Séance du
jeudi 14 décembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
3e
session -
61e
séance
PL 8271-A
La Commission sociale, sous la présidence de M. Pierre Marti, a examiné le projet de loi du Conseil d'Etat visant à relever de 15 F le montant de l'allocation familiale pour les enfants jusqu'à 15 ans, dans les séances du 7 novembre et du 14 novembre, en présence et avec l'appui de M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond et de M. Michel Gonczy, directeur de l'Action sociale au DASS et de Mme Michèle Righetti, conseillère juridique au DASS. La procès-verbaliste fut Mme Pauline Schaefer. Qu'ils en soient ici remerciés.
La Commission sociale a entendu M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond développer les arguments qui militaient en faveur d'une augmentation de 15 F/mois pour les allocations familiales destinées aux familles ayant des enfants jusqu'à 15 ans, ainsi que les représentants de la Conférence des caisses d'allocations familiales genevoises (CCAFG). La Commission sociale, dans sa majorité, a décidé de ne suivre ni l'avis du Conseil d'Etat, ni la proposition de statu quo développée par le président de la CCAFG, M. Michel Barde. La Commission sociale, forte de l'article 8, alinéa 3, de la loi sur les allocations familiales, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, qui prévoit qu'une adaptation du montant des allocations familiales doit être effectuée tous les deux ans, après consultation des associations professionnelles et des milieux intéressés, et qui stipule que l'indice d'adaptation est fixé en considération de l'évolution des prix, des salaires et des taux de contributions appliqués par les caisses d'allocations familiales, a adopté résolument une des propositions faites par l'Alliance de Gauche dans son projet de loi 8355 et la CGAS (Communauté genevoise d'action syndicale) dans sa lettre du 14 juin 1999, soit une augmentation du double de celle proposé par le Conseil d'Etat.
Si notre plénière retient l'avis majoritaire de la Commission sociale, cette allocation sera ainsi augmentée de 30 F par mois pour la tranche d'âge de 0 à 15 ans dès le 1er janvier 2001 c'est-à-dire portée à 200 F par mois soit 2 400 F par année en lieu et place des actuelles 2 040 F par année.
Les lois concernant le régime d'allocations familiales et, de manière générale, l'aide à la formation, sont au nombre de cinq et sont, depuis la réforme du 1er mars 1996, liées entre elles, notamment par la loi sur l'encouragement à la formation, de la manière suivante :
- Loi en matière d'allocations familiales
DASS - Loi sur la péréquation partielle des charges
en matière d'allocations familiales Financé par les
employeurs
- Loi sur l'encouragement à la formation
DIP - Loi sur les allocations d'études
- Loi sur les allocations d'apprentissage Financé par le budget
Selon la loi sur les allocations familiales (J 5 10), du 1er mars 1996, il existe quatre sortes d'allocations familiales :
l'allocation de naissance (ou d'accueil), d'un montant unique de 1000 F ;
l'allocation pour enfant de moins de 15 ans, d'un montant mensuel de 170 F ;
l'allocation pour enfant de plus de 15 ans, mais moins de 18 ans, d'un montant mensuel de 220 F si l'enfant est domicilié en Suisse.
l'allocation d'aide à la formation sous condition de formation plafonnée en fonction du revenu d'un montant mensuel de 220 F maximum, de 18 ans à 25 ans maximum, si le jeune est domicilié en Suisse.
En 1999, les cinquante-trois caisses d'allocations familiales et l'Etat de Genève ont versé un montant total de 205 427 000 F + 8 568 288 F, soit :
3 595 000 F pour les allocations de naissance ;
169 452 000 F pour les enfants de 0 à 15 ans ;
32 380 000 F pour les jeunes de 15 à 18 ans ;
8 568 288 F pour les jeunes de 18 ans à 25 ans.
Le 25 août 2000 le Conseil d'Etat proposait à notre Parlement un projet de loi ayant pour objectif unique de faire passer l'allocation pour enfant jusqu'à 15 ans de 170 F/mois à 185 F/mois soit une augmentation de 15 F correspondant, selon les propres calculs du Conseil d'Etat à une hausse entraînant, pour les caisses publiques et privées d'allocations familiales, une dépense supplémentaire d'environ 14 950 000 F, portant la somme des allocations pour enfant jusqu'à 15 ans de 169 450 000 F à 184 400 000 F.
Il faut souligner que les allocations versées aux salariés sont financées par les entreprises et que les employeurs en supportent presque exclusivement la charge. Comme le prévoit la loi, le Conseil d'Etat a pris l'avis de la Conférence d'allocations familiales genevoises et notamment de son président M. Michel Barde. Dans une lettre adressée à la Commission sociale (voir annexe), ce dernier évalue à un montant de 16 millions par rapport aux montants prévus pour l'an 2000 et de 24 millions par rapport aux montants publiés pour 1999 le coût de l'augmentation de 15 F proposée par le Conseil d'Etat. A noter que cette augmentation se situerait aux environs de 0,1 % de la masse salariale versée par les employeurs dans le canton de Genève qui se situait en 1998 à 14,452 milliards.
La majorité de la Commission sociale a préféré suivre une des propositions de l'Alliance de Gauche contenue dans le projet de loi que ce parti a déposé le 9 octobre 2000 (PL 8355) à savoir une augmentation de 30 F/mois soit une allocation de 200 F, pour les raisons suivantes :
l'allocation pour enfant jusqu'à 15 ans proposée par le Conseil d'Etat - qui n'a pas été adaptée depuis le 1er janvier 1997 - est nettement inférieure à celle préconisée par la Commission des affaires sociales dans son rapport à l'appui des projets de loi adoptés le 1er mars 1996 (cf. Mémorial du Grand Conseil, 1996 II, p. 1030 ss). En effet, la commission avait alors indiqué qu'il était souhaitable de fixer cette allocation à 200 F. Elle y avait cependant renoncé en raison des charges nouvelles immédiates trop considérables dues à l'introduction de la nouvelle loi et de ses nouveaux principes, notamment « un enfant, une allocation », qu'une telle augmentation aurait représenté et avait fixé l'allocation à 170 F. Selon la commission, le montant de 200 F devait en revanche être atteint en l'an 2000 au plus tard.
L'augmentation constante des cotisations d'assurance-maladie, qui n'est pas prise en compte pour la fixation de l'indice des prix à la consommation. Or, ces quatre dernières années, les cotisations d'assurance-maladie ont, en moyenne, à Genève, augmenté de plus de 50 %.
Le projet de loi fédérale mis en consultation par la Commission de la sécurité sociale du Conseil national, qui prévoit une allocation de 200 F par enfant et par mois.
La Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS), qui a demandé au Conseil d'Etat qu'un effort absolument nécessaire soit fait s'agissant de l'allocation pour enfant jusqu'à 15 ans, fixée actuellement à 170 F. Cette organisation, rappelant dans une lettre du 14 juin 2000 (voir projet de loi du Conseil d'Etat, PL 8271, page 12) les engagements de la commission en 1997.
La stagnation de l'ensemble des salaires, alors que les bénéfices des entreprises, petites-moyennes et grandes, n'ont cessé de croître durant ces trois dernières années.
