Séance du jeudi 27 juin 2002 à 20h30
55e législature - 1re année - 10e session - 48e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber Ziegler, Claude Marcet et Pierre Weiss, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 8747-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de MM. Luc Barthassat, Christian Bavarel, René Desbaillets, Hubert Dethurens, Jean-Michel Gros, Jacques Jeannerat, Alain-Dominique Mauris, Rémy Pagani ouvrant un crédit d'investissement et un crédit de fonctionnement au titre de mesures d'urgence en faveur de l'agriculture
Rapport de majorité de M. Jacques Jeannerat (R)
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AdG)

Premier débat

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. L'agriculture suisse est confrontée depuis plusieurs années à la problématique de la prise en charge par étapes de la commercialisation de ses produits et de l'ouverture à la concurrence internationale. Ce drastique changement d'orientation impose à l'agriculture une restructuration en profondeur, au moment même où s'exerce une pression particulièrement forte sur les prix. Beaucoup de produits étrangers sont élaborés dans des conditions sociales et environnementales qui ne peuvent pas être comparées à celles prévalant dans notre pays. Malgré le fait que ces contraintes sociales et environnementales soient en partie compensées, elles affectent fortement l'économie agricole dans notre canton. Aujourd'hui, le revenu tiré de la vente de productions agricoles suffit parfois à peine à compenser les charges d'exploitation.

La récente décision de la Chambre des relations collectives du travail d'augmenter les salaires agricoles minimums genevois de 2730 F à 3000 F vient encore péjorer la situation financière de bon nombre d'exploitants de notre canton. Si cette augmentation se justifie dans le contexte socio-économique genevois, elle oblige à verser des salaires supérieurs de quelque 24% à ceux versés en moyenne dans les autres cantons suisses. Ce problème spécifique a donné lieu à la présentation d'un projet de loi, le PL 8635, visant à instituer une prime temporaire d'aide à l'emploi agricole. Cette prime visait à éviter les effets d'une distorsion de concurrence fatale pour les producteurs genevois.

La commission de l'économie s'est réunie plusieurs fois pour étudier ce projet de loi 8635. Elle a rapidement conclu que cette forme de subvention, visant directement des salaires, était inadéquate. Estimant toutefois que l'agriculture genevoise se trouve actuellement dans une situation difficile, la commission a préféré la solution d'une aide limitée dans le temps, sous la forme d'un projet de loi ouvrant un crédit d'investissement et un crédit de fonctionnement au titre de mesures d'urgence en faveur de l'agriculture. C'est le projet qui nous occupe ce soir. Le principe du dépôt de ce projet de loi a été accepté par une très large majorité de la commission de l'économie. Cette commission s'est réunie à trois reprises pour parler de ce projet de loi en présence de M. Claude Convers, secrétaire général du DIAE, et de M. Jean-Pierre Viani, directeur du service de l'agriculture.

En Suisse et tout particulièrement à Genève, les exploitants agricoles ont consenti depuis plusieurs années des efforts très importants pour la restructuration de leurs entreprises et l'amélioration des processus de production. Les exploitants réunis en association professionnelle, voire interprofessionnelle, prennent en main le domaine, nouveau pour eux, de la valorisation commerciale de leurs produits. C'est le cas des maraîchers depuis bien longtemps ainsi que, depuis quelques années, celui des viticulteurs. Toutefois la mise en place d'une politique visant à rapprocher le producteur du consommateur sur le marché local reste fastidieuse. Il apparaît donc comme nécessaire, pour la majorité de la commission, que des mesures conservatoires soient prises pour éviter la disparition d'exploitations qui auront une chance de se développer dans le nouveau contexte.

Le projet de loi 8747 comporte quatre mesures qui déploieront leurs effets sur tous les secteurs de l'économie agricole genevoise et permettront d'assurer et de préparer le passage à de nouveaux objectifs.

La première mesure a trait au désendettement. Les charges d'endettement pèsent fortement sur les exploitations agricoles. Malgré les limitations imposées par le droit fédéral en la matière, le projet de loi prévoit la possibilité d'octroyer des prêts sans intérêt à des agriculteurs tombés dans l'embarras financier et méritant d'être soutenus. Ces prêts ne servent pas à financer un investissement, mais à convertir des dettes coûtant intérêt.

La deuxième mesure concerne la viticulture. Cette activité est confrontée à une crise particulièrement profonde, due notamment à des excédents de stocks de vins et à une féroce concurrence des produits étrangers. Les mesures proposées visent notamment à l'instauration de primes à l'arrachage volontaire.

La troisième mesure concerne le soutien promotionnel à la vente directe par les producteurs et à l'identification des produits locaux afin de mieux occuper le marché genevois.

Enfin, la dernière mesure consiste en subventions pour la construction et la mise en conformité d'installations de détention d'animaux, partant du principe que le contexte genevois est favorable, avec la présence d'une industrie de transformation de produits laitiers et carnés.

S'agissant de l'articulation technique du projet de loi, les trois premières mesures mentionnées feront l'objet d'un crédit extraordinaire de fonctionnement sur trois ans, soit pour 2002, 2003 et 2004, selon des tranches définies à l'article 4 du projet de loi. La subvention relative à la production animale fera quant à elle l'objet d'un crédit extraordinaire d'investissement pour les trois mêmes années.

Permettez-moi, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de donner quelques explications sur certains articles du projet de loi, puisque le rapport ne vous a été transmis qu'aujourd'hui.

Je commence par l'article 2 du chapitre II, dont le titre est «crédit extraordinaire de fonctionnement». La majorité de la commission a souhaité inclure des contraintes environnementales comme conditions de subvention. Ainsi l'article 2 du chapitre II a pris la forme suivante : «Une subvention extraordinaire annuelle est ouverte en 2002, 2003 et 2004 au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale destinée au financement de mesures d'urgence au profit de l'agriculture genevoise, dans le respect des dispositions légales en matière d'environnement.»

S'agissant de l'article 3 du chapitre II, intitulé «mesures d'urgence», la commission est d'avis que la mesure décrite à l'alinéa 2, relative à l'arrachage des vignes, doit se baser sur deux principes: le volontariat et la limitation de la production de cépages de qualité moindre.

Plusieurs commissaires ont aussi souhaité introduire un amendement visant à l'interdiction de replanter pendant dix ans. En effet, après dix ans, il est nécessaire d'obtenir une nouvelle autorisation, car les surfaces sortent, passé ce délai, du cadastre viticole. La majorité de la commission est d'avis qu'il faut inciter à la diversification de la production. Elle estime qu'une réorientation sur des cépages plus nobles ne peut être que positive pour la viticulture genevoise. Nous nous sommes donc mis d'accord sur l'amendement suivant : «L'instauration d'une prime à l'arrachage volontaire de vignes sises dans le cadastre viticole à destination vinicole commerciale, en vue d'une reconversion progressive et qualitative de l'encépagement.» Les modalités de reconversion seront réglées par un règlement élaboré par le Conseil d'Etat.

S'agissant du principe d'une prime d'incitation à la limitation du rendement à la surface, il figure dans un autre alinéa, à la fin de l'article 3.

En ce qui concerne l'alinéa 4 de cet article 3, il faut préciser qu'il vise à mettre en oeuvre une politique de promotion des produits locaux. La commission a ainsi voulu introduire la notion de label de qualité visant principalement à assurer la traçabilité des produits. L'article a le libellé suivant : «L'aide à la promotion des produits agricoles genevois, notamment les productions maraîchères, fruitières et les céréales panifiables, en vue de la mise en oeuvre et d'un contrôle d'un label de qualité du terroir.»

Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. S'agissant de l'article 4 du chapitre II, qui a trait au budget de fonctionnement, deux des mesures présentées - l'arrachage de vignes et le désendettement - demandent une étude sur le terrain. Les crédits prévus initialement par le projet de loi envoyé en commission ont semblé excessifs à notre commission. Nous avons donc opté pour un transfert d'une partie du budget 2002 sur les années 2003 et 2004.

S'agissant enfin de l'article 13, la commission souhaite qu'un rapport soit fait par le Conseil d'Etat au Grand Conseil à la fin de l'exercice comptable de 2003 et de 2004 et qu'une évaluation sur l'ensemble de cette loi et des mesures qu'elle propose, soit transmise par le Conseil d'Etat à notre parlement en 2005. En conclusion, je peux dire qu'une large majorité de la commission de l'économie a adopté ce projet de loi et invite ce parlement à faire de même.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. J'ai un petit problème de procédure: je ne sais pas si, dans le cadre du dépôt d'un rapport écrit, on doit lire, comme l'a fait M. Jeannerat, l'ensemble de... (Commentaires.)J'ai en effet eu l'impression qu'il a lu tout son rapport.

Le président. Il peut le faire, dans la mesure où il reste dans le temps qui lui est imparti, Monsieur Pagani. Ce n'est peut-être pas la méthode la plus efficace mais ça peut se faire.

M. Rémy Pagani. Je vais essayer de résumer. Comme dit mon collègue John Dupraz, je vais essayer de parler avec le coeur.

Tout d'abord, il faut avoir une discussion de fond et le débat de ce soir sur l'agriculture nous en donne l'occasion. Je ne suis pas tellement d'accord avec M. Jeannerat quand il dit que l'agriculture genevoise subit actuellement une crise. Je crois qu'il y a cinquante ans que l'agriculture, de manière générale, subit une crise. En effet, en privilégiant l'ouverture des marchés mondiaux, l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, on est en train de couler l'agriculture. Ensuite, on demande aux paysans de se confronter à la concurrence internationale. C'est dire qu'on met en crise ce secteur de façon volontaire. Je ne connais aucun autre domaine de production en Suisse - pas même l'horlogerie - dans lequel les producteurs sont mis dans de telles conditions. C'est particulièrement grave dans le cas de l'agriculture, puisqu'il est essentiel pour l'ensemble de la population de pouvoir bénéficier de produits sains et - si j'ose dire - de produits du terroir.

Ceci étant, pour fixer un peu le cadre général, il s'agit bien évidemment de trouver des solutions à cette logique infernale. En effet, depuis soixante ans le nombre de paysans en Suisse n'a fait que diminuer. Les paysans représentent aujourd'hui 4,8% de la population genevoise - et ce n'est pas meilleur au niveau suisse - alors qu'avant la Seconde Guerre mondiale il y avait quasiment une majorité de paysans dans la population active.

Alors, l'Alliance de gauche a bien évidemment soutenu ce projet de loi qui s'opposait à un autre projet de loi visant purement et simplement à mettre 450 francs par mois dans la poche de certains agriculteurs, ce qui ne nous semblait pas pouvoir améliorer leur sort. En revanche, les propositions faites par le département de l'agriculture étaient bien ciblées, puisqu'elles visaient pour l'essentiel à limiter la production. Aujourd'hui, nous sommes en effet tous d'accord pour dire que le gros problème de l'agriculture, et notamment de la viticulture, vient à la fois des excédents de production et de l'ouverture du marché à la concurrence internationale. Pour parler concrètement de la viticulture, il est aberrant de faire venir du vin d'Australie, en raison notamment des coûts écologiques et de l'absence de réglementation dans ce pays. Rappelons par exemple qu'il est permis en Australie d'ajouter des copeaux au vin, alors que cela est rigoureusement interdit en Suisse. Il est aussi assez aberrant, mais cela fait partie de la politique fédérale, de laisser entrer du vin de cette qualité pour le mettre en concurrence, soi-disant, avec du vin du terroir.

Nous soutenons donc la mesure structurelle visant à désendetter les agriculteurs qui se sont endettés non pas pour acheter une villa mais pour exploiter leurs terres. Cette mesure nous convient tout à fait parce qu'elle vise à mettre en place un filet social pour atténuer les rigueurs de cette pseudo-concurrence internationale.

En ce qui concerne l'arrachage, nous arrivons au véritable problème. Nous sommes en effet d'accord avec l'arrachage de certaines vignes qui sont manifestement abusivement appelée vignes. On nous a dit en commission que produire du vin avec ces raisins s'appelle «faire pisser la vigne»... Là aussi nous sommes favorables à une limitation du stock et des capacités productives du canton. Cependant, nous nous sommes opposés en commission à une mesure allant à l'encontre de l'objectif proposé, à savoir viser la qualité et s'attaquer aux surproductions vinicoles. Cette mesure est celle qui permettrait d'aider les viticulteurs à changer leurs cépages. C'est comme si on proposait de donner une prime à un agriculteur pour changer son champ de poireaux en champ de carottes. Cela devrait soulever des problèmes idéologiques chez les députés assis en face de moi. La question qui se pose à ce moment-là est de savoir si l'Etat doit intervenir pour aider ce type de transformations de cultures. Je vous rappelle l'expérience qui a été faite concernant le blé. La Confédération a soutenu à un moment donné la production de blé, créant ainsi, quelques années plus tard, une situation de surproduction. Aujourd'hui, nous courons le risque, avec cette mesure, de nous retrouver dans quelques années dans une situation similaire. En voulant supprimer la surproduction de chasselas, par exemple, on arrivera à une surproduction de gamaret, au prétexte que c'est un cépage très demandé. Je reviendrai en deuxième débat sur cette mesure qui va à l'encontre de l'ensemble des mesures d'urgence destinées, si faire se peut, à sauver les 370 derniers agriculteurs-viticulteurs de notre canton.

M. Hubert Dethurens (PDC). Pourquoi une aide d'urgence en faveur de l'agriculture ? La situation de nos entreprises agricoles s'est détériorée très rapidement et ceci pour plusieurs raisons. Tout d'abord les accords de l'OMC obligent notre pays à stopper les aides directes à la production. Cela fait d'ailleurs sourire de voir aujourd'hui le président des Etats-Unis bafouer les règles de l'OMC que les Etats-Unis eux-mêmes ont mises en place, en triplant les aides aux agriculteurs américains. Je rappellerai par exemple que, même si le rapport n'est pas direct, le prix d'un quintal de blé en Europe est actuellement d'environ 15 francs suisses, ce qui ne couvre pas les frais de production. Les agriculteurs européens ne vivent ainsi que grâce à des subventions, puisqu'ils n'arrivent pas à couvrir leurs frais de production avec les résultats de leurs ventes.

