Séance du
jeudi 21 février 2002 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
5e
session -
22e
séance
PL 8658-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Je vous rappelle simplement, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes déjà en deuxième débat. Le premier débat a été voté avec toutes les péripéties que vous connaissez, je n'y reviens donc pas. Je tiens juste à éviter qu'il y ait confusion.
Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président. Je voudrais apporter deux petites corrections au rapport. La première est un point de détail: il s'agit d'une date inexacte. En effet, la commission invite le Conseil d'Etat, une fois que la loi sera entrée en vigueur - si par hypothèse elle entrait en vigueur dans le courant du printemps - à organiser l'élection populaire des membres de l'autorité de surveillance le 14 juin 2002 au plus tard et non pas le 30 juin comme cela figure dans le rapport.
La deuxième correction concerne l'intitulé de la loi. Vous verrez dans le rapport, à la page 6, que cet intitulé a été modifié par la commission. Il s'agit d'une erreur du service du Grand Conseil qui n'a pas répercuté cette modification dans l'intitulé de la loi tel qu'il figure en page 22. Il faut lire: «Projet de loi modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (E 3 60) (dans sa teneur résultant de la loi 8621 du 21 septembre 2001)».
Ce sont les deux corrections que je voulais apporter sur le plan formel à mon rapport.
Sur le fond, je souhaite simplement, à titre liminaire, relever l'excellent état d'esprit dans lequel la commission a travaillé d'arrache-pied entre Noël et Nouvel An et au courant du mois de janvier.
Nous avons réussi à nous entendre sur la quasi-totalité des points - et ils étaient nombreux - et nous avons abouti à un très large consensus. J'invite donc l'ensemble de ce Grand Conseil à poursuivre ses travaux sur ce projet de loi dans le même état d'esprit et à le voter ce soir.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, j'ai un certain nombre de choses à dire en complément au rapport de minorité que j'ai déposé au nom de la députation de l'Alliance de gauche.
Tout d'abord, Monsieur le président, vous avez ouvert les débats en indiquant que nous nous trouvions en deuxième débat... J'avoue que je n'ai pas sous les yeux le procès-verbal de la séance à laquelle le projet de loi 8658 a été renvoyé en commission, mais j'avais plutôt le sentiment que nous avions fait un tour de préconsultation au terme duquel le projet avait été renvoyé en commission. En tout cas, je n'ai pas eu l'impression, si nous étions en premier débat, qu'il était terminé...
J'aimerais également relever que le projet 8658 qui a été renvoyé en commission avait un seul objectif, celui de modifier l'article 3, souligné, de la loi 8621 qui avait été approuvé lors de la séance du 21 septembre 2001.
Je rappelle que ce projet de loi avait suscité de longues discussions, puisque cet article prévoyait une date d'entrée en vigueur différente par rapport à un certain nombre de dispositions de la loi. Ce projet de loi a été renvoyé en commission et, ensuite, la commission a décidé de profiter d'un article qui portait uniquement sur une clause d'entrée en vigueur pour apporter des modifications très sensibles et très importantes à la loi d'application dans le canton de Genève: la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Ma première remarque sera donc la suivante: normalement, à partir du moment où il s'agit d'un projet de loi totalement différent de celui qui a été renvoyé en commission, nous devrions reprendre, à teneur de notre règlement, le débat depuis le début.
Je me permets de le dire au passage. Mais, enfin, cela étant dit, je vous laisse y réfléchir pendant ce débat, Monsieur le président... Il est vrai que, même dans le cadre du deuxième débat, nous avons beaucoup de possibilités de nous exprimer. Je ne veux donc pas faire du formalisme étroit, mais je tenais quand même à exprimer mon grand étonnement par rapport au fait que nous nous trouvions en deuxième débat sur un projet de loi qui modifie toute une série d'articles de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, qui, au départ, demandait tout simplement une modification de l'entrée en vigueur...
Le président. Vous permettrez que je vous interrompe, Monsieur Grobet ! Cela n'a pas beaucoup d'importance, vous venez de le souligner, Monsieur Grobet. Je dirai simplement que ça dépend du vote que vous voulez faire, si vous voulez voter l'entrée en matière ou si vous voulez le voter en troisième débat. Si vous voulez voter l'entrée en matière, je reconnais que j'ai quelques hésitations... J'avais en tête que nous étions en deuxième débat, mais pour moi cela ne change absolument rien. Si vous voulez que nous votions le premier débat, cela ne me gêne absolument pas.
M. Christian Grobet. Je trouve, Monsieur le président, qu'à partir du moment où on utilise un projet de loi visant à modifier une disposition d'entrée en vigueur d'une autre loi pour modifier de manière très approfondie la loi d'application de la loi fédérale de poursuite pour dettes et la faillite, on se trouve de fait devant un nouveau projet de loi, qui - je tiens à vous le rappeler - vient se substituer au projet de loi 8663 qui, lui, n'a jamais été renvoyé en commission et dont on nous annonce par avance qu'il sera retiré dans le cas où le projet de loi dont nous débattons actuellement était accepté... Or, l'entrée en vigueur du projet de loi 8663 n'a jamais été votée, projet qui - c'est vrai - proposait alors beaucoup de modifications à la loi d'application de la loi fédérale de poursuite pour dettes et la faillite, notamment des modifications portant sur l'autorité de surveillance. Mais il est vrai que si le projet de loi 8663 avait été renvoyé en commission la question se poserait différemment. A teneur de notre règlement et pour faire les choses de manière correcte, il me semble que nous devrions voter sur l'entrée en matière du projet de loi 8658 qui, de fait, vise à se substituer au projet de loi 8663 dont on nous annonce le retrait éventuel si ce premier projet était voté.
Le président. Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur Grobet... J'abonde dans votre sens... Et pour ne pas tomber dans le formalisme le plus étroit, nous voterons l'entrée en matière de ce projet de loi ! L'affaire est close.
M. Christian Grobet. Monsieur le président, je ne prétends pas détenir la vérité... Je sais que vous aimez bien prendre l'avis d'un ancien président du Grand Conseil qui est assis à l'autre coin de la salle... (Exclamations.)Toutefois, je ne voudrais pas encore mêler M. Blanc à ce débat, car que je sais qu'il aime rappeler les textes réglementaires à tous les présidents qui se succèdent au perchoir. Je me contenterai donc parfaitement de votre interprétation, Monsieur le président !
Alors, j'en viens maintenant, si vous me le permettez et pour ne pas perdre de temps... (Rires et exclamations.)Mesdames et Messieurs les députés, excusez-moi, mais ce n'est pas moi qui ai déclenché le débat sur le fait de savoir si nous étions en deuxième débat ou en préconsultation !
J'aimerais, du reste, relever - et c'est tout à son honneur - que le rapporteur de majorité, M. Muller a souhaité que l'on soit très respectueux à l'égard des dispositions réglementaires, que l'on ne fasse pas un rapport oral dans la foulée pour la dernière séance du Grand Conseil. Devant cette unanimité à vouloir respecter les formes, je me suis simplement permis, Monsieur le président, de faire remarquer qu'à mon avis nous étions en préconsultation... (L'orateur est interpellé.)
Je vois qu'on arrive aux mêmes conclusions, je m'en félicite ! Et cela me permet d'en venir maintenant au fond de cette affaire.
Pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, débattons-nous ce soir d'une modification de la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite ? Je ne crois pas que l'on puisse débattre de ces réformes législatives d'une manière totalement abstraite et juridique comme si l'on était en train d'effectuer un acte législatif, ou qu'on essayait de voir ce qui serait sensé ou ce qui le serait moins... La réalité, c'est que ces débats sur cette loi d'application de la loi fédérale résultent d'un certain nombre de faits particulièrement graves.
Je ne veux pas rappeler ici tout ce qui s'est passé étant donné que, déjà tout à l'heure, certains semblaient dire que j'essayais de capter la parole abusivement... (Exclamations.)Mais, enfin, on ne peut tout de même pas passer sous silence, Mesdames et Messieurs les députés, que des faits extrêmement graves se sont produits dans la gestion des offices des poursuites et faillites de ce canton !
C'est parti tout d'abord d'une première affaire qui n'avait rien à voir avec des détournements de fonds: il s'agissait tout de même d'engagement de personnel temporaire qui avait été effectué dans des conditions pour le moins discutables. Cela avait fait l'objet d'une motion qui avait été déposée par le groupe socialiste. Et, au moment où la commission de gestion commençait à gratter cette question et tentait de voir les pourquoi et les comment de ces pratiques de gestion de personnel pour le moins douteuses, il s'est avéré que certains députés ont été informés de faits encore beaucoup plus graves, relevant tout simplement du code pénal: détournements de fonds, favoritisme dont certaines personnes ont bénéficié, du fait que des fonctionnaires ont abusé de leur autorité pour se procurer des avantages personnels. Bref, une situation dont j'avoue que je n'ai pas pensé un instant qu'elle était possible à tel point dans notre République et canton de Genève. Ces pratiques, peut-être courantes, hélas, dans certains pays pas si éloignés, étaient tout de même totalement étrangères de notre façon de gérer les affaires publiques dans notre pays.
L'un de nos députés en particulier a interpellé plusieurs fois le Conseil d'Etat, parce qu'on a aussi cette mauvaise habitude, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de préciser, au moment où on développe une interpellation, à quel conseiller d'Etat en particulier on s'adresse. Bien entendu le conseil d'Etat utilise le système du département rapporteur, mais l'interpellation s'adresse bien au Conseil d'Etat et non pas à un magistrat en particulier. J'insiste sur ce point parce que M. Rémy Pagani notamment a développé toute une série d'interpellations urgentes qui s'adressaient au Conseil d'Etat, portant ainsi à la connaissance de ce Conseil des faits particulièrement graves.
Moi, je crois me souvenir de ces débats comme si c'était hier: d'une part, les quolibets de certains députés sur les bancs d'en face, le scepticisme le plus total de la part de certains groupes politiques et, surtout - il faut tout de même le rappeler - les dénégations les plus vives du conseiller d'Etat chargé à l'époque du département de justice et police, qui a été jusqu'à dire dans un débat télévisé que toutes ces interventions n'étaient que gags et inventions... Vous l'avez tous entendu !
Eh bien, ces gags, ces inventions, ces déclarations soi-disant intempestives se sont, hélas, révélées exactes à la suite des investigations qui ont été effectuées par l'Inspectorat des finances ! C'est depuis le moment où ce Grand Conseil a voté une loi, dont l'Alliance de gauche se félicite d'avoir été à l'origine, à savoir la création d'une commission de contrôle de gestion qui n'existait pas antérieurement dans ce parlement, avec obligation pour l'Inspectorat cantonal des finances de rendre ses rapports simultanément au Conseil d'Etat et à la commission de contrôle de gestion, que les députés ont pu avoir connaissance du contenu de ces rapports, et, surtout - c'est le plus important - que la commission a pu demander, en tout temps, à l'Inspectorat des finances de procéder à des investigations. Et c'est grâce à la volonté de la commission de contrôle de gestion - je tiens là tout de même à rendre hommage à l'ensemble des députés qui siégeaient dans cette commission car ils ont pris les choses au sérieux et ont demandé à l'Inspectorat cantonal des finances de faire des investigations - que le pot aux roses a été découvert. Notamment le fait que des détournements portant sur plusieurs millions de francs, Mesdames et Messieurs les députés, avaient pu être effectués sans que personne s'en rende compte... Ce qui est tout de même assez incroyable, il faut bien le dire !
Dans la foulée, et vu la surcharge de travail de l'Inspectorat cantonal des finances, qui aurait presque pu consacrer la totalité de ses effectifs à rechercher et à enquêter sur l'ensemble des infractions, la commission de contrôle de gestion a mandaté elle-même deux experts qui ont rendu un rapport aussi accablant que le premier...
Le président. Monsieur Grobet, je vous rappelle que vous en êtes à sept minutes. J'ai commencé le décompte...
M. Christian Grobet. J'en terminerai par cet historique...
Le président. Laissez-moi finir !
M. Christian Grobet. ...mais je reprendrai la parole tout à l'heure...
Le président. Mais vous en avez le droit !
M. Christian Grobet. Puisque j'en ai le droit...
Le président. Absolument !
M. Christian Grobet. Je voulais simplement, dans cette première intervention, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, rappeler que des faits extrêmement graves se sont produits dans la gestion des offices des poursuites, qu'ils ont été prouvés et qu'à partir de là tout le monde dans cette enceinte, dans le cadre de l'ancienne législature, a considéré qu'il était indispensable de prendre des mesures de réorganisation des offices et de renforcement des autorités de surveillance, et que les députations ont dû faire des propositions à cet effet étant donné que le Conseil d'Etat - j'ai le regret de le dire aux deux seuls conseillers d'Etat actuellement présents ici - n'a pas fait la moindre proposition à cet égard. C'est sur ces propositions de réorganisation des offices et de renforcement de l'autorité de surveillance que je me permettrai de reprendre la parole dans un moment.
Le président. Monsieur Grobet, je vous signale simplement que j'ai déduit tout le temps de votre intervention qui portait sur la procédure et que les sept minutes ont été décomptées à partir du moment où vous avez abordé le fond.
Monsieur Büchi, vous avez la parole... Oh pardon, excusez-moi, Madame ! Madame de Haller, rapporteuse sur la pétition, vous avez la parole.
Mme Jeannine De Haller (AdG), rapporteuse. Vous me négligez un peu ce soir, Monsieur le président... J'espère que vous vous rattraperez bientôt ! (Rires et exclamations.)
Le président. Avec plaisir, chère collègue !
Mme Jeannine de Haller. C'est la deuxième fois que vous ne voulez pas me donner la parole, Monsieur le président !
Le sujet sur lequel porte la pétition 1176 New Morning SA est parfaitement exemplaire des dysfonctionnements des OPF et trouve donc fort bien sa place dans le débat de ce soir. Cette pétition a été déposée il y a plus de quatre ans - en novembre 1997. Elle a été lancée par les ex-employés du New Morning pour faire valoir leurs droits, suite à la faillite de la société en 1992. C'est l'office des faillites Arve-Lac qui a été chargé de la liquidation de la société New Morning, propriétaire du fonds de commerce et de la SI Coulouvrenière-Rhône propriétaire de l'immeuble. Les créanciers de première classe du New étaient et sont toujours les ex-employés de l'établissement alors que la créancière de la SI Coulouvrenière-Rhône était la BCGe.
En novembre 1993, le fonctionnaire de l'office en charge du dossier, M. "V", a proposé aux créanciers du New de vendre, de gré à gré, le fonds de commerce pour 450000 F. (Brouhaha.)Monsieur le président, je trouve qu'il y a beaucoup de bruit... (Le président agite la cloche.)Ce prix n'était apparemment pas aussi élevé que celui offert par d'autres acheteurs intéressés. Néanmoins, les ex-employés l'ont accepté parce qu'il couvrait largement la somme qui leur était due pour payer l'ensemble de leurs salaires, soit environ 250000 F.
C'est à partir de ce moment-là que la gestion de cette faillite s'est mise à déraper. Le New Morning a rouvert ses portes le 3 décembre 1993, sans que le nouveau propriétaire ait versé un seul centime ni donné aucune garantie à l'office des faillites ! La mise à disposition gratuite des actifs de l'entreprise, décidée par l'OPF au profit des repreneurs, n'est pas conforme au devoir de préservation des intérêts de la masse en faillite. Celle du New Morning n'a ainsi reçu aucune contre-prestation pour la mise à disposition de ces actifs. De plus, l'acheteur, M. Jean-Jacques Fradkoff, agissait comme agent fiduciaire pour l'acquéreur véritable, M. Beat Fritz, homme d'affaires connu sur la place pour avoir laissé un certain nombre d'affaires mal se passer...
Ainsi, les clés du fonds de commerce ont été remises à M. Fritz, malgré la particularité de l'organisation des acheteurs et la réputation de ce dernier. Ce sont là les deux premières irrégularités constatées par la commission de contrôle de gestion dans ce dossier.
Pour faire suite à l'exigence de M. Fritz de pouvoir disposer de bureaux au-dessus du New Morning, le fonctionnaire de l'office, M. "V", a alors commis une infraction pénale: il a fait vider les lieux par son huissier et changer les serrures bien que les bureaux en question étaient loués à des tiers. L'huissier de l'office était accompagné dans sa tâche par un juriste de la Banque cantonale...
Après cette évacuation illicite, les locataires lésés ont bien entendu porté plainte contre le fonctionnaire de l'office et ses deux acolytes. Le Parquet du procureur général a aussitôt rendu une ordonnance de réintégration. Ainsi M. "V" se retrouvait, début 1994, dans une situation particulièrement délicate : il avait à répondre aux ex-employés du New qui s'étonnaient de ne pas recevoir de dividendes malgré la vente des actifs et devait faire face simultanément à une plainte pénale dirigée contre lui.
Malheureusement, au lieu d'en référer à son supérieur hiérarchique, M. "V" a tenté de s'en sortir tout seul et a ainsi commis une quatrième irrégularité. La banque du Gothard, banque de M. Fritz, a finalement accepté de verser début mai 1994 un acompte de 190000 F sur l'achat des murs du New. Sur ce montant, M. "V" a prélevé 110000 F pour dédommager l'un des locataires expulsés de force, afin qu'il retire sa plainte. Il lui a fait verser directement la somme au moyen d'un chèque pour éviter de devoir passer par la masse en faillite de la SI Coulouvrenière-Rhône. Les 80000 F restants ont été versés sur le compte du New Morning bien que cette somme, selon l'office, était destinée à l'autre faillite. Ces 80000 F ont servi à faire taire un autre locataire indûment expulsé et à payer les factures en souffrance des Services industriels que le nouveau propriétaire, M. Fritz, ne réglait pas, malgré le fait qu'il encaissait chaque soir la recette d'exploitation du New.
Les erreurs du fonctionnaire de l'office sont ici de plusieurs natures: M. "V" a détourné la contre-valeur d'un actif de la faillite pour indemniser des locataires dans le but de les inciter à retirer leurs plaintes. De plus, ces plaintes n'étaient même pas dirigées contre les deux masses en faillite mais contre l'Etat, contre la Banque cantonale, qui avait donc participé aux expulsions et contre M. "V" lui-même.
Par ailleurs, en versant les 80000 F à la masse du New Morning, M. "V" a contribué à créer la confusion des éléments du patrimoine des masses, ce qui est expressément interdit.
Il apparaît dans cette affaire que toutes les décisions, y compris les décisions importantes, ont été prises par M. "V", seul. L'absence de contrôles par la hiérarchie confirme, si cela s'avérait encore nécessaire, un défaut important du système de contrôle interne de l'office. En réalité, la responsabilité de la situation incombe non seulement au fonctionnaire en charge de ce dossier mais, également, aux membres de la direction pour leur absence totale de supervision.
Au printemps 1995, le New a à nouveau fait faillite, après avoir été exploité pratiquement gratuitement pendant dix-huit mois avec un chiffre d'affaires de plusieurs millions de francs. M. Fritz n'a en effet plus rien payé d'autre que les 190000 F que je viens de mentionner.
A la suite de cette nouvelle faillite, M. "V" a encore commis une erreur grave en vendant de gré à gré les actifs du New Morning sans consulter en aucune façon les créanciers: malgré l'obligation légale, il ne leur a pas donné l'occasion de formuler des offres supérieures aux 40000 F proposés par le nouvel acquéreur.
Ainsi, les ex-employés du New Morning ont été une nouvelle fois lésés par cette vente. Et, neuf ans après la faillite, leurs salaires n'ont toujours pas été payés.
C'est pourquoi la commission de contrôle de gestion vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Nous estimons en effet indispensable que l'Etat indemnise au plus vite et complètement les anciens employés spoliés par cette scandaleuse affaire.
Nous demandons qu'il sanctionne M. "V" pour sa gestion, y compris pour qu'il rembourse l'Etat pour les dommages à payer aux lésés.
M. Thomas Büchi (R). Pendant quinze minutes, nous avons entendu la bonne parole de M. Grobet qui nous a passablement abreuvés de ses conseils et qui a même essayé de faire passer au grand public l'idée qu'il avait des scoops à nous révéler...
Mais, Monsieur Grobet, personne dans cette salle ne nie le fait qu'il y a eu des affaires extrêmement graves aux OPF ! Et c'est bien pour cela que nous sommes ici ce soir et que nous discutons un projet de loi censé y mettre de l'ordre ! Vous avez simplement oublié, mais c'était certainement voulu, d'aborder le fond du problème... Qu'est-ce qui nous oppose ici ce soir ? Pourquoi y a-t-il un rapport de majorité et un rapport de minorité ? Vous n'en avez pipé mot ! Je crois qu'il faut remettre l'église au milieu du village.
Lors du débat de préconsultation, le groupe radical avait indiqué qu'il voulait un nouveau projet de loi, autre que celui qui avait été voté un peu à la hussarde par l'ancienne majorité... (Exclamations.)Par l'ancienne majorité ! Nous ne pouvions pas accepter un projet beaucoup trop politisé, peu pragmatique et particulièrement en ce qui concerne l'autorité de surveillance, parce que c'est bien un des points essentiels du débat de ce soir. Le compromis qui a été négocié et qui ressort des travaux de la commission nous convient, car cela fait des années que le feuilleton des OPF agite, parfois amuse, mais surtout inquiète beaucoup notre République.
De multiples tentatives ont été faites par le passé, déjà sous la présidence de M. Guy Fontanet, pour réformer les OPF et cela n'a pas bien fonctionné.
Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est une organisation charpentée, avec des administrateurs solides, d'où la création d'un poste de directeur général des OPF: c'est tout l'intérêt de n'avoir plus que deux offices placés sous la responsabilité d'une seule direction générale. La nécessité d'avoir un organe de contrôle interne pour chaque office s'est également imposée en toute logique.
Donc, c'est à une instance juridique et non à une commission administrative par trop politisée à qui nous avons confié cette lourde tâche. Il faut des juges, des experts comptables non liés à la Cour de justice. Une autorité judiciaire distincte spécialisée et dotée de moyens conséquents.
Cela est indispensable si on ne veut pas reproduire les errances et les erreurs de l'ancienne autorité de surveillance.
Le groupe radical soutient le projet de loi issu des travaux de la commission et qui a recueilli une large approbation parlementaire. Seule l'Alliance de gauche a refusé l'entier du texte proposé. Elle s'accroche comme un noyé à sa bouée et veut nous imposer une commission administrative politisée à l'extrême. Ce concept, Monsieur Grobet, est chimérique et dépassé, et nous allons le rejeter !
En 2001, ce n'est pas en reconstruisant de nouveaux murs de Berlin que les contrôles seront plus efficaces ! Alors, nous allons voter ce projet de loi pour que le feuilleton s'arrête enfin ! Il satisfait au devoir d'équité comme à celui de l'efficacité.
Et n'oublions pas l'importance des hommes et des femmes qui vont travailler dans ces offices, parce que sans leur honnêteté et sans leur dévouement rien ne sera possible et les choses continueront comme avant.
M. Rémy Pagani (AdG). Je vais en venir aux enjeux de ce soir, comme vient de le dire M. Büchi.
Tout d'abord, il faut rappeler un certain nombre d'éléments concrets qui situent la problématique économique dans laquelle le service des offices des poursuites et des faillites doit se mouvoir. En effet, en 1985, par exemple, certains de nos concitoyens ont été mis aux poursuites à raison d'environ cent mille poursuites par année à Genève. Aujourd'hui, après la traversée du désert des années 1990 et les difficultés économiques qu'elle a engendrées pour bon nombre de nos concitoyens, plus de deux cent mille demandes de poursuites sont déposées dans ce service: quasiment le double !
De même, du côté des faillites: en 1988, nous avions par année cent quatre-vingt-quatre faillites d'entreprises inscrites au Registre du commerce et, en pleine crise économique, en 1993, par exemple, ce sont plus de cinq cents entreprises qui ont été déclarées en faillite dans l'année !
Il faut encore signaler un phénomène assez intéressant: la répudiation des successions. En 1988, nous comptions cinq cent nonante-deux répudiations par année et, au plus fort des années de crise, en 1992, par exemple, huit cent vingt personnes ont refusé les dettes d'un parent défunt !
Le débat de ce jour, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas un débat de pure forme, de juristes ou d'esthètes. Il vise au contraire à garantir à nos concitoyens, aux particuliers comme aux chefs d'entreprise, une égalité de traitement face aux difficultés qu'ils vont rencontrer dans la grave et longue crise qui s'annonce. En effet, comment imaginer que se poursuive la pratique consistant à sous-évaluer les biens de personnes mises aux poursuites - par exemple, leur voiture - les saisir et les revendre avec de substantiels bénéfices pour les employés des offices des poursuites et faillites chargés de réaliser ces biens ?
Comment imaginer que se poursuive la pratique consistant à racheter les créances d'entreprises en faillite à bas prix pour, une fois la masse en faillite réalisée, par l'intermédiaire d'un avocat, qu'un employé des offices des poursuites et faillites empoche plusieurs milliers de francs ?
Ces deux exemples que je viens de donner sont des cas réels, et qui ont fait l'objet d'inculpation.
Les constats sur cette affaire ont été clairs, et nous nous entendons à peu près les uns et les autres - comme vous l'avez dit, Monsieur Büchi - pour admettre que ces pratiques sont inadmissibles. Depuis des années, dans ce service, a existé une sorte de cour des miracles permettant à certains - une minorité, toutefois - de se dénicher de petites combines, les uns puisant allègrement dans la caisse, les autres se ménageant des petits territoires lucratifs... N'importe qui vous dira, dans ces circonstances, qu'il faut dans un premier temps s'appuyer sur une majorité d'employés qui n'ont pas trempé dans ce genre de combines en mettant à leur tête un et un seul directeur... Mais M. Büchi, qui est malheureusement absent, trompe cette assemblée en prétendant que le directeur aura les pleins pouvoirs...
