Séance du
jeudi 2 mai 2002 à
10h
55e
législature -
1re
année -
7e
session -
36e
séance
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Robert Cramer et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Janine Berberat, Thomas Büchi, Erica Deuber Ziegler, Philippe Glatz, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, André Hediger, David Hiler, Georges Letellier, Christian Luscher, Claude Marcet, André Reymond, Pierre Schifferli, Louis Serex, Ivan Slatkine et Pierre Weiss, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Mme Janine Hagmann (L). J'irai assez vite, puisque, en l'absence des motionnaires, la motion ne peut pas nous être présentée...
Le groupe libéral est d'accord de renvoyer cette motion en commission. Au premier abord, elle semble très pertinente, car tout le monde sait que tout ce qui peut être entrepris de bonne heure est acquis en matière de développement de l'enfant. C'est donc une bonne chose. Toutefois, en l'examinant d'un peu plus près, on se pose quand même pas mal de questions...
Je suis amusée de voir que l'un des signataires de cette motion est M. Philippe Glatz, qui, si je ne me trompe pas, est - ou était - président de la commission des finances... Je ne sais pas très bien comment il fera passer cela ensuite à la commission des finances, parce que l'incidence financière semble tout de même très élevée.
Les choses ne me paraissent pas tout à fait évidentes, car si nous renvoyons cette motion au Conseil d'Etat, elle devra être appliquée dans tout le canton. Or, tout le monde sait qu'actuellement il manque des structures d'accueil pour la petite enfance, crèches, etc. - environ vingt-cinq mille places pour accueillir les enfants, d'après ce que je sais.
Comment les choses vont-elles se passer ? Comment les communes vont-elles faire pour pouvoir, toutes, mettre des crèches à disposition ? Il me semble qu'il faudrait peut-être commencer par le début, c'est-à-dire qu'avant de parler de suivi thérapeutique pour les petits il faudrait d'abord trouver des locaux...
C'est pourquoi je propose que cette motion soit renvoyée en commission où elle sera examinée à fond, plutôt que d'en débattre ici alors que les députés qui l'ont signée ne sont pas là...
M. Alain Charbonnier (S). Cette motion a aussi retenu toute notre attention.
Effectivement, les parents d'enfants nécessitant de multiples soins dépensent, entre autres, beaucoup d'énergie à courir d'un thérapeute à l'autre. Si nous sommes d'accord sur le fond avec cette motion, nous tenons tout de même à dire que la priorité dans cette problématique doit rester l'être et le devenir de l'enfant. Et cela passe par son intégration à la société qui l'entoure. Afin que cette intégration soit idéale, celle-ci doit commencer - et des études le démontrent - dans un microcosme famille, amis, entourage, mais aussi dans le quartier de résidence, et cela dès le plus jeune âge.
C'est pourquoi nous souhaiterions que, à l'ouverture de structures institutionnelles pour des cas le nécessitant, les moyens en personnel spécialisé et en structures adaptées permettant l'intégration des enfants nécessitant un suivi thérapeutique au sein des institutions existantes de la petite enfance, soient développés prioritairement.
Nous souhaiterions que cette motion soit envoyée à la commission de l'enseignement.
Mme Jeannine De Haller (AdG). Je ne vais pas ajouter grand-chose à ce que vient de dire M. Charbonnier. L'Alliance de gauche soutient aussi le renvoi de cette motion en commission de l'enseignement.
Nous tenons à l'intégration de ces enfants, autant que faire se peut. Cette institution spécialisée ne doit pas être uniquement réservée aux enfants qui ont des difficultés. Nous aimerions qu'elle soit aussi ouverte aux autres enfants. Il en faudra probablement d'autres, car une seule ne suffira pas. Il est extrêmement important et primordial que, dès la toute petite enfance, ces enfants soient pris en charge, mais dans un système intégré et non pas dans un lieu un peu «ghettoïsé».
Le président. Avant de passer la parole à M. Unger, je précise que les chefs de groupe pensaient que la commission adéquate était la commission de l'enseignement et de l'éducation...
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat remarque qu'à l'heure actuelle plusieurs instances se penchent sur le suivi des bébés qui en ont besoin, principalement au DASS mais également au SMP, et que deux instances s'occupent prioritairement de ces enfants: l'unité de développement de la clinique de pédiatrie et le service de psychiatrie des enfants et des adolescents - service de la guidance.
En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, et pour autant que vous soyez d'accord, je serais presque d'avis que cette motion soit renvoyée à la commission de la santé, et cela pour deux raisons.
La première, mineure, c'est que la commission de la santé n'est pas inondée de projets en ce moment. La deuxième, qui me paraît plus importante, c'est que la commission de la santé est en train de traiter très généralement du problème de la psychiatrie. Alors, bien sûr, il ne s'agit pas exclusivement d'un problème psychiatrique - je l'ai bien compris - mais il serait bon de regarder comment les choses s'insèrent dans le dispositif, quitte à avoir en référence quelqu'un du département de l'instruction publique pour nous accompagner dans nos travaux sur cet objet.
En effet, les demandes des motionnaires ne sont pas extraordinairement claires... S'agit-il d'un principe d'intégration ? S'agit-il d'un principe d'unité spécialisée ? Ce débat mérite d'avoir lieu, il est essentiel, et je vous proposerai, si vous en êtes d'accord, d'adresser cette motion de préférence à la commission de la santé.
Mme Janine Hagmann (L). J'aurais plutôt suivi la proposition de M. Charbonnier, c'est-à-dire celle de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement, car je pense qu'il n'est pas possible de dissocier ce problème de la création de crèches. Et c'est quand même la commission de l'enseignement qui va s'occuper de ces problèmes très réels de la petite enfance, qui font, je crois, l'objet de la préparation d'un projet de loi par Mme Martine Brunschwig Graf.
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Le président. La première proposition suggérait le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation. Je suggère au conseiller d'Etat de demander à être auditionné - ou l'un de ses collaborateurs - par cette commission pour y exposer son problème. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets donc la proposition de renvoi de cette motion en commission de l'enseignement et de l'éducation.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Débat
M. Alberto Velasco (S). Les femmes et les hommes au chômage rencontrent des problèmes en raison du manque patent de places de crèche pour les enfants dans ce canton. En effet, ces personnes sont parfois dans l'obligation de refuser un emploi, précisément parce qu'elles n'ont pas la possibilité de placer leurs enfants. Et la loi sur le chômage leur fait perdre leurs allocations et, en outre, elles doivent rembourser les allocations perçues jusqu'alors.
J'ai pris des renseignements auprès des familles d'accueil pour savoir si ce problème était réel. Elles sont effectivement très souvent contactées par des personnes au chômage et elles ont aujourd'hui peu de moyens pour répondre à leurs besoins qui sont toujours urgents.
Que demande cette motion ? La possibilité de créer une crèche le plus rapidement possible, afin d'accueillir des enfants au moment où la maman, qui était au chômage, trouve un travail, et ce jusqu'à ce que l'enfant soit pris en charge par une des crèches existantes.
C'est malheureux, parce que le problème se fait de plus en plus aigu. En effet, cette motion date du 18 septembre 2001 et, depuis, le chômage a augmenté, vous le savez.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je demande le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat - et non en commission - afin que ce problème soit étudié et traité dans les plus brefs délais.
Je ne sais pas s'il y aura un débat à ce sujet, mais je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de l'éviter, car il faut traiter ce problème rapidement. Il me semble en effet important et urgent que les personnes qui trouvent un emploi puissent l'accepter, car le travail fait partie de la dignité de tout un chacun.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs orateurs sont inscrits, mais je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Unger qui veut faire une déclaration préalable.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le problème soulevé par cette motion est un problème authentique auquel le Conseil d'Etat entend répondre le plus rapidement possible. Si cela vous agrée, le Conseil d'Etat accepte donc immédiatement cette motion.
M. Jean-Michel Gros (L). Le problème soulevé par les motionnaires est en effet réel. Oui, il existe des chômeuses et probablement quelques chômeurs pour qui la réinsertion dans le monde du travail se heurte à la question de la garde des enfants. Oui, il est vrai qu'il y a un manque de places de crèche aujourd'hui. Mais la solution proposée n'est à nos yeux pas judicieuse. C'est pourquoi nous refuserons cette motion.
Deux arguments justifient principalement ce refus. Premièrement, ce n'est pas à l'Etat de créer des crèches. Dans notre canton, c'est prioritairement le rôle des communes et c'est bien ainsi, puisqu'à l'évidence les municipalités sont mieux à même d'estimer les besoins de leur population. Et ces communes font de gros efforts financiers dans ce domaine.
Mais les libéraux souhaiteraient aller plus loin... Ils planchent actuellement sur un projet qui permettrait d'encourager les entreprises à créer des crèches. Cet encouragement pourrait se concrétiser par le biais d'allègements fiscaux, sur l'impôt sur les personnes morales. Ces allègements pourraient d'ailleurs varier selon que l'entreprise réserve ces places de crèche à son personnel ou qu'elle les ouvre aussi à la population voisine. On pourrait même imaginer, pour impliquer davantage les communes, un taux de la taxe professionnelle variable selon que l'entreprise exploite une crèche ou non.
A l'heure où les entreprises encouragent le travail des femmes, il y a bien des chances que ce genre de propositions les intéressent et, à terme, il y aura davantage de places de crèche que si on laisse les collectivités publiques s'occuper seules de ce problème.
Le deuxième argument qui nous pousse à rejeter cette motion, c'est qu'à vrai dire nous n'aimons pas beaucoup cette idée de «crèche pour chômeurs»... Ces personnes ont souvent mal vécu la période où elles se sentaient exclues du monde du travail et, au moment où elles en retrouvent, elles devraient conduire leurs enfants à la crèche des chômeurs ! Cela a quelque chose de choquant et, toutes proportions gardées, ressemble à une sorte de ghetto.
Dans l'urgence et face au problème que vous soulevez, que les conseillers municipaux encouragent le maintien de quelques places dans leur crèche communale pour les cas des chômeurs retrouvant du travail: très bien ! Mais ne nous lançons pas dans la construction d'une crèche réservée à une catégorie de personnes ! Elles ont pour la plupart déjà assez souffert d'isolement, voire même d'exclusion.
M. Pierre Kunz (R). Je dois dire que les radicaux sont un peu surpris de la réceptivité exprimée par le Conseil d'Etat, sans aucun débat... Car, même si le problème est réel, il ne s'agit tout de même pas d'un tremblement de terre ou d'une calamité ! (Exclamations.)
Il me semble que ce sujet devrait être débattu en commission avant que l'Etat n'empoigne ce genre de préoccupations... Ce serait le minimum ! Car, finalement, la vraie question qui se pose, c'est de savoir si les gens sont capables de résoudre leurs problèmes. Surtout dans une République comme la nôtre, qui est loin d'être sous-développée... La moindre des choses, je le répète, serait que ce sujet soit débattu en commission !
Les radicaux, quant à eux, étaient plutôt d'avis qu'il fallait purement et simplement rejeter cette motion... (Commentaires.)A l'évidence !
Je ne vois véritablement pas pourquoi cette motion devrait être renvoyée au Conseil d'Etat sans aucun préavis du Grand Conseil.
Le président. Ce n'était rien d'autre qu'une proposition du Conseil d'Etat, Monsieur Kunz !
Madame Wisard, vous avez la parole. Vous renoncez... Bien, Madame Hagmann, c'est à vous.
Mme Janine Hagmann (L). Je voudrais juste compléter un peu la très bonne intervention de mon collègue Jean-Michel Gros. L'autre jour, le Conseil national a voté un programme d'impulsion fédérale visant à soutenir les structures d'accueil, crèches, etc., pour les enfants de femmes qui travaillent. Il ne s'agit pas de ghettos, ce ne sont pas des crèches réservées aux enfants de chômeuses réinsérées dans le monde du travail: elles sont destinées aux enfants de femmes qui travaillent ! Eh bien, un crédit de 100 millions par an a été voté, et ce pendant quatre ans.
L'étonnant tout de même dans cette affaire, c'est que les structures d'accueil qui seront créées devront adresser directement leur demande de soutien à Berne, et c'est Berne qui prendra contact avec les offices cantonaux concernés pour voir ce que font les cantons... Je trouve pour ma part que cette politique est un peu confuse, car, comme M. Gros l'a dit et redit, la structure la plus proche est la commune et l'on sait très bien que c'est la commune qui est la mieux à même de traiter ce type de problème.
Cette motion ne me plaît pas et, pour l'instant, je la refuserai, car elle ne prend pas le problème par le bon bout par rapport aux différents niveaux: Confédération, cantons, communes.
M. Charles Beer (S). Nous avons eu le énième exercice de M. Kunz déclarant qu'il vaut mieux être directeur de Balexert et riche qu'être chômeur et pauvre... Nous en avons l'habitude !
