Séance du
jeudi 25 avril 2002 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
7e
session -
31e
séance
PL 8359-A
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Tout d'abord, pour définir le cadre de nos débats, nous allons prendre, si une majorité se rallie aux propositions d'amendements que j'ai formulées il y a de cela au moins six mois, nous allons donc adopter une disposition qui ne prendra effet que dans 50 ans, puisque la concession de l'aéroport se renouvelle toutes les cinquante années. Il nous paraissait important de le faire dans la mesure où, le statut de l'aéroport ayant changé, notre parlement n'a quasiment plus rien à dire sur le devenir de cet aéroport et qu'un certain nombre de choses importantes, notamment au niveau des conditions climatiques de la planète, vont arriver. Nous trouvons pour le moins déplorable que l'opinion d'un parlement démocratiquement élu soit passée sous silence, alors que le conseil d'administration de l'aéroport, aussi bien pensant soit-il, a le pouvoir de dire et de faire ce qu'il entend sans être le porte-parole de qui que ce soit, si ce n'est d'être les dignes représentants de fractions de notre population. C'est la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés il y a de cela une année, puisque le renouvellement de la concession de l'aéroport n'a pas donné lieu à une prise de position de notre parlement. Le Conseil d'Etat a tout juste été consulté sur cet objet, mais il appartenait au conseil d'administration de l'aéroport de demander le renouvellement de la concession et de procéder lui-même à l'ensemble des études, notamment de l'impact écologique de cet aéroport, ce qui nous paraît relativement partial.
Sur le fond de cette affaire, nous estimons qu'un certain nombre de voisins, on ne se trouve certes pas, avec l'aéroport de Genève-Cointrin, dans la situation de Kloten, mais toujours est-il qu'un certain nombre de nos voisins français ont émis des critiques quant à l'impact de l'aéroport. Nous estimons qu'il s'avère nécessaire, pour la collectivité genevoise, de développer cet instrument économique tout en essayant d'en contrôler son développement. Or, ce qui nous interpelle, Mesdames et Messieurs, c'est par exemple la volonté de l'Aéroport international de Genève de prévoir une augmentation de trafic de 100% en terme de passagers et de 40% en terme de mouvements d'avions d'ici 2020. Si l'on tient compte de l'évolution technique des appareils, on enregistre évidemment une baisse du bruit des moteurs ou de la consommation de kérosène. Mais l'impact du bruit en continu se fait déjà sentir aujourd'hui et l'on ne peut pas imaginer pour l'instant doubler le nombre de passagers et augmenter de 40% les vols d'avions dans notre région sans en limiter les conséquences. Voilà, Monsieur le président, pour une première intervention.
M. Alain Charbonnier (S). Au moment du vote de ce projet de loi en commission de l'économie, la concession était déjà octroyée. C'est la raison principale pour laquelle les commissaires socialistes se sont abstenus. Toutefois, il est vrai que nous nous devons de penser à l'avenir, même si 50 ans peuvent paraître lointains. Comme l'a relevé, lors de son audition, la nouvelle association constituée d'une quarantaine de communes suisses et françaises riveraines de l'aéroport, l'étude d'impact accompagnant la demande de nouvelle concession ne porte que sur 20 ans, alors que la concession porte, elle, sur 50 ans, et s'arrête de plus à la frontière suisse. Cette étude d'impact arrive à la conclusion que les nuisances n'augmenteront pas et qu'aucune mesure particulière ne sera à prendre afin de protéger la population, malgré l'augmentation considérable du trafic - 100 à 150% prévus à l'aéroport international de Genève pour les 20 ans à venir. Cela a de quoi laisser songeur n'importe quel être humain pourvu de ses deux oreilles et normalement constitué. S'il faut effectivement reconnaître les progrès de l'aéronautique et l'importante diminution des émissions de décibels des avions modernes, l'augmentation dramatique des fréquences de décollages et d'atterrissages se doublera d'une montée en puissance des nuisances pour les riverains de l'aéroport, mais aussi pour ceux qui se trouvent sous la trajectoire des appareils.
