Séance du
vendredi 11 mai 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
8e
session -
22e
séance
P 1238-A
La Commission d'aménagement a examiné la pétition 1238 le 20 septembre 2000, en présence de M. G. Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, M. G. Gardet, directeur et urbaniste cantonal et M. J.-Ch. Pauli, juriste, sous la présidence de M. O. Vaucher.
En juin 1998, les citoyennes et citoyens de la Ville de Genève ont refusé le projet mégalo de l'ancien conseiller d'Etat Philippe Joye, qui voulait urbaniser la place des Nations avec des bâtiments que personne ne demandait.
Suite à ce vote, le comité référendaire pour la sauvegarde de la campagne Rigot et de la place des Nations ainsi que le Groupement des habitants de Vermont ont adressé cette pétition pour demander que l'on cesse de laisser volontairement à l'abandon la place des Nations et qu'elle soit enfin mise en valeur afin de devenir attractive et conviviale. Cette place ne doit pas supporter de nouveaux bâtiments et les pétitionnaires demandent le respect de cet espace « de verdure » conforme à la volonté exprimée lors de la construction de l'ancien siège de la Société des Nations.
La pétition demande également qu'un concours soit lancé, en concertation avec toutes les parties concernées, mais pour un aménagement léger et bon marché. Elle demande aussi que le futur terminus du tram 13 soit moins envahissant pour la campagne Rigot. Dernier voeu des pétitionnaires, la demande de mise à l'enquête publique par un nouveau plan de zone concernant la campagne Rigot.
Pour plus de détails, je vous renvoie à la lecture du texte de la pétition que vous trouverez à la fin de ce rapport.
Nous avons auditionné, pour le Groupement des habitants de Vermont, Mme G. Kindler, présidente et M. F. Frigerio, secrétaire. La commission a auditionné en même temps le conseiller administratif C. Ferrazino qui représentait la Ville de Genève.
Le Groupement des habitants a fait campagne pour que cette place ne reste pas un passage routier à l'abandon, qu'elle soit rendue aux piétons du quartier et aux nombreux manifestants qui s'y rendent régulièrement pour défendre les droits de l'homme. Cette association souhaite même la création d'un giratoire sous la place des Nations afin d'enlever en surface toute circulation. Pour des raisons de coûts jugés disproportionnés, cette idée a déjà été rejetée par la Ville.
Le projet de la Ville de Genève ne répond pas vraiment à leur attente, mais comme il n'y a plus de bâtiments envisagés c'est déjà un plus pour eux. Le dialogue avec la Ville n'est pas régulier et se résume surtout en échange de lettres. Pour M. Ferrazino, le problème des bâtiments est en voie d'être réglé, puisqu'un deuxième pôle est en train de se construire dans les environs de la place des Nations. Il nous informe que le DAEL a été consacré dès juin 99, suite à la votation et suite au constat de l'état de la place. Un concept d'aménagement a été défini et sera présenté à tous les intervenants et aux organisations internationales (pas de constructions nouvelles - mise en valeur de la vocation de ce lieu de manifestations, etc.) ; l'Etat partage ces vues.
La place pourrait être agrandie mais le gros problème reste la courbe de rebroussement du tram 13. MM. Ferrazino et Moutinot devaient contacter et rencontrer tous les intervenants sur un projet plus concret en novembre 2000, est-ce fait ? D'autant plus qu'un crédit d'étude a été voté par le Conseil municipal. M. Gardet est très content de ce dossier où la collaboration entre la Ville et l'Etat fonctionne bien. Toutes les options seront mises en oeuvre, affirme-t-il, puisque l'Etat a aussi de lourdes responsabilités dans ce projet. La présence de M. Gardet est donc indispensable dans ce groupe de travail.
Attention, l'utilisateur n'acceptera pas n'importe quoi non plus. Y a-t-il une réelle conception et solution architecturale ? s'inquiète un commissaire en attendant de voir le futur projet de cette place.