L'agriculture ne peut pas être comparée avec l'industrie. Quand le produit qu'elle fabrique ne se vend plus, l'industrie se reconvertit et change totalement de production. L'agriculture, elle, est liée au sol et, parfois pour des raisons juridiques, ne peut pas envisager de modifier complètement ses produits.

La viticulture est d'ailleurs une branche particulièrement touchée. Quand un citoyen suisse boit une bouteille de vin chilien ou sud-africain, se pose-t-il la question des conditions de production et des conditions de travail des ouvriers qui ont produit ce vin à des salaires souvent inférieurs à 1 franc suisse de l'heure ?

Quand des traces d'OGM sont décelées dans un aliment, on crie au scandale et on boycotte les produits de la firme incriminée, mais se préoccupe-t-on des Marocains du sud de l'Espagne, qui vivent dans les serres où ils travaillent pour moins de 20 francs par jour? Au regard de ces conditions de production, la tomate genevoise aura toujours un meilleur goût.

Mesdames et Messieurs les députés, voulons-nous encore une agriculture à Genève ou voulons-nous des jardiniers fonctionnaires de l'environnement, qui coûteront certainement plus cher que l'agriculture elle-même ? Cette aide d'urgence est et doit rester ponctuelle. Simplement elle amènera une bouffée d'air frais à notre agriculture, à qui il faut laisser du temps pour se transformer, s'adapter et redevenir compétitive et innovatrice.

Je termine en remerciant M. Robert Cramer d'avoir su transformer un projet de loi qui était, je l'avoue, un brin provocateur et certainement irréalisable, mais qui a eu au moins le mérite de provoquer un débat et d'aboutir au projet de loi qui est présenté ce soir. Un grand merci aussi aux collaborateurs du département qui, en un temps record et en dépit d'une charge de travail certainement très élevée, ont su nous aider à élaborer ce projet de loi avec une grande compétence.

M. Pagani a commencé à parler de l'aspect technique de la redistribution de ces 12 millions. Je reviendrai sans doute plus tard sur cette question car, en commission, nous nous sommes aperçus que cela intéressait quelques personnes bien informées et que cela ennuyait beaucoup les autres. Ce qui compte aujourd'hui, c'est que l'agriculture a besoin de cet argent. Encore une fois, c'est une bouffée d'air frais qui lui est donnée à travers ce projet de loi.

M. Christian Bavarel (Ve). J'aimerais tout d'abord remercier les agriculteurs, parce qu'en une quinzaine d'années ils ont fait une révolution du point de vue de leur culture et de la mentalité de l'agriculture en Suisse. Nous sommes en effet passés d'une agriculture conventionnelle, usant de pesticides et d'engrais de synthèse, à une agriculture qui aujourd'hui est à 90% en production intégrée et qui respecte les prestations écologiques requises. Je dois dire que c'est une énorme satisfaction, pour nous les Verts, de constater qu'une profession s'est mobilisée à ce point pour respecter l'environnement. De plus, à Genève, les nouvelles normes sociales qui ont été instaurées - c'est-à-dire le salaire minimum de 3000 F - n'ont pas été contestées par les agriculteurs... (Commentaires.)La Chambre d'agriculture, en tout cas, n'a pas contesté ce salaire. En même temps, on reconnaîtra que vivre avec 3000 F à Genève, même logé, est difficile. Par contre, si on compare aux normes sociales appliquées dans l'agriculture ailleurs en Suisse ou dans le reste de l'Europe, c'est un net progrès. Nous sommes là aussi face à un important effort consenti par l'agriculture.

Je voudrais revenir sur l'écologie. On voit souvent l'écologie, l'agriculture et surtout les prestations écologiques au niveau de l'agriculture, comme un retour au passé. Aujourd'hui, un agriculteur, pour avoir des prestations écologiques satisfaisantes, est obligé d'utiliser des hautes technologies. Aujourd'hui, si vous faites un épandage d'engrais, que ce soit de l'engrais de synthèse ou un fumier de ferme, vous êtes obligé au préalable d'analyser le sol. Vous êtes obligé de faire ce travail en Suisse pour protéger nos rivières et nos lacs. Nous avons donc bel et bien à Genève, grâce à nos agriculteurs, des produits qui ne sont pas les mêmes que sur le reste du marché. Nous sommes face à une production de très haute qualité. Aujourd'hui, l'ouverture des marchés est demandée et nous importons par conséquent des produits dont les conditions de production seraient interdites en Suisse. Le vin, comme cela a été dit, peut subir des traitements interdits en Suisse. Vous trouvez aussi des fruits venant de la Communauté européenne qui ont été traités après récolte, ce qui est impossible chez nous. Il y a de nombreux produits pesticides heureusement interdits en Suisse qui sont employés ailleurs dans le monde. Nous importons et consommons des produits qui sont cultivés dans des conditions sociales et écologiques différentes. Nous devons donc intervenir en faveur d'une agriculture qui produit selon des règles strictes, pour la qualité de notre santé et pour que nous puissions bénéficier en Suisse d'une nourriture qui n'est pas tout à fait la même que celle du reste de la planète. Je souhaite vivement que les autres pays puissent nous rejoindre dans l'amélioration des conditions de production.

Pour ma part, je préfère consacrer plus d'argent dans mon budget à une nourriture saine, plutôt que payer les assurances-maladie pour les soins dispensés à une population malade de l'emploi des pesticides.

C'est pourquoi les Verts vous recommandent, même si des standards plus élevés sont souhaitables, même si nous voudrions arriver un jour à plus d'agriculture bio, de soutenir ce projet de loi, de manière à ce qu'on puisse garder une agriculture genevoise avec de hauts standards de qualité. (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais d'abord revenir sur le problème, évoqué par M. Dethurens, des salaires dans les pays en voie de développement. Comme il se scandalise de ces pratiques, je suppose qu'il est aussi satisfait, toute proportion gardée, de la décision de la Chambre des relations collectives du travail d'augmenter le salaire minimum des employés agricoles. Je le remercie donc de sa déclaration.

Je vais vous expliquer la position du parti socialiste qui n'a finalement pas été signataire du projet de loi, suite à l'amendement général du président Cramer. Nous regrettons l'absence de mention de la notion de développement durable et le parti socialiste a proposé, en commission, des amendements par rapport à cette problématique. Il est ressorti des travaux de la commission un projet de loi qui ne satisfait qu'une partie de notre groupe. Les députés socialistes auront donc la liberté de vote sur ce projet.

Nous reviendrons sur le développement durable et sur l'agriculture au cours des travaux qui auront lieu à propos de la future loi-cadre qui sera proposée par le président Cramer d'ici une année ou deux.

M. Pierre Kunz (R). Je ne reviendrai pas sur les arguments évoqués par les défenseurs des mesures proposées par le projet de loi 8747. Ce sont de bons arguments, quoi qu'en pense M. Pagani, en faveur d'une loi malheureusement nécessaire et adéquate. Les radicaux soutiendront donc les mesures proposées. Permettez-moi néanmoins de souligner deux points. Ils concernent le projet de loi qui a donné naissance à celui qui nous occupe en ce moment.

En premier lieu, je crois qu'il convient de s'interroger sur le bien-fondé des pouvoirs accordés par ce parlement à la Chambre des relations collectives du travail. Sans douter de la sincérité, de l'intégrité et de la bonne volonté des gens qui composent cette chambre, on doit quand même se demander s'il est acceptable qu'un organisme qui ne jouit d'aucune légitimité démocratique et qui est en mesure d'agir en autorité suprême sans avoir de comptes à rendre à quiconque, puisse décider des salaires minimaux pour une branche entière de l'économie genevoise. Pour moi, la réponse est négative. J'engage ce Grand Conseil à réfléchir à cette question de principe. On voit dans le cas présent que cette chambre, malgré, je le répète, toute la bonne volonté et les bonnes intentions des gens qui la composent, est capable de déraper. En effet, fixer unilatéralement un salaire minimum de 3000 F pour l'agriculture, alors que partout ailleurs en Suisse la situation est différente, revient à défavoriser l'emploi dans l'agriculture genevoise.

En second lieu, je crois qu'il convient de féliciter M. Cramer et ses services qui ont su, dans l'urgence, transformer une situation pour le moins délicate et pénalisante pour l'agriculture, en un projet de loi et en un train de mesures de soutien qu'on peut qualifier d'intelligents et de dynamiques. Mais s'il vous plaît, Monsieur Cramer, lorsque que vous édicterez le règlement d'application, faites en sorte que cette loi ne soit pas un oreiller de paresse pour les agriculteurs... (Exclamations.)..qui sont moins dynamiques que ceux de leurs confrères qui ont déjà pris toutes les mesures nécessaires. (Brouhaha.)

M. René Desbaillets (L). Je n'entrerai pas dans le détail de cette loi car cela serait trop long et trop technique. Je vous expliquerai simplement pourquoi un groupe de députés de l'ancienne législature a déposé ce projet de loi et pourquoi des mesures d'urgence doivent être prises en attendant une nouvelle loi cantonale sur l'agriculture.

Le point de départ de ces mesures d'urgence vient d'une décision unilatérale, irréfléchie et inopportune d'un juge qui a décidé d'augmenter le salaire minimum des employés agricoles de 10%, sans se soucier des effets économiques de cette décision sur l'agriculture genevoise. Le mal étant fait, il s'agit maintenant d'y remédier.

Genève n'est pas un îlot au milieu de l'Europe. Nous avons à voter un projet de loi que certains qualifieront de subvention extraordinaire aux paysans genevois. Là, j'entends déjà les ricanements du genre : «Ils vont pouvoir changer de Mercedes.» (Brouhaha.)C'est un peu du réchauffé et j'en ai des meilleures à vous raconter à la buvette. Mais trêve de plaisanteries, Mesdames et Messieurs les députés, il nous faut regarder plus loin que notre chariot à commissions.

Cette loi devrait s'intituler «mesures d'urgence pour le maintien d'un environnement, d'une alimentation et d'une vie de qualité à Genève». En effet, il faut savoir que tous les pays qui ont sacrifié une agriculture vivrière et de proximité pour satisfaire «l'agrobusiness» de la malbouffe sont aujourd'hui confrontés à d'énormes problèmes qui vont des catastrophes écologiques à la famine, de la suralimentation «fast-foodienne» à l'exode rural vers des banlieues paradisiaques qui se transforment très vite en enfer. Dans ces enfers, les drogues, la prostitution et les crimes sont le menu de tous les jours et les privilégiés ont comme seule chance de travailler en semi-esclavage, pour 2 dollars par jour, en fabriquant les maillots aux trois bandes blanches et deux étoiles de Zinedine Zidane.

Mesdames et Messieurs, Genève ne vaut-il pas mieux que d'être le canton suisse qui compte le plus de chômeurs ? Genève ne vaut-il pas mieux que d'avoir la ville la plus sale de Suisse ? Genève ne vaut-il pas mieux que d'être le canton qui, malgré un niveau de vie parmi les plus élevés du monde, dénombre le plus gros pourcentage de personnes dépressives ?

Je terminerai en disant que ce projet de loi ne doit pas être considéré comme une obole que l'on donne aux paysans mais comme le premier acte d'une réflexion profonde sur l'avenir durable et qualitatif que se préparent les Genevois à moyen et à long terme. Souvenons-nous, pendant qu'il est encore temps, de la fable de la cigale et la fourmi. (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Beaucoup d'excellentes choses ont été dites et je n'y reviendrai pas. Je remercie d'ailleurs les gens qui les ont dites parce que, sur des registres différents, elles étaient toutes très sensées. J'ai ainsi été particulièrement sensible au plaidoyer de notre collègue Bavarel.

Mesdames et Messieurs les députés, il semble qu'il y ait une certaine unanimité dans ce Grand Conseil pour approuver ce projet de loi et pour consacrer à ces objectifs un certain nombre de millions. Il apparaît aussi que l'Etat de Genève fait certains efforts, notamment par l'office de promotion des produits agricoles genevois et par certaines subventions, pour promouvoir la production agricole cantonale. Je profite d'ailleurs de ce que nous discutons de ce projet pour dire, même si le rapport n'est pas direct, qu'il apparaît que ces efforts sont parfois mal ciblés. L'Etat subventionne en effet un nombre important de manifestations de toutes sortes qui se déroulent dans notre canton. Avec l'argent que l'Etat leur donne, les organisateurs vendent cependant souvent des produits qui ne sont pas des produits de l'agriculture cantonale. J'en veux pour preuve le malheureux couac de la Compagnie 1602, il y a trois semaines. Franchement, j'avais honte d'être assis devant le Grand Théâtre sur le même banc que les représentants des autres cantons, notamment Soleure et Zurich, et de voir qu'on nous servait du vin valaisan - excellent d'ailleurs - avec la subvention de l'Etat.

Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux que le Grand Conseil mette de l'argent dans le soutien et la promotion des produits genevois, mais je demande formellement au Conseil d'Etat qu'à partir de maintenant, à chaque fois qu'il interviendra financièrement dans l'organisation d'une manifestation, il exige que les organisateurs vendent ou offrent des produits genevois, vin y compris. Je pense qu'il faut être cohérent et avoir certaines exigences envers ceux qui reçoivent des subventions. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je vous signale que la pique de M. Kunz contre la Chambre des relations collectives du travail m'a fait froid dans le dos. Cependant, ce n'est pas une surprise, c'est même plutôt dans l'ordre des choses. Je vous rappelle que cette chambre, qui est la clé de voûte de la protection sociale dans ce canton, a été instituée à l'occasion du vote sur les accords bilatéraux. On nous a répété sur tous les bancs qu'il ne fallait pas craindre le risque de dumping salarial : il y avait les partenaires sociaux, nous disait-on, et des salaires minimaux, des contrats-types de travail pouvaient être mis sur pied en cas de dumping salarial abusif et répété. Or, M. Kunz vient nous dire aujourd'hui qu'il faudrait revoir les compétences de la Chambre des relations collectives du travail parce que...