Si nous ne remettons pas en cause et reconnaissons pleinement l'importance de l'AIG pour l'économie genevoise et pour les relations internationales de notre Cité, la qualité de vie et la santé des citoyens ne peuvent être négligées de la sorte. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste se ralliera au rapport de minorité.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts soutiennent pleinement le rapport de minorité, ainsi que l'amendement présenté par M. Pagani. D'autant plus que si l'aéroport devait changer de forme juridique, la question de la concession pourrait se reposer plus rapidement que prévu.
Pour les Verts, il est fondamental que le renouvellement de la concession passe par la concertation et par l'approbation du Grand Conseil. En effet, le développement des activités liées à l'aéroport ne doit pas échapper au contrôle démocratique. 28 000 personnes environ sont directement lésées par les nuisances liées au trafic aérien. Nous craignons une augmentation phénoménale de ce trafic. L'impact routier lié à l'aéroport est catastrophique. Par ailleurs, nous nous opposons à toute dérogation en faveur du trafic aérien entre 22 h et 06 h 30, sauf pour les transports sanitaires. Les surtaxes liées au bruit doivent être fixées par l'office fédéral de l'environnement et non pas par l'aéroport lui-même.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est indispensable que le parlement puisse se prononcer et que l'on ne confie pas l'avenir de l'aéroport aux seuls gestionnaires, dont l'unique ambition est de rentabiliser une infrastructure en la développant à outrance.
M. Jacques Jeannerat (R). Inutile, c'est le seul qualificatif que mérite ce projet de loi, parce que, dans l'ordre juridique de notre pays, le renouvellement ou la modification de la concession d'un aéroport relève clairement et exclusivement de la compétence de la Confédération. Le droit cantonal ne peut pas se superposer au droit fédéral. Il est important de rappeler que ce type de concession est un acte très court, qui donne simplement le droit d'exploiter un aéroport pour une durée de 50 ans. Par contre, toutes règles de fonctionnement, telles que procédures de vol, heures d'ouverture, mesures environnementales, figurent dans un règlement d'exploitation. Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer ce soir ne concerne que la concession et pas du tout le règlement d'exploitation. La question des formes et de l'étendue du contrôle politique de notre aéroport n'a donc rien à voir avec ce projet de loi. Il devra se discuter dans le cadre de l'examen des projets de lois 8201 et 8298 relatifs à la loi sur l'aéroport international de Genève.
S'agissant de votre amendement, Monsieur Pagani, le simple fait de le déposer illustre parfaitement l'incohérence qu'apporte ce projet de loi.
Le groupe radical rejettera ce projet de loi et invite le Grand Conseil à en faire de même. L'Alliance de gauche pourra toujours le redéposer dans le courant de l'année 2050, puisque l'actuelle concession court jusqu'au 31 mai 2051 !
Enfin, je constate que ce projet de loi de l'Alliance de gauche s'inscrit une fois de plus dans l'objectif de perturber la bonne marche de notre aéroport, alors que sa direction se bat dans le même temps depuis plusieurs mois pour fournir un service de haute qualité aux citoyens genevois, à l'économie de ce canton et à la Genève internationale.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Je n'ai pas voulu utiliser tout de suite mon temps de parole pour écouter un petit peu ce que les gens allaient dire. J'ai bien entendu M. Pagani et je voudrais lui répéter - cela a d'ailleurs déjà été excellemment précisé par M. Jeannerat - que nous sommes ici exclusivement dans le droit fédéral et que nous n'avons pas à légiférer sur la question du renouvellement de la concession. L'office fédéral de l'aviation civile a lancé une consultation en temps utile en vue du renouvellement de la concession de l'aéroport de Genève. Il y avait un délai pour répondre, qui était, sauf erreur, de six mois. Un certain nombre de personnes ont fait valoir des observations, qui ont été traitées directement par l'organe fédéral, conformément à la législation fédérale. Vous n'avez pas le droit de vous interposer aujourd'hui dans un processus dépendant uniquement de l'organisation fédérale, puisque l'aviation civile dépend uniquement, dans notre pays, de la législation fédérale. Par conséquent, vous pouvez gesticuler tant que vous voulez, vous pouvez même voter une loi, mais celle-ci restera sans effet, parce que l'administration fédérale la considérera comme telle, car contraire au droit supérieur. Voilà ce qu'il faut dire. Tout le reste n'est que gesticulation.
