Séance du
jeudi 2 mai 2002 à
17h05
55e
législature -
1re
année -
7e
session -
38e
séance
PL 7119-A
Suite du premier débat
M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir, en préambule, sur les interventions de tout à l'heure, selon lesquelles il aurait été scandaleux en 1998 d'amender l'accord de 1996, et qu'il serait scandaleux de modifier la loi aujourd'hui.
Si tous les quatre ans le peuple doit être dérangé, j'imagine que c'est pour constituer des majorités. Il me paraît dès lors logique que les nouvelles majorités cherchent à changer les lois afin de promouvoir les idées pour lesquelles elles ont été élues. Ceci dit, entendre aujourd'hui M. Mark Muller - mais cela n'a rien de personnel, ce sont les milieux qu'il représente que je vise - dire qu'il faut absolument modifier la loi est plutôt plaisant, surtout après les leçons qu'il nous a données sur la sécurité des lois pendant ces quatre dernières années.
Toute loi peut évoluer : ainsi, par exemple, la précédente proposition de modification de la LDTR, le projet de loi 8647 que nous avons examiné ce matin et qui posait la question de savoir s'il fallait calculer les loyers en fonction du nombre de pièces ou du nombre de mètres carrés. En ce qui nous concerne, nous disons depuis longtemps qu'il faut calculer le loyer en fonction de la surface. En revanche, nous refusons de faire sortir la limite des loyers dits accessibles de la loi. Nous ne pensons pas que la compétence de fixer cette limite doive être accordée sans autre au Conseil d'Etat. Nous pouvons être favorables à un certain nombre de modifications et nous le serons si le Grand Conseil reste dans le domaine du raisonnable concernant les affaires énergétiques.
Sur le projet dont il est question en ce moment, je dois vous dire qu'il nous paraît excessivement dangereux. La première question relevée, qui est juste et qui devrait être traitée comme telle par un parlement qui souhaiterait aller vraiment au-delà d'une opposition de principe, est de savoir si la LGL est adaptée aux rénovations. A l'évidence elle ne l'est pas. Cette loi a été pensée et conçue essentiellement pour du logement neuf. En ce qui concerne les rénovations, je crains qu'elle ne soit pas l'outil dont nous avons besoin. Alors M. Muller, qui le sait, nous dit que son projet ne vise que les démolitions-reconstructions. Or, précisément, c'est là que commence le danger: l'introduction de la clause proposée par ce projet dans un ensemble relativement cohérent nous ramènera à la situation d'avant la LDTR, c'est-à-dire qu'il existera une prime pour ceux qui n'entretiendront pas les bâtiments. C'est clair, c'est net et précis. L'intérêt du propriétaire, à partir d'un certain moment, sera de laisser se déglinguer son immeuble pour pouvoir faire une opération de démolition-reconstruction, avec en plus une aide de l'Etat assurant une demande solvable. Les propriétaires procéderons ainsi plutôt que d'entreprendre régulièrement les travaux nécessaires.
A ce propos, concernant la non-rénovation à Genève, j'aimerais rappeler qu'une bonne partie du problème - et ceci est vrai même pour les immeubles détenus par les pouvoirs publiques - provient du fait que pendant une longue période, dans les années 60 et 70, on laissait se dégrader les immeubles parce qu'on entendait les détruire. Peu à peu les immeubles se vidaient - qu'on se souvienne de l'exemple des Grottes, mais cela s'est produit dans d'autres quartiers - et, le temps que durait le départ de tous les locataires, le temps que ces immeubles deviennent des ghettos, les habitations n'étaient pas très attractives à l'oeil.