Concernant le tram 13, plusieurs députés s'étonnent qu'il ne soit pas possible d'avoir des trams bidirectionnels, ce qui éviterait la grande courbe de rebroussement, voire permettrait plus tard de prolonger la ligne en faisant une boucle jusqu'au Jardin Botanique pour rejoindre plus loin la rue de Lausanne... voire une nouvelle ligne en direction de Ferney. Les TPG s'intéressent aux bidirectionnels, mais hélas pas dans l'immédiat. Au vu du retard programmé des travaux de la ligne 13, le Conseil d'Etat pourrait-il rapidement discuter avec les TPG au sujet de l'acquisition de matériel bidirectionnel ?
Ferrazino pense pouvoir déposer le dossier en autorisation de construire en début d'année 2001. Sur les neuf dossiers, un a été choisi par l'Etat et la Ville pour aller de l'avant. Coût estimé : environ 10 millions.
La meilleure suite à donner à cette pétition est de la renvoyer au Conseil d'Etat, la commission étant satisfaite d'avoir entendu les pétitionnaires, le représentant de la Ville de Genève ainsi que M. Gardet pour l'Etat. C'est avec impatience que les députés se réjouissent de voir un projet concret pour cette place importante pour la Ville de Genève, si symbolique pour beaucoup.
Cette pétition est envoyée au Conseil d'Etat par un vote positif de 11 oui (2 L, 1 R, 2 DC, 1 S, 2 Ve, 3 AdG ) et 1 abstention (L).
J'encourage les députées et députés à suivre la grande majorité de la commission, et renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Pétition(1238)
Place des Nations: respect de la volonté populaire
Mesdames etMessieurs les députés,
Les citoyennes et citoyens de la Ville de Genève ont refusé le projet d'urbanisation de la place des Nations en juin de l'an passé. Aujourd'hui, il est confirmé que les divers bâtiments imaginés sur le site de cette place par l'ex-conseiller d'Etat Philippe Joye, coûtant 100 millions de francs aux contribuables, ne répondaient pas à un réel besoin.
L'Institut des hautes études universitaires n'avait nul besoin d'un nouveau bâtiment de prestige, l'organisme de sécurité militaire qu'on voulait transférer de manière incongrue à cet endroit, "; symbole de la construction de la paix ", se trouve fort bien dans ses locaux à la rue de Lausanne et l'ONU ne demandait pas l'édification d'un lieu de culte. Quant au bâtiment destiné aux missions diplomatiques des pays défavorisés, pour lequel il y aurait eu beaucoup de sites de rechange, un rapport du Conseil fédéral met en évidence que la solution de subventionner le loyer des locaux actuellement utilisés par ces missions répond mieux aux besoins, tout en étant bien meilleur marché.
Nous demandons par conséquent que la volonté populaire soit respectée et que les autorités ne se creusent pas la tête pour tenter de trouver un autre bâtiment qui pourrait être construit à cet endroit dont la beauté réside précisément dans l'existence d'une place entourée de verdure face au Palais des Nations. Cette espace doit resté conforme à la volonté qui a présidé à l'aménagement spatial des lieux lors de la construction de l'ancien siège de la Société des Nations.
Nous demandons, que cette place cesse d'être laissée volontairement à l'abandon et qu'elle soit mise en valeur afin de devenir à la fois attractive et conviviale.
Au lendemain de la votation populaire du mois de juin que nous avons remportée, nous avons confirmé auprès de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat chargé du Département de l'aménagement de l'équipement et du logement, notre demande qu'un concours soit lancé, avec des représentants des associations d'habitants et de protection du patrimoine à l'origine du référendum, portant sur un aménagement léger et bon marché de la place des Nations, répondant aux objectifs rappelés ci-dessus. Nous demandons instamment qu'un tel concours soit mis sur pied et qu'on ne laisse pas pourrir la situation.
Nous demandons, par ailleurs, que le terminus de la future ligne de tram 13, que le projet de M. Philippe Joye avait relégué au milieu de la campagne Rigot, soit rétabli à l'emplacement prévu initialement à la place des Nations, c'est-à-dire là où existe un véritable besoin de transports publics, et que la réalisation de cette ligne de tram soit enfin une priorité.
