Séance du vendredi 27 octobre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 11e session - 49e séance

P 1315-A
8. Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier la pétition pour une intervention antinucléaire du canton de Genève contre le nouveau projet fédéral de loi sur l'énergie nucléaire. ( -)P1315
Rapport de M. Pierre Vanek (AG), commission de l'énergie et des Services industriels de Genève

La Commission de l'énergie et des Services industriels du Grand Conseil s'est réunie à deux reprises pour traiter de cette pétition de l'association antinucléaire genevoise ContrAtom, les vendredi 6 et mardi 10 octobre 2000, sous la présidence de M. Alberto Velasco.

Lors de la première séance en commission sur cet objet, les partis de l'Entente n'étaient représentés que par une unique députée libérale: Mme Jeannine Berberat. Les autres commissaires de droite avaient apparemment jugé que cette question ne méritait pas leur présence. A la demande de Mme Berberat, et par courtoisie pour la minorité, nous avons tenu une deuxième séance « de rattrapage » pour permettre aux absents de disposer de tous les documents concernant cette affaire et de se prononcer « quand même » en commission. Si Mme Berberat a bien été rejointe lors de la deuxième séance par ses deux collègues libéraux (MM. Mauris et Vaucher) l'absence de tout représentant du PDC ou des radicaux a perduré.

Lors de sa première séance de travail sur cet objet, en présence du conseiller d'Etat en charge du DIAE, M. Robert Cramer et de M. Jean-Pascal Genoud, chef de l'Office cantonal de l'énergie, la commission a reçu et entendu une délégation de ContrAtom, composée de Mme Anne-Cécile Reimann, la pétitionnaire par ailleurs vice-présidente de l'association, du président de celle-ci, M. Raymond Beffa, de son secrétaire, M. Cyril Schönbächler et de M. Denis Perrenoud, membre du comité.

Une pétition antinucléaire qui en reflète une autre

La pétition de ContrAtom, adressée à notre Grand Conseil, porte la seule signature de Mme Reimann, mais elle comporte en annexe une deuxième pétition adressée aux autorités fédérales en juin déjà.

Les autorités genevoises - dont nous sommes - reçoivent ainsi un certain nombre de copies de cette seconde pétition, munies d'environ un millier de signatures recueillies par ContrAtom. Cette association précisera que ces signatures ne représentent pas l'ensemble de celles recueillies dans le canton de Genève, puisque nombre d'autres organisations locales, le WWF-Genève par exemple, l'ont diffusée et ont recueilli des signatures, ceci sans en adresser copie, ni au Grand Conseil, ni au Conseil d'Etat.

Cette pétition fédérale s'inscrivait dans le cadre de la procédure de consultation organisée par le département du conseiller fédéral Moritz Leuenberger sur le projet de nouvelle loi sur l'énergie nucléaire (LENu).

Au-delà de l'habitude, ou de la règle, qui veut que le gouvernement fédéral consulte quelques dizaines de cantons, partis et organismes divers, cette pétition nationale, intitulée « Consultation populaire relative au projet de révision de la loi sur l'énergie nucléaire » représente une irruption volontaire de la démocratie directe dans ce processus et met en avant une position commune, appuyée par l'ensemble des milieux et associations antinucléaires de ce pays.

Le 14 juin dernier, ces milieux - dont ContrAtom fait évidemment partie - déposaient 45 000 signatures à Berne (soit pratiquement l'équivalent du nombre de paraphes requis pour un référendum fédéral) pour dire par ce moyen leur refus, partagé par des dizaines de milliers de citoyen-ne-s, du projet de loi fédéral en cours de consultation que le gouvernement fédéral entendait (et entend d'ailleurs toujours) opposer comme contre-projet de facto aux deux initiatives fédérales antinucléaires pendantes, déposées l'an dernier en prévision de l'expiration du moratoire atomique de dix ans adopté en 1990.

Cette pétition fédérale comprend quelques revendications simples et fort modérées. Elles sont au nombre de cinq. Il est demandé aux autorités fédérales d'élaborer une loi pour sortir du nucléaire et en particulier concrètement :

de limiter la durée d'exploitation des centrales nucléaires à 30 ans au maximum,

d'arrêter le transport et le retraitement d'éléments combustibles usés,

de démocratiser toutes les procédures d'autorisation liées au nucléaire,

d'introduire une responsabilité civile illimitée pour les exploitants des centrales nucléaires,

d'exiger la prise en charge totale des frais d'élimination des déchets nucléaires par les exploitants des centrales.

Le Conseil d'Etat a dérapé : il faut corriger le tir

Ces exigences étaient largement connues et diffusées à travers tout les pays depuis le début du printemps dernier. Or, le 14 juin, au moment où les antinucléaires déposaient les 45 000 signatures à Berne, le président de notre Conseil d'Etat, M. Guy-Olivier Segond, sans en avoir au préalable référé à notre Parlement, ce qu'il aurait évidemment pu (voire dû !) faire sur une question de cette importance, signait une lettre adressée à M. Moritz Leuenberger se présentant comme étant la position du canton de Genève concernant la LENu.

C'est cette lettre que ContrAtom remet en cause et conteste, tant par sa pétition cantonale adressée à notre Grand Conseil et déposée le 30 août dernier, que par une lettre ouverte adressée directement au Conseil d'Etat, à laquelle celui-ci n'a pas jugé utile de répondre ...au motif, selon la déclaration de M. Robert Cramer en commission, que la lettre était ouverte, mais aussi que l'affaire avait été transmise à notre Grand Conseil.

Dans la pétition qui nous est adressée, ContrAtom déplore que le Conseil d'Etat « salue cette loi atomique pronucléaire », position qui n'est à ses yeux « pas conforme à l'art. 160C de notre Constitution cantonale ».

Les pétitionnaires de ContrAtom, représentés par Mme Reimann, estimaient le 30 août que :

« Etant l'autorité de surveillance du Conseil d'Etat, le Grand Conseil se doit de rectifier le tir en adressant un correctif et en faisant entendre à Berne, sous forme de résolution par exemple, une condamnation claire de ce projet de loi fédérale, ainsi qu'un appui aux revendications en la matière du mouvement antinucléaire national ».

C'est là l'invite de la pétition que nous sommes appelés à traiter. La majorité de la commission (3 AdG, 3 S, 2 Ve) a estimé qu'il fallait, dans un premier temps, et sans plus attendre, voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat :

pour marquer notre demande à ce dernier de « corriger le tir » par rapport à son dérapage malheureux du mois de juin, correction que le conseiller d'Etat Robert Cramer s'est d'ailleurs engagé à proposer au Conseil d'Etat

Les commissaires de la majorité ont exprimé le souhait que la lettre « corrective » du Conseil d'Etat à Berne, ou du moins le projet de celle-ci, puisse être disponible et diffusée aux député-e-s avant ou à l'occasion de la séance du Grand Conseil à fin octobre au cours de laquelle devrait être abordé la pétition. Le cas échéant, le Grand Conseil pourrait ainsi donner sur le champ acte au Conseil d'Etat d'avoir répondu à la pétition et le dispenser d'un rapport ultérieur concernant celle-ci.

pour donner acte aux pétitionnaires du fait qu'ils ont bien mis le doigt sur une problème réel et aigu ;

et enfin, pour que notre Parlement lui aussi, par son vote, contribue à resituer publiquement et immédiatement notre canton dans le camp antinucléaire et en posture d'appui aux revendications qu'il exprime.

