété sur tous les bancs qu'il ne fallait pas craindre le risque de dumping salarial : il y avait les partenaires sociaux, nous disait-on, et des salaires minimaux, des contrats-types de travail pouvaient être mis sur pied en cas de dumping salarial abusif et répété. Or, M. Kunz vient nous dire aujourd'hui qu'il faudrait revoir les compétences de la Chambre des relations collectives du travail parce que...
Le président. Monsieur Pagani, je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas le sujet du débat. La maladresse de M. Kunz ne justifie pas tout un débat. (Commentaires et applaudissements.)
M. Rémy Pagani. Au contraire, Monsieur le président, nous sommes au coeur du débat. Qui voit-on arriver en première ligne pour s'occuper d'un secteur de notre économie en difficulté ? Ce sont des gens affirmant qu'il ne faut pas protéger le marché local, qu'il ne faut pas essayer de maintenir un statut commun pour tous, mais qu'il faut attaquer les conditions salariales et baisser la masse des salaires. Cette situation est très grave car si on prend ce pli, on donne une orientation générale qui se répercutera sur d'autres secteurs, comme par exemple les secrétaires que l'on fera venir en masse d'Angleterre pour les installer à la frontière et les sous-payer. L'intervention de M. Kunz sert à disqualifier la Chambre des relations collectives du travail. Et lorsqu'il s'agira de mettre en place des mesures pour contrer le dumping salarial, le président de la Chambre des relations collectives de travail ne sera plus accepté comme un interlocuteur valable. Cela est inadmissible.
Un deuxième point nécessite des remarques, c'est la question de M. Blanc concernant le label du terroir. Je crois en effet que l'Etat doit faire un effort considérable à ce niveau. J'ai entendu M. Cramer soutenir cette position en commission et je m'en réjouis. Il s'agit non seulement de mettre sur pied un label de qualité, de soutenir la production locale, comme il est dit dans le projet de loi, mais aussi de vérifier et contrôler ce label de qualité tant au niveau de la traçabilité des produits que de leur production intégrée. Il existe par exemple en France un organisme privé chargé de ce travail. Je me réjouis que l'Etat prenne cette tâche en charge, parce que j'estime que c'est son rôle. Comme l'a fait remarquer M. Blanc, on ne peut pas à la fois subventionner et tout laisser faire.
M. John Dupraz (R). Permettez-moi, après une longue expérience active dans la défense professionnelle, de vous livrer mon point de vue concernant cet important dossier.
Tout d'abord, je connais bien la Chambre des relations collectives du travail, parce que pendant onze ans, alors que j'étais président de la Chambre d'agriculture, c'est-à-dire jusqu'en 1992, j'ai souvent eu l'occasion de travailler avec cet organe. Il prenait connaissance de notre point de vue et de celui des syndicats afin de fixer les conditions de travail dans l'agriculture. A l'époque, nous sommes ainsi passés de cinquante-cinq heures à cinquante heures de travail hebdomadaire sur l'initiative de la Chambre genevoise de l'agriculture. Les maraîchers n'étaient d'ailleurs pas tout à fait d'accord, je peux vous le dire. En effet, le problème vient du fait que la loi fédérale sur l'agriculture fixe des conditions-cadres identiques pour tous les agriculteurs, même s'il existe des nuances pour les exploitations qui se trouvent en plaine, en zone de colline ou en zone de montagne. Il existe plus de quinze réglementations concernant les travailleurs. J'ai tenté, à l'Union suisse des paysans, de mettre sur pied un groupe de travail chargé de s'occuper de cette difficulté rencontrée à Genève et dans les autres cantons. Il est apparu que chaque canton estime que c'est un avantage économique significatif qu'il ne veut pas abandonner.
Je trouve que cette distorsion de concurrence est injuste, et cela sans parler des conditions minimum de vie des employés dans l'agriculture. On peut toujours discuter sur le fait qu'un salarié veut toujours gagner plus, mais il n'est pas acceptable que dans ce pays où il y a une seule loi sur l'agriculture, un marché suisse et un marché international pour l'exportation, on ait plus de quinze réglementations concernant les travailleurs dans l'agriculture. Je vous avoue d'ailleurs humblement que j'ai lamentablement échoué dans une initiative parlementaire qui réclamait un contrat-type au niveau national. Les esprits ne sont pas encore mûrs !