Le président. Monsieur Pagani, je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas le sujet du débat. La maladresse de M. Kunz ne justifie pas tout un débat. (Commentaires et applaudissements.)

M. Rémy Pagani. Au contraire, Monsieur le président, nous sommes au coeur du débat. Qui voit-on arriver en première ligne pour s'occuper d'un secteur de notre économie en difficulté ? Ce sont des gens affirmant qu'il ne faut pas protéger le marché local, qu'il ne faut pas essayer de maintenir un statut commun pour tous, mais qu'il faut attaquer les conditions salariales et baisser la masse des salaires. Cette situation est très grave car si on prend ce pli, on donne une orientation générale qui se répercutera sur d'autres secteurs, comme par exemple les secrétaires que l'on fera venir en masse d'Angleterre pour les installer à la frontière et les sous-payer. L'intervention de M. Kunz sert à disqualifier la Chambre des relations collectives du travail. Et lorsqu'il s'agira de mettre en place des mesures pour contrer le dumping salarial, le président de la Chambre des relations collectives de travail ne sera plus accepté comme un interlocuteur valable. Cela est inadmissible.

Un deuxième point nécessite des remarques, c'est la question de M. Blanc concernant le label du terroir. Je crois en effet que l'Etat doit faire un effort considérable à ce niveau. J'ai entendu M. Cramer soutenir cette position en commission et je m'en réjouis. Il s'agit non seulement de mettre sur pied un label de qualité, de soutenir la production locale, comme il est dit dans le projet de loi, mais aussi de vérifier et contrôler ce label de qualité tant au niveau de la traçabilité des produits que de leur production intégrée. Il existe par exemple en France un organisme privé chargé de ce travail. Je me réjouis que l'Etat prenne cette tâche en charge, parce que j'estime que c'est son rôle. Comme l'a fait remarquer M. Blanc, on ne peut pas à la fois subventionner et tout laisser faire.

M. John Dupraz (R). Permettez-moi, après une longue expérience active dans la défense professionnelle, de vous livrer mon point de vue concernant cet important dossier.

Tout d'abord, je connais bien la Chambre des relations collectives du travail, parce que pendant onze ans, alors que j'étais président de la Chambre d'agriculture, c'est-à-dire jusqu'en 1992, j'ai souvent eu l'occasion de travailler avec cet organe. Il prenait connaissance de notre point de vue et de celui des syndicats afin de fixer les conditions de travail dans l'agriculture. A l'époque, nous sommes ainsi passés de cinquante-cinq heures à cinquante heures de travail hebdomadaire sur l'initiative de la Chambre genevoise de l'agriculture. Les maraîchers n'étaient d'ailleurs pas tout à fait d'accord, je peux vous le dire. En effet, le problème vient du fait que la loi fédérale sur l'agriculture fixe des conditions-cadres identiques pour tous les agriculteurs, même s'il existe des nuances pour les exploitations qui se trouvent en plaine, en zone de colline ou en zone de montagne. Il existe plus de quinze réglementations concernant les travailleurs. J'ai tenté, à l'Union suisse des paysans, de mettre sur pied un groupe de travail chargé de s'occuper de cette difficulté rencontrée à Genève et dans les autres cantons. Il est apparu que chaque canton estime que c'est un avantage économique significatif qu'il ne veut pas abandonner.

Je trouve que cette distorsion de concurrence est injuste, et cela sans parler des conditions minimum de vie des employés dans l'agriculture. On peut toujours discuter sur le fait qu'un salarié veut toujours gagner plus, mais il n'est pas acceptable que dans ce pays où il y a une seule loi sur l'agriculture, un marché suisse et un marché international pour l'exportation, on ait plus de quinze réglementations concernant les travailleurs dans l'agriculture. Je vous avoue d'ailleurs humblement que j'ai lamentablement échoué dans une initiative parlementaire qui réclamait un contrat-type au niveau national. Les esprits ne sont pas encore mûrs !

Demain je participe, à Lausanne, à une séance de travail avec les responsables des Chambres d'agriculture de Suisse romande pour voir si nous n'allons pas discuter avec les syndicats d'un contrat collectif de travail au niveau romand. On ne peut pas continuer sans trouver une solution à ce problème.

Il est clair qu'il était difficile de subventionner les salaires - comme le proposait le projet de loi initial - parce que de nombreux autres secteurs économiques pourraient déposer la même requête. Je dois cependant dire que les propositions qui nous ont été faites, sur l'initiative de quelques députés et du chef du département, sont cohérentes et seront bienvenues pour l'agriculture genevoise.

Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que l'agriculture a vécu une véritable révolution au niveau national, puisque la nouvelle politique agraire tend à rétribuer par des paiements directs les prestations d'intérêt public fournies par les agriculteurs et les familles paysannes. Les marchés ont été libéralisés en raison notamment des règles de l'OMC. Cette dernière nous a en effet imposé ce libéralisme que nous n'avons pas souhaité, Monsieur Pagani, et que nous avons combattu. Il faut savoir que l'agriculture représente en Suisse moins de 4% de la population et que l'économie suisse, qui est principalement une économie d'exportation, a intérêt à avoir des accords internationaux pour exporter ses produits. Nous avons donc séparé deux fonctions, les marchés et les prestations d'intérêt général. Malheureusement les paysans sont encore très mal organisés concernant les marchés et ils demeurent le maillon le plus faible de la filière, par rapport aux acheteurs et aux distributeurs. Pas plus tard que ce matin, j'avais une réunion concernant les céréales. Nous avons un fonds pour essayer de réguler les marchés dans ce secteur et nous allons en employer une partie pour prendre des mesures de soutien des prix.

Contrairement à ce que vous dites, Monsieur Pagani, la loi sur les blés n'était pas là pour engendrer de la surproduction, mais pour lutter contre la famine. Il est vrai cependant qu'avec les progrès techniques, on est arrivé à une situation excédentaire dans les céréales panifiables. La Fédération suisse des producteurs de céréales avait alors proposé, déjà en 1989, des contributions de solidarité pour mettre en valeur la production et pour décharger les finances de la Confédération, étant entendu qu'on ne peut pas demander à l'Etat d'intervenir sur un marché et de payer un prix quand il n'y a plus de marché. Ce sont donc les producteurs qui ont payé le différentiel entre le prix des céréales panifiables et celui des céréales fourragères. Maintenant le marché des céréales est complètement libéralisé et nous tentons de maîtriser les quantités par rapport au marché.

Dans la viticulture, la situation est semblable, si ce n'est qu'il y règne encore un esprit de clocher et que ceux qui estiment pouvoir vendre leur vin laissent les autres se débrouiller seuls. Nous sommes cependant dans un jeu de domino et tout le monde est maintenant touché en Suisse. Il faut donc que la production s'organise, dans ce domaine aussi, pour maîtriser l'offre par rapport au marché. Ceci est d'autant plus vrai, je le répète, que la situation est aggravée par les règles de l'OMC que nous n'avons pas voulues mais qu'on nous a imposées.

Mesdames et Messieurs, tout à l'heure, le représentant du groupe socialiste a parlé de développement durable et a signalé que les projets présentés laissaient quelques esprits chagrins dans son groupe parce que le développement durable n'était pas assez pris en compte. Je m'inscris en faux contre cette déclaration. Nous avons en effet en Suisse l'agriculture la plus écologique d'Europe. Les normes de prestations écologiques requises sont un modèle du genre, les contraintes imposées aux producteurs sont très sévères et s'ils ne remplissent pas le cahier des charges, ils ne reçoivent aucune contribution de la Confédération. Ces normes ont un effet très positif sur l'environnement et sur l'élevage des animaux. Je ne comprends donc pas qu'on émette encore des doutes concernant cette compatibilité de l'exploitation agricole actuelle avec la préservation de l'environnement et l'élevage des animaux.

Le président. Vous êtes au bout de votre temps. Concluez, s'il vous plaît !

M. John Dupraz. Je dirai simplement que je suis heureux qu'il y ait pratiquement unanimité, tous partis confondus, pour reconnaître le rôle que joue l'agriculture dans un canton urbain et dans notre pays. Je suis très reconnaissant et je vous dis merci du fond du coeur. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Je ne voulais pas prendre la parole, mais M. Dupraz m'en a donné l'occasion. J'aimerais en effet lui poser une question... Monsieur le président, j'aimerais que M. Dupraz écoute ce que je vais dire.

Monsieur Dupraz, vous venez d'annoncer que vous n'avez pas voulu les règles de l'OMC. C'est étonnant parce que M. Couchepin, qui est de votre parti, va déposer un certain nombre de demandes de libéralisation concernant les règles du commerce et des services. Ces règles, vous les avez voulues et elles ont été acceptées par le Conseil national. (Brouhaha.)Une majorité à Berne aurait très bien pu demander que ces règles de l'OMC ne soient pas appliquées au niveau de l'agriculture. Personne cependant n'a réagi à l'époque.

Alors nous voyons aujourd'hui, Monsieur Dupraz, les conséquences de l'application des règles de l'OMC. A l'époque, on ne pouvait pas supposer que cette libéralisation allait être aussi néfaste pour les agriculteurs, mais c'est ainsi. Malheureusement, après l'agriculture, les services publics seront touchés à leur tour. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de réagir, notamment à Berne, pour que les futurs accords ne soient pas signés sans que le peuple suisse puisse se prononcer.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve que le discours de M. John Dupraz est assez extraordinaire lorsqu'il nous dit ne jamais avoir voulu de l'OMC. Bien évidemment, il fait là son métier de représentant d'une couche de la population. Quand M. Velasco lui rappelle que ces accords ont été acceptés par son parti, il renvoie la faute sur M. Couchepin. Il faudrait en finir avec ce double discours, Monsieur John Dupraz. Vous avez été le rapporteur - et cela vous ne pouvez pas le nier - du projet de loi sur la libéralisation du marché de l'électricité. Vous vous en êtes même vanté. Cela veut dire que vous soutenez fondamentalement la déréglementation du marché de l'électricité, qui va mettre notre pays dans une situation comparable à celle de la Californie...

Le président. Monsieur Pagani, je vous en supplie, j'aimerais que l'on traite uniquement du projet.

M. Rémy Pagani. Parlons de choses concrètes ! Il faut arrêter avec...

Le président. Je ne suis pas d'accord, Monsieur Pagani. Revenez au sujet !

M. Rémy Pagani. J'en terminerai par là, Monsieur le président. Il faut arrêter avec ce double discours. Certains ont rédigé des écrits sur lesquels ils doivent être jugés. M. John Dupraz a écrit ce rapport de majorité concernant la LME, il faut que cela soit dit une fois pour toutes. (L'orateur est interpellé.)

Le président. Il nous reste deux demandes de parole. Le Bureau vous propose de clore ensuite le premier débat.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. Pierre Kunz (R). Comme j'ai été interpellé, ou plutôt mis en cause, par le président, je voudrais juste lui rappeler que mon intervention n'était pas une maladresse, contrairement à ce qu'il a pu croire. Non, c'est bien le résultat d'une double conviction. La première, c'est qu'on peut faire confiance aux partenaires sociaux et qu'une Chambre des relations collectives du travail n'est pas nécessaire; les partenaires sociaux savent en effet négocier lorsqu'ils sont mis en situation. La seconde, c'est que je préfère une femme ou un homme au travail gagnant 2750 F à un chômeur touchant 3000 F. (Brouhaha.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je crois que c'est la première fois, depuis que j'occupe ma fonction actuelle, que je vois ce parlement entrer réellement dans un débat sur l'agriculture. Quoiqu'en entendant les précédentes interventions, on peut se demander si on parlait véritablement d'agriculture, mais c'est un autre problème...

Le président. J'ai pourtant essayé...

M. Robert Cramer. Oui et je vous en remercie.

Je me réjouis de ce débat important pour Genève. Genève, le savez-vous, proportionnellement à son territoire, est un des cantons agricoles les plus importants de Suisse. Genève consacre en effet près de 50% de son territoire à l'agriculture, ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale qui est de l'ordre de 30%. Genève est donc un canton qui a une véritable agriculture dynamique. On peut l'observer en remarquant que le nombre d'exploitations en dix ans est resté à environ quatre cent-cinquante. Ces dix dernières années, qui ont été difficiles pour toute l'agriculture suisse, ne se sont ainsi pas traduites ici par la diminution du nombre d'exploitations.

Genève est un canton dynamique sur le plan agricole, ce qui est attesté par le fait que les objectifs des programmes fédéraux appelés PA 2002 - pour politique agricole 2002 - ou PA 2007 sont déjà atteints depuis longtemps dans notre canton. L'un de ces objectifs était par exemple d'arriver à des exploitations d'une taille moyenne d'environ 30 hectares. Nous avons donc une vraie agriculture servie par des agriculteurs qui y croient et qui la défendent. Mais voilà que l'agriculture suisse, comme l'agriculture européenne, est confrontée aujourd'hui à des difficultés qui sont pratiquement insurmontables. Ces difficultés ont été soulignées ici. On a évoqué l'augmentation du salaire minimum des travailleurs agricoles, mais je crois que globalement la situation serait la même sans la décision de la Chambre des relations collectives du travail que regrette M. Kunz... A ce sujet, je rappellerai un brocard du monde judiciaire qui dit qu'un justiciable maudit son juge durant vingt-quatre heures avant de se faire à sa décision. Je vois que M. Kunz a la rancune plus tenace !

Ceci dit, le problème est bien là où l'a pointé M. Pagani. M. Dupraz s'est associé à lui pour dire que l'agriculture suisse souffre de la déréglementation et des règles négociées dans le cadre des accords de l'OMC. Ces règles ont en effet été négociées de façon tellement généreuse en Suisse que des pays européens comme la France invoquent aujourd'hui les règles de l'OMC comme une clause protectionniste en comparaison avec les mesures prises en Suisse, tellement nous sommes allés loin dans la dérégulation. Avec mes collègues conseillers d'Etat romands, nous avons, ensemble, écrit une lettre à M. Couchepin pour lui dire que le démantèlement du système des quotas allait tellement loin que les pays européens nous le font remarquer et s'en prévalent.

