Séance du
jeudi 22 juin 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
9e
session -
33e
séance
P 1158-A
La Commission de l'enseignement et de l'éducation, sous la présidence de l'auteur du présent rapport, a traité la pétition 1158 le 21 janvier 1998. M. Yves Perrin, directeur de l'Office cantonal de l'emploi (OCE) et président de la Commission de réinsertion professionnelle (CRP) représentait le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures.
Audition
Audition de M. Daniel Sormanni, président du Rassemblement de lutte contre le chômage et l'exclusion, M. Gilles Thorel, secrétaire du Rassemblement et M. Guy Jousson, membre du Comité du Rassemblement, tous trois pétitionnaires.
M. Sormanni précise que cette pétition n'a recueilli que quelques signatures. L'objectif n'était cependant pas de la faire circuler sur la voie publique vu son aspect technique. Mais compte tenu des nouvelles dispositions de la LACI, donnant la priorité à la formation, il est apparu utile aux pétitionnaires que les cours proposés aux chômeurs, que ce soit avant ou après la période d'indemnité, soient de qualité. Des problèmes sont en effet apparus dans certains domaines. L'objectif est donc de ne pas gaspiller l'argent du contribuable.
Il explique que les pétitionnaires ont estimé utile, dans ce contexte, d'évaluer, de manière professionnelle, indépendante et systématique, les cours quant à l'adéquation de leurs coûts et à la qualité de la formation.
Il signale également que de grandes institutions dispensent des cours à l'attention des chômeurs, les Cours commerciaux, les Cours industriels et l'Université ouvrière, mais aussi de petites sociétés. Un organisme est aujourd'hui chargé d'évaluer ces cours : la Commission de réinsertion professionnelle. Elle ne le fait toutefois pas pour tous les cours, en raison des moyens à disposition.
Il ajoute qu'un certain nombre de choses sont entreprises à d'autres niveaux. Certains cours sont par exemple évalués par des enseignants du DIP ou par l'OCE.
M. Sormanni constate l'existence dans certains cas d'une formation à deux vitesses. Ce qui n'est déjà pas normal. Il rappelle que les cours donnent aux chômeurs, hormis l'aspect pédagogique, du courage. L'exigence de la qualité doit cependant être respectée. Il faut que les organismes qui proposent ces cours soient agréés.
Il estime que les grands organismes de formation ne verront aucun inconvénient à être évalués. C'est par ailleurs une exigence de la loi. Et la LMMT permet cette évaluation.
Un député entrevoit deux problèmes par rapport à un cours. Le cours peut être de mauvaise qualité ou il peut s'agir d'un cours qui n'est pas adéquat pour l'élève.
M. Jousson reconnaît que les deux aspects existent. Il faut aussi prendre en compte le fait que certains cours sont demandés par des personnes, mais ils leur sont refusés. Ce qui n'enlève rien au lieu, ni aux personnes qui donnent ces cours.
Pour répondre à un député, M. Sormani explique que le canton de Vaud a mis sur pied depuis plus d'une année une antenne chargée de l'évaluation. Il y a donc visiblement un grand retard dans le canton de Genève. L'OFIAMT a d'ailleurs menacé à plusieurs reprises de couper les subventions.
Il maintient pour le surplus l'idée de l'indépendance des évaluations. Ce travail ne doit pas être effectué par l'OCE.
M. Perrin apporte quelques informations sur la manière dont l'analyse de la qualité des cours est concrètement assurée, ainsi que sur la procédure suivie.
Il évoque tout d'abord la Commission de réinsertion professionnelle. Le service d'insertion professionnelle fonctionne depuis 1994. Il s'agit du premier système mis en place dans les cantons. Sur mandat de l'OFIAMT, la structure de la LMMT a été récemment mise en place.
M. Perrin explique que la Commission de réinsertion procède à une première évaluation sur la base d'une fiche mentionnant notamment les références de l'institution, la description de l'activité de formation, les effectifs pris en charge et le curriculum vitae des formateurs. Les évaluations sont faites à partir de ces données. A ce jour, l'OCE est partenaire d'une soixantaine d'organismes. La Commission de réinsertion professionnelle émet un premier préavis. L'OCE décide ensuite.