Face à cette situation, la LDTR donnait des règles relativement claires: il est interdit de démolir sauf dérogation et les rénovations sont soumises à un certain nombre de conditions. Je n'ai pas remarqué que la situation se soit aggravée, au contraire: la plupart des îlots totalement insalubres ont été aujourd'hui rénovés. Pour cette raison, nous nous opposerons évidemment aux conclusions du rapporteur de minorité. Nous estimons même que cette proposition est inacceptable à l'égard des propriétaires qui se donnent de la peine pour entretenir leurs immeubles à la Suisse allemande, si vous me permettez l'expression, afin qu'il ne perde jamais sa valeur. C'est leur faire un camouflet que de décréter que ceux qui n'assurent pas l'entretien auront une aide de l'Etat pour reconstruire après avoir laissé se dégrader un bien. Et si je peux comprendre, Monsieur Barro, que dans quelques cas limites cette modification simplifierait les dossiers, je crois que sur le principe ce serait une très grosse erreur. La majorité fera évidemment comme elle l'entend, mais pour notre part, nous vous aurons averti des conséquences désastreuses à terme, pas dans 1 ou 2 ans, mais à long terme.
M. Alberto Velasco (S). Je crois qu'en principe personne ne peut s'opposer au fait de rénover des immeubles vétustes. Seulement, et le rapporteur de majorité l'a dit, il faudrait quand même tenir compte de la capacité des locataires. A la commission du logement nous avons eu des chiffres qui montrent qu'aujourd'hui 60% de la population a un revenu net inférieur à 30 000 F par année et que 75% de la population, selon le DAEL, a un revenu inférieur à 50 000 F. En se basant sur ces chiffres, vous pouvez comprendre que ces personnes, si on tient compte du taux d'effort, ne peuvent dédier à leur loyer qu'entre 450 F et 800 F par mois. Ce qui correspond, pour un quatre pièces, environ au coût renouvelé de la LDTR de 2400 F. Prétendre ici qu'il faudrait permettre, en cas de rénovation, de dépasser cette somme est parfaitement malhonnête. Ce serait aller dans le sens d'une augmentation générale des loyers. On voit aujourd'hui que, pour les appartements qui font l'objet d'une rénovation, les loyers peuvent pratiquement doubler. Je connais par exemple des immeubles dans lesquels les loyers sont passés de 500-600 F à 1000 F, à la suite d'une simple rénovation. Alors Monsieur Muller, voyez-vous, il faut savoir à quel type de locataire vous vous adressez !
Concernant les campagnes référendaires, je tiens aussi à vous dire Monsieur Muller, que la démagogie est peut-être de votre côté parce que si on compare les 20 000 F que l'Alternative emploie pour ses campagnes aux centaines de milliers de francs que la droite investit, on s'aperçoit vite de quel côté est la démagogie ! Je veux vous dire encore, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, que le pouvoir d'achat des travailleurs a diminué d'environ 10% ces dernières années. Considérant tout cela, je ne vois pas qui pourra payer les loyers que vous entendez appliquer.
M. Pierre Kunz (R). Depuis le début de la législature, on entend régulièrement dans ce parlement, jaillir des bancs de la gauche à l'adresse de notre majorité les adjectifs «arrogant», «scandaleux», «indécent», «inadmissible». Cela arrive plus fréquemment lorsque, comme aujourd'hui, il est question de logement et de la LDTR. Je crois que le moment est venu, comme ont commencé à le faire mes collègues Muller et Dupraz, de mettre les choses à plat.
Ce qui est indécent, Mesdames et Messieurs, c'est, comme le fait la gauche, d'opposer les locataires aux propriétaires et à ceux qui aspirent à devenir propriétaires de leur logement. Pas plus tard qu'en février dernier, un député qualifiait cette aspiration à devenir propriétaire de fantasme malsain.
Ce qui est scandaleux, Mesdames et Messieurs, c'est, comme le fait la gauche depuis des lustres, d'affirmer que la situation du logement à Genève est désastreuse. Elle est tendue certes, mais nulle part au monde le nombre d'habitant par appartement n'est aussi bas et nulle part au monde le nombre de mètres carrés à disposition de ces habitants n'est aussi élevé que chez nous.
Ce qui est inadmissible, Mesdames et Messieurs, c'est de prétendre, comme certains le faisaient encore tout à l'heure, que le prix des logements est exorbitant, alors qu'en vérité les loyers genevois sont, en moyenne, parfaitement semblables, voire moindres, à ceux des autres grandes villes de ce pays.
