Séance du vendredi 1 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 57e séance

M 1341-A
14.  Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de MM. Christian Grobet, Christian Ferrazino, Pierre Vanek et Rémy Pagani sur les accords bilatéraux avec l'Union européenne : quels sont les conventions collectives et les contrats-types en force dans le canton ? ( -) M1341
Mémorial 2000 : Développée, 2918. Adoptée, 2969.

En date du 14 avril 2000, votre Conseil a adopté et renvoyé au Conseil d'Etat la proposition de motion de MM. Christian Grobet, Christian Ferrazino, Pierre Vanek et Rémy Pagani intitulée : « Sur les accords bilatéraux avec l'Union européenne : quels sont les conventions collectives et les contrats-types en force dans le canton ? »

Cette motion est rédigée comme suit :

1. Introduction

Cette motion, au-delà des questions factuelles qu'elle pose, renvoie à certaines craintes exprimées à propos des effets de l'introduction de la libre circulation des personnes sur l'emploi et les salaires, et ce dans la perspective de la ratification des accords bilatéraux signés entre la Suisse et la Communauté européenne.

On doit toutefois être rassurants à ce propos.

En effet, une récente étude, menée sous l'égide du Conseil économique et social

Conseil économique et social, Libre circulation des personnes : risque de dumping salarial ? (rapport No 14, Genève, mars 2000)

STATEC (Service central de la statistique et des études économiques du Luxembourg), La main-d'oeuvre frontalière au Luxembourg, in Cahier No 84, Luxembourg, 1995

Malgré cela, l'ouverture de nos frontières à la main-d'oeuvre en provenance de la Communauté européenne ne se fera pas sans garde-fou. Elle sera en effet accompagnée d'un mécanisme de protection, sous forme de trois mesures adoptées par les Chambres fédérales, qui sont :

d'une part, une possibilité d'extension facilitée des conventions collectives de travail ;

d'autre part, la faculté d'édicter, dans les domaines où il n'existe pas de telles conventions, des contrats-types de travail comprenant des salaires minimaux obligatoires ;

et enfin, une nouvelle loi sur les travailleurs détachés, qui obligera, sous peine d'amendes pouvant être particulièrement fortes, les entreprises étrangères à respecter les normes salariales obligatoires en vigueur dans notre canton, et ce pour tous les employés qui y travailleront.

Après avoir fourni les diverses données chiffrées souhaitées par les motionnaires dans leur première invite, le Conseil d'Etat se propose de développer, et ce en guise de réponse quelque peu élargie à la deuxième invite, les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour assurer une application aussi efficace que possible des mesures d'accompagnement à la libre circulation dans notre canton.

2. Couverture des conventions collectives de travail et des contrats-types de travail dans le canton de Genève

a) Conventions collectives de travail (CCT) dont le champ d'application est étendu et en vigueur dans le canton de Genève

Les données concernant les entreprises proviennent du Répertoire des entreprises du canton de Genève (REG), celles relatives au nombre de travailleurs, de l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT).

La CCT nationale des échafaudeurs a également fait l'objet d'une extension. Les données relatives à ce secteur sont intégrées dans les chiffres du secteur principal de la construction.

Dans les secteurs de l'artisanat du métal et de l'industrie du meuble couverts par une convention collective de travail nationale étendue, il n'y a plus d'entreprise à Genève.

Cela étant, il convient de noter que ce domaine est en constante évolution. C'est ainsi que plusieurs extensions de conventions collectives sont envisagées dans différents secteurs économiques. En particulier, les partenaires sociaux du second-oeuvre ont déposé une demande d'extension du champ d'application de la convention collective de travail, qui devrait très prochainement aboutir à une décision favorable du Conseil d'Etat. D'autre part, les discussions sont bien avancées dans le secteur de la vente de détail, et ce dans la perspective de pouvoir offrir une CCT-cadre dûment étendue.