Face à cette crise, il fallait prendre des mesures. Je tiens ici à vous remercier d'avoir distingué les collaborateurs de l'administration, qui se sont montrés disponibles rapidement et ont pu ainsi vous proposer ce projet de loi. Il comporte des mesures d'urgence qui ne sont pas des mesures conjoncturelles, mais bien des mesures structurelles. Sur quoi portent ces mesures ? Elles portent sur le désendettement, sur l'arrachage de la vigne dans les endroits qui se prêtent mal à la viticulture et sur la mise en conformité des exploitations, notamment pour l'élevage. Elles portent également - et nous aurons l'occasion d'y revenir dans ce parlement - sur la recherche de la qualité par des mesures de reconversion du vignoble et par des mesures de promotion.

Pour ma part, j'y vois des objectifs qui s'inscrivent pleinement dans le développement durable parce qu'il s'agit de permettre à des entrepreneurs, et c'est la dimension économique du projet, d'avoir les ressources nécessaires, en allant sur le marché, pour payer leurs collaborateurs avec les salaires définis par l'arbitrage de la Chambre des relations collectives du travail, en d'autres termes pour s'acquitter de tâches sociales. Enfin la dimension environnementale n'est pas négligée, cela a été rappelé à plusieurs reprises, notre agriculture respecte scrupuleusement l'environnement.

Le débat engagé aujourd'hui doit continuer. Si l'on se donne les moyens, notamment par ce projet de loi, d'avoir une agriculture redimensionnée et apte à affronter le marché, il faut encore s'assurer que les producteurs puissent rencontrer les consommateurs. Le Conseil d'Etat vous annonçait dans le discours de Saint-Pierre que l'un des objectifs de la législature actuelle est de rapprocher le public genevois de la production agricole genevoise. C'est ce qu'on appelle ailleurs la souveraineté alimentaire et qui est simplement une nécessité. On ne peut pas demander aux agriculteurs de jouer la concurrence entre eux pour ensuite se retrouver avec deux distributeurs, la Coop et la Migros, qui représentent 70% du marché et qui créent un écran entre les producteurs et les consommateurs. Une des tâches de la collectivité publique est par conséquent de prendre des mesures en vue de rapprocher les 400 000 consommateurs genevois et les exploitations agricoles, qui occupent la moitié de notre territoire.

Je ne vais pas développer ce point car j'arrive certainement au bout des dix minutes qui me sont imparties, mais je vous informe du fait qu'il existe un groupe de travail «souveraineté alimentaire», que j'ai l'honneur et le plaisir de présider. Il réunit, depuis une année, des représentants de syndicats de travailleurs, des représentants des associations de consommateurs, des agriculteurs provenant des grands syndicats agricoles et de toutes les branches de l'agriculture et, bien évidemment, des membres de l'administration cantonale. Nous cherchons ensemble les chemins qui nous permettent d'entendre les désirs des consommateurs, qui permettent aux producteurs d'écouter ces désirs, et surtout nous cherchons comment rapprocher la production et la consommation. Cela peut passer par une réflexion sur l'avenir de l'élevage à Genève ou par une réflexion sur la viticulture, telle qu'elle est esquissée dans ce projet de loi. De façon plus générale, cela passe par la nécessité de rapprocher les producteurs et leurs produits d'un marché qui ne demande qu'à les découvrir. Il est donc question de qualité, de traçabilité, de proximité et de respect de l'environnement.

Encore un mot, pour inviter M. Blanc - qui, à juste titre, demande au Conseil d'Etat d'intervenir dans le cadre de manifestations - à faire cette demande sous forme de motion. Le Conseil d'Etat sera enchanté de la recevoir et d'y répondre.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de minorité au point 3 de l'article 3 qui propose «l'instauration d'une prime à l'arrachage volontaire de vignes sises dans le cadastre viticole à destination vinicole commerciale en vue d'une reconversion progressive et qualitative de l'encépagement». L'amendement vise purement et simplement à supprimer l'ensemble de ce point 3.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Nous arrivons à un problème qui semble très technique, mais qui est assez simple à résumer. Nous avons toute une série de mesures qui visent à privilégier, comme l'a dit le président Cramer, la qualité par rapport à la quantité. Elles devraient donc permettre de réduire les stocks. Ainsi, la seconde mesure instituée par l'article 3 vise les propriétaires de vignes situées sur des terrains non propices à la viticulture qui pourraient bénéficier d'une prime d'arrachage avec interdiction de replanter. Cette mesure va dans la droite ligne de l'ensemble des mesures structurelles qui permettront à ce marché de sortir, dans deux ou trois ans, de la situation de surproduction dans laquelle il se trouve.

La proposition du département visait à soutenir financièrement cette deuxième mesure. L'alinéa 2 du même article prévoit en effet que «le Conseil d'Etat peut en outre, dans le cadre des crédits octroyés, instaurer une prime d'incitation à la limitation de rendement à l'unité de surface pour la production à destination vinicole». C'est-à-dire que le Conseil d'Etat, si nous votons cet alinéa, et j'espère que nous le voterons, accordera une subvention à tous ceux qui passeront de 1,25 kg de raisin par mètre carré planté de vignes à 1 kg. Malheureusement, l'ajout de la troisième mesure va tout à fait dans le sens contraire. Pourquoi a-t-elle été introduite ? Parce que certaines personnes étaient de l'avis que si la production genevoise se trouvait réduite grâce à une mesure incitative, les producteurs d'autres cantons, du Valais par exemple, en profiteraient pour accaparer le marché. Donc on a voulu atténuer l'effet de la deuxième mesure en introduisant la notion de reconversion progressive et qualitative de l'encépagement. Or, comme l'a dit John Dupraz, et à ce sujet il a totalement raison, c'est le marché suisse qui est en crise et les Valaisans connaissent la même surproduction que nous dans tous les cépages. Je crois que cette mesure, qui vise à ne pas céder un marché que, soit-disant, d'autres prendraient, ne fera qu'accélérer la spirale qui conduira à l'effondrement de ce secteur de production.

La mesure que doit prendre l'Etat, c'est de réguler le marché en diminuant la production et non pas d'aider à créer une nouvelle surproduction sur un autre cépage. Le gamaret, par exemple, est tout désigné pour connaître, d'ici deux ou trois ans, une situation de surproduction. Si vous acceptez cette troisième mesure, on se retrouvera dans trois ans au même niveau de production, mais dans des cépages différents. Les producteurs reviendront alors nous demander une nouvelle aide pour faire face à la nouvelle situation de surproduction. Ils viendront peut-être demander à l'Etat de limiter de manière drastique la surproduction, comme le propose l'essentiel de ce projet de loi, à l'exception de cet alinéa que je vous demande de supprimer purement et simplement.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. M. Pagani vient de nous faire de la pure théorie. La commission a en effet longtemps discuté de cet argument et, à la lumière des explications du chef du service de l'agriculture, la commission a repoussé de façon très claire cet amendement puisqu'il ne s'est trouvé que deux députés, dont M. Pagani, pour le soutenir. Je crois que le but de cette mesure est d'inciter à la diversification de la production à Genève. On sait qu'il y a une surproduction de chasselas et il faut simplement remplacer les cépages de chasselas par d'autres cépages qui peuvent assurer la qualité de la production à Genève. Je crois que la commission n'a pas été dupe dans cette histoire et elle a suivi l'avis des spécialistes tels que M. le directeur du service de l'agriculture.

M. John Dupraz (R). Je dirai que M. Pagani a à la fois raison et tort. Dans un raisonnement macro-économique, il est clair qu'il ne suffit pas de substituer une production par une autre pour alléger le marché. En termes généraux, je dirai que vous avez raison, Monsieur le député. Mais vous avez tort dans ce cas particulier parce qu'il s'agit de remplacer une partie du chasselas par des cépages nobles qui produisent beaucoup moins, entre 800 et 900 gr par mètre carré contre 1,2 kg pour le chasselas. Il y a donc beaucoup moins de volume. En outre, ces vins, notamment le gamaret mais aussi le garanoir, le sauvignon blanc, le cabernet franc et le merlot, concurrencent les vins étrangers. Pourquoi le chasselas est-il en difficulté ? Parce qu'il est notamment concurrencé par des importations de vins blancs bon marché.

Je crois que la disposition proposée par la majorité de la commission est juste. Je pense que le chef du département va confirmer qu'il ne s'agit pas de laisser replanter n'importe quel cépage, mais uniquement ceux qui ont des créneaux, ce qui ne se limite pas au gamaret. Si cela peut vous rassurer, Monsieur Pagani, on pourrait amender le texte en précisant que les aides peuvent être accordées seulement à certains cépages choisis selon les recommandations de l'interprofession viticole et du service de l'agriculture. Je ne sais pas s'il faut en faire un amendement mais, Monsieur Pagani, vous pouvez me croire sur facture; je ne fais pas de la politique politicienne, mais de la défense professionnelle. C'est mon expérience et ma connaissance du dossier qui vous disent que vous ne risquez rien du tout.

Le président. Moi, j'aime bien le chasselas !

M. Hubert Dethurens (PDC). J'ajouterai simplement que ce projet de loi n'a pas pour but de faire diminuer drastiquement les vignes à Genève. Provisoirement, on doit se reconvertir dans d'autres cépages et surtout reconquérir des parts du marché suisse. Actuellement, sur dix litres bus en Suisse, seuls cinq y sont produits. On peut donc encore faire progresser la part des vins suisses. Le but de ce projet de loi n'est pas de diminuer la taille des vignobles mais de les adapter à la demande et de reconquérir des parts de marché. C'est pourquoi je vous propose de rejeter cet amendement.

M. Christian Bavarel (Ve). Je voudrais juste vous rappeler que changer de cépage n'est pas la même chose que changer de bicyclette. Quand vous changez de bicyclette, elle fonctionne tout de suite. Quand vous changez de cépage, il faut attendre quatre ou cinq ans pour qu'il commence à produire. Il y a donc déjà un effet temporaire de baisse de la production. En plus, il y a une augmentation de qualité, non pas du vin en lui-même, mais de l'offre des vins. Vous avez une offre qui se diversifie, avec des vins, on l'espère, de qualité supérieure.

Cette mesure a donc un effet de limitation de la quantité et un effet d'augmentation de la qualité. C'est pour cela que les Verts refuseront cet amendement.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je ne veux pas trop polémiquer dans ce débat, mais tout le monde s'accorde à dire, et le président Cramer l'a reconnu, que le marché est saturé de produits dits étrangers. On est loin d'avoir résolu ce problème puisque les autorités suisses sont totalement favorables à la libéralisation. Jusqu'à preuve du contraire, bien que les Anglais aient commencé à comprendre que la libéralisation avait du plomb dans l'aile et qu'ils renationalisent les chemins de fer, le gouvernement suisse n'a pas adopté cette position. D'ici que le gouvernement prenne des mesures décisives pour limiter l'importation des denrées alimentaires dans notre pays, beaucoup d'eau va couler sous les ponts.

Vous me faites un peu sourire, Messieurs Dupraz et Dethurens, en disant que le marché va reprendre dans cinq ans: tout va très bien, Madame la marquise... C'est loin d'être le cas, Mesdames et Messieurs les députés. La question suivante, et M. John Dupraz a mis le doigt là où il fallait, est de savoir si le président du département, avec le point 3 tel que vous allez certainement le voter - forcément, puisque tout le monde vote la tête dans le sac... (Brouhaha.)M. John Dupraz a dit, très justement, qu'il faudra diversifier la replantation. Il faudra donc élaborer un règlement. Seulement, l'alinéa tel que vous allez le voter permettra à un viticulteur de venir demain chez M. Cramer réclamer une subvention et refuser dans le même temps que l'Etat lui dicte quel cépage produire au moment où il change de production... (L'orateur est interpellé.)Non, parce que justement l'alinéa est général et dit que toute transformation de la production doit être soutenue en fonction de l'arrachage des plans de vigne. Il n'y a donc aucune garantie que l'Etat puisse organiser un peu la future production. Par contre, l'alinéa 2 de ce même article donne les capacités, si bien évidement vous supprimez ce point 3, au Conseil d'Etat d'édicter un règlement qui lui permette de contrôler la production et l'encépagement. Ceci étant, une fois de plus, la réalité est maître de notre avenir.

Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants sur ce point.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. René Desbaillets (L). Je donne un petit complément d'information, puisque M. Pagani n'a pas vraiment compris la différence entre l'arrachage définitif et la reconstitution. Il faut savoir que Berne a édicté une ordonnance allouant des budgets à l'élimination du vin et à une opération «jus de raisin» ainsi qu'à une opération de reconstitution de la vigne, c'est-à-dire au changement d'encépagement. Cette mesure est conditionnée à la participation des cantons : chaque fois que Berne va donner 100 000 F, il faudra aussi que le canton donne 100 000 F. Il serait donc stupide que les Genevois renoncent à cet argent, car il est clair que les Vaudois et les Valaisans vont en profiter.

Nous ne savons évidemment pas si tout sera résolu dans dix ans, mais il est sûr en revanche que la consommation est en train de changer. Le bon Genevois ayant l'habitude de boire ses trois décis de chasselas à la table ronde est en train de disparaître au profit d'un consommateur qui recherche un meilleure qualité et qui boit du vin rouge en mangeant.

Les cépages comme le gamaret, le garanoir ou le cabernet sont quasiment concurrentiels avec les vins européens, contrairement au chasselas. Ce projet de loi devrait donc permettre de précéder le changement des habitudes des consommateurs. On le voit quand un étranger rentre dans une cave : il demande du cabernet ou du sauvignon, en tout cas pas du chasselas. Voilà les raisons pour lesquelles il faut maintenir ce point 3.