Cela dit, déclarer systématiquement et à toute occasion que tout individu peut se prendre en charge et qu'il n'a finalement qu'à développer son sens de l'initiative et que tout le monde peut le faire, relève quelque peu de la provocation...
En effet, les personnes qui sont à la recherche d'un emploi sont confrontées à des choix difficiles lorsqu'elles ont des enfants en bas âge, en fonction de la baisse de leurs revenus et de la possibilité de faire garder leurs enfants dans une structure d'accueil. Si elles conservent un nombre d'heures de garde relativement important parallèlement à leurs recherches d'emploi, elles peuvent être très rapidement confrontées au problème évoqué par la motion.
La motion a un objectif précis, et je crois qu'il ne faut pas détourner cet objectif: faciliter la reprise d'emploi pour des personnes qui ont trouvé un travail mais qui ne peuvent l'accepter car elles n'ont pas de solution de garde pour leurs enfants, ce qui est reconnu comme un fait avéré.
Si je me permets d'intervenir, c'est pour rappeler ce qu'est la cohérence à M. Kunz, à M. Gros, etc. En effet, ils s'indignent régulièrement du nombre anormalement élevé de demandeurs et demandeuses d'emploi dans notre canton - ils ont du reste déclaré que telle ou telle mesure au niveau de la législation cantonale en était responsable... - mais ils ne sont pas au rendez-vous, lorsque des mesures concrètes peuvent être prises pour faciliter la réinsertion des chômeurs. Alors là, ils ne se soucient plus du tout du taux de chômage ! Ils pensent que ces personnes doivent exercer leur sens des responsabilités, qu'elles n'ont qu'à trouver des solutions à leurs problèmes, alors qu'elles rencontrent de graves difficultés... Je maintiens que ce type de réaction relève de la provocation !
D'autant que le Conseil d'Etat nous a déclaré accepter cette motion, précisément pour chercher un certain nombre de réponses concrètes au niveau cantonal. Notre canton souffre de disparités communales: tout le monde sait bien que, d'une commune à l'autre, les possibilités ne sont pas les mêmes. Et plus la commune est pauvre - dans le sens où elle compte beaucoup d'habitants et où elle a donc de nombreuses tâches sociales à assumer - et moins elle compte d'entreprises, plus elle a de la difficulté à assumer ses tâches, justement par rapport à son revenu qui est moindre. La mise sur pied de structures d'accueil pour les enfants s'en trouve donc compliquée.
A partir de là, il ne faut pas tout miser sur les communes. Il faut aussi avoir une vision large au niveau cantonal pour pouvoir faciliter la reprise d'emploi des chômeurs qui trouvent un travail et qui n'ont pas de solution pour garder leurs enfants.
Je terminerai par les propos de M. Gros sur la création de crèches dans les entreprises. Je ne vais pas vous dire que ce n'est pas une bonne chose d'exploiter cette possibilité, mais ce n'est certainement pas un élément déterminant sur lequel il faudra agir. Et j'aimerais tout de même vous rappeler qu'une banque, issue de la fusion de deux grandes banques et dont je tairai le nom... (L'orateur est interpellé.)Pour vous aider, Monsieur Gros, il commence par U et il finit par BS... Eh bien, la première décision de ladite banque, lorsqu'elle a repris la SBS - Société de banques suisses - a été de fermer la crèche... La nouvelle UBS s'en est vantée en expliquant que son rôle n'était pas de mener une politique sociale...
Il y aura donc du travail à faire dans ce sens et il sera bon d'y veiller, mais cette solution ne peut en tout cas pas être la seule réponse, puisque ce problème touche bel et bien des chômeurs et des chômeuses. Et s'il faut déjà être salarié de l'entreprise pour pouvoir être inscrit dans la crèche de cette dernière, cette solution ne permettra pas de répondre à la préoccupation qui est la nôtre, à savoir de permettre la réinsertion de demandeurs d'emploi en leur donnant une réponse rapide par rapport à la garde de leurs enfants lorsqu'ils trouvent un travail.
Le président. Vous avez déjà pris la parole une fois, Monsieur Velasco, aussi je vous prie de ne vous exprimer que sur le renvoi en commission.
M. Alberto Velasco (S). Je tiens tout d'abord à remercier le Conseil d'Etat de bien vouloir accueillir cette motion, et je vais expliquer pourquoi je considère que son renvoi en commission n'est pas adéquat.
Vous nous dites, Monsieur Gros, que ce sont les entreprises qui devraient créer des crèches... Faite par un libéral, je dois dire que cette proposition est un scoop ! Voyez-vous, ce système était appliqué dans tous les pays de l'Est ! Les usines mettaient une crèche à la disposition de leurs employés... C'est pourtant un système que vous avez décrié avec force !
Et voilà que vous nous proposez, chez nous, d'intégrer ces méthodes ! J'en suis sans voix ! Par ailleurs, une des grandes avancées sociales du début du siècle, Monsieur Gros, a été justement que les crèches - les mines, les industries de tissage, par exemple, avaient en leur sein des écoles, des crèches, etc. - ne dépendent plus du patron qui engageait ses employés. Les libéraux du début du siècle ont beaucoup lutté pour obtenir cette liberté. C'est extraordinaire comme on perd ses références !
Le président. Monsieur Velasco, exprimez-vous sur le renvoi en commission ! Vous êtes en train de lancer le débat et on va en avoir pour trois heures !
M. Alberto Velasco. Je tiens à vous dire, Madame Hagmann et Monsieur Gros, que la motion ne demande pas la création d'une crèche en particulier: elle invite «à mettre en place les mesures adéquates afin de permettre la mise à disposition de places de crèche...» Des places de crèche, Madame ! On ne demande pas la création d'une crèche !
Elle demande en deuxième lieu qu'en cas d'impossibilité de placer leurs enfants dans une crèche, on veille à ce que les mesures et sanctions qui devraient frapper les chômeurs et chômeuses ne soient pas appliquées. Ce sont les deux invites de cette motion !
Nous pensons qu'il y a urgence et nous demandons son renvoi au Conseil d'Etat pour éviter qu'elle ne traîne deux ou trois ans en commission avant qu'elle ne nous soit soumise en plénière, Monsieur Kunz, car il n'est pas certain qu'elle serait encore utile. Les députés de cette salle doivent prendre leurs responsabilités.
Je demande le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, comme c'était prévu initialement.
Le président. Vous savez que nous voterons d'abord sur la proposition de renvoi en commission, puisqu'il prime. Si cette proposition est refusée, nous voterons sur le renvoi au Conseil d'Etat. Madame de Haller, vous avez la parole.
Mme Jeannine De Haller (AdG). Je ne vais pas répéter ce qu'a très bien dit M. Beer, puisque c'est exactement ce que je voulais dire.
Je préciserai simplement que l'Alliance de gauche soutient le renvoi de cette motion directement au Conseil d'Etat.
Le président. Monsieur Leuenberger, vous vous prononcerez aussi sur le renvoi en commission, s'il vous plaît.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Cette motion répond à un problème urgent et réel - je le sais d'expérience, car j'ai travaillé avec des dizaines de chômeurs ces dernières années, et chaque fois qu'une mère de famille - parfois c'est un homme - trouve un travail, il lui est extrêmement difficile de trouver une place de crèche.
Si je peux comprendre qu'il n'est pas bon de stigmatiser les enfants de chômeurs, je dois bien constater que ce sont les chômeurs qui sont stigmatisés ! Il faut le savoir !
Cette proposition de motion devrait répondre à ce besoin réel de la population.
Nous avions pensé - nous, les Verts - qu'il serait bon d'examiner cette proposition de motion au préalable en commission, mais nous sommes contents que le Conseil d'Etat accepte cette motion directement. Nous soutenons donc son renvoi au conseiller d'Etat. Il me semble intelligent... (Exclamations.)...et il pourra probablement nous faire des propositions alternatives pour qu'il y ait plus de places dans les crèches existantes, y compris en dynamisant quelques communes pour cela. Nous serons évidemment en situation d'accepter ces propositions alternatives par la suite.
Mme Anne-Marie Von Arx Vernon (PDC). Cette motion présente l'avantage de dénoncer quelque chose qui est de plus en plus évident. Oui, c'est vrai: de nombreuses femmes - mais aussi des hommes - ne trouvent pas de place dans les crèches pour leurs enfants lorsqu'elles trouvent un emploi. Elles sont parfois obligées - et cela, je le vois tous les jours - d'y renoncer, parce qu'elles ne trouvent personne pour garder leurs enfants ou que les modes de garde peuvent être parfois extrêmement aléatoires, voire dangereux.
Et si nous nous réjouissons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, c'est bien parce que nous pensons que le Conseil d'Etat est aussi l'interlocuteur privilégié des communes et de Berne. Les réponses doivent être multiples et le Conseil d'Etat a tous les outils pour pouvoir fournir ces réponses multiples à ce problème, qui est absolument majeur, concret et auquel nous sommes confrontés tous les jours. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Kunz, vous avez déjà pris la parole une fois. Je vous prie donc de vous exprimer sur le renvoi en commission uniquement. Je vous donne la parole.
M. Pierre Kunz (R). Vous m'avez pris à partie, Monsieur Beer, et j'aimerais répondre ceci... (Exclamations.)
D'abord, vous faites preuve d'une ironie d'un goût douteux. Ensuite, je vous fais remarquer qu'à Balexert il existe... (L'orateur est interpellé.)Un lieu de richesses, bien sûr ! ...une garderie. Ce n'est pas comme chez Unia où vous êtes actif...
Enfin, Monsieur Beer, ce qui m'indigne, ce n'est pas ce que vous avez dit. Ce qui m'indigne, c'est cette aptitude d'une certaine catégorie de la gauche dite «caviar», dont, je crois, on peut dire que vous faites partie... (Exclamations.)...qui est toujours à l'affût de nouveaux fonds de commerce basés sur l'exploitation des difficultés rencontrées par une partie de la population !
M. Albert Rodrik (S). Vous voyez bien de quoi nous allons parler en commission ! On va parler du XIXe versus le XXIe ... Chacun va parler de ce que fait ou ne fait pas son entreprise...
Que veut-on au juste ? On veut un inventaire de l'existant et une analyse de ce qui peut être fait pour que la situation s'améliore !
Je n'ai pas signé ce texte pour me livrer à des débats idéologiques ! Alors, pour l'amour du ciel, ce renvoi en commission n'a aucun sens ! Nous confions cette motion au Conseil d'Etat et, si sa réponse ne nous convient pas, nous verrons bien ce que nous ferons !
M. John Dupraz (R). Nous persistons à demander le renvoi en commission. Les députés de gauche invoquent l'urgence... Alors je m'étonne qu'ils se soient efforcés de paralyser les travaux de ce parlement jusqu'à maintenant, puisque cette motion date du mois de septembre. Cela fait plus de sept mois qu'elle est en attente !
Pour ma part, je trouve qu'il est plus facile d'avoir un dialogue serein, calme et d'obtenir des explications claires en commission. Et puis, il est tout à fait possible d'examiner cette motion en priorité et de rapporter à la prochaine séance. Si une majorité se dégage en commission, que ce soit pour l'accepter, voire la modifier, dans le sens voulu par les motionnaires, le Conseil d'Etat pourra agir immédiatement.
A mon avis, c'est une erreur de faire le forcing pour ne pas renvoyer cette motion en commission, d'autant que, je le répète, cet objet attend depuis le mois de septembre.
Le président. Mesdames et Messieurs, avant de passer la parole à M. Beer, nous vous proposons de clore la liste des intervenants.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Sont inscrits: M. Charles Beer, M. Claude Aubert et M. Jacques Baud. Monsieur Beer, vous avez la parole: merci de vous exprimer sur le renvoi en commission.
M. Charles Beer (S). Je ne voudrais pas revenir sur le fond du débat, qui me semble l'essentiel.
Je tiens simplement à vous dire, Monsieur Kunz, que j'ignore si je fais partie, au sens de votre définition, de la gauche «caviar»... (Exclamations.)...mais en tout cas il y a une chose qui est certaine, c'est que vous venez de démontrer votre appartenance à la droite «cervelas» ! (Rires et exclamations.)
Le président. Les débats se sont bien passés jusqu'à présent. Je vois qu'au bout de deux heures et demie vous fatiguez déjà !
Monsieur Aubert, vous avez la parole.
M. Claude Aubert (L). Mesdames et Messieurs les députés, vous vous souvenez qu'en principe les crèches sont utiles pour apprendre les règles de vie en commun... A commencer par le respect mutuel ! Je suis extrêmement frappé par les interpellations et les insinuations personnelles qui sont faites dans ce parlement. Et on peut constater à quel point, ensuite, le débat dégénère... J'aimerais savoir si, dans ce parlement, la notion de respect est présente dans l'esprit et dans les textes, et comment on intervient quand les débats tournent aux débats de type «quais de gare». (Applaudissements.)