Demain je participe, à Lausanne, à une séance de travail avec les responsables des Chambres d'agriculture de Suisse romande pour voir si nous n'allons pas discuter avec les syndicats d'un contrat collectif de travail au niveau romand. On ne peut pas continuer sans trouver une solution à ce problème.
Il est clair qu'il était difficile de subventionner les salaires - comme le proposait le projet de loi initial - parce que de nombreux autres secteurs économiques pourraient déposer la même requête. Je dois cependant dire que les propositions qui nous ont été faites, sur l'initiative de quelques députés et du chef du département, sont cohérentes et seront bienvenues pour l'agriculture genevoise.
Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que l'agriculture a vécu une véritable révolution au niveau national, puisque la nouvelle politique agraire tend à rétribuer par des paiements directs les prestations d'intérêt public fournies par les agriculteurs et les familles paysannes. Les marchés ont été libéralisés en raison notamment des règles de l'OMC. Cette dernière nous a en effet imposé ce libéralisme que nous n'avons pas souhaité, Monsieur Pagani, et que nous avons combattu. Il faut savoir que l'agriculture représente en Suisse moins de 4% de la population et que l'économie suisse, qui est principalement une économie d'exportation, a intérêt à avoir des accords internationaux pour exporter ses produits. Nous avons donc séparé deux fonctions, les marchés et les prestations d'intérêt général. Malheureusement les paysans sont encore très mal organisés concernant les marchés et ils demeurent le maillon le plus faible de la filière, par rapport aux acheteurs et aux distributeurs. Pas plus tard que ce matin, j'avais une réunion concernant les céréales. Nous avons un fonds pour essayer de réguler les marchés dans ce secteur et nous allons en employer une partie pour prendre des mesures de soutien des prix.
Contrairement à ce que vous dites, Monsieur Pagani, la loi sur les blés n'était pas là pour engendrer de la surproduction, mais pour lutter contre la famine. Il est vrai cependant qu'avec les progrès techniques, on est arrivé à une situation excédentaire dans les céréales panifiables. La Fédération suisse des producteurs de céréales avait alors proposé, déjà en 1989, des contributions de solidarité pour mettre en valeur la production et pour décharger les finances de la Confédération, étant entendu qu'on ne peut pas demander à l'Etat d'intervenir sur un marché et de payer un prix quand il n'y a plus de marché. Ce sont donc les producteurs qui ont payé le différentiel entre le prix des céréales panifiables et celui des céréales fourragères. Maintenant le marché des céréales est complètement libéralisé et nous tentons de maîtriser les quantités par rapport au marché.
Dans la viticulture, la situation est semblable, si ce n'est qu'il y règne encore un esprit de clocher et que ceux qui estiment pouvoir vendre leur vin laissent les autres se débrouiller seuls. Nous sommes cependant dans un jeu de domino et tout le monde est maintenant touché en Suisse. Il faut donc que la production s'organise, dans ce domaine aussi, pour maîtriser l'offre par rapport au marché. Ceci est d'autant plus vrai, je le répète, que la situation est aggravée par les règles de l'OMC que nous n'avons pas voulues mais qu'on nous a imposées.
Mesdames et Messieurs, tout à l'heure, le représentant du groupe socialiste a parlé de développement durable et a signalé que les projets présentés laissaient quelques esprits chagrins dans son groupe parce que le développement durable n'était pas assez pris en compte. Je m'inscris en faux contre cette déclaration. Nous avons en effet en Suisse l'agriculture la plus écologique d'Europe. Les normes de prestations écologiques requises sont un modèle du genre, les contraintes imposées aux producteurs sont très sévères et s'ils ne remplissent pas le cahier des charges, ils ne reçoivent aucune contribution de la Confédération. Ces normes ont un effet très positif sur l'environnement et sur l'élevage des animaux. Je ne comprends donc pas qu'on émette encore des doutes concernant cette compatibilité de l'exploitation agricole actuelle avec la préservation de l'environnement et l'élevage des animaux.