M. Jean Rémy Roulet (L). Mes deux préopinants m'ont ôté le pain de la bouche, parce que vous trouvez l'argument massue contre cette loi très explicitement mentionné en page 21 de l'excellent rapport de M. Blanc. A cette page 21 s'exprime le directeur de l'office fédéral de l'aviation civile, M. André Auer, au cours d'une audition devant la commission de l'économie : «Il rappelle que le droit cantonal ne peut se superposer au droit fédéral, et que celui-ci prévoit que tout le domaine de l'aviation civile relève de la compétence exclusive de la Confédération. Il n'est donc pas possible légalement de dire que tout renouvellement de la concession doit être soumis à l'approbation du Grand Conseil.» Point à la ligne, serais-je tenté de dire ! Nous observons par ailleurs, de la part de l'Alliance de gauche, le même type de violation du droit supérieur lorsqu'il s'agit par exemple de demander une exemption de la TVA pour les TPG.
Ce projet de loi a nécessité plusieurs auditions, la rédaction d'un rapport conséquent et encore une fois fort bien fait par mon collègue Blanc. Quelle est la conclusion de ce rapport ? Ce projet est nul et non avenu. Que propose alors l'Alliance de gauche, sachant que ce projet est nul et non avenu ? Un amendement ! Le groupe libéral profitera de son temps de parole pour proposer le rejet pur et simple de cet amendement, qui précise : «Avant d'être soumis à l'approbation de l'autorité compétente, tout projet de renouvellement ou de modification de la concession de l'aéroport et de son règlement d'exploitation est soumis préalablement à une enquête publique et, au terme de celle-ci, à l'approbation du Grand Conseil qui se détermine sous forme de résolution.» Ainsi, on veut en fait se soustraire à cette obligation pour soumettre l'aéroport aux mêmes cautèles politiques que précédemment.
Je propose donc le rejet pur et simple de ce projet de loi et de son amendement, dans lequel il y a une vicissitude de plus, car le Grand Conseil devrait se prononcer sur le règlement d'application de l'aéroport. Je vous laisse imaginer si tel devait être le cas pour le règlement d'application ou de fonctionnement de la STEP d'Aïre, des HUG, des TPG, etc. Nous passerions notre temps à régler des problèmes de gestion interne. Nous faisons ici de la politique. C'est pour cette raison que je vous invite à rejeter en bloc et fermement le projet de loi en question.
Le président. Petite précision, Monsieur le député. Nous ne nous prononcerons pas sur les amendements si l'entrée en matière est refusée.
M. Christian Grobet (AdG). Sans vouloir faire une boutade, j'aimerais dire à M. Blanc qu'il méconnaît la portée du droit fédéral aussi bien que notre président méconnaît la portée du règlement du Grand Conseil !
La question de la délivrance de la concession relève bel et bien, cela va sans dire, de la compétence de l'autorité fédérale. Mais, comme beaucoup de lois fédérales, la loi fédérale sur la navigation aérienne donne néanmoins des compétences aux autorités cantonales et aux exploitants. On en vient un peu au débat que nous avons eu voici 30 ans et qui portait sur le fait de savoir si c'était le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil qui était compétent pour approuver les plans de l'autoroute envoyés à la Confédération. A cette époque, j'avais été le dépositaire d'un projet de loi visant à donner un certain nombre de compétences au Grand Conseil.
Il existe un principe consacré du droit fédéral, à savoir que ce sont les cantons qui décident souverainement quelle est l'autorité compétente dans le cadre de l'application du droit fédéral pour prendre une décision. Dans le cas d'espèce, j'aimerais rappeler que l'exploitant est une corporation de droit public. Précédemment, avant que cette corporation n'existe, il est clair que c'était le Conseil d'Etat, en l'absence d'une règle cantonale, qui était compétent pour tout ce qui concernait la concession. Compte tenu du fait que l'aéroport est une corporation de droit public dépendant du droit cantonal, il est tout à fait possible de prévoir une autorité cantonale supérieure à son conseil d'administration pour déterminer si une concession doit être demandée à l'autorité fédérale et sous quelle forme. C'est indiscutable. Maintenant, contrairement à ce que vous avez dit, ainsi que M. Roulet, il ne s'agit nullement de se substituer à l'autorité fédérale, puisque la décision du Grand Conseil serait prise non pas sous forme de loi, mais sous forme de résolution. Une résolution, vous le savez comme moi, Monsieur Blanc, n'a pas force légale. Si nous avons proposé que la décision soit prise sous forme de résolution, c'est bien parce que nous sommes conscients du fait que la décision finale appartient à l'autorité fédérale. C'est le premier point.
