Séance du
vendredi 1 décembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
2e
session -
57e
séance
PL 8359
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'Aéroport international de Genève, du 10 juin 1993, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 3 (nouveau)
3 Tout renouvellement ou modification de la concession de l'aéroport est soumis à l'approbation du Grand Conseil qui se détermine sous forme de résolution.
Article 2
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation.
Au moment où la concession de l'aéroport est soumise à une procédure de renouvellement, il est légitime que le Grand Conseil se prononce sur le contenu de celle-ci.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un bon accueil au présent projet de loi.
Préconsultation
La présidente. Je passe la parole à M. Halpérin...
M. Michel Halpérin (L). Madame la présidente, je vais d'abord laisser M. Pagani s'exprimer...
La présidente. Vous avez raison, en principe ce sont les auteurs qui parlent en premier !
M. Rémy Pagani (AdG). Ce projet de loi arrive un peu tard, puisque nous avons pris connaissance trop tard de l'envoi de cette demande de modification de concession de la part de l'Aéroport international de Genève. Toujours est-il que la problématique subsiste.
Je vous rappelle que l'Aéroport international de Genève, comme tous les aéroports suisses, doit demander une concession générale pour faire atterrir et décoller les avions. C'est dans le cadre de cette procédure fédérale qu'il a fait cette demande de concession. Le problème, c'est que nous n'avons vu passer entre nos mains ni les arguments ni le texte... Théoriquement - à moins que nous n'interprétions la loi différemment - nous aurions dû, nous Grand Conseil ou en tout cas le Conseil d'Etat, être tenus au courant.
Ce projet de loi vise à changer cette situation. Bien évidemment, nous nous trouvons dans une démarche un peu spéciale, puisque cette situation ne se représentera que dans cinquante ans...
Nous demandons - il faudrait avoir l'avis du Conseil d'Etat et de M. Lamprecht, conseiller d'Etat - de pouvoir jeter un oeil sur le texte de cette demande de concession, même si elle a déjà été envoyée à Berne, d'autant plus qu'un certain nombre de voisins et d'associations ont dit tout le bien ou tout le mal qu'ils en pensaient... Il serait bienvenu que notre Grand Conseil puisse être informé de la prise de position des administrations, notamment de l'administration de l'Aéroport international de Genève-Cointrin.
M. Michel Halpérin (L). J'ai regardé ce petit projet de loi... J'ai regardé son tout petit exposé des motifs... Et j'ai écouté avec la plus grande attention les propos que vient de nous tenir M. le député Pagani, à l'appui de ces deux petits textes...
D'abord, je dois saluer, Madame la présidente, l'ampleur de la vision politique qui amène les auteurs de ce projet à se soucier, en l'an 2000, de ce qui se passera en l'an 2050... Il fallait vraiment que la matière soit robuste, pour que nous nous arrêtions immédiatement sur un sujet de si haut vol ! Il est vrai que l'aéroport est, par définition, de haut vol, mais on aurait pu s'imaginer que prendre des précautions législatives un demi-siècle à l'avance justifiait une pensée élaborée, structurée, riche en réflexion, en approfondissement et en projet...
Or, la réflexion, l'approfondissement et le projet tiennent en ceci, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés : il est légitime que le Grand Conseil se prononce sur le contenu de la concession ! Légitime... Cette légitimité qui va donc trouver ses racines dans les propos d'un quarteron de députés professionnellement attachés à entraver habituellement le développement de l'aéroport et, tout d'un coup, soucieux de s'assurer que le point de vue des associations de riverains sera mieux entendu dans cinquante ans qu'il ne l'a été il y a cinquante ans ! Ce projet, nous dit-on, doit urgemment être soumis à notre Conseil et il faudrait, paraît-il, que notre Conseil - puisque c'est légitime - se détermine sous forme de résolution sur le renouvellement ou la modification de la concession de l'aéroport.