Dans une première prise de position, M. Segond, au nom du Conseil d'Etat souligne que l'alinéa 3 parle d'adaptation et non d'indexation. Fort de cet alinéa, le magistrat constate que le Conseil d'Etat a fait son travail puisqu'il a proposé au Grand Conseil l'adaptation des montants prévus aux alinéas 1 et 2. Le chef du DASS indique ensuite que l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) a mené une enquête dont les résultats figurent en annexe du projet de loi 8271. Le Conseil d'Etat a aussi écrit aux milieux concernés et aux partenaires sociaux, puis il a fixé un montant qui correspond, selon l'évaluation du Conseil d'Etat, à l'adaptation des allocations. M. Segond complète sa prise de position en affirmant que le gouvernement a tenu compte de l'augmentation des cotisations d'assurance maladie. Si l'on s'en tient à la lettre, le magistrat relève que le Grand Conseil est habilité à modifier le montant des différentes allocations tous les deux ans.
Après cette déclaration du conseiller d'Etat, une longue discussion s'engage qui aboutit à un compromis visant à garantir que l'ensemble des projets de loi proposés par l'Alliance de Gauche, ainsi que par l'Alternative, soit effectivement traité dans les meilleurs délais (début de l'an prochain). Il sera ainsi proposé au vote de la commission l'entrée en matière simultanée de deux premiers projets de lois. En retenant que dès le début de l'an prochain, les travaux de la Commission sociale se poursuivront sur les projets de lois 8355, 8353, 8366, 8354. Ainsi formulée la proposition d'augmenter le montant de l'allocation pour les enfants jusqu'à quinze ans à 200 F/mois sera mise aux voix par le président.
Le président fait donc voter l'entrée en matière du projet de loi 8271 et elle est acceptée :
Le président fait voter l'entrée en matière du projet de loi 8355 et elle est acceptée :
Le président met enfin aux voix la proposition de porter le montant des allocations familiales pour les enfants jusqu'à quinze ans à 200 F/mois. Elle est acceptée :
A la suite à de cette première prise de position de la commission, le président précise que le troisième débat aura lieu après l'audition de la Conférence des caisses d'allocations familiales.
Lors de l'audition de M. Michel Barde, président de la CCAFG et de M. Luc Abbe-Decarroux, gérant CIAM AVS, il fut question de l'ensemble des projets de lois relatifs à cette problématique. S'arrêtant sur l'article 8 relatif aux montants des allocations, LAF, notamment son alinéa 3, M. Barde tient à faire remarquer à la commission que le Conseil d'Etat est tenu d'examiner le montant des allocations familiales en tenant compte des paramètres visés dans cette disposition. A partir de là, précise M. Barde, il a toute latitude pour proposer une adaptation, mais il n'y est pas obligé. Cette année, poursuit le président de la CCAFG, le gouvernement a d'abord demandé à l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) une étude concernant l'évolution des salaires, des prix et des taux appliqués par les caisses. Il en ressort que ladite évolution ne nécessite pas obligatoirement d'adapter les prestations. Forte de cette analyse, la CCAFG s'est alors exprimée, après la consultation, pour dire qu'il n'y avait effectivement pas lieu d'augmenter les allocations.
En dépit des informations de l'OCSTAT, constate M. Barde, le Conseil d'Etat a déposé le projet de loi 8271, prévoyant de faire passer le montant de l'allocation de 170 F à 185 F par rapport aux montants prévus pour l'an 2000, cela représente une dépense supplémentaire de l'ordre de 16 millions, soit une augmentation de 6 à 7 % pour l'ensemble des caisses genevoises. Pour certaines d'entre elles, cela engendrera vraisemblablement des augmentations de taux.
Après cette audition, une large discussion se tient qui souligne une nouvelle fois l'ensemble des arguments et contre-arguments relatifs à une éventuelle élévation du niveau de l'allocation familiale pour les enfants de 0 à 15 ans. A la fin de ce débat le président rappelle que, bien que la commission ait déjà pris une position, elle peut revenir sur son choix lors du troisième débat qui n'a pas encore été clos. C'est alors qu'un représentant du Parti libéral propose de revenir et de s'en tenir à l'augmentation de 15 F/mois proposée par le Conseil d'Etat.
Le président met donc aux voix le projet de loi 8271, assorti de l'adaptation à 200 F/mois, proposée par l'Alliance de Gauche, et il est à nouveau accepté :
Le projet a été ainsi accepté par la Commission sociale. En conséquence, elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter ce projet de loi.
Annexes :
89101112131415161718ANNEXE 3
Projet de loimodifiant la loi sur les allocations familiales (J 5 10) (visant à augmenter cette allocation et à rétablir à 25 ans l'âge des ayants droit)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur les allocations familiales, du 1er mars 1996, est modifiée comme suit :
Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)
1 L'allocation pour enfant est une prestation mensuelle accordée dès le mois qui suit celui de la naissance de l'enfant ou de son placement en vue d'adoption jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 18 ans et s'il est domicilié en Suisse ou 15 ans s'il ne l'est pas. L'allocation est accordée jusqu'à l'âge de 25 ans pour les jeunes filles et jeunes gens qui poursuivent une formation scolaire ou professionnelle dans un établissement agréé ou qui suivent un apprentissage.
Art. 8 Montants des allocations (nouvelle teneur)
1 L'allocation de naissance ou d'accueil est de 1 200 F.
2 L'allocation pour enfant est de :
3 Chaque année le Grand Conseil adapte les montants de cette allocation en fonction de l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation et des taux de contribution appliqués par les caisses d'allocations familiales.
Dans le canton, depuis bientôt dix ans, les salaires de la majorité de la population n'ont pas augmenté. Dans certains secteurs la rémunération du travail a même diminué. Or à Genève, si l'on prend en considération seulement l'augmentation du coût de la vie, le pouvoir d'achat d'un salarié a baissé de 25 % dans cette même période. D'autre part ces derniers mois, les prix des loyers recommencent à prendre l'ascenseur, sans parler de l'augmentation considérable des primes d'assurance-maladie que la majorité des familles a subi de plein fouet durant les 10 années de crise économique que nous avons traversées et l'augmentation de prime qu'elle va continué à subir.
La reprise économique est là
Dans le pays, depuis bientôt trois ans, la croissance est de retour. Pourtant, le redémarrage de l'économie n'a de loin pas encouragé les employeurs à partager les fruits de cette croissance en rémunérant mieux le travail. Ainsi, les petits boulots, les statuts précaires, bref la flexibilisation du travail est le pain quotidien d'une part de plus en plus importante des salariées et salariés. Le système capitaliste, dans sa variante néolibérale actuelle, est ainsi parvenu à disjoindre la relation, qui avait été imposée par les luttes sociales durant les « trente glorieuses », entre croissance économique et augmentation des salaires.
L'Etat doit continuer à jouer un rôle régulateur
Les instruments étatiques de régulation et d'intervention dans ce processus sont peu nombreux ; toutefois, le système d'allocations familiales permet, dans la mesure où le salarié a charge de famille, d'améliorer le revenu familial en mettant cette aide directement et totalement à la charge de l'entreprise. C'est pourquoi, dans le canton de Genève, nous proposons une augmentation significative de cette allocation. L'allocation de naissance passerait ainsi de 1000 à 1200 F. L'allocation pour enfant jusqu'à 15 ans de 170 F à 200 F. Enfin et surtout, on rétablirait l'allocation pour les jeunes de 15 à 25 ans, pour autant qu'une formation se poursuive. Cette allocation s'élèverait à 300 F, alors qu'aujourd'hui elle n'est servie pour tous qu'à hauteur de 220 F jusqu'à 18 ans. Il n'est pas seulement question d'augmenter le niveau de cette prestation pour compenser l'inflation mais bien de faire un geste politique significatif pour inciter l'ensemble du patronat des petites, moyennes et grandes entreprises à augmenter les salaires.