Le président. A bon entendeur, Mesdames et Messieurs ! Je passe la parole à M. Jacques Baud.
M. Jacques Baud (UDC). Il est vrai que les crèches manquent cruellement de places. Et je connais beaucoup de mamans qui ont bien des problèmes et qui travaillent, elles, alors qu'il y a des femmes qui ne travaillent pas et qui mettent leurs enfants dans des crèches. C'est vrai, le manque de places dans les crèches est flagrant. Mais pourquoi vouloir des crèches différentes selon que les parents sont chômeurs, selon qu'ils ont de l'argent, ou autre ? Nous avons des enfants, ils doivent être égaux, et nous n'allons pas nous mettre à créer une crèche pour des enfants de chômeurs, qui, dès le départ, seraient déjà prétérités par rapport aux autres.
Et puis, où serait située cette crèche ? A Carouge ? La maman qui travaille à Meyrin devrait amener son môme à Carouge, et remonter à Meyrin, si son lieu de travail est à Meyrin ? Ce n'est pas clair ! On ne sait pas combien il faut de places, on ne sait pas où les mettre, on ne connaît pas les conséquences financières... Il n'y a rien dans cette motion !
Nous vous proposons donc de la renvoyer en commission, car nous estimons, pour notre part, qu'elle a été mal étudiée et qu'elle est floue. En outre, il s'agit d'un problème communal, voire fédéral.
Le président. Nous allons procéder au vote électronique sur le renvoi en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée par 43 non contre 26 oui.
Le président. Nous passons maintenant au vote de la motion à main levée.
Mise aux voix, la motion 1422 est adoptée.
Débat
M. Alain Etienne (S). Bien évidemment le parti socialiste est favorable à l'enseignement du développement durable dans les écoles à tous les niveaux. Nous soutiendrons donc cette motion. Cependant, nous tenons à faire quelques remarques. On peut tout d'abord se demander si cet enseignement ne se fait pas déjà. Peut-être aurons-nous des éclaircissements dans la réponse du Conseil d'Etat...
Certaines initiatives existent pourtant. Le mois dernier, j'ai participé avec d'autres, dont mon collègue Christian Brunier, à une journée de réflexion sur ce thème au Collège Calvin. Cette initiative venait des étudiants eux-mêmes.
On peut aussi se demander si la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes ne pourrait pas entrer dans le cadre de cet enseignement et si ce n'est pas aussi un des aspects du développement durable.
Je tiens à signaler également que ce parlement a aussi voté une loi sur le développement durable et qu'il y a maintenant un service cantonal spécifique rattaché au DIAE. Je crois qu'il faut maintenant laisser un peu de temps pour voir les effets de cette volonté politique.
Alors, oui, on peut encore demander au Conseil d'Etat ceci ou cela, mais j'ai parfois l'impression que ces motions sont là pour faire bien dans le paysage...
En fait, et c'est tant mieux, les radicaux font aujourd'hui leur révolution écologique... (Rires.)
M. John Dupraz. Non, mais c'est n'importe quoi !
M. Alain Etienne. Les radicaux découvrent aujourd'hui...
Le président. Arrêtez la «provoc», s'il vous plaît !
M. Alain Etienne. ...qu'il faut faire quelque chose pour la planète...
M. John Dupraz. Ce sont des attaques insensées !
Une voix. Ecoute et prends des notes !
Une voix. Il vous félicite, je ne sais pas pourquoi tu te fâches, Dupraz ! (Le président agite la cloche.)
M. Alain Etienne. Les radicaux découvrent aujourd'hui qu'il faut faire quelque chose pour la planète, sinon nous allons vers l'irréparable...
Pour nous, socialistes, ce n'est pas nouveau, et l'Alternative a souvent tenté de sensibiliser les esprits de l'Entente dans ce parlement.
Vous posez les bonnes questions. Quelle solidarité entre les hommes et les peuples du monde ? Comment les pays industrialisés peuvent-ils se développer sans nuire ? Mais il faudrait mener la réflexion jusqu'à son terme et faire notre propre auto-critique sur le système dans lequel nous vivons. A voir les conditions dans lesquelles se passent les discussions au Forum de Davos ou lors des rencontres de l'OMC, on peut avoir quelques doutes sur les volontés de changement...
Pour ma part et pour le symbole, j'aurais préféré que ce genre de motion soit présentée par l'ensemble des groupes, afin de montrer encore plus fortement la volonté de ce parlement. Alors, encore une fois, nous allons vous suivre et nous voterons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, à moins qu'une proposition de renvoi en commission ne soit faite.
M. John Dupraz (R). C'est avec attention que j'ai écouté le préopinant.
Pour les radicaux, ce n'est pas une nouveauté que de s'engager en faveur d'un monde équilibré, et il est vrai que le développement durable est une thématique qui est traitée au niveau mondial. Et il est tout à fait évident que nous devons nous en préoccuper quotidiennement.
Le développement durable, je le rappelle, est une adéquation entre les facteurs économiques, sociaux et environnementaux de la société, et il s'agit d'arriver à concilier ces trois éléments, ce qui n'est pas toujours facile - c'est vrai.
Alors, quand un éminent socialiste comme M. Etienne se permet de nous donner des leçons en disant que les socialistes se préoccupent de ce problème depuis longtemps, je lui fais simplement remarquer qu'en ce qui concerne les services publics et la Poste, les socialistes sont à la tête d'un monument de destruction dans ce pays ! Nous n'avons donc pas à recevoir de leçons de morale de la gauche. Et ce sont des dossiers beaucoup trop importants pour qu'ils soient négligés, même s'ils sont à la mode et que certains peuvent croire que ce n'est qu'une mode... Je peux vous dire que dans ma profession il y a fort longtemps que nous pratiquons le développement durable, parce que nous savons très bien que, si nous exploitons trop le sol, la nature se venge et qu'après la terre ne produit plus rien ! Et je prends à témoin un éminent viticulteur, M. Gros pour ne pas le nommer !
Il faudrait donc que les socialistes se montrent un peu plus modestes dans leurs propos, car ils n'ont pas l'exclusivité de l'écologie et du social ! C'est une préoccupation permanente pour les radicaux et pour d'autres. (Applaudissements.)
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Notre groupe est évidemment cent pour cent d'accord avec les motionnaires et votera ce projet. Mais alors, Mesdames et Messieurs les radicaux... (L'oratrice est interpellée.)Madame... Elle n'est pas là, mais cela ne fait rien, elle est certainement de coeur ici ! Lorsque la chaire d'enseignement du développement durable à l'université conclura que, si la planète veut survivre, il faudra diminuer drastiquement les émissions de CO2, ne plus produire d'aliments modifiés génétiquement, économiser l'énergie, renoncer au nucléaire, etc., etc., j'espère que vous serez d'accord de renoncer à votre chère voiture, d'isoler les bâtiments, d'acheter des aliments bio, non transportés en camions polluants ! Bref, de modifier votre comportement dans les faits concrets et de voter avec nous les projets écologiques que nous présentons ! Mais j'en doute quand même, parce que, lors d'une dernière séance, je me souviens que vous aviez déjà de la peine à accepter une journée sans voitures - une journée dans l'année !
Quoi qu'il en soit, nous acceptons cette motion, et nous nous réjouissons de travailler sur des projets de développement durable. (Applaudissements.)
M. René Desbaillets (L). Je trouve dommage que cette motion sur le développement durable dérape tout de suite au niveau politique et que l'on commence à donner des noms de partis ! (Exclamations.)
Pour moi, le développement durable concerne tous les citoyens qui sont aujourd'hui confrontés au problème de la pollution. Et nous nous apercevons que nous fonçons à grande vitesse - par TGV et gros camions interposés - droit dans le mur.
Pour moi, travailleur de la terre, le développement durable est inhérent à ma profession. On nous a transmis un sol de génération en génération, et nous espérons pouvoir transmettre ce sol à nos enfants et à nos petits-enfants, un sol qui puisse continuer à produire et à nourrir la population.
Ce qui me fait peur dans ce développement durable, c'est qu'on va en discuter dans les universités, dans des grands colloques, etc. Or, le développement durable s'apprend avec la pratique ! Et pour moi ce sont surtout les praticiens qui doivent discuter de ces problèmes et non des grands théoriciens qui n'ont jamais tenu un marteau ou un râble dans la main !
Je propose que cette motion soit renvoyée à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
M. Claude Aubert (L). J'ai une question à poser aux motionnaires à propos de leur demande d'instituer une chaire pour l'enseignement de cette problématique à l'université de Genève. Que devient, par rapport à cette chaire, l'Institut universitaire d'études du développement ? Est-ce un oubli de leur part ou est-ce un désaveu ?
M. Charles Beer (S). Il est vrai que cette motion s'inscrit dans la tradition d'un certain nombre de motions proposées par le groupe radical au Grand Conseil, dans une rubrique qu'on pourrait intituler «motions semestrielles sur l'enseignement»... La première du genre portait sur l'enseignement de l'instruction civique, suivie de l'enseignement de l'informatique et, maintenant, de l'enseignement du développement durable... Il y en a une à peu près une tous les six mois: j'ai vérifié le rythme et c'est un cycle d'activité qu'il faut relever !
On peut d'un côté saluer cette volonté du groupe radical d'aviver la discussion sur l'enseignement et sur les programmes, mais, quelquefois, le calendrier joue des mauvais tours, Messieurs les radicaux... Pourquoi ? Parce que, comme vous avez un semestre de retard en raison, précisément, des retards dans nos travaux parlementaires, cette motion se télescope, au niveau de l'agenda, avec la motion que nous traiterons au point 38 qui demande un moratoire sur les réformes scolaires et pédagogiques... Alors, d'un côté, vous demandez qu'on revoie sans arrêt l'enseignement et, juste après - ou plutôt simultanément - vous demandez qu'on arrête les expériences pédagogiques... Merci pour la cohérence ! (Applaudissements.)
M. Claude Blanc (PDC). Je voulais m'exprimer seulement sur la proposition de renvoi en commission, puisque c'est bien de cela dont il s'agit...
Le président. Oui, vous avez raison !
M. Claude Blanc. Je voulais dire que je trouverais préférable que cette proposition de motion soit renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur, puisque la principale invite consiste à élaborer un projet académique visant à introduire l'enseignement du développement durable. Il me semble donc que c'est bien dans cette commission qu'il faut la renvoyer pour examiner s'il faut ou non introduire un tel enseignement sur ce sujet.
Le président. Vous avez raison, Monsieur Blanc ! D'ailleurs, les chefs de groupe ont aussi proposé de la renvoyer à la commission de l'enseignement supérieur. Nous y reviendrons tout à l'heure. Monsieur Dupraz, vous avez la parole.
M. John Dupraz (R). Je réponds à la question qui a été posée par M. Aubert tout à l'heure.
Il ne s'agit pas de dénigrer ce qui a été fait par d'autres instituts. Mais nous estimons que c'est un thème et, entre guillemets, une nouvelle «science» qu'il faut développer et enseigner. Je pense dès lors que le Conseil d'Etat trouvera la formule pour ne pas détruire ce qui est en place et qu'il cherchera plutôt à le renforcer en trouvant des synergies dans cet institut.
Quant aux remarques de M. Beer, elles relèvent du charlatanisme primaire, polémiste, syndicaliste de petite envergure ! Nous avons l'habitude de ses propos, nous n'y prêtons plus attention !
Le président. Si vous ne voulez pas vous faire ramasser, arrêtez de provoquer ! Monsieur Unger, vous avez la parole.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Monsieur Dupraz, soyez toute ouïe, pour une fois que le Conseil d'Etat va vous proposer de recevoir directement une motion issue de vos rangs... Profitez de ce bonheur rare et de cette petite musique douce !
En effet, Mesdames et Messieurs, le problème du développement durable, chacun des groupes l'a dit, est un problème qui préoccupe notre parlement depuis longtemps et autour duquel se construit un consensus.
Evidemment, sur la manière, les uns ou les autres y voient des choses différentes. Au point même qu'on pourrait imaginer renvoyer cette motion à trois commissions: celle de l'enseignement, celle de l'enseignement supérieur ou celle de l'environnement...
En réalité, Mesdames et Messieurs, si cette motion peut être renvoyée dans trois commissions, c'est qu'elle doit être renvoyée directement au Conseil d'Etat pour que, de manière concertée, le département de l'instruction publique et le département de M. Cramer puissent vous répondre dans les meilleurs délais et de manière intégrée.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes tout de même saisis d'une proposition de renvoi en commission, et je pense qi'effectivement il devrait s'agir de la commission de l'enseignement supérieur. Etes-vous d'accord ? Alors, je mets d'abord aux voix la première proposition qui a été faite par M. Desbaillet, soit de la renvoyer à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
M. René Desbaillets (L). Monsieur le président, je me rallie à la proposition du Conseil d'Etat. Les deux départements l'examineront.