Deuxièmement, il ne s'agit pas du tout, comme M. Jeannerat l'a dit, de vouloir perturber l'aéroport et des questions de ce type. L'aéroport constitue, Monsieur Jeannerat, un équipement majeur de notre canton, avec toutes sortes d'implications qui en résultent, y compris des implications d'ordre international, j'y reviendrai tout à l'heure. Il est parfaitement normal que ce Grand Conseil en débatte. Il est d'ailleurs assez paradoxal que l'on doive voter des crédits de 300 000 F, c'est-à-dire sur des questions tout à fait mineures, mais qu'une question essentielle pour notre canton échappe à la compétence de ce dernier.
Je relève que le canton de Zurich connaît exactement le même débat au sujet de la convention que le Conseil fédéral a voulu signer avec la République fédérale allemande. Je n'entends pas critiquer le fond de cette convention... (L'orateur est interpellé.)On peut en discuter, mais je ne suis pas zurichois et je suis mal placé pour en parler. Il y a aussi d'autres problèmes relatifs à l'exploitation de l'aéroport de Zurich. Toujours est-il que je fais partie de ceux qui considèrent que cette convention doit être soumise à l'autorité cantonale zurichoise et à l'autorité fédérale et qu'elle ne peut pas être signée simplement par le Conseil fédéral. Je ne suis pas d'accord que des questions de concessions ou de sécurité, comme la piste principale de l'aéroport de Zurich, qui n'est même pas dotée de l'ILS, échappent totalement au parlement. C'est inacceptable.
Nous intervenons d'une manière extrêmement modérée. Le premier argument que l'on nous a opposé a été de dire que l'on est intervenu beaucoup trop tard. Il est vrai que nous aurions été mieux inspirés de déposer ce projet de loi quelques mois plus tôt, mais c'est précisément parce que nous nous rendions compte que le Grand Conseil avait été court-circuité... (Brouhaha.)Mais, Mesdames et Messieurs les députés, vous n'avez même pas été saisis d'un rapport sur cette question, ce qui montre le degré de mépris du Conseil d'Etat à l'égard de ce parlement en ce qui concerne l'aéroport. On ne lui a non seulement pas demandé son avis, mais on ne l'a même pas informé de quoi que ce soit. C'est effectivement à travers la presse que nous avons appris le renouvellement de la concession, étant rappelé que nous avions déposé ce projet de loi avant ce renouvellement. Certains se sont malheureusement empressés de tout transmettre à Berne pour empêcher ce parlement de se prononcer à ce sujet, en expliquant par la suite que ce projet de loi venait trop tard ou qu'il faudrait le voter dans 50 ans. Ce n'est pas sérieux, Mesdames et Messieurs !
La concession peut être modifiée en tout temps. Même si cette concession a été accordée pour 50 ans, elle peut quand même être modifiée. Si une modification doit intervenir, il convient non seulement qu'il y ait une enquête publique, mais aussi que le Grand Conseil - c'est la moindre des choses - en soit informé et puisse donner son avis. J'ose quand même espérer, Monsieur Lamprecht, vous qui êtes très attaché au fait que les communes puissent donner leur avis sur toutes les questions qui les concernent, que vous admettez que le Grand Conseil puisse donner son avis sur une question pareille.
Troisièmement, la concession est accordée, mais de cette concession découlent des éléments essentiels dont...
Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. J'en finirai par là ! ...l'obligation pour l'exploitant d'adopter un règlement d'exploitation. Tout ce que nous demandons ici, c'est que ce Grand Conseil soit informé du projet de règlement d'exploitation et que nous puissions donner notre avis, non pas par une loi, mais simplement par un projet de résolution. Si vous refusez ce minimum de transparence, il y a alors véritablement lieu de se poser des questions sur la manière dont l'aéroport est géré, même s'il y a une très bonne direction. Le gérer de cette façon-là, sans y associer le Grand Conseil, n'est pas acceptable !