Ce qui est indécent, Mesdames et Messieurs, c'est d'indiquer que si les appartements vacants ouverts à la location sont si chers, c'est à cause de ces salauds de propriétaires... (Brouhaha.)Si ces appartements sont chers, c'est uniquement parce que les milieux qui prétendent défendre les locataires ont littéralement organisé la pénurie au moyen d'un corset législatif destructeur dont la LDTR est l'arme principale. Des milieux qui, de surcroît, luttent systématiquement contre les extensions de zones à bâtir, en compliquant à loisir les procédures de construction et en contribuant à gonfler les coûts.
Ce qui est scandaleux, scandaleusement trompeur à l'égard des Genevois, c'est de prétendre qu'il faut réglementer encore d'avantage le marché du logement, comme le veut la gauche. Renforcer encore le contrôle du marché du logement et du niveau des loyers. Or, à la vérité, le seul moyen de mettre un terme au dysfonctionnement organisé du marché et des prix, le seul moyen de réduire les injustices qui sont ainsi créées pour les moins favorisés d'entre les Genevois, c'est au contraire de faire fondre, en partie au moins, la masse, la chape que vous avez contribué Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, à couler sur ce marché. Ce qu'il faut, c'est simplifier le droit de la construction et libéraliser un tout petit peu, un tout petit peu seulement, le marché du logement. C'est dans cette optique qu'il faut voter comme le recommande le rapporteur de minorité.
M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais m'exprimer sur quelques-uns des sujets abordés par les députés des bancs d'en face.
D'abord, M. Muller a prétendu que la LDTR serait un frein à la rénovation. Il a raison sur un point, c'est qu'en Suisse alémanique, une pratique bien instituée du côté des propriétaires, c'est l'entretien régulier des immeubles. A Genève, c'est la pratique inverse qui prévalait et le manque d'entretien des immeubles, qui n'a rien à voir avec la LDTR, bien au contraire. Chez nous, les propriétaires laissent leurs immeubles à l'abandon, les vident de leurs locataires, enlèvent les fenêtres, puis encouragent les squatters à occuper les immeubles, tout cela dans le but de démolir et construire à la place des immeubles de luxe. Or, la LDTR a précisément eu comme action salvatrice de stopper les démolitions abusives à Genève, et si cette loi a fait l'objet de 4 votations populaires depuis 1983 qui toutes ont été acceptées par le peuple genevois, c'est bien que nos concitoyennes et concitoyens lui sont attachés et savent quel est son but réel, à savoir éviter les démolitions abusives.
A ce sujet j'aimerais dire à M. Dupraz, qui a interpellé Action Patrimoine Vivant tout à l'heure au cours du débat, que cette association ne s'est pas du tout opposée à la construction d'un immeuble à la rue de la Servette - c'était du reste à la rue de Lyon - mais s'est opposée à la démolition de deux immeubles de grande qualité qui ont été remplacés par des immeubles qui ont suscité des critiques unanimes dans le quartier... (Brouhaha.)...à cause de leur laideur et de leur impact sur les immeubles existants. Malheureusement, cette réalisation que l'on peut qualifier de totalement loupée justifiait pleinement l'action d'une association de protection du patrimoine, qui n'a pas réussi a préserver ces immeubles et je le regrette, mais ce n'est qu'un épisode.
De manière générale, la LDTR a réussi précisément à préserver des immeubles que les propriétaires voulaient démolir abusivement et dont ils délaissaient l'entretien. La LDTR est, au contraire de ce que prétendent les députés des bancs d'en face, une loi d'encouragement à la rénovation, même s'il est vrai que certaines dispositions légales qui visaient à encourager d'avantage encore la rénovation ont échoué de peu devant le peuple lors de la votation de 1983, puisque l'objet de ce vote avait été divisé en deux.