Le président. Bien, nous allons alors voter sur le renvoi en commission de l'enseignement supérieur... (Le président est interpellé par M. Dupraz.)Monsieur Dupraz, il y a eu une autre propositions de faite ! Vous n'avez qu'à la refuser, c'est simple !
Mise aux voix, le renvoi de cette proposition de motion en commission est rejeté.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons maintenant sur la motion.
Mise aux voix, la motion 1427 est adoptée.
Débat
Mme Anne-Marie Von Arx Vernon (PDC). Nonobstant l'aspect trop personnalisé de cette motion sur lequel je ne m'appesantirai pas, il est néanmoins intéressant pour les usagers de ces services et les collaboratrices et collaborateurs qui y travaillent de se pencher sur leur fonctionnement, toujours perfectible.
Par exemple, il est particulièrement utile de renforcer les collaborations entre ces services et, surtout, de faciliter l'étude des dossiers qu'ils ont en commun. Il est également opportun de travailler de façon transversale, afin d'économiser des souffrances et des déceptions aux bénéficiaires des prestations offertes par ces services.
Il est également logique d'économiser des deniers publics par une plus rapide information destinée aux professionnels sur les stratégies éducatives et thérapeutiques mises en place par les collègues concernés.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC vous invite à accepter cette motion et à la renvoyer à la commission de contrôle de gestion.
Le président. Il y a là une contradiction, Madame: on ne peut pas à la fois accepter la motion et la renvoyer en commission !
Madame de Haller, vous avez la parole.
Mme Jeannine De Haller (AdG). Effectivement, la commission de contrôle de gestion est actuellement en train de se pencher sur les éventuels dysfonctionnements au sein de l'office de la jeunesse. Je vous propose donc aussi d'y renvoyer cette motion pour qu'elle y soit examinée en même temps.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de contrôle de gestion.
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Cette motion vise à recentrer l'école publique sur sa mission fondamentale, soit la transmission des connaissances, le maintien des notes à l'école primaire et l'instauration d'un moratoire des expériences pédagogiques.
N'en déplaise à notre collègue M. Beer, en déposant cette proposition de motion, le groupe radical ne souhaite pas autre chose que transmettre et redonner au Grand Conseil sa compétence d'exercer son pouvoir de contrôle démocratique sur l'institution scolaire.
Sujet tabou, champ d'intérêts corporatistes, crainte d'affronter la réalité, règne de la technocratie, confiance aveugle accordée aux spécialistes, c'est-à-dire à ceux qui savent... Eh bien, cet ensemble de non-dits, de critiques voilées a débouché sur une vague de mécontentement qui touche tous les acteurs, du corps enseignant, surtout du primaire confronté à une rénovation discutable, en passant par les parents déboussolés par une succession de réformes discutables, mal digérées ! Ce mécontentement a finalement atteint l'ensemble de la société civile et en particulier, et c'est très important, les entreprises formatrices qui n'acceptent plus les lacunes et les carences scolaires des jeunes filles et des jeunes gens qui désirent poursuivre leurs études ou entrer en apprentissage.
Ce mécontentement, Mesdames et Messieurs les députés, est aussi à l'origine de l'apparition de mouvements de contestation qui s'expriment à l'intérieur même de l'institution. Fondateurs de l'école publique, laïque, obligatoire et gratuite, les radicaux genevois refusent de laisser pourrir une situation qui a d'ailleurs été sanctionnée par des mauvais résultats en comparaison nationale et internationale.
Les mauvaises performances des potaches genevois en calcul, en lecture, en sciences, sont inadmissibles dans une République qui se targue d'être à la pointe du progrès dans le domaine pédagogique et qui engage des moyens financiers considérables dans l'instruction publique. Genève a l'école la plus chère de Suisse, mais obtient les moins bons résultats, y compris pour la formation professionnelle ! Très engagé dans le secteur de la formation et de l'apprentissage, je ne sais plus quoi dire aux artisans, aux chefs d'entreprises qui se plaignent depuis une vingtaine d'années du mauvais niveau des jeunes gens et des jeunes filles qui souhaitent entrer en apprentissage.
Mesdames et Messieurs les députés, est-il normal de faire passer des tests de calcul à des candidats à la formation de boulangers ou de plombiers ? Pourquoi le centre de formation de l'Etat devrait-il sélectionner les candidats si le niveau des acquis au sortir de l'école obligatoire était suffisant ?
Certes, les populations d'enfants et d'adolescents ont changé: Genève est multiculturelle, mais cela n'explique pas tout. Preuve en est le résultat d'un audit qui avait montré que le taux d'échec était moins élevé chez les apprentis-carrossiers qui avaient accompli leur scolarité obligatoire au Portugal que chez les apprentis qui avaient fait leurs écoles à Genève.
Mesdames et Messieurs les députés, cette motion se veut constructive et positive tant à l'égard des enseignants que du DIP. Il ne s'agit pas d'une déclaration de guerre à l'institution scolaire, mais, au contraire, d'une volonté d'apaiser l'institution en marquant une pause dans les réformes, d'évaluer la situation et, surtout, de garantir l'acquisition des connaissances par la jeunesse de ce canton. Car, sans connaissances solides, il n'y a ni autonomie, ni responsabilité, ni, surtout, intégration durable dans la vie sociale et professionnelle.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). En gros, le niveau de l'école baisserait... Les élèves ne respecteraient plus rien et n'accepteraient plus de fournir aucun effort... Les réformes scolaires se succéderaient les unes aux autres... L'école ne jouerait plus son rôle de transmission du savoir au profit d'activités ludiques, etc., etc.
Ces propos sont mis en relation avec les résultats de l'enquête PISA, enquête internationale concernant des élèves qui ont encore subi des évaluations sous forme de notes et qui n'avaient pas encore été soumis aux réformes contestées avant leur mise en vigueur.
Dans le fond, Messieurs les radicaux, vos propos sont passéistes et nostalgiques d'un temps qui est révolu. Ils nient l'évolution de la société et la reconnaissance des droits de l'élève.
La société a changé, Messieurs, les femmes, par exemple, ont conquis le marché du travail, les pères, par contre, n'ont pas encore investi les foyers et les responsabilités d'éducation des enfants dans la même mesure ! Ce qui peut peut-être aussi expliquer certaines choses...
Et que diriez-vous aujourd'hui si on vous proposait de renoncer, par exemple, à vos téléphones portables et à vos ordinateurs ?
M. Claude Blanc. Ce serait une très bonne chose !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Moi, personnellement, je ne veux pas de votre école pour mes enfants et mes petits-enfants ! Je veux une école qui apprend aux élèves comment se débrouiller dans la vie. Elle ne doit pas dresser des moutons, mais, ensemble, avec les parents, elle doit éduquer les enfants pour qu'ils ou elles deviennent des citoyens et des citoyennes créatifs, critiques, imaginatifs.
Par ailleurs, l'enfant n'est pas un récipient que l'on remplit comme une carafe d'eau. Il ou elle doit apprendre à raisonner, comprendre, se positionner, bref, à être autonome et libre. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif... Un enfant qui a perdu tout plaisir à apprendre n'enregistrera rien du professeur le plus strict et le plus autoritaire qui soit...
Pour soutenir vos thèses, Mesdames et Messieurs, vous vous appuyez sur les parents d'élèves. Or, les parents d'élèves ne sont pas encore homogènes... Il y a ceux et celles qui voient leur passé avec des lunettes roses... On sait que l'imaginaire sur l'école est plus fort que tout le reste, car on veut croire à la nostalgie de l'enfance heureuse que l'on ne retrouvera plus jamais. On croit que notre école était la meilleure, alors que nous en avons tous et toutes aussi bavé... Et que dire de tous ces adultes que j'ai rencontrés lors de mon activité syndicale qui ne voulaient plus mettre les pieds à l'école, car ils ont été traumatisés !
Pour mes enfants, je souhaiterais qu'il et elle aient encore envie d'apprendre de nouvelles choses à 20, 30, voire à 60 ans. Pour permettre à tous et à toutes de profiter du monde du savoir, il faut donner les moyens nécessaires à l'école. Or, les mesures d'économies dans le domaine de l'éducation émanent notamment du parti radical. Comme les Finlandais nous le démontrent, il faut des moyens importants pour permettre à l'école publique d'être performante: pas d'économies pour l'éducation !
Les dépenses pour l'éducation devraient par ailleurs figurer dans les dépenses d'investissement, car l'argent mis dans l'éducation est un investissement pour l'avenir de notre pays.
Chose encore plus importante: en Finlande, pays qui a, semble-t-il, les meilleurs élèves, les politiciens n'insultent jamais l'école publiquement. Le professionnalisme de ses serviteurs est une vertu cardinale. A mon avis, c'est là aussi que se situe le problème de l'école genevoise.
En effet, je me rappelle encore le début des années 90: la crise de la fonction publique et les insultes contre le corps enseignant qui ont fusé dans cette enceinte. Cela a laissé des traces, Messieurs ! Et je trouve touchant, aujourd'hui, que le parti radical défende ce même corps enseignant, alors qu'il n'avait pas hésité à cracher dans la soupe auparavant... C'est vrai, c'était à la mode à l'époque !
Comme c'est aujourd'hui à la mode de tout mettre sur le dos de l'école. Regardez comment nous fonctionnons ici - et je rejoins sur ce point les propos exprimés par M. Aubert tout à l'heure - et l'exemple que nous donnons aux jeunes avec les débats indisciplinés, les insultes qui fusent, le brouhaha, la non-écoute des autres !
Quant à la réintroduction des notes qui n'ont encore jamais été abolies, ce n'est à mon avis pas aux politiques d'en décider. Quand je constate les bêtises que vous avez écrites au sujet de la rénovation et notamment du socioconstructivisme, qui est tout sauf une attente passive des enseignants et enseignantes face aux élèves, je préfère faire confiance aux pédagogues, qui, je vous le rappelle, ne doivent pas être réélus et n'ont donc pas besoin de faire des propositions démagogiques...
Ces personnes sont sur le terrain. Elles sont encore heureusement persuadées du bien-fondé d'une école différenciée, qui préserve d'ailleurs un peu de la compétition effrénée et malsaine de notre société. L'école doit répondre aux besoins des élèves et non l'inverse. Elle doit essayer d'instaurer l'égalité des chances entre tous et toutes. Par ailleurs, en pariant sur «l'éducabilité» de chacun et chacune, en instaurant des cycles de quatre ans, au lieu d'une année, on donne plus de place à l'enfant pour prendre du recul et voir comment il apprend. Il n'y a pas une seule méthode valable pour tout le monde, et je crois que M. Claude Blanc sera d'accord avec moi sur ce point: à l'école aussi tous les chemins mènent à Rome !
Le groupe socialiste n'a pas envie que la démagogie entre à l'école, ni de s'arrêter dans l'exploration de nouveaux chemins et de nouvelles méthodes pédagogiques, car qui n'avance pas recule... C'est seulement ainsi que nous pourrons construire une société qui permettra à toutes ses composantes de vivre de manière harmonieuse.
Nous sommes néanmoins d'accord que l'école publique doit aujourd'hui faire l'objet d'une discussion et même d'une discussion entre hommes et femmes politiques, et nous ne refusons pas le débat...
Le président. Vous devez conclure, Madame la députée !
Mme Maria Roth-Bernasconi. Et c'est pour cette raison que nous sommes d'accord avec le renvoi de cette motion en commission, avec l'espoir que les radicaux apprendront quelque chose sur l'école moderne et comment se profiler intelligemment en tant que parti d'opposition.
Mme Ariane Wisard (Ve). Transmettre des savoirs, telle est la mission première de l'école. Personne dans cette assemblée ne mettra en doute cette évidence, et insinuer que notre école ne respecte plus cet objectif est une insulte à tous les enseignants genevois.
L'école n'est pas une institution figée, mais, à l'image de la société, elle est en perpétuelle mutation, ce qui a toujours obligé le monde enseignant à s'interroger sur les choix des matières ainsi que la façon de les transmettre. Cela demande un important effort d'adaptation et contribue à rendre ce métier particulièrement éprouvant. On pourrait croire que certains viennent de découvrir cet état de fait...
Ainsi de nouvelles matières sont apparues ces dernières années dans les programmes scolaires de nos enfants: l'allemand démarre en troisième primaire, alors que l'informatique, l'anglais et l'éducation citoyenne ont fait leur entrée dans toutes les sections du cycle d'orientation.