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Juste deux ou trois éléments. Tout d'abord, je trouve un peu facile de la part des bancs de la majorité de droite de venir nous dire que ce projet n'a aucune consistance et qu'il est complètement désuet, alors que nous avons sous les yeux, Mesdames et Messieurs, sous les yeux, la pire débâcle que notre pays ait connu, celle de Swissair. Cette débâcle a conduit à la fermeture d'un investissement considérable, 300 millions à Zurich pour la construction du terminal C, au refus de mise en service de ce terminal, à la quasi cessation de notre compagnie nationale, au pataquès auquel on assiste à Zurich avec les questions de voisinage et le risque d'interdiction du gouvernement allemand de passer, en l'absence d'accord, sur son territoire.
Je trouve un peu facile d'éluder ce débat qui doit avoir lieu. Il s'agit de faire la part des choses entre cet instrument économique, qui est important pour notre canton, et les méfaits qu'il produit au niveau de l'environnement, notamment avec le voisinage et nos voisins français. La situation est ici aussi étonnante. Tout le monde se gargarise dans les commissions de la coopération régionale, mais lorsqu'on se trouve au pied du mur et que l'on veut faire valoir la coopération régionale, on doit faire face à un refus net, même d'auditionner. Je vous rappelle que 47 communes sont concernées, dont une majorité de communes françaises, qui se sont notamment élevées contre la disparité des tracés d'avions à laquelle on a assisté ces dernières années. Il n'y a plus un tracé obligatoire et cela devient un peu tout et n'importe quoi.
Il y a donc un véritable débat à engager, un véritable contrôle démocratique à exercer sur cet aéroport et l'on ne peut pas renvoyer la discussion d'une chiquenaude en constatant qu'il s'agit d'un instrument de toute façon polluant et que l'on peut par conséquent tout laisser faire. Au contraire ! Nous sommes d'avis et nous sommes certains que le contrôle de cet instrument ne pourra qu'éviter à notre collectivité, à notre région, les difficultés voire les drames que vit aujourd'hui l'aéroport de Zurich, même si vous croyez pouvoir cacher la réalité ! L'aéroport de Zurich est passé à côté de la faillite. Je crois qu'il était important de le dire dans ce débat.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Si j'interviens maintenant, c'est pour corriger les propos de M. Roulet. Si je sors du sujet qui est celui de l'aéroport, c'est parce que M. Roulet lui-même est sorti du sujet. Il s'agit de la TVA et des TPG. Il ne s'agissait pas, Monsieur Roulet, d'un projet de loi. Comme M. Grobet l'a rappelé tout à l'heure, lorsqu'on intervient à Berne, c'est par le biais d'une résolution. Si la résolution qui avait été déposée en son temps parlait d'une TVA diminuée par rapport au taux actuel, elle a été revue et il s'agissait d'une TVA gelée à son taux actuel.
Même si l'on sortait du sujet, je crois que c'est une correction importante.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. J'ai été très sensible au cours de droit que M. Grobet a voulu me donner. Je sais bien que M. Grobet est plus qualifié que moi pour donner des cours de droit...
Une voix.Tout à fait !
M. Claude Blanc. ...mais je sais aussi qu'il est beaucoup plus qualifié que moi pour adapter le droit à sa volonté et pour l'interpréter selon ses idées politiques. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois. Le Tribunal fédéral le lui a dit à plusieurs reprises. On sait bien que lorsque M. Grobet a envie de faire passer quelque chose, il vous démontre par A + B que c'est conforme au droit supérieur. La plupart du temps, on s'aperçoit que ce n'est pas vrai. Alors il ne faut pas venir me dire que je ne connais pas le droit. Je ne le connais peut-être pas autant que vous parce que je n'ai pas fais 5 ans de droit et le reste de travers, Monsieur Grobet !
Maintenant, pour dire les choses comme elles sont, j'ai été quand même assez surpris d'entendre M. Charbonnier. Je vous rappelle que la commission de l'économie a terminé ses travaux le 21 mai 2001, c'est-à-dire en pleine majorité de gauche. A ce moment-là, les Socialistes se sont prudemment abstenus le dernier jour des travaux, parce qu'ils se rendaient bien compte qu'ils allaient se couvrir de ridicule en votant ce projet de loi et en le faisant passer. Les élections sont à présent passées et ils savent qu'ils ne risquent plus rien parce que la majorité a changé. Les Socialistes se rangent donc courageusement derrière M. Pagani pour lui montrer que l'on s'aime en définitive bien, même si l'on fait des conneries ensemble ! Et bien, Mesdames et Messieurs... Messieurs je crois, parce qu'il n'y a que des Messieurs, Messieurs les Socialistes...