Ce n'est pas vrai, Monsieur Büchi ! Le préposé, s'il avait les pleins pouvoirs - c'est ce que nous avions voté à la majorité - pourrait remettre de l'ordre dans la maison et, surtout, rétablir la confiance. C'est ce que nous avions voulu dans le projet de loi qui aurait dû entrer en force le 1er mars. Une majorité d'entre nous, d'ailleurs, était d'accord sur ce point, y compris de nombreux députés des bancs d'en face...
Or, quelle proposition de compromis nous est faite ce soir ? On nomme un directeur administratif qui s'occupera de la formation et de l'engagement du personnel et deux préposés qui auront les pleins pouvoirs au niveau de la procédure et faillite et qui n'auront de comptes à rendre qu'à une quatrième personne qu'on nous désigne comme le secrétaire général du département de justice et police... On est loin d'avoir clairement établi les responsabilités !
En conclusion, on peut dire, sur ce volet de la réforme, que les petites combines ont de fortes chances de perdurer. En effet, qui va pouvoir empêcher la transmission des informations d'initiés sur d'éventuelles faillites à venir et le niveau financier de celles-ci ? Ces informations vitales ont été par le passé le nerf de la rapine ! Et de nombreux commerçants ont pu s'étonner de voir débarquer le copain d'un employé de l'office des poursuites et faillites quelques jours avant que la faillite de leur magasin ne soit prononcée...
Qui va être redevable devant nous que cessent de telles pratiques ? Le directeur général dont on a coupé les ailes ? Les deux préposés qui se cantonneront dans l'application stricte de la loi sur les poursuites et faillites ? Le secrétaire général du département qui fera confiance à ses subordonnés ?
Mesdames et Messieurs les députés, nous en sommes convaincus, le projet de loi que vous nous proposez perpétue la république des petits copains !
La confusion est identique du côté du Palais de justice et c'est là le deuxième enjeu de ce soir. En effet, comment imaginer, en tenant compte de l'histoire de ce service qu'un juge ou même plusieurs, nommés au sein du Palais de justice - extérieurs à la Cour de justice bien évidemment vu les dégâts qu'elle a commis - puissent collaborer de manière efficace avec les nombreuses personnes que vous avez chargées des responsabilités de ce service. Les juges, et nous sommes unanimes ici à défendre leurs prérogatives, sont fiers de leur indépendance. Comment imaginer un seul instant que le directeur, les préposés, le secrétaire général du département de justice et police, voire même la conseillère d'Etat chargée de ce service, puissent exiger, le cas échéant, de ces juges un contrôle rigoureux de certains dossiers comme, par exemple, ceux concernant les administrations spéciales ? Si un jour ces dossiers sont examinés, c'est une deuxième boîte de Pandore qui va s'ouvrir !
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !
M. Rémy Pagani. Je termine, Monsieur le président...
Nous estimons pourtant que c'est bien ce qui aurait dû être fait par le Conseil d'Etat... Je vous rappelle que le Conseil d'Etat avait entre les mains de nombreux rapports de l'Inspectorat cantonal des finances qui stigmatisaient les dysfonctionnements de l'office des poursuites et faillites. Or, et c'est une réalité, l'autorité de surveillance s'en plaint aujourd'hui pour tenter de se disculper, personne n'a transmis au Palais de justice ces différents documents. Comment voulez-vous, Mesdames et Messieurs - et j'en terminerai par là dans cette première intervention...
Une voix. La dernière !
M. Rémy Pagani. ...que nous acceptions la proposition qui nous est faite ce soir d'exclure l'autorité administrative sur laquelle nous étions tombés d'accord parce qu'elle permettait une collaboration intense entre le directeur général et le chef du département ?
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). J'interviendrai en premier lieu sur la loi-cadre des offices de poursuites et faillites et, en second lieu, sur la pétition concernant le New Morning.
Mesdames et Messieurs, les socialistes étaient parfaitement satisfaits de la loi qui est sortie de cette enceinte le 21 septembre, parce que cette loi, contrairement à ce qui a été dit, avait fait l'objet d'un travail approfondi. La commission de contrôle de gestion n'avait pas siégé moins de vingt-quatre heures en séances successives de juin à septembre pour traiter de cet objet. Je ne peux donc pas laisser dire que cette loi aurait été envisagée à la hussarde.
Si elle nous convenait, c'était parce qu'elle contenait déjà les ingrédients indispensables à la restructuration des offices: plus de professionnalisme, un certain contrôle et, aussi, les mesures-cadres anti-corruption, qui devaient tout de même rendre moins faciles les abus auxquels on a pu assister.
La droite, qui dans un premier temps a largement soutenu cette loi, s'est ravisée au mois de décembre avec deux projets de lois que nous considérions quant à nous extrêmement destructeurs, et cela, malheureusement, non seulement sous l'influence de l'idéologie politique, comme je l'avais dit - c'est quelque chose que nous aurions pu comprendre - mais en raison aussi de ces parcelles d'intérêts particuliers qui nous déplaisaient si souverainement.
Aujourd'hui, si les socialistes se sont ralliés aux quelques modifications apportées en commission de contrôle de gestion c'est que nos interlocuteurs politiques se sont aussi ravisés sur la portée des modifications auxquelles il y avait lieu de procéder. Et donc, nous nous félicitons ce soir de voir reconnaître, en tout cas par une large majorité, qu'il n'est pas envisageable de laisser l'actuelle autorité de surveillance continuer dans ses attributions, ne serait-ce que parce qu'elle n'y a pas manifesté un intérêt et un investissement louables. Et la commission de surveillance ressemble comme deux gouttes d'eau à la commission de surveillance flanquée d'assesseurs spécialisés, juristes, d'une part, experts-comptables, d'autre part, dont nous avions communément décidé l'opportunité au mois de septembre.
Deuxième source de satisfaction pour nous: vous avez, Mesdames et Messieurs de la nouvelle majorité, compris qu'à ce moment de la restructuration des offices de poursuites et faillites il n'était décemment pas envisageable que des cadres des offices des poursuites et faillites, au lieu de s'investir au relèvement de ces services, s'investissent dans des administrations spéciales, dans des conditions parfois scabreuses, et nous vous remercions d'avoir compris toutes les conséquences que pouvait avoir votre geste premier. Et M. Pagani parlait d'ailleurs tout à l'heure des problèmes qu'avaient posé les administrations spéciales.
Et puis, troisième source de satisfaction: la fin du combat contre un système de contrôle à l'intérieur des offices, qui était aussi, Mesdames et Messieurs, remis en cause dans votre deuxième projet de loi. Aujourd'hui, vous avez pris la mesure de la loi sur la surveillance, et c'est pour nous une garantie.
Mais, bien sûr, il n'y a pas que les félicitations et les flonflons, nous avons aussi des regrets...
En effet, un certain nombre de mesures anti-corruption ont été édulcorées. Je ne vais pas m'étendre longuement sur ce sujet maintenant, mais ce point nous tient à coeur. Nous n'avons pas réussi à vous convaincre, et cette mesure anti-corruption est tombée sous le poids des adversaires politiques: je veux parler du tournus des agences immobilières dans les gérances légales. Je pense que j'aurai l'occasion d'y revenir au cours du débat, puisque nous avons eu l'occasion d'examiner des cas concrets qui sont parfaitement illustratifs des perversions de cette affaire.
Nous regrettons que cela n'ait pas abouti, mais, ce soir, nous avons une priorité: le redressement effectif des offices des poursuites et faillites.
Alors, il se trouve que le projet de restructuration n'était pas conduit à chef au moment où nous avons eu ces secondes discussions, de sorte que, si la commission de surveillance qui était de nature judiciaire devait voir le jour, elle serait extrêmement proche des élections générales... Autant dire que ça n'aurait pas énormément de conséquences ! Mais si nous pensons à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses des offices des poursuites et faillites, qui ont un besoin impérieux d'être fixés sur leur sort, et si nous pensons aux garanties qui étaient déjà contenues dans la loi du 21 septembre et qui se retrouvent ici malgré les modifications apportées, nous pensons qu'il est prioritaire de voter cette loi ce soir, malgré notre amertume sur les points que j'ai évoqués.
J'en viens maintenant à la pétition concernant...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée...
Mme Alexandra Gobet Winiger. Mais j'interviens sur le New Morning... Bien, je reprendrai la parole...
Le président. Je suis navré, mais c'est vous qui avez voté le règlement, pas moi !
Monsieur Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann (AdG). Dans le cadre de ce débat, je pense qu'il est utile de rappeler les grands enjeux de ce débat, parce qu'il est clair que si nous partons dans les questions juridiques en examinant les lois dans le détail, on risque de se perdre et de ne pas cerner le fond du problème, objet de notre débat de ce soir.
Je ne vais pas revenir sur l'ensemble de la problématique de l'office des poursuites, mais je vais tout de même rappeler la responsabilité de ce parlement et de sa majorité d'alors qui avait décidé de bloquer les effectifs même au plus fort de la crise économique, quand les faillites se multipliaient et que les dossiers s'accumulaient sur les bureaux des OPF. Vous le saviez, néanmoins, vous avez décidé aveuglément de continuer à bloquer de manière linéaire les effectifs et même de les réduire.
Partant de là, ces offices n'ont pas été en mesure de faire leur travail correctement. Indépendamment de ces problèmes, d'autres sont survenus à propos desquels - je me permets quand même de le rappeler ici - nous sommes intervenus à plusieurs reprises. Je rappelle aussi qu'une première motion de ce Grand Conseil demandait l'établissement d'une commission d'enquête, alors que le conseiller d'Etat chargé de ce département était en fonctions au moment de ces faits. Ce Grand Conseil avait décidé de ne pas donner suite à cette commission d'enquête: il acceptait que celui qui avait été nommé pour conduire cette enquête soit nommé préposé chef de l'office des poursuites, conduise les réformes et, en même temps, que toutes nos demandes d'examen soient mises à la poubelle. Voilà, ce que vous avez fait ! Et on a vu où cela vous a conduits de nommer cette personne à cette place ! Cela revenait en quelque sorte à mettre le couvercle sur la marmite et à laisser cuire à l'intérieur sans vous préoccuper des conséquences.
Je suis d'ailleurs un petit peu étonné que la Cour de justice puisse affirmer aujourd'hui qu'elle n'avait pas les documents, qu'elle ne connaissait pas les rapports, qu'elle accuse l'ICF de ne pas avoir communiqué les informations, alors que nous en avons débattu ici depuis les années 80, 85, 86, 89, 90, qu'elles figurent dans les rapports de majorité, que les rapports étaient publics ! Il est tout de même un peu fort que la Cour de justice chargée d'examiner les dossiers, après tout ce qui s'est dit, après tous les éléments qui sont sortis, puisse nous présenter un rapport dans lequel elle dit que les rapports de l'ICF lui ont été cachés et que personne n'en avait connaissance ! C'est tout simplement inexact ! Et je m'étonne que la Cour de justice ne sache même pas, dans son domaine de compétence - le contrôle de l'office des poursuites - ce que tous les députés savaient, et ce que tout le monde savait puisque c'était public ! Nier l'évidence à ce point-là me semble mettre en exergue un grave problème de fond. Ce problème est de savoir s'il était opportun de changer la méthode de contrôle, de mettre au point un autre système. C'est ce que la majorité d'alors avait décidé lors des dernières séances de l'année passée, de manière réfléchie et non précipitée, avec des projets de lois déposés au mois d'avril - on y reviendra tout à l'heure - avec des propositions cohérentes et concrètes, votées à une très large majorité de ce Grand Conseil, y compris le radical qui nous faisait la leçon tout à l'heure et qui vient de fuir les débats... A ce moment-là vous n'étiez pas dans l'opposition ! Seuls, quelques libéraux n'étaient pas d'accord avec cette loi, mais presque tout le Grand Conseil l'a votée.
Alors, que s'est-il passé ? Pourquoi l'avez-vous votée ? Parce que nous étions à la veille des élections, que les informations étaient connues du public et qu'il fallait bien faire semblant de jouer la transparence et de mettre de l'ordre dans la maison ! Vous avez voté les lois de contrôle, mais une fois les élections passées, comme vous avez la majorité, que nous proposez-vous ? Vous faites une loi qui annule la précédente, vous ne voulez pas permettre un véritable contrôle et vous donnez les compétences, pour exercer ce contrôle, aux mêmes ! Et, en plus de cela, parce que vous savez que vous nous présentez une forfaiture, vous y ajoutez la clause d'urgence !
Qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que le peuple ne pourrait pas se prononcer sur un éventuel référendum ! Non seulement vous vous déjugez de ce que vous avez promis et voté avant les élections en revenant maintenant sur votre décision en proposant une nouvelle loi, mais vous l'assortissez d'une clause d'urgence, pour empêcher le peuple de se prononcer. Et vous venez nous donner des leçons de transparence, de démocratie et d'ouverture ! Mais c'est la meilleure manière de montrer à la population que vous ne voulez pas de la transparence, que vous voulez continuer les magouilles et que tous les problèmes qui sont survenus vont pouvoir continuer avec votre bénédiction et avec l'accord des socialistes qui vous ont rejoints sur ce terrain !
Moi, je trouve cela quand même curieux, et je me demande bien ce que le citoyen qui nous regarde en ce moment peut penser d'une telle politique...
En résumé, un: pas de transparence; deux: vous votez une loi avant les élections; trois: vous vous empressez de la modifier après et quatre: vous la munissez de la clause d'urgence pour empêcher un éventuel référendum. Voilà la politique que vous conduisez ! Je termine là ma première intervention, mais vous imaginez bien que j'ai encore beaucoup de choses à dire et que j'interviendrai à nouveau au cours du débat.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je veux tout d'abord dire que je rejoins tout à fait les propos tenus par Mme Gobet Winiger. J'ajouterai simplement que s'il y a eu autant de dysfonctionnements et de fraudes aux OPF, c'est bien parce que c'est un lieu à hauts risques et propice aux tentations, puisque c'est l'endroit des bonnes affaires que l'on voit passer et à s'approprier avant les autres...
Notre seule garantie pour nous prémunir de ces malversations est de mettre en place un système pour que ces actes illégaux soient sévèrement punis et que les opérations comptables internes soient très bien contrôlées.
Nous pensons pour notre part qu'un compromis a quand même été trouvé en commission sur des points qui nous semblent tout à fait défendables, à savoir que les deux offices aient un organe de surveillance interne et une direction commune. C'est certainement une meilleure solution qu'un seul office-mammouth. Mais, alors, il faudra choisir le directeur selon ses compétences et non par copinage.
Par contre, nous soutiendrons l'amendement proposé pour qu'un tournus des gérances légales soit instauré. Nous trouvons aussi que la création d'une commission de surveillance, qui ne soit plus la Cour de justice qui avait si mal travaillé, est une bonne chose. Elle comptera plus de juges et, par conséquent, plus de temps pourra être consacré à cette mission.
Mais maintenant, nous estimons qu'il faut absolument que ces offices puissent fonctionner à nouveau sur ces nouvelles bases pour redonner confiance aux fonctionnaires, ce qui est peut-être le meilleur moyen de travailler honnêtement. Car s'il y a eu des employés corrompus, il y en a aussi qui faisaient très bien leur travail. On le sait, les dossiers à traiter s'accumulent... Notre travail de politiciens ne doit pas consister à bloquer le processus de mise en place d'une nouvelle structure, mais, au contraire, à l'accélérer. Il faudra aussi améliorer le système informatique qui a beaucoup ralenti le travail des OPF et il faudra effectivement voter des crédits dans une autre loi.
Notre groupe votera donc cette loi telle qu'elle ressort des travaux qui ont fait l'objet d'un large consensus dans une ambiance constructive au sein de la commission, et nous pensons aussi qu'avec la nouvelle conseillère d'Etat les choses se mettront en place rapidement.
Je comprends tout à fait le souci de l'AdG par rapport à des juges assesseurs qui seraient désignés par le Grand Conseil avec une garantie de représentativité de tous les partis, mais je ne pense pas que ce soit l'unique facteur des éventuelles futures malversations au sein des OPF. Ce qu'il faut avant tout, c'est élire des gens intègres, compétents et dépourvus de liens d'intérêts.
De toute façon, il n'existe aucune loi parfaite qui puisse empêcher la tricherie. Le but, c'est de savoir qu'elle est punissable. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Je voudrais répondre à M. Büchi et, ce faisant, revenir au stade où j'avais arrêté ma première intervention.
Dans la première partie de mon intervention de rapporteur de minorité, j'ai simplement voulu rappeler les nombreuses malversations qui sont survenues dans la gestion des offices des poursuites, et je ne prétendais pas, Monsieur Büchi, faire le moindre scoop quelconque... Vous savez, il y en a assez eu comme cela sans en rajouter !
Mais, malheureusement, si vous voulez le savoir, il y a, depuis lors, encore un certain nombre de faits qui se sont produits. Je n'entends toutefois pas les évoquer ce soir.
Vous nous avez posé une question très précise par rapport à ce qui nous oppose... Eh bien, je vais vous répondre.
J'avais terminé mon intervention en rappelant que, face à l'inertie la plus totale du Conseil d'Etat, face à cette gabegie, à ces dysfonctionnements et ces malversations dans la gestion de l'office des poursuites, des députés de différents partis ont fait des propositions et nous-mêmes - l'Alliance de gauche - avons déposé au mois de mai le projet de loi 8536 comportant un certain nombre de propositions. Elles étaient du reste assez modestes en ce qui concerne l'organisation des offices, puisque nous proposions de maintenir les trois offices tels qu'ils avaient été mis en place, des structures ayant été organisées dans trois centres de gestions - trois arrondissements. Mais nous proposions que ces offices, en raison des dysfonctionnements, soient soumis à l'autorité d'un directeur général. Vous pouvez le trouver dans le projet de loi en question !
Or - c'est un point important - en commission, il nous a été dit qu'il n'était pas possible d'avoir un directeur général au-dessus des préposés des offices, en raison des exigences de la loi fédérale qui prévoit que ce sont les préposés qui ont la haute main sur les offices sous réserve, bien entendu, des pouvoirs de l'autorité de surveillance. Et c'est parce qu'il n'était - nous a-t-on dit - pas possible de nommer un directeur général que la commission a imaginé de fondre en un seul office - office qui a été qualifié tout à l'heure de «mammouth» - les trois offices existants pour n'avoir plus qu'un seul préposé qui aurait eu, de fait, le rôle de directeur général. Je tenais à le rappeler, parce qu'aujourd'hui on nous propose non pas de revenir au statu quo ante, ce qui aurait pu être d'une certaine logique, c'est-à-dire aux trois arrondissements initiaux, mais, au lieu d'en avoir trois ou un seul, comme cela a été voté au mois de septembre, on décide qu'il y en ait deux: un sur la rive gauche et un sur la rive droite ! Et on prévoit un directeur général. Alors, j'y reviendrai tout à l'heure, parce que je crois, comme cela a été dit, que ce poste de directeur général risque, tel qu'il est formulé dans la loi, de ne pas être admis par l'autorité fédérale et que le but que les uns et les autres prétendent défendre ici d'avoir des offices - et j'entends encore les propos de M. Büchi à cet égard - sous l'autorité d'un directeur général, risque bien lui aussi d'arriver exactement à l'effet contraire, à savoir que l'on n'aura pas de directeur général.
Je clos cette parenthèse sur ce point spécifique pour dire que l'autre proposition que nous avons faite dans notre projet de loi consistait à remplacer l'autorité de surveillance, qui est assumée encore à ce jour par une section de la Cour de justice, par une commission administrative avec un représentant de chacun des partis siégeant dans ce Grand Conseil.
Cette proposition n'a pas, au départ, suscité beaucoup d'intérêt, et des membres de la commission ont imaginé un système qui me paraissait aller au rebours du bon sens, à savoir la création d'une autorité de première instance de surveillance qui serait composée de juges individuels du Tribunal de première instance, dont on peut très fortement douter qu'ils avaient des compétences à cet effet, et puis que les décisions du juge de première instance pouvaient faire l'objet d'un appel à la fameuse Cour de justice qui assume encore aujourd'hui l'autorité de surveillance... Alors, je vous laisse imaginer le temps et les retards qu'aurait pris une telle procédure qui, heureusement, a finalement été abandonnée par la commission au profit de la solution que nous avions proposée.
Alors, peut-être aurions-nous mieux fait de ne pas la proposer nous-mêmes, car j'ai un peu le sentiment que lorsqu'une proposition est faite par l'AdG, et parce qu'elle vient de l'AdG, elle a d'office une connotation négative. Mais, enfin, Mesdames et Messieurs, je crois que nous sommes tous d'accord aujourd'hui - j'entends encore M. Büchi le dire - sur un point: la Cour de justice n'était et n'est pas à même d'assumer la surveillance générale dont ont besoin les offices. Cette autorité formée exclusivement de juristes a certainement des compétences pour statuer sur un certain nombre de plaintes déposées par des administrés contre des décisions de l'office, mais la Cour de justice n'a en tout cas ni le temps ni les moyens de procéder à la surveillance générale qu'implique la gestion de ces offices. Et, si elle avait été effectuée de manière correcte - j'ose l'espérer - les graves infractions qui ont été commises auraient été découvertes.
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet. Ce n'est effectivement pas avec des juges qui, comme Mme Liechti l'a dit publiquement, ne consacrent qu'une après-midi par semaine à la surveillance qu'on pouvait y arriver !
Le point de divergence fondamental, Monsieur Büchi, est le suivant: nous voulons créer - et nous avons créé - avec la loi du 21 septembre que vous remettez en cause, comme l'a rappelé M. Spielmann tout à l'heure - une autorité de surveillance totalement indépendante et dépolitisée, parce que l'autorité de surveillance actuelle qui fonctionne depuis des années n'est composée que de juges venant de vos milieux politiques, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente ! Ce sont des juges radicaux, PDC et libéraux, qui forment cette autorité de surveillance !
Le président. Vous avez dépassé votre temps, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Nous pensons aujourd'hui que si nous voulons avoir une autorité de surveillance qui travaille efficacement - nous l'avons déjà dit au niveau de la Banque cantonale - il n'y a qu'un seul moyen: que tous les partis politiques qui sont représentés dans cette enceinte, et tout particulièrement ceux qui ne siègent pas dans un certain nombre de conseils, soient représentés au sein de cette autorité de surveillance pour s'assurer de son fonctionnement. Et c'est exactement ce que vous ne voulez pas en demandant la modification de la loi du 21 septembre qui a été votée à une très large majorité.
Et je terminerai simplement en disant que nous avons accepté pratiquement toutes les autres modifications. C'est vrai, un certain nombre d'améliorations ont été apportées...
Le président. Monsieur Grobet,s'il vous plaît, facilitez-moi la tâche!
M. Christian Grobet. Le seul point de divergence porte sur la question de l'autorité de surveillance.
Le président. Merci, Monsieur Grobet! Monsieur Pétroz, vous avez la parole.
M. Pascal Pétroz (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges... (Rires et exclamations.)
Oh là là ! On appelle ça de la déformation professionnelle !
Le président. J'espère que vous serez plus bref qu'un avocat !
M. Pascal Pétroz. Les habitudes, que voulez-vous !
Je dois vous dire que pour le jeune député que je suis, tout le travail relatif à la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite a été assez passionnant mais aussi assez intrigant... J'ai en effet été assez étonné par la teneur de nos débats en décembre: c'était absolument épouvantable, au point que, si j'avais été un simple électeur devant mon poste, j'aurais eu véritablement une très mauvaise image de la politique. C'est le premier point que je voulais soulever: je trouve que notre Grand Conseil a une responsabilité importante à l'égard des électeurs et qu'on ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi. Voilà, pour le mauvais ! Parce qu'il y a eu du bon...
Quand le projet a été renvoyé à la commission de contrôle de gestion, nous avons pu travailler de manière tout à fait consensuelle et nous avons pu avancer. C'est quelque chose de fondamental: Mme Gobet Winiger l'a rappelé tout à l'heure ainsi que Mme Leuenberger. Je crois que sur un sujet comme celui-là, l'Etat de Genève ne peut pas se permettre de sombrer dans de vaines querelles: il faut que les choses avancent.
J'aimerais vous dire à ce propos que les employés des offices de poursuites en ont besoin, car ils sont complètement perturbés. Cela change tout le temps: un jour c'est blanc, un jour c'est noir - sans faire de mauvais jeu de mots, Monsieur Blanc ! - et ils sont complètement destabilisés par la situation. (Exclamations.)Alors j'aimerais que nous leur livrions un message ce soir pour dire que si des choses graves se sont passées dans le cadre de la gestion des offices de poursuites, la majorité des collaborateurs sont des gens compétents et des gens dévoués. Il faut que nous pensions un petit peu à eux ce soir.
Je l'ai dit tout à l'heure, cette loi fait l'objet d'un large consensus: c'est une solution de compromis, et le principe même d'un compromis c'est qu'il n'est ni tout à fait satisfaisant ni tout à fait inacceptable pour les deux parties.