M. Muller a aussi évoqué l'accord de 1996. Il est exact qu'un accord est intervenu entre les milieux immobiliers et certains syndicats. En tout cas, du côté de l'Alliance de gauche, nous n'étions pas partie à cet accord et nous nous sentions parfaitement libres par conséquent de remettre l'ouvrage sur le métier et vous avez bien fait, finalement, de lancer un référendum qui n'a pas abouti - on sent d'ailleurs un peu d'irritation dans la voix de M. Muller quand il en parle. Le résultat de la votation n'était certes pas aussi généreux que celui des votes précédents, mais enfin il était net, vous n'avez pas pu emporter le vote malgré les centaines de milliers de francs que vous aviez engagés dans cette campagne en publiant des annonces dans la presse ou en envoyant des courriers extrêmement onéreux à tous les propriétaires avec des listes de référendum à faire signer - et je le sais car je fais aussi partie des propriétaires.
Pour terminer, vous vous plaignez, Monsieur Muller, de ce que les locataires ne peuvent pas acquérir leurs appartements. Sur ce sujet, le vote a été particulièrement clair en 1985: la LDTR a été modifiée pour éviter la mise en vente des appartements. Pourquoi cette modification? Parce qu'on sait très bien que la mise en vente des appartements a deux effets: d'une part de faire partir 3 fois sur 4 le locataire en place qui n'a pas les moyens de se payer l'appartement ou qui ne le souhaite pas - ce que l'on peut comprendre dans la mesure où l'appartement sera, peut-être, à un moment donné, trop grand ou trop petit pour lui. Peut-être n'a-t-il pas envie de s'engager dans une procédure de mise en PPE mal ficelée, où l'on s'aperçoit qu'il y a des appartements qui appartiennent encore au propriétaire initial et d'autres qui ont été vendus, ce qui implique des décisions difficiles à prendre en assemblée générale des copropriétaires. D'autre part, on sait surtout que dès qu'un appartement a été mis en vente, avec le processus des reventes qui interviennent, la valeur de l'objet augmente considérablement et devient totalement inaccessible pour la majorité des locataires.
Je conclus en disant que le résultat de la votation sur la vente des appartements était le plus net et il est clair que nous combattrons votre projet de loi qui vise à abroger ces dispositions de protection des locataires contre les ventes d'appartements. Ce projet de loi est une véritable déclaration de guerre et vous pouvez être assurés que nous lancerons un référendum sur cet objet. On verra bien ce que décidera le peuple.
Le président. M. Pagani, vous maintenez votre demande de parole ? C'est le cas.
Une voix. Il va dire la même chose que Grobet !
M. Rémy Pagani (AdG). Non, Monsieur le député, je ne dirai pas la même chose que M. Grobet.
Il y a une manière de fausser la réalité qu'il faut dénoncer. Vous nous faites aujourd'hui le procès bien connu qui consiste à accuser l'abondance de lois d'être la cause de l'absence de construction. Il convient ici de vous rappeler un certain nombre d'évidences, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face qui représentez les milieux économiques et les milieux immobiliers. Durant les années 80, et l'affaire de la Banque cantonale en est un exemple, vous avez spéculé ou laissé spéculer des propriétaires privés. Les prix des immeubles ont atteint des montants exorbitants, se trouvant parfois multipliés par 10. Ensuite vous vous étonnez que pendant les années 90 la bulle spéculative créée par cette spéculation effrénée éclate, et qu'on ne parvienne pas à maintenir la construction de logements... La chute du nombre de constructions dans les années 1990 est due avant tout à l'éclatement de cette bulle spéculative. Je vous rappelle aussi que vers 1997 il n'y avait plus d'immigration dans notre canton. Les propriétaires qui auraient dû investir à ce moment-là pour construire des logements qui arriveraient aujourd'hui sur le marché n'investissaient plus, parce que personne ne venait s'établir à Genève. Ces deux facteurs-là vous permettent aujourd'hui, par un tour de passe-passe, de prétendre que c'est à cause de la LDTR et de la LGL qu'il n'y a plus de construction. C'est à cause de vous qu'il est difficile de construire aujourd'hui, parce que vous avez entraîné notre canton dans une spirale spéculative qui a donné les résultats qu'on connaît et qu'on paie chaque jour avec la «fondation des casseroles», notamment, qui est là uniquement pour soutenir un marché qui aurait dû s'effondrer si on l'avait laissé fonctionner selon ses propres lois.