Il y a cependant un oubli structurel dans la pensée des auteurs du texte - oubli sans doute excusable si l'on tient compte du fait que la dernière fois qu'ils ont pensé à ce problème, c'était il y a cinquante ans et qu'entre-temps, naturellement, l'amnésie avec l'âge les a gagnés... - c'est que la concession de l'aéroport dépend de la Confédération et non du canton. Par conséquent, nous n'avons pas vocation, sinon par tempérament, à nous prononcer sur ce sujet !
Mais l'oubli est double. Les auteurs bien intentionnés de ce texte recommandent que nous nous prononcions sous forme de résolution à l'occasion du renouvellement des concessions. C'est oublier que la loi actuelle dont ils proposent l'amendement fixe, non pas par voie de résolution mais par voie législative - c'est en quelque sorte un pléonasme - que la gestion et l'exploitation de l'aéroport sont confiées, dans les limites de la concession fédérale, à un établissement de droit public appelé l'Aéroport international de Genève ! On vous propose donc, dans cinquante ans, de remplacer la loi par une résolution. C'était vraiment la peine de nous arrêter sur ce sujet !
M. Pierre-Pascal Visseur (R). Ce nouveau projet ne fait que confirmer la volonté très claire d'une partie des députés de cette assemblée de s'immiscer dans la direction d'établissements subventionnés. (M. Vanek rit.) Oui, Monsieur Vanek, vous pouvez rigoler, mais c'est une évidence... Comment voulez-vous que Genève reste compétitive et dynamique si chaque décision fait l'objet d'un débat au Grand Conseil ? Comment voulez-vous motiver la direction d'un établissement et ses collaborateurs si chaque projet - il s'agit ici du renouvellement d'une concession, mais de quoi s'agira-t-il demain ? - doit être soumis aux cent députés de cette noble assemblée ?
Finalement, Messieurs les auteurs de ce nouveau projet «novateur», comment imaginez-vous que ce Grand Conseil, qui aujourd'hui n'arrive déjà pas à traiter tous les objets qui lui sont soumis, pourrait encore prendre des décisions internes au fonctionnement de l'aéroport, puis des EMS, etc. ? Si vous voulez vous substituer aux conseils d'administration et aux directions, vos projets sont les bons, Messieurs ! Mais alors, économisons tout de suite les salaires des directeurs et des administrateurs de ces établissements ! Je doute d'ailleurs que, si la majorité de ce Grand Conseil vous suivait dans vos errances, vous trouviez encore des gestionnaires dynamiques et motivés pour promouvoir et développer l'Aéroport de Genève aujourd'hui et, demain, les hôpitaux universitaires, etc. !
Pour toutes ces bonnes raisons, nous vous invitons à refuser ce projet de loi.
M. David Hiler (Ve). J'ai écouté tout le monde avec attention et, pour ma part, je demande la discussion immédiate de ce projet de loi.
La présidente. Monsieur Blanc, vous avez la parole, mais sur la discussion immédiate.
M. Claude Blanc (PDC). Oui, pourquoi pas la discussion immédiate, en fait ?
Cela a été dit mieux que je ne pourrais le faire par M. Halpérin : on se trompe d'adresse ! On se trompe d'adresse en ce sens que le maître d'oeuvre du renouvellement de la concession n'est pas l'Etat de Genève, mais l'Office fédéral de l'aviation civile, qui consulte un certain nombre d'intéressés dont l'Etat de Genève, auquel tous les autres intéressés, les associations pour la protection de l'environnement y compris, ont dû, dans un délai donné, faire connaître leur point de vue ! Alors, comment voulez-vous que le Grand Conseil se prononce sur le point de vue de tous ceux qui ont été consultés à ce sujet ? Il pourrait tout au plus donner son propre point de vue, mais il ne serait qu'un point de vue parmi les autres... Nous ne voyons pas comment il pourrait jouer un rôle déterminant dans le renouvellement de cette concession !
Par ailleurs, c'est vrai qu'il y a prescription, par avance... Cinquante ans, c'est beaucoup plus que le délai de prescription : pour cette année, c'est terminé, pour dans cinquante ans, il y a prescription à l'envers !