C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien a pris la décision, comme il l'a fait en commission, de soutenir ce projet. Un certain nombre d'amendements ont été déposés. Heureusement, il y en a moins que ce que je craignais... Nous vous signalons d'ores et déjà que nous ne les voterons pas. Nous partons en effet du principe que tous les amendements nécessaires ont pu être déposés et votés en commission, et nous n'entendons pas entrer en matière sur des amendements qui ont été rejetés en commission et qui seraient déposés à nouveau ce soir pour des questions de pure tactique politicienne. On sait très bien que ces amendements vont être rejetés, mais ils ont tout de même été déposés parce qu'il y a la presse, la télé, et que c'est une façon de se faire voir !
Je vais soulever trois points très brièvement.
Madame Gobet-Winiger - nous en reparlerons tout à l'heure à l'occasion de votre amendement - vous dites que nous avons édulcoré la loi de mesures anticorruption... Je ne suis pas du tout d'accord avec vous !
Le fond du problème est que le projet de loi qui nous est soumis ce soir permette, à certaines conditions, à une régie immobilière en charge d'un immeuble de continuer quand l'immeuble fait l'objet d'une gérance légale. Les cautèles que nous avons mises à cet égard me semblent tout à fait sérieuses, puisqu'il faut l'accord du créancier-gagiste poursuivant pour que la régie reste en place et que celle-ci n'ait pas d'autres intérêts financiers que la perception de ses honoraires. Alors, je ne vois pas en quoi nous avons renoncé à des mesures anticorruption, pour reprendre vos propos... J'ai peut-être mal compris, mais, franchement, cela m'étonnerait !
Monsieur Spielmann, vous avez parlé de la clause d'urgence... Je ne comprends pas non plus votre intervention ! Il faut lire les articles ! Ce n'est que l'entrée en vigueur de la loi qui a été votée le 21 septembre par la gauche qui est soumise à la clause d'urgence. Nous avons essayé de faire extrêmement attention en commission de contrôle de gestion à ce que la clause d'urgence soit appliquée de la manière la plus proportionnée possible, parce que nous voyons, gros comme une maison, certains des députés des bancs d'en face venir nous dire que nous vous spolions - pour reprendre la formule consacrée d'Arlette Laguiller - de vos droits populaires... Ce n'est pas sérieux: nous voulons juste éviter que l'ancienne loi votée le 21 septembre entre en vigueur et que nous nous trouvions dans une situation ridicule où nous aurions une loi durant trois mois et une autre loi trois mois après. Cela ne nous paraît pas sérieux.
Dernier point: l'autorité de surveillance. Monsieur Grobet, j'ai lu votre rapport avec beaucoup d'attention. Vous nous dites en fait qu'il faut dépolitiser l'autorité de surveillance en ayant un représentant par parti politique. Franchement, sur ce point aussi, j'ai de la peine à comprendre comment on peut dépolitiser un organe de surveillance en voulant que chaque parti y soit représenté. Il faudra que l'on m'explique la chose ! Encore une fois, tout cela ne me paraît pas très sérieux.
Mon souhait serait, dans le cadre de ce débat, que nous puissions nous exprimer de manière sereine, en évitant les remarques outrancières - je fais référence au courrier que le procureur général a adressé à la commission de contrôle de gestion le 3 janvier, qui figure en annexe du rapport, et où celui-ci disait son extrême préoccupation par rapport aux remarques outrancières faites par un certain nombre de députés... J'aimerais donc que ce débat se déroule dans de bonnes conditions, sans écarts de langage, de manière que nous puissions avancer, parce que Genève a besoin d'une nouvelle loi sur les poursuites. C'est très important ! (Applaudissements.)
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Je souhaitais intervenir par rapport au New Morning, pour vous inviter, Mesdames et Messieurs... (L'oratrice est interpellée.)Non, pas à un transport sur place, ou alors peut-être après la séance !
Pour en revenir au rapport, je vous invite à le voter.
En effet, nous sommes typiquement dans une de ces situations qui sont décrites dans le rapport de l'inspection cantonale des finances où des actifs d'une faillite ont été sciemment - je dis bien «sciemment» - sous-évalués. C'est le premier point.
Dans cette affaire, il aurait suffi que l'office des poursuites et faillites, comme je l'ai fait, demande à l'assurance du New Morning de lui communiquer la valeur d'inventaire de l'assurance pour le local pour avoir ne serait-ce qu'une idée de ce qu'étaient les valeurs apportées à l'inventaire. Alors, en 1992, il y en avait pour 2 millions. A celui des poursuites et faillites, Mesdames et Messieurs les députés, tous biens confondus, la valeur était de 50000 F ! Je vous laisse apprécier la différence !
Mais ce qui est plus grave dans cette affaire - je suis désolée, mais cela m'amène à parler de façon anticipée du problème des intérêts des créanciers-gagistes dont il sera question plus loin par rapport aux gérances légales - et ce qui n'a pas permis que les travailleurs du New soient indemnisés, c'est que toute la conduite de la liquidation de la faillite du New a été pilotée par la créancière-gagiste Banque cantonale qui n'était créancière-gagiste que des murs... Je montrais à Mme Grobet-Wellner une lettre de la Banque cantonale dans laquelle, après l'échec d'une exploitation pendant dix-huit mois par M. Beat Fritz, soit le 22 août 1995, la créancière-gagiste des murs s'accrochait encore et écrivait: «Il serait prématuré d'entrer en matière sur l'offre de rachat du fonds de commerce sans qu'une offre raisonnable de rachat n'ait été formulée...». Cela veut dire: mes intérêts d'abord, les intérêts du fonds de commerce ensuite ! Et, si c'est inadmissible, ce n'est pas tellement que la créancière-gagiste ait essayé d'obtenir une valeur maximum... Ce qui est scandaleux, c'est que l'office des poursuites et faillites ait suivi, Mesdames et Messieurs ! Et c'est vrai, la rapporteuse a raison de dire qu'il serait maintenant convenable que l'Etat de Genève entre en matière pour dédommager ces personnes !
Il m'a fallu ressortir mes notes de consultation du dossier pour me souvenir que les actifs ont été bradés sans répondre à certaines offres de rachat qui ont été faites - c'est aussi une chose qui est relevée dans le rapport de l'inspection cantonale des finances. Dans l'affaire du New Morning, l'office a enregistré une offre de 700000 F le 15 septembre 1993; une offre de 560000 F le 1er septembre 1993 - accompagnée d'une garantie bancaire qui est au dossier - et l'office a enregistré une offre de 200000 F deux mois encore avant que les actifs ne soient cédés à 40000 F à l'acheteur, le 12 février 1997... Cinq fois le prix, Mesdames et Messieurs !
C'est vous dire que la gestion de cette affaire par l'office prête à la critique et que nous ne pouvons qu'inviter le gouvernement à examiner cette affaire de façon approfondie - le dossier est tout à fait transparent - et à entrer en matière sur les demandes de dédommagement qui, jusqu'à présent, ont été très injustement repoussées.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le débat a été particulièrement long. Le Bureau vous propose pour ce premier débat de clore la liste des intervenants en fonction de notre article 78. (Exclamations.)Je suis navré, Monsieur Vanek, la liste est close ! Sont inscrits: M. Spielmann, Mme Hagmann, M. Pagani et M. Grobet. Je pense que vous serez d'accord avec moi, Monsieur Vanek, car il y a déjà trois représentants de votre parti inscrits et j'avais fait la proposition avant que vous ne demandiez la parole.
Si le rapporteur de majorité veut la parole, je la lui accorderai comme à M. Christian Grobet.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette proposition: ceux qui l'acceptent veuillent bien le faire en levant la main.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Jean Spielmann (AdG). J'aimerais tout de même vous rappeler quelques faits, Monsieur Pétroz, notamment sur la manière dont les choses se déroulent ici. Vous avez cru bon d'évoquer la lettre adressée par le procureur général par rapport aux discussions que nous avons eues dans cette enceinte.
Comme je l'ai déjà dit la dernière fois, venir dire ici que la justice travaille en toute indépendance par rapport aux partis politiques et qu'elle représente le troisième pouvoir est tout à fait abusif. Nous sommes dans une situation de fait dans laquelle le troisième pouvoir est un pouvoir confisqué par les partis !
Le rapport de majorité nous explique tranquillement que tous les partis représentés au Grand Conseil sont équitablement représentés au sein du pouvoir judiciaire... Je ne vais pas faire un cours de mathématiques sur la répartition des juges par rapport au nombre des partis, mais quand j'entends dire ici que cette répartition est équitable, permettez-moi de rire doucement !
Depuis des années et des années, vous vous partagez les postes de juges, même si vous avez effectivement donné quelques sièges par-ci par-là avec parcimonie. Vous les désignez, et ils doivent passer par les partis politiques avant de pouvoir exercer leurs fonctions ! Et c'est vous qui les fabriquez et c'est vous qui confisquez ce troisième pouvoir en vous mettant d'accord et en organisant des élections tacites à chaque grande élection !
Alors, venir nous dire ici que le pouvoir judiciaire est un pouvoir à part, qui s'appuie sur une légitimité populaire, c'est une escroquerie ! C'est tout simplement faux ! A fortiori, il est un peu fort, quand nous intervenons à ce sujet, de venir nous dire que nous politisons le problème !
Vous nous dites que les postes du pouvoir judiciaire sont équitablement répartis, que la démocratie est respectée et que les juges sont indépendants... Permettez-moi de vous dire que cela ne nous satisfait pas ! Et nous politisons, car nous trouvons que ce n'est pas satisfaisant ! En effet - M. Grobet l'a rappelé tout à l'heure - les représentants de la Cour de justice responsables des contrôles de l'office des poursuites publient des rapports en n'ayant même pas consulté les documents concernant cette affaire, ni les textes ni les débats de ce parlement et, de plus, ils se permettent de nous donner des leçons ! Et ces personnes représentent vos partis ! Alors, évidemment, je comprends que vous nous disiez de ne pas politiser ! Mais c'est vous qui êtes responsables de la nomination de ces juges et personne dans ce canton ne peut être juge s'il ne vient pas se soumettre à un de vos partis politiques !
Partant de là, permettez-moi de douter de l'indépendance de la justice et de rire doucement. J'ai quelques expériences à cet égard, et je peux vous dire que les décisions qui sont prises sont souvent et même très souvent politiques, et ce n'est pas un hasard si la Cour de justice a failli dans sa mission de contrôle de l'office des poursuites.
Que proposons-nous? Que tous les partis représentés au Grand Conseil aient un représentant pour contrôler l'office des poursuites. Vous ne le voulez pas, pour empêcher qu'une partie des députés posent des questions !
Je me permets encore une fois de vous rappeler que cela fait presque quinze ans que nous posons des questions sur cet office et qu'on nous a toujours menti en nous racontant qu'il n'y avait pas de problème et que tout était normal, que c'est nous qui inventions des histoires, que nous étions des margoulins, que nous voulions politiser cette affaire... Regardez le résultat ! Si vous aviez seulement consulté les dossiers et mis un peu d'ordre dans cette affaire, les choses se seraient améliorées ! Maintenant, il faut que les choses changent ! (Des députés quittent la salle.)Vous quittez la salle, parce que nous sommes au coeur du problème ! Nous ne sommes pas d'accord avec la manière dont vous traitez ce dossier, car la loi votée avant les élections par la grande majorité de ce Grand Conseil donnait à la population une garantie de transparence et l'espoir que l'on remette enfin de l'ordre dans cet office. Aujourd'hui, vous revenez sur ces promesses et vous dites comme cela, négligemment, que vous avez mis la clause d'urgence pour annuler la loi votée le 21 septembre... Mais cette loi prévoyait de mettre de l'ordre et de contrôler l'office des poursuites autrement qu'avec vos petits amis de la Cour de justice, et c'est justement ce que vous ne voulez pas, alors vous nous proposez la clause d'urgence !
Ne vous moquez pas de nous, car, ce faisant, vous vous moquez des électeurs, qui, eux, n'auront pas le droit de se prononcer sur ce sujet et qui voient que vous avez tourné votre veste après les élections et que toutes les belles promesses de transparence se sont envolées !
La population peut constater qu'il y a eu de graves distorsions, qu'il y a eu des magouilles, que vous avez voulu les cacher, que vous nous avez menti, que les juges de la Cour de justice ont failli dans leur devoir de contrôle, mais que vous voulez malgré tout continuer avec les mêmes, et dans la même direction ! C'est cela que gens peuvent constater aujourd'hui ! (L'orateur est interpellé.)Eh oui, nous le disons haut et fort ! Eh oui, nous faisons de la politique sur ce terrain ! Tant que nous aurons des gens en face de nous qui ne respectent pas la démocratie, le rôle des partis politiques et la transparence, nous continuerons d'intervenir ! Votre manière d'agir ce soir pour aborder ce problème politise ce débat, mais sachez que nous resterons vigilants et que vous aurez quelques comptes à rendre !
Mme Janine Hagmann (L). Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris ce qu'a dit M. Spielmann... (Rires et exclamations.)J'espère qu'il ne reprendra pas la parole...
Une voix. Moi non plus!
Une voix. Il est vraiment mauvais! (Rires.)
Mme Janine Hagmann. Mesdames et Messieurs les députés, dans une interview que j'ai lue l'autre jour, le directeur ad interim des offices des poursuites et faillites a déclaré qu'il ne faudrait pas une année mais bien trois à quatre années pour remettre le bateau complètement à flot...
Alors, qu'avons-nous fait ? Nous avons fait une nouvelle loi pour éviter que cette situation catastrophique ne perdure ! Il faut vraiment y croire, sinon nous n'y arriverons pas.
Pour quelle raison avons-nous proposé cette nouvelle loi ? Parce que, contrairement à vous, nous avons voulu faire de la concertation avec le personnel ! La commission a reçu une délégation des OPF qui lui a dit qu'il était impératif que soit mise en place une organisation de son travail avec l'adhésion la plus large possible du personnel, ce qui est la condition essentielle au succès d'une réforme quelle qu'elle soit. Vous avez toujours prétendu avoir fait de la concertation, mais ce n'est pas vrai ! Nous avons aussi des sources aux OPF ! Vous connaissez à peu près 10% du personnel, ce qui correspond aux 10% du personnel syndiqué, mais vous oubliez que 90% du personnel n'était pas d'accord avec ce que vous avez fait ! Nous avons donc voulu faire de la concertation pour rendre au personnel sa vraie place au sein des OPF.
Mesdames et Messieurs les députés, nous vous l'avons déjà dit: il y a longtemps que des députés ne s'étaient donné autant de peine pour vous présenter un projet. Mme Gobet et M. Muller se sont rencontrés plusieurs fois pendant les vacances de Noël pour mettre au point le projet de loi que nous vous présentons ce soir, car nous nous sommes rendu compte qu'il était impératif de redonner de la sérénité au personnel.
Et puis, il faut aussi que la nouvelle conseillère d'Etat puisse faire son travail... Comment voulez-vous qu'elle fasse du bon travail, si on n'arrête pas de refaire le passé et de ressortir les cadavres du placard ? (L'oratrice est interpellée.)Mais c'est vous, Monsieur Spielmann ! Le débat de ce soir était d'un bon niveau, mais vous avez pris un ton très polémique et vous avez utilisé des termes outranciers ! Je regrette, nous devons avoir une certaine éthique au cours des débats et la respecter ! (Applaudissements.)
Mme Leuenberger a dit la majeure partie de ce que je voulais dire par rapport à la conscience professionnelle du personnel des OPF. Il est inutile de prolonger les débats. Le personnel veut ce projet de loi: il faut le voter et il faut le voter tel qu'il ressort du rapport de majorité ! (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). Je vous demanderai, Monsieur le président, de rappeler à Mark Muller ses devoirs de rapporteur de majorité... Je comprends bien que les rangs de la droite soient clairsemés, vu l'attachement que les députés de droite ont pour les problèmes importants pour la population, mais je comprends moins qu'un rapporteur de majorité se permette de lire le journal sur sa place de travail tout en bâillant... Cela me paraîtrait être la moindre des politesses d'observer un minimum de courtoisie, ne serait-ce que par rapport aux électeurs ! Je vous prie donc de lui transmettre cette demande, Monsieur le président.
Le président. Je crois qu'il l'a entendue, Monsieur Pagani ! (Rires.)
M. Rémy Pagani. Je vous remercie !
Quelqu'un a évoqué la sérénité que doit retrouver le personnel... Mais, si vous étiez aussi conscients de ce problème, Mesdames et Messieurs les députés, vous auriez laissé le projet de loi, tel qu'il est, prendre effet le 1er mars et puis, dans un an, après avoir fait un bilan circonstancié, vous seriez revenu en plénière en proposant un autre projet de loi. Or, vous avez fait l'inverse, parce que vous savez très bien que l'enjeu de la discussion de ce soir, c'est la direction unique dont vous ne voulez pas... Vous voulez maintenir les châteaux forts, les citadelles imprenables, en mettant deux préposés à la tête, parce que vous avez peur que les choses changent et que les rails sur lesquels nous avons mis ce projet de loi produisent leurs effets et que vos petits copains ne puissent plus se servir au passage! (Exclamations.)
En ce qui concerne le contrôle interne, cette loi nous dit que ce sont les préposés - puisque dorénavant il y aura deux préposés qui seront responsables devant la loi des procédures de contrôles internes - qui devront mettre en place les contrôles internes... Je vous rappelle ce que sont les contrôles internes: ils consistent à aller vérifier les caisses, y compris la caisse de la secrétaire, et l'ensemble des procédures comptables. Or, vous savez très bien, Mesdames et Messieurs, que dans l'administration, bien que ces contrôles soient convenus et légalisés, peu sont mis en place par les responsables des administrations. Et, d'ailleurs, les rapports de l'ICF montrent que ces contrôles internes sont loin d'être systématiquement effectués. Vous n'avez aucune garantie que ces contrôles internes soient effectués, d'autant plus que les deux préposés en question ont participé aux affaires précédentes.
Tout le monde appelle de ses voeux la Cour des comptes ou un organe indépendant dirigé par un magistrat qui puisse aller mettre son nez partout, mais vous n'avez aucune garantie que de véritables contrôles financiers soient effectués comme c'était le cas avant 1988 dans les offices. Pourquoi était-ce le cas ? Parce que le système comptable était différent: il permettait et même imposait ces contrôles internes ! Je le répète, vous ne nous donnez aucune garantie que ces contrôles internes soient effectués de manière systématique, c'est-à-dire au moins tous les trois mois. Et je rappelle tout de même que les sommes concernant les administrations spéciales ou les régies légales portent sur des centaines de millions par année ! Voilà, Mesdames et Messieurs, en ce qui concerne les contrôles internes !
J'en viens à l'activité de l'autorité de surveillance. On nous fait la leçon: la présidente de la Cour de justice a produit un communiqué de presse en s'offusquant des affaires que nous soulevions...
Alors, nous nous posons des questions, et je vais vous les répéter pour que vous preniez bien la mesure de leur importance. A mon avis, l'autorité de surveillance devrait se prendre par la main et faire un véritable examen de conscience !
Comment se fait-il, par exemple, que l'autorité de surveillance, pendant plus de dix ans, n'ait eu aucun soupçon sur les graves malversations qui sont aujourd'hui avérées et qui donnent lieu à des poursuites pénales ?
Comment se fait-il que cette même autorité de surveillance, alors qu'elle avait pour tâche de surveiller les activités des OPF, ait participé à un dîner de fin d'année du personnel des offices dans un très bon restaurant de la place, repas au demeurant payé avec l'argent d'une caisse fictive et illégale ?
Comment se fait-il qu'à ce jour encore aucune investigation ne soit entamée concernant les administrations spéciales ? Nous attendons toujours une réponse de Mme Spoerri notamment en ce qui concerne le nombre de ces administrations spéciales, les noms des administrateurs et, surtout, le niveau de leur rémunération. Pire même: alors que l'autorité de surveillance s'est enfin autosaisie du dossier après que le scandale fut rendu public pour déterminer les responsabilités des uns et des autres en ce qui concerne les infractions à la LP, elle n'a même pas cherché à enquêter dans d'autres domaines notamment relatifs aux administrations spéciales ! Cette autorité s'est contentée d'instruire les nombreux dossiers des employés des OPF soupçonnés, mais uniquement dans le cadre établi par l'Inspectorat cantonal des finances, d'ailleurs tout en critiquant vertement l'activité de ce même inspectorat...
Le président. Il vous reste une minute, cher collègue !
M. Rémy Pagani. Nous ne doutons pas que les juges, membres de l'autorité de surveillance, savent que le travail effectué par l'Inspectorat cantonal des finances a été volontairement limité au domaine relevant de sa compétence, qu'il s'est effectué selon le système dit de «pointage» et, surtout, limité au temps qui lui était imparti pour remettre le rapport final au Conseil d'Etat. Dès lors, il appartenait à l'autorité de surveillance de réaliser des enquêtes systématiques, ce qui n'a manifestement pas été fait. Je pourrai allonger la liste: il y a une quinzaine de questions de cet ordre qui se posent quant à la responsabilité de l'autorité de surveillance, alors qu'on ne vienne pas nous dire ce soir que l'autorité de surveillance a été blanchie par le Conseil supérieur de la magistrature qui a renvoyé la responsabilité au Conseil d'Etat et à d'autres !
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Aussi bien M. Pétroz que Mme Hagmann ont justifié le projet de loi dont nous discutons ce soir par la situation des employés des offices de poursuites, en parlant de leur «déstabilisation», pour reprendre le terme utilisé par M. Pétroz, et de la nécessité d'adopter une loi pour mettre un terme à cette situation.
Je rappelle alors tout de même que la loi qui a été adoptée le 21 septembre avait précisément ce but, à savoir de mettre en place la nouvelle organisation de l'office des poursuites et, surtout, une nouvelle autorité de surveillance en lieu et place de la Cour de justice. A cet égard, il y avait effectivement un consensus extrêmement large.
A partir de là, il suffisait simplement de mettre en place les réformes qu'impliquaient ces lois, et nous avions compté assez large en prévoyant la date du 1er mars. Mais c'était sans compter que vos propres partis politiques, Madame Hagmann et Monsieur Pétroz, considéreraient que le projet de loi qui avait été voté devait être modifié... Et vous dites aujourd'hui que l'on aurait trouvé l'oeuf de Colomb!
Je vous rappelle une ou deux choses, parce que vous feignez, Madame, d'oublier le projet de loi que vous avez vous-même signé et déposé avec vos collègues politiques en date du 6 décembre 2001... Que proposiez-vous dans ce projet de loi ? Dois-je vous le rappeler ? Vous proposiez de créer deux arrondissements pour les offices des poursuites et un arrondissement pour l'administration des faillites. Mais vous êtes finalement arrivés à la conclusion que cette proposition n'était pas judicieuse et qu'il valait mieux s'en tenir à un arrondissement pour l'ensemble du canton. Et, c'est vrai, ont été créés un arrondissement pour l'office des faillites et un arrondissement pour l'office des poursuites.
En ce qui concerne la direction générale à laquelle vous semblez attacher beaucoup d'importance - je me souviens encore de vos propos en commission, et peut-être voterez-vous tout à l'heure l'amendement que j'ai rédigé, qui semble répondre à vos préoccupations et qui n'avait pas été rédigé en commission - je relève que dans votre projet de loi du 6 décembre où votre intention était de disloquer les offices des poursuites, vous ne proposiez aucune direction générale !
A vrai dire, la nouveauté principale de votre projet de loi, à part toute une série de dispositions légales qui ont été élaguées - et ça vous le saviez - était de restaurer la Cour de justice comme autorité de surveillance... Alors, je dois dire - je n'étais pas là à la première séance, mais, visiblement, vous n'avez pas tenu très longtemps ce cap - que vouloir rétablir la Cour de justice comme autorité de surveillance après son incapacité - je ne veux pas dire son manque de volonté - réelle d'assumer cette tâche était quelque chose de tout à fait surréaliste.
Si je reprends vos propositions - vous avez dit tout à l'heure que c'était pour répondre aux préoccupations du personnel, mais j'ai quelques doutes à ce sujet... - je relève que, de vos propositions initiales, il ne reste plus grand-chose et qu'en définitive la loi du 21 septembre a été confirmée dans l'essentiel.
Seules deux modifications ont été apportées: au lieu d'avoir un seul office des poursuites et des faillites, il y aura un office des poursuites et un office des faillites, ce qui impliquera la nécessité d'avoir une direction générale, avec les problèmes que cela engendrera - on verra cela tout à l'heure - et, surtout, et c'est le point cardinal de ce projet, la création de l'autorité de surveillance. On ne maintient plus la Cour de justice, mais on crée une commission de surveillance où il n'y a plus aucune garantie que chacune des forces politiques représentées dans ce Conseil soit représentée.
Nous pensons que cela est très grave, parce que nous ne sommes plus au temps où le Conseil général de notre République gérait les affaires publiques en assemblées générales à Saint-Pierre. Nous sommes aujourd'hui dans le cadre d'une démocratie au deuxième degré pour toute une série de mandats qui sont exercés par délégation du peuple, et ce n'est pas politiser une institution que de dire que le peuple souverain doit y être représenté de la même manière qu'il élit ses représentants au Grand Conseil et qu'il existe, dans les différentes institutions de ce canton, une juste représentation de la population ! Au contraire, c'est en empêchant un certain nombre de représentants ou de forces politiques, qui représentent différents courants de la population, de siéger dans une institution qu'on la politise ! J'ai de la peine à croire, Monsieur Pétroz, que vous êtes aussi naïf que vous voulez le laisser croire quand vous dites que la désignation des juges...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. ...à la commission de surveillance serait un exercice apolitique, alors qu'elle est hautement politique. Et vous savez très bien, Monsieur Pétroz, comme tous les députés qui siègent dans cette enceinte, que le choix des juges au sein de la commission de surveillance se fera par les partis politiques, et on verra bien, si votre loi passe - peut-être que le peuple devra trancher en dernier lieu - qui sera représenté dans la commission de surveillance !