Selon le Mouvement populaire des familles et une trentaine d'associations familiales de Suisse ainsi que Pro-Familia, nous savons que le montant de cette allocation devrait se situer à environ 600 F pour correspondre au coût réel de l'entretien et de l'éducation d'un enfant, en tenant compte de la valeur économique du travail ménager. Pour l'instant, notre proposition ne se monte qu'à la moitié de cette somme pour les enfants de 15 à 25 ans et à un tiers pour les plus jeunes. Notre projet de loi ne représente donc qu'un modeste premier pas pour que soit enfin reconnu ce droit universel qui valide la charge financière que représente l'éducation d'un enfant et le travail ménager qui l'accompagne.
De plus, ce projet de loi veut indexer automatiquement cette allocation chaque année, ce qui aurait dû être fait par le Conseil d'Etat tous les deux ans et qui n'a jamais été entrepris depuis le 1er janvier 1997, date de l'entrée en force de la loi actuelle.
Le coût de ce projet de loi
Les implications financières de ce projet de loi auraient pour conséquence d'élever en moyenne le taux de perception des cotisations d'environ 0,55 % par rapport à la masse salariale, taux qui est aujourd'hui en moyenne de 1,3 %.
Salaires versés en 1998 = 14,452 milliards
0,1 % = 14,4 millions soit 0,55 % d'augmentation de la masse salariale pour atteindre les 79,439 millions recherchés.
Il nous faudrait donc augmenter le taux de perception de 1,3 % en moyenne actuelle + 0,551 % = 1,85 %
Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députées et les députés, de réserver un accueil favorable à ce projet de loi.
Premier débat
La présidente. Monsieur Pagani, la lecture d'une lettre a été demandée par M. Ducrest. Je suggère de procéder à sa lecture avant que vous ne preniez la parole. Monsieur le secrétaire, je vous en prie !
Lettre p. 1
p.2
3 M. Marti
4 Caisses d'allocations
5 M. Segond
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Quelques mots d'abord sur cette lettre. Les entrepreneurs et les employeurs ont, depuis pas mal de mois déjà, eu connaissance de la modification proposée, d'autant plus qu'elle était proposée depuis le mois de septembre par le Conseil d'Etat. L'enjeu est de 15 F à 30 F d'augmentation pour les enfants de 0 à 15 ans. Il est donc un peu malvenu aujourd'hui de dire qu'ils n'ont pas eu assez de temps devant eux, d'autant plus, je le rappelle, que cela fait trois ans, selon les travaux de notre parlement, que nous prévoyons de porter cette allocation à 200 F.
Je comprends d'autant plus mal les employeurs que l'Etat de Genève, lui-même, a prévu une rubrique pour tenir compte de l'augmentation des allocations familiales. Et, au cours des négociations que nous avons eues ce dernier mois avec bon nombre d'employeurs, ces derniers nous ont bien fait remarquer qu'ils ne pouvaient pas augmenter les salaires, en raison de l'augmentation des allocations familiales de 30 F qui était déjà prévue...
J'aborde maintenant le fond. Il s'agit aujourd'hui de savoir si nous allons octroyer 15 F ou 30 F d'augmentation pour une allocation familiale qui est actuellement de 170 F, non pas pour l'indexer mais pour l'adapter, comme cela est prévu dans la loi, sur certaines bases de référence, notamment les salaires, le coût de la vie, l'augmentation des charges et des assurances sociales. En l'occurrence et concrètement, l'augmentation des assurances-maladie a été de 50% ces cinq dernières années. Il s'agit donc de compenser un tout petit peu cette augmentation. Et il faut savoir que l'augmentation des primes d'assurance-maladie n'est pas prise en considération dans l'augmentation du coût de la vie...
Il faut aussi prendre en considération les augmentations des bénéfices des entreprises. A ce sujet, la commission sociale a relativement bien fait son travail, puisque des statistiques ont été produites. Je vous le rappelle, entre 1991 et 1998, le nombre des entreprises réalisant un bénéfice imposé de plus de un million a augmenté de 109%. Dans la même période, les bénéfices imposés de l'ensemble des sociétés sont passés de 2,281 milliards à 3,616 milliards, soit une augmentation de 59% ! Pour les personnes morales dont le bénéfice est supérieur à un million, les bénéfices imposés sont passés de 2 milliards à 2,9 milliards en 1998, soit une progression de 47% !
Et la situation des entreprises durant ces trois dernières années - personne ne pourra me contredire - a été au beau fixe. Il ne s'agit pas aujourd'hui de pénaliser les entreprises, mais seulement de donner un coup de pouce aux familles qui ont subi la crise et qui ne voient toujours pas les résultats - contrairement aux actionnaires qui touchent des dividendes - des efforts qu'elles ont fournis pendant la crise et encore pendant ces trois années fastes... Elles ne voient rien de concret dans leur porte-monnaie !
C'est pour cette raison que la majorité de la commission vous recommande de voter le projet de loi qui fait passer les allocations familiales à 200 F pour les familles dont les enfants ont de 0 à 15 ans.
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Lors de l'adoption de la nouvelle loi en 1996, les députés de la commission des affaires sociales avaient déjà préconisé un montant de 200 F. En raison des charges importantes qu'impliquait le principe «un enfant une allocation», ils y avaient renoncé.
Aujourd'hui, le Conseil d'Etat propose une augmentation de 15 F et la majorité une augmentation de 30 F. Que représente pour une famille 15 F par enfant ?
Je vous donne quelques exemples significatifs.
C'est la consommation de couches-culottes pour un bébé pendant une semaine... C'est un sixième de la prime d'assurance-maladie... Un quart de journée de crèche... Trois repas dans une cuisine scolaire pour un enfant... La moitié d'un abonnement de bus pour un élève du cycle d'orientation, etc. !
C'est dire si les parents ne vont pas s'enrichir avec une allocation portée à 200 F !
Aujourd'hui, les familles doivent faire face à des charges de plus en plus lourdes, notamment en matière de primes d'assurances. Il est donc indispensable de leur donner un petit coup de pouce grâce à cette allocation familiale, en souhaitant que les caisses parviennent à régler leurs problèmes logistiques d'ici au 1er avril et puissent appuyer sur un bouton pour procéder à un remboursement réotractif.
Mme Esther Alder (Ve). Il s'agit ce soir de nous prononcer sur la première modification du régime des allocations familiales, soit une augmentation de 30 F en faveur des enfants de 0 à 15 ans. Certes, cela a été dit, 200 F par mois c'est bien peu par rapport à la charge que représente un enfant sur le plan des ressources familiales, mais c'est tout de même mieux que les 170 F actuels et un peu plus que les 185 F proposés par le Conseil d'Etat.
C'est pourquoi les Verts vous demandent de soutenir ce projet de loi. Pour les autres modifications, les Verts restent dans l'attente des résultats de l'étude du Conseil d'Etat.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Est-ce vraiment 15 F que les parents attendent pour leurs enfants ? Bien sûr, on peut, comme Mme Gossauer l'a fait, montrer ce que l'on peut acheter avec 15 F... On ne peut que constater que c'est ridicule ! Mais je ne suis pas sûre que les parents ne préféreraient pas, plutôt que d'avoir 15 F de plus, une harmonisation du temps de l'école avec leurs horaires de travail, une réduction sur les transports pour leurs chérubins et, surtout, une fiscalité tenant compte de leurs charges de parents, entre autres une déduction pour les frais de garde. Je pense vraiment que, s'ils devaient faire un choix, ils préféreraient de telles mesures à ces 15 F supplémentaires.