Un député constate un décalage manifeste entre la pétition et les explications données par M. Perrin. Il se demande en particulier ce qui permet aux pétitionnaires de dire que le manque de qualité correspond à un manque d'évaluation.
M. Thorel s'interroge tout de même sur les tris effectués avant les cours. Sachant que certaines personnes sans emploi sortent de cours sans avoir appris quelque chose. Or, certains cours coûtent Frs 600.-, 800, voire 1'000.-.
M. Jousson fait état d'une série de témoignages recueillis dans le cadre de l'Association de défense des chômeurs. Ceux-ci ont souvent l'impression d'être des alibis de formation. D'où la nécessité de remettre en question l'évaluation.
Une députée estime que les remarques qui ont été formulées doivent être prises en compte. Elle s'interroge par contre sur le bien-fondé d'évaluations réalisées par le Rassemblement de lutte contre le chômage et l'exclusion au lieu qu'un organisme de l'Etat se charge de ce travail.
M. Thorel constate que les gens râlent, mais n'osent pas toujours le faire auprès de l'OCE. C'est alors son association qui assure le relai.
M. Jousson cite l'exemple d'une jeune femme qui a travaillé en qualité de caissière dans une grande chaîne de distribution avant de se retrouver au chômage. Elle souhaitait se préparer à travailler dans un jardin d'enfants. La crèche visée nécessitait cependant la connaissance de l'anglais. Les cours de perfectionnement en anglais lui ont été refusés.
Un député interroge les pétitionnaires sur la nécessité d'évaluer les institutions plutôt que les cours. Pour M. Sormani ce double aspect demeure toujours présent et devrait impérativement être pris en compte. L'institution est évaluée lorsqu'elle présente une offre de formation. Il maintient cependant que les cours, eux, ne sont pas évalués.
M. Thorel insiste sur l'indépendance de l'organe d'évaluation. Cette nécessité est dictée par le bon sens. Elle permet d'éviter tous risques de collusion, de corruption et autres.
Discussion
Face aux interrogations des députés quant aux dysfonctionnements évoqués par les pétitionnaires, M. Perrin souhaite apporter quelques précisions. Il constate tout d'abord que chacun a pour objectif d'arriver à la meilleure qualité de formation possible. Il s'étonne cependant de la procédure utilisée par le Rassemblement de lutte contre le chômage et l'exclusion.
M. Perrin évoque ensuite l'idée de l'organisme indépendant. La Confédération doit donc pouvoir effectuer des contrôles. Il rappelle par ailleurs que la Commission de réinsertion professionnelle est un organisme tripartite mis en place par le Conseil d'Etat. Et toutes les décisions d'agrément sont prises sur la base d'un préavis de la commission de réinsertion professionnelle.
M. Perrin distingue enfin deux questions de nature différente, l'évaluation de la qualité de la formation d'une part, et l'adéquation entre les formations et les besoins des chômeurs d'autre part, question qui suppose une compétence d'analyse particulière pour être résolue. L'OCE ne s'est pas donné ici toutes les compétences nécessaires. Raison pour laquelle il délègue certaines tâches et a mis sur pied des centres de diagnostic, composés de collaborateurs de l'OOFP disposant de formations adéquates.
Par ailleurs, les conseillers en placement de l'office reçoivent une nouvelle formation sanctionnée par un examen.
Un député estime que le plus gros problème à résoudre, avant la formation des chômeurs, concerne la formation des placeurs. Il cite à ce propos l'exemple d'une placeuse qui demandait uniquement à un chômeur les lettres qu'il adressait aux entreprises et lui faisait des remarques sur ses courriers. Or, ce chômeur réclamait un cours de français depuis une année sans toutefois l'obtenir.
Il est relevé que certains cours sont uniquement destinés aux chômeurs, d'autres sont mixtes, ce qui paraît mieux adapté dans le sens d'une formation continue.
Des députés se demandent dans quelle mesure les cours suivis par les chômeurs sont reconnus par les entreprises et peuvent constituer un atout dans les demandes d'emplois.
M. Perrin précise qu'il s'agit de l'espoir que suscitent de manière générale ces cours. L'objectif est d'améliorer la capacité d'emploi des chômeurs. Les cours et leur contenu sont destinés à améliorer un niveau de compétence, et à remobiliser les personnes sans emploi dans le but d'améliorer leur dynamisme personnel.