Une voix.Il y a aussi des dames !
M. Claude Blanc. Ceux qui étaient à la commission de l'économie, c'étaient des messieurs... Les dames n'auraient pas été aussi peu courageuses. Elles auraient peut-être été jusqu'à voter comme elles pensaient. Mais les messieurs qui ont voté à la commission de l'économie ont voté comme des pleutres, parce qu'ils ne voulaient pas se couvrir de ridicule. Aujourd'hui, ils s'aperçoivent qu'ils sont ridicules, mais que cela ne porte pas à conséquence parce qu'ils savent que ce projet de loi ne sera de toute manière pas accepté.
Vous pouvez donc raconter tout ce que vous voulez, le droit fédéral a été respecté, l'enquête publique, Monsieur Grobet, a été menée conformément au droit. Nous n'avons pas été informés par la presse, mais par un communiqué de l'office fédéral de l'aviation civile dans la Feuille d'avis officielle. Il y avait des délais fixés à tout le monde pour faire part de ses observations. Un certain nombre d'observations ont été faites et ces observations sont examinées exclusivement par l'office fédéral de l'aviation civile et le canton ne peut que les transmettre. Il n'a pas à en faire lui-même. Par conséquent, la loi a été entièrement respectée. Et ce n'est pas en votant une loi cantonale de cet acabit que vous allez influer sur le droit fédéral supérieur.
M. René Ecuyer (AdG). Je suis quand même un peu sidéré ! On fait de la polémique à propos de la question posée, mais il y a un profond mépris du peuple, c'est-à-dire des élus qui se sont plaints des nuisances de cette aéroport. Nous avons eu la chance et le privilège de recevoir en commission les maires et les représentants de communes tant françaises, que genevoises et vaudoises, qui nous ont expliqué à quel point ils avaient des soucis. Ils en ont fait part, mais on ne les a pas entendu et on ne s'en est pas préoccupé. Un grand nombre de communes a donné un avis, en expliquant qu'elles étaient opposées au renouvellement de la concession pour toutes sortes de raisons. Elles ont par exemple mis en doute la pertinence de cette étude d'impact sur l'environnement, en constatant que l'étude d'impact se fait sur 20 ans, alors que la concession dure 50 ans. A part cela, cette étude d'impact est commanditée par l'aéroport lui-même.
Les représentants des communes ont donc fait part de leurs inquiétudes. Ils avaient l'impression que l'on se moquait totalement du peuple et de ses représentants. On nous a expliqué que la commune de Prévessin-Moens avait commandité une étude sur les problèmes de nuisances sonores dans la région. Tout est expliqué. Le rapport énumère les questions qui se posent du point de vue accoustique. Tout est expliqué, mais on a l'impression que leur avis ne nous intéresse que peu. Ceci dit, ce n'est pas seulement vous qui vous moquez du peuple dans cette affaire, mais aussi le Conseil d'Etat et même les autorités fédérales ! Nous avons entendu le maire de Vernier. Ne pensez-vous pas que son avis soit aussi intéressant ? Cette histoire d'aéroport relève de la responsabilité du peuple. Pourquoi le Grand Conseil n'aurait-il rien à dire à ce sujet ? Pourquoi ne pourrait-il pas l'exprimer ? Il n'y a pas que les questions d'argent qui comptent. Il est vrai que cela rapporte de l'argent à l'aéroport, mais il est aussi intéressant de savoir comment les gens le vivent.
Je pense donc que le projet qui vous est soumis est tout à fait raisonnable. On pourra se prononcer. Le peuple pourra aussi se prononcer, donner son avis et dire ce qu'il pense de cette immense infrastructure qui lui bouffe sa qualité de vie.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. J'aimerais juste répondre à mon collègue Blanc, que j'apprécie par ailleurs beaucoup...
Une voix.Ahhh !