Mais le Conseil d'Etat nous propose une augmentation de 15 F, portant l'allocation pour les enfants de 0 à 15 ans à 185 F. Malgré les arguments que je viens d'avancer, nous ne voulons pas refuser ce petit plus pour les familles. Cette mesure représente tout de même une somme de 14 millions pour les caisses d'allocations familiales. Par contre, nous ne sommes pas d'accord d'accepter la proposition de la majorité, car le coût pour les caisses serait encore plus élevé. Il nous semble plus judicieux de consacrer de l'argent pour des causes qui sont plus fondamentales pour la famille.
De plus, cela chargerait le coût du travail pour les entreprises, et ces dernières aspirent plutôt à une réduction de celui-ci pour être plus compétitives.
Le groupe radical votera donc le projet de loi 8271 du Conseil d'Etat et s'abstiendra sur les propositions de la majorité.
M. Albert Rodrik (S). Depuis le 1er janvier 1997, Genève vit sous un nouveau régime d'allocations familiales, substantiellement différent du précédent, parce qu'élaboré sous l'égide du principe «un enfant, une allocation». Mais, par rapport au texte que nous traitons ce soir, il y a une chose qui n'a pas changé entre les deux textes : c'est l'obligation pour le Conseil d'Etat, tous les deux ans, de réexaminer la situation et le montant des allocations familiales pour faire des propositions au Grand Conseil. Et, comme dirait M. de La Palice, deux ans, ce n'est ni trois ni quatre ans ! Ce n'est pas anodin, parce que les chiffres donnés par l'Office cantonal de statistiques ne sont plus exploitables et analysables si les délais ne sont pas respectés.
C'est pourquoi aujourd'hui, même si l'augmentation de 30 F est exceptionnelle et remarquable par son poids - plus de 25 millions - elle est attendue depuis suffisamment longtemps par les familles pour que ce bond se fasse. Ce n'est pas de notre fait si nous n'avons pas eu plus tôt une analyse qui nous aurait peut-être permis de procéder par bonds plus petits. Mais aujourd'hui, à fin 2000, et alors qu'on nous dit qu'il sera difficile d'introduire cette modification courant 2001, ce bond est absolument indispensable.
Venons-en maintenant aux choses qui ont changé, Mesdames et Messieurs les députés ! Ce qui a changé et qui est fondamental, c'est que pour la moitié du système - en gros, pour simplifier, pour les jeunes adultes par opposition aux vieux adolescents - nous sommes passés dans un régime soumis aux conditions de revenus sous l'empire de deux lois gérées par le département de l'instruction publique. Le système adopté dans un climat de guerre civile par le Grand Conseil le 1er mars 1996 est tripode : il se base sur trois lois, et non seulement il doit être révisé tous les deux ans mais il doit l'être dans ses trois faces tous les deux ans ! Nos amis de l'Alliance de gauche l'ont bien vu, puisqu'ils ont déposé trois projets de lois. Leur contenu nous pose des problèmes graves, mais leur démarche est correcte.
C'est donc pour cette raison que le Conseil d'Etat doit répondre en début d'année à la fois aux problèmes juridiques particulièrement délicats posés par les projets de l'Alliance de gauche et aux propositions d'augmentation. Car l'AdG ne propose pas seulement d'augmenter le montant des allocations de formation professionnelle, mais fait valser les limites de revenus, ce qui peut avoir des conséquences très importantes. Mesdames et Messieurs, nous sommes donc dans l'attente des réponses du Conseil d'Etat, mais le cadre législatif dans lequel se sont mus nos amis de l'Alliance de gauche est correct.
J'en viens maintenant à l'avenir, Mesdames et Messieurs... A l'avenir, nous voulons savoir quel a été l'impact de cette soumission de la moitié du régime à un système de limites de revenus. Je remercie le département de l'instruction publique, qui a commencé à nous donner des renseignements fort utiles pour nous permettre d'évaluer cet impact. Si nos appréhensions s'avèrent vaines, nous continuerons dans ce système, sinon, nous aviserons.
Pour le moment, Mesdames et Messieurs, et sous réserve des travaux du Conseil d'Etat que nous attendons impérativement en janvier, je vous demande de bien vouloir accepter de porter l'allocation familiale à 200 F, même si cela représente - je le répète et il faut le reconnaître - un saut important qui va entraîner une augmentation de charge, pour tous les employeurs publics et privés de ce canton, de plus de 25 millions.
Aujourd'hui, après avoir traîné quatre ans, malheureusement, il n'est pas possible de chipoter ! Mais nous avons tenu compte des problèmes que cela pose aux entreprises - nous ne sommes pas insensibles et ignorants de ces problèmes - et c'est pour cela que nous avons réservé l'analyse à la fois juridique et financière de la démarche formellement correcte de nos amis de l'Alliance de gauche. C'est cela l'approche et c'est cela qu'il faut bien percevoir. A partir de là, même s'il est lourd pour les entreprises, ce bond doit être consenti aujourd'hui, et une analyse plus fine et plus sérieuse et du reste des volets juridiques, et du reste des propositions financières, et de l'avenir de cette législation, doit être faite avec attention.
Pour ce soir, j'insiste, je vous demande d'accepter de porter l'allocation familiale à 200 F. Ces 200 F ont été pesés et évalués ! Pour le reste, nous pouvons donner l'assurance que nous saurons avoir la prudence nécessaire.
M. Jean Rémy Roulet (L). L'ordre du jour du département de l'action sociale et de la santé de cette présente session est un ordre du jour généreux envers la population genevoise... Il y en a pour les femmes, avec l'assurance-maternité que nous venons de traiter; il y en a pour les enfants et les jeunes, c'est le projet de loi qui nous intéresse maintenant; il y en a pour nos aînés, ce sont les deux points suivants de l'ordre du jour !
En francs sonnants et trébuchants - comptez, Mesdames et Messieurs les députés ! - c'est un total de prestations sociales de 50 millions de francs pour l'assurance-maternité, un total de prestations sociales de 30 millions supplémentaires à charge des entreprises pour le point de l'ordre du jour que nous traitons et plus de 300 millions de subventions sociales quadriennales pour l'aide à domicile que nous traiterons ultérieurement !
Nous nous félicitons de cet élan de générosité envers une partie de la population genevoise. Cependant, vous reconnaîtrez qu'il y a trois conditions à remplir pour exercer un tel élan de générosité :
1. Il faut garantir la source de financement de l'argent à distribuer.
2. Il faut être sûrs que le mécanisme de distribution et les critères de bonne gestion sont adéquats.
3. Enfin, il faut que ces aides sociales s'appuient sur une réalité conjoncturelle et économique.
Or, ce que demande la majorité de ce parlement, à savoir augmenter les allocations pour les enfants jusqu'à 15 ans de 170 à 200 F ne remplit pas les conditions que nous venons de citer.
Reprenons-les dans l'ordre ! Les détenteurs de l'argent à verser... Mesdames et Messieurs les députés, les allocations familiales sont à charge entière des entreprises : il n'y a pas de partage de charges avec l'employé, comme c'est le cas avec d'autres assurances sociales ! Certains cantons étudient la parité de l'allocation familiale vu l'ampleur que celle-ci est en train de prendre. Pour ouvrir rapidement une parenthèse, il est possible que ce débat soit à l'ordre du jour ces prochains mois à Genève, si l'on continue à faire porter sur les seules entreprises toute une série de prestations sociales. Rappelons que les estimations font apparaître des dépenses supplémentaires de l'ordre de 30 millions de francs pour ce projet de loi. Ces charges qui pèsent et qui sont de plus en plus lourdement ressenties par les PME et les indépendants deviennent excessives.