La minorité (3 L) a estimé qu'un tel renvoi était pour le moins prématuré et qu'il était urgent d'attendre un traitement plus complet de la question, des auditions supplémentaires éventuelles, etc.

Le rapporteur se permet de signaler, sans forcément imputer une telle position à l'ensemble du parti libéral ou a fortiori aux autres partis de l'Entente que Mme Berberat a émis en commission l'avis que la lettre du 14.6.00 du Conseil d'Etat avait été « habile » (sic !) La majorité a quant à elle voulu avoir une interprétation plus charitable de l'incapacité du Conseil d'Etat à faire entendre un point de vue antinucléaire à Berne considérant que celui-ci n'avait pas agi intentionnellement mais plutôt pêché par maladresse et négligence.

Pour la majorité, ce renvoi au Conseil d'Etat n'empêche évidemment pas - bien au contraire - que dans un deuxième acte de sa part concernant cette affaire, notre Grand Conseil se fasse « entendre à Berne » directement, par voie de résolution par exemple comme nous le suggèrent les pétitionnaires, ou sous toute autre forme appropriée.

Mais l'élaboration et le traitement d'une telle résolution, soit directement par la Commission de l'énergie

Comme nous le permet dorénavant notre règlement qui prévoit qu'une commission puisse prendre l'initiative d'un rapport au Grand Conseil sur un objet relevant de son domaine (art.190, al.3).

Genève militerait contre les initiatives de Sortir du nucléaire

En effet, comme la délégation de ContrAtom l'a appris ce vendredi 6 octobre, tant à vos commissaires qu'au conseiller d'Etat présent ou au chef de l'OCEN, le Conseil fédéral a pris position publiquement le 2 octobre en précisant ses intentions quant à la nouvelle LENu et en se fondant sur sa synthèse des résultats de la consultation. Au nom essentiellement des « pertes pour l'économie générale » qu'une limitation de l'exploitation des centrales impliquerait selon lui, le gouvernement fédéral défend aujourd'hui ouvertement une exploitation illimitée de nos réacteurs atomiques vieillissants et le maintien de l'option nucléaire.

Paradoxalement, l'argument essentiel - économique - du Conseil fédéral, rejoint celui de l'exploitant de la centrale de Gösgen qui a recouru contre un certain nombre de mesures de sûreté que cherchait à lui imposer l'autorité de surveillance fédérale en arguant du fait que « les investissements qu'elles impliquent ne peuvent que nuire à la capacité concurrentielle » de son installation.

Or, cette prise de position, qui doit conduire en principe avant mars prochain à l'élaboration d'un projet de loi définitif et à un message ad hoc du Conseil fédéral, outre qu'elle ne prend pas en compte l'avis des 45 000 citoyen-ne-s qui ont refusé ses projets dans le cadre du volet « populaire » de la consultation que nous avons évoqué ci-dessus, s'appuie bien entendu sur les prises de position des cantons.

Pour Genève, sur la base de la prise de position du Conseil d'Etat, notre canton est présenté comme étant dans le camp pronucléaire. Genève est recensé en compagnie par exemple de l'Association suisse pour l'énergie atomique ou du Vorort, ou de la CEDRA ou des exploitants des centrales de Mühleberg, Leibstadt ou Gösgen... comme étant partisan de « maintenir l'option de l'énergie nucléaire » conformément aux articles 12 et suivants du projet (cf. annexe).

Prenant connaissance en commission de cet état de fait, que nous communiquait ContrAtom et que ses services ignoraient jusque là, le conseiller d'Etat Robert Cramer a tenu à déclarer, devant les pétitionnaires et donc en dérogation volontaire à nos us et coutumes parlementaires habituels, qu'il était personnellement « bouleversé » par cette lecture faite de la position genevoise et qu'il travaillerait à y remédier.

Au chapitre de l'appréciation générale du projet, Genève participerait selon le rapport fédéral à cette « majorité des cantons [qui] estiment que la politique énergétique suisse et les entreprises d'électricité ont besoin de décisions rapides en matière nucléaire. Ils approuvent donc le fait que la LENu serve de contre-propositon indirecte aux deux initiatives « Moratoire-plus » et « Sortir du nucléaire ». Ils relèvent que le projet mis en consultation ne traite pas seulement des questions soulevées par les initiatives, mais qu'il élargit le débat et présente un avantage capital, celui de pouvoir être mis en application plus rapidement »

Page 3 du rapport fédéral point 2.1 Cantons

Le rapport fédéral prend ici les termes même de la lettre du 14 juin du Conseil d'Etat genevois qui poignarde dans le dos les initiatives fédérales antinucléaires pendantes en saluant le projet de LENu comme « plus complet et présentant l'avantage de pouvoir être appliqué plus rapidement. »

On pourrait multiplier les citations et développer l'analyse critique de la lettre du 14 juin du Conseil d'Etat

Cette analyse devrait d'ailleurs relever non seulement les ambiguïtés et les déclarations inacceptables de cette lettre, mais aussi la légèreté des 3 pages de réponse et ce qu'elle ne disent pas. Rappelons les moyens engagés à l'époque par les collectivités publiques genevoises, notamment l'engagement d'avocats particulièrement compétents, pour travailler à la fermeture de Creys-Malville par le gouvernement français. A côté de cet effort là l'engagement actuel du Canton en direction de notre propre gouvernement pour faire fermer nos centrales helvétiques apparaît bien faible: il est manifeste par exemple qu'aucun juriste genevois sérieux n'a été mandaté pour faire une étude critique de la proposition de LENu !

Deux points en particulier méritent d'être relevés : le Conseil d'Etat n'a pas eu le courage d'articuler une limite dans le temps à l'exploitation des centrales contrairement aux deux Bâles, au Tessin ou au Jura. Sur le problème du retraitement des déchets radioactifs suisses à La Hague ou à Sellafield il n'a pas eu le courage de demander l'arrêt immédiat de cette activité dont le Conseil fédéral prévoit qu'elle pourra se poursuivre pour « honorer les contrats relevant du droit privé » passés par les exploitants des centrales.

Les Anglais ont un dicton : «The proof of the pudding is in the eating» (la preuve du pudding vient au moment de le manger) ! De même, la preuve du caractère pronucléaire de la position du Conseil d'Etat destinée à la Berne fédérale, c'est que c'est bien comme telle qu'elle a été lue. Certes cette lecture peut être discutée, elle est politicienne. Mais s'attendre à ce que le Conseil fédéral ne fasse pas de politique (ou ne pas savoir dans quel sens il la fera) c'est faire preuve d'une naïveté et d'un angélisme qu'on a de la peine à prêter- quelles que soient ses qualités par ailleurs - au président du Conseil d'Etat Guy-Olivier Segond, signataire de la lettre !

Conclusion

Aujourd'hui donc, Mesdames et Messieurs les député-e-s, au-delà de l'analyse des textes ou des lamentations sur la lecture bernoise du courrier de notre Exécutif, nous vous invitons à renvoyer la pétition de ContrAtom au Conseil d'Etat.

Rappelons que l'art 160C de notre Constitution nous engage à employer « tous les moyens juridiques et politiques » pour nous opposer au nucléaire voisin de notre canton.