Je voudrais dire encore qu'il est essentiel aujourd'hui de maintenir des logements bon marché. Or si, dans les années 90, on avait laissé les loyers se fixer selon les règles que vous proposez aujourd'hui dans vos projets de loi, les salariés, qui sont une majorité dans ce canton, n'auraient plus pu payer leur loyer. Un certain nombre d'entre eux déjà ont été mis aux poursuites, parce qu'ils n'arrivaient même plus à payer un loyer même modeste ou leurs primes d'assurance. Imaginez l'effet qu'auraient produit les loyers, calculés comme vous entendez le faire aujourd'hui, pendant les années 80... Je me rappelle d'ailleurs les publications de M. Muller pour le compte de la Chambre genevoise immobilière, publications dans lesquelles il réclamait à cor et à cri une augmentation générale des loyers. (L'orateur est interpellé.)Si ce n'est pas vous, ce sont vos milieux qui la réclamaient et vous-mêmes la réclamez aujourd'hui en affirmant que les loyers, de manière générale, sont extrêmement bas dans notre canton.
Nous nous sommes opposés à l'augmentation des loyers dans les années 80 pour la simple et bonne raison que des loyers trop élevés sont un handicap, y compris pour les charges des entreprises dont les travailleurs réclament un salaire adapté au prix de leur logement. Nous nous battons pour maintenir des loyers bon marché dans ce canton parce qu'il est vital, pour notre économie, de ne pas payer la rente foncière, mais de payer le travail. Heureusement, en tout cas à gauche, nous avons encore ce principe-là.
S'agissant de l'accord de 1997 que vous citiez, Monsieur Muller, il avait tout sauf l'objectif de maintenir les loyers bon marché. Moi, je faisais partie d'une minorité à l'intérieur des syndicats qui s'était opposée à cet accord et j'ai été satisfait que nous revenions sur cette question, pour les raisons que je viens d'expliquer.
En discutant de la question des loyers, on discute aussi de la question des salaires dans ce canton et de la charge que représentent les loyers par rapport aux salaires et à la marche des entreprises.
M. Carlo Sommaruga (S). J'aimerais revenir sur un certain nombre de déclarations qui ont été faites au cours du débat.
Tout d'abord sur le fameux accord de 1996. Effectivement il y a eu un accord extrêmement important puisque nous sommes passés d'un régime, dans la LDTR, d'interdiction avec des exceptions, à un régime d'autorisation. Cette réforme fondamentale de la LDTR a eu des conséquences importantes, puisqu'elle a facilité l'obtention des autorisations de rénover et de transformer. Sur ce principe-là personne n'est revenu: ni les milieux des locataires, ni la gauche. Cela, on oublie trop souvent de le mettre sur la table, mais il s'agit d'une concession de taille. Nous avons accepté ce passage d'un système restrictif dans l'octroi des autorisations, un système où prévalait l'interdiction...
Une voix. Un système liberticide !
M. Carlo Sommaruga. Non, pas liberticide, Monsieur le député. Nous avons donc accepté le passage d'un système restrictif à un autre type de politique qui a permis d'accorder plus facilement les autorisations. Il est donc faux de prétendre que nous revenons sur l'accord de 1996. Le point principal, l'aspect essentiel de cet accord n'est pas remis en question.
On prétend que nous cherchons à opposer systématiquement les propriétaires aux locataires. En fait, ce qui se produit, c'est que les projets de loi qui émanent des milieux immobiliers privilégient l'investissement et son rendement au détriment de la capacité financière des locataires. Systématiquement, la Chambre genevoise immobilière et les milieux qui en sont proches favorisent le rendement du capital au détriment de la situation financière des personnes. Aujourd'hui, ce que l'on fait, c'est une fois encore permettre un rendement plus important du capital investi et ceci au détriment des personnes qui occupent les logements. Il s'agit là d'une tactique systématique. Je n'ai jamais vu de proposition concrète de ces milieux pour garantir la rentabilisation du capital et en même temps la protection des locataires.