Le deuxième critère de notre analyse est celui du mode de gestion des allocations familiales. Je vous renvoie à ce propos au courrier, qui a été lu, de la Conférence des caisses d'allocations familiales genevoises, qui se pose un certain nombre de questions quant à l'opportunité du mode de gestion choisi. De plus, il y a en commission sociale - M. Rodrik l'a rappelé - d'autres projets de lois qui, eux, vont chambouler toute l'organisation du système de la gestion des allocations familiales dans un avenir proche, puisque tel est le souhait de la majorité de la commission.
Dernier point d'analyse : l'adéquation avec la situation conjoncturelle du moment. Tout le monde sait aujourd'hui que l'économie connaît un essor particulièrement réjouissant. Tout le monde bénéficie de cette reprise : les employés comme les entreprises, les hommes comme les femmes, les personnes âgées comme les jeunes. Tout le monde s'accorde à dire cependant que, durant les périodes de vaches grasses, il faut engranger pour les périodes de vaches maigres. On appelle cela, de façon théorique et pseudo-scientifique, mener une politique anticyclique...
Autrement dit, il serait bien plus profitable d'augmenter les allocations familiales quand les gens en ont besoin, c'est-à-dire lorsque les vaches sont maigres. Or, c'est tout le contraire qu'une majorité de ce parlement veut faire, tout en faisant fi de l'analyse sérieuse de l'office cantonal de statistiques, que vous trouverez en page 8 du présent rapport et qui dit les choses suivantes :
«Entre janvier 1990 et 2000, à cheval entre l'ancien système et le nouveau, l'allocation familiale versée pour les enfants de 0 à 10 ans a augmenté nettement plus que les prix et les salaires; pour les enfants de 11 à 15 ans, elle a progressé autant que les prix et presque autant que les salaires. En raison de l'adaptation intervenue en 1991 - poursuit l'OCSTAT - l'allocation de naissance a augmenté plus que les prix et les salaires.»
Et que lit-on en page 4 du rapport de M. Pagani, dans l'exposé des motifs des tenants d'une augmentation de 30 F des allocations familiales ? Je cite : il faut augmenter ces allocations, en raison de «la stagnation de l'ensemble des salaires, alors que les bénéfices des entreprises, petites, moyennes et grandes, n'ont cessé de croître durant ces trois dernières années.»
Vous nous permettrez, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, de porter un peu plus de crédit à l'analyse conjoncturelle de l'OCSTAT qu'à la vôtre !
Dernière considération, Madame la présidente, les tenants d'une augmentation de ces allocations disent dans leur rapport qu'il est juste de prélever ces montants sur les entreprises pour compenser les hausses de primes d'assurance. Je rappelle que le seul parti du parlement qui a véritablement oeuvré pour combattre ces hausses est bien sûr le parti libéral, avec son initiative largement plébiscitée de baisse d'impôts, puisque cette initiative a permis aux revenus nets de toute la population d'augmenter... (Rires.)
En conclusion, le parti libéral s'opposera avec la plus grande fermeté à l'augmentation de 30 F des allocations familiales proposée par la majorité de ce parlement, car elle pèse sur les seules PME du canton et elle est contraire à une politique économique anticyclique.
Mme Nelly Guichard (PDC). En préambule, je m'adresse à vous, Monsieur Pagani, pour vous dire que je ne vois pas très bien ce que les bénéfices des multinationales, des grandes entreprises, des banques et autres, ont à voir avec la question qui nous occupe ce soir...
En dehors de cela, je vous ferai juste remarquer qu'il y a un nombre impressionnant à Genève de moyennes et, surtout, de petites et même de très petites entreprises pour lesquelles toute charge sociale est lourde.
Comme l'assurance-maternité, l'allocation familiale est un des éléments qui permet aux familles de bénéficier d'un modeste soutien, mais un soutien tout de même appréciable - plusieurs d'entre vous l'ont souligné.
Nous ne pensons pas, pour notre part, que le passage de 170 à 200 F soit une augmentation exorbitante, et le parti démocrate-chrétien soutiendra cette allocation.
Mais, par contre, ce qui nous paraît à la fois irréaliste et parfaitement arrogant, c'est de fixer l'entrée en vigueur de cette loi au 1er janvier - la lettre qui vous a été lue tout à l'heure l'explicite très bien. On comprend bien avec cette exigence que les députés de l'Alternative n'ont aucune idée du fonctionnement d'une entreprise, pas plus que des caisses d'allocations familiales d'ailleurs. Monsieur Pagani, vous avez dit tout à l'heure que le projet de loi avait été déposé cet automne... Un projet de loi déposé ne signifie pas qu'il est voté par ce parlement ! Et je vous fais remarquer que nous sommes déjà le 14 décembre !
M. Claude Blanc. Plus pour longtemps !
Mme Nelly Guichard. Mais il est vrai que, quand il n'y a qu'à exiger, c'est plus facile... Excusez-moi, mais votre attitude est toujours aussi totalement irresponsable ! (Brouhaha.)
Malgré ces critiques et comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous soutiendrons ce projet de loi, mais nous pensons aussi qu'il faudra réfléchir à toute cette problématique des allocations familiales d'une manière globale. Les projets de lois de l'Alliance de gauche posent le problème, mais ils n'apportent pas les bonnes réponses à ce problème... Peut-être y a-t-il quelque chose à voir du côté de la parité... De toute façon, ce sera de la musique d'avenir et ce sera un large sujet à reprendre dans le courant de l'année 2001.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Pour vous répondre, Monsieur Roulet, qui avez parlé tout à l'heure de la générosité des caisses et des assurances sociales, je vais vous parler ce soir de la générosité des familles de ce canton. L'enjeu de ce soir porte sur 15 ou 30 F... Alors, évidemment, dans cette logique, cela représente 14 ou 30 millions de plus, et je peux comprendre l'inquiétude des caisses qui paniquent à l'idée de devoir verser ces millions... Mais j'aurais bien voulu lire dans le rapport de M. Pagani combien coûte à ses parents un enfant jusqu'à l'âge de 15 ans : il coûte 1 300 F par mois !
Si on multiplie ce chiffre par le nombre d'enfants de moins de 15 ans à Genève qui touchent des allocations familiales, cela donne un coût total de 1,34 milliard pour les familles. (Exclamations.) Oui, cela paraît énorme, mais ce sont les chiffres ! Et, du reste, c'est énorme !
Il ne faut pas oublier d'ajouter à cela le travail domestique et familial effectué gratuitement par les familles, parce qu'en plus du coût d'un enfant il faut l'éduquer et le soigner, et cela est fait gratuitement. Ce coût a été évalué scientifiquement - je vous le rappelle encore une fois - à 5,4 milliards. Cela fait un total de 6,7 milliards. Alors, somme toute, les allocations familiales aujourd'hui ne représentent que 3% de ce coût !
Effectivement, la loi sur les allocations familiales dit en son article 4 qu'elles sont destinées à participer partiellement à la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants. Cette participation est donc en effet très, très partielle...
Pour nous - pour moi en tout cas, ce qui n'est pas forcément le cas de tout le groupe - une vraie adaptation est nécessaire - c'est d'ailleurs ce que proposent, je vous le rappelle, Pro Familia, toutes les associations familiales de Suisse, et, plus récemment, une initiative du parti socialiste neuchâtelois - qui devrait porter l'allocation à 600 F par mois, ce qui ne représenterait que 11% du coût à la charge des familles. (Brouhaha.)