Des branches comme l'histoire, la géographie, la biologie, ne sont effectivement plus enseignées comme il y a dix ans. Personne n'a remis fondamentalement en question ces choix intelligents, qui satisfont une grande majorité des partenaires de l'école. La manière de transmettre le savoir selon le stéréotype du professeur seul actif dans la classe n'est aujourd'hui plus pensable et certainement pas souhaitable.
L'enjeu pédagogique consiste à rendre les élèves plus responsables et plus participatifs dans leurs acquisitions. Bref, il s'agit pour l'école de rendre les élèves acteurs de leur apprentissage.
S'emparer de l'enquête PISA pour remettre en question les réformes entreprises actuellement et s'appuyer sur les résultats de cette étude pour incendier l'école genevoise relève de la mauvaise foi, voire du populisme, car les élèves genevois qui ont participé à l'étude PISA réalisée en 2000 venaient tous de neuvième année du cycle d'orientation et n'ont jamais été concernés par les réformes pédagogiques tellement décriées par le parti radical.
Toutefois, pour certains, PISA semble être un indicateur suffisant pour stopper toutes ces réformes. Alors, attardons-nous sur le cas du premier de classe de l'étude, à savoir la Finlande. Comment s'organise l'école finlandaise ? Elle fait tout d'abord le pari de l'intégration et non pas celui de la sélection. Ses buts sont de promouvoir l'égalité et la participation des élèves. Les classes sont donc toutes hétérogènes et tous les élèves suivent le même enseignement de base durant les neuf années de scolarité obligatoire. Un dixième degré est par ailleurs possible. Les enfants commencent leur scolarité à 7 ans et l'achèvent donc à 16 ou 17 ans. Il n'y a pas de notes à l'école primaire. Celles-ci n'apparaissent qu'en septième. Les effectifs sont relativement bas: vingt élèves par classe. Et, en classe, la présence d'un assistant en plus de l'instituteur permet de travailler en petits groupes afin de respecter les différents rythmes d'apprentissage des élèves.
La pédagogie appliquée se base sur les compétences, les expériences et les initiatives personnelles des élèves. Dès qu'ils savent lire, les enfants reçoivent une adresse électronique et apprennent à créer une page Internet. Dès la troisième, débute l'apprentissage d'une langue étrangère. Tous les élèves en difficulté profitent d'un appui individualisé. En septième, bien qu'il soit toujours en classe hétérogène, l'élève compose une partie de son programme en choisissant des options. Deux évaluations nationales sont prévues par année. Ces tests permettent à chaque école de s'auto-évaluer. Toutes les écoles jouent le jeu et considèrent ces épreuves comme un outil nécessaire à l'amélioration de leur enseignement. L'idée n'est pas de créer une compétition entre établissements ou de glorifier la meilleure école - d'ailleurs, ces évaluations ne sont pas publiées - mais plutôt de rétablir un équilibre en réallouant certaines ressources des écoles obtenant de bons résultats à celles rencontrant plus de difficultés. Bel exemple de civisme !
De longs débats politiques ont eu lieu avant l'instauration de ce modèle d'école et, comble d'ironie, c'est le parti centriste des paysans qui a fait pencher la balance en faveur des réformes scolaires en Finlande. Le parti radical finlandais serait-il meilleur visionnaire que celui de Genève ?
Vous avez certainement pu mettre en parallèle des manières de faire finlandaises avec quelques réformes genevoises en cours. Pour une fois, serait-il justifiable de copier sur le premier de la classe ? Encore faudrait-il donner les moyens nécessaires à l'école genevoise pour pouvoir optimiser ses réformes, par exemple en diminuant les effectifs des élèves par classe et en améliorant encore le soutien aux élèves en difficulté.
Le groupe des Verts est conscient du rythme élevé des réformes entreprises ces dernières années dans les ordres d'enseignement et des répercussions qu'elles ont eues sur le monde enseignant. Mais nous ne pensons pas que le gel des réformes soit la chose la plus intelligente à proposer. Par contre, une plus grande concertation et une meilleure information de tous les partenaires de l'école contribueraient certainement à réinstaller un climat de confiance qui favoriserait la mise en oeuvre de ces réformes, quitte à prendre un peu de retard dans le timing imposé par la direction du DIP.
Nous ne pensons pas que les invites de cette motion aillent dans le bon sens: demander à l'école de faire ce qu'elle fait déjà est absurde et proposer une pédagogie d'il y a trente ans, même si vous êtes convaincus que les générations d'avant savaient plus et mieux, ne nous semble pas crédible.
Messieurs les radicaux, vous réagissez trop tard ! Plutôt que de détruire ce qui a déjà été construit, respectez le travail remarquable déjà réalisé dans le cadre de ces réformes dans bien des établissements scolaires !
Messieurs les radicaux, respectez également le méritoire effort d'adaptation accompli par un grand nombre d'enseignants et donnez à l'école les moyens de construire l'école du XXIe siècle ! Les enseignants ont besoin de l'appui et de la confiance des parents, de leur direction et des politiques pour remplir leur mission. Les Verts ne soutiendront donc pas cette motion.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons de clore la liste des intervenants. Vous êtes encore huit ou dix... Je mets aux voix cette proposition.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Mme Janine Hagmann (L). C'est tout de même avec un certain sourire que je prends la parole ce soir...
Le président. Ce soir ? Il est 11h10...
Mme Janine Hagmann. Aujourd'hui, pardon ! ...et mon sourire s'adresse à nos cousins et amis radicaux, qui sont assez peu constants dans leur mode de pensée... (Rires.)
Depuis que je siège dans cette enceinte - ce qui fait déjà quelques années - il y en a eu des textes qui ont été pondus, pondus et encore pondus par les radicaux ! Et combien de fois les radicaux n'ont-ils même pas soumis leurs textes aux autres groupes, car ils estiment que l'école c'est leur chose, qu'ils sont les chantres de l'école !
C'est vrai, Mesdames et Messieurs les radicaux, que pendant de très nombreuses années vous avez eu de grands fonctionnaires - tous des radicaux - qui avaient des postes clés dans l'enseignement. Les choses ont un peu changé, puisque maintenant beaucoup de gens de gauche occupent des postes clés à la tête du département, et peut-être que cela a une influence pour vous.
Moi, j'ai fait comme M. Beer, j'ai repris les mémoriaux et j'ai regardé ce que vous aviez pondu et signé seuls ces dernières années... Premièrement, la troisième heure de gym obligatoire. Ensuite, l'instruction civique qui devait être chiffrée et évaluée par des épreuves, l'informatique, le bilinguisme, aujourd'hui même le développement durable, la diététique, la posture du dos, les cours avec les pompiers, la sécurité et j'en passe...
J'ai enseigné, et je sais donc combien d'éléments extérieurs au savoir tel que vous le concevez interviennent. Et puis, aujourd'hui, toc: virage à 180 degrés, moratoire, il faut tout arrêter et enseigner les maths, le français et, à partir de là, on ne fait rien d'autre !
M. Albert Rodrik. Et les sciences !
Mme Janine Hagmann. Et les sciences, oui ! Et puis il faudra quand même bien mettre l'informatique et le développement durable, puisque vous le demandez aujourd'hui. Moi, ce que j'aime bien avec l'enseignement, c'est que, comme tout le monde est allé à l'école dans cette enceinte...
M. Albert Rodrik. Plus ou moins ! (Rires.)
Le président. Des fois, on peut se le demander !
Mme Janine Hagmann. ...et qu'on a tous des enfants ou des petits-enfants qui fréquentent l'école, on se sent tous habilités à émettre un jugement et à dire comment il faut faire, c'est-à-dire comme on faisait de notre temps !
Et puis, en fait, on a complètement oublié une chose, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que la pédagogie est devenue une science... Et même une science très importante à Genève. Depuis 1912, quand Edouard Claparède a créé l'Institut des sciences de l'éducation, une grande évolution a eu lieu. On ne faisait plus les choses d'une façon intuitive, on les faisait d'une façon scientifique.
Et maintenant, vous voudriez qu'on en revienne aux idées toutes faites en matière d'enseignement qui avaient cours il y a quelque vingt, trente, quarante ans ! A l'époque, vous devez vous en souvenir - c'est peut-être comme cela que vous avez commencé - on était persuadé qu'on allait apprendre le français aux enfants de deuxième primaire en leur répétant tous les lundis matins la même phrase qui commençait ainsi: «C'est le matin, Jean se lève...». Dans «C'est le matin», il y a un «c'», dans «Jean se lève», il y a un «s», personne ne comprenait pourquoi, mais on devait l'apprendre... Vous pensez que c'est cela qui a conduit les gens à savoir l'orthographe ? Il n'y a qu'à voir les mails que l'on s'envoie les uns les autres: il est très rare qu'ils soient sans faute d'orthographe ! Je pense que c'est une erreur d'opposer une école qui transmet des connaissances à une école qui développe des compétences. Les deux sont évidemment nécessaires !
L'enquête PISA, d'ailleurs, a mesuré pour la première fois des compétences qui s'appuient sur des connaissances. Demander un moratoire signifie revenir à la situation antérieure... Cela n'a pas de sens ! La rénovation est en marche. Ce qu'il faut demander, c'est une évaluation de cette rénovation et une évaluation rapide. Cette rénovation n'est pas encore généralisée et nous devons savoir où elle en est. Et si quelque chose ne va pas, nous, députés, nous pourrons demander des améliorations pour que cette rénovation passe mieux. Mais de là à dire que vous voulez un moratoire ! Et puis cette page de réclame que vous avez fait passer dans la «Tribune de Genève» voulant comparer une école humaniste à une école humanitaire... C'est puéril !
Presque tous mes préopinants ont cité la page du journal «Le Temps» qui a fait une grande enquête sur la Finlande, sortie première de l'enquête PISA. Tout le monde peut sortir ce qu'il veut de cet article. Moi, Madame Wisard, je n'ai pas retenu les mêmes passages que vous ! Ce qui m'intéresse beaucoup, c'est que le bien de l'enfant en Finlande est placé au centre de l'enseignement. N'est-ce pas ce que nous avons demandé ici avec la rénovation ? C'était notre cheval de bataille !
L'avantage que je vois, c'est que cette motion amène un débat politique intéressant. Je regrette personnellement que Mme Brunschwig Graf ne soit pas là aujourd'hui, parce qu'elle aurait probablement beaucoup de choses à vous dire. Mme Brunschwig Graf a eu le courage - pour moi, cela représente un très grand courage politique - d'aller justement à contre-courant du «populisme» - ce terme me gêne un peu, mais il y a tout de même un peu de cela.
Vous dites que la suppression des notes a été une aberration... Alors, un, elles n'ont pas encore été supprimées partout; deux, on dit tout et n'importe quoi, puisqu'il n'a jamais été décidé que les notes seraient supprimées pour le passage d'un cycle à un autre, et trois, je suis une fervente défenseur de l'enseignement sans notes, mais pas sans évaluation... L'évaluation, c'est tout à fait autre chose !
J'ai montré tout à l'heure à mon voisin - je l'ai prise au hasard - l'évaluation qui se fait maintenant dans les carnets scolaires où il n'y a plus de notes. Mais vous rendez-vous compte du temps que passent les enseignants à faire ces évaluations ? C'est dix fois plus parlant que des notes ou des lettres ! On se rend beaucoup mieux compte de l'évolution de l'enfant. Et puis, un enfant peut avoir un quatre de moyenne en ayant un deux, un quatre, puis un six, mais un autre peut avoir la même moyenne en ayant un six, un quatre, puis un deux. Croyez-vous que l'évolution de ces deux enfants soit la même ? (Exclamations.)
Le président. Il va falloir conclure, Madame !
Mme Janine Hagmann. Nous verrons tout cela en commission. Le groupe libéral pense que c'est une bonne chose que ce débat soit posé sur la place publique et qu'on puisse enfin prouver à la commission tout ce qui est vrai et tout ce qui ne l'est pas. Mais, je vous en prie, ne revenez pas à une école qui n'a plus sa raison d'être à Genève ! (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Follonier, vous avez la parole. Je vous prie de ne vous exprimer que sur le renvoi en commission.
M. Jacques Follonier (R). J'aimerais commencer par une remarque liminaire: je ne peux pas souscrire à la défense corporatiste de Mme Roth-Bernasconi et je crois qu'effectivement il n'est pas de notre ressort de défendre le corps enseignant, mais bien plus de défendre l'école. Et, effectivement, c'est plus le rapport enseignants/école qui nous intéresse que la profession d'enseignant en elle-même.
Cela dit, j'en reviens à la motion. Cette motion part du bon sens...
Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission, s'il vous plaît !