On peut ainsi constater, avec l'extension programmée du champ d'application de la CCT du second-oeuvre, que les principaux secteurs où le dumping salarial est craint, tels que l'hôtellerie-restauration et le bâtiment, seront couverts par une CCT étendue, dont on rappellera qu'elle s'applique à toutes les entreprises actives à Genève dans la branche concernée, qu'elles soient signataires ou non de la convention. Pour le bâtiment, cela est notamment particulièrement important dans la perspective de la nouvelle loi sur les travailleurs détachés, puisque ce phénomène est extrêmement fréquent dans ce domaine d'activité. Les entreprises étrangères seront ainsi tenues de respecter obligatoirement les minima salariaux conventionnels pour tous leurs employés travaillant sur le territoire de notre canton.

b) Contrats-types de travail (CTT) en vigueur dans le canton de Genève

Il existe 4 autres contrats-types de travail qui concernent les ménages privés, à savoir :

CTT pour les travailleurs de l'économie domestique ;

CTT pour les travailleurs de l'économie domestique à temps partiel ;

CTT pour les travailleurs au pair de 18 à 30 ans ;

CTT pour les jeunes gens au pair mineurs.

Pour ces 4 CTT, il n'existe pas de données quant au nombre d'employeurs et de travailleurs occupés.

c) CCT non étendues applicables à Genève

Il convient de noter que, parallèlement aux CCT étendues, il existe45 conventions collectives de travail genevoises de divers secteurs économiques, lesquelles sont susceptibles de faire l'objet d'une extension de leur champ d'application en vue de la procédure d'extension facilitée mise en place dans le cadre des mesures d'accompagnement.

d) Taux de couverture global des CCT en vigueur à Genève

Données : REG, février 2000

3. Mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes

a) Préambule

Pour répondre à la seconde invite de la motion, le Conseil d'Etat tient tout d'abord à rappeler que la négociation et la conclusion de conventions collectives de travail est, et doit demeurer, du ressort exclusif des partenaires sociaux. L'Etat n'a en principe pas à s'immiscer dans ce processus, sauf conflit collectif grave, auquel cas la nouvelle Chambre des relations collectives de travail pourrait être actionnée pour tenter de concilier les parties en présence. En revanche, lorsqu'une convention collective de travail a été conclue, il est légitime d'offrir toute l'assistance nécessaire aux partenaires sociaux qui souhaitent pouvoir obtenir l'extension de son champ d'application. C'est là une tâche qu'accomplit déjà l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT), et ce à l'entière satisfaction des principaux intéressés.

Cela étant, la prochaine ouverture des frontières implique pour l'Etat une responsabilité certaine dans une mise en oeuvre aussi efficace que possible des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Le Conseil d'Etat a ainsi été amené à élaborer un certain nombre de propositions, lesquelles ont été soumises aux partenaires sociaux qui les ont formellement approuvées.

Nous nous proposons ainsi de détailler ci-dessous le contenu de ces diverses propositions.

b) Une mise en oeuvre nécessaire dès 2001

Les mesures d'accompagnement n'entreront en vigueur que 2 ans après l'entrée en vigueur de l'Accord sur la libre circulation des personnes (donc courant 2003 selon toute vraisemblance), soit lorsque le contrôle préalable lors de l'entrée de travailleurs ressortissants des pays de l'Union européenne, portant, d'une part, sur les conditions de travail et, d'autre part, sur le respect du principe de la priorité des travailleurs indigènes, aura été supprimé.

Cela ne signifie toutefois pas qu'aucune mesure concrète de mise en oeuvre ne doit être proposée dès 2001, au contraire.

En particulier, l'observation de l'évolution du marché du travail doit impérativement commencer dès l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, afin que les premiers points de comparaison puissent être disponibles en 2003, date à laquelle il sera possible de prendre des mesures si une « sous-enchère abusive et répétée » (selon les termes mêmes de la loi) devait être constatée. Il ne serait à cet égard pas admissible que le mécanisme ne soit pas directement opérationnel à cette date où le contrôle préalable des conditions de travail sera supprimé.

c) Observation du marché de l'emploi

La nécessité d'une observation rigoureuse du marché de l'emploi a été relevée par tous les milieux intéressés. Il s'agit par ce biais, d'une part, de permettre aux autorités compétentes d'avoir accès à des données qui leur sont essentielles pour pouvoir prendre les décisions qui leur incombent en cas de sous-enchère abusive et répétée et, d'autre part, de se donner un moyen d'évaluation dans la perspective de la décision qui devra être prise sur la poursuite de l'accord sur la libre circulation des personnes au-delà des7 premières années suivant son entrée en vigueur.