En conclusion, je dirai que les autres articles que vous vouliez élaguer ont été maintenus dans le projet dont nous débattons ce soir - et nous nous en félicitons - et que celui sur les gérances légales a été amélioré. Il est clair que toute loi est perfectible et qu'on pouvait améliorer la loi adoptée le 21 septembre.
Toutefois, on ne peut nier son caractère politique, parce que si une loi a un caractère politique, c'est bien celle-ci ! En effet, vous n'avez pas voulu manifester votre désaccord politique en lançant un référendum contre la loi du 21 septembre mais vous l'avez manifesté à travers un projet de loi qui vise à imposer une nouvelle autorité de surveillance, et, cette fois-ci, sans laisser la possibilité à la population de se prononcer sur ce sujet ! Mais on y reviendra...
Le président. Vous avez dépassé votre temps de parole d'une minute, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Je finis ma phrase! ...au moment de la clause d'urgence,car c'est particulièrement grave !
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le président. On nous présente un amendement portant sur le titre de la loi qui devient: «Projet de loi modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (E 3 60)». Monsieur Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, je ne comprends pas très bien l'utilité de cette modification...
Le président. Si vous êtes d'accord, Monsieur Pagani, je vous rendrai la parole tout à l'heure, le temps de laisser M. Mark Muller présenter cet amendement...
M. Rémy Pagani. Tout à fait, Monsieur le président!
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. En réalité, il ne s'agit que d'une correction matérielle d'une erreur commise par le service du Grand Conseil au moment de l'impression du rapport, puisque dans l'annexe que j'ai jointe à mon rapport figurait déjà le libellé que le président vient d'indiquer, qui découle tout simplement de la modification de l'article 1 souligné du projet de loi. Il s'agit donc de libeller correctement le titre du projet. C'est une modification de pure forme qui vise à corriger une erreur et à se conformer au but du projet de loi, qui est effectivement de modifier la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite.
Le président. Monsieur Pagani, êtes-vous satisfait ? Bien, je fais donc voter cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, le titre ainsi amendé et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
Le président. Nous sommes saisis par M. Grobet d'un amendement à l'article 2.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. A l'instar de certains qui parlaient d'une loi votée à la hussarde en septembre - ce qui n'était pourtant pas le cas - je dirai qu'ici, dans la précipitation des travaux de la commission, on a repris malencontreusement, au début de l'article 2, le texte de l'article 2 alinéa 1 de la loi du 21 septembre, qui disait ceci: «L'Office des poursuites et faillites est dirigé par un préposé qui en assume la direction générale». Nous avions indiqué que ce préposé assumait la direction générale de l'office, parce que nous avions regroupé toutes les activités en un seul office. Or, si ce soir on maintient ces termes à l'alinéa 1 de l'article 2 de la nouvelle loi, il y aura alors une confusion totale avec l'alinéa 4 du même article 2, qui dit que «les offices sont placés sous la responsabilité d'une direction générale». On ne peut pas avoir à la fois une direction générale pour l'ensemble des offices et un préposé qui assume la direction générale. Je crois que c'est là une source de confusion, qui résulte en fait d'une omission de la commission. C'est la raison pour laquelle je propose le libellé suivant: «Chaque office est dirigé par un préposé.»
De même, il faut aussi corriger la deuxième phrase qui dit que le préposé «est assisté de substituts». Y aura-t-il véritablement deux substituts pour l'office des faillites ? C'est une question que je pose. C'est la raison pour laquelle il me semble plus sage de dire qu'il «est assisté d'un ou de plusieurs substituts». En effet, si l'on peut imaginer que, pour l'office des poursuites, il faille recourir à plusieurs substituts, je ne pense pas qu'il soit nécessaire par contre d'avoir plusieurs substituts à l'office des faillites.
Enfin, s'agissant des collaborateurs nécessaires au fonctionnement des offices,cette phrase ne colle pas, puisque chaque préposé est responsable de son propre office: il faut donc mettre officeau singulier.
Ce sont ici de simples corrections d'ordre formel, mais qui me semblent nécessaires pour la clarification de ce projet de loi.
M. Pierre Froidevaux (R). S'agissant de l'article 2, nous avons rédigé ce libellé en nous rappelant que la loi fédérale indique bien que chaque office est dirigé par un directeur. C'est donc dans cet esprit-là que nous avons modifié légèrement le libellé précédent, en parlant de sa direction générale,pour signifier que chaque office a sa propre direction générale et rend compte de sa gestion. On peut faire le parallélisme avec des offices qui sont établis sur le plan cantonal et qui dépendent directement de la loi fédérale, comme l'office cantonal de l'assurance-invalidité, office cantonal dont l'organisation dépend d'une loi fédérale. C'est dans cet esprit que nous avons rédigé cet article. En l'occurrence, les explications données par M. Grobet ne m'apparaissent absolument pas en contradiction avec la volonté que nous avions exprimée durant les débats en commission et je vous suggère donc d'adopter sans autre discussion l'amendement proposé par M. Grobet à l'alinéa 1.
Le président. A la lecture de l'article, il faut reconnaître que ce serait plus clair si on supprimait les termes: «...qui assume sa direction générale», puisque l'alinéa 4 parle aussi d'une direction générale.
Je vous relis cet amendement à l'alinéa 1 de l'article 2: «Chaque office est dirigé par un préposé. Il est assisté d'un ou de plusieurs substituts et du nombre de collaborateurs nécessaires au fonctionnement de l'office.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. J'ai également déposé une proposition d'amendement à l'alinéa 4 de l'article 2, qui avec l'alinéa 5 a donné lieu à de longs débats au sein de la commission de contrôle de gestion. Comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque nous avons adopté la loi du 21 septembre qui créait un seul office des poursuites et des faillites, celle-ci prévoyait qu'un préposé en assumait la direction générale, ce qui a été repris dans l'alinéa 1 que nous venons de modifier. Le projet de l'Entente et de l'UDC a divisé cet office unique en deux offices, avec par conséquent deux préposés. A ce moment-là, en commission, il est apparu souhaitable que ces deux offices soient soumis à une direction générale. Qui dit direction générale dit directeur général. Or, on se heurte là au problème qui a été soulevé devant la commission de contrôle l'été dernier, en relation avec le projet de loi de l'Alliance de gauche qui prévoyait précisément de créer un poste de directeur général. Des contacts ont été pris - pas par moi à l'époque - par certains membres de la commission, qui nous ont rapporté que l'autorité fédérale n'admettait pas un statut de directeur général pour deux offices et que chaque office devait avoir un directeur qui est le préposé, punkt schluss, terminé ! Du reste, M. Marcet avait aussi évoqué ce problème et c'est la raison pour laquelle j'ai indiqué qu'il y avait à mon sens un moyen de contourner le problème juridique de la loi fédérale, en disant que le département de tutelle nomme un directeur général responsable des offices qui lui est rattaché et fait partie du staff du département de justice et police. Par ce biais-là, on évite l'écueil qui avait été évoqué lors de l'examen du poste de directeur général l'été dernier.
En l'état, je regretterais que ce soir on vote le principe d'une direction générale et que l'autorité fédérale - je vous rappelle que la loi devra être soumise à l'approbation de l'autorité fédérale, comme ce fut le cas de la loi du 21 septembre - que l'autorité fédérale donc nous rétorque que nous ne pouvons pas prévoir un directeur général. Voilà pour le premier point.
Deuxièmement, quelles seront les fonctions de ce directeur général ? On a évoqué en commission les différentes fonctions que celui-ci pourrait avoir mais, au lieu de préciser ces fonctions, on est resté dans le flou le plus total en disant simplement que les offices seraient placés sous la responsabilité d'une direction générale. Il nous semble quant à nous qu'il faut préciser quelles seront les compétences et les attributions de ce directeur général, qui devrait pouvoir véritablement assumer les fonctions que nous souhaitons le voir assumer, à savoir qu'il veille à la coordination des deux offices, qu'il assure la mise en place et le bon fonctionnement de structures communes aux offices, telles que la gestion des ressources humaines, la mise en place d'une informatique commune, la formation du personnel et la gestion immobilière, et de manière générale qu'il veille à la bonne marche des offices. Pour que le directeur général puisse assumer ces tâches, il faut évidemment qu'il ait la possibilité en tout temps d'obtenir des réponses à ses demandes de renseignements et qu'il puisse consulter tout document au registre des offices des poursuites et des faillites.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons de modifier l'article 2, alinéa 4 ainsi:
«Les offices sont placés sous la responsabilité d'un département désigné par le Conseil d'Etat. Afin de permettre au département d'exercer cette tâche, un directeur général lui est rattaché qui a notamment pour attributions: - de veiller à la coordination des offices; - de s'assurer de la mise en place et du bon fonctionnement de structures communes aux offices, notamment sur le plan des ressources humaines, de l'informatique, de la formation et de la gestion immobilière; - et plus généralement de veiller à la bonne marche des offices. A ce titre, il est en droit d'adresser toute demande de renseignements utile au personnel des offices, qui est tenu d'y répondre et de le laisser accéder à tout registre ou document nécessaire à l'accomplissement de sa tâche.»
M. Pierre Froidevaux (R). Autant le premier amendement me semblait sage et permettait une meilleure lisibilité de la loi, autant l'alinéa 4 modifié par M. Grobet rend cette loi vraiment grobétienne !Vous voulez, Monsieur Grobet, mettre dans la loi l'essentiel des débats que nous avons eus en commission, où effectivement nous avions prévu de donner toute une série de tâches et de capacités de gestion à ce directeur, en opposition avec les préposés qui, eux, étaient chargés d'appliquer la loi sur les dettes et faillites. Il me semble, Monsieur Grobet, que Mme la présidente du département a pris note de toutes les qualités que nous souhaitons voir à ce directeur. En conservant le libellé tel qu'il existe, nous laissons une plus grande souplesse, nous n'imposons pas à ce directeur des tâches - car nous ne sommes pas le directeur - et nous faisons confiance au Conseil d'Etat pour nommer la personne responsable qui saura prendre, dans l'esprit d'une gestion rigoureuse des offices, les différentes décisions qui permettront à ces offices de mieux fonctionner.
Aussi j'encourage ce Grand Conseil à refuser cet amendement.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous sommes là au coeur du problème, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, et vous prendrez vos responsabilités ! Je vous rappelle, au cas où vous ne le sauriez pas, que par exemple, quand il s'agissait de vendre à Carouge des meubles qui avaient été saisis par l'office de la Vieille-Ville, tout se passait de manière nébuleuse et personne n'unifiait la politique de vente des biens de nos concitoyens. Or, aujourd'hui, Monsieur Froidevaux, vous proposez un directeur général, c'est vrai, mais pour faire de la figuration et pour s'occuper de choses qui ne vous paraissent pas essentielles - quand bien même elles sont, à mon avis, tout aussi essentielles que le contrôle des offices des poursuites et faillites tel qu'il est proposé par l'amendement du député Grobet.
Toujours est-il que ce directeur se contentera de s'occuper de la formation du personnel, de l'engagement et de la révocation des employés, et c'est pour nous inacceptable, car nous en avons assez de ces citadelles imprenables que sont les préposés - vous allez en nommer deux - qui se croient tout permis et qui n'ont de comptes à rendre à personne, pas même à l'autorité de surveillance. En effet, je vous le rappelle en passant: l'autorité de surveillance non seulement n'a pas été informée des dysfonctionnements par le Conseil d'Etat, mais elle n'a pas non plus été informée par les préposés ! Et ceux-ci, Monsieur Froidevaux, sont à l'heure actuelle ceux que vous allez nommer, à savoir M. Roulin et M. Ochsner.
Donc, je vous renvoie à l'irresponsabilité dont vous faites preuve, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face: refuser l'amendement qui vous est proposé, c'est refuser d'avoir une politique cohérente en ce qui concerne notamment l'application de la loi fédérale sur les poursuites. Je le rappelle: le Conseil d'Etat ne peut pas intervenir directement dans l'application concrète de la loi sur les poursuites, vous le savez ! Donc, qui va pouvoir dicter une politique commune, si ce n'est le directeur général ? Or, le directeur général, si vous refusez cet amendement, aura les bras et les jambes coupés, les mains liées: il ne fera que de la figuration !
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Quant à moi, je ne demande pas mieux que le directeur général puisse assumer les fonctions qu'un certain nombre de députés souhaitent, semble-t-il, lui voir assumer. Encore que je ne puisse m'empêcher de penser qu'à vrai dire, en tout cas sur les bancs de l'Entente et de l'UDC, on ne souhaite pas du tout de directeur général... Preuve en est que le poste de directeur général n'apparaissait pas dans le projet de loi 8663, qui est celui qui visait à modifier la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, alors que le projet de loi 8658 ne visait, lui, qu'à modifier la date d'entrée en vigueur de la loi du 21 septembre. A cet égard et contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure en présentant votre amendement, Monsieur Muller, il ne s'agissait pas de procéder à la correction d'une erreur du secrétariat du Grand Conseil - ce qui n'était pas très élégant à l'égard de ce service - mais bien de procéder à une modification politique du titre de votre loi.
Je disais donc que dans la loi 8663, qui vise, elle, à modifier sur le fond la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, il n'y avait pas de directeur général. Alors, Monsieur Froidevaux, il est un peu facile de donner des leçons de droit. On sait que vous êtes spécialiste dans cet exercice, et vous en faites sourire plus d'un à ce sujet... Vous dites que Mme Spoerri peut s'inspirer de cet amendement, mais je ne pense pas qu'elle ait besoin de conseils: elle a, dès son entrée en fonctions, manifesté son désir de reprendre en mains l'office des poursuites. Le problème n'est pas là: en fait, il faudra savoir comment les préposés, eux, vont se comporter face au directeur général. Or, je constate que ces dernières années, les trois préposés des offices des poursuites et faillites étaient extrêmement jaloux de leurs prérogatives et n'acceptaient quasiment d'instructions de la part de personne. Bien entendu, ils se pliaient aux décisions de l'autorité de surveillance, mais il est vrai que la loi fédérale de poursuite pour dettes et faillite ainsi que les ordonnances d'application accordent de larges prérogatives aux préposés, qui ne se sont pas fait faute de les utiliser.
Je rappellerai qu'à l'époque, lorsque les trois offices Rhône-Arve, Arve-Lac et Rive-droite ont été créés, il devait y avoir une coordination entre ces offices, une direction, mais en fait elle n'a jamais fonctionné. Et ce que je crains, c'est que si la loi n'est pas extrêmement précise sur cette question, en indiquant quelles sont les attributions et les compétences du directeur général, les préposés des offices des poursuites ne continuent en fait à n'en faire qu'à leur tête et que ce directeur général ne puisse pas mettre en place les mesures de coordination qui s'imposent. Alors, peut-être ces précisions ne sont-elles pas nécessaires, Monsieur Froidevaux, mais personnellement je pense que la sécurité du droit l'emporte et qu'il convient que ce que vous avez prétendu souhaiter en commission soit de fait concrétisé dans la loi.
Le président. Voulez-vous vraiment la parole, Monsieur Pagani ? (Commentaires.)Je vois qu'à l'unanimité vos collègues admettent que vous n'abusez pas... Je vous donne donc la parole!
M. Rémy Pagani (AdG). Il y a encore un aspect que les bancs d'en face n'ont pas examiné. En fait, on nous propose deux circonscriptions avec un directeur général fantoche: or, le jour où un directeur voudra aller consulter les dossiers d'une affaire dans une autre circonscription, il se trouvera dans la situation dans laquelle s'est trouvé M. Patrice Genoud, l'ancien directeur de la Vieille-Ville, qui a donné sa démission il y a deux ans. En l'occurrence, je tiens à le signaler à qui voudrait prendre ses responsabilités de manière sérieuse dans ce parlement: dans le cadre d'une faillite qui le concernait à la Vieille-Ville, M. Patrice Genoud voulait enquêter sur la disparition d'une esquisse de Modigliani - qui avait été évaluée à je ne sais combien de millions - dans les locaux de Carouge et notamment à la vente, puisque ce Modigliani était destiné à la vente. Il est donc descendu à Carouge où on lui a dit qu'il n'avait rien à faire dans ce service, qui ne dépendait pas de sa circonscription ! Ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, si vous refusez de donner des moyens de contrôle effectif au directeur, vous interdisez toute intervention aux préposés qui auraient la vertu - qu'ils n'ont pas eue jusqu'à maintenant... - de contrôler l'ensemble des dossiers et l'issue des faillites dont ils ont la responsabilité. A ce niveau aussi, ce que vous êtes en train de décider est relativement grave.
Quant à nous, nous estimons qu'il y a effectivement un pas qui est fait, nous reconnaissons que les préposés pourraient s'occuper de manière précise et assez fine de l'application de la loi sur les poursuites. Mais s'il n'y a pas de directeur, il n'y aura ni cohérence ni contrôle mutuel sur les dossiers des poursuites pour les uns et des faillites pour l'autre.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous relis l'amendement à l'article 2, alinéa 4: «Les offices sont placés sous la responsabilité d'un département désigné par le Conseil d'Etat. Afin de permettre au département d'exercer cette tâche, un directeur général lui est rattaché qui a notamment pour attributions: - de veiller à la coordination des offices; - de s'assurer de la mise en place et du bon fonctionnement de structures communes aux offices, notamment sur le plan des ressources humaines, de l'informatique, de la formation et de la gestion immobilière; - et plus généralement de veiller à la bonne marche des offices. A ce titre, il est en droit d'adresser toute demande de renseignements utile au personnel des offices, qui est tenu d'y répondre et de le laisser accéder à tout registre ou document nécessaire à l'accomplissement de sa tâche.»
Nous passons au vote... C'est terminé, Monsieur Vanek, je suis navré...
M. Pierre Vanek. Je voulais simplement demander l'appel nominal...
Le président. Votre demande est soutenue ?... Bien, nous passons au vote.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 20 oui et 21 abstentions.
Le président. Monsieur Grobet, maintenez-vous l'amendement à l'alinéa 5 ? Il me semble qu'il allait de pair avec le précédent...
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Je proposais le libellé suivant: «Le directeur général est nommé par le Conseil d'Etat. L'alinéa 2 lui est applicable par analogie. Il dépend hiérarchiquement, comme les préposés et le responsable des ressources humaines des offices, du secrétaire général du département.» Mais à la limite, je pourrais effectivement le retirer...
Le président. Bien, cet amendement est donc retiré.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 3.
Le président. Un amendement de M. Grobet à l'article 4, alinéa 1, propose une inversion: «Le directeur général, les préposés et le responsable des ressources humaines...», la suite étant sans changement.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Nous pensions que le directeur général était l'élément principal, c'est pourquoi nous proposions d'inverser la phrase. Mais il est vrai qu'après le vote qui vient d'avoir lieu le directeur général peut bien rester à l'endroit où il est dans cet alinéa, parce que je ne me fais pas beaucoup d'illusions sur ce qu'il fera ! Je proposais de mettre le directeur général en tête de paragraphe, mais à cette heure-ci cela ne me paraît plus tellement nécessaire...
Le président. Cet amendement est donc retiré... Monsieur Froidevaux, vous avez la parole.
M. Pierre Froidevaux (R). Je voudrais signaler qu'en commission nous avions déjà voté l'amendement de M. Grobet et que nous avions bien cité le directeur général en tête, suivi des préposés et du responsable des ressources humaines. Je vous recommande donc d'adopter cet amendement, que je reprends au nom de la commission.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. M. Froidevaux, en reprenant mon amendement, veut se montrer, pour reprendre ses termes, encore plus «grobétien» que Grobet ! (Rires et exclamations.)Je ne pourrai donc pas m'empêcher de finalement voter pour mon amendement !
Le président. Nous votons l'amendement de M. Grobet, à l'alinéa 1 de l'article 4, qui propose l'inversion: «Le directeur général, les préposés et le responsable des ressources humaines...», la suite étant sans changement.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 4 ainsi amendé est adopté, de même que les article 5 et 6.
Le président. A l'article 7, nous sommes saisis d'un amendement de M. Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). Cet amendement vise, si faire se peut, à rendre attentive la majorité qui semble se dessiner au fait que les expertises doivent être faites par des personnes professionnellement qualifiées, ce qui n'est pas stipulé, et au fait que ces expertises doivent être communiquées à l'autorité de surveillance. En effet, là aussi, il nous semble qu'une fois de plus le filet de protection, ou plutôt, car je n'ose pas employer ce terme, les larges mailles qui viennent d'être votées par la majorité ne permettront pas aux organes qui vont être institués de contrôler de manière précise l'ensemble des procédures et la légalité de ces dernières. Nous vous proposons donc de compléter ainsi la dernière phrase de l'alinéa, après «...peuvent être mises sur pied après accord du préposé»:
«Dans tous les cas une expertise doit être requise auprès d'une personne professionnellement qualifiée à cet effet. Sa décision, à laquelle est jointe l'expertise, est communiquée pour information à l'autorité de surveillance.»
M. Pierre Froidevaux (R). L'article 7 a fait l'objet de longues discussions en commission. Il était évidemment très difficile d'estimer le travail de l'expert et surtout de pouvoir le juger en continuité avec l'activité liée à une situation de faillite. Nous avons donc imaginé ce type de libellé qui permet en fait, rétrospectivement, en cas de mauvaise expertise de la part de l'office des faillites, de recourir en invoquant le fait que l'article 7 n'aurait pas été respecté. C'est donc une mesure qui permet au justiciable de pouvoir recourir lorsque l'expertise n'a pas été faite correctement, mais nous n'avons pas pu imaginer une solution qui soit véritablement précise, définitive, et qui nous donne toutes les assurances pour cette expertise. Aussi, je vous recommande d'adopter l'article 7 tel qu'il a été adopté en commission, sachant qu'il apporte toutes les garanties nécessaires pour le justiciable.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. L'article 7 du projet de loi dont nous débattons ce soir est l'une des dispositions qui modifie la loi du 21 septembre 2001 d'une manière substantielle dans un domaine, je crois qu'il faut le souligner, extrêmement délicat. C'est en effet lors des réalisations d'actifs par l'office des poursuites qu'il y a eu les plus graves malversations, les combines entre un certain... (Commentaires.)Oh, je crois que nous ne sommes pas là pour procéder à des accusations publiques. Des rapports ont été rendus par l'inspection cantonale des finances, par les deux mandataires mis en place par la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil... Quant à moi, les noms ne m'intéressent pas !
En l'état, ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a eu de graves malversations, des combines, dans le cadre des réalisations d'actifs effectuées de gré à gré. Car c'est bien lors des ventes de gré à gré que ces combines peuvent le plus facilement être réalisées.
Aussi, l'Alliance de gauche avait suggéré, lorsque nous avions débattu de cette question l'été dernier, que les réalisations d'actifs se fassent dans tous les cas par enchères publiques. Mais il est vrai que la loi fédérale admet qu'en certaines circonstances les réalisations d'actifs puissent se faire par vente de gré à gré ou par des enchères limitées. Il y a certaines circonstances où cela peut se justifier, mais il convient d'être extrêmement prudent et c'est la raison pour laquelle, dans la loi du 21 septembre, notre Conseil avait adopté une disposition à laquelle nous nous étions ralliés car elle nous paraissait fournir les cautèles nécessaires à cet égard. Cette disposition précisait que, puisque sur le principe, la réalisation des actifs devait se faire par des ventes aux enchères publiques, mais que, lorsque des circonstances particulières le justifiaient et dans les cas prévus par la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, des ventes aux enchères restreintes ou des ventes de gré à gré pouvaient être mises sur pied, sur décision du préposé communiquée à l'autorité de surveillance. Nous aurions voulu, à l'époque, que l'autorité de surveillance donne formellement son aval, mais nous avions été battus en commission.
Or, que nous propose-t-on ce soir ? On nous propose d'élargir de manière importante la possibilité d'organiser des ventes de gré à gré ou des ventes aux enchères restreintes, c'est-à-dire d'échapper à la règle générale de la vente aux enchères publiques. Il est vrai qu'on a introduit une cautèle en disant qu'on peut recourir à une vente aux enchères restreintes ou à des ventes de gré à gré «lorsque l'office dispose d'une - une seule - ou plusieurs offres atteignant au moins la valeur de marché des actifs à réaliser». Mais en l'occurrence quelle est la valeur de marché des actifs ? M. Marcet a eu raison de le demander, car c'est cette valeur-là qu'il faut introduire dans la loi, mais encore faut-il savoir comment on va apprécier cette valeur de marché. En effet, on a pu constater à l'office des poursuites que la valeur de marché était appréciée de façon très différente dans un certain nombre de cas. Alors nous estimons que si on veut recourir à une vente aux enchères restreinte ou à une vente de gré à gré et appliquer le principe juste qu'il faut qu'il y ait des offres à la valeur du marché, il faut s'assurer par le biais d'une expertise effectuée par une personne professionnellement qualifiée qu'on a véritablement une offre conforme à la valeur du marché. C'est la raison pour laquelle nous pensons que le minimum des minimums est d'ajouter dans l'article 7 que dans tous les cas de ventes aux enchères restreintes ou de gré à gré, «une expertise doit être requise auprès d'une personne professionnellement qualifiée à cet effet». D'autre part, si l'on veut que l'autorité de surveillance puisse apprécier la situation, il ne faut pas seulement lui communiquer la décision du préposé mais il faut au moins que l'expertise soit jointe à cette décision pour que l'autorité de surveillance puisse apprécier sereinement cette question. Mesdames et Messieurs, je vous invite formellement, à la suite de tous les abus qui ont été commis précisément dans le cadre des ventes de gré à gré, que ces cautèles minimales soient rajoutées à l'article 7.