Le président. Vous êtes au bout de votre temps. Concluez, s'il vous plaît !
M. John Dupraz. Je dirai simplement que je suis heureux qu'il y ait pratiquement unanimité, tous partis confondus, pour reconnaître le rôle que joue l'agriculture dans un canton urbain et dans notre pays. Je suis très reconnaissant et je vous dis merci du fond du coeur. (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). Je ne voulais pas prendre la parole, mais M. Dupraz m'en a donné l'occasion. J'aimerais en effet lui poser une question... Monsieur le président, j'aimerais que M. Dupraz écoute ce que je vais dire.
Monsieur Dupraz, vous venez d'annoncer que vous n'avez pas voulu les règles de l'OMC. C'est étonnant parce que M. Couchepin, qui est de votre parti, va déposer un certain nombre de demandes de libéralisation concernant les règles du commerce et des services. Ces règles, vous les avez voulues et elles ont été acceptées par le Conseil national. (Brouhaha.)Une majorité à Berne aurait très bien pu demander que ces règles de l'OMC ne soient pas appliquées au niveau de l'agriculture. Personne cependant n'a réagi à l'époque.
Alors nous voyons aujourd'hui, Monsieur Dupraz, les conséquences de l'application des règles de l'OMC. A l'époque, on ne pouvait pas supposer que cette libéralisation allait être aussi néfaste pour les agriculteurs, mais c'est ainsi. Malheureusement, après l'agriculture, les services publics seront touchés à leur tour. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de réagir, notamment à Berne, pour que les futurs accords ne soient pas signés sans que le peuple suisse puisse se prononcer.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve que le discours de M. John Dupraz est assez extraordinaire lorsqu'il nous dit ne jamais avoir voulu de l'OMC. Bien évidemment, il fait là son métier de représentant d'une couche de la population. Quand M. Velasco lui rappelle que ces accords ont été acceptés par son parti, il renvoie la faute sur M. Couchepin. Il faudrait en finir avec ce double discours, Monsieur John Dupraz. Vous avez été le rapporteur - et cela vous ne pouvez pas le nier - du projet de loi sur la libéralisation du marché de l'électricité. Vous vous en êtes même vanté. Cela veut dire que vous soutenez fondamentalement la déréglementation du marché de l'électricité, qui va mettre notre pays dans une situation comparable à celle de la Californie...
Le président. Monsieur Pagani, je vous en supplie, j'aimerais que l'on traite uniquement du projet.
M. Rémy Pagani. Parlons de choses concrètes ! Il faut arrêter avec...
Le président. Je ne suis pas d'accord, Monsieur Pagani. Revenez au sujet !
M. Rémy Pagani. J'en terminerai par là, Monsieur le président. Il faut arrêter avec ce double discours. Certains ont rédigé des écrits sur lesquels ils doivent être jugés. M. John Dupraz a écrit ce rapport de majorité concernant la LME, il faut que cela soit dit une fois pour toutes. (L'orateur est interpellé.)
Le président. Il nous reste deux demandes de parole. Le Bureau vous propose de clore ensuite le premier débat.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Pierre Kunz (R). Comme j'ai été interpellé, ou plutôt mis en cause, par le président, je voudrais juste lui rappeler que mon intervention n'était pas une maladresse, contrairement à ce qu'il a pu croire. Non, c'est bien le résultat d'une double conviction. La première, c'est qu'on peut faire confiance aux partenaires sociaux et qu'une Chambre des relations collectives du travail n'est pas nécessaire; les partenaires sociaux savent en effet négocier lorsqu'ils sont mis en situation. La seconde, c'est que je préfère une femme ou un homme au travail gagnant 2750 F à un chômeur touchant 3000 F. (Brouhaha.)
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je crois que c'est la première fois, depuis que j'occupe ma fonction actuelle, que je vois ce parlement entrer réellement dans un débat sur l'agriculture. Quoiqu'en entendant les précédentes interventions, on peut se demander si on parlait véritablement d'agriculture, mais c'est un autre problème...
Le président. J'ai pourtant essayé...
