Séance du jeudi 13 décembre 2001 à 17h
55e législature - 1re année - 3e session - 9e séance

PL 8568
Projet de loi de Mme et MM. Christian Grobet, Rémy Pagani, Jean Spielmann, Pierre Vanek, Salika Wenger modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25)

Préconsultation

M. Jacques Jeannerat (R). Si ce projet de loi semble partir d'une bonne intention, il apparaît rapidement qu'il pose un certain nombre de problèmes. L'aéroport de Genève n'a jamais exercé lui-même les activités d'intendance décrites dans ce projet de loi. L'aéroport de Genève a toujours concédé ces activités à des agents d'assistance en escale qui sont au bénéfice de concessions délivrées par l'aéroport. Ces agents d'assistance sont actuellement au nombre de trois: Swissport notamment, une société anonyme du groupe Swissair, que ce dernier a l'intention de vendre à 80% au groupe canado-britannique Candover; Jet Aviation Handling, une filiale du groupe Jet Aviation de Zurich, et enfin EasyJet Switzerland, filiale d'EasyJet Grande-Bretagne. Swissport et Jet Aviation peuvent offrir leurs services à toutes les compagnies aériennes qui ont ainsi le libre choix, garantissant une saine concurrence. EasyJet ne peut assurer l'assistance en escale que de ses propres avions. La situation aux aéroports de Zurich et de Bâle-Mulhouse est identique en ce qui concerne les concessions. Au niveau européen, l'assistance en escale a été tout à la fois libéralisée et réglementée par l'Union européenne. Lors de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, ces dispositions européennes seront également applicables en Suisse. Elles prévoient notamment un nombre minimum d'agents d'assistance en escale indépendants sur chaque aéroport, exigence que notre aéroport respecte déjà. Le groupe Candover qui a l'intention de racheter la majorité de Swissport entend bien poursuivre l'activité d'assistance en escale à Genève et même la développer. Aux dernières nouvelles, Swissport n'est pas en sursis concordataire dans le cadre de la débâcle du groupe Swissair. La vente à Candover devrait se faire dans les toutes prochaines semaines. Cette vente est une opportunité pour Swissport de poursuivre et de développer son activité en dehors du groupe Swissair. Toutefois, compte tenu de l'actualité dans le domaine du secteur aérien, le groupe radical soutient l'envoi de ce projet de loi à la commission de l'économie.

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons déposé ce projet de loi il y a quelques mois, en relation avec la débâcle de Swissair. Nous imaginions que l'entreprise Candover, qui est une entreprise financière anglaise, allait reprendre rapidement les activités de Swissport et notamment l'enregistrement des bagages, l'enregistrement des voyageurs et le déplacement des bagages du hall d'arrivée ou de départ vers la soute des avions. Or, aujourd'hui, il faut constater que l'entreprise Candover n'a pas encore racheté la filiale Swissport. Il y a 105 sites sur la planète où Swissport est active, dont trois sont importants: Zurich, Bâle et Genève. Ce sont ces trois-là qui posent problème, car une guerre des chefs se prépare, du genre de celle qu'on a connue avec la débâcle de Swissair et l'appropriation de celle-ci par Crossair - je devrais dire par l'UBS et le Crédit suisse - pour une bouchée de pain. Il est question aujourd'hui, en tout cas la rumeur circule d'un accaparement éventuel de Swissport, en tout cas de ces trois plates-formes nationales: Zurich, Genève et Bâle. C'est dans ce contexte-là que nous avions déposé ce projet de loi, car nous savions que ces trois plates-formes feraient l'objet d'un rivalité importante entre Crossair et Candover ou d'autres acheteurs. Nous estimons qu'il est du devoir de notre collectivité d'assurer non seulement une desserte avec des lignes performantes, mais aussi un service correct aux voyageurs - que, d'ailleurs, les normes internationales prévoient.

Il faut bien se rendre compte aujourd'hui qu'avec la déréglementation générale que subit ce secteur les entreprises privées - participant à la baisse générale des prix des voyages et à la baisse générale des salaires - ne peuvent plus assumer ces tâches essentielles de notre économie régionale. C'est pourquoi nous avons déposé ce projet de loi à propos duquel j'irai un peu dans le sens contraire de ce qu'a dit M. Jeannerat. Je rappelle en effet que, si Swissport n'est pas en sursis concordataire, Swissport-Genève a tout de même eu des problèmes de liquidités. Or, à qui a-t-on fait appel pour couvrir ces problèmes de liquidité? A l'aéroport de Genève, c'est-à-dire vous et moi, la collectivité publique, qui a prêté de l'argent à Swissport pour lui venir en aide et boucher les trous. C'est dire qu'il n'y a que la collectivité qui peut assurer la continuité de ce genre d'activités. Alors, ne venez pas nous dire, Monsieur Jeannerat, que c'est le secteur privé qui doit les prendre en charge, puisque, chaque fois qu'il y a un coup de Trafalgar, on fait appel à la collectivité!