Le président. Mesdames et Messieurs, il est 22h55: je vous propose de travailler en tout cas jusqu'à 23h30, soit une demi-heure de plus, et nous voterons à l'issue de cette demi-heure. En tout cas, j'espère que nous serons capables de le faire...
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Deux observations au sujet de cet amendement, que nous ne pourrons pas accepter. La première: sur la base de la loi fédérale, seuls les biens de grande valeur sont sujets à une expertise obligatoire et il y a beaucoup de faillites dans lesquelles l'expertise risque de coûter plus cher que la valeur de marché des biens. Voilà pour la première observation.
La deuxième: j'aimerais quand même rappeler que, dans le rapport de l'inspection cantonale des finances, on a vu qu'un certain nombre d'abus avaient été commis dans des faillites en faisant appel à des petits copains, qui étaient professionnellement qualifiés. Cela a été le cas dans une vente de vins - qui a ensuite été refaite - où c'était une personne qui dirigeait un club de vins qui avait fait l'évaluation. Il y a eu un autre cas en matière de comptabilité. C'est dire que le fait d'exiger systématiquement une expertise risque plutôt de développer la pratique des mandats aux petits copains que de réduire cette calamité qu'est la corruption !
M. Jean Spielmann (AdG). C'est bien lors des ventes de gré à gré que les gros problèmes sont apparus à l'office des poursuites, et pas toujours, Madame Gobet, pour des choses très chères ou de grande valeur. Très souvent, des gens en grande détresse, dans des situations extraordinairement difficiles, voient leurs effets personnels perdus, ou revendus de gré à gré, effets qui n'ont peut-être pas de grande valeur commerciale, mais qui ont une très grande valeur pour ces personnes. On a de multiples témoignages à ce sujet et je suis intervenu à plusieurs reprises dans de tels dossiers: lorsque des gens veulent récupérer, racheter leurs biens, ils ne peuvent pas le faire parce qu'on se les est passés de gré à gré, entre petits copains, sans passer par des expertises.
Alors, vos objections par rapport à l'amendement ne tiennent pas la route. Vous dites que l'on va faire faire les expertises par les petits copains... (Commentaires.)Bien sûr que cela a été le cas, mais c'est bien pour cela que dans l'amendement, si vous l'avez lu comme il faut, nous indiquons que cette expertise doit être communiquée à l'autorité de surveillance. Je doute que des experts viennent présenter des expertises bidons, sachant qu'elles seront communiquées ensuite à l'autorité de surveillance, avec les risques que cela comporte pour ceux qui se prêtent à ce genre d'exercice.
Ce que je veux souligner ici, c'est que le problème des ventes de gré à gré et du contrôle est tout à fait central, connaissant la manière dont les choses se sont souvent passées. Des objets sont saisis et stockés à l'office des poursuites: leurs propriétaires, pendant une période, sont sous le coup et ne recherchent pas leurs affaires, et quand ils commencent à les rechercher, c'est là que se pose le problème, parce que la plupart des objets n'ont pas été mis en vente aux enchères, mais ont été liquidés immédiatement de gré à gré. S'ils les retrouvent, c'est très souvent au marché aux puces, chez des puciers à qui ils ont été revendus, avec des marges bénéficiaires importantes, en dehors de la voie normale et régulière.
Je crois que cela est tout simplement inacceptable. A cet égard, l'amendement qui est présenté là est particulièrement important, parce qu'il concerne un problème qui a fait l'objet de multiples dénonciations, des gens ayant été spoliés de leurs biens et n'ayant pas retrouvé des choses personnelles auxquelles ils tenaient et qui avaient été vendues de gré à gré.
Alors, de deux choses l'une. Ou l'on amende cette loi et l'on met en place un dispositif qui permet d'éviter au maximum ces graves dysfonctionnements. Ou alors vous dites que vous ne voulez pas d'expertise et que, s'agissant des ventes de gré à gré, peu importe comment elles se font !
Toutes les interventions que vous avez faites tout à l'heure militent en faveur d'un tel amendement. Quant à moi, je ne comprendrais vraiment pas que ce parlement ne l'accepte pas, car cet amendement me semble très important pour essayer de remédier aux faits les plus graves qui ont eu lieu dans de nombreuses ventes de gré à gré, où des gens ont été spoliés et des affaires juteuses opérées. Si vous ne voulez pas contrôler ces ventes, vous montrerez, encore une fois, dans quel sens vous entendez modifier la loi votée le 21 septembre et quelle orientation vous voulez lui donner. Mais permettez-moi de vous dire que je ne suis pas sûr que la population comprendra !
Le président. Je mets aux voix cet amendement... (Commentaires.)Attendez ! Je m'adresse à l'Alliance de gauche: ont encore demandé à intervenir sur cette question, et ils vont pouvoir le faire, MM. Pagani, Grobet et Letellier. Mais, franchement, si vous ne voulez pas qu'on vote ce projet ce soir, dites-le-nous tout de suite ! Je vous pose la question, répondez-moi, et cas échéant je lève la séance et vous en prendrez l'entière responsabilité !
Le Grand Conseil a décidé de clore la liste des intervenants: Monsieur Pagani, je vous passe la parole pour que vous puissiez me répondre.
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, vous nous faites un procès d'intention... (Exclamations, protestations.)Non, Mesdames et Messieurs ! Toute la soirée vous nous avez reproché d'avoir voté la loi du 21 septembre 2001 à la hussarde. Or, que faites-vous ce soir ? Nous proposons des amendements visant à protéger les biens de nos concitoyens, qui ont été jusqu'à maintenant trop souvent spoliés, et vous nous accusez de vouloir faire traîner les débats...
Comme nous l'avons fait il y a quatre mois, nous avons envie de voter une loi dont nous puissions être fiers et que nous puissions présenter à nos concitoyens la tête haute. Tel n'est pas le cas jusqu'à maintenant. J'aime bien Mme Alexandra Gobet, mais concernant son intervention, je dirai que le débat devient ubuesque dans ce parlement ! (Brouhaha, exclamations.)Elle prend argument de pratiques scandaleuses pour justifier le fait de ne rien faire ! Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas accepter cela. Madame Gobet, vous avez parlé de vins: le bon sens aurait voulu qu'on demande les étiquettes des vins qui ont été expertisés par un expert bidon, ensuite il suffisait de se référer à l'argus des vins pour voir qu'un bordeaux de 1949 ne vaut pas 10F ! Nous demandons, par cet amendement, que l'autorité de surveillance reçoive ces expertises et puisse se rendre compte que, par exemple, des bouteilles de vin sont mal expertisées ! C'est tout ce que nous demandons, et pas autre chose !
D'autre part, Madame Gobet, vous nous dites que les petits copains sont bien sûr des experts. Je vous rappelle une situation concrète: de beaux meubles, qui valaient un certain prix, qui étaient expertisés, ont été remplacés par des meubles vieillots, pour que ces beaux meubles soient vendus en douce à des petits copains ! Cela, c'est la réalité, ce sont les faits ! Bien sûr, vous nous dites qu'il y aura toujours des petits copains capables de fausser la donne. Reste que nous voulons que l'autorité de surveillance ait une trace de ces meubles, par exemple, qu'elle puisse les répertorier grâce aux numéros - car même les numéros, on les enlevait, pour qu'il n'y ait plus de trace de quoi que ce soit !
Voilà ce que nous demandons aujourd'hui, et rien d'autre ! Alors, si vous ne voulez même pas que l'autorité de surveillance ait une trace de ce qui se passe, je trouve que c'est parfaitement scandaleux ! (Exclamations.)
Le président. Monsieur Christian Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je voudrais ramener un peu de sérénité dans ces débats. Nous ne cherchons pas du tout à empêcher que la loi soit votée avant 23h30... (Commentaires.)Monsieur Blanc, ce sont des gens sur vos bancs qui ont prétendu que la loi du 21 septembre avait été votée à la hussarde, alors que c'est précisément ce que vous voulez faire ce soir... (Protestations.)Je rappellerai qu'en septembre 2001 le débat avait commencé, comme c'est le cas aujourd'hui, le jeudi à 20h et qu'il s'est terminé le lendemain soir, vendredi 21 septembre !
Pour notre part, nous ne cherchons pas forcément à faire durer les débats jusqu'à demain soir à minuit. Par contre, au moment où vous voulez vider la loi de sa substance sur des points importants, nous souhaitons pouvoir dire pourquoi nous nous opposons à votre volonté de supprimer des dispositions essentielles. Et, puisque vous n'avez pas donné la parole à M. Vanek lorsqu'il en a fait la demande, je demande, au nom de M. Vanek, un vote à l'appel nominal également sur cet article, parce que c'est un point fondamental.
A cet égard, je suis effaré par les propos de Mme Gobet. Vous me faites penser, Madame Gobet, aux personnes qui disent qu'à cause de certains tricheurs l'assurance-chômage devrait être supprimée ! Le problème, Madame Gobet, ne réside pas dans les quelques petites affaires que vous avez évoquées d'une manière ridicule. Le problème, c'est que cet article permet des ventes de gré à gré, non pas d'un lot de bouteilles de vin, Madame, mais d'immeubles, et d'immeubles de valeur importante. Ainsi, puisque tout à l'heure M. Büchi attendait des scoops, je connais notamment le cas d'un immeuble en ville, où un responsable au sein d'un des offices des poursuites ne veut pas organiser de vente aux enchères et continue à garder le dossier de cet immeuble sous le coude depuis des années, en proposant de temps en temps, comme par hasard, un petit entrepreneur pour reprendre cet immeuble au centre-ville, pour 600000 balles ! Voilà ce qu'on voyait encore il n'y a pas si longtemps ! C'est dire que je ne parle pas ici de quelques babioles, je parle de cas importants... (Brouhaha, commentaires.)Eh bien, justement, on va y arriver à l'autorité de surveillance ! Je parle de cas importants de ventes de gré à gré qui portent sur des immeubles, sur des objets de valeur, et vous refuseriez que, dans ces cas-là, il y ait une expertise obligatoire ? Mais les bras m'en tombent ! Tous les discours que vous avez tenus étaient donc des fadaises !
Et je dirai même plus: s'agissant des petits objets, même si l'expertise devait coûter plus cher que la valeur desdits objets, il faut rappeler que l'office des poursuites est un service public. Chaque citoyen et chaque citoyenne dans ce canton - et j'aurais voulu entendre un autre discours de la part de quelqu'un siégeant sur les bancs de la gauche - a le droit d'être traité comme tout le monde, a le droit d'avoir son expertise comme les riches et les puissants ! D'autant que celles et ceux qui ont le plus souffert des malversations des offices des poursuites sont souvent de petites gens qui ont été spoliées du peu de fortune qu'elles avaient. Et vous semblez trouver cela normal, en venant nous raconter des choses ridicules, en disant que le fait de prévoir des expertises va inciter certains à recourir à des petits copains pour faire ces expertises !
Quant à moi, je ne pense pas que nous ayons besoin de donner des leçons à Mme Spoerri: j'ose espérer qu'elle va précisément veiller à ce qu'à l'avenir on établisse des listes d'experts professionnellement qualifiés et que les expertises se fassent différemment. Bien entendu, on pourrait encore préciser les choses dans la loi, mais j'ose espérer que des directives seront suffisantes.
Enfin, j'ajoute une chose importante qui semble avoir échappé à Mme Gobet: nous proposons ici que l'expertise soit envoyée à l'autorité de surveillance. Donc, même si certains préposés d'offices des poursuites continuent à ne pas être très attentifs aux valeurs d'expertise, on peut espérer que la commission de surveillance remplira le rôle qui lui est dévolu par la loi et fonctionnera correctement. On peut espérer que les membres de la commission de surveillance, quand ils verront qu'une expertise confond des bouteilles de bordeaux avec des bouteilles de gamay, sauront rétablir la juste valeur des choses !
Mesdames et Messieurs, cette affaire est trop sérieuse pour la banaliser. Nous demandons donc l'appel nominal sur cette question si importante.
Le président. Bien, un certain nombre d'entre vous ont demandé la parole. J'ai indiqué que la liste était close et vous en avez décidé ainsi. Je donne donc la parole uniquement à Mme Gobet Winiger: j'estime qu'elle a été mise en cause. Ensuite, je ferai voter l'amendement à l'appel nominal, s'il est soutenu... Je vois que c'est le cas !
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). J'aimerais ici apporter une précision. Par rapport à ces ventes de gré à gré, ce sont les socialistes qui sont à l'origine de la proposition visant justement à régler le problème des sous-estimations chroniques qui avaient été constatées, en ajoutant dans la loi qu'une vente de gré à gré ne peut intervenir que si l'offre atteint la valeur du marché. M. Grobet lui-même, tout à l'heure, relevait que ceci constitue une garantie. Or, vous savez très bien, parce que vous avez lu le commentaire de la LP comme moi, Monsieur Grobet, que si les expertises ne sont prévues que pour les biens de grande valeur, c'est précisément parce qu'on limite ainsi les frais. Cela ne veut pas dire que le fait de ne pas recourir à une expertise autorise des sous-évaluations et des bradages.
Il y a aussi une confusion dans les propos de M. Spielmann. Vous avez raison, Monsieur Spielmann: j'ai eu, comme vous, à connaître des situations où des gens n'ont pas retrouvé la trace de biens de valeur ou sans valeur qui leur étaient chers, mais cela venait de la violation d'une autre prescription de la loi, celle qui demande d'associer et les créanciers et la personne poursuivie à la vente de gré à gré. Or, l'amendement que vous proposez n'apportera pas de remède à ce phénomène-là.
En l'état, il découle de la simple application de la LP que l'expertise est obligatoire dans certains cas. Puis, pour les biens qui ne sont pas des biens de valeur, comme c'est prévu et comme cela ressort du commentaire de Dallève sur la LP, on a recours à l'appui des valeurs du marché. Je n'ai donc absolument rien inventé, c'est l'application du système pur et simple de la LP et je ne suis pas d'accord que vous me prêtiez des intentions qui n'étaient pas les miennes.
En ce qui concerne les socialistes, nous maintenons qu'il est indispensable que les ventes de gré à gré ne soient pas l'occasion d'un bradage, mais s'agissant de communiquer les expertises à l'autorité de surveillance, il ne faut quand même pas exagérer: même si on a professionnalisé l'autorité de surveillance, je ne suis pas sûre que les avocats, les experts-comptables et les économistes auront un regard plus éclairé que le préposé lui-même sur le bien-fondé d'une expertise concernant une oeuvre d'art ou un bijou... Pour ces raisons et parce que je m'accroche au système qui a été mis en place par la LP, je vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser cet amendement.
Le président. Nous allons donc voter cet amendement à l'appel nominal. M. Pagani propose de remplacer la dernière phrase de l'article 7 par: «Dans tous les cas une expertise doit être requise auprès d'une personne professionnellement qualifiée à cet effet. Sa décision, à laquelle est jointe l'expertise, est communiquée pour information à l'autorité de surveillance.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 20 oui et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 7 est adopté.
Le président. A l'article 8, nous sommes saisis d'un amendement proposé par Mme Gobet Winiger, modifiant l'alinéa 1 ainsi: «Les gérances légales sont attribuées selon un tournus à des agents immobiliers et des gérants sélectionnés sur la base d'appels d'offres et agréés par l'autorité de surveillance. L'agence immobilière en charge de l'immeuble peut toutefois être confirmée à la gérance légale si elle démontre n'avoir aucun intérêt financier direct ou indirect lié à la gestion de l'immeuble. Les candidats à l'attribution d'un mandat de gérance légale doivent justifier de leur solvabilité et de la couverture de leurs dettes éventuelles.»
M. Dominique Hausser (S). Mme Gobet Winiger, en introduction, a dit que, sur cet alinéa 1 de l'article 8, nous étions, nous socialistes, face à un échec dans la mesure où nous étions capables de laisser des gérances à des régies, même choisies par le failli. A cet égard, vous me permettrez de citer deux cas d'école, dans lesquels toute relation avec la réalité serait bien entendu tout sauf fortuite !
Premier exemple, la faillite de Cawa SA. Trois immeubles qui appartiennent à la société immobilière Pactole sont gérés par Cawa SA. Alors que Cawa SA est déjà poursuivie par ses créanciers et proche de déposer son bilan, l'office des poursuites envisage de transférer la gérance des trois immeubles à Tradition et Vieilles Dentelles, une très ancienne gérance immobilière de la place. L'administrateur de Cawa SA s'y oppose. Il trouve préférable de remettre ces trois immeubles à Padici SA, car d'une part les mandats y seraient assumés par un très bon gestionnaire de cette agence, et d'autre part Padici SA va payer une certaine somme d'argent à Cawa SA pour le transfert de ces mandats. L'office, finalement, ne remet pas en cause la transaction et c'est Padici SA qui gère les immeubles dès le mois suivant le dépôt de bilan de Cawa SA. Quelques mois plus tard, il est nécessaire d'entamer un examen judiciaire approfondi pour examiner les circonstances de la faillite de Cawa SA.
Le deuxième exemple est la faillite de la SI Pactole. SI Pactole est propriétaire, comme je le disais tout à l'heure, des trois immeubles, mais a aussi de graves difficultés financières et, trois mois après la reprise des immeubles par Padici SA, la SI Pactole est en faillite. Dans une lettre - et c'est là que c'est intéressant - datée du mois précédant le prononcé de la faillite mais reçue par la nouvelle gérante légale un mois après le jugement, l'office compétent, selon le voeu de SI Pactole, propose à Diabolik SA la gérance légale desdits immeubles. Cela commence donc à devenir assez compliqué...
Or, Diabolik SA serait sur une liste rouge de l'office pour ce genre de mandat. Dès réception de sa désignation, Diabolik SA notifie à Padici SA que les trois immeubles de la SI Pactole sont retirés de sa garde. Il se trouve que la gestion des immeubles de la SI Pactole fait partie de toute une série de mandats sur des immeubles de sociétés immobilières qui ont toutes le même actionnaire que la SI Pactole et que ce dernier a cédé les loyers des immeubles à Diabolik SA, dans le cadre d'un montage financier, vous l'avez compris, quelque peu complexe... (Exclamations.)
Padici SA attire l'attention de l'office sur ces circonstances, qui pourraient aboutir à une gérance certes convenue par l'actionnaire, mais assumée sans les garanties d'impartialité nécessitées par les gérances légales en faveur de l'ensemble des créanciers de la masse en faillite... (Brouhaha et exclamations.)Je crois qu'il est important d'écouter ce genre d'exemple, parce que cela illustre bien un certain nombre de difficultés...
Le président. J'espère que vous n'en avez qu'un, Monsieur Hausser...
M. Dominique Hausser. J'en ai un troisième, si vous voulez !
Padici, donc, rappelle qu'elle va elle-même injecter de l'argent dans la masse de Cawa SA - premier exemple - pour avoir reçu ce mandat, circonstance qu'elle estime favorable à son maintien comme gérante. Et, aujourd'hui, les circonstances de la fin de la SI Pactole sont évidemment à l'examen du pouvoir judiciaire.
Nous admettons que l'alinéa 1 de l'article 8 proposé le 21 septembre est quelque peu rigide, dans la mesure où toutes les situations ne sont évidemment pas similaires à celles-ci et qu'il est un certain nombre de cas où l'agence immobilière pourrait poursuivre la gestion de l'immeuble. C'est pourquoi nous proposons cet amendement, dont la deuxième phrase complète la loi du 21 septembre - les première et dernière phrases faisant déjà partie de la loi du 21 septembre - en disant: «L'agence immobilière en charge de l'immeuble peut toutefois être confirmée à la gérance légale si elle démontre n'avoir aucun intérêt financier direct ou indirect lié à la gestion de l'immeuble.»
Cela va dans le sens que certains d'entre vous souhaitaient, c'est-à-dire ne pas changer un cheval qui gagne, s'il démontre qu'il n'a aucun lien d'intérêt...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député...
M. Dominique Hausser. ...mais ne pas faire l'inverse et, comme l'article issu des travaux de la commission le prévoit, garder a priori la même agence. Avec cet amendement, on inverse le système... (L'orateur est interpellé.)...et je vous remercie de le suivre...
Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur...
M. Dominique Hausser. Mais j'ai fini, Monsieur le président !
M. Christian Luscher (L). Il se fait tard et je ne suis pas sûr d'avoir tout compris... Pour ma part, je vais essayer d'être un peu plus général...
Le président. Et surtout plus court, Monsieur le député !
M. Christian Luscher. J'estime que cet amendement est incohérent de la part du groupe socialiste. Vous l'avez dit tout à l'heure, Madame Gobet Winiger, et je vous cite mot pour mot: «Les socialistes se sont ralliés aux modifications issues des travaux de la commission», et vous avez ajouté: «Nous avons obtenu des satisfactions et nous ressentons des amertumes.» Eh bien, un accord, une négociation, c'est justement cela ! (Exclamations.)Et une fois qu'un accord a été conclu, on ne peut pas présenter des amendements pour revenir sur les amertumes et être content des satisfactions qu'on a réussi à imposer aux autres. Il y a là quelque chose d'incohérent. En revanche, ce qui me rassure, c'est qu'au moins sur cet article-là l'Alliance de gauche sera avec nous. En effet, M. Grobet a dit tout à l'heure que, de son point de vue, l'article sur les gérances légales était le seul qui avait été amélioré pendant les travaux de commission. J'en prends note et je suis satisfait, Monsieur Grobet, Monsieur Pagani, que pour une fois vous vous apprêtiez à voter efficacement, à être cohérents avec vous-mêmes et à refuser cet amendement, considérant que cet article 8 est le seul qui a été l'objet d'une amélioration de la part de vos collègues parlementaires !
Chacun doit faire des sacrifices, Madame Gobet Winiger, vous l'avez dit. Nous en avons fait et les sacrifices que nous, libéraux, avons faits... (L'orateur est interpellé.)Absolument ! Vous en avez fait aussi et c'est pourquoi je dis que vous êtes un peu incohérente - je le dis avec beaucoup de respect, car je ne m'en prends pas à vous personnellement, contrairement à d'autres députés tout à l'heure ! Je trouve que, dès lors que nous avons trouvé un accord, vous ne devez pas revenir avec des amendements qui ont été refusés à trois reprises en commission, étant précisé qu'en commission vous ne vous êtes pas opposée à l'article en cause.
Enfin, Monsieur Hausser, vous nous citez deux exemples au terme desquels nous devrions deviner l'âge du capitaine... Personnellement, je ne l'ai pas deviné... Toujours est-il qu'une loi n'a pas pour objectif de contrer deux cas malheureux qui se sont produits: une loi est composée d'articles abstraits et généraux qui doivent s'appliquer à un nombre indéterminé de cas. En l'occurrence, nous estimons que l'article que vous et nous, de manière quasi-unanime, avons décidé d'adopter en commission répond d'une manière tout à fait cohérente et parfaitement efficace aux genres de dérapages qui ont été mentionnés tout à l'heure. En effet, cet article pose un principe général, qui est qu'on peut continuer avec la gérance en place, puis il prévoit toutes sortes de cautèles permettant d'éviter les abus.
C'est ainsi que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, pour les motifs que je viens de préciser, de refuser cet amendement.
Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore ici la liste des intervenants, je vous les cite: MM. Pagani, Grobet et Pétroz. Je fais voter cette proposition.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Monsieur Pagani, je vous passe la parole, en vous rappelant que vous vous êtes engagés à terminer ces travaux à 23h30: il vous reste cinq minutes...
M. Rémy Pagani (AdG). Tout d'un coup, M. Luscher sort de sa boîte et réagit ! Nous sommes ici, effectivement, devant un volet extrêmement complexe du dossier et je comprends qu'il sorte de sa boîte, puisqu'en fait un certain nombre de régies de la place profitent de cette manne très importante, qui se chiffre par millions. Je vous rappelle que, par exemple, la Régie du Mail n'a été constituée que sur la base des gérances légales, avec petits copains et petits copains pour obtenir ces gérances légales. D'autre part, il faut voir dans quel système ces malversations sont enchâssées: non seulement la Régie du Mail profite de cette manne, mais en plus elle peut rompre les contrats d'assurance-incendie - vous savez que ces contrats courent sur une vingtaine d'années. Elle peut les rompre immédiatement, ce qu'elle ne se prive pas de faire, et elle les redonne à des petits copains... De même, quand des travaux doivent être faits dans les immeubles, dans les appartements, on les fait faire par des petits copains qui, après coup, renvoient l'ascenseur... (Brouhaha, exclamations.)Pour ma part, je n'ai pas l'habitude de tourner autour du pot et je vais vous donner la liste de ces régies, dont faisaient d'ailleurs partie certains de nos collègues, ou ex-collègues. Je parle de la Générale immobilière, avec à sa tête M. Fontanet et, comme directeur, M. Béné...
Le président. S'il vous plaît, Monsieur Pagani, un peu de tenue !
M. Rémy Pagani. Mais, Monsieur le président, c'est la réalité et c'est d'ailleurs pour cela qu'après réflexion nous soutiendrons l'amendement des socialistes... (Exclamations et applaudissements.)Effectivement, c'est un scoop ! Nous estimons que, là aussi, il y a non seulement besoin de cautèles, mais aussi d'une systématique et d'une rigueur qui nous permettent d'éradiquer complètement ces pratiques.