Enfin, nous demandons que les promesses de M. Laurent Moutinot concernant la préservation de la campagne Rigot se concrétisent et qu'il mette sans tarder à l'enquête publique un nouveau plan de zone portant sur ce parc en le classant en zone de verdure inconstructible et ouvert au public, sous réserve d'un sous-périmètre le long du chemin Rigot, destiné à la reconstruction du Collège Sismondi, à l'exclusion de toute autre construction. Il importe que la volonté de protection de ce site soit également confirmée avec le classement de la villa Rigot demandé par Action Patrimoine Vivant.
C'est pour ces motifs que le comité référendaire pour la sauvegarde de la campagne Rigot et de la place des Nations, ainsi que le groupement des habitants de Vermont vous adressent la présente pétition, afin que votre Grand Conseil intervienne pour que la volonté populaire soit respectée.
N.B. : 2 signatures
Comité référendaire pour la sauvegarde de la campagne Rigot et de la place des NationsM. Rémy Pagani
Le Groupement des habitants de VermontMme Germaine Kindler
Débat
La présidente. Je passe la parole à M. Vanek, qui remplace M. le député Gilly.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur ad interim. Je remplace en effet le député Gilly, rapporteur de l'unanimité de la commission qui, par onze votes positifs et une abstention libérale, a décidé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Cet objet constitue en quelque sorte le suivi et, si j'ose employer cette expression, le service après-vente du vote populaire de 1998 par lequel les citoyens ont sanctionné et rejeté le projet de construction - que je ne qualifierai pas ici pour ne pas rouvrir un débat clos par ce vote - initié par M. Philippe Joye sur la place des Nations.
Cette pétition a été déposée par le comité référendaire qui était précisément à l'origine de cette consultation populaire et par le Groupement des habitants de Vermont, lesquels se préoccupaient des suites données à ce vote en termes de mise en valeur attractive de la place des Nations, répondant aux besoins qui avaient été exprimés par ce qui est devenu une majorité populaire à la suite de cette consultation.
En l'occurrence, la pétition a été déposée peu après le vote; elle a été traitée le 20 septembre 2000 et il semble, d'après les renseignements que je me suis permis de prendre, que les demandes des pétitionnaires sont en effet en train d'être satisfaites, suite notamment aux initiatives lancées par la Ville de Genève. Le Conseil municipal de la Ville a ainsi voté, il y a déjà quelques mois, une résolution présentée par le Conseil administratif, visant à créer une zone de verdure pour préserver la Campagne Rigot - ce qui était un des enjeux du débat. Ce dossier, mais cela pourra être précisé, serait sauf erreur à l'examen du DAEL.
La Ville et l'Etat ont par ailleurs lancé, d'un commun accord, une large concertation pour un réaménagement de la place des Nations qui tienne compte du verdict populaire. L'orientation consiste à réhabiliter cette place - dont l'aménagement n'est aujourd'hui pas vraiment satisfaisant - en confortant son rôle symbolique de lieu de manifestation, notamment en lien avec les organisations internationales et en particulier l'ONU et la thématique des Droits de l'Homme, et en prévoyant un aménagement qui soit de qualité, mais sobre et sans nouvelle construction.
En deux mots, comme l'a écrit M. Gilly dans son rapport, nous nous réjouissons évidemment que ce dossier ait enfin été pris en main, en tenant compte des intérêts et des demandes légitimes des pétitionnaires. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre la commission et à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, ce qui permettra à celui-ci de nous fournir, sur ce dossier important, les explications qu'il jugera utile de donner.
M. René Koechlin (L). Je voudrais simplement relever un euphémisme ou une inexactitude : je constate que les pétitionnaires prennent la volonté populaire pour leurs propres voeux. En l'occurrence, la volonté populaire est celle de la Ville de Genève, de son peuple souverain et non du canton; et elle s'est bornée à refuser le projet proposé par le Conseil d'Etat qui - selon la volonté populaire, là d'accord - prévoyait trop de constructions. En revanche, cette même volonté populaire, à aucun moment, ne s'est exprimée en faveur d'un projet quelconque, quel qu'il soit! Elle s'est bornée à refuser le projet proposé.