M. Georges Letellier (UDC). J'aimerais, Monsieur le président, m'exprimer sur le fond et non pas sur cet alinéa. Je pense que l'agriculture suisse est en mauvais état. Je ne sais d'ailleurs pas si aider les agriculteurs n'est pas alimenter un puits perdu. Malgré cela, j'aimerais qu'un effort soit fait sur la qualité des produits. On ne peut s'en sortir que de cette manière ou en mettant une taxe sur les produits d'importation. Il n'y a pas trente-six solutions. Il s'agit là de ma position personnelle qui n'engage pas mes collègues.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Comme l'a indiqué M. Desbaillets, le Conseil fédéral a adopté mercredi dernier une ordonnance sur l'octroi de contributions pour le maintien du vignoble suisse en 2003. Le point essentiel de cette ordonnance - j'ai pu difficilement me procurer un texte non daté que j'ai transmis à M. Pagani - est constitué de mesures de reconversion par lesquelles la Confédération octroie une prime aux viticulteurs qui, je vous cite l'ordonnance, «après les vendanges 2002 arrachent des cépages chasselas et müller-thurgau et les remplacent par d'autres cépages au cours de l'année 2003, exceptionnellement au cours de l'année 2004».

On voit que le seul dispositif imaginé par la Confédération pour améliorer la qualité des vins est de donner des primes à condition que seuls les cépages susmentionnés soient arrachés et immédiatement remplacés. Cela ne convient pas à deux égards. D'une part, cette mesure est trop limitative: on ne comprend en effet pas pourquoi on voudrait tout à coup faire disparaître le chasselas des vignobles. D'autre part, cette mesure implique une reconversion beaucoup trop rapide, alors que nous sommes précisément dans une situation où l'on aurait tout intérêt à laisser du temps pour que les viticulteurs observent le marché et puissent décider ensuite des cépages à replanter. Il a d'ailleurs été indiqué tout à l'heure qu'il fallait entre trois et cinq ans pour qu'une vigne soit productive. A partir de là, un viticulteur peut très bien faire le choix d'attendre deux ou trois ans de plus pour prendre la meilleure option. Je pense que la disposition proposée dans ce projet est beaucoup plus adaptée à la situation actuelle que celle proposée par la Confédération et je crains, si vous ne l'acceptez pas, que l'on se rabatte à Genève sur la disposition fédérale, qui est, je suis navré pour l'autorité fédérale, beaucoup moins intelligente.

Par ailleurs, je fais ici volontiers la déclaration - je crois que c'est ce que M. Pagani désirait entendre - que l'on va rechercher la qualité. Les termes «reconversion progressive et qualitative de l'encépagement» figurent d'ailleurs dans la loi. On va rechercher la qualité par une diversité des cépages replantés. On va s'assurer à ce moment des avis et des concours non seulement des services spécialisés de l'administration mais aussi des grandes associations viticoles. Il faut savoir que la loi genevoise sur la viticulture prévoit que l'interprofession vitivinicole est associée aux mesures que nous prenons. Il va donc de soi que nous allons travailler avec elle. Tout cela ne figure pas dans la loi mais dans d'autres dispositions législatives et sera donc fait. Nous tâcherons de faire ces changements progressivement grâce à cette disposition légale. En d'autres termes, nous allons essayer d'aller vers la qualité supérieure recherchée par le consommateur.

Permettez-moi de terminer en vous disant que les terrains où la vigne sera arrachée ne seront pas laissés en friche et resteront dans le cadre de la surface dévolue à l'agriculture dans notre canton. Certains d'entre ces terrains se prêtent très bien à la culture de la vigne: c'est donc dans ces endroits que l'on devra essayer de replanter et il s'agira de ne pas y faire n'importe quoi. Je pense que cette disposition, si nous l'appliquons correctement, et nous essayerons de le faire, sera de nature à favoriser un tel type de réencépagement.

Le président. Je vous fais maintenant voter l'amendement de M. Pagani supprimant le point 3 de l'article 3.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que les article 4 à 14.

Troisième débat

La loi 8747 est adoptée en troisième débat par article et dans son ensemble.

I 2027-B
Réplique à la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Antonio Hodgers: Critical Mass: attitude du Conseil d'Etat et de la police face à ce rendez-vous cycliste

M. Antonio Hodgers (Ve). En l'absence de la conseillère d'Etat en charge du DJPS, ma réplique n'a pas beaucoup de sens...

Le président. Mme Spoerri va arriver. Vous savez qu'il y a des haut-parleurs dans la salle des Pas Perdus. Elle doit certainement vous entendre.

M. Antonio Hodgers. Très bien, si Mme Spoerri m'écoute, je continue.

Suite à sa réponse, je ne peux que conclure que son opinion est faite au sujet de la Critical Mass. En effet... (Mme Micheline Spoerri entre dans la salle.)Madame Spoerri, soyez la bienvenue !

Quand vous avez pris en charge le département, il y a quelques mois déjà, vous aviez sollicité un entretien avec Mme de Haller et moi-même pour faire un peu le tour de la question et vous aviez souhaité faire un état des lieux avant de prendre une décision. Je constate que votre opinion est faite aujourd'hui. Vous avez décidé de traiter ce problème par la répression. Si vous pensez qu'arrêter ou amender de jeunes adolescents parce qu'ils font de la bicyclette le dernier vendredi du mois est la meilleure solution pour répondre à ce problème, cette décision n'engage que vous. Je regrette que vous ne compreniez pas, et qu'il n'y ait pas grand monde dans votre département pour comprendre, qu'à chaque adolescent amendé vous en trouverez dix de plus le mois suivant. Je regrette que vous ne compreniez pas que la Critical Mass est aujourd'hui composée essentiellement de jeunes qui viennent défiler pacifiquement. En envoyant régulièrement la police en uniforme, de manière massive et répressive, vous allez attirer des jeunes qui ne viendront pas pour faire de la bicyclette mais pour se confronter à la police.

Je ne peux que constater que l'histoire se répète. Comme vous, M. Ramseyer avait augmenté de mois en mois la répression policière. J'espère que lorsque vous en aurez marre, comme lui, qu'il y ait chaque mois à Genève des courses poursuites, des arrestations et des manifestations, vous reviendrez à de meilleurs sentiments. A ce moment, je serai à votre disposition si vous désirez rétablir le dialogue avec les participants à cet événement, qui aura lieu que vous le vouliez ou non.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, j'ai l'impression que vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit et que vous voulez absolument avoir le dernier mot, ce qui n'est pas mon cas. Je veux simplement vous dire que je vous ai invité la dernière fois à faire en sorte, et la porte du département est ouverte, que cet événement garde son caractère convivial et reste ce que vous avez à l'origine sans doute légitimement considéré comme un événement culturel. Je vous dis simplement qu'aujourd'hui, et je l'ai très bien précisé l'autre jour, il se pose des problèmes de sécurité vis-à-vis de jeunes mineurs. La différence avec la politique menée avant mon arrivée est essentiellement liée à cela. Je n'ai rien à ajouter.

Je fais en sorte qu'il n'y ait pas de dérapages et que les participants à la Critical Mass ainsi que ceux qui se trouvent sur son passage ne soient pas opposés. Je ne tiens pas à ce qu'un jour on vienne m'accuser, cher Monsieur, de ne pas avoir pris des précautions suffisantes pour éviter qu'un jeune enfant soit bousculé de façon grave. Si vous n'avez pas compris le message, je le regrette. (Applaudissements.)

Cette interpellation est close.

PL 8541-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Marie-Paule Blanchard-Queloz, Christian Brunier, Thomas Büchi, Dominique Hausser, Antonio Hodgers, Etienne Membrez sur le service civil
Rapport de majorité de M. Christian Luscher (L)
Rapport de minorité de Mme Loly Bolay (S)
Projet: Mémorial 2001, p. 5838

Premier débat

M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. En l'état je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon rapport de majorité, qui vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'entrée en matière. Je veux rappeler, à ce stade des débats, que la loi a été refusée en commission par l'UDC, les libéraux, les radicaux et le parti démocrate-chrétien. Je reviendrai plus tard vous faire part des raisons qui ont motivé les trois partis de l'Entente et l'UDC à refuser l'entrée en matière de cette loi.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Avant de faire des remarques sur le rapport de majorité et de commenter mon propre rapport, j'aimerais, si M. le président le permet, lire une lettre adressée au Grand Conseil de la République et canton de Genève, datée du 23 avril 2002 et signée par une quarantaine de jeunes.

«Concerne : projet de loi sur le service civil.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec beaucoup d'espoir que nous avons pris connaissance, il y a quelques mois, que la plupart des partis représentés au Grand Conseil avaient signé un projet de loi sur le service civil. Malheureusement, nous jeunes, soussignés, avons eu vent qu'il vous sera, contre toute attente, proposé de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi pourtant peu contraignant. Cette nouvelle nous l'avons apprise avec beaucoup de déception. En effet nous, jeunes, désirons prendre notre place dans la société. Nous souhaitons nous rendre utiles et servir la communauté d'une autre manière qu'en effectuant un service militaire, par exemple en oeuvrant auprès des personnes âgées ou d'autres jeunes en difficulté ou encore dans le cadre de la protection de notre environnement. Trop souvent le manque d'engagement des jeunes et leur prétendue absence de valeurs sont mis en avant. La réalité est souvent différente et de nombreux jeunes sont aujourd'hui tout à fait disposés et volontaires pour servir la société utilement. Notre engagement de civilistes, de citoyens, est important et il nous semble nécessaire que d'autres jeunes motivés puissent y accéder. Le projet de loi qui vous est soumis pourrait en effet encourager, par le biais d'une meilleure information, bon nombre de jeunes à effectuer des démarches pour accéder au service civil. Nous vous demandons aussi de bien vouloir étudier ce projet de loi et de le renvoyer en commission. En vous remerciant de l'attention que vous porterez à cette lettre, recevez, Mesdames et Messieurs les députés, nos meilleures salutations». Elle est ensuite signée par une quarantaine de jeunes.

J'en viens maintenant à mes remarques concernant le rapport de majorité. Le rapporteur de majorité explique à la page 2 que «l'unanimité s'est faite pour admettre que l'information était largement diffusée». Il est clair que je ne partage pas son avis puisque, si tel avait été le cas, la première partie de mon rapport ne serait pas du tout cohérente. Je vous rappelle ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, que le peuple suisse a voté en 1992 sur l'introduction du principe du service civil dans la Constitution fédérale et que les Chambres fédérales ont voté sur le service civil en 1996.

Que demande le projet de loi proposé ce soir ? Il soulève deux problèmes importants, le manque d'information et le subventionnement. En ce qui concerne le premier volet, la minorité de la commission estime que le devoir d'information est rempli par l'Etat de façon lacunaire et que cette information est donnée au compte-gouttes. De plus, les modalités pratiques d'application de la loi sont très mal expliquées à ceux qui font ce choix. J'en veux pour preuves trois éléments. D'abord une enquête effectuée par le service civil démontre que 81% des jeunes sondés à Genève reconnaissent avoir entendu parler une fois ou l'autre du service civil mais ne connaissent absolument pas les démarches à effectuer. De plus, le Conseil d'Etat, dans son point de presse du mois de juillet 2001, écrit au conseiller fédéral Couchepin qu'il est opportun d'introduire dans la loi fédérale un devoir d'information sur le service civil, car celui-ci est trop souvent confondu avec la protection civile.

J'aimerais également vous rappeler que ce projet de loi a été signé, évidemment par l'Alternative, mais aussi par des députés de l'Entente et notamment un de nos collègues, haut gradé de l'armée, qui connaît donc la problématique et sait de quoi il parle.

J'aimerais maintenant revenir sur les subventionnements. Vous savez qu'à l'heure actuelle vingt-neuf associations reçoivent une subvention pour employer des civilistes. Nous connaissons tous le nom de ces associations : Agora, Réalise, la Croix-Rouge, Médecins sans frontières, l'Association contre la torture, pour ne pas les citer. Nous connaissons également, toutes et tous, le rôle social et de proximité que ces associations jouent à Genève. Comme dans la lettre que j'ai lue, les jeunes ont envie de rendre service à la société mais d'une manière différente du service militaire. Ils veulent faire un acte de citoyen, un travail social et de proximité. Les associations, subventionnées par l'office cantonal de l'emploi, reconnaissent dans un sondage que cette aide a été déterminante pour engager un civiliste. La subvention qui vous est proposée via ce projet de loi est, par conséquent, très importante.

Pour ces raisons et au nom de la minorité de la commission législative, je vous demande de voter ce projet de loi. C'est tout ce que j'avais à dire concernant mon rapport, pour l'instant.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque, comme moi, on avait la chance d'être reconnu en tant qu'objecteur de conscience, on purgeait une peine en semi-liberté. Ceci était d'ailleurs extrêmement intéressant d'un point de vue sociologique. On voyait en effet ce qui pouvait se passer dans une prison, étant donné que nous étions détenus avec des fins de longues peines. L'objection coûtait très cher pour les objecteurs de conscience - la mienne m'a coûté 5000 F - mais certainement plus pour la société. Aujourd'hui, heureusement, les choses ont changé et l'objection de conscience n'est plus considérée comme un crime ou un délit. On estime que, pour de justes motifs, les gens peuvent rendre un autre service à la collectivité, qui est alors plus long de moitié que le service refusé. Vous êtes là devant une preuve par l'acte du réel conflit de conscience dans lequel sont pris les jeunes qui font ce choix. Il ne s'agit pas simplement d'une vague envie de se diriger vers cette voie.

J'ai récemment lu dans la «Tribune de Genève», que 20 à 25% des jeunes Genevois sont réformés. Notre société comporte-t-elle 25% de handicapés? Je n'en suis pas sûr. Je pense qu'il y a réellement un déficit d'information sur les différentes possibilités de servir la collectivité. Je pense aussi que, lorsque les jeunes arrivent à l'âge de faire soit un service militaire, soit un service civil, il est juste qu'ils se mettent au service de la collectivité, qui leur a permis de poursuivre des études jusqu'à ce moment-là. Il est intéressant de pouvoir effectuer ce service auprès d'associations qui ont besoin d'un coup de main et qui, ce qui explique les subventions, jouent un rôle qui serait dévolu à l'Etat si elles n'existaient pas. D'un seul coup et à un prix modique pour la collectivité, vous avez un jeune qui s'engage, une association qui poursuit son travail, et des personnes qui bénéficient de ces prestations. Pour ces raisons, le groupe des Verts vous demandera d'accepter l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mme Anne Mahrer (Ve). Je m'étonne tout d'abord que l'audition de représentants de la Permanence service civil ait été refusée.