La mise en oeuvre de cette observation sera confiée à des organismes existants qui ont fait la preuve de leur compétence en la matière. Il s'agit :

de l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT), comme organe permanent pour le développement de l'observation statistique et son analyse générale ;

de l'Observatoire universitaire de l'emploi dépendant du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève pour l'analyse de questions particulières sur la base de mandats ;

de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) pour une étude fine de la situation sur le terrain, au travers d'inspections auprès des entreprises, qui seules permettront de déterminer définitivement s'il y a ou non une sous-enchère salariale dans une branche déterminée.

Une structure de coordination sera créée par le Conseil d'Etat entre ces trois organismes pour notamment assurer la cohérence d'ensemble et permettre l'échange régulier d'informations.

Par ailleurs, le Conseil de la statistique cantonale, au sein duquel les principaux utilisateurs de la statistique publique - et en particulier les partenaires sociaux - sont représentés, aura pour tâche d'épauler cette structure, par exemple en faisant part de besoins particuliers, en analysant les résultats obtenus et en formulant toutes propositions utiles pour l'amélioration de l'observation statistique. Les compétences du Conseil de la statistique ne se limiteront pas au seul marché de l'emploi, mais à l'ensemble des conséquences induites par l'introduction de la libre circulation des personnes. Des représentants de la statistique vaudoise et de la région Rhône-Alpes seront associés aux travaux du Conseil pour tenir compte de la dimension régionale de la problématique.

Enfin, des liens privilégiés devront être établis entre les services chargés de l'observation du marché du travail et le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME), puisque c'est à ce dernier qu'incombera formellement la mission d'analyse de l'évolution de la situation pour détecter une éventuelle sous-enchère sociale et salariale et d'y apporter, le cas échéant, les correctifs nécessaires par la mise en oeuvre de l'une ou l'autre des mesures d'accompagnement. Une relation très étroite sera en particulier indispensable avec l'OCIRT, chargé de l'observation « fine » du marché du travail, raison pour laquelle ce dernier aura désormais un représentant attitré au sein du CSME. Pour l'observation purement statistique, une ou deux séances par an seront consacrées spécifiquement à ce thème, dans la mesure où c'est à ce rythme que de nouvelles données pourront être apportées au débat.

Sur le plan financier et celui des ressources humaines de nouveaux moyens seront mis à disposition. 350'000 F seront notamment consacrés à l'élargissement de l'échantillon de l'enquête fédérale sur la structure des salaires afin d'obtenir des renseignements extrêmement précis pour notre canton sur l'évolution des conditions de rémunération dans chaque branche économique. D'autre part, un poste supplémentaire de statisticien sera créé à l'OCSTAT pour l'exploitation spécifique des données ainsi obtenues. Enfin, 5 postes supplémentaires seront attribués - en deux temps, et sous réserve bien entendu de l'aval parlementaire - à l'OCIRT pour lui permettre de faire face à l'ensemble des nouvelles tâches qu'il devra assumer pour mettre efficacement en oeuvre les mesures d'accompagnement. Une évaluation de la situation sera effectuée avec les partenaires sociaux, après que les premières expériences auront été faites, pour examiner si des moyens supplémentaires, en sus de ceux déjà prévus, s'avèrent nécessaires.

d) Rôle du Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME)

Le canton de Genève connaît depuis très longtemps le principe du tripartisme, qui a largement fait ses preuves. L'exigence fédérale de devoir constituer, pour la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement, une commission tripartite ne se heurte donc à aucun obstacle. Il n'est cependant pas nécessaire de créer une nouvelle structure, dès lors que, sous la forme du Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME), il existe déjà une instance dont la mission première est justement d'examiner ce marché et de suggérer, voire de préaviser, toutes mesures importantes dans ce domaine qui comprend également le volet de l'assurance-chômage et des demandeurs d'emploi. Il s'agira donc simplement d'élargir ses compétences, afin qu'il devienne l'autorité prévue par le droit fédéral habilitée, soit à proposer l'extension facilitée d'une convention collective de travail, soit à demander qu'un contrat-type de travail fixant des salaires minimaux soit édicté.