Par ailleurs, je prends note de la position de M. Muller qui nous dit que la LGL a été conçue, comme je le disais tout à l'heure, pour des logement neufs, voire pour des opérations de démolition-reconstruction et non pas pour des opérations de rénovation. Je reviendrai peut-être dans la suite du débat sur ce point lorsque nous aborderons les amendements.
J'ajouterai que je ne comprends pas comment quelqu'un comme M. Kunz peut prétendre que la LDTR est à l'origine de la pénurie de logements à Genève. Aujourd'hui il y a une pénurie de logement à Genève, à Berne, à Zurich et à Bâle. Sauf erreur de ma part, il n'y a pas de LDTR dans ces cantons. En d'autres termes, l'origine de la pénurie de logements ne se trouve pas dans les dispositions légales de la LDTR. Il convient de souligner cet élément.
Certains ont évoqué la question de l'inégalité de traitement entre propriétaires. On a accusé la gauche et les milieux des locataires de créer des inégalités de traitement. Je tiens simplement à signaler que les véritables inégalités de traitement, ce sont les locataires qui les vivent: ceux qui louent des appartements dans des immeubles qui ne sont pas rénovés et qui, cependant, voient leurs loyers systématiquement majorés, non pas à cause des investissements, mais en fonction des loyers du quartier ou simplement pour des prétextes qui ne sont même pas légaux. Le problème, c'est que la majorité des locataires, par peur d'une résiliation du bail, ne vient pas contester ces majorations de loyer. Avec ces majorations, on se trouve dans des situations où la limite de 3225 F par pièce après travaux de rénovation posée par la LDTR ne peut plus être tenue. Que se passe-t-il alors ? Une fois que les loyers des immeubles ont été augmentés sans rénovation, le propriétaire demande l'autorisation de rénover, si possible dans le cadre de la LGL, ce qui permet d'avoir des loyers plus élevés et de récupérer la plus-value obtenue par l'augmentation initiale des loyers sans contrepartie. C'est ce genre de comportements qui crée des problèmes d'application de la LDTR: des hausses de loyers infondées poussent les loyers vers le haut, il n'y a plus de marge pour permettre, le cas échéant, de rentabiliser les travaux effectués. Ce n'est donc pas la LDTR en tant que telle qui freine la construction de nouveaux logements ou la rénovation de logements. Les facteurs qui entravent la construction sont tout autres, parmi ceux-ci mentionnons les acquisitions de biens à des prix trop élevés.
Considérant ces éléments, je persiste à vous demander de rejeter ce projet de loi.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le projet qui nous occupe a été déposé le 23 juin 1994 par Mme Mottet-Durand, MM. Marti et Dupraz, et je me serais attendu à ce que celui-ci le retirât. En effet, ce projet de loi était motivé en juin 1994 par le fait qu'il existait à l'époque une double procédure: une procédure devant l'office financier du logement qui était à l'époque au département de l'intérieur et une procédure en autorisation de construire qui était à l'époque au département des travaux publics et de l'énergie. Tout l'exposé des motifs ne fait que regretter cette double procédure dommageable, qui aboutit à des décisions contradictoires. A aucun moment dans l'exposé des motifs il n'y a trace du débat que vous venez d'avoir, Mesdames et Messieurs les députés, sur la question de savoir quelle loi doit primer en matière de calcul des loyers, de la LGL ou de la LDTR.
Or, le but visé par ce projet de loi à l'époque, Monsieur Dupraz, était qu'il n'y ait plus qu'une procédure. A partir de décembre 1997, l'office cantonal du logement étant dans le même département que la police des constructions, il n'y a plus de divergences possibles quant aux prises de décision de ces deux offices, sauf si vous pensez que je suis schizophrène. Dès lors, le but de ce projet de loi qui était d'éviter une double procédure dommageable est atteint. Je m'étonne, Monsieur Dupraz, vous qui êtes le seul restant parmi les auteurs de ce projet, que vous ne l'ayez pas retiré, puisque le but que vous visiez à l'époque est désormais atteint, depuis un certain temps déjà.
