Séance du vendredi 1 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 58e séance

M 1372
20. Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Rémy Pagani, Magdalena Filipowski, Erica Deuber Ziegler, Jeannine de Haller, Pierre Meyll et Cécile Guendouz concernant la sécurité sur les routes cantonales. ( )M1372

EXPOSÉ DES MOTIFS

Compte tenu des graves accidents de circulation routière qui surviennent régulièrement dans notre canton, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Une interrogation tout d'abord. Nous sommes en plein dans le débat sur les effets de la vache folle. Cela me surprend dans la mesure où l'on parle d'une ou deux personnes qui viendraient à décéder à cause de cette épidémie, alors que plus de 1 000 personnes meurent chaque année dans notre pays des risques de la circulation.

La motion que nous vous présentons ce soir vise à empêcher que nos concitoyens continuent à s'écraser les uns contre les autres dans leurs voitures, notamment sur le pont de l'Ecu et sur le pont de Pailly. Nous insistons auprès du Conseil d'Etat, M. Moutinot n'est pas présent, mais toujours est-il que nous insistons auprès du gouvernement, vu l'urgence de cette problématique, afin qu'une glissière centrale soit aménagée sur le pont de l'Ecu et sur le pont de Pailly. Depuis sa réfection, un certain nombre d'accidents ont eu lieu sur le pont de l'Ecu, accidents notamment dus à la vitesse. A moins de regarder sur le compteur, la vitesse n'est pas perceptible sur ce pont, puisque l'on a supprimé toutes les petites vitres, juxtaposées les unes aux autres et qui donnaient un sentiment de vitesse dans ce boyau qui est, je le rappelle, incurvé.

Il est important que cette motion soit votée immédiatement vu l'urgence et pour éviter tout autre accident majeur sur cette artère. Une série d'autres propositions est également présentée dans cette motion. C'est pourquoi je vous invite à voter et à renvoyer immédiatement cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il la mette en oeuvre. 

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical est très sensible à la sécurité des citoyens genevois, notamment sur ces axes extrêmement importants qui constituent un important périphérique pour la ville de Genève. Je rends simplement notre conseil attentif au fait que je ne lui vois pas immédiatement de compétence pour pouvoir déterminer si une glissière de sécurité, telle que demandée dans cette motion, doit être posée ou si une autre mesure doit être prise.

Je suis frappé, à titre professionnel, Monsieur Pagani, de constater que ces glissières de sécurité ont été progressivement enlevées. Elles s'avèrent en effet particulièrement dangereuses pour les motards. Je ne vous cache pas avoir déjà dû intervenir auprès de personnes ayant basculé sur ces glissières et qui se sont retrouvées les bras arrachés. Les glissières de sécurité situées précisément sur l'axe mentionné ont été supprimées ou n'existent tout simplement pas, notamment sur le pont Butin. Elles ont été remplacées par des plots de béton. L'avantage... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Pagani, vous avez parlé de glissières ! Nous allons gentiment poursuivre, car il est difficile de s'exprimer ainsi en séance plénière sans avoir un avis d'expert. Vous avez donc des plots de béton sur le pont Butin. Cet aménagement a été motivé par le fait que les voitures restaient dans le sens de la circulation et ne pouvaient passer de l'autre côté, évitant ainsi les accidents frontaux. C'était le but de ces plots de béton. La glissière permet par contre le basculement des véhicules.

Le pont de l'Ecu, que vous citez, pose un problème au point de vue ingénierie. C'est un pont qui a fait grand bruit lorsqu'il a été construit, parce qu'il est en double torsion avec une forme extrêmement ronde. Il se situe à la limite au point de vue du poids. Vous ne pourrez donc pas poser de plots de béton là-dessus et vous serez obligé d'aménager une glissière de sécurité si c'est véritablement la solution qui s'impose du point de vue ingénierie.

Il n'y aura pas de bataille sur le plan de la sécurité au niveau politique. Je propose donc par sagesse, Monsieur Pagani, que nous examinions cette motion en commission avec des experts. Ce serait la meilleure manière de pouvoir assurer la sécurité de nos citoyens. 

M. Michel Halpérin (L). Je salue la capacité des auteurs de ce texte à intérioriser les remarques que nous nous formulons les uns aux autres. Je me souviens que des critiques ont surgi le mois dernier au sein de notre parlement à propos de l'usage abusif des papiers et des documents trop volumineux, de l'abattage d'arbres que cela entraînait et de la lourdeur des tâches qui nous incombaient ensuite lorsqu'il fallait lire des rapports de plusieurs centaines de pages qui devaient circuler à travers toute la République. Ici, on ne pourra pas dire que la leçon n'a pas porté. Nous avons un texte qui tient difficilement sur une page et demie. Il a même fallu faire un effort pour mettre l'exposé des motifs au dos. Il aurait facilement pu s'intégrer au recto.