M. Claude Blanc. Je ne sais pas comment je dois le prendre !
M. Rémy Pagani. ...c'est le genre d'humour que vous appréciez... Se fonder sur un avis juridique de M. André Auer..., il faut quand même savoir qui est M. André Auer. Je vous rappelle que ce monsieur, qui est directeur de l'office fédéral de l'aviation civile, a fermé les yeux, et combien de fois, sur le bilan financier de Swissair. Il aurait dû contrôler, mais il ne l'a jamais fait. L'office fédéral de l'aviation civile est d'ailleurs composé d'anciens pilotes de Swissair. Leur interprétation du droit fédéral est pour le moins tout aussi criticable que l'interprétation du droit fédéral de M. Blanc.
Ceci étant dit, je constate qu'il nous est fait un procès d'intention. Je vois tout à fait de quoi il en retourne. Certains veulent privatiser l'aéroport - il existe un projet de loi - et veulent avoir les mains libres pour mener cette privatisation au nez et à la barbe de la population. C'est pourquoi ils rejettent ce projet de loi et l'amendement que nous proposons, que je profite de présenter. Cet amendement vise simplement à ce que le Grand Conseil ait un droit de regard sur les études d'impact notamment, comme l'a dit mon collègue Ecuyer, et à ce que ces études d'impact, qui figurent dans le règlement d'exploitation, ne soient pas conduites par les mêmes pollueurs, mais par un institut privé indépendant. Ce qui nous a été dit en commission l'a révélé clairement. Contrairement aux résultats de l'étude d'impact réalisée, il s'avère que le trafic en continu a de fait engendré une augmentation de la pollution sonore et atmosphérique dans notre région. C'est un fait. Pourtant l'étude d'impact ne le relève que très peu.
J'ai donc déposé un amendement voici six mois. Je vous en rappelle le contenu, qui modifierait l'ensemble de la loi : "Avant d'être soumis à l'approbation de l'autorité compétente, tout projet de renouvellement ou de modification de la concession de l'aéroport et de son règlement d'exploitation est soumis préalablement à une enquête publique et, au terme de celle-ci, à l'approbation du Grand Conseil qui se détermine sous forme de résolution."
M. Jacques Jeannerat (R). Je suis parfaitement d'accord avec M. Grobet et M. Pagani. Les questions de forme et d'étendue du contrôle politique sur notre aéroport doivent être traitées dans ce parlement. Mais, Messieurs, vous vous trompez de débat ! Ce débat, nous devrons l'avoir dans le cadre de l'examen des deux projets de lois qui sont actuellement à l'étude devant la commission de l'économie. Nous devrons alors parler des questions de sécurité et nous devrons tenir compte de la débâcle de Swissair. Mais il ne s'agit ce soir que de la concession qui est accordée par la Confédération. Alors, de grâce, Messieurs, mettons un terme à ce débat ! Je propose que l'on passe au vote immédiatement.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de majorité. Je crois que l'on a bientôt tout dit, mais j'aimerais quand même relever, parce que c'est assez piquant, que M. Pagani vient de mettre en doute l'office fédéral de l'aviation et l'impartialité de ce service public, dont M. Auer, le directeur, est le principal collaborateur dans ce domaine de M. le conseiller fédéral Leuenberger. M. Pagani met donc en doute l'honnêteté du service public en expliquant qu'il faudrait confier l'étude d'impact à un institut privé. Privé et indépendant ! Vous avez dit "privé et indépendant"! Je ne sais pas si vous avez bien senti ce que tout cela voulait dire... M. Pagani met en doute l'intégrité du service public et demande à ce que l'on s'adresse à un organisme privé pour établir l'étude d'impact. Cela vaut son pesant d'or, cela vaut d'être inscrit au Mémorial ! C'est pour cela que j'ai repris la parole. Pour le reste, Mesdames et Messieurs, je crois que tout a été dit et que l'on pourra bientôt passer au vote.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 48 non contre 34 oui et 2 abstentions.