Je voudrais aussi citer - car, pendant qu'on y est, on peut laver notre linge sale en faillite... (Rires.)...en famille, excusez-moi !
Le président. Continuez votre poursuite, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani. ...la Régie anciennement Roch, phagocytée par la Régie de la Cité et la Régie du Rhône, qui ont également profité d'un certain nombre de ces gérances légales. Il est donc tout à fait légitime de mettre en place, non pas une cautèle comme vous l'aviez prévue en commission, mais une systématique dans la loi qui empêche dorénavant ce genre de pratique.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Je crois, Monsieur Pagani, que M. Luscher a bien fait d'intervenir pour dire publiquement ce que nous savions depuis longtemps, à savoir qu'un accord avait été pris entre l'Entente et les socialistes ! Il n'y a rien là qui nous étonne, mais enfin c'est bien, Monsieur Luscher, que vous le disiez publiquement, ainsi au moins les choses sont claires... (Commentaires.)Oh, nous n'avons pas pris d'accord avec l'UDC... Mais permettez-moi de dire que j'ai le plus grand respect à l'égard des députés...
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Je vous signale que M. Brunier a demandé la parole pour une motion d'ordre...
M. Christian Grobet. ...à l'égard des députés de tous les rangs, ne vous en déplaise. Et je ne fais pas de distinction entre les députés au sein de cette enceinte... (Commentaires.)On est toujours libre, Monsieur Blanc, comme je l'ai fait à votre égard, de dire ce qu'on pense de certains propos extravagants que peuvent tenir des députés ! (Exclamations, brouhaha.)
Pour en revenir à cet article 8, il est effectivement délicat. Entre nous soit dit, je trouve la rédaction de l'amendement qui nous est proposé peu satisfaisante. Mais d'abord, Monsieur Luscher, quand j'ai déclaré tout à l'heure que l'article 8 avait été amélioré, je pensais surtout aux alinéas suivants. M. Muller, à peine arrivé au Grand Conseil, a bien fait de souligner qu'un membre des milieux qu'il représente avait fait de la surenchère en commission de gestion sur la durée de la garantie bancaire qu'il fallait réclamer aux gérants légaux, ce qui aurait posé beaucoup de problèmes. A l'époque, j'avais préféré me taire plutôt que de prendre part à ce débat. Mais, en l'état, un certain nombre d'améliorations notables ont été apportées en ce qui concerne les devoirs des gérants légaux. S'agissant de l'alinéa 1, le texte a été précisé et me paraît relativement bon... (Commentaires.)Mais oui ! Vous me connaissez, Monsieur Blanc: je fais toujours des analyses juridiques et il arrive parfois que nous nous rejoignons !
La question des gérances est très délicate. Il est clair qu'un certain nombre de gérants en place ne devraient pas être nommés gérants légaux. Or, le texte issu des débats de la commission prévoit précisément les cas où on devrait changer de gérant, parce que le gérant en place aurait des intérêts avec le débiteur. Mais on peut tout de même aussi imaginer qu'un certain nombre de gérants n'ont pas d'intérêts avec le débiteur et font parfaitement leur travail. C'est pourquoi, sur ma suggestion, l'alinéa 1 a été complété en disant qu'il faut demander l'avis du créancier gagiste principal. C'est une chose importante, parce que changer de gérance, Mesdames et Messieurs, peut avoir aussi toutes sortes d'inconvénients. Prendre une régie qui ne connaît pas l'immeuble pose certains problèmes.
D'autre part, il faut bien dire que, sous prétexte de procéder à des changements de gérance légale, on a effectivement attribué des mandats à des petits copains; on a même créé une gérance spéciale, la Régie du Mail, pour faire uniquement de la gérance légale.
C'est la raison pour laquelle, personnellement, je ne suis pas convaincu par l'amendement qui nous est proposé. S'il était adopté, il faudrait en tout cas reprendre certains des éléments de l'alinéa 1 qui disparaissent avec la rédaction qui nous est proposée.
Enfin, on peut se demander si la dernière phrase - «Les candidats à l'attribution d'un mandat de gérance légale doivent justifier de leur solvabilité et de la couverture de leurs dettes éventuelles» - s'applique aux gérances qui restent en place, qui, elles, ne sont pas des candidats et dont on devrait être en droit d'exiger les mêmes garanties. Mais surtout, je trouve qu'à part la question de la solvabilité et de la couverture des dettes éventuelles du candidat, on devrait aussi s'assurer que celui-ci n'ait pas de lien avec le débiteur. Je trouve donc que sur ces points la rédaction devrait être améliorée.
Le président. M. Brunier m'a demandé la parole pour une motion d'ordre... Vous renoncez, Monsieur Brunier ? (Brouhaha.)Il faut me faire des propositions, vous pouvez vous appuyer sur l'article 79 du règlement... Monsieur Kunz, vous avez la parole.
M. Pierre Kunz (R). Franchement, je crois que la plaisanterie, si j'ose dire, a assez duré ! Il faut maintenant, tous les avis s'étant exprimés, que nous passions au vote, point final ! Je m'appuie sur l'article 79 du règlement et je suis sûr qu'il se trouvera deux tiers de l'assemblée pour approuver ma proposition !
Le président. Mesdames et Messieurs, c'est une motion d'ordre, qui prime sur tout... Je vous lis l'article 79 de notre règlement: «Le Bureau ou un député peut proposer - en l'occurrence c'est un député qui fait cette proposition a) d'interrompre immédiatement le débat et, le cas échéant, de passer au vote; ou b) de ne plus donner la parole qu'aux députés qui l'avaient demandée avant cette proposition; ont toutefois le droit de prendre une ultime fois la parole l'auteur du projet, les rapporteurs et le représentant du Conseil d'Etat.»
Mesdames et Messieurs, je veux d'abord savoir si cette motion d'ordre obtient les deux tiers de l'assemblée. Le vote électronique est lancé...
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
Le président. Mesdames et Messieurs, voilà la proposition que je vous fais: nous allons voter sur chaque amendement. Vous les connaissez tous, puisque vous les avez depuis le début de la soirée. Puis, en troisième débat, s'il est demandé, nous voterons l'ensemble de cette loi. (Commentaires.)La motion d'ordre, selon l'article 79, a été votée... (Le président est interpellé.)Mesdames et Messieurs, je mettrai aux voix chaque objet. Nous passons au vote de l'amendement, à l'article 8... Monsieur Grobet, vous avez la parole, mais essayons de retrouver un peu de sérénité dans ce débat, sinon je lèverai la séance, je vous le répète, et chacun prendra ses responsabilités ! (Brouhaha, protestations.)
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je crois qu'en toute objectivité le règlement s'applique, en ce qui concerne la motion d'ordre qui a été votée, sur l'objet en cours de discussion. Or, l'objet en cours de discussion, c'est un amendement...
Le président. Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas la peine d'argumenter !
M. Christian Grobet. Vous m'avez demandé, Monsieur le président, d'essayer de ramener un peu de sérénité ! Je pense que nous aurions déjà voté cet amendement si M. Kunz n'avait pas souhaité, d'une part, faire cette proposition - qui, à mon avis, était devenue inutile - et si, d'autre part, vous n'aviez pas interprété un peu hâtivement ce vote, laissant penser à certains députés, peut-être à tort, que vous alliez clore la totalité des débats sur le reste de la loi.
Aussi, je vous suggère, puisque vous vouliez terminer ces débats à 23h30, qu'à l'instar de ce qui s'était passé le 20 septembre 2001 nous votions, sans rouvrir le débat, la proposition d'amendement de Mme Gobet, puis que nous levions la séance et que nous reprenions ces débats demain... (Applaudissements.)
Le président. Je vous accorde que si M. Kunz ou d'autres refont la demande de clore la discussion, comme le prévoit notre règlement, à ce moment-là nous referons exactement la même chose. Pour le moment, nous allons, puisque tout le monde est d'accord, voter sur l'amendement de Mme Gobet, modifiant l'alinéa 1 de l'article 8 ainsi: «Les gérances légales sont attribuées selon un tournus à des agents immobiliers et des gérants sélectionnés sur la base d'appels d'offres et agréés par l'autorité de surveillance. L'agence immobilière en charge de l'immeuble peut toutefois être confirmée à la gérance légale si elle démontre n'avoir aucun intérêt financier direct ou indirect lié à la gestion de l'immeuble. Les candidats à l'attribution d'un mandat de gérance légale doivent justifier de leur solvabilité et de la couverture de leurs dettes éventuelles.»
Le vote électronique est lancé...
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Maintenant, je mets aux voix la proposition de M. Grobet d'interrompre nos débats... Madame Spoerri, vous avez la parole. (Commentaires.)
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Non, Monsieur le député, c'est une question de responsabilité de la part du parlement ! Je crois avoir laissé aux uns et aux autres le loisir de travailler, j'ai laissé chacun fonctionner dans le respect de la séparation des pouvoirs, mais maintenant, sincèrement, je ne peux faire autrement que d'intervenir.
Je vous demande instamment, Mesdames et Messieurs les députés, de vous rendre compte une fois pour toutes des dégâts causés par cette affaire des offices des poursuites et faillites, du spectacle que les autorités que nous sommes donnons au public et aux collaborateurs desdits offices. Il y a beaucoup à faire, mais, comme je l'ai dit, je ne peux rien faire sans votre soutien, les offices ne peuvent rien faire sans votre soutien et nous devons forcément inscrire notre réorganisation dans une loi. Par conséquent, bien que je rende hommage au travail extrêmement important que la commission de contrôle de gestion a fait récemment, je vous demande ce soir, compte tenu du large consensus qui a été obtenu, à l'exception bien sûr de ce qui concerne l'autorité de surveillance, de prendre vos responsabilités. J'aimerais dire à ceux qui l'ont oublié que les délais avec lesquels nous flirtons depuis quelques semaines deviennent tout simplement insupportables et je vous garantis d'ores et déjà que le Conseil d'Etat, si l'élection de l'autorité de surveillance dans la nouvelle formule ne devait pas être tacite, organisera une élection générale, qui serait en ce sens obligatoire. Nous ne pouvons plus attendre, je vous aurai solennellement avertis ! On finira à l'heure où on finira, mais je vous demande prendre vos responsabilités et d'aller au bout de ce débat ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je partage tout à fait cet avis, mais le parlement est maître de son ordre du jour ! Je mets donc aux voix la proposition de poursuivre les débats. Le vote électronique est lancé...
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Nous poursuivons donc nos débats...
Mis aux voix, l'article 8 est adopté.
Le président. A l'article 9, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Pagani...
M. Rémy Pagani (AdG). A l'article 9, je propose en effet un nouvel alinéa 3 qui dit: «Les administrations spéciales doivent adresser copie des procès-verbaux de séance à l'autorité de surveillance ainsi qu'à l'office des faillites.» Il s'agit ici du même débat que celui que nous avons eu précédemment, à savoir que la rigueur de la surveillance doit s'appliquer aussi aux administrations spéciales. J'aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer cet amendement, car ces administrations spéciales me semblent avoir été quelque peu mises sous le tapis.
Nous attendons de la présidente Mme Spoerri une étude approfondie sur ces administrations spéciales. Nous pensons que celles-ci doivent être examinées par la future autorité de surveillance, y compris les administrations spéciales précédentes. En effet, un certain nombre d'administrations spéciales sont gérées par les préposés, mais d'autres grosses administrations spéciales - je n'ai pas besoin de donner des noms - d'autres grosses faillites, qui durent d'ailleurs depuis des années, font les choux gras de certains cadres de l'administration, les choux gras de certains avocats, les choux gras de certaines fiduciaires, Monsieur Halpérin, que vous devez sûrement connaître mieux que moi...
Nous estimons donc que ces administrateurs doivent être contrôlés et c'est pour cette raison que nous proposons cet amendement. Cela étant, au vu des débats, Monsieur le président, et vu le fait que ce projet ne me semble pas abouti, je propose le renvoi en commission. (Exclamations.)
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, nous acceptons l'amendement proposé par l'Alliance de gauche !
Le président. Monsieur Spielmann, maintenez-vous votre demande de parole, puisque l'amendement n'est pas combattu ?
M. Jean Spielmann (AdG). Rapidement, par rapport à ce qui a été dit tout à l'heure sur la sérénité des débats et sur l'urgence de régler les problèmes à l'office des poursuites, il est vrai que nous devons, en tant que parlement, trouver les solutions qui permettent d'apporter les correctifs nécessaires au constat qui a été fait. Mais il ne faut pas renverser les rôles ! Quand on nous dit ici qu'au niveau du parlement nous devons voter rapidement et surtout donner une bonne image, je voudrais quand même rappeler - même si ce n'est pas à la nouvelle élue au Conseil d'Etat qu'il faut faire ces reproches - que nous avons dû exposer les problèmes, poser des questions pendant longtemps avant qu'on commence enfin à prendre ce dossier en mains !
Plus important encore: vous nous dites qu'il faut faire vite et que la population doit avoir une réponse. Je trouve cela un peu facile, sachant qu'on nous propose d'abroger une loi votée à une très large majorité de ce Grand Conseil, en munissant la nouvelle loi de la clause d'urgence pour que le peuple ne puisse pas se prononcer. Il est quand même extraordinaire d'inciter ce parlement à faire vite, sous prétexte de ne pas donner une mauvaise image à la population. Donner une bonne image à la population, c'est avouer que, oui, nous avons constaté énormément de problèmes, que beaucoup de choses ne fonctionnent pas: on sait que la Cour de justice n'a pas fait son travail, que les instances en place ont failli à leur mission... Or, juste avant les élections, le parlement a voté une loi à une écrasante majorité et, ce soir, vous voulez la supprimer, en nantissant cette suppression d'une clause d'urgence pour que le peuple ne puisse pas se prononcer. Et vous venez nous demander de nous taire et de vous laisser faire...
Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Sur ce terrain-là, nous ne vous suivrons pas, nous ne pouvons pas accepter cette proposition parce qu'elle spolie le peuple de ses droits, parce que, justement, elle est contraire à tout ce que vous nous rabâchez. Vous empêchez la population de se prononcer, vous cherchez à cacher les problèmes et, pour cela, vous avez trouvé, je le concède, une majorité politique très large. Les socialistes ont bien sûr le droit de faire ce qu'ils veulent: s'ils entendent voter avec les libéraux, après avoir accepté, entre Noël et Nouvel An, une nouvelle loi et des propositions contraires à celles qu'ils avaient présentées avant dans ce parlement, c'est leur droit le plus strict ! Mais c'est aussi notre droit de le dire à la population, de dire que cela se fait avec la clause d'urgence pour que le peuple ne puisse pas voter là-dessus...
Le président. Nous ne sommes pas en train de parler de la clause d'urgence, Monsieur Spielmann: nous parlons d'un amendement...
M. Jean Spielmann. Je réponds à l'intervention de la présidente du Conseil d'Etat, qui donne des leçons au parlement ! Probablement que, sur bon nombre de problèmes, elle aurait raison, mais dans le cas particulier le Conseil d'Etat porte une responsabilité bien plus lourde que le parlement dans ce qui s'est passé. En l'état, ce parlement est en train de prendre la mauvaise voie, en voulant cacher les problèmes, en empêchant que la loi prévoie le contrôle. A tout cela, il y a sûrement des raisons, qui sont probablement à chercher dans les intérêts cachés que vous défendez ici. Eh bien, nous le disons ouvertement à la population: nous ne marcherons pas dans vos combines !
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que la majorité accepte l'amendement. Monsieur Mouhanna, voulez-vous vraiment la parole ?
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je vais être extrêmement bref... (Exclamations.)Mais si vous voulez que je parle longtemps, je suis prêt, puisque j'aurais droit apparemment à sept minutes... C'est vous qui avez voulu que le débat continue !
Je voudrais intervenir en réaction à ce que j'ai entendu de la part de Mme la conseillère d'Etat tout à l'heure. Je ne sais pas si c'est parce que je suis nouveau député que je n'ai pas réussi à comprendre ce qu'elle a voulu dire... J'aimerais comprendre ce que signifient les menaces qu'elle a adressées au Grand Conseil, en disant que si nous ne votions pas cette loi cette nuit le Conseil d'Etat avait décidé de procéder à des élections générales... Qu'est-ce que cela veut dire ? Que craignent toutes celles et ceux qui ont applaudi à tout rompre cette déclaration ? J'aimerais savoir quelles craintes ont celles et ceux qui ont applaudi cette déclaration.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le député, je suis aussi nouvelle que vous dans ma fonction et je vais vous répéter en deux mots ce que chacun aura compris. Je ne reviendrai pas sur l'importance des délais aujourd'hui dans le déroulement des opérations: la lecture du projet de loi et de l'historique la démontre. Ce que j'ai voulu dire, et que je dis au nom du Conseil d'Etat tout entier, c'est que, si le projet de loi est adopté, l'élection de l'autorité de surveillance dans sa nouvelle mouture doit être organisée si elle ne se fait pas tacitement, c'est-à-dire si le nombre de proposés ne correspond pas au nombre de sièges. A cet égard, je garantis, au nom du Conseil d'Etat, que nous ferons en sorte que l'ensemble du mécanisme législatif qui aurait été voté par le Grand Conseil puisse entrer en fonction dans les délais, avec tout ce que cela suppose. On ne m'a sans doute pas applaudie pour cela, mais la raison du délai au 16 juin est celle que je viens de vous donner.
Le président. Monsieur Pagani, je vous donne la parole pour la dernière fois, puisque c'est la troisième...
M. Rémy Pagani (AdG). Tout à fait, Monsieur le président !
Pour ma part, je ne comprends pas Mme Spoerri. Jusqu'à maintenant, j'imaginais, Madame, que vous alliez remettre de l'ordre dans cette affaire. Vous nous dites qu'il faut absolument voter ce projet de loi: je vous signale que, pour remettre de l'ordre dans cette affaire, le plus simple aurait été de laisser entrer en force, le 1er mars, la loi votée à la majorité en septembre, qui a été soumise au délai référendaire et qui n'a fait l'objet d'aucun référendum de la part des milieux liés au parti libéral notamment. Vous auriez pu mettre sur pied la commission administrative, quitte à voir, au bout d'une année, ce qu'il advenait de la restructuration proposée. J'imaginais que vous vous teniez au-dessus de la mêlée et je m'étonne d'entendre que si nous ne votons pas cette loi, attention, nous sommes de méchants garnements qui allons tout faire capoter... Pas du tout ! Nous prétendons que la loi qui a été votée en septembre 2001 et qui devait entrer en force le 1er mars est une loi qui permet de sortir les offices des poursuites et faillites du marasme dans lequel ils sont.
Il me semblait que nous étions, malgré les idéologies des uns et des autres, des gens réalistes, capables de réagir de manière pragmatique, quand un gros problème se posait dans la République... D'ailleurs, j'avais imaginé que les bancs d'en face s'étaient sincèrement ralliés à notre projet, mais c'était effectivement avant les élections ! Je suis effectivement candide, naïf de croire à de tels élans de solidarité vis-à-vis des employés, qui subissent de jour en jour, depuis des mois, cette situation catastrophique...
Le président. Monsieur Pagani, veuillez présenter votre amendement, s'il vous plaît !
M. Rémy Pagani. Mais vous permettez ! Mme la présidente s'exprime, cela ouvre un débat et il y a de quoi débattre ! J'estime, pour ma part, que la meilleure des solutions eût été, de la part d'une présidente nouvellement entrée en fonctions, de décider de lever le pouce, de laisser la loi du 21 septembre entrer en vigueur, loi qui changera radicalement l'administration des offices. Et puis, lorsque Mme Spoerri aurait été vraiment dans ses bottes... (Rires et exclamations.)...lorsqu'elle aurait maîtrisé complètement son dicastère, elle aurait pu proposer une loi qui mette fin définitivement au problème et qui corrige peut-être un certain nombre d'erreurs, car bien évidemment toute loi est perfectible. Cela eût été une position plus réaliste, plus convenable que de nous faire la leçon... Mme Martine Brunschwig Graf nous fait déjà la leçon à certains moments - je comprends, elle s'occupe des écoles - mais peut-être avez-vous suivi la même école que Mme Brunschwig Graf ? Quoi qu'il en soit, je ne trouve pas très judicieuse la position que vous adoptez maintenant, à ce stade du débat.
Le président. La parole n'est plus demandée. Je mets aux voix cet amendement proposant un nouvel alinéa 3 à l'article 9 ainsi libellé: «Les administrations spéciales doivent adresser copie des procès-verbaux de séance à l'autorité de surveillance ainsi qu'à l'office des faillites.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 9 ainsi amendé est adopté.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion est rejetée.
Le président. L'article 10 ne suscitant aucune opposition, il est adopté. (Brouhaha.)Excusez-moi M. Grobet ! Vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, cela vous a peut-être échappé, mais cet article 10 est au coeur du débat qui a eu lieu ce soir. Il concerne en effet la substitution de l'autorité de surveillance qui avait été instituée dans la loi du 21 septembre par une autre autorité ayant un caractère de juridiction plutôt que de commission administrative. A ce sujet, j'aimerais rappeler une nouvelle fois que le but premier du projet de loi des partis de l'Entente était, en fait, de revenir à l'autorité de surveillance telle qu'elle existe aujourd'hui encore, en vertu de l'ancienne loi, c'est-à-dire la Cour de justice.
Ce désir de revenir au statu quo antevous l'avez abandonné, Mesdames et Messieurs, en admettant finalement la proposition que nous avions faite, en son temps, d'instituer une commission de surveillance qui n'ait pas le caractère d'un tribunal. Nous pensons qu'un tribunal n'exerce pas véritablement une autorité de surveillance: il est là pour rendre des jugements dans le cadre de litiges, alors qu'une autorité de surveillance a une mission beaucoup plus vaste. Nous nous réjouissons du fait que vous vous soyez ralliés à l'idée d'avoir une commission formée de personnes qui ne soient pas exclusivement des juges de métiers avec la formation professionnelle qui est la leur, à savoir un brevet d'avocat et généralement une formation axée sur l'application du droit. Si nous nous en réjouissons, c'est que la gestion des offices des poursuites couvre des domaines particulièrement vastes. J'avais notamment souligné devant la commission de contrôle de gestion qu'avec toutes les procédures en réalisation de gages immobiliers les offices de poursuites avaient un rôle de gestionnaire d'immeubles extrêmement important et qu'il faudrait, notamment dans l'autorité de surveillance, avoir des personnes qualifiées dans ce domaine. De même, il va sans dire qu'il faut avoir des personnes qualifiées dans le domaine du contrôle comptable. Avec la formule de la commission pouvant avoir des membres de formations professionnelles diverses, nous avions trouvé une formule adéquate comme autorité de surveillance. Mais vous avez demandé un changement fondamental, à savoir que cette autorité de surveillance ne soit plus désignée par le Grand Conseil, comme c'est la cas pour la plupart des commission administratives dont les commissions de recours AVS-AI, et vous avez changé - cela paraît un changement relativement anodin, mais il est important - cette commission administrative en juridiction, pour pouvoir soumettre l'élection de cette autorité de surveillance aux dispositions applicables au pouvoir judiciaire, c'est-à-dire une élection générale. Par cette disposition, vous empêchez que la représentation de chacune des formations politiques siégeant dans ce Grand Conseil soit inscrite dans la loi. Or, nous persistons à dire que pour nous, il est extrêmement important que cette autorité de surveillance, si elle veut jouer le rôle qui doit être le sien, c'est-à-dire de déceler les anomalies, soit largement représentative.
Je ne veux pas revenir, Mesdames et Messieurs, sur les problèmes de la Banque cantonale. Mais si cette banque a pu pendant de nombreuses années s'enfoncer dans l'illégalité et créer une situation catastrophique pour les finances cantonales, c'est bien malheureusement parce que la Banque cantonale n'était pas soumise à une surveillance digne de ce nom. L'une des premières choses que nous avons demandée, bien avant de prendre les mesures de sauvetage financier de la banque, c'était que soit mise en place une autorité de surveillance indépendante de la banque et composée de personnes qui ne soient pas liées aux administrateurs de celle-ci. Je suis persuadé que si cette surveillance avait été mise en place pour la BCGe, comme nous l'avions demandé il y a plusieurs années dans un projet de loi, qu'une très large majorité du Grand Conseil de l'époque a gelé en commission, nous aurions pu éviter de devoir réaliser le sauvetage de la Banque cantonale dans les pires conditions. Certainement l'aurions-nous sauvée à meilleur compte que c'est le cas actuellement.
Il n'y a pas de miracle en matière de surveillance. La surveillance est bien faite lorsque ceux qui l'exercent sont totalement indépendants de ceux qui sont surveillés. Or, aujourd'hui, en enlevant cette garantie prévue dans la loi du 21 septembre, à savoir que l'autorité de surveillance était composée...
Le président. Monsieur Grobet, veuillez conclure, s'il vous plaît !
M. Christian Grobet. J'arrive à la fin. La loi du 21 septembre prévoyait donc que l'autorité de surveillance soit composée de personnes émanant de toutes les forces politiques du Grand Conseil et notamment des partis qui ne siègent pas au Conseil d'Etat. Dans cette configuration-là nous avions la garantie d'avoir une autorité de surveillance particulièrement attentive.
Aujourd'hui, vous avez décidé, en conservant la structure, de modifier un seul aspect de celle-ci, en soumettant la désignation de cette commission à la procédure applicable au pouvoir judiciaire. Par ce biais, vous permettez à certains partis politiques, et nous l'avons vu par l'accord qui est intervenu ce soir entre les socialistes et les partis de l'Entente, de mettre la main sur l'autorité de surveillance.