Il est clair qu'il faudra trouver le financement pour une telle mesure, dont la proposition a été faite il y a déjà longtemps. Mais je rappelle ici que si nous avons pu voter ce soir l'assurance-maternité, ce n'est pas parce qu'il y a cinquante ans on a donné une assurance perte de gains d'une semaine. C'est bien parce que nous avons visé très haut que nous arrivons aujourd'hui à seize semaines ! A mon avis, ce n'est pas en augmentant l'allocation familiale de 15 ou 30 F que cela va changer fondamentalement les choses.
Quoi qu'il en soit, il faudrait revoir le mode de financement, et j'espère bien que l'on pourra entrer en matière sur les propositions des associations familiales s'agissant de la soi-disant réforme qui est proposée par les prochains projets de lois. Pour moi, le financement devrait effectivement être différencié : ce n'est pas aux employeurs de payer la totalité des allocations familiales et, dans le fond, une assurance devrait être contractée par la personne concernée, la société ou les bénéficiaires. Par contre, l'enfant étant un plus pour la société dans son ensemble - il représente l'avenir de la société - il me semble donc que c'est à la collectivité de prendre sa formation en charge. On pourra discuter de ce problème plus tard, car ce n'est pas l'objet de ce soir, mais nous avons des propositions à faire.
Je vais bien entendu voter cette augmentation de 30 F, tout en espérant que les propositions que je viens de faire seront prises en considération dans la prochaine soi-disant réforme des allocations familiales à Genève...
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Monsieur Roulet, c'est une erreur de considérer que nous sommes généreux... La situation des salariés à Genève s'est dégradée depuis dix ans : concrètement, la perte de pouvoir d'achat est de 25%. Cela veut dire qu'avec un salaire moyen de 4 000 F vous pouviez acheter, au début des années 90, pour 4 000 F de marchandises, alors que maintenant vous ne pouvez plus acheter que pour 3 000 F ! C'est cela, la réalité : c'est la baisse du pouvoir d'achat ! Alors, ne venez pas nous dire que nous sommes généreux ! Nous voulons simplement essayer de compenser un minimum cette perte de pouvoir d'achat. Et je ne parle pas des baisses de salaire qui ont lieu dans certains secteurs...
Vous vous référez au fait que nous allons offrir de l'argent aux familles qui ont des enfants entre 0 et 15 ans... Mais nous voulons aller plus loin : nous disons qu'il faut retourner à la situation ante. En effet, avant les familles étaient soutenues jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 25 ans si celui-ci était en formation. Le parlement à majorité monocolore de la précédente législature a mis la barre à 18 ans, ce que beaucoup de familles ne comprennent pas, car de 18 à 25 ans très peu de familles - trois mille cinq cents - profitent des plafonds... (L'orateur est interpellé.) Il ne s'agit pas de ce projet, mais puisque vous dites que nous sommes généreux, nous vous répondons que nous voulons simplement revenir à la situation précédente, car les salariés de ce canton ont beaucoup perdu ces dix dernières années.
Nous invitons en effet - nous le disons très clairement - les entreprises à fournir un effort, effort que je n'ai pas constaté, bien que les affaires aient été florissantes depuis trois ans. Il n'y a qu'à voir les bilans qui sont publiés par les entreprises ou qui sont montrés par celles avec lesquelles sont négociées les conventions collectives ! Ces bilans montrent des bénéfices de 10, 15, voire 20%, qui ne sont pas répercutés sur les salaires ! La majorité de gauche de ce parlement et les Verts invitent les entreprises à faire un petit effort, non pas vis-à-vis des actionnaires, mais vis-à-vis de ceux qui créent la richesse, c'est-à-dire leurs employés !
Autre question. Je ne vous comprends pas, Madame Guinchard... (Exclamations.) ...Madame Guichard, excusez-moi ! Vous nous dites que nous sommes incohérents, et pourtant vous allez voter cette loi ! Il faudra m'expliquer votre logique, car si vous étiez cohérente, vous ne la voteriez pas ! Je ne comprends vraiment pas votre démarche.
Cela étant, comme cela a été dit, nous avons mis en chantier un ensemble de processus pour changer la politique de ce canton à l'égard des familles. Il y a eu tout à l'heure les indemnités pertes de gains pour le congé maternité; il y a les allocations familiales maintenant et, comme vous l'avez remarqué, Monsieur Roulet, il y aura demain un certain nombre de mesures à prendre pour les personnes âgées. C'est en effet une option politique que nous avons choisie, et nous l'assumons !
M. Albert Rodrik (S). Je prie ce parlement d'essayer de ne pas embrouiller des choses qui sont déjà compliquées, car la compréhension du sujet ne semble pas avancer, c'est le moins que l'on puisse dire...
Monsieur Roulet, je l'ai dit et je le répète - je ne sais pas si mon français est défaillant - les problèmes posés par les projets de lois de l'Alliance de gauche sont de natures juridique et financière. Si du point de vue de la technique législative ils sont corrects, ils nous posent à tous des problèmes, et nous attendons des renseignements précis de la part du Conseil d'Etat. Alors, ne dites pas qu'il y a une majorité à la commission des affaires sociales prête à s'engouffrer dans cette affaire ! Ce n'est pas vrai ! J'ai bataillé une heure et demie en commission, pour que les renseignements que nous attendons du Conseil d'Etat soient bien précis. Et nous les attendrons.
Deuxième chose, Madame Guichard, ce Grand Conseil depuis 1980 a voté des augmentations à la session de janvier; il a voté en février 82 ou 83 un train de réformes sans précédent - en effet, on s'était fait étriller au Tribunal fédéral en matière d'égalité de droits hommes/femmes - et on l'a mis sous toit à fin février - je crois que notre ami Annen s'en souvient. Nous n'avons pas demandé la clause d'urgence. Nous avons fixé l'entrée en vigueur au 1er janvier. Nous rendons hommage aux caisses d'allocations familiales, car c'est effectivement un travail complexe et conséquent. Eh bien, elles le feront en deux mois, en trois mois ou en quatre mois et elles effectueront des rétroactifs ! Il faut leur rendre hommage, il faut reconnaître que c'est compliqué et ne pas opposer la dérision, mais il faut admettre, puisqu'on a loupé le coche au bout de deux ans et que quatre années ont passé, qu'il faut faire cet effort sur le plan financier et sur le plan de l'investissement de travail. A l'avenir, si le Conseil d'Etat ne loupe pas l'échéance biennale, nous pourrons à la fois éviter de faire de trop gros bonds et éviter que les caisses d'allocations familiales n'effectuent un tel travail sous pression.
Ma chère amie Blanchard-Queloz, si nous voulons sortir des petits montants, nous devons arriver à un système fédéral avec financement paritaire. La dévolution de compétences qui est venue en même temps que l'assurance-maternité a un demi-siècle, comme l'harmonisation fiscale. Ce sont un peu les gros bébés de l'après-guerre qui voient difficilement le jour dans ce pays... Tant que l'on ne sera pas passé par cette étape, on ne pourra pas sortir de ce qui semble être de tout petits montants pour les bénéficiaires mais qui représente tout de même une somme totale non négligeable puisqu'elle avoisine un demi ou trois quarts de milliard dans le canton.