Sa composition sera cependant revue afin d'intégrer un représentant de l'OCIRT, dans la mesure où cet office jouera, spontanément ou sur mandat du CSME, le rôle d'observateur fin qui a été décrit ci-dessus et qui permettra au conseil de déterminer si oui ou non une sous-enchère abusive et répétée existe dans une branche donnée. L'adjonction d'un cinquième représentant de l'Etat implique, si l'on veut respecter une égalité stricte des diverses composantes au sein du CSME, de porter également à 5 les délégations des employeurs et des travailleurs, le nombre total des membres du conseil étant désormais fixé à 15.

e) Extension facilitée des conventions collectives de travail

C'est au CSME que reviendra la tâche, en cas de constat de sous-enchère, et s'il existe dans la branche concernée une convention collective de travail non étendue, de proposer son extension facilitée. La décision finale en la matière sera prise par le Conseil d'Etat, qui détient aujourd'hui déjà la compétence pour prononcer les extensions ordinaires.

En matière de contrôle du respect des CCT étendues, le principe légal veut que les partenaires sociaux soient chargés au premier chef de cette tâche. En cas de refus du contrôle paritaire, il sera possible de désigner un contrôleur spécial. Au travers d'un projet de loi ad hoc, c'est la nouvelle Chambre des relations collectives du travail qui se verra dorénavant confier la responsabilité de choisir ce contrôleur, de lui préciser sa mission et de régler la question des coûts de contrôle. L'OCIRT se tiendra pour sa part à disposition de la Chambre pour assumer le mandat de contrôleur spécial compte tenu de sa large expérience dans ce domaine.

f) Contrats-types de travail avec salaires minimaux obligatoires

Là encore, il appartiendra au CSME de juger si une situation de sous-enchère abusive et répétée rend nécessaire la proposition d'un contrat-type de travail avec salaire minimum obligatoire. La décision finale en la matière incombera à la Chambre des relations collectives du travail, laquelle dispose désormais - à l'inverse de ce qui prévalait pour l'ancien office cantonal de conciliation - de la base légale formelle l'y habilitant.

La loi fédérale ne prévoit pas en revanche de contrôle spécifique du respect des contrats-types de travail - hormis dans le cas des travailleurs détachés -, le contentieux devant être porté devant la juridiction du travail. Les associations représentant les employeurs ou les travailleurs auront néanmoins le droit - et c'est une nouveauté - d'ouvrir une action tendant à faire constater le respect ou le non-respect du contrat-type de travail comprenant des salaires minimaux obligatoires (art. 360e CO). Cette action sera portée devant la Chambre des relations collectives du travail qui est désormais compétente, en vertu de l'article 9, alinéa 3 de la loi la constituant, pour trancher, par un jugement en dernière instance, tout litige qui lui est soumis par une organisation professionnelle lorsque celle-ci a la qualité pour agir selon le droit fédéral et que le litige concerne les rapports de travail, ce qui sera bien le cas en l'espèce.

g) Loi fédérale sur les travailleurs détachés

L'employeur devra annoncer systématiquement à l'autorité cantonale compétente (pour Genève : l'OCIRT) le nombre et le nom des travailleurs détachés, la date, la durée prévisible, le genre et l'endroit exact des travaux à exécuter. Un contrôle du respect des conditions minimales fixées par la loi est prévu et il sera assumé par plusieurs entités spécifiques en fonction du domaine concerné :

CCT étendues : partenaires sociaux ;

contrats-types avec salaires minimaux : commissions tripartites (à Genève, le CSME et, pour le compte de ce dernier, l'OCIRT) ;

dispositions prévues par des actes législatifs fédéraux : autorités compétentes en vertu desdits actes ;

autres dispositions : autorité désignée par les cantons (pour Genève, également l'OCIRT).