Ensuite, en discutant avec de nombreux jeunes convoqués au recrutement, je constate qu'il y a un manque important d'information. Cette information doit être largement diffusée car ils ignorent l'existence même du service civil comme alternative à l'armée ou le confondent, comme cela a déjà été dit, avec la protection civile. Plutôt qu'essayer d'être réformé grâce à un certificat médical, le service civil leur offre un moyen de s'engager au service de la société. Quant au financement destiné à soutenir les associations qui engagent un civiliste, il doit être prévu de manière durable. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.

M. Pascal Pétroz (PDC). Il est exact que l'entrée en matière de ce projet de loi a été refusée par l'Entente ainsi que par l'UDC. J'aimerais maintenant vous expliquer pourquoi elle a été refusée en commission et pourquoi la situation apparaît aujourd'hui différente au groupe démocrate-chrétien. (Brouhaha.)C'est, apparemment, une bonne nouvelle pour certains, une moins bonne pour d'autres...

Je vous rappelle que ce projet de loi comporte deux volets. Le premier consiste à promouvoir l'information des personnes astreintes au service militaire à propos du service civil. Une information est aussi destinée aux associations d'utilité publique qui seraient intéressées par le recours à des civilistes dans le cadre de leurs activités.

Le second volet du projet de loi concerne l'octroi de la subvention annuelle de 100 000 F, dont il a été fait état tout à l'heure, pour permettre aux associations, permettez-moi l'expression, de se payer des civilistes. Il s'agit en effet souvent d'associations qui n'ont pas nécessairement les moyens d'y parvenir.

Il faut savoir que les auditions qui ont eu lieu en commission, et le rapport de majorité en fait état, nous ont convaincus que l'information était pour l'essentiel adéquate. Il subsistait cependant un petit doute à ce propos, qui aurait dû, selon les affirmations du responsable du service civil pour la Confédération, être levé par l'adoption du projet Armée XXI. Nous nous sommes dit que, dans la mesure où l'adoption du projet Armée XXI était imminente, puisque l'entrée en vigueur aurait dû intervenir cette année, il ne s'avérait pas indispensable d'arriver avec une loi cantonale prévoyant une obligation d'information qui allait être assurée au niveau fédéral. En outre, nous avons appris que depuis 1998 une subvention était octroyée annuellement pour permettre à des associations d'utilité publique d'engager des civilistes. Ces considérations nous ont amenés à refuser, tout naturellement, l'entrée en matière. S'il n'y avait pas besoin d'informer et si la subvention était déjà octroyée, il n'était pas nécessaire de voter ce projet de loi.

La situation a cependant changé ultérieurement sur deux plans. Tout d'abord, le projet Armée XXI a été renvoyé aux calendes grecques puisqu'il a été renvoyé en commission.

M. John Dupraz. Ce n'est pas vrai !

M. Pascal Pétroz. Bien sûr que oui ! La deuxième considération est que la subvention annuelle de 100 000 F octroyée depuis 1998 n'a pas été reconduite cette année par la commission des finances. Cette dernière a considéré que le projet de loi sur le service civil était à l'étude devant la commission législative et que par conséquent le vote de cette subvention ne se justifiait pas. A partir de là, la situation est totalement différente. Si nous ne pouvons pas avoir des garanties que l'information sera suffisante sur le plan fédéral et si cette subvention n'a pas été reconduite par la commission des finances, le projet de loi qui nous est soumis ce soir retrouve toute sa pertinence. Le groupe démocrate-chrétien votera donc l'entrée en matière de ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). En entendant M. Luscher, nous avons l'impression de faire un grand pas en arrière et de nous retrouver dans le climat extrêmement dur entre la droite et la gauche qui prévalait avant 1996 au sujet du service civil. Certaines personnes condamnaient violemment le service civil alors que d'autres le défendaient. Les choses ont heureusement changé puisqu'il y a eu un vote populaire. Le service civil n'est ainsi plus considéré comme un délit mais comme un choix de conscience et une possibilité pour certains de ne pas faire de service militaire, tout en se mettant au service de la population.

Ce projet de loi s'inscrit totalement dans cette dynamique relativement pragmatique. Il a été bien évidemment signé par la gauche, qui défend historiquement le service civil, mais aussi par des députés de droite, dont Etienne Membrez, ancien député du PDC, et Thomas Büchi, radical et gradé à l'armée, tous deux cosignataires de ce projet de loi.

Que demande ce projet de loi ? Il demande deux choses éminemment simples et tout d'abord plus d'information pour les jeunes. Je ne comprends pas l'opposition de certains représentants de la droite, puisque nous appliquons exactement ce que demande le Conseil d'Etat à majorité de droite. Je vous lis un extrait de la «Feuille d'avis officielle» du 26 juillet 2001 : «Le Conseil d'Etat du canton de Genève relève, à l'égard du service civil, qu'il serait utile d'introduire dans la loi fédérale une disposition relative à l'information destinée à présenter au public le service civil, souvent confondu avec la protection civile.» Le gouvernement à majorité de droite demande donc plus d'information à Berne. Etant donné que Berne ne le fait pas suffisamment, nous proposons de montrer l'exemple au niveau cantonal.

Le projet de loi dit également, de manière très pragmatique, que depuis 1998, comme le PDC vient de le dire, ce parlement vote chaque année presque unanimement une ligne de crédit de 100 000 F pour alimenter un fonds qui permet d'aider diverses associations accomplissant par exemple un travail social. Vingt-neuf associations sont concernées. Certaines ont d'ailleurs été citées mais il y en a bien d'autres, comme Caritas, le Centre social protestant, Emmaüs, Pro Juventute, Groupe sida Genève, Médecins sans frontière ou l'Organisation mondiale contre la torture. Ces associations emploient des civilistes grâce à l'aide du fonds de 100 000 F, qui a été voté par ce Grand Conseil.

Au lieu que le parlement doive penser à inscrire chaque année le fonds dans le budget, cela devrait être une ligne budgétaire annuelle, comme le sont celles de l'ensemble des associations. Il n'y a en effet pas de raison de l'exclure du budget. Le projet de loi permet ainsi une amélioration du fonctionnement de ce parlement.

Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de faire un long débat puisque les deux dispositions proposées sont quasiment évidentes pour notre parlement. Je remercie donc le PDC d'avoir pris une position de repli par rapport à ce qu'il avait annoncé en commission. Je crois qu'il s'est mieux informé, le débat en commission n'ayant pas été serein. Ce débat a en effet été faussé puisque la plupart des demandes d'audition ont été refusées. Ni les associations de civilistes, ni les associations bénéficiant de civilistes n'ont en effet été reçues. On a blackboulé ce projet de loi un peu facilement alors qu'il est une évidence pour nous tous, puisque nous avons tous déjà voté ces dispositions. Votons donc ce soir ce projet de loi qui amène un plus pour la population et pour les jeunes désirant faire du service civil.

Le président. Mesdames et Messieurs, il reste six intervenants, plus la conseillère d'Etat: le Bureau vous propose de clore la liste.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. La parole est à M. Luscher.

M. Christian Luscher. Il y avait d'autres intervenants inscrits avant moi...

Le président. Vous êtes le suivant sur la liste, Monsieur Luscher, mais si vous préférez conclure, vous le pourrez, et Mme Bolay également. La parole est donc à M. Schifferli.

M. Pierre Schifferli (UDC). La Suisse est une nation de volonté. Elle a été formée sur la base d'une alliance militaire. Nous ne nous opposons pas à l'application de la loi sur le service civil. Nous respectons le résultat de ce vote démocratique, même si nous le regrettons. En revanche nous estimons qu'il est indécent et insultant, pour ceux qui font le service militaire et qui exécutent leur devoir de citoyen au service du pays, de prévoir une loi cantonale dont l'article premier expose que le canton de Genève soutient activement le service civil. Nous nous opposons à ce type de procédé et à ce que le canton de Genève donne la préférence au service civil par rapport au service militaire.

Le devoir d'information du canton de Genève, au regard de la loi sur le service civil, a été entièrement respecté. Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf rappelle ainsi dans sa lettre à la commission que «la personne désirant être informée sur le service civil reçoit de l'administration militaire tous les éléments propres à lui permettre d'entreprendre les démarches en vue de son éventuelle admission à ce dernier». La conseillère d'Etat expose de manière détaillée les éléments d'information qui sont remis aux futures recrues. L'article 2 est par conséquent totalement inutile.

Nous nous opposons également à la teneur de l'article 3. Nous refusons que le canton accorde des crédits dans le cadre du budget pour soutenir l'engagement de civilistes par des établissements qui ne disposeraient pas de moyens financiers importants. Il s'agit là d'une sorte de self-service organisé par l'extrême gauche pour des mouvements qui seraient alors en mesure de faire de la propagande contre le service militaire. Nous pourrions simplement remplacer, dans l'article 1, le terme service civil par service militaire, mais l'esprit de cette loi est celui d'une action contre l'intérêt du pays. Je respecte le conflit de conscience de celui qui ne veut pas faire son service militaire. Je demande simplement que l'on respecte et que l'on n'insulte pas la conscience de la très grande majorité des jeunes Suisses qui participent aux activités militaires pour la défense du pays. Il n'y a pas d'équivalence ou d'égalité entre un civiliste qui est prêt à faire quelques travaux d'utilité publique et celui qui s'engage et qui est prêt à faire le don de sa vie au combat pour son pays. Merci.

M. Bernard Lescaze (R). Je tiens d'abord à dire que je défends ici la position presque unanime du groupe radical. Il est cependant évident que notre groupe, très attaché à la liberté d'expression, laissera s'exprimer, et peut-être vous convaincre, comme je vais essayer de le faire, le député qui a signé le projet. Nous refuserons l'entrée en matière parce que nous ne changeons pas d'avis sur des arguments fallacieux.

Le projet de loi portait effectivement sur deux points, dont le premier concernait le devoir d'information. A ce sujet, l'annexe à l'excellent rapport du député Luscher, écrite par Mme Brunschwig Graf, est parfaitement claire. A quatre reprises au moins, à l'âge de 18 et 19 ans, le soldat est informé de sa possibilité de faire du service civil. En conséquence cette partie du projet de loi est inutile.

La seconde partie du projet de loi propose de verser une subvention annuelle, dont le montant n'est d'ailleurs pas fixé, à certains établissements d'affectation disposant de faibles moyens financiers, c'est-à-dire en laissant au département de l'économie toute latitude de décerner ces subventions, une fois le montant voté. Or, de nouveau dans le rapport de M. Luscher, on voit très clairement qu'il appartient au Grand Conseil de voter chaque année une ligne de subvention, ce qui a été fait pendant un certain nombre d'années. Je suis très surpris d'entendre tout d'un coup le représentant du PDC dire que la situation a changé parce que la commission des finances n'a pas voté cette ligne budgétaire l'année dernière. Qu'il nous permette de dire que nous nous étonnons du manque de communication entre le conseiller d'Etat chargé du département de l'économie, qui à ma connaissance est encore démocrate-chrétien, et les députés démocrates-chrétiens. M. Carlo Lamprecht, dont je regrette l'absence ce soir puisqu'il est aussi concerné par ce projet, n'a en effet nullement défendu l'inscription au budget de cette ligne lors du débat budgétaire de l'année dernière. Alors aujourd'hui, on vient nous dire que la situation a changé. Je pense en réalité que les doléances des établissements qui recevaient des subventions, qui n'en recevront plus et qui peut-être espèrent toujours en recevoir, se sont montrées plus fortes et ont réussi à séduire certains députés démocrates-chrétiens.

Dans ces conditions nous ne voyons absolument pas pourquoi nous devrions revenir sur les débats nourris qui ont eu lieu en commission. Sur ce point, je tiens encore à souligner que M. Luscher dit la vérité : nous n'avons en effet écarté qu'une seule audition. (Exclamations sur les bancs de l'Alternative.)Dans ces conditions, je dis clairement, Monsieur le président, que si l'entrée en matière était acceptée, nous demanderions à ce moment-là que le projet de loi soit renvoyé en commission, car il n'est pas viable pour l'instant. Il est beaucoup trop vague et inutile, mais le Grand Conseil a l'habitude de voter des projets de lois inutiles: nous l'avons vu tout au long de la dernière législature et cela peut continuer... (Huées et applaudissements.)Ce projet de loi n'est pas nécessaire, mais le Grand Conseil a aussi l'habitude de voter des projets de lois qui ne sont pas nécessaires. En revanche, et je comprends bien la raison du débat de ce soir, ce projet de loi est, à l'évidence, particulièrement jouissif pour certains députés hostiles à notre armée. Je suis désolé d'interrompre leur jouissance. (Applaudissements.)

M. Thomas Büchi (R). Je suis le radical qui n'est pas tout à fait de l'avis des autres. (Applaudissements.)Je suis un officier fier d'avoir signé ce projet de loi et je vais vous expliquer pourquoi. Je pense que nous devons avoir un discours un peu plus progressiste et différent pour plusieurs raisons. A cet égard, il n'est pas inutile de revenir en arrière.

Mesdames et Messieurs, il y a dix ans notre armée de milice comptait 600 000 hommes. Je suis personnellement très attaché à la notion de milice ainsi qu'au principe du service sur un pied d'égalité. En dix ans, on nous a donc déjà servi trois ou quatre plans quinquennaux successifs visant à amaigrir l'armée. Si on continue cette cure d'amaigrissement, il ne restera même pas de quoi garnir la frontière du Liechtenstein. Pire, peut-être que la prochaine initiative du GSsA ne sera même plus nécessaire puisqu'il n'y aura bientôt plus d'effectif.

Je trouve curieux que la réduction des effectifs de l'armée entraîne l'effritement du système de milice au profit d'une professionnalisation de notre armée. Je ne pourrai jamais accepter et soutenir cela.