M. Robert Cramer. Oui et je vous en remercie.
Je me réjouis de ce débat important pour Genève. Genève, le savez-vous, proportionnellement à son territoire, est un des cantons agricoles les plus importants de Suisse. Genève consacre en effet près de 50% de son territoire à l'agriculture, ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale qui est de l'ordre de 30%. Genève est donc un canton qui a une véritable agriculture dynamique. On peut l'observer en remarquant que le nombre d'exploitations en dix ans est resté à environ quatre cent-cinquante. Ces dix dernières années, qui ont été difficiles pour toute l'agriculture suisse, ne se sont ainsi pas traduites ici par la diminution du nombre d'exploitations.
Genève est un canton dynamique sur le plan agricole, ce qui est attesté par le fait que les objectifs des programmes fédéraux appelés PA 2002 - pour politique agricole 2002 - ou PA 2007 sont déjà atteints depuis longtemps dans notre canton. L'un de ces objectifs était par exemple d'arriver à des exploitations d'une taille moyenne d'environ 30 hectares. Nous avons donc une vraie agriculture servie par des agriculteurs qui y croient et qui la défendent. Mais voilà que l'agriculture suisse, comme l'agriculture européenne, est confrontée aujourd'hui à des difficultés qui sont pratiquement insurmontables. Ces difficultés ont été soulignées ici. On a évoqué l'augmentation du salaire minimum des travailleurs agricoles, mais je crois que globalement la situation serait la même sans la décision de la Chambre des relations collectives du travail que regrette M. Kunz... A ce sujet, je rappellerai un brocard du monde judiciaire qui dit qu'un justiciable maudit son juge durant vingt-quatre heures avant de se faire à sa décision. Je vois que M. Kunz a la rancune plus tenace !
Ceci dit, le problème est bien là où l'a pointé M. Pagani. M. Dupraz s'est associé à lui pour dire que l'agriculture suisse souffre de la déréglementation et des règles négociées dans le cadre des accords de l'OMC. Ces règles ont en effet été négociées de façon tellement généreuse en Suisse que des pays européens comme la France invoquent aujourd'hui les règles de l'OMC comme une clause protectionniste en comparaison avec les mesures prises en Suisse, tellement nous sommes allés loin dans la dérégulation. Avec mes collègues conseillers d'Etat romands, nous avons, ensemble, écrit une lettre à M. Couchepin pour lui dire que le démantèlement du système des quotas allait tellement loin que les pays européens nous le font remarquer et s'en prévalent.
Face à cette crise, il fallait prendre des mesures. Je tiens ici à vous remercier d'avoir distingué les collaborateurs de l'administration, qui se sont montrés disponibles rapidement et ont pu ainsi vous proposer ce projet de loi. Il comporte des mesures d'urgence qui ne sont pas des mesures conjoncturelles, mais bien des mesures structurelles. Sur quoi portent ces mesures ? Elles portent sur le désendettement, sur l'arrachage de la vigne dans les endroits qui se prêtent mal à la viticulture et sur la mise en conformité des exploitations, notamment pour l'élevage. Elles portent également - et nous aurons l'occasion d'y revenir dans ce parlement - sur la recherche de la qualité par des mesures de reconversion du vignoble et par des mesures de promotion.
Pour ma part, j'y vois des objectifs qui s'inscrivent pleinement dans le développement durable parce qu'il s'agit de permettre à des entrepreneurs, et c'est la dimension économique du projet, d'avoir les ressources nécessaires, en allant sur le marché, pour payer leurs collaborateurs avec les salaires définis par l'arbitrage de la Chambre des relations collectives du travail, en d'autres termes pour s'acquitter de tâches sociales. Enfin la dimension environnementale n'est pas négligée, cela a été rappelé à plusieurs reprises, notre agriculture respecte scrupuleusement l'environnement.
