Séance du
jeudi 5 avril 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
7e
session -
15e
séance
IU 1053 et objet(s) lié(s)
M. Rémy Pagani (AdG). Cette interpellation urgente concerne les graves dysfonctionnements des offices des poursuites et faillites. (Exclamations.)
Vu l'importance du sujet, Monsieur le président, je vous demanderai un peu d'indulgence au niveau du temps imparti pour développer mon interpellation, d'autant que M. Ramseyer a bénéficié de plus de trois minutes pour me répondre la dernière fois...
Le président. Monsieur le député, ne perdez pas de temps, je ferai respecter le règlement, comme pour tout le monde !
M. Rémy Pagani. Dans ce cas, je la partagerai en deux, je ferai deux interpellations : une qui s'adresse au Conseil d'Etat et l'autre à M. Ramseyer.
Je me réfère à l'article extrêmement bien documenté paru dans «L'Hebdo» de ce matin, dont le titre est : «Soupçon de pots-de-vin à l'office des faillites», et qui ouvre un nouveau volet sur les graves dysfonctionnements des offices de poursuites et faillites.
On y apprend que nombre d'antiquaires et de puciers dénoncent le fait que «certains revendeurs arrivent chaque semaine, encore aujourd'hui, avec de somptueux lots de marchandises en provenance de ces offices». On peut y lire encore ce témoignage d'un antiquaire qui ne laisse pas de place au doute : «Ce manque de transparence et ce favoritisme sont écoeurants.» Il affirme «qu'à part les bénéficiaires tout le monde y perd : les créanciers, les faillis, l'Etat et les acheteurs. Malheureusement, ces gens, poursuit-il, se sentent protégés en haut lieu et ils ne sont pas près de mettre fin à leurs pratiques.» Ces commerçants indignés se demandent enfin si ces fonctionnaires se font graisser la patte pour accorder ces privilèges.
Mesdames et Messieurs les députés, voilà plusieurs mois que nous dénonçons des pratiques qui pourraient être assimilées aux notions d'abus de confiance, de gestion déloyale des intérêts publics, d'abus d'autorité, de trafic d'influence. Chacun attend avec impatience le rapport impartial de l'inspectorat cantonal des finances.
Dans ces circonstances, il appartenait aussi au magistrat en charge du département responsable de ce service d'avoir une attitude coopérative dans l'attente des résultats de cette enquête. Tel n'a pas été le cas, bien au contraire.
Rappelons qu'au début de février M. Ramseyer s'est opposé au travail de l'inspectorat cantonal des finances. Plus même, il s'est vu enjoint par l'ICF, le 22 février, d'écrire une lettre circulaire à tout le personnel afin que les accès aux documents comptables, financiers et de gestion soient facilités pour tenter de rompre la loi du silence que cet organe de contrôle financier rencontrait dans les services.
Si le conseiller d'Etat s'en était tenu à une position plus ou moins neutre, on pourrait aujourd'hui encore tolérer sa mauvaise humeur habituelle sur ce genre de dossier. Au contraire, depuis qu'il a appris que huit fonctionnaires s'étaient entretenus avec la commission de gestion de notre Grand Conseil ainsi qu'avec l'inspectorat cantonal des finances, il a organisé ou prêté la main à une véritable chasse aux sorcières, comme s'il voulait faire un exemple dans le but de faire taire ceux qui savent plus encore, ou d'intimider celles et ceux qui n'ont pas encore parlé.
En effet, alors qu'aucune plainte n'a été adressée à l'autorité, il s'est saisi du très faible dossier d'un seul et unique fonctionnaire, qu'il soupçonne de faire partie de ces huit fonctionnaires intègres, pour faire ratifier par le Conseil d'Etat l'ouverture d'une enquête administrative...
Le président. Cher collègue, vous avez en principe terminé votre première interpellation!
M. Rémy Pagani. Tout à fait, Monsieur le président!
Je poursuis : la deuxième mesure qui a été prise contre cet employé est une interdiction de travail. M. Ramseyer a proposé au Conseil d'Etat un de ses amis retraités, commissaire de police, pour mener l'enquête. Cette mesure a été clairement comprise par le personnel et - je le regrette - les langues qui commençaient à se délier se sont tues...
Ce qui est extrêmement grave dans cette affaire, c'est que le Conseil d'Etat, pourtant dûment averti, a prêté la main à cette manoeuvre en approuvant, par un arrêté du 7 mars 2001, cette interdiction de travail et en ratifiant la désignation de cet ex-commissaire de police.
Dans une interpellation précédente, j'avais déjà mis en garde le Conseil d'Etat contre ces possibles dérives. Malheureusement, ces pratiques d'intimidation ont eu lieu. C'est pourquoi je réitère ma demande sous la forme d'une question précise au Conseil d'Etat et à M. Lamprecht, président du Conseil d'Etat.
Premièrement, dans l'esprit et la lettre de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'Etat et l'organisation de l'administration, le Conseil d'Etat ne devrait-il pas se saisir de ce dossier et relever immédiatement le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer de la responsabilité de l'office des poursuites et faillites ? Et ce pour garantir l'impartialité des enquêtes qui sont et qui vont être menées pour qu'éclate la vérité.
En ce qui concerne ce fonctionnaire, le Conseil d'Etat ne devrait-il pas lui permettre de réintégrer son poste de travail et désigner, le cas échéant, un enquêteur neutre ?
Deuxièmement, je m'adresse à M. Ramseyer :
Pour obtenir des compléments d'information de vive voix de M. Ramseyer, je lui demande de nous préciser ce qu'il entend, selon ses déclarations faites aux journalistes de «L'Hebdo», par : «instruire à décharge ce dossier pour démontrer qu'il n'y a pas d'affaire des poursuites et faillites» ?
Imagine-t-il pouvoir encore longtemps et impunément faire pression sur le personnel de ces établissements pour que ce dernier continue à se taire devant l'intolérable ?
Le président. Bien. Le Conseil d'Etat vous répondra demain, Monsieur.