Quelle alternative avons-nous? Je pense que d'une certaine manière la promotion du service civil est une alternative intelligente au vu de la décision de l'autorité fédérale de faire subir une cure d'amaigrissement à notre armée. Il s'agit d'une alternative intéressante parce qu'elle remet à l'ordre du jour l'idée que tout citoyen suisse doit, à un moment de sa vie, servir toute la population.

Je ne veux pas rentrer ici dans le débat sur la non-violence puisqu'il nous dépasse tous. Je crois que le Grand Conseil n'a pas à dire si la non-violence est un critère permettant de faire du service civil. Nous ne devons pas entrer dans ces considérations philosophiques.

En votant ce projet de loi, nous sommes dans l'air du temps, nous soutenons un projet intelligent et nous restaurons la notion de service à l'autre pendant une période de la vie. Je dois dire aussi que j'ai personnellement côtoyé de nombreux civilistes ces derniers temps dans le cadre d'Expo.02. J'ai été touché et frappé par l'enthousiasme de ces jeunes pour leur mission et par la qualité de leur travail. Il y a donc des aspects extrêmement positifs dans le service civil.

Je pense que nous devons relever ces nouveaux défis, de façon beaucoup plus moderne, parce que les véritables enjeux qui nous attendent sont maintenant de nature environnementale, sociale et économique. Votons ce projet de loi pour donner la possibilité aux jeunes d'effectuer leur service civil conformément à loi fédérale. Nous ne demandons rien d'autre que d'être en conformité avec la loi fédérale. A celles et ceux qui pensent que cette ligne budgétaire est beaucoup trop élevée, je dirai que le budget militaire, lui, diminue: cela devrait permettre d'équilibrer la balance.

Je pense que nous allons contribuer à inculquer aux jeunes, par ce projet de loi, la notion de solidarité sociale et que nous allons préserver le sentiment d'appartenance aux valeurs ancrées dans le terreau de notre nation. (Applaudissements.)

M. Jacques Pagan (UDC). J'interviendrai rapidement. J'ai été choqué, à la lecture du rapport de Mme Loly Bolay, lorsqu'elle prétend que nous n'avons pas voulu instruire ce projet de loi dans les règles. Nous sommes, au contraire, allés très loin en auditionnant M. Brunier, un des auteurs de ce projet de loi. (Brouhaha.)Je crois que nous avons fait notre travail normalement, honnêtement et jusqu'au bout.

J'ajoute que je félicite M. Lescaze pour la clarté et la pertinence de son intervention qui est frappée du sceau du bon sens. Je n'interviendrai ainsi que sur la question du devoir d'information. Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que vous prenez les jeunes pour de sacrés imbéciles. Croyez-vous vraiment que, lorsque l'on connaît un conflit de conscience, on ne sait pas comment agir pour essayer de le dominer ? Au moment où l'on veut échapper au devoir de servir militairement, on en parle à ses proches et à l'administration militaire si vraiment on ne peut pas faire autrement. On souffre de cet état de fait, c'est la véritable définition du conflit de conscience : la personne est tiraillée entre son sentiment, son obligation, son impératif catégorique de servir et l'impossibilité d'accomplir cette obligation-là. C'est cela le fondement du conflit de conscience.

Le service civil n'est pas une possibilité d'échapper comme ça, volontairement, purement et simplement, au service militaire. Il y a l'obligation de faire du service, mais pour certains la chose est impossible psychologiquement, affectivement, religieusement, etc. C'est une chose que nous comprenons et nous pouvons tirer un grand coup de chapeau à ceux qui ont le courage d'assumer leurs convictions jusqu'au bout, jusqu'à défier la société en objectant.

Le problème n'est pas de savoir si l'objection ou le service militaire sont légitimes. Celui qui véritablement a ce conflit de conscience ne peut pas attendre passivement qu'on lui dise ce qu'il peut faire pour essayer de le résoudre. Quand il est convoqué pour le recrutement, manifestement, il doit le faire valoir d'une manière ou d'une autre et je suis intimement persuadé que l'administration militaire remplit son devoir d'information.

Je pense sincèrement que vous faites fausse route en voulant faire en sorte de prendre ces jeunes par la main. Ce n'est pas le but de la loi. S'il vous plaît, croyez également que l'administration militaire fait son devoir et n'a pas de parti pris dans un pareil cas. Elle ne cherche pas à enrôler des jeunes qui se montreront rebelles par la suite et menaceront l'équilibre et le fonctionnement de notre armée.

M. Christian Grobet (AdG). Malgré tout le respect que je vous dois, Monsieur Pagan, j'ai le sentiment, en vous entendant, que vous n'avez pas dû discuter avec beaucoup d'objecteurs de conscience ou de jeunes se posant les questions que vous venez d'évoquer. J'ai eu personnellement de très nombreux contacts de ce genre pendant les années 70 lorsqu'il fallait être très courageux pour être objecteur de conscience. J'ai pu constater que toute personne qui se pose cette question est effectivement très troublée par la décision à prendre et doit être véritablement conseillée par des gens qui évoquent tous les aspects du problème et surtout en qui elle peut avoir confiance. Je ne veux pas dire que l'administration militaire ne remplit pas son devoir d'information - on nous a montré une brochure à cet égard - mais ce n'est pas suffisant. Le discours de M. Pagan ressemble beaucoup à celui qui prétend qu'il est inutile d'être présent dans la rue pour faire de la prévention contre le sida.

La réalité est qu'il faut aller à la rencontre des jeunes et leur permettre de dialoguer avec des personnes ayant une attitude compréhensive à l'égard de leur problème. Je ne dis pas cependant que les gens qui assument cette tâche d'information ont une attitude négative, mais j'avoue que si j'avais été objecteur de conscience, je ne serais pas allé demander de l'information à l'administration militaire.

Le premier problème posé par ce projet de loi est le soutien d'associations crédibles auprès des jeunes et susceptibles de diffuser l'information. Notre pays a beaucoup tardé à reconnaître le service civil comme alternative au service militaire. Nous avons eu un débat intéressant en commission sur cette question, au cours duquel M. Iselin est intervenu pour rappeler les événements de la dernière guerre mondiale. Je lui ai alors rappelé qu'au début de la guerre, pendant la période la plus pénible pour les Britanniques, Churchill a soutenu publiquement les objecteurs de conscience en affirmant que l'Angleterre se battait contre l'ennemi nazi au nom précisément des valeurs qui permettent le respect des conflits de conscience. Je vous le dis au passage, Mesdames et Messieurs de l'UDC - sans vous traiter d'extrémistes de droite, bien que vous nous ayez qualifiés d'extrémistes de gauche - le principe du respect de la conscience est un élément fondamental de notre démocratie. Je me réjouis donc qu'après des années et des années de luttes notre pays l'ait également reconnu en admettant le statut du service civil.

Il est faux de prétendre, comme vous l'avez fait tout à l'heure, Monsieur Schifferli, que ce projet de loi vise à privilégier le service civil par rapport au service militaire. Nous avons un plein respect à l'égard de celles et ceux qui font leur service militaire, mais nous estimons qu'on a aussi le droit de pouvoir exercer un service combien utile pour notre pays, et qui deviendra de plus en plus utile pour les raisons qu'a rappelées M. Büchi.

J'arrive à l'aspect le plus désagréable de cette discussion. Monsieur Lescaze, vous qui aimez nous asséner des vérités et qui prétendez que certains sont de mauvaise foi... (L'orateur est interpellé.)Quand on accuse quelqu'un de faire valoir des arguments fallacieux, pour reprendre vos termes, cela signifie qu'il est de mauvaise foi. Bref, Monsieur le député, nous n'avons pas adopté, lors de la dernière législature, que des lois exécrables, comme vous le dites, puisque vous en avez même voté quelques-unes que vous n'avez pas osé remettre en cause à ce jour, comme l'assurance-maternité ou le PACS, qui vise, je le rappelle, à reconnaître les droits de minorités. Je m'étonne qu'aujourd'hui vous ne daigniez pas laisser à une autre minorité, combien respectable, le droit d'exercer son service civil dans les meilleures conditions... (L'orateur est interpellé.)Oui, Madame la conseillère d'Etat, vous me laisserez finir ! Ce qui est grave dans cette affaire, comme les députés démocrates-chrétiens l'ont justement rappelé, c'est que la subvention de 100 000 F accordée pour que les civilistes puissent faire leur service civil dans le cadre d'associations à but idéal et pour des travaux que je pourrais qualifier d'utilité publique, ait été supprimée dans le budget.

Nous avons été, M. Iselin et moi-même, de ceux qui ont regretté que d'autres organismes d'utilité publique ne puissent pas recevoir une aide pour l'engagement de civilistes parce qu'ils reçoivent d'autres subventions. Cette subvention a duré trois ans et il s'agit, je crois, de la durée normale pour qu'une subvention devienne permanente dans le budget. Je déplore, Madame Brunschwig Graf, puisque vous venez d'intervenir, que cette subvention ait été de fait supprimée sous prétexte qu'on était en train de créer la base légale pour qu'elle devienne permanente. C'est une manière de procéder tout à fait extraordinaire. J'ose espérer, précisément pour cette raison, que ce projet de loi sera voté, pour rétablir une subvention qui a fait ses preuves et qu'il n'y avait aucune raison de supprimer.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je me permets, Monsieur le député Grobet, de vous faire remarquer qu'une réflexion à mi-voix n'est pas encore une intervention. Je vais cependant répondre à vos interpellations les unes après les autres.

Je vous rappelle d'abord une chose simple. Vous êtes en train de créer, Mesdames et Messieurs, une loi particulière sur le plan cantonal pour revendiquer un droit qui est reconnu, dans les limites du droit fédéral. J'aimerais que l'on sache ici, tous bancs confondus, que personne ne dénie le droit de faire appel à la législation fédérale pour accomplir un service civil en cas de conflit de conscience. Cela est si vrai qu'il y a à peine un mois le père d'un objecteur de conscience, ne sachant que faire, a envoyé son fils dans mon bureau, où nous avons réglé, avec l'administration militaire, ce problème dans l'heure. L'administration militaire n'est donc apparemment pas effrayante et sa présidente encore moins, lorsqu'il y a un véritable problème. Le droit au service civil est totalement reconnu par la loi fédérale et dans l'application du droit fédéral sur le plan cantonal. Il n'y a donc aucun besoin de promulguer une loi cantonale d'exception pour pouvoir faire respecter les droits légitimes de ceux qui ont une objection de conscience.

Ce qui me dérange dans les discours de certains, c'est qu'ils veulent régler par une loi cantonale ce que vous appelez, Monsieur Grobet, le droit des minorités. Je ne considère ni comme une majorité ni comme une minorité ceux qui font appel à un droit légitime, et je vous rappelle un droit tout aussi légitime qui fait qu'il y a obligation de servir dans notre pays.

Je voudrais dire quelque chose aux représentants démocrates-chrétiens qui sont intervenus, ainsi qu'à l'officier radical, que je respecte beaucoup. Vous ne pouvez pas parler comme vous le faites, Mesdames et Messieurs, sans savoir comment sera appliquée Armée XXI. Je ne sais d'ailleurs pas à quoi vous faites allusion lorsque vous parlez de renvoi aux calendes grecques. J'ai suivi, je l'espère comme vous, le débat aux Chambres fédérales qui s'est conclu par une décision sur l'entrée en vigueur d'Armée XXI en 2004. Cela implique, dès 2003, une obligation d'information déjà prévue au budget, concernant tant l'aspect civil que militaire. Nous avons d'ores et déjà veillé à ce que cette obligation puisse être réalisée sur le plan cantonal. J'ai moi-même demandé au département des affaires militaires de bien vouloir vérifier que l'aspect civil aussi bien que l'aspect militaire soient pris en compte dans les informations que nous avons pour obligation de diffuser dès l'année prochaine. Je ne peux pas considérer ici que les déclarations que vous faites soient tout à fait fondées, Monsieur Pétroz, lorsque vous prétendez avoir changé d'avis, sous prétexte que tout à coup Armée XXI n'entre pas en vigueur au moment prévu ou que des dispositions que nous nous sommes engagés à appliquer ne le sont pas.

Concernant le nombre de militaires, Monsieur le député officier, si vous avez bien lu Armée XXI et la partie qui concerne la diminution du nombre d'hommes, vous avez constaté, tout comme moi, qu'il n'est pas question d'une diminution de l'effectif par classe d'âge. Il s'agit d'une diminution de la durée de l'obligation de servir. Cela signifie que les classes d'âge sont tout aussi nécessaires aujourd'hui qu'elles l'étaient hier. Il ne s'agit pas tout à coup d'appliquer une curieuse règle de trois, qui impliquerait que par classe d'âge un nombre beaucoup plus important de jeunes gens ou de jeunes filles, en l'occurrence de jeunes gens, seraient déclarés non astreints, pour pouvoir répondre à une diminution drastique de l'effectif des hommes.

Si j'entrais dans votre raisonnement, cela signifierait véritablement un démantèlement de l'armée, ce que le peuple suisse, et le peuple genevois pour la première fois depuis longtemps, n'a pas souhaité. Je dis clairement que je ne peux pas entrer en matière sur les retournements de position des députés démocrates-chrétiens. Je pense qu'il est grave que vous changiez votre opinion sur la base d'arguments qui ne sont pas avérés. Je vous recommanderai alors de retourner sérieusement en commission pour prendre connaissance du dossier.

Ensuite, concernant le devoir d'information, nous vous avons donné un nombre important d'informations et de garanties. Cela ne vous permet à aucun moment de penser qu'un jeune qui vit un conflit de conscience ne pourra pas trouver l'interlocuteur qu'il faut. Vous seriez, Mesdames et Messieurs les députés, alors personnellement responsables, vous qui êtes engagés dans toutes sortes d'institutions, du fait que ces jeunes pourraient ne pas connaître les informations nécessaires. Vous avez reconnu les uns et les autres que l'administration militaire était ouverte à ce sujet. Il n'y a pas lieu d'établir une base légale pour faire respecter un devoir d'information qui est déjà pleinement rempli.