Après avoir salué cet effort, je voudrais, comme j'ai eu l'occasion de le faire plus tôt cet après-midi, souligner qu'il y a un peu de désinvolture chez les auteurs de cette motion à nous proposer de voter, en plénière s'il vous plaît et en préconsultation, un texte de motion qui nous invite à prendre des mesures de sécurité spécifiques à des endroits déterminés pour des raisons d'urgence, notamment l'installation de tout un attirail de mesures de sécurité, qui sont peut-être parfaitement nécessaires, au motif, Mesdames et Messieurs, qu'il faut accepter cette motion compte tenu des graves accidents de circulation routière qui surviennent régulièrement dans notre canton. Je ne pense pas, Mesdames et Messieurs les auteurs de ce texte, que vous vous fichiez de vos collègues et que vous pensiez que vous pouvez présenter n'importe quoi sans le justifier d'aucune manière, en sachant d'avance que ce sera voté, puisque vous avez le nombre, et en partant de l'idée, puisque vous avez le nombre, que ce que vous faites est utile. Sinon ce n'est vraiment plus la peine que l'on se réunisse. Finissez tranquillement la législature sans nous et l'on en reparlera l'année prochaine !

Si comme je le crois et comme vous avez tenté de nous le faire croire à quelques reprises, de plus en plus rares il est vrai, vous partez de l'idée que du dialogue peut naître la lumière par la compréhension des problèmes mutuels des uns et des autres, alors faites-nous en commission la démonstration qu'il y a un problème spécifique à l'Ecu, à Pailly, à Meyrin et à Sous-Moulin. Nous serons alors d'accord avec vous, car, figurez-vous, nous n'aimons pas plus que vous les problèmes tragiques que pose la circulation routière. Si, en revanche, il s'agit simplement d'une manière d'exprimer votre bonne humeur du jour, nous ne vous suivrons pas dans cet effort ! 

M. Christian Grobet (AdG). Je me félicite tout d'abord que M. Halpérin reconnaisse notre volonté de ne pas déposer des rapports trop complets, comme nous en avons vu certains, et de nous en tenir à l'essentiel. Comme j'ai entendu avec beaucoup de plaisir les propos de M. Froidevaux, en regrettant qu'il n'ait pas siégé au Grand Conseil voici quinze ans pour faire part de ses remarques, bien que cela ait été dit par M. Meyll, parce que vos amis politiques avaient mené à l'époque une bataille pour que l'on mette en place une glissière de sécurité précisément en lieu et place des éléments de béton, qui ne sont peut-être pas très esthétiques, mais qui offrent les avantages que vous avez décrits. Je faisais une petite remarque ironique à l'égard d'un ou deux députés qui siégeaient à l'époque sur ces bancs en pensant à ce que vous venez de déclarer. C'est donc une certaine satisfaction !

Cela étant dit, cette motion peut évidemment être adaptée, Monsieur Halpérin, par l'ajout d'un cinquième point qui préciserait que le Grand Conseil laisse le Conseil d'Etat, dans sa sagesse, choisir la mesure la plus appropriée. La réalité est que le pont de l'Ecu comme le pont de Pailly sont extrêmement dangereux. M. Pagani en a fait l'expérience. Pour ma part, je passe deux fois... (L'orateur est interpellé.) L'expérience, parce qu'il y passe très souvent... Il n'a pas eu d'accident, non ! Mais il a l'expérience de celui qui passe dans ce secteur et qui connaît certainement les mêmes frayeurs qu'un certain nombre d'autres automobilistes qui empruntent ces ponts. Il a passé sain et sauf. J'aimerais quand même relever qu'il y a eu voici un mois - vous ne lisez peut-être pas les détails des journaux - un très grave accident mortel sur le pont de Pailly.

Si vous insistez et qu'une majorité se dégage pour renvoyer cette motion en commission, elle le fera. Mais nous pensons qu'il serait plus urgent que le Conseil d'Etat détermine les mesures de sécurité qui pourraient être prises sur ces deux ponts.

J'aimerais quand même dire à M. Froidevaux, qui pratique professionnellement à proximité, que vous avez dû voir que de nouvelles formes de glissières ont été installées sur le pont de Pailly, glissières qui ne présentent pas les mêmes dangers. Ce sont peut-être des éléments provisoires, mais qui n'offrent pas les mêmes caractéristiques que les glissières traditionnelles.

La réalité, en ce qui concerne la route de Meyrin, est connue. Vous avez même des conducteurs qui passent, après minuit, à 120 km/h sur le côté gauche de la chaussée pour échapper au radar. On voit des choses assez folles sur la route de Meyrin... (L'orateur est interpellé.) Ce sont des faits qui, je vous le signale, sont connus. Quant à l'intersection des routes de Sous-Moulin et de Thônex, un accident a récemment rendu un motocycliste, père de deux enfants, invalide à vie par la faute d'un automobiliste.