Je tiens ici à souligner le fait qu'on appelle volontiers populaire le vote de la Ville, d'une commune, sur un projet qui concernait en tout cas au moins, peut-être davantage, les habitants de Pregny-Chambésy et du Grand-Saconnex, qui, eux, n'ont pas eu un mot à dire. Ils n'ont pas eu droit à la parole en ce qui concerne ce projet majeur pour eux. Aussi, le moins qu'on puisse dire, c'est que la volonté populaire, en l'occurrence, était tronquée. Les habitants de Champel sont certainement moins concernés par l'aménagement de la place des Nations que ne l'étaient et ne le sont encore les habitants de Pregny-Chambésy et du Grand-Saconnex, pour ne citer qu'eux.
Il est donc facile de prétexter le respect d'une volonté populaire, qui en fait ne s'est pas vraiment exprimée, pour proposer quelque chose qui n'est pas grand-chose, puisqu'à part le terminus du tram il n'y a pas de programme! Il est question d'une place pour des manifestations; mais une place pour des manifestations, ce n'est pas grand-chose : moi, je vous la fais demain et pour pas cher! A vrai dire, le problème est plus complexe : il implique préalablement un inventaire des besoins et des données, une analyse, l'élaboration d'un programme. Ce programme, on l'attend toujours; il n'existe pas et ce n'est en tout cas pas ce qui est exprimé dans cette pétition que l'on peut considérer comme un programme. Ce n'est même pas l'ébauche d'un programme!
En l'état, nous pouvons la renvoyer au Conseil d'Etat. Je remercie d'avance ce dernier, et notamment le département de M. Moutinot, de commencer par dresser un véritable inventaire des besoins et des données. Parmi les données, je rappelle que la campagne Rigot est grevée d'une servitude d'affectation liée à la fondation bénéficiaire des terrains. Il faudra ensuite élaborer un programme, dont nous verrons en quoi il consiste, et sur cette base nous pourrons alors organiser un concours, ou du moins élaborer un projet.
M. Rémy Pagani (AdG). Je serai relativement bref, puisque l'objet de cette pétition est quasiment satisfait, mais je ne pouvais pas laisser passer les affirmations de M. Koechlin, qui prétend qu'aucun programme n'a été mis en route sur cette place des Nations.
Bien au contraire, notre collègue Ferrazino a pris en main ce dossier, a réuni l'ensemble des personnes concernées - je lui en rends d'ailleurs hommage - et a mis au point un programme très précis. Je trouve donc un peu légers les propos de M. Koechlin.
Celui-ci, en d'autres circonstances, reconnaît l'importance de l'aménagement des places dans l'urbanisation des villes, souligne l'importance du caractère populaire ou historique de certaines places. En l'occurrence, le programme qui a été mis en place par la Ville de Genève, avec la collaboration du président Moutinot, respecte la valeur historique de cette place et se préoccupe autant de l'aménagement urbain nécessaire que de la possibilité, pour les manifestants qui se réunissent régulièrement sur cette place internationale, de pouvoir y faire valoir leurs droits.
M. Laurent Moutinot. Effectivement, depuis les travaux de la commission d'aménagement, ce dossier a passablement avancé. Je dois remercier ici M. Ferrazino de l'énergie qu'il déploie et souligner que, s'il nous arrive d'avoir quelques sujets de divergence, sur ce dossier nous n'en avons pas et que la collaboration entre la Ville et le canton est bonne, de même qu'avec les autres partenaires que sont les organisations internationales, la police, la mission suisse, la Confédération, les associations d'habitants et de quartier. Le développement du projet est régulièrement présenté à l'ensemble desdits partenaires et j'ai eu, bien entendu, l'occasion de le présenter également au Conseil d'Etat.
En l'état, je pense qu'il serait opportun, Monsieur Ferrazino, que nous exposions une fois au Grand Conseil l'état de la situation, ce d'autant que nous adressons des lettres d'information à tous ces partenaires, habitants ou organisations, et que le Grand Conseil, sauf erreur, ne fait pas partie du fichier d'adresses. Nous pourrions réparer cette omission, ce qui vous permettra, Mesdames et Messieurs les députés, d'apprécier la qualité d'un projet élaboré par un grand architecte qui a de beaux succès à son actif, notamment la place des Terreaux à Lyon.
Mises aux voix, les conclusions de la commission d'aménagement du canton (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.