Pour le surplus et s'agissant du débat que vous venez d'avoir, Mesdames et Messieurs les députés, il y a un argument auquel vous devrez songer si ce projet n'est pas retiré, qui est extrêmement fort et que personne n'a contesté, c'est l'argument de M. Hiler sur l'inégalité de traitement selon qu'on sollicite une subvention ou qu'on ne la sollicite pas.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 44 oui contre 39 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 6. Je vous propose la procédure suivante: nous considérons la proposition du rapporteur de minorité pour l'article 43 A (nouvelle teneur) comme un amendement à l'article 6 alinéa 11. Ensuite nous examinerons les amendements de MM. Sommaruga et Ferrazino.
M. Florian Barro (L), rapporteur de minorité. S'agissant de la procédure de vote, je voudrais préciser que l'article 43A remplace l'article 6 alinéa 11, en raison du changement de systématique de la loi. Simplement, avant de voter l'amendement que je propose dans mon rapport de minorité, il me semble qu'il faudrait voter sur la proposition de modification de cet amendement formulée par M. Sommaruga. On peut le faire comme vous le souhaitez, mais on ne pourra pas amender ce que nous viendrons de voter.
Le président. C'est exactement la proposition que je vous ai faite: d'abord nous votons sur votre amendement, Monsieur Barro, parce qu'il remplace le texte dans son ensemble et ensuite nous votons sur l'amendement de M. Sommaruga. Je crois que cela revient au même, mais procédons comme vous le souhaitez, c'est égal.
L'amendement de M. Sommaruga porte sur l'article 43A (nouvelle teneur) et propose de supprimer les mots «rénovations ou» dans le titre et «ou rénovés» dans le texte de l'article.
M. Carlo Sommaruga (S). S'agissant de la procédure de vote, je pense que nous devrions accepter ou refuser le rapport de majorité. En cas de refus, nous pourrons aborder les amendements.
Le président. Nous l'avons fait avec l'entrée en matière, Monsieur le député.
M. Carlo Sommaruga. Ah, bien ! Ceci dit, la proposition faite par M. Ferrazino et moi-même vise effectivement à différencier deux types d'opérations bien distincts: d'une part, la rénovation, qui peut être le remplacement de vitrages, la remise en état de la toiture, etc., tous travaux qui ne tombent pas, par leur nature, sous le coup de la LGL parce que ce sont des travaux qui visent la remise en état partielle d'un bâtiment, et, d'autre part, les opérations de démolition-reconstruction.
M. Muller a d'ailleurs lui-même distingué ces deux types d'opérations en montrant que dans le cas des démolitions-reconstructions, le coût était plus important et que l'on était beaucoup plus proche, dans la conception du projet notamment, d'une véritable construction nouvelle visée par la LGL.
Je vous propose donc, pour éviter d'appliquer à des logements anciens des normes qui sont conçues pour des logements nouveaux, de sortir la question des rénovations de ce projet de loi et de ne maintenir que les opérations de démolition-reconstruction.
M. Mark Muller (L). J'entends vous informer que le groupe libéral n'acceptera pas cet amendement qui a pour effet de vider celui proposé par le rapport de minorité d'une bonne partie de sa substance. S'il est vrai que la majorité des travaux dont on parle ici sont des travaux de démolition-reconstruction, il n'en demeure pas moins, comme l'a dit M. Dupraz, que l'on vise également un certain nombre de travaux de rénovation lourde qui ont besoin de ce bol d'air frais que nous vous proposons d'offrir. Le groupe libéral vous recommande donc de refuser cet amendement.
M. John Dupraz (R). M. Sommaruga est un jeune député mais déjà habile, pourtant nous ne tomberons pas dans son piège. En fait, par sa proposition d'amendement, il essaie d'édulcorer l'objectif que nous poursuivons et c'est pourquoi nous ne pourrons pas voter son amendement. J'espère, Monsieur le député, que cela ne vous étonne pas. Nous vous proposons, en revanche, de voter le texte proposé dans le rapport de minorité.