Il note pour le surplus que certains cours sont demandés par les entreprises. Il s'agit toutefois d'une catégorie minoritaire de cours. D'autres apparaissent indispensables à certaines professions, tel le traitement de texte pour le secrétariat.
M. Perrin explique que le système LMMT a été mis en place pour assurer la remise des mandats de prestations. La logistique des moyens du marché du travail est notamment chargée d'évaluer la qualité des formations, de procéder par appel d'offres et d'effectuer des évaluations.
Il rappelle que le Rassemblement de lutte contre le chômage et l'exclusion demande à ce que les cours soient évalués. L'OCE intègre déjà la notion d'institutions dans la notion de cours. Si un même cours était par exemple proposé par les Cours commerciaux et par un institut privé à but lucratif, l'agrément devrait être donné à l'institution d'utilité publique.
Une députée estime que les cours concernant plus directement la formation professionnelle pourraient entrer dans le cursus de la formation des adultes, qu'ils soient chômeurs ou non. Il n'est pas utile de disposer de deux types de formation et deux types d'évaluation. Il faut par contre distinguer ce qui relève de la formation professionnelle de ce qui a trait au développement de type personnel.
Pour sa part, M. Perrin estime aussi que la problématique de la formation des personnes sans emploi ne devrait pas être détachée de la formation des adultes.
Conclusion
Les explications détaillées données par M. Perrin et les différentes perspectives dessinées montrent une évolution positive allant dans le sens d'une meilleure évaluation, comme le demande la pétition. Ces différents éléments ont incité les députés à opter pour :
Nous vous engageons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre le préavis de la Commission de l'enseignement et de l'éducation.
En effet, la nouvelle loi sur l'assurance-chômage (LACI) privilégie l'amélioration des capacités de placement, par l'intensification de la formation (mesures actives), sous différentes formes.
L'article 59 de la LACI encourage par des prestations en espèces la reconversion, le perfectionnement et l'intégration professionnels des assurés.
La LACI prévoit également, à l'article 59a, que l'efficacité des mesures soit contrôlée et les résultats pris en compte dans la préparation et la mise en oeuvre de nouvelles mesures.
L'ordonnance (OACI) précise également, à l'article 81a, que l'autorité cantonale fournit au système d'information en matière de placement et de marché du travail (PLASTA) les données nécessaires au contrôle de l'efficacité des mesures.
Les personnes et les institutions qui organisent des mesures relatives au marché du travail fournissent des informations, participent aux mesures de contrôle et établissent une évaluation des résultats obtenus.
Les soussignés demandent:
- que tous les cours de formation donnés aux chômeurs soient régulièrement contrôlés et surveillés sur le plan de la qualité de la prestation, du nombre d'élèves par classe, de la pédagogie déployée, des qualifications des enseignants, des tests de niveaux d'entrée, ainsi que des niveaux atteints en fin de processus de formation;
- que les contrôles reposent sur des critères de qualité définis par des personnes compétentes en matière de pédagogie et d'évaluation de la formation;
- que seules les institutions répondant aux critères, obtiennent l'accréditation donnant droit de former des chômeurs et ainsi de bénéficier des financements prévus dans la LACI;
- que la mise en place de ces contrôles et évaluations soit conduite par la commission de réinsertion professionnelle (CRP), en collaboration avec la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation.
Débat
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. Je ne souhaite rien ajouter à mon rapport.