M. Jacques Follonier. Il faut quand même savoir qu'effectivement à Genève nous avons vécu une «réformite aiguë», importante, qui a souvent mal été comprise et même, bien souvent, mal été appliquée. La complexité de ces réformes fait en sorte que les enseignants, comme les élèves, voire les parents, restent souvent perplexes face à ces nouveautés.
On évoque cette motion, mais en réalité, quel est son but ? Même si nous renvoyons cette motion en commission, j'espère que tout le monde comprendra que son but est constructif.
Cette motion comporte deux aspects importants. Tout d'abord, elle demande un moratoire sur les réformes. Moratoire ne signifie pas retour en arrière, cela signifie que l'on évalue ces réformes.
Tout le monde parle du rapport PISA, et c'est d'ailleurs assez regrettable parce qu'il y a d'autres choses bien plus importantes que le rapport PISA. En se penchant sur le rapport de Marcellus, on s'aperçoit qu'effectivement aussi bien les élèves que les enseignants souhaitent retrouver un certain niveau d'autoritarisme. Alors, pourquoi l'école a-t-elle de la peine à se retrouver alors que, finalement, les deux protagonistes sont d'accord...
Le président. Monsieur le député, exprimez-vous sur le renvoi en commission ! C'est la deuxième fois que je vous le demande, Monsieur ! Sinon, je me verrai contraint de vous interrompre !
M. Jacques Follonier. Très bien ! Je peux quand même peut-être dire, Monsieur le président, que je regrette que le DIP ait pris la même décision que nous, qu'il ait pris une année sabbatique - j'espère que ce ne sera pas une année de congé... J'aimerais qu'une évaluation sérieuse de la situation soit effectuée et que ce travail soit fait en commission. Je ne voudrais pas que cette évaluation soit faite à la «retirette», comme on le dit parfois à Genève. Il faut faire un catalogue des réformes, aussi bien les anciennes que les nouvelles et celles qui sont à venir, et qu'on puisse déterminer clairement leur utilité afin de savoir - et c'est cela qui est important et qu'on ne doit pas oublier - s'il faut les continuer, s'il faut les modifier ou s'il faut les annuler.
C'est vrai, il faut garder fermement à l'esprit que l'école a un rôle à jouer, que son devoir est de transmettre un savoir - nous le savons - et que nous, adultes, devons entreprendre tout ce qui est possible pour que tout cela se fasse le mieux du monde. Si nous y parvenons, ce sont bien sûr nos enfants qui nous diront merci: ne les oublions pas !
Il y a quelque chose de très simple à faire: renvoyons cette motion en commission de l'enseignement sans amendement, de manière à laisser la commission travailler librement et correctement !
M. Robert Iselin (UDC). Je serai relativement bref, parce que bien des arguments ont été avancés de part et d'autre.
L'UDC soutient pleinement la motion 1442 et son renvoi en commission.
Quoi qu'on dise, les résultats de l'enquête PISA, en ce qui concerne Genève, sont atterrants et, comme le dit une association de certains professeurs - je pense à ARLE - on a procédé à l'érotisation des études... (Rires et exclamations.)On n'enseigne plus l'effort et le goût du travail. Je dois vous dire que j'ai pu constater certains dégâts faits sur mes propres enfants il y a déjà quelques années... L'enseignement de l'allemand, qui est une langue difficile, a été rendu absolument incolore, insipide et inodore: la grammaire, on n'en parle plus, c'est trop difficile à apprendre !
Quant à augmenter les moyens financiers - nous avons déjà le système le plus cher de Suisse ! - de l'enseignement, ceux-ci sont déjà surdéveloppés, avec les résultats désastreux que l'on sait !
Beaucoup se sont étendus sur l'expérience finlandaise... Permettez à quelqu'un qui a vécu quelques mois en Finlande, sans chercher à apprendre le finlandais - je vous signale qu'en finlandais il y a vingt-deux cas et que tous les mots se déclinent, alors apprendre le finlandais, ce n'est pas possible - de vous parler des Finlandais. Il faut connaître la race finlandaise... (Exclamations.)Ce sont des gens durs, ce sont des bosseurs, ce sont des gens qui ont une nuit extrêmement longue durant tout l'hiver ! Et si vous croyez que les enfants finlandais ne fichent rien à l'école et qu'ils ne sont pas soumis à une grande discipline, eh bien, vous vous trompez complètement !
Et c'est la raison pour laquelle la Finlande a des résultats extraordinaires: parce qu'on exige beaucoup de leurs enfants. Et on n'exige plus rien des nôtres, à l'école primaire notamment !
De même, on peut remarquer que la France, dans le rapport PISA, est finalement meilleure que nous, avec moins de moyens...
Je vous suggère vivement de renvoyer cette motion en commission, afin qu'elle y soit bien étudiée, et je puis rejoindre MM. les libéraux, qui ne sont pas tout à fait libres dans leur manière de penser puisque, évidemment, le tout est proposé par quelqu'un de leur parti qui est au gouvernement... (Exclamations.)Si vous permettez que je termine... (Le président agite la cloche.)...je puis me rallier aux libéraux sur l'opportunité de ce débat qui est extrêmement utile !
M. Rémy Pagani (AdG). Bien que tout ait été dit sur cette motion... (L'orateur est interpellé.)Non, justement, il y a une facette du problème sur laquelle M. Barrillier s'arc-boute pour dire que tout doit être changé dans l'école, qu'il faut tout revoir et, notamment, geler la réforme ! M. Barrillier s'appuie sur un soi-disant bon sens professionnel pour dire que les enfants qui sortent de l'école ne savent plus le français, pas plus qu'ils ne savent calculer... M. Barrillier oublie de dire quelles sont les exigences des patrons ! Il prend l'exemple d'un patron mythique qui demanderait à ses apprentis ou à ses employés qu'ils sachent lire et écrire. Or, aujourd'hui, on demande beaucoup de choses à l'ensemble des employés de ce canton, et je ne pense pas que M. Barrillier puisse me contredire... Le patronat a véritablement une liste importante d'exigences professionnelles.
Par exemple, on demande plus d'autonomie. Comment va-t-on satisfaire à cette demande, Monsieur Barrillier ? Ce n'est pas uniquement en sachant écrire, calculer, compter, que les enfants deviennent autonomes !
On demande plus d'esprit de synthèse. Monsieur Barrillier, comment allez-vous leur donner un esprit de synthèse avec vos procédés simplistes ?
Plus de productivité. Cela veut dire aller beaucoup plus vite, rationaliser son travail, Monsieur Barrillier. Sur ce point aussi, ce n'est pas en sachant écrire, calculer, compter, qu'ils vont y arriver !
Plus d'informatique aussi. Plus de flexibilité - il faut travailler plus à certaines périodes et moins à d'autres.
Plus de formation continue. C'est aussi un gros problème, car il est difficile de motiver des gens en procédant ainsi. Il y a vingt ans, on sortait de l'école avec un certain bagage, qui suffisait pour toute sa vie professionnelle. Aujourd'hui, on exige des employés qu'ils se forment perpétuellement pour s'adapter à la révolution technologique. Monsieur Barrillier, comment allez-vous résoudre ce problème ? En écrivant des pamphlets, comme vous l'avez fait dans les journaux?
On demande plus de langues. Devant un tour à commandes numériques, Monsieur Barrillier, je vous le rappelle, il faut savoir au moins deux ou trois langues: le français, l'allemand et l'anglais !
Je trouve démagogique cette manière de faire de la politique en imaginant pouvoir revenir à l'école de nos grands-parents - qui était une école tout à fait respectable - tout en absorbant tous les nouveaux enseignements pour répondre aux exigences nouvelles. L'école, en fait, doit maintenant apprendre à apprendre: tel est son objectif, car il faut pouvoir remettre en cause son savoir quasiment toutes les années. Et cela, vous ne le dites pas dans votre motion, et c'est pour cela que nous y sommes - si j'ose dire - radicalement opposés !
Cela étant, je vais revenir à une chose beaucoup plus concrète, c'est la question de l'évaluation. On comprend bien la situation du parti libéral qui cherche à la fois à défendre sa magistrate, Mme Martine Brunschwig Graf, et à ménager la chèvre et le chou, car, dans le fond, les libéraux n'ont pas tellement de recettes à apprendre du parti radical sur les procédés ultra-libéraux... ( Exclamations.)Madame Hagmann, vous essayez de sauver cette motion en disant qu'il faudra évaluer les réformes, mais je vous rappelle qu'une grande erreur a été commise lors de la réforme du cycle d'orientation, notamment concernant la mise en place de l'hétérogénéité. A savoir qu'on se retrouve, vingt ans après, avec des cycles qui appliquent l'hétérogénéité et d'autres pas, parce qu'à un certain moment une demande d'évaluation a été faite et qu'on s'est arrêté au milieu du gué ! Si c'est le risque que veut prendre ou veut faire prendre le parti libéral à la réforme, à l'ensemble des réformes, qu'elles soient critiquables ou non, en soutenant - même si c'est en prenant des gants - une partie de cette motion, nous n'y sommes pas favorables !
Il faut mener ces réformes à terme pour pouvoir procéder à cette évaluation, avec toutes les critiques exprimées. Ce n'est pas le moment - au milieu du gué - de procéder à cette évaluation, car celle-ci - et c'est bien la volonté du parti radical - bloquerait tout le processus.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais appliquer l'article 78 de notre règlement, qui dit ceci: «Au cours de la délibération, les propositions suivantes peuvent être formulées: a) le renvoi en commission; b) l'ajournement». A l'alinéa 3, il est dit que, lorsqu'une telle proposition est formulée, un seul député par groupe peut encore s'exprimer ainsi que le rapporteur et le Conseil d'Etat. Puis la proposition est mise aux voix. Par conséquent, au vu des députés qui se sont déjà exprimés, seul M. Schmied, pour le PDC, peut encore prendre la parole.
M. Patrick Schmied (PDC). Je serai très rapide. Le groupe PDC soutient énergiquement le renvoi en commission... (Brouhaha.)Si M. Mouhanna veut bien me laisser parler ! ...et se réjouit d'un débat sérieux.
En effet, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez été capables aujourd'hui d'exprimer un nombre de lieux communs assez impressionnant, et il serait utile de se mettre au travail sérieusement !
Même si la motion radicale paraît excessive, il est urgent de débattre, car la performance de l'école genevoise, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas si brillante que cela - pour rester poli - et il faut avoir le courage de voir la situation en face. Cette performance est mauvaise pour les enfants, comme l'a indiqué M. Barrillier, mais aussi pour les enseignants que Mme Wisard prétend défendre et qui souffrent suffisamment du joug des expériences pédagogiques, socioconstructivistes ou non.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de nous mettre au travail très rapidement en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée.
Préconsultation
M. Yvan Galeotto (UDC). Nous ne sommes pas contre le principe de ce crédit, mais la somme de 85 millions, soit 7 727 000 F sur onze ans, nous paraît toutefois exagérée. On ne sait pas la distance que requiert la pose de ces installations antibruit: il est donc impossible d'en établir le coût. Et, de plus, le problème de l'évolution constante des divers matériaux engendre également une différence des coûts. En effet, chaque année sortent de nouvelles technologies et il n'est pas possible d'établir le coût sur une période aussi longue - onze ans - surtout si on voulait rester au top des possibilités.
Le problème d'impact sur le paysage urbain et suburbain, joint à l'efficacité réelle de ces murs antibruit en rapport avec la hauteur des bâtiments jouxtant ces routes, n'est pas défini. Il nous faut donc des projets concrets et ponctuels.
En examinant également le budget déjà voté du pont de l'Ecu, on s'aperçoit que les frais d'insonorisation sont déjà compris dedans. Que de flou !
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre votera non à ce projet.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Ce projet de loi est très explicite. Il reconnaît la gravité du problème du bruit. Il reconnaît qu'un habitant sur quatre supporte une charge sonore trop élevée. Il reconnaît que des milliards ont déjà été dépensés en Suisse pour lutter contre les nuisances sonores et il reconnaît qu'il faut d'abord prendre des mesures à la source. Mais, dans ce projet de loi, aucun montant n'est prévu pour ces mesures...
On doit cependant reconnaître que sur certains grands axes routiers comme la route du Pont-Butin, le pont de Lancy ou l'avenue de l'Ain, la circulation a atteint un tel seuil que ce n'est plus du tout vivable pour les habitants. Mais alors il faut être honnête et avouer que, sur ces routes, aucune mesure antibruit ne sera suffisante et qu'il faudra bien, soit cesser de construire des immeubles locatifs, soit les transformer en surfaces commerciales. Nous allons d'ailleurs déposer un projet de déclassement allant dans ce sens sur les bordures des grands axes routiers.
Mais, avant toute chose, le mieux pour les Verts serait de prendre les mesures en amont pour éviter d'enfermer les gens dans des bunkers et de concevoir tout l'aménagement selon la suprématie des transports routiers.