Cela, Mesdames et Messieurs, vous le savez; et vous savez aussi que cette autorité de surveillance ne jouera pas le rôle qu'elle doit jouer. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à refuser cet article 10, pour garder l'article 10 dans sa version actuelle, c'est-à-dire une commission administrative avec un représentant de chaque parti siégeant au Grand Conseil élu par le Grand Conseil.
Le président. Monsieur Halpérin, vous avez la parole pour une motion d'ordre.
M. Michel Halpérin (L). Nous avons écouté attentivement ce que vient de nous dire M. Grobet, cela ne nous a pas véritablement enseigné des choses que nous n'ayons sues déjà. Ce point a fait l'essentiel du débat du mois de septembre. Les arguments soutenus par M. Grobet pour défendre le refus de l'article 10, nous les connaissons. Je vous propose maintenant de ne pas allonger inutilement ce débat que tout le monde a eu l'occasion d'intérioriser et je prie cette assemblée de faire application de l'article 79 lettre a, c'est-à-dire d'interrompre le débat et de passer au vote.
Le président. Je vous rappelle que la majorité des deux tiers est nécessaire pour une motion d'ordre. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
Le président. Nous allons donc voter sur la proposition d'amendement de M. Grobet. (Brouhaha.)
M. Christian Grobet. Monsieur le président il ne s'agit pas d'un amendement. Je demande le rejet de cet article. Néanmoins, vu l'importance de ce point, je demande le vote par appel nominal. (Appuyé.)
Le président. Nous votons par appel nominal et par vote électronique. Celles et ceux qui l'acceptent votent oui, les autres non.
Des voix. Ceux qui acceptent quoi ?
Le président. Ceux qui acceptent l'article 10 !
Mis aux voix, l'article 10 est adopté par 61 oui, 11 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 11 est adopté, de même que l'article 12, al. 2 et 3, l'article 13, al. 1 à 3 et 5, l'article 14, al. 2, l'article 15, al. 2, l'article 20, al. 1 lettre k, l'article 36, l'article 39, l'article 42, l'article 43, l'article 2 souligné.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Vanek sur l'article 56Q.
M. Pierre Vanek (AdG). Je vous remercie d'avoir fait distribuer cet amendement. Il y aura eu quelques entorses à un minimum de sérieux dans le travail parlementaire, mais enfin, sur le plan de la distribution du papier, ça a suivi.
Les modifications proposées à l'articles 56Q sont premièrement de remplacer l'exigence du brevet d'avocat mentionnée à l'alinéa 3: nous nous contentons d'abord de l'exigence d'une licence en droit, qui nous semble suffisante eu égard aux qualités de ceux qui président cette commission de surveillance, qui évidemment seront titulaires de ce brevet d'avocat. Deuxièmement, nous maintenons les réviseurs au sens de l'article 1 de l'ordonnance fédérale sur les qualifications professionnelles des réviseurs particulièrement qualifiés du 30 juin 1992, mais nous ajoutons la possibilité d'admettre au sein de cette commission des gens qui disposent d'une bonne expérience dans le domaine de la gestion commerciale ou immobilière. Christian Grobet est intervenu tout à l'heure pour expliquer précisément l'importance qu'il peut y avoir à disposer de personnes compétentes, notamment en matière de gestion d'immeubles. Evidemment, ces compétences ne sont pas garanties par la licence en droit, par le brevet d'avocat, ni même par le diplôme de réviseur au sens de l'article 1 de l'ordonnance fédérale. C'est le fond de l'amendement que nous proposons.
Ensuite, évidemment il s'agit de savoir ce qui constitue une bonne expérience dans le domaine de la gestion commerciale ou immobilière, une expérience qui soit à la hauteur des exigences de la tâche. Nous proposons donc de compléter cet alinéa 3 de l'article 56Q par le fait que la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil soit chargée d'examiner les candidatures aux postes de juges, assesseurs et suppléants, et d'apprécier cette question de savoir si les qualifications professionnelles ou l'expérience des candidats sont effectivement suffisantes au sens de cet alinéa. Pour qu'il n'y ait pas de tergiversations autour de ces décisions, il s'agirait d'indiquer aussi qu'elles sont définitives et de ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.
Cet amendement se formule donc ainsi:
«Les juges assesseurs et leurs suppléants doivent être au bénéfice d'une licence en droit, d'un diplôme de réviseur au sens de l'article 1 de l'ordonnance fédérale sur les qualifications professionnelles des réviseurs particulièrement qualifiés, du 30 juin 1992, ou d'une bonne expérience dans le domaine de la gestion commerciale ou immobilière. La commission de contrôle de gestion du Grand Conseil est chargée d'examiner les candidatures aux postes de juges assesseurs et suppléants: elle apprécie si les qualifications professionnelles des candidats sont suffisantes. Ses décisions sont définitives et ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.»
M. Christian Luscher (L). Je souhaiterais à mon tour faire une motion d'ordre basée sur l'article 79 relatif à la clôture des débats. Je me permets d'ajouter une clause de galanterie, en ce sens que j'ai cru comprendre que Mme Gobet Winiger avait demandé la parole et je pense qu'il faut la lui laisser. D'abord par galanterie, et aussi parce qu'elle connaît très bien le sujet puisqu'elle fait partie des auteurs du projet de loi. Je demande donc, Monsieur le président, que dès après l'intervention de Mme Gobet Winiger vous interrompiez le débat et que nous procédions au vote.
Le président. Je ne suis pas d'accord avec cette formule, Monsieur Luscher, je donnerai la parole... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Madame Gobet est-ce que vous maintenez votre demande de parole ? C'est le cas. Monsieur Luscher, je considère donc que vous avez renoncé à votre motion d'ordre et je donne la parole à Mme Gobet, qui est de toute façon la prochaine oratrice sur la liste.
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). De fait, la dénomination de réviseur particulièrement qualifié ne correspond pas à un titre, comme, par exemple, licencié en sciences économiques. La mention qui figure dans le texte qui a été retenu recouvre environ une quinzaine de formations, dont des formations de gestion et non pas seulement de comptabilité. Nous avions vu en commission que c'était précisément, parce que cette qualification offrait une palette très large de formations possibles, que ce terme pouvait être retenu.
Les socialistes ne seront pas d'accord d'abaisser le niveau des exigences pour les juges assesseurs de la nouvelle autorité de surveillance, même si des groupes politiques peuvent, cela nous arrive à tous, avoir des difficultés de recrutement à un moment donné, par rapport à une fonction précise. Ici, nous sommes en train de créer la surveillance des offices, ce sont les intérêts des offices qui doivent primer plutôt que les difficultés de recrutement des uns ou des autres.
M. Pierre Weiss (L). Après avoir entendu les arguments de Mme Gobet, je crois qu'il est nécessaire, je dirais même indispensable, de passer directement au vote, en vertu de l'article 79 de notre règlement. Je vous propose donc de mettre cette motion d'ordre aux voix. Je vous remercie.
Le président. Celles et ceux qui approuvent cette motion d'ordre... Cette fois, je vous donne la parole, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet. Je m'étais inscrit depuis un certain temps. Je prendrai la parole après le vote.
Le président. Entendu. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Je m'étais inscrit depuis longtemps, donc je crois que j'ai le droit de parler, malgré la motion d'ordre, du fait que j'étais inscrit.
Le président. Reconnaissez avec moi que c'est difficile à gérer !
M. Christian Grobet. Je le reconnais parfaitement et c'est pour cela que je n'ai pas voulu susciter la confusion tout à l'heure, mais simplement rappeler que je m'étais inscrit en temps voulu.
L'article 10 de la loi du 21 septembre, qui fixait les compétences pour faire partie de la commission administrative était plus large que le texte actuel, puisqu'il mentionnait que les commissaires élus devaient avoir une formation d'avocat, d'expert-comptable ou une formation équivalente. Cette notion de formation équivalente est importante parce qu'elle laisse la possibilité à des gens ayant une expérience professionnelle dans différents domaines de pouvoir siéger dans cette autorité de surveillance. Le texte tel qu'il est ressorti de commission est restrictif dans la mesure où il limite les qualifications possibles: en ce qui concerne les compétences juridiques, il faut avoir un brevet d'avocat, ce qui ne nous paraît pas indispensable pour des juges assesseurs. Nous pensons que quelqu'un qui a une licence en droit et une bonne pratique juridique pourrait parfaitement faire l'affaire. En outre, malgré la définition qui a été donnée de l'article 1 de l'ordonnance fédérale sur les qualifications professionnelles des réviseurs particulièrement qualifiés, nous ne sommes pas convaincus que cette disposition permettrait de désigner des personnes ayant des qualifications dans certains autres domaines.
L'objection formulée en commission quant à la possibilité de prévoir des juges assesseurs ayant une formation équivalente aux avocats et aux experts-comptables, revenait à demander qui allait apprécier cette formation équivalente. La solution de déléguer cette tâche à une commission du Grand Conseil nous paraît satisfaisante et nous souhaitons que la possibilité de recrutement des juges assesseurs soit aussi large que possible, afin que cette commission puisse bénéficier véritablement de l'apport de gens ayant des expériences diverses et afin de ne pas exclure des personnes qui pourraient être présentées par un groupe de citoyens, au prétexte qu'ils n'ont pas exactement le diplôme requis.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Vanek à l'article 56Q alinéa 3, qui se formule ainsi:
«Les juges assesseurs et leurs suppléants doivent être au bénéfice d'une licence en droit, d'un diplôme de réviseur au sens de l'article 1 de l'ordonnance fédérale sur les qualifications professionnelles des réviseurs particulièrement qualifiés, du 30 juin 1992, ou d'une bonne expérience dans le domaine de la gestion commerciale ou immobilière. La commission de contrôle de gestion du Grand Conseil est chargée d'examiner les candidatures aux postes de juges assesseurs et suppléants: elle apprécie si les qualifications professionnelles des candidats sont suffisantes. Ses décisions sont définitives et ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 56Q est adopté, de même que l'article 56R et 56S.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. J'aimerais formuler une observation sur l'article 56S. Ici la loi d'organisation judiciaire renvoie, en ce qui concerne la procédure applicable par la commission de surveillance, à la loi d'application de la loi sur la poursuite pour dettes et faillites. Je relève que la loi d'application que nous avons votée tout à l'heure prévoit en son article 13 alinéa 5 que c'est la procédure décrite par le code de procédure administrative qui s'applique. Je ne sais pas si ce double renvoi est extrêmement judicieux, je le signale simplement au passage.
Mis aux voix, les articles 60A, al. 4, 75B al. 1, 112 al. 1, 155 et 155A (abrogé) sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'une série d'amendements de M. Muller sur l'article 3 souligné.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Postérieurement au vote final de la commission de contrôle de gestion sur ce projet de loi, un certain nombre de difficultés pratiques liées à la procédure et notamment à l'entrée en vigueur de cette loi nous sont apparues. De façon informelle, la commission a repris ce dossier et a élaboré des amendements aux articles 3, 4, 5 et 6 soulignés. S'agissant de l'article 3 souligné que nous examinons maintenant, il s'agit de prévoir que la loi du 21 septembre 2001 entre en vigueur en même temps que la loi que nous sommes en train de voter. Il serait en effet pour le moins curieux que la loi de septembre entre en vigueur le premier juin comme nous en avions décidé dans un premier temps, alors que, par hypothèse, en cas de référendum, la loi que nous votons ce soir ne pourrait pas entrer en vigueur à cette date. Mon amendement se formule donc ainsi:
«La loi 8621 du 21 septembre 2001 modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, du 16 mars 1912, entre en vigueur en même temps que la présente loi, dans la mesure où elle n'est pas modifiée par celle-ci.»
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. On nous propose ici, au terme de cette loi, des dispositions d'entrée en vigueur pour le moins délicates et avec un texte - et le rapporteur de majorité vient de le souligner - qui a été modifié après la fin des travaux de la commission; qui a certes été discuté en commission, mais enfin c'est une nouvelle version qui nous est soumise.
J'aimerais tout d'abord déplorer que le débat sur des articles aussi délicats que ceux-ci ait lieu à minuit et demi, alors que cette loi pourrait aussi bien être adoptée lors de la séance de demain. A ce sujet, j'aimerais demander à Mme Spoerri d'être précise sur les délais qu'elle a évoqués tout à l'heure. Je souhaite que vous nous précisiez quels sont les délais, Madame la conseillère d'Etat, et comment vous entendez les appliquer. Je suis effectivement étonné que nous soyons à 24 heures près quant à l'adoption de cette loi. Je vous demanderais d'autre part, Madame la conseillère d'Etat, de vous exprimer sur le calendrier qui est prévu pour l'élection de la commission de surveillance. J'aimerais en particulier savoir comment l'enchaînement des différentes dates va vous permettre d'arriver à cette date du 7 juin. Je pense que c'est quand même important que nous le sachions.
Maintenant, sur le fond, je dois dire que nous estimons totalement inacceptable qu'une loi de cette importance-là, qui modifie une loi contre laquelle aucun référendum n'a été interjeté, soit soustraite précisément à la possibilité du référendum par l'application de la clause d'urgence. Je dois dire que ceci constitue une atteinte particulièrement grave aux droits populaires auxquels certains prétendent être attachés. Ici j'avoue être extrêmement étonné que l'on propose cette solution. Il peut y avoir des cas exceptionnels où la clause d'urgence se justifie. Nous l'avons vu pour la Banque cantonale où, si la clause d'urgence n'avait pas été votée, la banque aurait dû fermer ses portes tant elle était en péril - ce que les députés ont d'ailleurs appris au dernier moment.
Mais vouloir, comme cela, pour des raisons de commodité soustraire des dispositions légale la possibilité référendaire, l'Alliance de gauche estime que c'est un procédé profondément choquant. C'est la raison pour laquelle j'aimerais bien que Mme Spoerri, à ce stade du débat, nous donne les raisons de l'urgence qu'elle a évoquée et qu'elle nous explique exactement le déroulement de l'entrée en vigueur et de l'application de cette loi.
Le président. Dois-je comprendre que vous êtes intervenu sur les quatre amendements, Monsieur Grobet ? Votre intervention porte en réalité sur l'article 6 souligné. Je constate simplement que nous avons une heure de retard sur l'engagement que nous avions pris.
M. Christian Grobet. Je pense que ce sont des problèmes délicats et je répète que je ne comprends pas pourquoi il est impossible de poursuivre le débat sur cet objet demain.
Néanmoins, j'ai fait une intervention préliminaire parce qu'on a justifié le fait qu'il fallait à tout prix voter cette loi ce soir par des questions de calendrier. Evidemment, Mme Spoerri a le droit de se taire et de ne pas répondre, mais je pensais que vous étiez préparée, Madame, à nous indiquer avec précision ce soir quel est le calendrier.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas compris ce que j'ai dit tout à l'heure. J'ai dit que le Grand Conseil était placé devant une responsabilité et qu'il devait la prendre. Je n'ai forcé personne à faire ceci ou cela. Je vous ai rappelé l'importance des délais. J'ai ici - on peut le faire distribuer par les huissiers, si vous le souhaitez - toute l'étude du calendrier qui a été faite scrupuleusement en collaboration avec la chancellerie d'Etat et le service des votations, de façon que, dans tous les cas de figure qui seraient évoqués ce soir, nous puissions répondre aux exigences, y compris, vous l'avez souligné tout à l'heure, la nécessaire confirmation par l'autorité fédérale.
Tout dépendra du scénario que vous choisirez. Je répète que je peux faire distribuer ce document.
M. Jean Rémy Roulet (L). Faisons court, faisons bien. Je constate que M. Charles Beer baille aux corneilles, sachez, cher collègue que vous n'êtes pas seul dans ce cas. Je crois qu'il faut écourter les débats, il faut être clairs et concis; c'est pourquoi je demande formellement l'application de l'article 79 lettre a sur la clôture des débats. Je demande donc que nous passions au vote immédiat sur l'article 3 souligné de la loi que nous examinons. (Brouhaha.)
Le président. Monsieur Spielmann, vous avez la parole.
M. Jean Spielmann. S'agissant de la clause d'urgence j'aimerais dire...
Le président. Vous devez parler de la motion d'ordre, Monsieur Spielmann.
M. Jean Spielmann. Je vous ai demandé la parole pour déposer à mon tour une motion d'ordre. Ce n'est pas parce que vos petits amis viennent vers vous demander une motion d'ordre.
Le président. Je veux bien vous laisser la parole. (Huées sur les bancs de l'Entente.)Vous voyez ce que cela provoque... C'est encore moi qui décide, mais je vous demande d'intervenir sur la motion de M. Roulet et uniquement sur celle-ci. Ensuite, puisqu'il y a d'autres collègues à vous, MM. Vanek, Mouhanna et Pagani qui ont demandé la parole, je leur demande de renoncer. Vous êtes d'accord avec cela ? Sinon j'arrête. (Brouhaha.)
M. Rémy Pagani. C'est une honte ! C'est inadmissible ! (Brouhaha.)
Le président. J'attire l'attention de ce parlement que je ne soutiens que les deux tiers des voix de ce Conseil. Alors vous me direz qui est démocrate et qui ne l'est pas, lorsque deux tiers de ce parlement décide de faire quelque chose. J'estime que vous devez respecter ces décisions. Voilà ce que je tenais à vous dire. (Applaudissements.)
M. Jean Spielmann. Monsieur le président, je veux simplement vous expliquer en une minute qu'il y a un gros problème avec la notion d'urgence.
Le président. M. Spielmann je vous donne la parole à condition qu'ensuite nous puissions voter sur la motion d'ordre. Vous êtes d'accord avec ça.
M. Jean Spielmann. Non ! (Rires.)
Le président. Dans ce cas je ne vous donne pas la parole.
M. Jean Spielmann. Je n'accepte aucune condition. Ou bien vous me donner la parole ou bien vous ne me la donnez pas.
M. Pierre Vanek. Monsieur le président, arrêtez ce cirque ! Mme Spoerri nous a proposé de faire distribuer un document à la suite d'une question polie et intelligente de M. Grobet. Pour que cette distribution ait un sens, elle doit être effectuée et les députés doivent avoir le temps de prendre connaissance de ce document et ensuite les débats pourront se poursuivre.
Le président. J'essaie de faire un deal avec vous. Si vous n'êtes pas d'accord et si vous continuez à m'interrompre comme cela, Monsieur Vanek, je fais appliquer l'article 90 et 91 de notre règlement, je vous le dis tout de suite.
Le document de Mme Spoerri est essentiel par rapport à l'amendement sur la clause d'urgence. Nous ne sommes pas encore arrivés à cet article, je le répète. J'estime donc que nous pouvons continuer le débat sur les articles 3, 4 et 5 soulignés et d'ici là les papiers auront été distribués. Je demande qu'on annule l'affichage de la liste des orateurs, puisque je considère avoir terminé ce débat.
Nous passons à l'article 4 souligné. M. Muller vous pouvez présenter votre amendement.
M. Mark Muller, rapporteur de majorité. Il faut d'abord faire voter l'article 3 souligné.
Des voix. On n'a pas voté sur la motion d'ordre !
Le président. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
M. Christian Grobet, rapporteur de minorité. Monsieur le président, avez-vous lu tout à l'heure l'article 79, oui ou non ? Je vous demande d'en donner lecture.
Le président. Alinéa 1 lettre a: le Bureau ou un député peut proposer d'interrompre immédiatement le débat et le cas échéant de passer au vote. Alinéa 2: la motion d'ordre doit être immédiatement mise aux voix sans débat et ne peut être acceptée qu'à la majorité des députés présents. Voilà ce que contient l'article. Le suivant, l'article 79A, indique qu'un député peut en tout temps interrompre le débat pour inviter le Bureau à faire appliquer le règlement.
M. Christian Grobet, rapporteur de minorité. On vient de me montrer un texte où il est indiqué que les rapporteurs peuvent prendre une ultime fois la parole avant la clôture des débats.
Le président. C'est la lettre b de l'alinéa 1 de l'article 79. Je continue et je vous assure que c'est vraiment du formalisme de votre part, parce que le point essentiel que vous voulez évoquer, c'est l'article 6 souligné, vous devriez au moins me concéder cela.
Je mets aux voix l'article 3 souligné amendé comme suit:
La loi 8621 du 21 septembre 2001 modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillite, du 16 mars 1912, entre en vigueur en même temps que la présente loi, dans la mesure où elle n'est pas modifiée par celle-ci.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Nous passons à l'article 4 souligné. Monsieur Mark Muller, vous avez la parole.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. En commission nous avions voté un texte qui prévoyait l'élection des membres de la commission de surveillance selon la même procédure et en même temps que les élections judiciaires générales de ce printemps. Nous avions cet espoir, mais nous nous sommes aperçus qu'il n'était pas possible de tenir ces délais et c'est pour cette raison que nous proposons de supprimer la mention «en même temps».
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Je prends note de la rédaction de cet article 79 de notre règlement. Je reste à me demander si ce sont deux propositions alternatives ou cumulatives, mais enfin je ne veux pas ouvrir un débat là-dessus ce soir. Quoi qu'il en soit, je constate une chose, c'est qu'il y a un abus manifeste de l'application de cet article pour empêcher une discussion sereine sur ces dispositions.
Il n'y a pas grand-chose à dire au sujet de cet article 4 souligné, si ce n'est que nous refusons évidemment que l'élection se fasse selon la procédure applicable aux magistrats du pouvoir judiciaire. Nous ne sommes pas d'accord avec ce mode de faire. Par ailleurs, nous faisons toutes réserves sur la rédaction de cet article, car il nous paraît difficile, à cette heure, d'en voir exactement toutes les limites et la portée exacte.
M. Michel Halpérin (L). Je ne veux pas commenter l'affirmation de M. Grobet selon laquelle nous commettons un abus. Quand les deux tiers de cette assemblée se rassemblent pour des points d'ordre de cette importance, c'est qu'ils savent pourquoi et je n'ai pas besoin, Monsieur Grobet, de vous faire la description du nombre d'abus qui ont été commis ce soir par vos coreligionnaires dans le but que nous consacrions trois ou quatre bonnes heures à des réflexions sur sept amendements. Je propose que nous adoptions l'article 79 lettre a pour le débat sur l'entrée en vigueur.
M. Jean Spielmann (AdG). Il est évident qu'à tout moment chaque député peut faire une motion d'ordre et demander que les débats soient stoppés et que le Grand Conseil passe au vote. Mais l'article 79 est clair: il prévoit cette possibilité, mais il dit ce qui se passe une fois que la motion d'ordre est acceptée: alors la lettre b de l'alinéa 1 doit être appliquée. Ainsi, vous ne pouvez plus donner la parole qu'à ceux qui l'avaient demandée avant le dépôt de la motion d'ordre, ce qui me semble tout à fait logique, ainsi qu'au rapporteur et au représentant du Conseil d'Etat. En appliquant le règlement comme vous le faites, vous commettez un abus et je considère que c'est d'autant plus grave - c'est ce que je voulais vous dire tout à l'heure - que nous sommes dans un cas de clause d'urgence. La clause d'urgence prévoit qu'une loi peut être votée sans recours devant le peuple. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président du Grand Conseil, cette règle doit être appliquée de manière juste et vous ne l'avez pas fait. Vous voulez voter la clause d'urgence, j'ai évoqué à plusieurs reprises pourquoi et comment. Il est bien sûr de votre droit de faire ce coup de force, mais c'est le nôtre aussi de faire respecter le règlement et de demander au président qu'il l'applique.
Le président. Premièrement, Monsieur Spielmann, j'ai la certitude ou en tout cas la profonde conviction d'avoir appliqué le règlement. J'essayerai de vous donner une seule raison, vous la prendrez comme vous l'entendez. L'article 78A sur la clôture de la liste des intervenants indique que: lors d'une débat particulièrement long, le Bureau propose de clore la liste des intervenants en précisant le nom des députés restant à intervenir. Cela peut se faire avec la seule majorité simple. Alors expliquez-moi comment je dois interpréter deux dispositions identiques dont l'une demande une majorité simple et l'autre qui demande la majorité des deux tiers. Je suis navré, mais c'est pour cette raison que nous avons interprété le règlement de cette manière. Si je me trompe, j'aimerais qu'on me le dise. Les juristes qui sont là sont divisés. Je demanderai que le sens de cet article soit clarifié, mais pour l'heure, je l'applique selon ma profonde conviction ni plus ni moins. Monsieur Spielmann, j'espère que vous me ferez l'amitié de penser que c'est ainsi que j'interviens.
Je mets maintenant aux voix la motion d'ordre. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
Le président. Je mets aux voix l'article 4 souligné avec l'amendement de M. Muller qui se formule ainsi:
«L'élection des membres de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites prévue par la présente loi intervient selon la même procédure que celle applicable aux autres magistrats du pouvoir judiciaire.»
Mis aux voix, l'article 4 souligné amendé est adopté.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Nous avions voté en commission l'entrée en vigueur de la loi au premier juin 2002, mais étant donné l'hypothèse du lancement d'un référendum, il est évident que cette date ne pouvait pas être respectée et qu'elle n'avait pas grand sens. C'est la raison pour laquelle nous proposons de prévoir que la présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation, mais au plus tôt le 1er juillet 2002.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Ne vous déplaise, Monsieur le président, je profite de mon tour de parole pour revenir sur la question du règlement. Je n'arrive pas à croire que l'interprétation que vous donnez de l'article 79, certainement de bonne foi, je ne mets pas en doute votre bonne foi, soit correcte. Il n'est pas possible que dans un débat comme celui-ci que vous avez voulu continuer jusqu'à point d'heure, alors qu'il était parfaitement possible de le terminer demain, ou pour mieux dire à une autre séance de cette journée, que l'on puisse appliquer un article couperet. Le premier qui presse sur le bouton pourrait obtenir par ce biais qu'il n'y ait aucune discussion...