Mme Cécile Guendouz (AdG). Cette pétition, qui prolonge d'ailleurs le débat précédent et qui est à mettre en relation avec la pétition 1149 qui suivra ultérieurement, mérite mieux que d'être déposée sur le bureau du Grand Conseil. Elle demande en effet des cours de perfectionnement de qualité. Mais dans quel but ? Je me permets de poser la question. S'agit-il de réinsérer professionnellement un maximum de chômeurs ou d'une simple évaluation pédagogique des cours ? A ma connaissance, rares sont les chômeurs qui retrouvent un emploi par le biais de ces cours. Pourquoi ? Je connais mal le secteur secondaire. Je ne veux donc pas me prononcer à ce sujet. Mais dans le secteur tertiaire, ces cours se limitent à une brève introduction en informatique ou à des cours commerciaux et des cours de langues sommaires, qui ne permettent en aucun cas la réinsertion professionnelle. Il conviendrait de rechercher de nouveaux canaux de formation, adaptés au marché du travail et aux nouvelles technologies, afin de procurer de réelles reconversions - dans de nouveaux métiers par exemple - d'introduire plus de stages dans les entreprises, qui seraient financés par l'OCE, des stages qui pourraient éventuellement déboucher sur un emploi stable ou fixe si les employeurs sont satisfaits. Il faudrait aussi répondre plus souvent au désir des personnes à la recherche d'un emploi. On trouve un cas éloquent en page 3 de la pétition. Il s'agit d'une jeune fille ayant trouvé un emploi dans une crèche. Il lui fallait cependant des cours d'anglais. Elle aurait alors eu l'emploi, mais les cours ne lui ont pas été attribués par l'office cantonal de l'emploi. Elle n'a donc pas pu bénéficier de ce recyclage.
On pourrait donc souhaiter que cette pétition soit examinée sous l'angle de la qualité par rapport à l'efficacité de la réinsertion et donne lieu à une étude plus approfondie des moyens de réinsertion. Ce serait aussi une façon d'en apprécier la qualité. Pour cette raison, je verrais plus volontiers cette pétition être déposée sur le bureau de M. Lamprecht plutôt que sur le bureau du Grand Conseil.
M. Carlo Lamprecht. J'ai pris note de ces quelques propositions intéressantes que vous formulez et je les communiquerai à l'office cantonal de l'emploi. Mais je voudrais quand même vous signaler que l'on dénonce, dans la pétition, l'absence de contrôle de qualité des cours mis à la disposition des demandeurs d'emploi par l'office cantonal de l'emploi. C'est pour moi l'occasion de rappeler que cette mise en cause n'est pas fondée. Tous les cours mis à la disposition des demandeurs d'emploi sont agréés par l'office cantonal de l'emploi sur préavis de la commission de réinsertion professionnelle, la CRP. Cette commission est composée de représentants de l'office cantonal de l'emploi, du DIP, de l'UAPG et de la CGAS. La procédure d'agrément est formalisée et transparente. Tous les cours sont évalués par des experts extérieurs à l'office cantonal de l'emploi, des spécialistes de chaque domaine de formation. Toutes les évaluations sont remises à la CRP, ainsi qu'à l'office cantonal de l'emploi. La grille d'évaluation de ces cours destinés aux demandeurs d'emploi, appliquée à Genève, est la plus complète et la plus exigeante de Suisse romande. Le système genevois d'agrément des cours a été mis en place avant les dispositions fédérales en la matière. Il en remplit non seulement toutes les exigences, mais il va même au-delà. Cela ne veut cependant pas dire que tout est parfait.
Je tiendrai volontiers compte des quelques remarques que vous avez formulées. Mais une fois de plus, il faut considérer la situation telle qu'elle est et non pas prendre à partie les employés de l'office cantonal de l'emploi. Il faut savoir admettre qu'ils travaillent avec les partenaires sociaux.
Je tiendrai donc compte des propositions qui ont été faites et je veux bien admettre que l'on renvoie cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Rémy Pagani (AdG). Je regrette encore une fois de contredire M. Lamprecht. Il vient de nous expliquer qu'il n'existait pas d'école qui ne soit pas agréée par le service décrit dans ce papier. Or, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai rencontré une personne à qui un formateur a proposé des cours dans une école. Il s'avère que cette école n'est pas agréée. M. Perrin n'est même pas au courant. Le secrétaire général du département n'est même pas au courant. Ainsi, des chômeurs suivent des cours dans des écoles, qui encore aujourd'hui, ne sont pas agréées. Elles n'ont pas encore été agréées.
Je demande donc au moins à M. Lamprecht de relativiser ses affirmations péremptoires. S'il fait aujourd'hui le tour des formateurs et du service de réinsertion professionnelle, il se rendra compte que la collectivité verse de l'argent et subventionne certaines écoles qui ne sont pas agréées à ce jour.
Le président. Je rappelle que deux propositions ont été formulées. La commission vous propose tout d'abord à l'unanimité le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Mme Guendouz vous propose le renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.