Le débat engagé aujourd'hui doit continuer. Si l'on se donne les moyens, notamment par ce projet de loi, d'avoir une agriculture redimensionnée et apte à affronter le marché, il faut encore s'assurer que les producteurs puissent rencontrer les consommateurs. Le Conseil d'Etat vous annonçait dans le discours de Saint-Pierre que l'un des objectifs de la législature actuelle est de rapprocher le public genevois de la production agricole genevoise. C'est ce qu'on appelle ailleurs la souveraineté alimentaire et qui est simplement une nécessité. On ne peut pas demander aux agriculteurs de jouer la concurrence entre eux pour ensuite se retrouver avec deux distributeurs, la Coop et la Migros, qui représentent 70% du marché et qui créent un écran entre les producteurs et les consommateurs. Une des tâches de la collectivité publique est par conséquent de prendre des mesures en vue de rapprocher les 400 000 consommateurs genevois et les exploitations agricoles, qui occupent la moitié de notre territoire.
Je ne vais pas développer ce point car j'arrive certainement au bout des dix minutes qui me sont imparties, mais je vous informe du fait qu'il existe un groupe de travail «souveraineté alimentaire», que j'ai l'honneur et le plaisir de présider. Il réunit, depuis une année, des représentants de syndicats de travailleurs, des représentants des associations de consommateurs, des agriculteurs provenant des grands syndicats agricoles et de toutes les branches de l'agriculture et, bien évidemment, des membres de l'administration cantonale. Nous cherchons ensemble les chemins qui nous permettent d'entendre les désirs des consommateurs, qui permettent aux producteurs d'écouter ces désirs, et surtout nous cherchons comment rapprocher la production et la consommation. Cela peut passer par une réflexion sur l'avenir de l'élevage à Genève ou par une réflexion sur la viticulture, telle qu'elle est esquissée dans ce projet de loi. De façon plus générale, cela passe par la nécessité de rapprocher les producteurs et leurs produits d'un marché qui ne demande qu'à les découvrir. Il est donc question de qualité, de traçabilité, de proximité et de respect de l'environnement.
Encore un mot, pour inviter M. Blanc - qui, à juste titre, demande au Conseil d'Etat d'intervenir dans le cadre de manifestations - à faire cette demande sous forme de motion. Le Conseil d'Etat sera enchanté de la recevoir et d'y répondre.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de minorité au point 3 de l'article 3 qui propose «l'instauration d'une prime à l'arrachage volontaire de vignes sises dans le cadastre viticole à destination vinicole commerciale en vue d'une reconversion progressive et qualitative de l'encépagement». L'amendement vise purement et simplement à supprimer l'ensemble de ce point 3.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Nous arrivons à un problème qui semble très technique, mais qui est assez simple à résumer. Nous avons toute une série de mesures qui visent à privilégier, comme l'a dit le président Cramer, la qualité par rapport à la quantité. Elles devraient donc permettre de réduire les stocks. Ainsi, la seconde mesure instituée par l'article 3 vise les propriétaires de vignes situées sur des terrains non propices à la viticulture qui pourraient bénéficier d'une prime d'arrachage avec interdiction de replanter. Cette mesure va dans la droite ligne de l'ensemble des mesures structurelles qui permettront à ce marché de sortir, dans deux ou trois ans, de la situation de surproduction dans laquelle il se trouve.
La proposition du département visait à soutenir financièrement cette deuxième mesure. L'alinéa 2 du même article prévoit en effet que «le Conseil d'Etat peut en outre, dans le cadre des crédits octroyés, instaurer une prime d'incitation à la limitation de rendement à l'unité de surface pour la production à destination vinicole». C'est-à-dire que le Conseil d'Etat, si nous votons cet alinéa, et j'espère que nous le voterons, accordera une subvention à tous ceux qui passeront de 1,25 kg de raisin par mètre carré planté de vignes à 1 kg. Malheureusement, l'ajout de la troisième mesure va tout à fait dans le sens contraire. Pourquoi a-t-elle été introduite ? Parce que certaines personnes étaient de l'avis que si la production genevoise se trouvait réduite grâce à une mesure incitative, les producteurs d'autres cantons, du Valais par exemple, en profiteraient pour accaparer le marché. Donc on a voulu atténuer l'effet de la deuxième mesure en introduisant la notion de reconversion progressive et qualitative de l'encépagement. Or, comme l'a dit John Dupraz, et à ce sujet il a totalement raison, c'est le marché suisse qui est en crise et les Valaisans connaissent la même surproduction que nous dans tous les cépages. Je crois que cette mesure, qui vise à ne pas céder un marché que, soit-disant, d'autres prendraient, ne fera qu'accélérer la spirale qui conduira à l'effondrement de ce secteur de production.