Ce vote est un modeste « moyen politique » d'aller dans ce sens. Il y en a bien d'autres que le canton devrait peut être empoigner, par exemple mandater un juriste pour faire une analyse critique de la nouvelle LENu, prendre contact avec les cantons opposés au maintien de l'option nucléaire pour envisager une action concertée, se poser le problème d'un soutien ouvert aux moyens politiques que sont les initiatives Sortir du nucléaire et Moratoire-plus, etc.

Nous aurons l'occasion d'y revenir !

Pétition(1315)

Mesdames etMessieurs les députés,

Nous voulons une loi pour sortir du nucléaire qui soit un véritable investissement pour l'avenir.

C'est pourquoi nous vous demandons concrètement :

de limiter la durée d'exploitation des centrales nucléaires à 30 ans au maximum ;

d'arrêter le transport et le retraitement d'éléments combustibles usés ;

de démocratiser toutes les procédures d'autorisation liées au nucléaire ;

d'introduire une responsabilité civile illimitée pour les exploitants des centrales nucléaires ;

d'exiger la prise en charge totale des frais d'élimination des déchets nucléaires par les exploitants des centrales nucléaires.

Seule une loi qui prévoit une sortie progressive du nucléaire sera porteuse d'avenir et trouvera une majorité.

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Débat

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Cette pétition a été déposée le 30 août par ContrAtom, en réaction à la réponse du Conseil d'Etat du mois de juin, adressée au Conseil fédéral dans le cadre de la consultation sur la nouvelle loi fédérale sur l'énergie nucléaire (LENu).

Tout à l'heure, dans sa dernière intervention sur un point précédant de l'ordre du jour, le conseiller d'Etat Robert Cramer a dit avec beaucoup de fougue que, soit on considère que les lois ne sont que des mots, soit on considère qu'elles sont faites pour être respectées et appliquées. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit en la matière. La loi qu'il s'agit de respecter et d'appliquer, c'est même la loi constitutionnelle qui régit cette République, notamment l'article 160C de la constitution genevoise, qui stipule que les autorités cantonales genevoises s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques - j'insiste sur cet adjectif, puisque nous sommes ici dans le domaine de l'élaboration de lois par les Chambres fédérales et donc dans le domaine de la politique - par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires, de dépôts de déchets hautement radioactifs, etc., sur le territoire du canton bien sûr, mais aussi dans le «voisinage» de celui-ci. On sait malheureusement qu'en matière nucléaire la notion de voisinage - M. Cramer ne me contredira pas - doit être interprétée de manière considérablement extensive.

Comme sans doute tout le monde dans cette enceinte, nous considérons que cet article de la constitution impose - et c'est ainsi qu'il a été lu depuis des années - d'avoir une attitude résolue, de mener le combat pour mettre un terme au nucléaire dans ce pays, puisqu'on ne peut décemment pas refuser les centrales ou les dépôts de déchets radioactifs chez nous et les accepter chez les autres, voire tirer notre courant de cette source-là. C'est du reste dans cet esprit et en référence à cet article qu'a été votée récemment dans cette salle, à la quasi-unanimité, la conception générale de l'énergie du canton de Genève.

Or, et cela a été confirmé tout récemment, le projet de loi de M. Moritz Leuenberger et du Conseil fédéral - je n'en ferai pas, rassurez-vous, une analyse critique ici, il est un peu tard - est un projet qui pérennise l'exploitation du nucléaire dans ce pays. Ce projet a d'ailleurs suscité une réaction et une forte mobilisation des milieux antinucléaires de ce pays. J'insiste sur le fait que ce n'était pas un phénomène genevois uniquement : dans l'ensemble du pays, on a récolté, à l'appel d'associations de défense de l'environnement bien plus importantes et rangées que ContrAtom, des dizaines de milliers de signatures, 45 000 environ, pour les remettre à Berne, à l'échéance du délai de la préconsultation. Des dizaines de milliers de personnes ont ainsi signé une pétition pour dire qu'elles étaient mécontentes de ce projet de loi fédéral et pour poser un certain nombre de revendications antinucléaires élémentaires.

Une de ces revendications est qu'on arrête les centrales après trente ans d'activité : ce n'est ni utopique ni très radical, c'est à peu près la durée qui a été retenue en la matière par notre grand voisin du Nord, l'Allemagne. La deuxième revendication de cette pétition est que le retraitement des éléments combustibles irradiés soit arrêté immédiatement. Cette demande est renforcée par les graves pépins et les falsifications qui ont eu lieu à l'usine de Sellafield en Grande-Bretagne, usine qui retraite ce combustible pour en extraire le plutonium, ce qui est une folie à arrêter de suite. La pétition pose aussi certaines conditions par rapport à l'exploitation des centrales nucléaires actuelles, par exemple que l'assurance responsabilité civile soit illimitée, ce qui n'est pas le cas, ou que les collectivités locales soient consultées en matière «d'élimination» des déchets radioactifs.

Bref, il s'agit d'un certain nombre de revendications antinucléaires élémentaires, qui ont largement circulé et qui ont été relayées par ContrAtom à Genève, mais aussi par d'autres associations de défense de l'environnement, comme le WWF, et qui ont cristallisé en quelque sorte le point de vue du camp antinucléaire à l'échelle nationale sur ce projet de loi. Elles ont recueilli, je l'ai dit, 45 000 signatures, c'est-à-dire pratiquement le nombre de signatures nécessaire au référendum fédéral qui sera sans doute lancé contre ce projet de loi. C'est dire que nous étions en droit d'attendre du Conseil d'Etat de notre République - régie par l'article de la constitution évoqué tout à l'heure et dont les affaires énergétiques sont placées sous la houlette énergique de Robert Cramer, lequel n'est pas absolument étranger aux préoccupations antinucléaires ! - nous étions en droit d'attendre une prise de position du Conseil d'Etat qui soit antinucléaire, qui s'oppose à ce projet de loi et qui fasse un certain nombre de propositions sérieusement réfléchies pour le modifier.

En l'occurrence, la prise de position du Conseil d'Etat, ce sont les trois pauvres pages que j'ai là, signées par M. Guy-Olivier Segond, et c'est très, très léger ! La République et canton de Genève n'a visiblement pas jugé bon de mettre au travail une équipe de juristes, qui auraient analysé, critiqué le projet de loi du Conseil fédéral, qui auraient pris cette affaire au sérieux, comme on avait, en son temps, pris au sérieux les recours contre Creys-Malville, dans cette enceinte et au département, en engageant des juristes éminents. Cette lettre a manifestement été rédigée rapidement, sur le coin d'une table, par quelqu'un qui était peut-être plein de bonnes intentions, mais qui n'était peut-être pas très au clair sur le fond de ce qu'il avait à dire, qui n'était pas très au clair sur la critique à faire concernant le projet de loi fédéral et qui n'était guère motivé pour faire sérieusement ce travail.

Qu'on en juge : cette missive du Conseil d'Etat salue ce projet de loi et dit «qu'il répond à certaines préoccupations relatives au recours à l'énergie nucléaire (...) en proposant que soient clairement établies les modalités touchant à des aspects fondamentaux, tels que la durée d'exploitation des centrales existantes...» C'est faux ! Le projet en consultation ne propose pas de durée de vie pour les centrales. Je cite encore, parmi les éléments «satisfaisants» relevés par le Conseil d'Etat : «...en proposant que soient clairement établies les modalités touchant (...) le retraitement du combustible usagé». Si effectivement le projet de loi se propose d'interdire le retraitement, c'est une interdiction bien virtuelle, puisque tous les contrats en la matière, contrats de droit privé qui portent sur des centaines de tonnes de déchets radioactifs, pourront continuer à être honorés sans qu'une limite dans le temps leur soit imposée.