C'est pour cette raison que nous avons demandé à M. Segond de nous donner la possibilité - cela va être difficile, parce que le régime légal a été modifié - de comparer la dernière dépense de 96, sous l'égide de l'ancienne loi, et la dépense de 99, sous l'empire de trois lois particulièrement différentes. C'est dire, Mesdames et Messieurs de l'Entente, que nous ne sommes pas en train de nous précipiter tête baissée dans des aventures juridiques ou financières... Nous sommes en train de demander au Conseil d'Etat de nous fournir tous les éléments nous permettant de savoir où nous en sommes financièrement et, surtout, de savoir quel a été l'impact financier de la modification fort importante qui est intervenue en 1997.
Mon cher ami Pagani, ce n'est pas le diable, la réforme de 1996 ! Nous devons analyser ses conséquences et mesurer son impact, mais ce n'est en aucun cas le diable. Ceux qui ont prétendu dans cette salle que c'était l'abomination de l'abomination se trouvaient dans les rangs libéraux, et nous avons eu une échauffourée permanente de 17 h à 0 h 45 à ce sujet ! Or, des groupes d'étude et d'experts ont travaillé pendant une année et demie et il y a eu des séances de commission pendant une année, pour arriver à un compromis bien pesé qui ne méritait pas la rixe et la batterie, comme disent les Valaisans... Et, pourtant, c'est bien ce qui s'est passé !
Nous ne pouvons pas faire valser les régimes d'allocations familiales tous les trois ou quatre ans. Nous devons être sûrs de notre affaire. C'est pourquoi le groupe socialiste dit solennellement que, si la preuve est apportée que le fait de soumettre la moitié du système à limite de revenu a impliqué un recul social pour des catégories sociales bien précises, nous reviendrons sur le sujet. Mais si la preuve n'est pas apportée, il ne serait pas responsable de faire valser un régime d'allocations familiales. Il faut que ce soit clair et que chacun prenne ses responsabilités !
Nous ne voulons pas de chèque en blanc, mais nous ne voulons pas, non plus, nous précipiter sur les conclusions - pour faire un anglicisme - avant de connaître tous les éléments ! Non, Mesdames et Messieurs de l'Entente, l'Alternative n'avance pas à l'aventure ! Nous ne sommes pas prêts à avaler n'importe quoi ! Nous voulons peser les renseignements que nous attendons du Conseil d'Etat, mais nous pensons que faire passer l'allocation familiale à 200 F, c'est le minimum que nous pouvons faire ce soir pour les familles ! Il aurait fallu que le Conseil d'Etat présente un projet de loi fin 98 ou début 99 pour pouvoir procéder par étapes ! Je concède toutefois qu'à cette époque nous avions d'autres chats à fouetter...
M. Gilles Desplanches (L). Il me semble utile de rappeler ici aux personnes qui l'oublient, et à vous en particulier, Monsieur Pagani, que les petites entreprises, soit 95% voire 98% des entreprises genevoises, ne réalisent pas des millions de bénéfices. Et, visiblement, vous êtes trop impliqué dans la fonction publique pour comprendre ce qu'est une entreprise privée ! On peut être généreux avec l'argent des autres : c'est facile ! Je comprends, Monsieur Pagani, que vous puissiez faire des propositions, car, tout compte fait, ce n'est pas vous qui allez payer ! Ce sont les entreprises qui vont devoir payer ! En réalité, la chose la plus simple à faire quand on est député, c'est de promettre de prendre des mesures dont on confiera aux autres le soin de payer le coût qu'elles engendrent... C'est fantastique !
Monsieur Pagani, je vous propose de prendre langue avec Mme Calmy-Rey... Il faut en effet savoir qu'à partir du 1er janvier les allocations familiales vont être taxées... Alors, au lieu de demander une augmentation des allocations familiales, allez voir Mme Calmy et dites-lui que vous souhaitez qu'elles ne soient pas taxées !
Mme Nelly Guichard (PDC). Je vous dois une explication, Monsieur Pagani... Si j'ai parlé d'incohérence, c'est qu'il me semblait - je vous l'ai dit - que la date d'entrée en vigueur aurait pu être repoussée non pas d'une année mais au moins de trois mois. Malgré cela, j'ai dit que nous soutiendrions ce projet de loi, parce que nous sommes d'accord de faire passer l'allocation familiale de 170 à 200 F, et que nous n'allons pas scinder la loi en deux pour des questions de délai. Voilà l'explication que je voulais vous donner.
Je suis contente d'entendre Mme Blanchard parler de parité... Je pense que c'est effectivement dans ce sens que nous pourrions avancer ensemble. Je suis également satisfaite d'entendre M. Rodrik dire que nous n'avancerons pas dans ce domaine difficile et compliqué des allocations sur un plan plus général au pas de charge, parce que, précisément, la complexité de ce sujet impliquera beaucoup de travail et de discussions avant que nous ne trouvions, en tout cas je l'espère, un chemin d'entente où nous pourrons nous rassembler, si ce n'est tous, comme tout à l'heure sur l'assurance-maternité, du moins dans une large majorité.
M. Jean-Louis Mory (R). Monsieur Pagani, si les PME vont un tout petit peu mieux aujourd'hui, vous oubliez qu'elles ont souffert pendant dix ans. Vous dites qu'elles font plein de bénéfices... Avez-vous calculé, dans votre groupe, combien les PME vont devoir débourser pendant l'année 2001 ? Si vous voulez vraiment continuer à avoir du chômage, continuez !
Moi, je vous le dis, les PME ne pourront bientôt plus supporter cette pression ! Même si l'économie va un tout petit peu mieux, il faut arrêter de tirer sur la corde ! C'est pourtant ce que vous faites ! Quand les entreprises ne tournent plus, que font les patrons ? Ils débauchent ! Alors, Monsieur Pagani, il faut vous calmer... Il ne faut pas croire que toutes les PME font 10 ou 15% de bénéfices ! En ce qui me concerne, j'aimerais bien avoir un tel taux de bénéfice ! Il y a peut-être de grandes entreprises qui atteignent ce taux, mais ne mettez pas toutes les entreprises dans le même sac ! Regardez un peu ce qui se passe à la base ! (Applaudissements.)
Une voix. Pagani, au boulot !
M. Michel Halpérin (L). J'ai écouté avec attention les arguments avancés en faveur de cette augmentation... Je mets à part ceux de M. Rodrik, qui, d'ailleurs, s'y entend comme personne pour prendre des allures de juste partage entre les tenants des deux bords, mais il a tout de même des préférences qu'il laisse apercevoir... Il ne nous promet rien pour l'avenir, sauf de beaucoup réfléchir aux conséquences des choix qu'on lui propose de faire, mais il traite un problème à la fois... Mais là n'est pas le problème ! Ceux qui sont favorables à cette augmentation, hormis M. Rodrik, disent simplement que 15 F c'est trop peu et que 30 F c'est à peine plus... Je suis assez d'accord avec eux.
Je voudrais reprendre ici l'argument de M. Desplanches.
L'économie d'impôts que vous pourriez faire en ne laissant pas imposer les allocations familiales serait probablement plus importante que la différence que vous voulez récupérer maintenant, au détriment des entreprises. En revanche, la charge pour les entreprises, celles dont il vient d'être question et quelques autres, est lourde et a des conséquences économiques graves.
Je vous rappelle, parce que nous émergeons maintenant d'une récession dont vous vous êtes plu, Monsieur Pagani, à évoquer quelques-uns des contours, que cette récession a été aggravée à Genève entre autres par une politique sociale qui ne tient pas assez compte des entreprises et qui aggrave les effets cycliques. J'ajoute, Monsieur Pagani, lorsque vous prétendez que le pouvoir d'achat a diminué de 25% ces dix dernières années, que vous ne connaissez pas les chiffres ! Le pouvoir d'achat a augmenté à Genève ces dix dernières années... Et, d'ailleurs, l'inflation n'a pas été de 25%...