La mesure que doit prendre l'Etat, c'est de réguler le marché en diminuant la production et non pas d'aider à créer une nouvelle surproduction sur un autre cépage. Le gamaret, par exemple, est tout désigné pour connaître, d'ici deux ou trois ans, une situation de surproduction. Si vous acceptez cette troisième mesure, on se retrouvera dans trois ans au même niveau de production, mais dans des cépages différents. Les producteurs reviendront alors nous demander une nouvelle aide pour faire face à la nouvelle situation de surproduction. Ils viendront peut-être demander à l'Etat de limiter de manière drastique la surproduction, comme le propose l'essentiel de ce projet de loi, à l'exception de cet alinéa que je vous demande de supprimer purement et simplement.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. M. Pagani vient de nous faire de la pure théorie. La commission a en effet longtemps discuté de cet argument et, à la lumière des explications du chef du service de l'agriculture, la commission a repoussé de façon très claire cet amendement puisqu'il ne s'est trouvé que deux députés, dont M. Pagani, pour le soutenir. Je crois que le but de cette mesure est d'inciter à la diversification de la production à Genève. On sait qu'il y a une surproduction de chasselas et il faut simplement remplacer les cépages de chasselas par d'autres cépages qui peuvent assurer la qualité de la production à Genève. Je crois que la commission n'a pas été dupe dans cette histoire et elle a suivi l'avis des spécialistes tels que M. le directeur du service de l'agriculture.
M. John Dupraz (R). Je dirai que M. Pagani a à la fois raison et tort. Dans un raisonnement macro-économique, il est clair qu'il ne suffit pas de substituer une production par une autre pour alléger le marché. En termes généraux, je dirai que vous avez raison, Monsieur le député. Mais vous avez tort dans ce cas particulier parce qu'il s'agit de remplacer une partie du chasselas par des cépages nobles qui produisent beaucoup moins, entre 800 et 900 gr par mètre carré contre 1,2 kg pour le chasselas. Il y a donc beaucoup moins de volume. En outre, ces vins, notamment le gamaret mais aussi le garanoir, le sauvignon blanc, le cabernet franc et le merlot, concurrencent les vins étrangers. Pourquoi le chasselas est-il en difficulté ? Parce qu'il est notamment concurrencé par des importations de vins blancs bon marché.
Je crois que la disposition proposée par la majorité de la commission est juste. Je pense que le chef du département va confirmer qu'il ne s'agit pas de laisser replanter n'importe quel cépage, mais uniquement ceux qui ont des créneaux, ce qui ne se limite pas au gamaret. Si cela peut vous rassurer, Monsieur Pagani, on pourrait amender le texte en précisant que les aides peuvent être accordées seulement à certains cépages choisis selon les recommandations de l'interprofession viticole et du service de l'agriculture. Je ne sais pas s'il faut en faire un amendement mais, Monsieur Pagani, vous pouvez me croire sur facture; je ne fais pas de la politique politicienne, mais de la défense professionnelle. C'est mon expérience et ma connaissance du dossier qui vous disent que vous ne risquez rien du tout.
Le président. Moi, j'aime bien le chasselas !
M. Hubert Dethurens (PDC). J'ajouterai simplement que ce projet de loi n'a pas pour but de faire diminuer drastiquement les vignes à Genève. Provisoirement, on doit se reconvertir dans d'autres cépages et surtout reconquérir des parts du marché suisse. Actuellement, sur dix litres bus en Suisse, seuls cinq y sont produits. On peut donc encore faire progresser la part des vins suisses. Le but de ce projet de loi n'est pas de diminuer la taille des vignobles mais de les adapter à la demande et de reconquérir des parts de marché. C'est pourquoi je vous propose de rejeter cet amendement.