Je ne vais pas passer la nuit à faire la critique de cette missive du Conseil d'Etat, vous trouverez cela dans mon rapport, mais celle-ci dit explicitement, en haut de la page 2, que le projet de loi fédéral serait «plus complet et présente l'avantage décisif de pouvoir être appliqué plus rapidement» que les deux initiatives fédérales antinucléaires intitulées «Moratoire plus» et «Sortir du nucléaire». Le Conseil d'Etat salue ainsi explicitement le rôle de contre-projet indirect que le Conseil fédéral fait jouer à sa loi par rapport à ces initiatives antinucléaires qu'il combat. Soutenir des contre-projets aux initiatives antinucléaires, ce n'est guère employer tous les moyens juridiques et politiques pour appuyer la cause antinucléaire ! Le fond de l'affaire est là !

Maintenant, on nous rétorque que cette missive contient aussi d'excellentes choses : elle contient en effet une référence à la constitution, elle contient une volonté affirmée de rompre avec le nucléaire. Le problème est que ce texte est parfaitement contradictoire, qu'il contient tout et son contraire. Quand on fait un brouet qui contient pour moitié de la viande pourrie, on peut difficilement se justifier en sortant deux ou trois morceaux qui ne sont pas pourris et en disant : «Mais vous voyez, dans la cuisine qu'on vous a préparée, il y a quand même des morceaux qui ne sont pas mauvais !» Ce n'est pas sérieux !

En l'état, cette missive du Conseil d'Etat est de la très mauvaise cuisine, à tel point que les auteurs de la pétition actuelle, à savoir ContrAtom, se sont mobilisés le 30 août devant l'Hôtel de ville et ont remis une lettre au Conseil d'Etat, lui disant en substance : «Mesdames et Messieurs, vous avez sérieusement dérapé, faites ce qu'il faut pour corriger le tir !» Dans le même temps, ils nous ont adressé la lettre-pétition qui figure à la page 9 du rapport, nous demandant à nous aussi, en tant qu'autorité de surveillance du Conseil d'Etat, de corriger le tir et d'adresser à Berne une prise de position qui soit plus claire et qui engage réellement Genève dans le combat politique fédéral contre le nucléaire. Ce jour-là, les membres de ContrAtom ont vu sortir différents conseillers d'Etat, qui tous ont dit que la prise de position du Conseil d'Etat était satisfaisante. J'ai souvenir d'avoir entendu Mme Brunschwig Graf, mais aussi Robert Cramer, qui trouvait, en citant certains passages, que cette prise de position était satisfaisante. C'est dommage ! Il y a eu là légèreté insoutenable : si nos conseillers d'Etat avaient relu objectivement et sérieusement le texte qu'ils avaient commis, ou du moins signé, ils se seraient aperçus que celui-ci pouvait être considéré comme fondamentalement pronucléaire et comme trahissant clairement les objectifs de la constitution.

La preuve du pudding, je l'ai dit dans mon rapport, c'est quand on le mange, disent les Anglais ! La preuve de l'effet d'une action politique, c'est quand on voit comment elle est reçue. Le Conseil fédéral ne s'y est pas trompé, il a classé Genève - et ceci peut être vérifié dans un gros pavé, qui est le résumé de la consultation fédérale et qu'on trouve sur le site Internet de l'Office fédéral de l'énergie - parmi les cantons qui sont favorables, non seulement à l'énergie nucléaire, mais y compris à son développement ultérieur. Et cette interprétation n'est pas un simple dérapage de la plume des politiciens fédéraux qui ont fait cette synthèse ! On me dira qu'ils ont fait une lecture politique, voire politicienne, de la missive du Conseil d'Etat, mais...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur, vous avez épuisé vos dix minutes ! Vous pourrez reprendre la parole si nécessaire !

M. Pierre Vanek, rapporteur. Je finis, Monsieur le président ! Nous sommes dans un domaine politique, la lecture qui a été faite par Berne est naturellement une lecture politique et Berne n'a rien inventé ! Preuve en est que le Conseil d'Etat, répondant par anticipation à la commission de l'énergie - qui a tenu deux séances en urgence de façon à inscrire ce point à l'ordre du jour de cette session - a jugé nécessaire de récrire au Conseil fédéral pour dire que Genève était quand même effectivement antinucléaire et pour faire un certain nombre d'observations complémentaires, sur lesquelles, Monsieur le président, je me permettrai de revenir.

Les conclusions de la majorité sont donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, donnant ainsi acte aux pétitionnaires de ce qu'ils avaient raison en la matière, et de reprendre, au niveau de la commission de l'énergie, l'élaboration d'un texte un peu plus complet, sous forme de résolution par exemple, qui pourrait être adressé à Berne sur cette question. La commission pourrait reprendre la lettre que le Conseil d'Etat vient d'adresser à Berne et examiner s'il y a lieu de la compléter, ce qui est à mon avis bien le cas ! (Applaudissements.)

M. Alain-Dominique Mauris (L). En préambule, j'aimerais rappeler où je me situe dans le débat concernant le nucléaire. Il y a plus de vingt ans, je militais déjà aux côtés d'une députée libérale, Mme Monique Bauer-Lagier, contre les risques potentiels liés aux accidents nucléaires ; de plus, vous savez tous, Mesdames et Messieurs les députés, les positions très nettes que j'ai personnellement prises contre la surgénération.

Cela étant dit, je ne comprends pas que la majorité de la commission ait tenté un coup de force pour envoyer au Conseil d'Etat cette pétition, inspirée par la mauvaise interprétation que Berne a faite de la prise de position du Conseil d'Etat. M. Cramer s'en est expliqué en commission. Le groupe libéral aurait préféré que l'un d'entre nous développe une interpellation urgente pour obtenir une prise de position du Conseil d'Etat devant ce parlement, puis que la commission prenne le temps d'examiner les conséquences des invites de la pétition. Celle-ci demande des mesures concrètes, dont les incidences ne peuvent être considérées à la va-vite, sans analyse sérieuse par les commissaires. C'est en cela que la position du groupe libéral diffère de celle de la majorité. Le groupe libéral, seul groupe de l'Entente présent en commission, comme l'a rappelé le rapporteur, aurait souhaité que la commission puisse s'exprimer à ce sujet. La pétition parle de limiter la durée d'exploitation, d'arrêter le transport et le retraitement, et ainsi de suite : ce sont des mesures importantes, dont les conséquences doivent être examinées.

Le groupe libéral va donc s'opposer au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et, puisque notre règlement nous empêche de renvoyer une pétition en commission, il propose le dépôt sur le bureau de Grand Conseil. Notre groupe souhaite que, très vite, les députés rédigent un projet de résolution, que celui-ci soit étudié correctement en commission, qu'on fasse les auditions nécessaires, pour qu'ensuite nous puissions prendre une position qui soit claire.