Notre projet de loi a pour objectif de mettre un terme à cette gabegie et à cette déréglementation du secteur aérien. La meilleure preuve qu'il faut y mettre un terme, c'est l'exemple des Etats-Unis. Ceux-ci ont dérégulé ce secteur, ont privatisé l'ensemble des aéroports et des activités aéroportuaires et notamment le contrôle. Ici, à Genève, je le rappelle à M. Jeannerat qui n'a pas l'air de s'en souvenir, c'est la collectivité qui prend en charge l'activité de contrôle des passagers, puisque c'est l'aéroport qui emploie et qui emploiera, encore longtemps, je l'espère, les 250 à 300 personnes qui assurent ces tâches. Or, aux Etats-Unis, où ces activité sont donc complètement privatisées depuis des années, le gouvernement fédéral, il y a de cela une semaine, a ré-étatisé cette activité, créant 28000 emplois pour garantir un minimum de sécurité dans les avions. Nous estimons donc que ce projet de loi a tout lieu de satisfaire l'ensemble du parlement, dans la mesure où il permettra de pérenniser l'activité de notre aéroport. Nous vous recommandons donc de lui réserver un bon accueil et de le renvoyer en commission.

Le président. Si la discussion immédiate n'est pas demandée, Monsieur le député, le projet de loi est automatiquement renvoyé en commission...

M. Alain Charbonnier (S). Ce projet de loi déposé par nos collègues de l'Alliance de gauche anticipe le débat que nous aurons certainement concernant Swissair, ou l'ex-Swissair, et l'effort que notre canton décidera de faire ou non pour participer au financement de la nouvelle Crossair. Les Chambres fédérales se sont donc déjà engagées en refusant la proposition de la gauche de financer un plan social. De très nombreux employés licenciés sont et seront donc les victimes de la gestion calamiteuse des roitelets de l'économie néo-libérale suisse et plus particulièrement zurichoise. Swissport, comme il a déjà été dit, n'est pas concernée par le sursis concordataire. Il semble en outre que, très prochainement, elle pourrait être rachetée par une firme britannique, mais rien n'est encore fait, comme l'a indiqué M. Pagani.

Que pouvons-nous faire ici à Genève en réponse au désastre de Swissair? Toute proposition devrait être soigneusement examinée afin que tout soit fait pour éviter, d'une part, un maximum de licenciements et, d'autre part, que le bon fonctionnement de notre aéroport ne soit altéré. Ce projet de loi, à nos yeux, répond en partie à ces attentes et c'est pourquoi nous l'étudierons attentivement en commission de l'économie.

M. Jean Rémy Roulet (L). C'est avec une lucidité certaine que les auteurs du projet de loi ont prévu la fin des activités économiques de la société SAirGroup. Avec raison, ceux-ci cherchent par le biais de ce projet de loi à limiter la casse sociale prévisible qu'occasionnera la disparition du groupe. L'intention est donc louable. Les moyens proposés dans ce projet de loi ne sont pourtant pas adéquats. En effet, en obligeant l'aéroport à reprendre tout le personnel Swissair via la société Swissport, ce projet de loi aura comme résultat de tripler le personnel à charge de l'aéroport. Vouloir une telle incorporation du personnel dès le lendemain de la promulgation de la loi - c'est ce que dit l'article 2 du projet de loi - est tout simplement irréaliste. Deuxièmement, dans l'Europe entière, l'assistance en escale est sous-traitée à des sociétés privées, par les aéroports eux-mêmes, que ceux-ci soient des aéroports de droit privé ou de droit public. A ce stade, chers collègues de l'Alliance de gauche, permettez-moi une digression sur le thème: étatisation versus privatisation. En suivant la logique de votre projet de loi, vous auriez dû il y a quelques mois déposer un projet de loi obligeant l'Etat de Genève à reprendre les salariés de la papeterie de Versoix. L'Etat n'est-il pas grand consommateur de papier? Vous auriez dû déposer un projet de loi affiliant le personnel de la défunte Filinter aux hôpitaux cantonaux. Une manufacture publique de blouses blanches, pourquoi pas? Les possibilités pour l'Etat de reprendre des activités économiques sont nombreuses: on recense plus de 130 métiers au sein de la fonction publique. Avouez qu'une majorité du Grand Conseil ne partage pas votre point de vue.

La précipitation est mauvaise conseillère et la conclusion du groupe libéral sera la suivante: renvoyons sagement ce projet en commission.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est un peu surpris par le dépôt de ce projet de loi. D'une part, il semble qu'une société est intéressée par le rachat de Swissport, donc la proposition de l'Alliance de gauche vient à un moment pour le moins inopportun. D'autre part, les activités d'intendance sont un métier spécifique. M. Pagani a parlé tout à l'heure de sécurité et c'est précisément pour des raisons de sécurité qu'il convient de laisser ces tâches à ceux qui en ont fait leur métier, et ce n'est manifestement pas le métier de l'aéroport. De plus, la reprise des activités de Swissport par l'AIG n'est pas pertinente non plus du point de vue du droit, puisque, vous le savez, le droit européen impose, pour ce type d'activité, un certain nombre d'acteurs indépendants. Le fait que l'aéroport international de Genève, qui délivre les concessions à ces sociétés indépendantes, soit lui-même au bénéfice d'une concession serait surprenant: l'aéroport serait ainsi juge et partie. De ce point de vue également, nous ne pouvons accepter ce projet de loi, mais nous en discuterons en commission.

Pour conclure, je dirai que dans le cadre de l'étude d'autres projets de lois sur l'aéroport, nous avons déjà eu l'occasion d'entendre l'aéroport au sujet de ce projet-ci. La direction n'est pas intéressée par la reprise des activités de Swissport, je pense donc qu'elle aura l'occasion de nous reconfirmer sa position au cours d'une audition à la commission de l'économie.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.