Les différents organes de contrôle devront coordonner leurs activités et collaborer entre eux en tant que cela est nécessaire à l'accomplissement de leurs tâches (art. 8 de la loi fédérale). C'est l'OCIRT qui veillera à cette coordination. En particulier il transmettra automatiquement, dans les secteurs couverts par des CCT étendues, les annonces de travailleurs détachés aux commissions paritaires, afin de leur permettre d'exécuter leur mission de contrôle. Par ailleurs, le CSME recevra pour sa propre information une copie de toutes les annonces, et cela indépendamment du secteur professionnel concerné.

Les éventuelles infractions devront être communiquées à l'OCIRT qui prendra les sanctions administratives prévues par la loi fédérale (amende d'ordre jusqu'à 5'000 F et/ou interdiction de faire appel à des travailleurs détachés pour une durée maximale de 5 ans). Des dispositions pénales sont en sus prévues pour les fautes les plus lourdes, l'amende maximale pouvant alors aller jusqu'à un million de francs.

L'article 7, alinéa 5 de la loi fédérale stipule que les cantons doivent régler les indemnités à verser aux organes chargés du contrôle. Cette disposition ne concerne formellement que la mission conférée aux commissions paritaires de veiller à l'application des dispositions des CCT étendues dans le domaine précis des travailleurs détachés.

Dans cette perspective, il sera judicieux d'utiliser l'instrument du contrat de prestations. Il pourra permettre, moyennant un financement à déterminer, de confier également aux partenaires sociaux des secteurs avec CCT étendue des tâches complémentaires de contrôle incombant à l'Etat dans des domaines parallèles (main-d'oeuvre étrangère - hors UE -, marchés publics, etc.) et d'éviter ainsi qu'une entreprise ait à subir plusieurs fois le même type de contrôle, mais par des entités et pour des motifs différents.

En conclusion, le Conseil d'Etat vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à bien vouloir prendre acte du présent rapport, portant réponse à la motion 1341.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons bien lu le rapport du Conseil d'Etat, mais toujours est-il que, face à la possible introduction des mesures d'application des bilatérales, il ne nous a pas entièrement satisfait.

Nous estimons en effet qu'il devrait être beaucoup plus précis, et c'est pour cela que nous vous demandons le renvoi de cette motion à la commission de l'économie. Cela nous donnera l'opportunité de nous prononcer en toute connaissance de cause sur l'ensemble de la problématique à venir, dans dix-huit mois, voire vingt mois. Nous allons en effet devoir adapter l'ensemble de la législation, en tout cas en ce qui concerne les conditions de travail du personnel, et nous aimerions bien savoir ce qu'il va advenir de l'ensemble des employés de ce canton. 

M. Charles Beer (S). Une fois n'est pas coutume, je vais intervenir dans le sens de mon collègue Pagani et mettre deux points en évidence.

Premier point. Le rapport qui nous est présenté par le Conseil d'Etat mérite à tout le moins d'être complété. Pourquoi ? Parce qu'il comporte plutôt des récapitulatifs, des chiffres, des statistiques, sur les couvertures des conventions collectives de travail, et que les failles - et c'est l'élément qui nous intéresse par rapport au contexte de la libre circulation des personnes - n'apparaissent pas. En d'autres termes, il convient surtout de mentionner et de faire la liste de l'ensemble des secteurs d'activité économiques qui sont aujourd'hui dépourvus de conventions collectives, qui sont dépourvus de contrats-types, et, également, les conventions collectives de travail qui ne couvrent pas l'ensemble du personnel d'une branche d'activité économique ou d'une entreprise. Et pour cela nous avons besoin d'une liste exhaustive.