M. Roger Beer (R). Evidemment, lorsque les professionnels de l'antinucléaire monopolisent et le papier et le temps de parole, les autres députés sont un peu mal pris ! Cela dit, Monsieur Cramer, j'ai tout de même été étonné que vous ayez laissé passer une lettre qui prête autant à discussion et qui se prête à une telle exploitation politique par les antinucléaires, dont vous êtes. La réponse du Conseil d'Etat pouvait effectivement être interprétée, ce qui est un peu bizarre puisque notre constitution, elle, est très claire. Mais, comme l'a dit M. Mauris, cela aurait pu se régler de façon relativement simple, par la voie parlementaires à travers, par exemple, une interpellation urgente. S'agissant du travail en commission, on nous a proposé le vendredi soir, à 18 h 45, de nous réunir le mardi suivant. Or, il faut quand même dire qu'il y a des gens qui travaillent ; pour ma part, il m'était impossible d'être là le mardi à midi. C'est pour cette raison, notamment, que les radicaux étaient absents et je crois savoir qu'il en est de même pour mes collègues du PDC.

J'en viens à tout ce qui a été dit par M. Vanek, le professionnel de l'antinucléaire ! Mesdames et Messieurs les députés, si vous avez lu la déclaration du Conseil d'Etat sur Internet, notamment, et le compte rendu de la séance du Conseil d'Etat, vous aurez vu que Mmes et MM. les conseillers d'Etat ont fait amende honorable : ils ont reconnu qu'effectivement le texte n'était pas tout à fait aussi clair qu'il aurait dû l'être. Je crois donc que vous faites là un mauvais procès à M. Cramer - cela me fait d'ailleurs un peu rigoler, car c'est l'un des vôtres ! - qui défend plutôt, me semble-t-il, les thèses antinucléaires. Enfin, je le croyais, mais quand je vous entends j'ai l'impression qu'il est complètement à côté ! Quoi qu'il en soit, je pense qu'il va nous expliquer le problème.

En l'occurrence, vous avez provoqué cette pétition, c'est très bien, elle était justifiée. Au sein de l'Entente, nous sommes un peu mal à l'aise, car c'est le Conseil d'Etat qui nous met dans cette situation où nous devons reconnaître que vous avez raison. Vous exploitez la situation, bravo, c'est la politique, mais je crois qu'il faut maintenant arrêter le jeu et déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, en disant que nous acceptons la réponse donnée dans les journaux et lors du point de presse du Conseil d'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve les propositions qui nous sont faites à la fois complexes et très simples. En définitive, les choses se résument à ceci : nous nous sommes mobilisés pendant des années, sur ces bancs mais aussi sur les bancs d'en face, pour que nos concitoyens adhèrent de manière majoritaire à une conception antinucléaire qui permette de combattre par tous les moyens juridiques et politiques les choix qui ont été faits durant les années 60 par les technocrates et qui sont sans avenir. Nous nous sommes mobilisés contre Malville, dans la rue d'abord, puis nous avons obtenu que le gouvernement et de nombreuses communes lancent des recours, qui ont eu des effets, puisque la centrale de Creys-Malville a cessé ses activités et que son démantèlement est en cours. Nous nous sommes mobilisés pour faire aboutir les deux initiatives antinucléaires, dont le moratoire qui est encore en vigueur, et aucun scrutin populaire n'a contredit depuis la volonté de la majorité de ce canton.

Même si l'exécutif de notre canton est aujourd'hui à majorité de droite, je ne vois donc pas ce qui justifierait les réponses sibyllines qui ont été adressées à Berne, y compris le rectificatif. Mon collègue Pierre Vanek a parlé de la première réponse : on pourrait imaginer que cette circulaire adressée à Berne ait passé entre les gouttes et qu'elle n'ait pas été très bien comprise par des esprits mal tournés, notamment du côté des autorités fédérales. En revanche, je comprends mal qu'on trouve une telle phrase dans le rectificatif : «Notre position sur cette question fondamentale est de renouveler notre volonté de voir tous les efforts conjugués pour permettre à terme le désengagement de notre pays dans la filière nucléaire.» C'est utiliser une phrase bien sibylline pour dire une chose qui paraît évidente pour la majorité de la population genevoise et qui a été exprimée d'une manière très claire, dans la rue comme dans les urnes, à savoir : nous sommes fondamentalement antinucléaires et nous invitons à combattre de toutes les manières l'option nucléaire, avec tous les moyens juridiques et politiques à notre disposition !

Quant à moi, je ne suis pas convaincu par ce rectificatif. Je vous demanderai donc, Mesdames et Messieurs les députés, non pas de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais de la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il se prononce. Je demanderai même que la commission de l'énergie se réunisse rapidement pour voter une résolution et contraindre, s'il le faut, le Conseil d'Etat à respecter la volonté populaire !

Le président. Je salue la présence à la tribune de Margaret et de Frédéric, accompagnés de Sylvie et de Xavier ! (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Il faut évidemment rappeler sans cesse que notre constitution est antinucléaire, que la majorité de la population est farouchement contre l'énergie nucléaire et qu'une majorité politique, dépassant largement les clivages gauche-droite habituels, est aujourd'hui opposée au nucléaire à Genève. A cet égard, le débat a bien évolué, car je ne pense pas qu'il y a une dizaine d'années on aurait pu avoir le débat que nous avons aujourd'hui. A l'époque, il y avait clairement deux camps : un camp un peu avant-gardiste, la gauche, qui était déjà antinucléaire, et la droite : il me semble qu'à droite il y a eu une évolution intéressante sur ce sujet. Le combat antinucléaire a sensiblement progressé, tant mieux, mais il n'est malheureusement pas encore gagné ! Nous savons que pour sortir rapidement du nucléaire - car c'est l'objectif - nous avons besoin d'une farouche volonté politique et que le mouvement associatif, particulièrement ContrAtom, joue un rôle d'aiguillon, joue un rôle essentiel pour pousser le politique à agir dans ce sens.

Parlons maintenant plus précisément de l'affaire qui nous occupe ce soir. Lors de l'élaboration du message du canton de Genève, le Conseil d'Etat - ou le département, mais finalement savoir qui est responsable a peu d'importance - a commis une grosse bourde. Dans le langage populaire, on appelle cela une grosse «connerie»... (Exclamations.) En abusant de la langue de bois, en faisant abusivement preuve de diplomatie, on dit parfois le contraire de ce qu'on pense réellement ; je crois que nous sommes aujourd'hui dans ce cas de figure. Disons-le clairement ce soir : nous ne devons accepter aucun dérapage du gouvernement genevois sur un sujet aussi important que le nucléaire ; Genève doit avoir une position claire et sans faille sur ce dossier. Mais, au-delà de cette bourde politique, j'aimerais quand même souligner l'action très concrète, qui est en fait plus importante que le message, de Robert Cramer sur le dossier nucléaire.

Pierre Vanek l'a dit : Robert Cramer est un antinucléaire historique, c'est sans doute un des premiers parmi nous à être descendu dans la rue, mais, surtout, Robert Cramer, en tant que conseiller d'Etat, poursuit sa politique antinucléaire. Je vous rappelle pour mémoire qu'il y a dix ou quinze ans l'entreprise énergétique du canton, soit les Services industriels de Genève, prévoyait de construire Verbois nucléaire. Aujourd'hui, sous l'impulsion de Robert Cramer, mais aussi de personnes qui sont de tous les bords politiques, les Services industriels sont en train de mener une politique tournée vers l'énergie renouvelable, avec une stratégie avouée de se développer au niveau de l'hydroélectrique. Nous devons donc rendre hommage à Robert Cramer, qui agit concrètement et quotidiennement pour changer la stratégie énergétique de ce canton, et ceci est un élément primordial pour nous.