Pour nous, il y a donc trois premières mesures antibruit.
Premièrement, réduire le trafic en augmentant les prestations TPG. D'ailleurs, nous sommes saisis d'un projet de loi qui est le plan directeur des transports publics et qui coûtera dans les 20 millions, ce qui est quand même moins cher que 85 millions...
M. Claude Blanc. C'est le jour de la grève que cela allait le mieux !
Mme Sylvia Leuenberger. Il faudra inciter l'usage du vélo ou la marche à pied. Deuxième chose, il faudra réduire la vitesse, car on sait très bien que celle-ci est un facteur de bruit. Pour ce faire, il faut intensifier les contrôles soit policiers, soit au niveau des émissions sonores des moteurs... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
Mme Sylvia Leuenberger. Il faut pour cela également modifier le comportement des gens. C'est-à-dire qu'il faut former et informer les conducteurs qu'il y a des manières de conduire beaucoup plus écologiques, et la nouvelle loi sur la circulation routière va le permettre. Mais pour cela il faut de l'argent et ce projet de loi n'a prévu aucun montant à cet effet.
Nous souhaitons que ce Conseil soutienne nos projets qui iront dans le sens d'une limitation du bruit des voitures.
Nous acceptons le renvoi de ce projet de loi en commission, tout en pensant qu'il faut prendre d'autres mesures.
M. Gabriel Barrillier (R). Ce crédit doit permettre à notre canton de concrétiser la stratégie de lutte contre les nuisances du bruit routier prévue par la législation fédérale. Il est vrai qu'un habitant sur quatre supporte une charge sonore trop élevée. Les mesures dont il est question dans ce projet de loi concernent essentiellement les revêtements routiers dits «phono- absorbants».
L'industrie et les entreprises spécialisées ont fait d'énormes progrès pour offrir des revêtements qui réduisent considérablement le bruit de roulement des véhicules. Des enrobés nouveaux peuvent diminuer les bruits routiers de 8 décibels, soit environ 80% de moins. Ajoutée aux autres mesures à la source - et je suis très sensible à ce qui vient d'être dit à ce sujet - et sur l'environnement, la pose de nouveaux revêtements antibruit doit être réalisée sans tarder.
A cette occasion, j'aimerais lancer une idée à la commission des travaux qui va étudier ce projet de loi et qui pourrait s'interroger sur le problème général de l'entretien des routes qui sont en mauvais état dans notre canton et dans notre ville. Si vous passez, par exemple, à la place des Eaux-Vives, vous aurez l'impression - M. Ferrazino n'est plus là, je ne sais pas si c'est lui qui est responsable de ce secteur - de traverser un carrefour en Calabre en 1950... (Rires.)
Je souhaiterais donc que la commission des travaux se penche sur la meilleure façon d'entretenir à long terme le réseau routier, par exemple en octroyant des concessions d'entretien, sur dix ou vingt ans, sur tronçons, à des entreprises spécialisées mises en soumission.
Pour être bref, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie, au nom du groupe radical, de bien vouloir renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux.
M. Dominique Hausser (S). L'Ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit (OPB) est assez claire: la lutte contre le bruit commence par la lutte contre les sources de bruit et poursuit en traitant les effets du bruit.
Ce projet de loi, même si l'exposé des motifs parle des problèmes d'émission du bruit, ne traite finalement que des effets et essaye de les réduire. Cela a été dit, le transport individuel privé augmente, il est générateur de bruit, de pollution de l'air, et leurs coûts ne devraient pas être pris en charge par la collectivité - car, par ce crédit d'investissement prélevé sur les recettes fiscales, on fiscalise et on socialise les nuisances au profit des pollueurs.
Bien entendu, nous examinerons ce projet de loi en commission, mais nous nous demanderons si nous ne devons pas appliquer le principe du pollueur-payeur, et, finalement, proposer parallèlement une augmentation de l'impôt auto... (Exclamations.)...de manière à financer ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Christian Ferrazino (AdG). Deux mots en réponse à votre observation, Monsieur Barrillier, observation au demeurant tout à fait pertinente. En effet, vous avez pris un exemple - ils sont nombreux en Ville de Genève, car c'est précisément la Ville de Genève qui subit le plus de nuisances dues au trafic automobile - mais vous auriez dû relever le paradoxe de cette situation: que la commune qui subit le plus de nuisances dues au trafic automobile ne touche pas un centime de participation de la part du canton pour tenter de remédier à ces nuisances !
Et le projet de loi - je m'empresse de le dire - qui est largement soutenu par l'Alliance de gauche devrait être complété, Monsieur Barrillier, par une participation en faveur de la Ville de Genève pour lui permettre, justement, de prendre des mesures visant à remédier à une situation qui - je vous l'accorde et je suis de cet avis - n'est pas tolérable. Et il n'y a pas que la place des Eaux-Vives ! Je peux vous dire que c'est en Ville de Genève que nous dénotons le plus de rues qui dépassent les valeurs limites et les valeurs d'alarme, et nous nous employons à trouver des solutions.
Je peux aussi vous dire, et vous le savez tout comme moi, que les différentes propositions qui sont visées dans ce projet de loi ne pourraient pas être plaquées ipso facto en Ville de Genève: on ne pourra pas faire des murs antibruit à l'intérieur de nos quartiers... (L'orateur est interpellé.)Vous savez qu'avec les procédés les plus développés techniquement on arrive à une amélioration de deux à trois décibels, en ce qui concerne le revêtement bitumineux.
M. Claude Blanc. C'est déjà pas mal !
M. Christian Ferrazino. C'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas suffisant pour bon nombre d'artères en Ville de Genève, et, bien évidemment, une des solutions les plus efficaces, c'est de diminuer la charge de trafic sur bon nombre de ces artères.
Simplement - et c'est le deuxième paradoxe que je voulais relever - si l'ensemble des aménagements sont aux frais de la municipalité, les décisions, elles, qui visent à prendre un certain nombre de mesures en amont, sont de la compétence du canton...
Voilà un paradoxe supplémentaire, qui vous montre la nécessité, en l'occurrence, non seulement de donner une suite favorable à ce projet de loi, mais de souhaiter qu'il puisse être suivi d'un complément en faveur, précisément, des mesures à prendre pour les voies de circulation qui dépassent les valeurs d'alarme et qui sont situées en Ville de Genève.
Le président. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes en débat de préconsultation. Je ne peux donc pas donner la parole ni à M. Desbaillets ni à M. Koechlin.
Monsieur Muller, vous avez la parole.
M. Mark Muller (L). Le groupe libéral acceptera bien entendu le renvoi en commission de ce projet de loi.
C'est l'occasion cependant, en préambule, de rappeler que nous ne sommes pas ici en présence d'une proposition qui vise à lutter contre le trafic automobile. Nous sommes en présence d'une proposition de crédit d'investissement pour assainir le réseau routier et pour lutter contre le bruit.
On nous dit, sur les bancs des Verts et sur les bancs des socialistes, que la lutte contre le bruit devrait en fait se concrétiser par une lutte contre les causes du bruit et non pas contre les effets du bruit. Eh bien, ce n'est ni l'un ni l'autre, Mesdames et Messieurs ! Nous sommes ici pour lutter contre le bruit, pas contre les causes du bruit ni contre les effets du bruit ! (Exclamations.)
Par ailleurs, M. Hausser propose d'appliquer le principe du pollueur-payeur... Eh bien, c'est exactement ce que vous suggère le Conseil d'Etat: en proposant d'utiliser les deniers publics pour lutter contre le bruit, nous appliquons le principe du pollueur-payeur, puisque c'est par le biais des impôts que nous allons financer ce crédit, impôts payés par ceux-là mêmes qui utilisent le réseau routier, c'est-à-dire vous et moi, c'est-à-dire le contribuable genevois ! Nous appliquons donc ici bel et bien le principe du pollueur-payeur.
M. Claude Blanc (PDC). Lutter contre le bruit, c'est lutter contre la source et contre les effets du bruit. En fait, on est obligé de lutter d'une manière globale contre le bruit.
Alors, je peux bien admettre que les Verts, notamment, essayent de lutter contre le bruit à la source, mais ce bruit à la source existera toujours, parce que vous ne pourrez pas, contrairement à ce que vous rêvez de faire, contraindre les Genevois, qui sont, je le rappelle, les plus motorisés du monde. On nous dit parfois qu'un très grand nombre de personnes sont au-dessous du seuil de pauvreté chez nous et, en même temps, nous serions les plus motorisés du monde... Je n'ai jamais réussi à comprendre ce paradoxe ! Mais cela est un détail.
Lutter contre le bruit à la source, c'est bien, mais il faut aussi lutter contre les effets du bruit, c'est-à-dire qu'il faut que les infrastructures participent à la lutte contre le bruit, car il est indéniable que, si l'infrastructure des routes est suffisamment améliorée, ce sera tout bénéfice sur l'émission de bruit, en tout cas sur la perception qu'en ont les habitants.
Maintenant, quant à savoir comment on va financer ces mesures, je rappellerai à M. Hausser que, pour ce qui est de l'impôt auto, on a déjà donné... On attend d'ailleurs toujours une réponse de Mme Spoerri pour savoir si la récente modification de l'impôt auto qui a été votée l'année dernière était vraiment neutre. Comme elle ne nous donne toujours pas cette information, j'imagine qu'elle a quelque chose à nous cacher... Je n'en sais rien ! Nous l'attendons...
Monsieur Ferrazino, j'aimerais vous dire que si la Ville de Genève doit supporter la plus grande partie de la circulation et, par conséquent, des frais importants pour entretenir ces voies de circulation, c'est aussi parce que la Ville de Genève concentre en son sein le plus grand nombre d'emplois et qu'elle encaisse une somme non négligeable des impôts des personnes qui habitent dans les autres communes. Il ne faut tout de même pas oublier que les impôts payés par tous ceux qui habitent dans les autres communes et qui travaillent en Ville servent précisément à cela, Monsieur Ferrazino, et non à payer un casino qui va être fermé parce que vous n'avez pas su le gérer ! Voilà ! (Rires et exclamations.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce projet de loi résulte simplement d'une obligation de droit fédéral: nous devons assainir la situation. Les règles du jeu sont d'ailleurs claires: il faut tout d'abord agir à titre préventif à la source, ensuite sur la voie de propagation du bruit et, en dernier lieu seulement, si les résultats ne sont pas satisfaisants, sur le lieu d'émission. C'est cette politique que nous entendons suivre, c'est celle qui est conforme au droit fédéral.
Ce crédit comporte d'ailleurs une subvention de la Confédération à hauteur de 49%, ce qui signifie qu'il reste à charge du canton 43 millions sur dix ans, à peu près, donc une dépense d'un peu plus de 4 millions par année.
Vous avez dit, Monsieur le représentant de l'UDC, que tout cela n'était pas très clair: je suis d'accord avec vous qu'un certain nombre de décisions doivent encore être prises quant à la possibilité, précisément, d'intervenir le plus possible à la source, ou alors, là où ce n'est malheureusement plus possible, d'intervenir par des murs antibruit, qui sont l'avant-dernière solution avant les mesures d'isolation des façades.
Mais nous n'oublions pas le programme amont. C'est évidemment par là qu'il faut commencer, mais comme cela n'est pas suffisant - plusieurs d'entre vous l'ont rappelé - des mesures constructives et d'infrastructure doivent être prises. Il s'agit aussi bien des revêtements phono-absorbants que des modifications de voies de circulation, qui ont un effet sur le niveau sonore, que de l'ensemble de la panoplie des mesures.
Je souhaite que votre non d'aujourd'hui se transforme en oui en commission, lorsque vous aurez pu constater que, si nous ne présentons pas un paquet totalement ficelé, c'est parce que nous essayons encore d'améliorer au maximum les propositions concrètes, tronçon par tronçon, précisément pour intervenir le plus en amont possible.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.
Préconsultation
M. Mark Muller (L). C'est la première fois que nous abordons la LDTR au cours de cette législature... Ce n'est probablement pas la dernière.
Cela étant, rassurez-vous, ce premier projet de loi modifiant la LDTR ne pourra pas laisser penser qu'il comporte une volonté de démanteler les acquis sociaux ou de s'attaquer à la protection des locataires dans ce canton.
Le but essentiel de ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, outre un problème de technique législative et de systématique que je passerai sous silence - je vous prie de bien vouloir vous référer à l'exposé des motifs à ce sujet - est de faciliter les démarches des propriétaires d'immeubles locatifs du canton en faveur des économies d'énergie et en faveur de la production d'unités d'énergie renouvelable. Vous savez, Mesdames et Messieurs, que l'une des priorités de la politique de la Confédération en matière d'énergie, c'est en particulier d'inciter les propriétaires d'immeubles et, également, les industries à limiter la consommation d'énergie. Cet objectif, qui se concrétise sur le plan fédéral par le programme «SuisseEnergie», se heurte à Genève à la LDTR, puisque les propriétaires qui souhaiteraient entreprendre certains travaux destinés à économiser l'énergie ne peuvent pas rentabiliser normalement ces travaux et ne peuvent notamment pas répercuter le coût de ces travaux sur les loyers.