Deuxième point. Je le rappelle, le Conseil d'Etat préconise dans ce rapport un certain nombre de mesures, qui ont été négociées avec les partenaires sociaux quant à la mise en application des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Nous les approuvons donc.

En même temps, il y a une certaine cohérence à les étudier en commission au regard du projet de loi, sauf erreur déposé par l'Alliance de gauche, qui préconise d'élaborer des contrats-types partout où il n'y en a pas, de manière précisément à faire face à un certain nombre d'éléments de précarisation tel que l'exposait à l'époque ce projet de loi. Nous avions dit à l'époque - j'étais le premier - devant ce Grand Conseil que nous ne pouvions pas prendre de tels engagements tant que nous n'étions pas sûrs de la ratification des accords bilatéraux et des mesures d'accompagnement. Aujourd'hui, elles sont connues : il est donc cohérent de compléter le rapport du Conseil d'Etat par une liste exhaustive des failles du système et de la manière dont on entend et dont on peut les combler par un certain nombre de dispositions légales.

Voilà les raisons pour lesquelles je soutiens le renvoi de ce rapport en commission de l'économie. 

M. Rémy Pagani (AdG). Je me réjouis des propos de mon collègue Charles Beer, d'autant qu'il y a trois ans l'Alliance de gauche avait déposé un projet de loi qui visait à permettre à notre collectivité, là où il n'y avait pas de convention collective, d'avoir des contrats-types d'entreprise.

Le parti socialiste et d'autres dans ce parlement ne voulaient alors pas parler de ce genre de pratique politique pour une protection minimale. Minimale, j'insiste ! En effet, il n'appartient même pas aux partenaires sociaux de définir les conditions-cadres de ces contrats-types, puisque cela dépend, d'une part, du Conseil d'Etat et, d'autre part, de la Chambre des relations collectives de travail. Ce soir, je me réjouis de cette avancée significative dans l'unité syndicale et dans l'unité de ce parlement !

Toujours est-il que les conditions-cadres fédérales qui ont été acceptées donnent malheureusement une marge de manoeuvre très limitée pour essayer d'encadrer, si j'ose dire, le mouvement qui va avoir lieu au niveau de la dérégulation des conditions de travail dans notre canton. Je me réjouis, je le répète, que nous soyons unis pour faire face à cette problématique, et j'attends du Conseil d'Etat qu'il mettre à notre disposition l'ensemble des données qui lui sont connues, pour que nous puissions travailler de manière efficace. 

M. Charles Beer (S). Je tiens à faire deux remarques.

Je suis content d'être parvenu à vous rafraîchir la mémoire, Monsieur Pagani, puisque vous vous êtes souvenu de votre projet de loi grâce à mon intervention ! Vous avez tenté de reprendre la balle au bond pour dire qu'à l'époque le parti socialiste n'avait pas bien évalué les enjeux. Ecoutez, Monsieur Pagani - vous le savez bien et je le répète - à l'époque, il n'y avait pas de ratification des accords bilatéraux, il n'y avait pas de mesures d'accompagnement élaborées et précises et il n'était donc pas possible, si on voulait être efficace, d'élaborer des contrats-types, alors que sans les mesures d'accompagnement ces contrats sont d'ordre dispositif et qu'en tout temps il est possible d'y déroger.

L'autre raison pour laquelle je me permets de mettre en avant le fait qu'il y a des mesures d'accompagnement et le fait que le Conseil d'Etat a trouvé des voies qui sont bonnes avec les partenaires sociaux - c'est-à-dire l'ensemble des syndicats, et là il y a bel et bien unité syndicale, je vous rassure, Monsieur Pagani - c'est qu'il convient d'étudier aujourd'hui, au regard de ce dispositif retenu de façon tripartite et proposé par le Conseil d'Etat, votre projet de loi, et de voir dans quelle mesure il est possible de le modifier tout en complétant le rapport.  

M. Carlo Lamprecht. J'accepte volontiers le renvoi en commission de ce rapport. Nous pourrons y explorer tous les détails qui vous préoccupent encore. 

Mis aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission de l'économie est adoptée.