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. Je souhaite seulement relever, Monsieur le président, que M. Muller vient de nous dire exactement le contraire de ce qu'il nous a dit tout à l'heure. Vous nous avez indiqué tout à l'heure, Monsieur Muller, que ce projet ne concernait pas les rénovations, mais seulement les démolitions-reconstructions. J'avais d'ailleurs attiré votre attention sur le fait que si ce projet devait également concerner les rénovations, il aurait alors un effet très pervers, celui de favoriser des rénovations lourdes. Vous savez qu'aujourd'hui, un propriétaire qui souhaite rénover son immeuble n'obtient pas un subventionnement sur la base de la loi générale sur le logement s'il s'agit d'une rénovation légère. Donc, pour faire en sorte que le propriétaire obtienne ce subventionnement, vous le forcerez à alourdir son projet de rénovation, sans quoi il sera uniquement soumis à la LDTR et il ne pourra pas pratiquer les loyers prévus par la loi générale sur le logement.
Cet amendement a au moins la vertu de vous faire sortir du bois: vous nous donnez un certain nombre d'arguments qui sont, au demeurant, éminemment critiquables, pour nous faire croire que votre projet de loi n'est finalement pas si méchant, mais lorsque nous proposons un amendement pour essayer de rendre ce projet de loi conforme à vos propres déclarations, vous le refusez en prétendant que la loi devrait également couvrir des hypothèses auxquelles vous ne pensiez pas à l'origine.
Cela est d'autant plus paradoxal que l'ensemble des intervenants sur vos bancs n'ont pas contesté que la LGL avait été rédigée pour favoriser précisément des constructions de logements sociaux. Ce n'est que dans un deuxième temps qu'elle a été utilisée, grâce à une modification législative, pour des rénovations. Vous voulez en définitive que l'on applique aux rénovations d'immeubles une loi qui n'est pas du tout prévue à cet effet. La conséquence de cette volonté, c'est que vous favoriserez des rénovations lourdes avec une augmentation du coût et par conséquent une augmentation des loyers. Voilà, Monsieur Dupraz, à quoi vous aboutirez avec ce projet de loi que vous auriez dû retirer, comme l'a dit tout à fait sagement Monsieur Moutinot. Non seulement vous persévérez en ne le retirant pas, mais vous n'acceptez même pas un amendement qui a pour lui, au moins, l'avantage d'être l'expression même du bon sens.
Prenons l'exemple, et je terminerai pas là, du projet de rénovation des immeubles du squatt Rhino dont on parle beaucoup en ce moment. Ce projet a été autorisé sur la base du loyer de 3225 F la pièce, Monsieur Dupraz, c'est-à-dire que le propriétaire de cet immeuble peut rentabiliser son investissement avec un loyer fixé sur la LDTR. Si vous refusez notre amendement, vous permettez, pour ce projet Rhino par exemple, de faire passer les loyers à 4000F la pièce sans que le propriétaire ne change quoi que ce soit à son projet. On verra, et je demande d'ores et déjà l'appel nominal pour le vote de cet amendement, de quel côté vous êtes les uns et les autres par rapport aux prétendues bonnes intentions qui guideraient vos actes. Si vous n'acceptez pas cet amendement, c'est vraiment que vous voulez autoriser de substantiels profits à des propriétaires dans le cadre de rénovations et, cela, nous ne pouvons pas l'accepter. (Applaudissements.)
Le président. Vous demandez l'appel nominal sur votre sous-amendement n'est-ce pas ? (La demande de vote par appel nominal est appuyée.)Je mets donc aux voix ce sous-amendement.
Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté par 42 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. Je mets aux voix l'amendement dont le texte figure dans le rapport de minorité.
Mis aux voix, cet amendement (remplacement de l'art. 6, al. 11 du projet de loi par l'art. 43A nouvelle teneur) est adopté.
L'article unique (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
La loi 7119 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.