L'objet de ce projet de loi est de supprimer cet obstacle à la réalisation des objectifs fédéraux d'économies d'énergie. Nous souhaitons que la commission du logement examine ce projet avec bienveillance.
M. Carlo Sommaruga (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous examinons effectivement aujourd'hui le premier projet de loi que l'Entente dépose, dans le cadre de la nouvelle législature, pour modifier la LDTR... Vous pourrez voir que d'autres points de l'ordre du jour, que nous traiterons également aujourd'hui, attaquent cette loi.
Que faut-il constater ? Il s'agit en fait de voir que l'Entente, malgré un vote populaire en septembre 1999 sur la nouvelle teneur de la LDTR votée par l'ancienne majorité, s'attaque, tranche par tranche, à cette loi. Et chaque fois, sous des prétextes fallacieux...
Dans le projet de loi que vous avez aujourd'hui sous les yeux, on veut nous faire croire que le démantèlement partiel de la LDTR serait en fait motivé par la nécessité de prendre des mesures pour favoriser les économies d'énergie. Je tiens à préciser - c'est la position du parti socialiste - que nous sommes tout à fait favorables à ce que des mesures d'économies d'énergie soient prises dans le cadre de rénovations d'immeubles.
Cependant, une dérogation existe déjà aujourd'hui dans la LDTR. Lors du débat en 1999 au sujet de la limite des loyers entre 2400 et 3225 F la pièce après travaux de rénovation, il avait été introduit, d'ailleurs à la demande des Verts, une exception, justement, pour les travaux destinés à introduire des installations d'énergies renouvelables, voire pour les travaux destinés à une économie d'énergie entraînant une baisse des charges des locataires. Il y avait une limite supérieure à 3500 F la pièce. C'est-à-dire qu'une marge suffisante avait été prévue exprès, lorsqu'il y avait des travaux supplémentaires dans le cadre de la rénovation, pour atteindre une limite qui permettait de les intégrer.
Aujourd'hui, ce n'est pas cela qui est visé par la loi. Il ne s'agit pas de permettre des travaux entraînant des économies d'énergie, mais bien plus de faire sauter une des mesures sur la limite des loyers !
En effet, derrière un discours sur des mesures d'économies d'énergie et sur des prétendues mesures de technique législative, on vient pour la première fois attaquer la limite supérieure des loyers après rénovation. Le but précis de cette loi est bien d'attaquer la première tranche. C'est inadmissible, dans la mesure où, je vous le rappelle, la LDTR vise à maintenir dans les appartements des personnes à bas et moyens revenus ! Et cette possibilité est garantie uniquement par des loyers maximum après rénovation. Ce n'est pas la primauté de l'investissement qui est pris en considération, contrairement à ce que souhaitent effectivement les partis de l'Entente, mais c'est la primauté des capacités des locataires. Or, on tente là d'inverser cette logique et de favoriser le rendement du capital plutôt que d'aider des personnes à accéder aux logements bon marché.
Cela n'est pas souhaitable ! Cela n'est pas admissible, même !
Il est donc nécessaire d'être extrêmement clairs et extrêmement attentifs sur ce point. Dans ce cadre-là, nous ne pouvons que dénoncer, comme je le disais tout à l'heure, cette manoeuvre qui consiste, moins de trois ans - je dis bien moins de trois ans - après un vote populaire où une majorité de la population a accepté la modification de la LDTR, à revenir par la bande en essayant de contourner cette volonté populaire. Pour ce motif, nous nous opposerons à ce projet de loi dans le cadre de nos travaux de commission.
M. Christian Grobet (AdG). Ce projet de loi s'inscrit effectivement dans une série de projets que les députés de l'Entente ont décidé de déposer pour remettre en cause la protection des locataires. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard avec certains projets de lois qui ont une portée plus importante que celui-ci.
Cela étant, ce projet de loi, comme vient de le dire notre collègue, M. Sommaruga, implique un certain nombre d'incidences négatives.
J'aimerais tout d'abord relever un point qui pourrait peut-être faire l'objet d'un agrément de notre part: inscrire dans la loi les loyers qui, d'après la jurisprudence, correspondent aux besoins prépondérants de la population, c'est-à-dire cette fourchette entre 2400 et 3225 F, puisque c'est effectivement, de mémoire, les montants qui correspondent à ces besoins.
Toutefois, le projet de loi demande d'ores et déjà une réadaptation de ce montant tous les deux ans en fonction de l'évolution du revenu brut fiscal médian des contribuables personnes physiques. Cette clause est extrêmement large et pourrait donner lieu à des augmentations excessives de ces montants. C'est la raison pour laquelle il faudra examiner attentivement en commission ce que représente ce revenu brut fiscal médian et quelle a été son évolution ces dernières années, pour voir quels auraient été les effets de cette adaptation. Nous faisons donc toutes réserves à l'égard de cette adaptation de la fourchette des loyers correspondants aux besoins prépondérants de la population, parce qu'on atteint de plus en plus souvent le loyer de 3225 F la pièce et qu'évidemment, pour un quatre ou cinq pièces, c'est un loyer qui, déjà aujourd'hui, dépasse les possibilités économiques d'une grande partie de la population.
C'est la raison pour laquelle nous devons également émettre toutes les réserves concernant le fait de libérer du plafond certains travaux destinés aux économies d'énergie. Il va sans dire que nous sommes favorables à ces travaux, mais nous ne sommes pas du tout convaincus qu'il soit nécessaire de dépasser le plafond de 3225 F pour réaliser ces travaux. Il serait intéressant de voir de manière générale à combien est estimé le coût de tels travaux et quelles seraient leurs implications sur les loyers.
En l'état actuel des choses, sans avoir des chiffres précis, nous estimons que ce projet de loi ne peut pas être accepté tel qu'il a été rédigé.
M. Hugues Hiltpold (R). En guise de préambule, je tiens à rappeler que la LDTR fut modifiée en 1999, année au cours de laquelle est apparue la codification de cette notion de loyer répondant aux besoins prépondérants de la population. Or, il faut préciser que cette notion de loyer s'applique pour tous les travaux de démolition, reconstruction, qui sont soumis à la LDTR, mais ne s'applique pas directement aux travaux de transformation.
Une des propositions de ce projet de loi est de compléter, dans le chapitre transformations, cette notion de loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, ce qui a le mérite de la clarification.
La seconde des propositions, qui est somme toute la plus intéressante et la plus importante, c'est la mise en place de mesures incitatives pour favoriser les économies d'énergie. Il faut savoir qu'en cas de travaux de transformation les loyers précités n'encouragent pas les propriétaires à effectuer des travaux destinés à économiser l'énergie.
Or - il faut le savoir et cela a été rappelé par mes préopinants - la Confédération a lancé une campagne de sensibilisation aux économies d'énergie, campagne qui confie aux cantons la tâche d'améliorer les économies d'énergie dans les bâtiments.
Genève, au jour d'aujourd'hui, doit se doter des moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs. Et cela doit passer bien évidemment par une incitation très forte pour les propriétaires à entreprendre volontairement des travaux destinés à ces économies d'énergie.
Il est vrai - cela a été rappelé par mes préopinants également - que la LDTR, dans sa teneur actuelle, permet de dépasser exceptionnellement les loyers en cas d'exécution de travaux destinés aux économies d'énergie, mais nous estimons que cela n'est pas suffisamment incitatif.
En guise de conclusion, je crois que ce projet de loi ouvre le débat général sur les économies d'énergie et toutes les modifications législatives qui y sont liées en matière de logement, et qu'il nécessitera, de fait, une étude approfondie et consensuelle, raison pour laquelle le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet de loi à la commission du logement.
Mme Michèle Künzler (Ve). Bien sûr, nous sommes en faveur des économies d'énergie ! Bien sûr, nous voulons des installations qui produisent de l'énergie renouvelable ! Mais pas à n'importe quel prix et pas n'importe comment !
Ce projet de loi - c'est vrai - est une première mesure pour s'attaquer à la LDTR et les projets suivants - nous le voyons bien - s'attaquent aussi au prix à la pièce. Leur but est bien de supprimer dans la loi la référence chiffrée à un prix à la pièce ou à un prix de loyer. Nous ne pouvons pas accepter cela !
Par contre, il est vrai que nous pouvons tout à fait entrer en matière sur ce projet de loi, mais en respectant la proportionnalité. On ne peut pas reporter n'importe quels travaux sur le locataire. On ne peut pas davantage prétexter de n'importe quels travaux de rénovation pour augmenter le prix du loyer. Parce qu'au fond c'est cela que prévoit ce projet de loi: un dépassement non plus exceptionnel mais général ! Et cela, nous le refusons !
M. Pascal Pétroz (PDC). Quand j'étais plus jeune... (Exclamations.)Bon, quand j'étais gamin ! (Rires.)Je ne suis pas encore près de la retraite... Quand j'étais gamin, donc...
M. Claude Blanc. Mais tu l'es toujours !
M. Pascal Pétroz. ...on m'a expliqué qu'en politique il y avait d'un côté la droite, qui était appelée «les conservateurs», et de l'autre la gauche, qui était appelée «les progressistes»...
Force est de constater que cette notion n'est bien évidemment plus vraie aujourd'hui, pour autant qu'elle l'ait été un jour... Nous assistons véritablement à un conservatisme de gauche dans le cadre de ce débat ! Je crois qu'aucune loi n'est intangible et l'idée est toujours d'essayer d'aller de l'avant, d'améliorer le système quel qu'il soit.
Moi, je crois que nous devons avancer. Nous sommes en préconsultation. Il y a lieu de renvoyer ce projet en commission. Tous les débats auront lieu en commission du logement et ce n'est à mon avis pas dans le cadre de cette enceinte ni à ce stade que ce débat doit avoir lieu.
Par conséquent, je crois que nous devons cesser nos discussions sur ce projet et le renvoyer en commission du logement.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le maintien du niveau des loyers des appartements locatifs à un montant abordable est l'un des axes centraux de la LDTR et celui-ci doit être fermement maintenu. Le principe des économies d'énergie est évidemment lui aussi, à l'heure du développement durable, un principe qui doit être fermement défendu.
Première remarque: la mise en application de ces deux principes n'est pas forcément contradictoire. Dans un certain nombre de cas, fort heureusement, on peut parfaitement maintenir les loyers à un niveau abordable et prendre des mesures en faveur des économies d'énergie.
S'il arrive - et je ne peux pas contester que cela se produise - que des travaux destinés à économiser l'énergie posent ensuite le problème des loyers, il convient effectivement de résoudre cette contradiction et de la résoudre en évitant - c'est ce qu'il faudra examiner attentivement en commission - que, de ce fait, les loyers n'explosent. Il faut trouver un mécanisme qui permette de garantir et le niveau des loyers et l'exécution des travaux visant des économies d'énergie. Cela me paraît un but tout à fait louable et s'il est vrai que certains des projets de l'Entente qui remettent en cause la LDTR sont inacceptables, parce que touchant véritablement le fond de la protection des locataires, dans ce projet précis, Monsieur Muller, vous avez mis le doigt sur un vrai problème qu'il convient de traiter et pour lequel il convient de trouver une solution qui n'entraîne aucune dérive.
Petite remarque, Monsieur Grobet, sur le revenu fiscal médian des personnes physiques. C'est le texte de la loi actuelle qui a été repris purement et simplement, ce n'est pas une introduction par les auteurs de ce projet de loi. Et, pour éviter que vous ne demandiez pour quelle raison il n'a pas été réévalué, puisque les deux ans sont écoulés, je vous précise d'ores et déjà que l'administration fiscale à ce jour, compte tenu du passage au postnumerando, n'est pas en mesure de fournir les chiffres du revenu fiscal médian des contribuables personnes physiques. Elle ne le pourra qu'après l'enregistrement des déclarations B 2001. Nous aurons ces chiffres à ce moment-là seulement et nous prendrons alors les décisions qui s'imposent, nous en débattrons selon les circonstances.
Voilà, Mesdames et Messieurs, j'ose espérer que, sur ce point, la commission du logement pourra trouver une formule destinée à permettre la poursuite des deux buts que, je crois, nous visons tous: maintien des loyers à un niveau abordable et promotion des économies d'énergie.
Ce projet est renvoyé à la commission du logement.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous suspendons nos travaux et nous les reprendrons cet après-midi à 14h10.
La séance est levée à 12h10.