En conclusion, je voudrais adresser le message suivant à Robert Cramer. Je lui dirai, premièrement, de contrôler peut-être un peu mieux ses fonctionnaires quand ils élaborent des messages et, deuxièmement, de lire peut-être un peu mieux les messages qu'il envoie à la Confédération, puisque, c'est un scoop, on constate que la Confédération lit parfois ce que le canton de Genève lui envoie ! Enfin, je voudrais surtout l'encourager à continuer la politique qu'il mène très concrètement contre le nucléaire depuis quelques années à la tête de son département, à travers la stratégie énergétique du canton.

M. Pierre Ducrest (L). J'interviens sans doute un peu tard dans le débat, car mon propos ne porte pas sur le fond mais sur la forme. Voilà une pétition qui émane d'une association qui s'appelle ContrAtom. Elle a été renvoyée à la commission de l'énergie, qui l'a étudiée, et nous avons devant nous le résultat de ces travaux. En l'occurrence, une chose m'étonne quand même : il y a dans notre règlement un article 24... (Exclamations.) ...que, certes, on peut appliquer ou ne pas appliquer. Mais, dans le cas particulier, il y a vraiment outrance à voir l'ancien président de ContrAtom assis à la table des rapporteurs ! (Protestations.) N'y avait-il pas une autre méthode, ne pouvait-on nommer un autre rapporteur pour dire tout le bien qu'on pense de l'antinucléaire ? Mesdames et Messieurs, si, un jour, nous faisions la même chose sur nos bancs, pour un projet qui nous agréerait et dont le principal acteur serait rapporteur, vous nous le reprocheriez ! Je ne veux pas aller plus avant, Monsieur Vanek, mais je dirai que ce n'est pas logique : si vous vouliez vous étendre sur le sujet, vous pouviez le faire directement depuis votre pupitre et nous vous aurions entendu de la même manière !

M. Alberto Velasco (S). Je voudrais brièvement répondre à mon collègue Beer. Tout d'abord, je tiens à dire que ce point a été mis à l'ordre du jour de la commission sur la base d'une simple pétition munie d'une signature. Comme mes collègues, j'ai donc découvert - avec consternation, car c'était consternant - le contenu du message au Conseil fédéral quand nous avons reçu les pétitionnaires. C'est à ce moment-là que nous avons pris connaissance de la gravité de la situation. Certains commissaires ont alors voulu qu'on donne une réponse ce soir au Grand Conseil, sous la forme d'un rapport, et c'est la raison pour laquelle, Monsieur Beer, la majorité a décidé de convoquer la commission le mardi à midi. Je vous fais remarquer que c'était mardi à midi et qu'en principe, entre midi et 14 h, on ne travaille pas. Cela pour dire que la convocation a été faite dans les règles.

Par ailleurs, il est vrai que le commissaire libéral présent a proposé qu'on fasse une interpellation urgente. C'était une proposition intéressante, mais, face à la gravité des faits dont nous avions pris connaissance, il nous a semblé logique que ce parlement s'exprime par rapport à ce qui est arrivé. Car, Mesdames et Messieurs les députés, quand on lit ce document, il y a de quoi se poser des questions !

Cela dit, je pense, comme le groupe libéral, qu'il serait intéressant de poursuivre le travail sur cette pétition et qu'il y a, dans les cinq invites de la pétition, des choses à approfondir. Je proposerai donc d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat et de poursuivre les travaux en commission, en renvoyant par exemple la lettre du Conseil d'Etat à la commission de l'énergie ce soir même.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Je vois avec plaisir que tout le monde semble d'accord ce soir. Le Conseil d'Etat est d'accord avec ContrAtom, puisqu'il a écrit sa deuxième lettre avant même que le Grand Conseil le lui demande. Les députés de droite semblent d'accord aussi sur le fond, puisque les seules objections qu'ils ont émises portent sur la forme : faut-il une pétition ou une interpellation urgente ? le choix du rapporteur était-il bien judicieux ? le délai n'était-il pas trop court pour réunir la commission ? Je signale en passant que, si les députés radicaux et démocrates-chrétiens étaient absents lors de cette réunion convoquée en urgence, ils l'étaient également lors de la première réunion de la commission qui était, elle, tout à fait ordinaire !

Bref, cela me rassure de constater que nul désaccord ne se fait jour réellement sur le fond. Dès lors, il ne me semble pas utile ce soir de décortiquer chaque phrase de l'une ou l'autre lettre. Il nous suffit de constater qu'effectivement le moins qu'on puisse dire est que cette lettre prêtait à confusion, puisqu'elle a effectivement été «mal interprétée» par le Conseil fédéral. Il était donc justifié de faire cette pétition et c'est pourquoi nous serons d'accord de la renvoyer au Conseil d'Etat. Pour la suite, nous serons également partants pour rédiger une résolution, ou pour une réaction sous quelque forme que ce soit, avec les députés de la commission qui le voudront bien, mais par pitié, Monsieur Velasco, pas ce soir !

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Je vais essayer d'être bref, à la demande de M. Vaucher qui s'ennuie ! Monsieur Ducrest, ma mise en cause en tant que rapporteur, au nom de l'article 24, est absurde, vous le savez. Je suis certes proche de ContrAtom, je suis même membre de cette association, comme un certain nombre de députés dans cette salle - du reste, je vous recommande à tous d'y adhérer, car elle est d'utilité publique, on le voit bien ce soir ! J'ai effectivement été président de cette association, mais je n'ai, au sens de l'article 24, aucun intérêt personnel direct, financier ou autre, dans cette affaire... (Commentaires.) Monsieur Ducrest, en estimant que ce dont nous débattons relève des intérêts personnels, ou même des idées politiques ou des intérêts partisans des uns et des autres, vous vous trompez profondément. Preuve en est que j'ai voulu placer mon intervention tout à l'heure sous l'égide de l'article 160C de la constitution, que vous comme moi avons juré de respecter quand nous avons commencé à siéger dans cette enceinte, et c'est ce que fais ici, Monsieur Ducrest, en défendant les idées de ContrAtom qui ne demande en l'occurrence pas autre chose.

Je suis effectivement partie prenante du combat antinucléaire, même si je ne suis pas, contrairement à ce qu'a dit M. Beer, un «professionnel» de l'antinucléaire... (Commentaires et brouhaha.) Mon employeur, Monsieur Beer, a en effet des préoccupations qui dépassent la stricte cause antinucléaire. Par contre, certains dans cette salle sont, ou devraient précisément être des professionnels de l'antinucléaire : je pense à M. Robert Cramer par exemple qui, en vertu de cet article constitutionnel, se doit d'être un professionnel de l'antinucléaire, ou à M. Genoud, directeur de l'OCEN, qui est ce soir à la tribune. Et si je suis intervenu dans ce débat, c'est précisément pour dire qu'il y avait eu manque de professionnalisme dans la manière dont ces «professionnels» de l'antinucléaire avaient traité cette affaire-ci.