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Le rapporteur de minorité lui-même a eu la lucidité de dire que nous étions en train de prendre des décisions et que nous avions encore 50 ans devant nous pour en prendre. C'est également vous qui avez rappelé qu'il y avait deux projets de lois devant la commission de l'économie traitant du statut de l'aéroport. Là également, il y aura encore du travail à faire. Néanmoins, il faut rappeler que cette concession a été accordée pour 50 ans. Mais, vous le savez, il existe un règlement et ce règlement peut être modifié en tout temps. Il faut le préciser. Ce règlement doit être présenté à l'Office fédéral de l'aviation civile pour obtenir la concession. Il a été présenté, il a été jugé bon et de qualité, et la concession a été obtenue.
J'aimerais rappeler, comme cela a été dit à travers le rapport, que les autorités cantonales ont peu de compétences en la matière, puisque, il faut bien l'avouer, les aéroports internationaux, comme ceux que nous avons à Genève, à Zurich et à Bâle, sont des aéroports strictement liés aux intérêts du pays tout entier. On verrait d'un bien mauvais oeil s'il venait tout d'un coup à l'idée d'un canton de dire, par le biais par exemple de son Grand Conseil, qu'il ne veut plus d'aéroport ou qu'il veut en limiter le trafic. Ce seraient en définitive les intérêts économiques du pays qui en pâtiraient C'est la raison pour laquelle ces décisions relèvent de la compétence fédérale.
Je n'aimerais pas laisser dire n'importe quoi dans cette enceinte. Tout d'abord, c'est le canton qui a ouvert et entamé une procédure de consultation. Le dossier a été déposé le 5 mai 2001. Il a fait l'objet d'une très large consultation, puisque les avis sont parus non seulement dans la Feuille d'avis officielle de Genève, mais aussi dans celles du canton de Vaud et de la Confédération. Tout le monde a pu s'exprimer, les associations favorables, les associations défavorables, les communes riveraines. A la limite, un parti politique, quel qu'il soit, aurait également pu s'exprimer.
Lorsqu'on parle d'environnement, j'aimerais vous dire qu'il existe une commission de consultation contre les nuisances de l'aéroport et pour la protection de l'environnement, qui comprend des représentants des communes, notamment françaises, des représentants du mouvement de protection de l'environnement. Elle se réunit quatre fois par année. Nous ne sommes pas là pour brader l'environnement. L'aéroport non plus n'est pas là pour brader l'environnement, mais tout simplement pour être efficace par rapport au trafic aérien engendré à la fois par la Genève internationale, dont nous sommes tellement fiers, mais aussi par l'économie de toute une région, qui ne couvre pas seulement le canton de Genève, mais aussi les cantons romands et la France voisine.
Vous avez dit tout à l'heure, Monsieur Pagani, que l'ambition du conseil d'administration de l'aéroport était de doubler le trafic et les mouvements. Ce n'est pas du tout le cas. L'ambition de l'aéroport international de Genève est de répondre aux intérêts de la région, de ses habitants, qu'ils soient économiques ou internationaux. Ce n'est pas du tout de doubler le trafic d'ici vingt ans. Nous avons mené dans tous les aéroports de Suisse une étude pour savoir quelle était la capacité ultime de ces aéroports. On se rend aujourd'hui très bien compte que le trafic, s'il a augmenté d'une façon très forte ces dernières années, est déjà en train de se tasser un peu. Pour ma part, je doute que ce trafic augmente encore - ce n'est pas le souhait de l'aéroport - dans des proportions qui correspondent à son ultime capacité. Le but de l'aéroport, c'est d'offrir à Genève un service de qualité, je le répète, pour la Genève internationale et pour toute la région.
Vous savez également qu'il existe une contradiction juridique. C'est le Conseil d'Etat qui est compétent pour émettre des préavis en vertu de l'article 128 de notre constitution cantonale. En inscrivant le Grand Conseil comme organe de décision, il y aurait effectivement quelque chose qui ne serait pas normal. Cela a été dit.
Je rappelle toutes les consultations auxquelles nous avons procédé. Il faut être de bonne foi, tout le monde a été entendu, tout le monde, tout ceux qui avaient quelque chose à dire, ont pu s'exprimer et tout cela est parti à Berne. Il existe un document de plusieurs centaines de pages que vous avez pu consulter. Si vous ne l'avez pas fait à temps, les décisions sont à présent prises. A partir de cela, Mesdames et Messieurs, je demande donc à ce parlement de confirmer le résultat de ces consultations en votant le projet de loi tel que la majorité de la commission l'a voulu.