Nous ne pensons pas détenir la vérité infuse sur les mesures techniques. Je vous suggère d'ajouter un chiffre 5 à l'invite pour préciser que le Conseil d'Etat examine les mesures de sécurité les plus adéquates à mettre en place. Ainsi, les techniciens s'en mêleront. Je ne crois cependant pas que ce soit à la commission de chercher des solutions, mais plutôt aux techniciens de mettre au point les solutions techniques. Nous avons un message politique à faire passer dans le but d'améliorer la sécurité à certains endroits du réseau routier. C'est clairement à l'autorité exécutive de trouver les mesures les plus adéquates. C'est la raison pour laquelle, par gain de temps et vu la surcharge de travail des commissions, nous continuons à suggérer que cette motion, avec le complément que M. Pagani est en train de rédiger, soit renvoyée directement au Conseil d'Etat. 

M. Dominique Hausser (S). Les socialistes ont eu une réaction quelque peu ambivalente à la lecture de cette proposition de motion. Brièvement, la première réaction a été de dire : « C'est dramatique ! Il manque au Conseil d'Etat un chef de chantier. » Si cette proposition avait été formulée par M. Koechlin, nous l'aurions fort bien comprise, puisque nous connaissons le discours de M. Koechlin sur la mauvaise direction ou l'absence de direction des chantiers de l'Etat. Il nous l'a rappelé à plusieurs reprises dans cette enceinte. Notre deuxième réaction concerne bien entendu un problème de sécurité au niveau de la circulation routière, en rappelant, premièrement, que le nombre d'accidents mortels liés à la circulation a diminué dans les dix à quinze dernières années, passant en chiffres absolus de mille à huit cents et, deuxièmement, que cette baisse est encore plus importante si on la rapporte au nombre de véhicules et aux kilomètres parcourus par véhicule qui ont considérablement augmenté durant la même période. Il est donc clair que des impacts positifs importants ont déjà été observés.

Un deuxième élément nous semble également important dans cette réflexion liée à la sécurité routière : celles et ceux qui sont aujourd'hui les plus fragiles sont bel et bien les piétons et les personnes circulant sur deux roues, cyclistes, vélomoteurs et motards. Il y a là un champ de réflexion extrêmement important. On ne peut pas rédiger simplement une motion en demandant d'aménager d'urgence une glissière de sécurité sur le viaduc de l'Ecu sans réfléchir à ce qui va se passer sous le viaduc de l'Ecu, le cheminement des camions par exemple, aux risques supplémentaires que l'on va créer avec une mesure comme celle-ci.

Nous devons donc réfléchir un tout petit peu à la formulation à donner à cette motion et non pas simplement se contenter de dire qu'il faut prendre telle ou telle mesure technique à tel ou tel carrefour ou sur telle ou telle artère. Il est nécessaire de réfléchir encore à l'amélioration de la sécurité routière dans ce canton, d'insister lourdement sur la nécessité de la modération du trafic, de la limitation de la vitesse sur toutes les artères à caractère résidentiel ou à circulation mixte, de manière que le nombre de décès et le nombre d'accidents avec blessures de personnes diminuent de manière encore plus importante. C'est la raison pour laquelle les socialistes ne s'opposeront pas à un renvoi en commission. 

La présidente. Sur le renvoi en commission, Monsieur Koechlin, s'il vous plaît !

M. René Koechlin (L). Je soutiens le renvoi en commission. J'étais en train de rédiger un amendement rendant les invites beaucoup plus générales et devant conduire le Conseil d'Etat à prendre des mesures de sécurité à tous les points chauds. On entre à présent dans des questions beaucoup plus techniques de rédaction. Pour gagner du temps, je soutiens le renvoi en commission. 

M. Rémy Pagani (AdG). Nous croyions que les mesures que nous proposions s'avéreraient évidentes pour l'ensemble de ce parlement. Malgré les réactions qu'elles ont suscitées, nous insistons sur l'urgence d'une solution pour le pont de Pailly et surtout pour le pont de l'Ecu. Nous ne nous opposerons cependant pas au renvoi en commission étant donné la discussion qu'a soulevée cette motion. Toujours est-il que nous maintenons l'urgence de cette problématique. Nous espérons que tant M. Ramseyer que M. Moutinot se préoccuperont rapidement de la question !

M. John Dupraz (R). Le groupe radical soutient aussi le renvoi en commission. Nous estimons que cette motion est beaucoup trop précise. Nous ne sommes pas des ingénieurs de la circulation. Nous ne sommes pas des représentants en rails de sécurité. Ce n'est pas parce que l'on a eu une expérience malheureuse ici ou là ou que l'on a été le témoin d'un accident tragique que l'on doit intervenir sous forme de motion pour apporter des correctifs aux installations routières. Je crois que cette motion doit être rédigée en termes beaucoup plus généraux et génériques, car, encore une fois, les députés ne doivent pas se transformer en techniciens de la circulation ou en techniciens d'autres activités. 

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des travaux.

 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous sommes invités sous la tente de la Course de l'Escalade. Nous reprendrons nos travaux à 20 h 30.

La séance est levée à 19 h 5.