Maintenant, certains intervenants ont dit que tout cela aurait pu être réglé à l'amiable, que nous étions méchants d'attaquer Robert Cramer, qui est l'un des nôtres... Je crois que Robert Cramer ne demande pas de passe-droits, de privilèges ou de faveurs en tant que vieil ami ; il trouve normal d'être soumis au même degré de sévérité de la part de ContrAtom, ou des députés qui lui sont proches, que l'ont été ses prédécesseurs. Il est parfaitement normal qu'il soit passé au crible de la même critique. D'ailleurs, en rédigeant le rapport et en intervenant à ContrAtom sur cette affaire, je me suis posé la question de savoir ce que dirait ou écrirait le député Robert Cramer si c'était Philippe Joye, par hypothèse - cela a été le cas il y a quelques années - qui était assis à sa place de responsable de la politique cantonale de l'énergie. Je crois donc que quémander des faveurs au nom de l'amitié qui nous lie à Robert Cramer, les quémander pour lui qui ne les demande pas, n'est pas très judicieux et c'est même offensant.

J'en viens à la réponse «rectificative» du Conseil d'Etat. Il aurait été rafraîchissant et nouveau que le Conseil d'Etat reconnaisse franchement qu'il a fait une erreur. En l'occurrence, il ne le fait pas : il parle, dans son rectificatif, de son grand étonnement que le Conseil fédéral ait pu lire sa position ainsi, il parle de résultat «outrancier»... Bien, on ne peut pousser le Conseil d'Etat à faire plus que ce qu'il peut objectivement faire. On ne peut pas lui demander qu'il fasse son autocritique, qu'il reconnaisse qu'il a fait une «connerie», comme disait M. Brunier. Cela n'est pas dans les moeurs politiciennes et il ne le fait pas. Par contre, il corrige le tir, il reprend même le document de la consultation fédérale et remet Genève dans les bonnes parenthèses. C'est évidemment un peu tard, cela signifie qu'il n'avait pas pris le temps d'étudier points et parenthèses et que, post hoc, il corrige le tir.

Cela dit, dans cette seconde réponse, il y a des choses intéressantes, qui méritent d'être débattues et, de ce point de vue là, cette réponse devrait être renvoyée en commission. Pour ma part, je propose donc qu'on renvoie la pétition au Conseil d'Etat, en considérant en quelque sorte qu'il y a répondu par anticipation, et qu'on renvoie la réponse du Conseil d'Etat en commission, pour répondre à la préoccupation de ceux qui veulent, à juste titre, rediscuter de cette question. Encore que nous n'avons pas besoin de passer formellement par un renvoi, puisque notre règlement nous permet de nous auto-saisir d'un objet sui generis.

Je disais que le rectificatif était intéressant. On voit, par exemple, que Genève figure, tout d'un coup, dans les cantons qui sont pour une limitation de la durée d'exploitation des centrales nucléaires à quarante ans. Quant à moi, je me battrai pour que ce soit trente ans, mais c'est un pas en avant, puisqu'en commission Robert Cramer nous disait que le Conseil d'Etat n'était pas mûr pour prendre position sur une durée de vie déterminée. Il nous faut prendre acte de ce pas, en discuter et voir si nous voulons, par hypothèse, aller plus loin. C'est ce que demande la pétition de ContrAtom en parlant de trente ans.

Madame Dallèves, vous avez dit qu'il ne fallait pas «pinailler» sur le détail, décortiquer les lettres, etc. Je relèverai pourtant un dernier point qui montre la légèreté avec laquelle ce dossier a été traité. Nous sommes dans un contexte politique où nous devons être capables d'unir toutes nos forces pour la réalisation de cet objectif antinucléaire, qui est gravement menacé par un certain nombre d'initiatives politiques, par la libéralisation du marché de l'électricité, y compris à Genève, par un développement de la consommation qui fait - ceux qui suivent les affaires des Services industriels le savent bien - qu'on est saisi de demandes d'augmentation de la puissance installée dans ce canton de pratiquement 50%. C'est dire que, si nous n'affrontons pas ces questions, nous pouvons jeter à la poubelle tout ce que nous avons voté ici concernant la conception générale de l'énergie. Or, la seule base que nous ayons pour les affronter, c'est de prendre vraiment au sérieux le combat antinucléaire. Dans ce sens, quand je vois, à la page 10 de la réponse du Conseil d'Etat, que Genève est toujours parmi les cantons qui soutiennent - cela n'a pas été corrigé - un droit d'expropriation en faveur des nouvelles centrales nucléaires, conformément à l'article 50 du projet de loi, ce n'est pas du pinaillage de ma part que de le relever ! Et c'est pourquoi je dis que les gens qui ont rédigé cette réponse l'ont fait sur un coin de table, avec un degré d'investissement en termes de travail, de concentration, de motivation, qui n'était tout simplement pas à la hauteur... (Commentaires.) Non ! Ceci figure toujours dans le rectificatif, dans la seconde réponse ! Celle-ci dénote encore une légèreté certaine dans le traitement de ce dossier.

Quant à moi, je demande qu'on engage aujourd'hui, à Genève, un combat pour faire fermer Mühleberg, mais aussi Leibstadt, Beznau, Gösgen, toutes les centrales nucléaires suisses, un combat qui soit à la hauteur de l'effort politique consacré par notre République à faire fermer le surgénérateur de Creys-Malville. Nous avons su faire des remontrances énergiques à un gouvernement étranger sur ce qu'il faisait chez lui - mais, certes, pas loin de chez nous - soyons capables de faire les mêmes remontrances, avec autant d'énergie, de vigueur, d'intelligence politique, d'imagination juridique, à l'égard de notre propre gouvernement et à l'égard de Moritz Leuenberger, c'est tout ce que je demande ! (Applaudissements.)

Mme Myriam Sormanni (S). Merci à Pierre Vanek pour les propos qu'il vient de tenir ! Je voudrais dire qu'avec de la volonté on peut beaucoup. J'ai fait partie des gens qui ont occupé Kaiseraugst en 1975, j'ai vécu deux mois et demi sur le terrain, et on a gagné : Kaiseraugst n'a jamais été construit !

M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, si je devais vous faire part de mes états d'âme, ce serait bien sûr pour vous dire que je me serais bien passé de ce débat ! Mais, dans le même temps, je dois dire que ce débat - et cela a été relevé par l'un ou l'autre des intervenants - a quelque chose de réjouissant. En effet, sans remonter à dix ans en arrière comme M. Brunier, je ne pense pas qu'il y a ne serait-ce que quatre ans, que l'on aurait trouvé une telle unanimité sur ces bancs, un tel consensus pour affirmer que Genève est un canton antinucléaire. Cette évolution, à propos de laquelle M. Brunier a bien voulu me créditer de quelque mérite, est réjouissante.

Au-delà de la nécessaire polémique qui a animé ce débat - et si j'avais été sur vos bancs, je n'en aurais certainement pas fait moins que Pierre Vanek - il y a un certain nombre de faits qui peuvent être rappelés de la façon la plus sereine. Le Conseil d'Etat a répondu à une consultation sur un projet de loi fédérale sur l'énergie nucléaire, en ayant le sentiment d'avoir livré un message antinucléaire. La façon dont il a livré ce message était d'évidence maladroite, ContrAtom a eu le mérite d'être le premier à le déceler et à le dire. Comme l'écrit justement Pierre Vanek, la preuve du pudding, c'est lorsqu'on le mange : c'est alors qu'on voit s'il est bon ou mauvais ! Notre réponse était mauvaise, puisqu'elle n'a pas été comprise par l'autorité fédérale.