Je pense effectivement qu'on peut voter tout de suite et dire qu'on remettra ça dans cinquante ans !
M. Carlo Lamprecht. Ce projet de loi justifie tout de même un certain nombre d'explications.
Tout d'abord, comme cela a été dit, le renouvellement de la concession fédérale d'exploitation de l'Aéroport international de Genève est une affaire fédérale. Et, conformément à l'article 87 de la Constitution fédérale, l'ensemble de la législation sur l'aviation relève de la compétence de la Confédération.
A ce titre, l'exploitation d'un aéroport suppose la délivrance d'une concession fédérale, et c'est le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, le DETEC, qui est compétent en la matière. Comme vous le savez, la concession fédérale d'exploitation - tout comme celle de l'aéroport de Zurich, d'ailleurs - arrive à terme après cinquante ans, soit à fin mai 2001. Le compte à rebours défini avec l'Office fédéral de l'aviation civile pour la demande de renouvellement de la concession a fixé au début mai 2000 le délai pour adresser formellement la demande au DETEC.
L'Aéroport international de Genève a adressé cette demande, accompagnée de tous les documents requis, le 5 mai 2000 et la Confédération a fixé le délai de réponse à la consultation au 10 juillet 2000. Elle a même accordé un délai supplémentaire aux autorités françaises voisines fixé au 13 octobre 2000. Et le Conseil d'Etat a pris formellement position le 6 septembre 2000, après les consultations d'usage - et elles ont été nombreuses - dans une lettre adressée à M. Leuenberger.
Conformément à l'article 13 de l'ordonnance sur l'infrastructure aéronautique, la durée de la concession d'exploitation est impérativement de cinquante ans pour les deux aéroports - Genève et Zurich - raison pour laquelle c'est pour cette durée - je le précise - que le renouvellement a été demandé.
Quelques mots sur la procédure de consultation. La procédure elle-même est entièrement régie par des dispositions du droit fédéral et se déroule selon les modalités suivantes. Le DETEC met les demandes de concession en consultation auprès des organes fédéraux intéressés et des cantons concernés et les publie dans la «Feuille fédérale». Les cantons procèdent à l'audition des communes intéressées et des autres parties concernées. Et puis, ce sont toujours les cantons, en accord avec le département fédéral, qui mettent les demandes à l'enquête publique, selon l'usage local, et les publient dans les organes officiels.
Les organes fédéraux et les cantons consultés remettent leur avis au département fédéral, en général dans un délai de trois mois à compter de la mise à l'enquête. Je rappelle tout de même que quiconque a qualité de partie, en vertu de la loi fédérale sur la procédure administrative, et dont les droits et les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, pourrait faire opposition. Chacun peut donc faire opposition auprès du DETEC. Cette démarche doit s'effectuer directement auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile, et ce durant le délai de la mise à l'enquête publique. Toute personne qui n'a pas fait opposition est exclue de la suite de la procédure.
Nous avons vu tout à l'heure que le rôle du canton est extrêmement limité. Tout d'abord, le canton assiste l'autorité fédérale en publiant la requête dans la «Feuille d'avis officielle» - cela a été fait - et en organisant l'enquête publique, sachant que les oppositions éventuelles doivent être adressées non pas au canton mais directement à l'office fédéral concerné. Et puis, le canton émet un simple préavis à l'adresse du département fédéral après avoir procédé à l'audition des communes intéressées et des différentes parties concernées. En tout état de cause, ces auditions n'ont pas d'autre finalité que de permettre au canton de se faire sa propre opinion sur l'opportunité de soutenir ou non la demande de concession, sachant que tant les communes que les autres intéressés qui veulent faire valoir des droits dans la procédure doivent impérativement le faire par la voie de l'opposition auprès des autorités fédérales.