M. Christian Bavarel (Ve). Je voudrais juste vous rappeler que changer de cépage n'est pas la même chose que changer de bicyclette. Quand vous changez de bicyclette, elle fonctionne tout de suite. Quand vous changez de cépage, il faut attendre quatre ou cinq ans pour qu'il commence à produire. Il y a donc déjà un effet temporaire de baisse de la production. En plus, il y a une augmentation de qualité, non pas du vin en lui-même, mais de l'offre des vins. Vous avez une offre qui se diversifie, avec des vins, on l'espère, de qualité supérieure.
Cette mesure a donc un effet de limitation de la quantité et un effet d'augmentation de la qualité. C'est pour cela que les Verts refuseront cet amendement.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je ne veux pas trop polémiquer dans ce débat, mais tout le monde s'accorde à dire, et le président Cramer l'a reconnu, que le marché est saturé de produits dits étrangers. On est loin d'avoir résolu ce problème puisque les autorités suisses sont totalement favorables à la libéralisation. Jusqu'à preuve du contraire, bien que les Anglais aient commencé à comprendre que la libéralisation avait du plomb dans l'aile et qu'ils renationalisent les chemins de fer, le gouvernement suisse n'a pas adopté cette position. D'ici que le gouvernement prenne des mesures décisives pour limiter l'importation des denrées alimentaires dans notre pays, beaucoup d'eau va couler sous les ponts.
Vous me faites un peu sourire, Messieurs Dupraz et Dethurens, en disant que le marché va reprendre dans cinq ans: tout va très bien, Madame la marquise... C'est loin d'être le cas, Mesdames et Messieurs les députés. La question suivante, et M. John Dupraz a mis le doigt là où il fallait, est de savoir si le président du département, avec le point 3 tel que vous allez certainement le voter - forcément, puisque tout le monde vote la tête dans le sac... (Brouhaha.)M. John Dupraz a dit, très justement, qu'il faudra diversifier la replantation. Il faudra donc élaborer un règlement. Seulement, l'alinéa tel que vous allez le voter permettra à un viticulteur de venir demain chez M. Cramer réclamer une subvention et refuser dans le même temps que l'Etat lui dicte quel cépage produire au moment où il change de production... (L'orateur est interpellé.)Non, parce que justement l'alinéa est général et dit que toute transformation de la production doit être soutenue en fonction de l'arrachage des plans de vigne. Il n'y a donc aucune garantie que l'Etat puisse organiser un peu la future production. Par contre, l'alinéa 2 de ce même article donne les capacités, si bien évidement vous supprimez ce point 3, au Conseil d'Etat d'édicter un règlement qui lui permette de contrôler la production et l'encépagement. Ceci étant, une fois de plus, la réalité est maître de notre avenir.
Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants sur ce point.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. René Desbaillets (L). Je donne un petit complément d'information, puisque M. Pagani n'a pas vraiment compris la différence entre l'arrachage définitif et la reconstitution. Il faut savoir que Berne a édicté une ordonnance allouant des budgets à l'élimination du vin et à une opération «jus de raisin» ainsi qu'à une opération de reconstitution de la vigne, c'est-à-dire au changement d'encépagement. Cette mesure est conditionnée à la participation des cantons : chaque fois que Berne va donner 100 000 F, il faudra aussi que le canton donne 100 000 F. Il serait donc stupide que les Genevois renoncent à cet argent, car il est clair que les Vaudois et les Valaisans vont en profiter.
Nous ne savons évidemment pas si tout sera résolu dans dix ans, mais il est sûr en revanche que la consommation est en train de changer. Le bon Genevois ayant l'habitude de boire ses trois décis de chasselas à la table ronde est en train de disparaître au profit d'un consommateur qui recherche un meilleure qualité et qui boit du vin rouge en mangeant.
Les cépages comme le gamaret, le garanoir ou le cabernet sont quasiment concurrentiels avec les vins européens, contrairement au chasselas. Ce projet de loi devrait donc permettre de précéder le changement des habitudes des consommateurs. On le voit quand un étranger rentre dans une cave : il demande du cabernet ou du sauvignon, en tout cas pas du chasselas. Voilà les raisons pour lesquelles il faut maintenir ce point 3.