Je dois vous dire à cet égard qu'il n'était pas nécessaire de nous solliciter : dès l'instant où nous avons pris connaissance des résultats du dépouillement de cette consultation par l'Office fédéral de l'énergie, nous avons immédiatement rectifié le tir. En l'occurrence, nous avons pris connaissance du dépouillement exactement au moment de l'audition de ContrAtom en commission. Le texte se trouvait depuis un jour ou deux sur Internet - ContrAtom a eu la curiosité d'aller le lire - nous en avons reçu le tirage papier un ou deux jours plus tard, en Chancellerie, et nous avons immédiatement rectifié le tir, comme nous nous y étions engagés.

Cela étant, on peut dire toutes sortes de choses sur les consultations fédérales et toutes sortes de choses sur, je n'hésiterai pas à employer ce terme, la «bonne foi» avec laquelle l'administration fédérale a lu notre consultation. Selon certains, on pouvait s'attendre à ce que la lecture d'une telle consultation par l'autorité soit une lecture politique. Pour ma part, je n'ai toutefois pas le sentiment que, dans les consultations que nous sommes amenés à dépouiller à Genève, nous nous livrions à une telle lecture politique. Dans le cas particulier, si c'est peut-être en raison de notre maladresse que la réponse a été mal lue, ce n'est assurément pas en raison de notre maladresse que la pétition, munie de 45 000 signatures et qui a donc pratiquement valeur d'un référendum fédéral, n'a pas été mise en évidence lors du dépouillement de cette consultation, alors que c'était en fait l'événement majeur de ladite consultation. Au-delà des prises de position de telle ou telle association professionnelle, au-delà des prises de position de tel ou tel canton, l'événement majeur était en effet cette pétition, qui démontrait qu'il existe la capacité de réunir contre ce projet de loi le nombre de signatures nécessaires pour déposer un référendum, et cela est réjouissant mais cela n'a pas été mis en évidence.

Depuis le début de cette controverse autour de la réponse du Conseil d'Etat, j'ai évidemment prêté une attention toute particulière aux propos que j'ai pu lire ici ou là quant à la façon dont les consultations fédérales se dépouillent. C'est ainsi que tout récemment, dans la publication «Affaires publiques» du mois de septembre 2000, j'ai pu découvrir - dans un tout autre domaine, celui de la protection des données - que le préposé fédéral à la protection des données relève, dans le 7e rapport fédéral d'activité, que les avis qu'il envoie lors des procédures de consultation sont tout simplement ignorés par l'administration fédérale. Vous voyez que nous sommes en bonne compagnie !

La question se pose effectivement de savoir de quelle façon il faut répondre aux consultations fédérales ; elle mériterait d'être posée en commission, ou dans un autre contexte. Sur ce point, l'on peut avoir deux opinions. L'une, c'est qu'il faut répondre de façon extrêmement complète, fouillée et détaillée, en mobilisant des moyens importants sur ces consultations. Je tiens ici à préciser que ces consultations sont extrêmement nombreuses et qu'elles portent sur toutes sortes d'objets qui sont de grande importance. Ainsi, aujourd'hui, nous sommes consultés sur le nucléaire, mais nous sommes dans le même temps consultés sur le génie génétique, sur des nouveaux produits extrêmement toxiques que l'on se propose d'introduire en Suisse ou d'interdire... Si nous devions refaire sur chaque sujet tout le travail de l'administration fédérale, ce serait, je le crains, une tâche disproportionnée. L'autre manière de répondre aux consultations serait d'être plus sommaire et plus politique. Plutôt que d'écrire des lettres de trois pages, où peut-être la pensée se perd, il faudrait se contenter de lettres d'une demi-page portant un message extrêmement succinct et clair, et réserver à des annexes l'un ou l'autre commentaire. Pour ma part, il me semble que cette voie serait la plus praticable.

Mais, au-delà de ces réflexions sur la façon dont on répond aux consultations et sur la façon dont les réponses sont dépouillées, il ne faut pas éluder une autre question, qui a traversé notre débat et qui me paraît être essentielle. Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il répondu à cette procédure de consultation par des courriers du type de ceux dont vous avez reçu copie ? La réponse est toute simple. Aujourd'hui, sur tous les bancs du Grand Conseil et assez clairement au sein du Conseil d'Etat, nous avons à l'esprit que le canton de Genève est un canton antinucléaire, mais, encore une fois, c'est une nouveauté. Je crois qu'il y a quatre ans le Conseil d'Etat n'osait simplement pas dire qu'il était antinucléaire, c'étaient des propos qu'il n'était pas de bon ton de tenir. Si aujourd'hui ces propos peuvent être tenus sans autre, il y a en revanche un autre fait qui est certain : le canton de Genève n'est assurément pas un canton de combat dans le domaine du nucléaire. Le Conseil d'Etat est à même, dans le cadre d'une procédure de consultation, de mettre les croix dans les bonnes cases, de placer Genève, grosso modo, à côté des cantons de Bâle-Ville ou de Bâle-Campagne, ou, plus rarement, du canton de Zurich dont l'engagement dans ce domaine est moins affirmé. En revanche, le canton de Genève ne se perçoit pas aujourd'hui comme étant un canton de combat dans le domaine du nucléaire ; ce n'est à tout le moins pas la perception qu'en ont ses autorités.

Cela signifie que ceux qui entendent se mobiliser sur cet objet ne doivent pas désarmer. ContrAtom a montré le rôle qu'il pouvait jouer dans ce débat, les associations quelles qu'elles soient, mais en particulier les associations actives dans ce domaine, ne doivent pas désarmer parce qu'elles sont indispensables. Entre être antinucléaire et l'affirmer, il y a un pas, qu'elles doivent nous aider à faire.

Le Grand Conseil, lui-même, qui souhaite, semble-t-il, aller plus loin et donner à Berne des précisions que le Conseil d'Etat n'a pas estimé devoir donner, ne peut raisonnablement pas attendre - que la pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil ou qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat - ne peut pas attendre que le Conseil d'Etat aille au-delà de ce qu'il a dit. Nous avions un certain nombre de choses à dire, nous les avons dites. Elles ont été mal comprises, nous avons rectifié, mais il ne fallait pas s'attendre, et je l'avais dit très clairement en commission, que le rectificatif aille au-delà de la première réponse. Le rectificatif visait simplement à nous faire bien comprendre sur les points où nous avions été mal interprétés.

Mesdames et Messieurs les députés, si vous estimez que la réponse du Conseil d'Etat, bien qu'antinucléaire - Genève est antinucléaire, je tiens à l'affirmer clairement - n'entre pas suffisamment dans les détails, ne prend pas position assez fermement, il appartient à votre parlement de le faire savoir. Il y a un instrument pour cela : c'est la résolution qui vous permet de saisir directement l'Assemblée fédérale.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à statuer sur les deux propositions qui nous ont été faites au sujet de la pétition... Monsieur Vanek, vous avez la parole.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose, premièrement, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour donner acte aux pétitionnaires du fait qu'ils avaient raison d'agiter ce grelot, ou plutôt de sonner le tocsin ! Deuxièmement, je propose à la commission de l'énergie et des Services industriels de se mettre au travail et de rédiger une résolution supplémentaire adressée à Berne.

Le président. Je vous remercie, Monsieur Vanek, mais il y a une troisième proposition qui a été faite ce soir, c'est le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Je vais opposer les deux propositions, renvoi et dépôt.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.