Ce qui est vrai, en revanche, Monsieur Pagani - et cela devrait vous inciter à réfléchir - c'est que le pouvoir d'achat a moins augmenté à Genève que partout ailleurs en Suisse, alors que nous sommes le canton qui a la politique sociale la plus généreuse de Suisse, et, dans le même temps, que le chômage a été le double à Genève que dans le reste de la Suisse et qu'il reste, malgré la fin de la récession, le double de ce qu'il est ailleurs...
Il faudra tout de même que vous vous demandiez un jour pourquoi la politique la plus généreuse et la plus sociale du pays entraîne des effets aussi négatifs et aussi antisociaux que ceux qui viennent d'être rappelés ! Et vous oubliez que ce sont ceux-là mêmes que vous prétendez défendre qui finissent par payer le prix des générosités que vous imposez à d'autres et que, le monde étant cyclique, vous provoquez les crises dont vous demandez la réparation : c'est un peu commode, mais c'est surtout très malvenu ! (Applaudissements.)
M. Jean Rémy Roulet (L). Je tiens juste à remercier M. Rodrik pour ses précisions, même si je les ai trouvées un peu longues, car, en fait, elles émargent au débat sur le financement des allocations familiales que vous demandez. C'est un débat que nous reprendrons ces prochaines semaines.
J'aimerais rebondir sur la proposition qui a été faite par une partie de l'Alliance de gauche et par Mme Guichard - et non pas Guinchard, Monsieur Parani ou Pagani... - qui consiste à étudier avec le plus grand sérieux un mode paritaire des allocations familiales. Et je crois que cela vaut la peine de passer du temps en commission - et là je m'adresse à mes collègues de la commission sociale - et peut-être même un temps assez long, pour étudier un système paritaire à Genève, de sorte que tant employés qu'employeurs participent aux allocations familiales.
M. Bernard Clerc (AdG). Je fais un bref rappel. Les allocations familiales ne sont pas nées d'une revendication du mouvement ouvrier et du mouvement syndical... Les allocations familiales sont nées d'une proposition des employeurs et des patrons ! Pourquoi ? Pour une raison très simple : c'est que, dans notre société d'économie capitaliste de marché, les salaires sont fixés non pas en fonction des besoins du salarié et donc de la famille qu'il doit assumer, mais en fonction de l'intérêt que l'employeur y trouve dans la production de richesses ! (Exclamations.) Mais, oui, c'est cela la réalité ! Ou bien on est dans une économie de marché, Monsieur Roulet, ou alors je ne comprends plus rien à rien ! (L'orateur est interpellé par M. Roulet.) Laissez-moi terminer ! Vous payez un salarié en fonction de ce qu'il va vous rapporter et pas en fonction des charges qu'il doit assumer ! C'est évident ! (Exclamations.) Ainsi, le patronat a poussé en avant les allocations familiales, car il pensait qu'il valait mieux créer des allocations familiales pour ceux qui n'arrivent pas à assumer leurs charges de famille plutôt qu'augmenter tous les salariés. Alors, ne retournez pas les choses ! Je comprends très bien que vous soyez favorable à une cotisation paritaire, car cela allégerait les charges salariales des employeurs !
Quel est le montant des salaires versés dans ce canton ? Grosso modo, 15 milliards ! Que représente les 24 millions en question ? Environ 0,16% de la masse salariale ! Voilà pour mettre les chiffres en perspective.
Deuxième aspect : la fiscalité. Alors, là, je m'étonne, Monsieur Halpérin, que vous ayez voté, comme nous, la LIPP récemment. Vous devez bien la connaître, j'imagine... Et vous savez très bien que nous étions obligés de soumettre les allocations familiales aux revenus imposables - n'est-ce pas ? - et que nous avons apporté un correctif à travers le système du rabais d'impôts et les barèmes, afin que les familles ne soient précisément pas pénalisées. Nous avons effectué cette correction, alors ne donnez pas qu'une partie de l'équation : l'augmentation des allocations familiales, sans parler des barèmes d'impôts et des rabais !
Le dernier point concerne l'informatique. Permettez-moi de rigoler doucement à l'idée que ce genre d'arguments soient avancés par les syndicats patronaux, qui critiquent à longueur d'année le secteur public en disant que c'est la pagaille... Prenons l'exemple de l'OCPA ! Chaque année, l'OCPA doit recalculer des milliers de rentes et sur des facteurs autrement plus complexes, qui doivent tenir compte des variations dans le loyer, des frais médicaux, et j'en passe. Eh bien, l'OCPA arrive, bon gré mal gré, à faire son boulot !
En l'occurrence, de quoi s'agit-il ici ? Il ne s'agit pas de modifier le système... Il n'y a que le montant de l'allocation qui change ! Il y a juste un chiffre à changer dans les programmes informatiques : rien d'autre ne change ! Il s'agit uniquement de passer de 170 F à 200 F, et vous dites que vous êtes incapables de faire cela pour le 1er janvier ! Alors, je doute un peu du sérieux et de la productivité de vos caisses d'allocations familiales ! (Applaudissements.)
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. La commission des affaires sociales est saisie de deux types de projets de lois.
Une première série de projets de lois a pour objectif une refonte complète du système des allocations familiales en modifiant les limites de revenus, les montants, et les âges, en introduisant un taux unique pour le prélèvement des fonds nécessaires au payement des allocations familiales et en élargissant l'assiette des bénéficiaires à l'étranger. La commission des affaires sociales a demandé au Conseil d'Etat - M. Rodrik l'a rappelé - d'étudier les conséquences, en termes juridiques et financiers, avec les ordinateurs du département de l'instruction publique pour une partie, avec ceux du DASS pour une autre partie. A ce stade, nous sommes arrivés à une fourchette de l'ordre de 125 à 150 millions, sans tenir compte de l'impact des accords bilatéraux, si un jour ils entrent en vigueur...
Il y a une deuxième série de projets de lois pour adapter régulièrement - cela devrait avoir lieu tous les deux ans en effet, mais, en l'occurrence, quatre ans ont passé en raison du faible taux d'inflation - le montant des allocations familiales et, plus précisément, l'allocation familiale servie aux parents des enfants de 0 à 15 ans. Vous l'avez tous rappelé, cette allocation est, depuis le vote de la loi il y a quatre ans, de 170 F. A l'époque, le parlement - commission et plénum - avait effectivement pensé - c'était d'ailleurs pendant la législature monocolore - porter cette allocation familiale à 200 F en l'an 2000.
Le débat porte sur le montant à fixer. Le Conseil d'Etat a proposé 185 F. La majorité de la commission propose 200 F. La première proposition représente une augmentation de 15 millions pour les entreprises, la deuxième une augmentation de 30 millions. En termes de millions, c'est impressionnant, mais en termes de pourcentage de la masse salariale servie à Genève, ça l'est moins : cela représente 0,1% de la masse salariale servie par les employeurs à Genève qui s'élève, en chiffres ronds, à 15 milliards.
En ce qui concerne la première série de projets pour la refonte complète du système, le Conseil d'Etat donnera les renseignements nécessaires à la commission des affaires sociales au début de l'année prochaine.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8271)
modifiant la loi sur les allocations familiales (J 5 10)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modification
La loi sur les allocations familiales, du 1er mars 1996, est modifiée comme suit :
Art. 8, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)
Article 2 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2001.