M. Georges Letellier (UDC). J'aimerais, Monsieur le président, m'exprimer sur le fond et non pas sur cet alinéa. Je pense que l'agriculture suisse est en mauvais état. Je ne sais d'ailleurs pas si aider les agriculteurs n'est pas alimenter un puits perdu. Malgré cela, j'aimerais qu'un effort soit fait sur la qualité des produits. On ne peut s'en sortir que de cette manière ou en mettant une taxe sur les produits d'importation. Il n'y a pas trente-six solutions. Il s'agit là de ma position personnelle qui n'engage pas mes collègues.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Comme l'a indiqué M. Desbaillets, le Conseil fédéral a adopté mercredi dernier une ordonnance sur l'octroi de contributions pour le maintien du vignoble suisse en 2003. Le point essentiel de cette ordonnance - j'ai pu difficilement me procurer un texte non daté que j'ai transmis à M. Pagani - est constitué de mesures de reconversion par lesquelles la Confédération octroie une prime aux viticulteurs qui, je vous cite l'ordonnance, «après les vendanges 2002 arrachent des cépages chasselas et müller-thurgau et les remplacent par d'autres cépages au cours de l'année 2003, exceptionnellement au cours de l'année 2004».
On voit que le seul dispositif imaginé par la Confédération pour améliorer la qualité des vins est de donner des primes à condition que seuls les cépages susmentionnés soient arrachés et immédiatement remplacés. Cela ne convient pas à deux égards. D'une part, cette mesure est trop limitative: on ne comprend en effet pas pourquoi on voudrait tout à coup faire disparaître le chasselas des vignobles. D'autre part, cette mesure implique une reconversion beaucoup trop rapide, alors que nous sommes précisément dans une situation où l'on aurait tout intérêt à laisser du temps pour que les viticulteurs observent le marché et puissent décider ensuite des cépages à replanter. Il a d'ailleurs été indiqué tout à l'heure qu'il fallait entre trois et cinq ans pour qu'une vigne soit productive. A partir de là, un viticulteur peut très bien faire le choix d'attendre deux ou trois ans de plus pour prendre la meilleure option. Je pense que la disposition proposée dans ce projet est beaucoup plus adaptée à la situation actuelle que celle proposée par la Confédération et je crains, si vous ne l'acceptez pas, que l'on se rabatte à Genève sur la disposition fédérale, qui est, je suis navré pour l'autorité fédérale, beaucoup moins intelligente.
Par ailleurs, je fais ici volontiers la déclaration - je crois que c'est ce que M. Pagani désirait entendre - que l'on va rechercher la qualité. Les termes «reconversion progressive et qualitative de l'encépagement» figurent d'ailleurs dans la loi. On va rechercher la qualité par une diversité des cépages replantés. On va s'assurer à ce moment des avis et des concours non seulement des services spécialisés de l'administration mais aussi des grandes associations viticoles. Il faut savoir que la loi genevoise sur la viticulture prévoit que l'interprofession vitivinicole est associée aux mesures que nous prenons. Il va donc de soi que nous allons travailler avec elle. Tout cela ne figure pas dans la loi mais dans d'autres dispositions législatives et sera donc fait. Nous tâcherons de faire ces changements progressivement grâce à cette disposition légale. En d'autres termes, nous allons essayer d'aller vers la qualité supérieure recherchée par le consommateur.
Permettez-moi de terminer en vous disant que les terrains où la vigne sera arrachée ne seront pas laissés en friche et resteront dans le cadre de la surface dévolue à l'agriculture dans notre canton. Certains d'entre ces terrains se prêtent très bien à la culture de la vigne: c'est donc dans ces endroits que l'on devra essayer de replanter et il s'agira de ne pas y faire n'importe quoi. Je pense que cette disposition, si nous l'appliquons correctement, et nous essayerons de le faire, sera de nature à favoriser un tel type de réencépagement.
Le président. Je vous fais maintenant voter l'amendement de M. Pagani supprimant le point 3 de l'article 3.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que les article 4 à 14.
Troisième débat
La loi 8747 est adoptée en troisième débat par article et dans son ensemble.