Le président. Il faut la majorité des deux tiers.
M. Christian Grobet. D'accord, mais je pense qu'on ne peut pas lire seulement une partie d'un article, voyez-vous. Il faut appliquer un article dans son intégralité. Au mieux, si un article a plusieurs alinéas - et on n'est pas en présence ici de deux alinéas différents - on peut demander l'application de l'article 56 alinéa 1 par exemple. Mais prendre une phrase dans un article et de la dissocier du reste de l'article, cela n'est pas possible. Je constate que vous avez, par votre interprétation, à mon avis erronée et en tout cas excessive, de l'article 79, amené la situation à un point où le débat est tout simplement impossible sur le texte proposé. Cela n'est pas acceptable au vu de l'importance de ces dispositions. Je tenais à le souligner.
En ce qui concerne l'article 5, on nous propose une nouvelle formulation. Je veux bien, mais la réalité est celle que nous avons décrite tout à l'heure, à savoir que par le biais de cette disposition - et M. Muller vient d'en évoquer la possibilité - vous cherchez de fait à soustraire ce texte au référendum un certain nombre de dispositions de cette loi. Nous estimons que cela est totalement inacceptable.
Le président. Je vous concède qu'il y a divergence quant à l'interprétation et je la constate en tout cas. Je maintiens mon interprétation; est-elle bonne ou pas ? Je ne le sais pas. J'aimerais simplement dire que dans la mesure où l'article suivant est essentiel puisqu'il porte sur la clause d'urgence, on vient de me faire savoir que l'article 79 ne sera pas invoqué sur cet question. J'espère que vous apprécierez.
M. Jean Spielmann (AdG). Je constate en tout cas que tous ceux qui, ces dernière années nous donnaient des leçons de démocratie, ont des pratiques curieuses. Il y a des méthodes et des manières de faire, qui ne vous honorent pas.
En ce qui concerne la clause d'urgence, je me souviens, Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Ecoutez, Monsieur Spielmann, est-ce qu'on peut d'abord traiter l'article 5 et ensuite l'article 6 ? Nous n'avons pas voté l'article 5. Je vous redonnerai la parole en premier. (Brouhaha.)S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs.
Je mets aux voix l'amendement de M. Muller qui se lit ainsi:
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation, mais au plus tôt le 1er juillet 2002, sous réserve de ses dispositions visées à l'article 6 souligné, qui entrent en vigueur le lendemain de leur promulgation dans la Feuille d'avis officielle.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 5 souligné ainsi amendé est adopté.
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. L'article 6 mérite effectivement quelques explications, voire un débat. Soyez donc rassurés, nous ne demanderons pas la clôture des débats et le vote immédiat sur cette disposition.
La clause d'urgence est un instrument prévu par la constitution. Nous pouvons donc l'utiliser. Il est à notre disposition, mais il doit être employé avec certaines précautions et seulement lorsque c'est vraiment nécessaire. Je vous rappellerai tout simplement que, par le passé, ce parlement a utilisé la clause d'urgence pour soustraire au référendum des lois bien plus importantes que les 2 articles que nous proposons ici de ne pas soumettre au référendum. Je me réfère bien entendu à la loi qui a institué la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale, loi qui prévoyait notamment l'ouverture d'une garantie de l'Etat pour un montant de 5 milliards, sur laquelle le peuple a été privé de son droit à se prononcer. Ceux qui ce soir viennent nous dire que nous violons les droits populaires en soustrayant au référendum deux articles que je vous présenterai en détail sous cet angle, ceux-là sont les mêmes qui à l'époque avaient décidé de l'adoption d'une clause d'urgence pour la Fondation de valorisation.
Deux mots pour présenter les deux articles que nous ne pouvons pas soumettre au référendum. Tout d'abord, l'article 43, qui est une disposition transitoire. Il a pour seul but de faire en sorte qu'à aucun moment on ne se trouve dans une situation où il n'y aurait pas d'autorité de surveillance et je pense que vous partagez notre souci, Monsieur Pagani. Nous disons donc simplement que tant que la nouvelle commission de surveillance n'est pas en fonctions, c'est la Cour de justice qui siège et qui assume cette responsabilité. Cette disposition doit entrer en vigueur sans tarder.
La seconde disposition qui doit également entrer en vigueur avant le 1er mars, c'est l'article 3 souligné, puisque cet article reporte l'entrée en vigueur de la loi votée le 21 septembre, loi qui prévoyait sa propre entrée en vigueur au 1er mars. Si avant le 1er mars, l'entrée en vigueur n'est pas repoussée, celle-ci entrera effectivement en vigueur. Ce serait extrêmement regrettable parce que nous nous trouverions dans une situation où dès mi-mars les offices seraient soumis à un nouveau régime et lors de l'entrée en vigueur de la loi que nous votons ce soir, ces mêmes offices devraient se réorganiser. Nous devrions modifier la composition de l'autorité de surveillance et adopter une série de nouvelles procédures, ce qui signifierait qu'en l'espace de quelques mois trois organisations différentes auront été appliquées ce qui effectivement n'est pas souhaitable. Ceci pour relativiser la portée de cette clause d'urgence. Vous pourrez lancer un référendum, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face. Vous prendrez vos responsabilités, notamment quant au maintien de l'état d'incertitude dans lequel se trouvent aujourd'hui les offices. Vous perpétuerez les difficultés que rencontrent les collaborateurs des offices. A ce propos, certains syndicalistes dans vos rangs devraient être sensibles aux conditions de travail des collaborateurs des offices et ne pas jouer avec les nerfs de ceux-ci de cette façon.
Référendum il y aura peut-être. Vous conservez la possibilité de lancer ce référendum, simplement, quoi qu'il en soit, deux articles de loi entreront en vigueur avant la fin de ce mois, l'article 43 et l'article 3 souligné.
M. Rémy Pagani (AdG). J'apprécie le geste que vous avez fait de ne pas nous empêcher de parler, parce qu'il y a effectivement de quoi discuter. D'abord sur la BCGe... (Exclamations.)Ce point a été évoqué, Mesdames et Messieurs ! Vous nous faites le reproche d'avoir utilisé la clause d'urgence dans ce cadre, alors que vous savez très bien que si nous n'avions pas utilisé cette clause, la Banque cantonale déposait son bilan en septembre, voire même en juin. Alors effectivement, si vous êtes les défenseurs de ceux qui voulaient liquider la Banque cantonale, vous avez à vous offusquer de cette clause d'urgence. Moi, j'en assume la responsabilité, devant mes concitoyens, parce que je trouve que grâce à cette clause d'urgence, il existe encore une Banque cantonale qui est capable de dispenser des petits crédits à passablement de petites entreprises de notre République. Elle seule est encore capable de le faire.
Sur l'article qui nous occupe actuellement, je trouve cette clause d'urgence assez perfide. On pourrait comprendre cette clause comme introduisant véritablement une urgence. Or, en l'occurrence, cette clause d'urgence sert à retarder les choses. Pire que cela, dans l'article 3 souligné, vous liez la loi votée en septembre de cette année avec celle que nous examinons maintenant. Le corps électoral se trouvera dans la situation - parce que nous lancerons un référendum, nous assumons nos responsabilités - de voter non, parce qu'il ne supporte pas que vous essayez de falsifier la réorganisation des offices et en même temps, il se contraint de dire non à la loi précédente. Voilà ce qui est grave du point de vue des droits populaires. Vous liez les deux textes. En réalité, ce que vous défendez avec ce procédé, c'est le statu quo. De fait, si effectivement les électeurs votent non parce qu'ils en ont ras-le-bol de vos procédés, ils voteront aussi pour le statu quo. C'est inadmissible du point de vue éthique, je ne sais pas si vous avez encore des notions d'éthique, Monsieur Muller. Du point de vue de la démocratie minimum, c'est purement scandaleux, c'est un abus de droit qui dépasse tout ce qu'on a vu jusqu'ici. Je tenais à vous le dire en face !
Moi, je prends mes responsabilités, nous avons effectivement travaillé avec passablement d'employés des offices et j'en terminerai par là. Alors prendre prétexte de la déstabilisation des employés comme argument contre le référendum. Mais, Monsieur Muller, si vous étiez aussi préoccupé du bien-être des employés, vous n'auriez jamais touché à cette loi. Vous ne soutiendriez pas cette nouvelle mouture, parce que c'est celle-là qui mettra les employés des offices dans le désordre le plus total. De cela vous êtes responsable, Monsieur Muller !
M. Jean Spielmann (AdG). J'interviendrai sur la clause d'urgence. Quand nous utilisions la clause d'urgence dans ce parlement, avant la dernière modification du règlement, il y avait dans le règlement du Grand Conseil un dispositif relatif à cette clause qui prévoyait par exemple une majorité qualifiée. Aujourd'hui - et j'estime qu'il y a là un problème de fond que je demande au Bureau d'examiner - aucune disposition ne précise plus ce qu'est la clause d'urgence, qui peut la proposer, comment est-elle appliquée et comment elle fonctionne. Il reste encore d'anciens articles qui indiquent dans quels cas on ne peut pas utiliser cette clause, par exemple sur le budget. Je trouve qu'il est normal que la majorité qualifiée soit exigée pour décider de l'urgence et surtout pour décider de ne pas soumettre au référendum les lois que nous votons ici. Je demande donc au Bureau de retrouver les anciens textes et de comprendre comment ils ont été supprimés et comment ils ont été modifiés. Quelque chose manque visiblement dans le règlement de notre Conseil.
Deuxième observation, en ce qui concerne maintenant le procédé. Il est clair que la loi votée le 21 septembre a été adoptée à une très large majorité. Certainement, à part quelques libéraux, quasiment tous les groupes l'ont votée. Je peux admettre que certains de ces groupes l'ont votée sous la contrainte du moment et en fonction de la période durant laquelle ce vote est intervenu, c'est-à-dire avant les élections. Il paraissait effectivement normal, après le travail effectué par la commission de contrôle de gestion pour tenter de trouver une solution au dysfonctionnements de l'office des poursuites, que l'ensemble du parlement s'accorde sur des solutions réalistes. C'est pourquoi ces dispositions ont été votées à une écrasante majorité, à quelques oppositions libérales près, qui ne se sont d'ailleurs pas manifestées très fortement lors des débats.
Aujourd'hui cette loi est entrée en vigueur, le délai référendaire est échu; mais il y a un événement important qui est intervenu, ce sont les élections et le changement de majorité. Cette nouvelle majorité ne nous propose pas l'abrogation et la modification d'une loi ancienne, mais le changement de la date d'entrée en vigueur et le recours à la clause d'urgence qui signifie que les droits populaires sont abolis relativement à un sujet particulièrement important: savoir comment et qui contrôlerait les offices des poursuites. Bien sûr une très large majorité, allant des socialistes aux libéraux, s'est constituée. Ces partis se sont mis d'accord entre eux pour une répartition des sièges de l'organe de contrôle dans le cadre des élections judiciaires. Ainsi, Mesdames et Messieurs, vous maintenez une mainmise sur le contrôle et le fonctionnement de ces offices. Vous en assumez la responsabilité. Je pense que ce sera beaucoup plus difficile maintenant, puisque les gens se sont rendu compte des difficultés et se rendent compte aujourd'hui que non seulement vous revenez sur une décision après les votations, mais que vous vous munissez de la clause d'urgence pour empêcher le peuple de se prononcer. Ce sont des faits graves. Je n'ai jamais vécu cela dans ce parlement. Vous êtes en train de jouer avec la démocratie, et je pense qu'un jour ou l'autre ces problèmes vous rattraperont. Mesdames et Messieurs, vous préparez un mauvais coup en imposant cette clause d'urgence, comme vous avez fait des mauvais coups successifs ce soir en empêchant les gens de parler, et comme vous-même, Monsieur le président, avez fait un mauvais coup en vous prêtant au jeu et en n'appliquant pas le règlement tel qu'il doit l'être. Je trouve cela particulièrement grave.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord faire deux remarques au rapporteur de majorité. Je crois que l'on ne peut pas comparer la situation qui a prévalu à l'adoption de la clause d'urgence, non pas pour créer la Fondation de valorisation des actifs, mais pour prendre les mesures de sauvetage financier de la banque. Certes les enjeux étaient importants, je suis d'accord avec vous, mais il y avait une question d'urgence évidente, non pas en raison des délais fixés par la commission fédérale des banques, mais parce que les retraits opérés par les épargnants, ainsi que la quasi impossibilité pour la banque de trouver des crédits de refinancement auraient entraîné une faillite si des mesures d'urgence n'avaient pas été prises. Je crois donc que l'on ne peut pas comparer les deux situations et je ne suis pas convaincu, Monsieur Spielmann, que le vote à la majorité qualifiée soit une bonne manière de définir la notion d'urgence. En l'espèce, nous ne voyons pas l'urgence. Il s'agit en réalité d'une volonté politique de modifier une loi contre laquelle aucun référendum n'avait été lancé; et nous pensons que la volonté politique de modifier une loi coûte que coûte ne répond pas aux critères qui définissent l'urgence.
En ce qui concerne cet article qui institue l'urgence, nous demandons que le vote ait lieu par appel nominal. (Appuyé.)
Le président. Monsieur Spielmann, nous avons pris note de votre demande et nous allons nous informer sur cette modification. Monsieur Vanek, vous avez la parole.
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne vais pas renchérir sur ce qu'ont dit mes collègues Pagani, Spielmann et Grobet, mais plutôt vous inviter à réfléchir sérieusement sur la méthode que vous employez ici. Une loi a été votée par une très large majorité de ce Grand Conseil, Monsieur Muller, lors de la législature précédente.
M. Mark Muller .Nous n'y étions pas !
M. Pierre Vanek. Ah vous n'y étiez pas ! Le parti libéral n'y était pas ! Pauvres gens !
La loi a donc été votée par une très large majorité, à l'exception du parti libéral ou de certains députés du parti libéral genevois. Néanmoins, le parti libéral n'a pas jugé utile de lancer un référendum dont vous parlez très facilement ce soir. Ce soir vous prétendez qu'il y a urgence, mais cet automne vous n'avez pas jugé utile de bouger ! Vous n'avez pas jugé utile d'avoir recours aux citoyens vers lesquels vous voulez nous empêcher aujourd'hui de nous tourner. Sur ce point, Monsieur le président, il serait utile que M. Muller s'explique. Pourquoi être resté silencieux, puisque cette loi était tellement grave, tellement inacceptable, qu'aujourd'hui il faut des mesures d'exception: des clauses d'urgences, des motions d'ordre visant à empêcher les députés de la minorité de s'exprimer, sous le prétexte qu'il y aurait une majorité de deux tiers favorable à ce procédé. Belle idée, Monsieur Halpérin, de la démocratie !
Je vous invite à réfléchir à ce que vous êtes en train de faire: ce parlement a, dans toutes les formes démocratiques et légales, voté une loi le 21 septembre dernier, la loi 8621, qui prévoit effectivement l'entrée en vigueur d'un certain nombre de dispositions le 1er mars 2002. Parce que la majorité précédente - à laquelle une large partie de ceux qui ce soir font ce sale boulot était associée - a voté une loi qui ne plaît pas, M. Muller l'a précisé, au parti libéral, celui-ci décide de demander l'urgence sur une loi qui arrête le déploiement des effets de la loi précédente dans l'attente que vous puissiez bricoler autre chose.
Eh bien, pourquoi, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face et en particulier les libéraux, puisque vous endossez cette responsabilité, pourquoi ne pas étendre ce système à l'ensemble des lois votées par la majorité précédente ? Vous pourriez prétendre de la même manière vouloir modifier toutes ces lois et en faire voter d'autres qui suspendent l'entrée en vigueur des premières et qui s'assortissent de clauses d'urgence, parce qu'il serait soi-disant urgent de défaire le travail de la majorité précédente. Monsieur Luscher ne faites pas des gestes en l'air ! Vous pourrez vous exprimer autrement que par le mime si vous le souhaitez, il n'y aura pas de motion d'ordre de notre part pour vous en empêcher ! J'ai posé des questions, j'attends que vous y répondiez.
Je ne peux pas croire qu'il soit si urgent au sens de la constitution de faire entrer en vigueur vos pseudo mesures de réorganisation qui consistent, comme mes collègues l'ont dit, à maintenir le statu quo. Certains ont qualifié cet objet de mineur, nous avons pu montrer qu'il ne l'est pas lors du débat précédent. Si nous acceptons votre méthode, au-delà de cet objet, il n'y a aucune espèce de raison que ces MM. Luscher, Mark Muller, Halpérin, ne décident pas - encouragés par le succès du forfait qu'ils commettent ce soir - d'étendre ce système à toutes sortes d'autres objets du recueil législatif, avec le même raisonnement sur l'urgence de suspendre le travail qui a été fait auparavant démocratiquement et qui n'a pas été sanctionné par le peuple ou qui ne lui a pas été soumis. On peut appliquer cela à toutes sortes d'autres décisions et vous trouverez chaque fois, Mesdames et Messieurs, des prétextes pour le faire. C'est donc, du point de vue du fonctionnement de nos institutions - certes mises à mal par les dérapages de notre président - du point de vue du modèle de démocratie dont nous jouissons dans ce canton que je vous invite à refuser cette clause d'urgence.
Le président. Monsieur Vanek, nous allons arriver à cinq heures de débat, je ne crois pas que vous puissiez prétendre que quiconque ici ait été empêché de parler.
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'aimerais prévenir un certain nombre d'échanges plus ou moins vifs en invitant les personnes qui se montrent extrêmement douées dans le domaine de l'éruption des quolibets à prendre la parole et à ne pas rester dans l'anonymat de la vocifération.
Le président. C'est la fatigue, Monsieur Mouhanna.
M. Souhail Mouhanna. Je reviens maintenant sur le fond de cette affaire. M. Muller, rapporteur de majorité, s'est inquiété du fait que s'il n'y avait pas cette clause d'urgence, eh bien on courrait le risque énorme que les offices des poursuites soient privés de l'autorité de surveillance pendant un certain nombre de semaines. Je trouve cet argument absolument incroyable ! Pendant des années, des délits extrêmement graves ont été commis dans les offices des poursuites, au vu et au su de tout le monde et l'autorité de surveillance n'a pas pipé mot; elle n'a rien vu venir. Maintenant, M. Muller prétend qu'il serait très grave de ne pas avoir d'autorité de surveillance pendant quelques semaines. Comme si l'absence de cette autorité de surveillance pendant trois semaines, ou plus, signifiait que les gens qui commettraient des délits durant cet intervalle seraient complètement immunisés ou impunis. C'est incroyable d'entendre cela de la bouche de personnes qui sont avisées dans le domaine du droit. Je suis vraiment surpris.
Par ailleurs, je comprends qu'il puisse y avoir une discussion entre les groupes politiques qui sont ici présents et que l'on puisse arriver à un désaccord. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que des groupes politiques, tels que le groupe socialiste, tel que le groupe UDC puissent envisager de voter cette clause d'urgence. L'UDC a dénoncé des pratiques sur ses affiches électorales, et aujourd'hui ses députés voteraient la clause d'urgence !
Enfin, je voudrais conclure en indiquant que je trouve scandaleux ce que j'ai entendu ce soir. (M. Mouhanna tousse.)Je trouve cela tellement scandaleux que j'en perds ma voix ! Je reprendrai la parole tout à l'heure.
M. David Hiler (Ve). Pour notre part, nous estimons qu'une bonne partie du débat que nous avons entendu aujourd'hui, finalement, n'avait pas lieu d'être si vif. En réalité, les différences entre les deux lois sont moins grandes que ce qu'on a bien voulu faire croire dans certaines interventions.
Si nous n'avons pas goûté, à vrai dire, le travail d'obstruction que nous avons pu observer de la part de l'Alliance de gauche, nous avons encore moins goûté, très franchement, qu'un groupe, après une soirée de débat - et non pas trois jours ! - puisse être empêché systématiquement de s'exprimer. Je ne vous cache pas que nous sommes étonnés par l'emploi systématique de cette arme, au sein même de l'Alternative. Nous ne sommes pas prêts à aller beaucoup plus loin dans l'irrespect des droits démocratiques. La loi généralement nous convient et nous pensons que la juridiction est une des formules de contrôle et de surveillance qui est susceptible de fonctionner. Par ailleurs, les hommes n'étant pas parfaits, le système, comme le précédent, ne le sera pas. Nous pensons qu'il s'agit d'une architecture possible, même si la précédente était d'une architecture tout aussi possible. La vérité c'est que nous avons aujourd'hui des rapports de force différents d'hier, et qu'il faut trouver une solution qui fasse un large assentiment.
Mais un large assentiment avec une clause d'urgence qui a comme seul but le report à l'infini l'entrée en vigueur de la loi du 21 septembre si, par hasard, cette nouvelle loi était repoussée par le peuple, cela n'est pas acceptable ! Je ne peux pas accepter une abrogation de fait, parce que c'en est une, d'une loi qui était entrée en vigueur, par le seul subterfuge d'une clause d'urgence.
J'ignore ce que fera mon groupe pour la suite, mais s'il faut voter sur une loi qui comporte cette clause d'urgence - alors que nous adhérons totalement à cette loi - moi, personnellement, je ne peux pas la voter. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que le Tribunal fédéral ne cassera pas cette clause d'urgence si j'en crois les considérants de la précédente expérience, pas la Banque cantonale, mais celle d'avant. Véritablement, je trouve que nous sommes au bout d'un bon travail au cours duquel des options l'ont emporté plutôt que d'autres. Elles vont toutes dans le sens d'améliorer le fonctionnement des offices et je trouve totalement déplacé d'ajouter cette clause d'urgence et je vous demande donc d'y renoncer.
Le président. M. Christian Grobet a-t-il effectivement demandé l'appel nominal sur la clause d'urgence ? C'est le cas. Alors nous allons voter... Ah pardon ! M. Mouhanna a retrouvé sa voix, je lui redonne donc la parole pour deux minutes. Je suis sûr qu'il ne prendra que deux minutes.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Merci, Monsieur le président. Je prendrai moins de deux minutes, puisque je veux seulement dire que je suis vraiment étonné que certains groupes adhèrent à cette clause d'urgence alors que, vraiment, il n'y a pas de quoi utiliser un tel instrument. Je suis notamment surpris par l'attitude du groupe UDC qui a dénoncé un certains nombre de faits et par celle du groupe socialiste. Vraiment, comme l'a dit M. Hiler à l'instant, il n'y a pas de quoi voter cette clause d'urgence. Donc, je dénonce vigoureusement cette clause et j'estime qu'il s'agit d'une confiscation du droit populaire de se prononcer sur une loi votée par notre Grand Conseil.
Le président. Je vous propose de passer au vote. Nous votons par vote électronique: celles et ceux qui acceptent l'amendement proposé par M. Muller votent oui, les autres non. Cet amendement se formule ainsi:
«L'urgence est déclarée pour l'article 43, alinéa 1 (nouvelle teneur) de l'article 1 souligné, ainsi que pour l'article 3 souligné de la présente loi.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 23 non et 2 abstentions.
Le président. Le deuxième débat est terminé. Le troisième débat est-il demandé ? C'est le cas. Avant de le faire voter, je vous demande un peu de patience puisqu'il y a à l'intérieur du rapport sur ce projet de loi une pétition au dépôt de laquelle douze commissaires étaient favorables et un seul s'est abstenu. J'espère que nous pourrons voter sur cette pétition. Il y a une autre pétition, celle sur le New Morning, qui a été évoquée tout à l'heure. Le renvoi de cette deuxième pétition au Conseil d'Etat a été accepté. J'espère que nous pourrons aussi la voter de façon à pouvoir clore notre débat.
Troisième débat
Le président. Nous sommes donc en troisième débat. (Brouhaha.)Ecoutez, nous sommes bientôt au bout... Le troisième débat est demandé. Nous procédons au vote d'ensemble. Celles et ceux qui acceptent ce projet de loi votent oui, les autres non. Le vote électronique est lancé.
Mise aux voix, la Loi 8658 est adoptée en troisième débat dans son ensemble.
Le président. Je mets aux voix le renvoi de la pétition. Celles et ceux qui acceptent de renvoyer cette pétition sur le Bureau du Grand Conseil le font en levant la main.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de contrôle de gestion (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
Le président. Je mets aux voix la conclusion de la commission sur la pétition sur le New Morning, P1176, le préavis est le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de contrôle de gestion (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Le président. Madame Spoerri, vous voulez intervenir ? Vous avez la parole.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci d'avoir pris votre décision ce soir. Comme je vous l'avais indiqué, tout sera mis en oeuvre par le Conseil d'Etat pour poursuivre la reconstruction des offices des poursuites et faillites. Je voulais également dire que, pour ce qui concerne la pétition 1176-A, le Conseil d'Etat prend acte du renvoi de cet pétition et ne manquera pas de faire rapport dans les délais habituels. Vous n'ignorez pas que l'avocat des pétitionnaires a déjà saisi les tribunaux et l'Etat qui a dénoncé le cas à son assurance responsabilité civile. A ce stade des choses, je n'ajouterai rien. Je regretterai encore avec vous que les créances de salaires des ex-employés du New Morning n'aient pas été honorées.