En outre, s'agissant du financement, nous avons évoqué en commission un certain nombre de problèmes. J'aimerais vous dire, en tout cas s'agissant de plusieurs exemples cités, Caritas, le Centre social protestant ou Médecins sans frontière - pour qui vous voterez prochainement une subvention de 1,5 million pour son siège suisse à Genève - que la plupart de ces associations émargent d'une façon ou d'une autre au budget de l'Etat et nous acceptons d'ajuster des subventions pour bien des raisons, y compris pour l'engagement de civilistes. J'estime que vous pouvez à tout moment proposer des amendements au budget et veiller à ce que cette subvention figure au budget 2003. Je n'ai pas saisi pourquoi elle a disparu du budget. Je n'ai pas assisté... (L'oratrice est interpellée.)

Monsieur le député, je m'abstiens, pour ma part, de vous interpeller ouvertement en séance et je vous propose de faire de même pour que nous arrivions au bout de cette discussion...

M. Christian Grobet. Vous venez de le faire...

Mme Martine Brunschwig Graf. Non. Nous avons la grande chance l'un et l'autre, Monsieur le député, d'être assis à proximité, ce qui fait que j'entends ce que vous dites à mi-voix et que vous entendez ce que je dis à mi-voix. Cela n'est toujours pas un dialogue, y compris pour le Grand Conseil.

Je continue mon intervention. Je pense qu'il n'y a pas lieu de faire un projet de loi cantonal sur le service civil. De la même façon que vous défendez, à juste titre, le respect de ce que vous appelez les minorités, Monsieur Grobet, moi, je défends, toujours à juste titre, l'obligation de servir qui existe dans ce pays. Si vous voulez vraiment aller jusqu'au bout de votre idée, vous devriez également adopter sur le plan cantonal un projet de loi sur les affaires militaires. Je pense qu'il n'y a pas de sens à voter une loi de ce genre, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il est parfaitement possible de prévoir les subventions nécessaires dans le budget ordinaire de l'office cantonal concerné et du département des affaires économiques. J'interviendrai volontiers au Conseil d'Etat pour que ceci soit fait pour 2003.

Je vous annonce également que le département de l'instruction publique a fait une demande pour que des civilistes puissent remplir une partie de leurs obligations dans un domaine qui préoccupe beaucoup l'UDC, la sécurité à proximité et à l'intérieur des écoles. Cela permettra à chacun de trouver son compte. Pour cette raison notamment, il faut refuser le projet de loi. Si certains ont des doutes, il faut le renvoyer en commission. Les arguments des députés qui ont changé d'avis ne me paraissent pas tout à fait pertinents par rapport à la réalité des faits. ( Applaudissements.)

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais juste revenir sur les propos de M. Schifferli, qui nous parle d'insultes pour la conscience des jeunes recrues. A titre personnel, je ne peux pas laisser passer cela : j'ai le plus grand respect pour les gens qui font l'armée, par contre par vos propos vous insultez et vous manquez de respect aux jeunes qui ont choisi de servir leur pays d'une manière différente du service militaire.

Par rapport aux propos enflammés de M. le député Lescaze - je sais bien qu'il fait très chaud - j'aimerais répéter que le Conseil d'Etat lui-même a écrit au Conseil fédéral pour demander un supplément d'information dans la loi fédérale sur le service civil. Mme Brunschwig Graf, qui est cheffe du département militaire, fait partie du Conseil d'Etat. Je pense donc qu'elle sait de quoi je parle.

M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. Comme l'heure est assez tardive, je vais être relativement bref pour vous dire que l'on commet une erreur en essayant de distiller dans vos esprits l'idée selon laquelle refuser l'entrée en matière de ce projet de loi reviendrait à refuser le principe même du service civil.

Je répondrai aussi à M. Büchi, qui disait tout à l'heure qu'il faut relever le défi du service civil, que ce défi a déjà été relevé et d'ailleurs gagné au niveau fédéral avec une loi qui prévoit l'existence de ce service. Ceux qui ont refusé l'entrée en matière de ce projet de loi en commission n'avaient absolument pas l'idée de se battre contre le service civil, qui est quelque chose d'acquis pour eux. En réalité, la loi genevoise, comme on vous l'a dit, pose deux principes: d'une part, le principe de l'information, et non pas du soutien puisqu'on ne peut pas soutenir le service civil au détriment du service militaire pour des raisons de force suprême du droit fédéral; d'autre part, le principe de la subvention. Je crois pouvoir dire que tous les commissaires étaient d'accord sur le principe qu'il fallait qu'elle soit renouvelée. Nous avons d'ailleurs tous eu à l'esprit que cette subvention existait, qu'elle était renouvelée et que son renouvellement ne posait aucun problème. Cela n'est donc pas un litige.

Il reste le problème de l'information. Mesdames et Messieurs, en matière d'information sur le service civil, je ne crois pas qu'on puisse aller beaucoup plus loin que ce qui existe déjà. Je rappelle que l'information existe à quatre stades successifs. D'abord, avant 18 ans, chaque personne qui sera appelée à faire normalement du service militaire reçoit la brochure partagée qui fait expressément mention du service civil. Puis, à 18 ans, on est convoqué à une séance d'information lors de laquelle on parle du service civil. Voilà déjà deux occasions durant lesquelles le conscrit entend parler du service civil. Lors du recrutement, il est à nouveau question, pour la troisième fois, du service civil. Il existe encore une quatrième possibilité d'opter pour le service civil, lors de la convocation à l'école de recrue. L'information est d'ailleurs si bonne dans notre canton, en dehors de toute loi, que Genève compte le plus de civilistes en Suisse. C'est à Genève que le plus de personnes s'inscrivent pour le service civil, ce qui démontre de manière parfaitement satisfaisante que l'information est distillée de façon absolument complète à Genève. On peut encore ajouter, je crois que M. Pagan avait raison de le relever, qu'on est en droit d'attendre de la personne qui, à 18 ans, veut faire cette démarche, qu'elle se renseigne un peu. A 18 ans, Mesdames et Messieurs, vous ne mettez plus la viande de votre enfant dans un mixer. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de refuser l'entrée en matière de cette loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 51 oui contre 36 non.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée par 50 non contre 39 oui.

Deuxième débat

M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. J'avais appuyé tout à l'heure sur le bouton pour demander formellement le renvoi en commission et expliquer pourquoi je le demandais. Vous ne m'avez pas laissé le faire, Monsieur le président. Je suis conscient que c'est maintenant trop tard...

Le président. En tout temps, on peut redemander le renvoi en commission.

M. Christian Luscher. Je demande donc à nouveau le renvoi en commission... (Exclamations.)...et je vais vous expliquer en deux mots pourquoi. Je demande cela pour deux raisons, d'abord pour élucider cette question d'Armée XXI, puisque visiblement les démocrates-chrétiens ont abordé un sujet qu'ils ne connaissent pas. Ensuite, je crois qu'il faut analyser tranquillement, entre gens qui s'écoutent, la question de la ligne budgétaire pour pouvoir l'intégrer au budget 2003. Pour ces raisons, je redemande le renvoi en commission. Je ne suis en effet pas certain que tout le monde a compris pourquoi il fallait renvoyer ce projet en commission.

Le président. Je signale à cette assemblée que nous sommes saisis de deux amendements. Il faut aussi tenir compte de cela.

M. Jean Rémy Roulet (L). Ma demande est uniquement formelle: j'aimerais qu'on s'arrête au deuxième débat et qu'on reprenne ceci à tête reposée en septembre. (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, nous votons la suspension de nos travaux.

Mise aux voix, la proposition de suspendre les travaux est rejetée par 50 non contre 34 oui et 1 abstention.

Le président. Nous commençons maintenant le deuxième débat, avec le vote du titre et du préambule.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous passons à l'article 1. Nous sommes saisis d'un amendement pour supprimer la mention «et soutient activement» dans cet article.

M. Blaise Matthey (L). Vous avez déjà entendu les doutes qu'on peut avoir à propos de la rédaction de cet article 1 et des termes «et soutient activement le service civil» qui peuvent faire penser, malgré la teneur des débats antérieurs, que l'on veut agir dans le sens du libre choix. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, la Constitution fédérale est absolument claire à cet égard, le principe est celui du service militaire avec la possibilité, s'il y a un problème de conscience avéré et avéré seulement, de remplacer le service militaire par du service civil. Les conditions sont parfaitement claires. Le canton, dans ces conditions, n'a pas à soutenir activement le service civil, dès lors que les conditions pour effectuer ledit service dépendent du droit fédéral et n'ont pas à être fixées dans le droit cantonal.

En vous proposant la suppression du «et soutient activement», je crois que je permets ainsi à toute personne qui aurait un doute à ce sujet de le lever. Je vous remercie de bien vouloir soutenir mon amendement.

Le président. Mesdames et Messieurs, l'amendement de l'article 1 est donc le suivant : «Dans le respect du droit fédéral, le canton met en oeuvre le service civil...» C'est bien la formulation que vous souhaitez, Monsieur Matthey? C'est le cas.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Le président. Nous passons maintenant à l'article 2, alinéa 1. Nous sommes saisis d'un amendement qui se formule ainsi : «Chaque personne appelée à effectuer son service militaire est informée de l'existence du service civil, de ses conditions d'admission et de sa mise en oeuvre.»

M. Blaise Matthey (L). Je continue, Mesdames et Messieurs, en vous proposant une formulation un peu différente de cet article 2. Je propose de supprimer «clairement et objectivement» et de reformuler entièrement l'article. Pourquoi ceci ? Parce que le rapport est clair, et cela a d'ailleurs été dit durant les débats, l'information est largement suffisante. Il n'y a pas besoin de faire encore de l'information. Dans ces conditions, je ne vois pas franchement ce que peut être une information claire et objective.

J'ajoute, et cela aussi a déjà été dit, que s'il y a un doute quant à la possibilité d'effectuer un service civil, il est possible à tout moment de demander de l'information à ce sujet. Croyez-moi, je suis bien placé, j'ai des fonctions dans la justice militaire: vous pouvez à tout moment devant le juge militaire, et ultérieurement devant le tribunal - ça peut éventuellement servir à tous ceux qui semblent ignorer cette procédure - demander à bénéficier du service civil. Cela est possible à tout moment et jusqu'au bout de la procédure. J'irai même plus loin en vous disant qu'à chaque stade de la procédure on accompagne la personne qui demande à effectuer du service civil. On lui donne une fiche et un délai et on lui prend des rendez-vous. Mesdames et Messieurs, sans reprendre le mixer de M. Luscher, on n'est quand même pas très loin de la viande hachée... (Rires.)Par conséquent, il n'y a pas à faire de l'information claire et objective, il faut reformuler l'article 2 dans le sens de mon amendement. Je vous remercie de l'approuver.

M. Alberto Velasco (S). Je crois que la proposition qui est faite est très astucieuse. M. Matthey soustrait la mention du canton de l'alinéa 1 et, en faisant cela, on revient tout simplement à l'information militaire qui était faite auparavant. Ce qui est important pour nous, c'est que le canton donne aussi une information, subsidiairement à la Confédération.

Puisque j'ai enfin la parole, j'aimerais ajouter que j'ai demandé, en tant que président de la commission législative, à M. Werenfels si ce projet de loi était superflu par rapport à la pratique de la Confédération. Il a alors clairement répondu que ce projet de loi était très intéressant pour la Confédération et qu'il ne pouvait amener - oui, Monsieur Luscher ! - qu'un supplément d'information ne faisant pas de mal. Tout le reste n'est que mensonge ! J'ajouterai encore que...

Le président. Je veux bien que vous relanciez le débat, Monsieur Velasco, mais vous êtes en train de contourner le règlement. Allez-y, je vous laisse quand même quelques secondes.

M. Alberto Velasco. Très bien, Monsieur le président: je conclus en disant que nous refuserons la proposition faite par M. Matthey.

M. Christian Luscher (L), rapporteur de majorité. La personne que nous avons entendue n'a absolument pas dit ce que M. Velasco prétend qu'elle a dit, et je mets au défi M. Velasco de me prouver le contraire. Je vais vous répéter exactement ce que M. Werenfels a dit : «Ce projet arrive trop tard.» Je vous mets donc au défi de dire que mes propos sont faux.

Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Matthey qui reformule l'alinéa 1 de l'article 2 de la façon suivante : «Chaque personne appelée à effectuer son service militaire est informée de l'existence du service civil, de ses conditions d'admission et de sa mise en oeuvre.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 42 oui contre 39 non et 1 abstention.

Le président. J'ai encore un amendement déposé par M. Catelain qui propose, toujours dans cet article, de supprimer l'alinéa 2.

M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai cru comprendre au cours de ces débats, puisque je n'ai pas eu l'occasion de participer aux travaux de la commission, que ce projet s'adressait essentiellement aux civilistes et que l'effort d'information devait se porter vers les candidats civilistes. Finalement il nous apparaît donc que l'alinéa 2 n'a pas de sens dans ce projet de loi. On peut partir du principe que les associations sauront très bien s'informer et n'auront pas peur de l'administration.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 21 oui et 2 abstentions.

Le président. Je vous fais maintenant voter l'ensemble de l'article 2.

Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 3, 4 et 5.

Troisième débat

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais revenir sur l'article 2, alinéa 1. Le début de la phrase disant que «le canton informe chaque personne» a été supprimé alors que, selon M. Matthey lui-même, son amendement visait la suppression de la mention «clairement et objectivement». Je propose donc que le début de la phrase soit rétabli, parce qu'il n'est pas clairement mentionné, avec le texte tel qu'il a été adopté, qui doit donner cette information. Je suggère que le début de l'alinéa reprenne sa forme initiale et dise : «Le canton informe chaque personne appelée à effectuer...»

Le président. Nous allons voter l'amendement de M. Grobet.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 41 oui.

La loi 8541 est adoptée en troisième débat par 51 oui contre 34 non et 1 abstention.

Le président. Je vous donne rendez-vous demain à 8 h. Nous commencerons par les interventions de chaque groupe à propos des comptes. Mesdames et Messieurs, bonne fin de soirée !

La séance est levée à 23 h 20.