Pour la procédure de consultation interne au canton, l'avis de la requête de l'AIG et de l'ouverture de l'enquête publique a été publié le 7 juin 2000 dans la «Feuille d'avis officielle» et le 6 juin 2000 dans la «Feuille fédérale». L'enquête publique a eu lieu du 9 juin au 10 juillet auprès du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, d'une part, et de la direction de l'AIG d'autre part. Par courrier du 5 juin 2000, nous avons invité toutes les instances intéressées à faire part de leurs éventuelles observations - je pourrais vous en donner la liste - et ce dans le cadre de la préparation du préavis du Conseil d'Etat. Du résultat de la consultation il ressort en substance que les communes riveraines et la Coordination transports, l'ARAG, qui n'a pas daigné répondre au département mais qui, en revanche, fait une opposition auprès de l'OFAC, manifestent essentiellement une inquiétude liée à l'augmentation du trafic et à ses impacts sur l'environnement.
Les milieux économiques approuvent, quant à eux, la demande de renouvellement de la concession, tout en craignant que certaines mesures prises par l'AIG pour des raisons environnementales ne nuisent à son développement ultérieur.
J'en arrive à la position du Conseil d'Etat que je pourrai vous transmettre dans un deuxième temps. Le Conseil d'Etat était invité par le DETEC à faire part de son préavis jusqu'à fin août 2000. Par courrier du 6 septembre 2000, adressé à M. Moritz Leuenberger, le Conseil d'Etat y a donné suite. Cette réponse a été préparée en étroite concertation avec le DAEL et le DIAE, qui en ont tous deux approuvé la teneur. En substance, le gouvernement a relevé l'importance économique et politique de l'Aéroport international de Genève pour l'ensemble du développement de la région lémanique, de la Genève internationale et de la France voisine - qui n'était d'ailleurs contestée par personne. Il a de surcroît marqué sa compréhension pour les craintes émises au sujet des effets environnementaux liés à une croissance des activités de l'AIG. Toutefois - et je le rappelle - le rapport d'impact sur l'environnement, joint à la requête de renouvellement, dûment expertisé par le service cantonal d'écotoxicologie, permet de constater que les exigences fondamentales de la législation en matière de protection de l'environnement pourront être respectées par l'AIG, malgré la croissance du trafic envisagée.
Le Conseil d'Etat a également approuvé, s'agissant du trafic routier induit, le choix stratégique - le scénario C - effectué par l'AIG, visant à obtenir à l'horizon 2020 un transfert modal de 45% des passagers et du personnel en faveur des transports publics et des transports non polluants.
Au vu de ces différents éléments, le gouvernement a préavisé favorablement le renouvellement sollicité de la concession fédérale d'exploitation.
Alors, pourquoi le Grand Conseil n'a-t-il pas été consulté ? Tout d'abord, la procédure fédérale, telle que décrite, ne prévoit pas une telle consultation. Le DETEC s'est adressé au Conseil d'Etat et c'est dès lors légitimement que ce dernier a fourni le préavis du canton. Et je vous rappelle qu'il en va de même, non pas seulement pour cette consultation, mais pour toutes les consultations du Conseil fédéral adressées au canton. Je vous rappelle également que cela est conforme à l'article 128 de la constitution cantonale, qui prévoit que c'est le gouvernement qui est chargé des relations extérieures, ce qui vaut notamment pour les relations à l'échelon fédéral avec la Confédération.
Il est vrai que, de surcroît, ce projet, en tout état, est tardif et que l'AIG était parfaitement habilité à déposer seul sa demande, dont le sort ne dépend désormais plus que des autorités fédérales compétentes.
Voyez-vous, après ces explications, il reste ce projet de loi. Je suis prêt à entrer dans des explications encore plus détaillées, si vous décidez de renvoyer ce projet en commission. Cela étant, je ne pense pas que cela pourra changer grand-chose pour la présente consultation, d'autant que la constitution genevoise prévoit bien la répartition des pouvoirs dans ce cas. Mais, je le répète, si vous le souhaitez, je suis disposé à vous répondre encore plus à fond en commission.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous saluons à la tribune une délégation de parlementaires chinois de Chin-Hsien, emmenée par M. Wan Lun. (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au vote sur la discussion immédiate qui a été demandée pour ce projet de loi.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est rejetée.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.