Séance du
vendredi 9 juin 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
8e
session -
31e
séance
PL 8193-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : M. Pierre Ducrest
Sous la présidence de M. Pierre-Pascal Visseur, la Commission des jeux chargée d'examiner le contre-projet du Conseil d'Etat à l'initiative 110 s'est réunie à 4 reprises, soit le 20 mars 2000, les 4 et 10 avril 2000 et enfin le 15 mai 2000.
MM. Gérard Ramseyer, président du Département de justice, police et des transports DJPT, Nicolas Bolle, secrétaire adjoint du DJPT et Peter Gautschy, directeur du Service des autorisations et patentes ont assisté partiellement aux travaux de la commission.
Il faut relever que ce contre-projet n'a été présenté que tardivement par le Conseil d'Etat à la session du mois de mars ce qui a entraîné la commission à travailler dans l'urgence, la date limite pour la décision du Grand Conseil étant fixée au 16 août 2000. Ce retard de présentation est dû essentiellement à l'attente de la publication de l'ordonnance du Conseil fédéral sur la nouvelle législation fédérale en matière de jeux, les députés désirant que le texte du contre-projet ne soit pas présenté auparavant.
Préambule
Il convient de rappeler ici que le contre-projet du Conseil d'Etat sous la forme du projet de loi PL 8193 fait suite à l'initiative 110 visant à la suppression partielle du droit des pauvres.
Celle-ci, ayant suivi le cursus habituel, a été refusée par le Grand Conseil le 24 juin 1999 qui lui a opposé le principe d'un contre-projet. Pour mémoire la Commission des jeux était chargée d'élaborer le contre-projet mais a finalement demandé au Conseil d'Etat de le faire, ses services étant mieux à même d'en établir la structure. Le contre-projet avait tout d'abord été présenté par le Conseil d'Etat à la Commission des jeux sous forme d'une ébauche et, à l'occasion de la séance du 19 avril 1999, les commissaires avaient pu, par des votes successifs, orienter la forme finale que devait avoir le projet de loi.
Auditions
M. .
M. Ramseyer expose aux commissaires qu'il est conscient des éléments positifs et négatifs de la teneur de l'initiative 110 ce qui amène le Conseil d'Etat à proposer un contre-projet. Il rappelle que le canton de Genève n'est pas favorisé dans le domaine du sport et des spectacles, éléments importants de la vie économique locale. Pourtant la perte d'un revenu pour l'Etat, non négligeable, que représente le droit des pauvres est à mettre en exergue pour l'établissement de ressources compensatoires. Il conteste le fait de départs d'organisateurs de manifestations uniquement à cause du droit des pauvres. L'établissement d'un casino, qui pourrait rapporter à l'Etat des profits substantiels, est confronté aux velléités d'autres cantons romands. Il indique que le dossier « casino A ou B » est suivi avec acharnement et ne veut pas rentrer dans une polémique avec M. Heidiger au sujet de la meilleure solution à prôner pour Genève. Selon M. Ramseyer le peuple genevois n'est pas prêt à ce que l'on supprime le droit des pauvres et que, par conséquent, l'adoucissement proposé dans le contre-projet devrait suffire à rétablir la situation. Ce contre-projet est raisonnable et sérieux, il ménage tout le monde et est plus crédible que la suppression partielle voulue par les initiants. S'il y a un effort à faire dans le canton de Genève, c'est du côté des infrastructures à fournir aux organisateurs de spectacles et non pas par l'enlèvement d'une taxe.
Mme Nicole Couderey, Arthur's, Association des cabarets dancings, M. Pierre Kunz, président du Comité d'initiative, M. Miguel Stucky, directeur de Métrociné et M. Willy Wachtl, président du Groupement des cinémas genevois.
Selon les auditionnés, le contre-projet est réjouissant et affligeant. La classe politique admet qu'il y a un vrai problème représenté par le droit des pauvres qui est une entrave au développement économique et culturel du canton mais d'un autre côté les propositions du contre-projet sont ridicules et insignifiantes. Passer de 13 % à 10 % ne représente qu'un effort non perceptible par les consommateurs qui ont pris l'habitude d'aller ailleurs. La concurrence tant étrangère que du canton voisin est telle qu'une grande partie de revenus potentiels échappe aux milieux genevois et ceci à cause du droit des pauvres, spécificité désuète et bien genevoise. Cette taxe est contraire à l'équilibre concurrentiel et pénalise le marché local des spectacles sous toutes les formes. L'engagement pris par les milieux que défendent les initiants de baisser les tarifs si la taxe était supprimée est réel car la nécessité d'attirer une clientèle disparue est vitale. Les auditionnés citent le cas de Zurich où le peuple à abolit la taxe régionale par 91,4 % des votants alors que l'ensemble des partis politiques était contre. Ils maintiennent donc leur initiative et refuse le contre-projet.
Lettre de l'Association des communes genevoises
L'association ne pense pas que le fait de baisser les taux applicables au droit des pauvres reviendrait à faire réduire le prix des billets des manifestations et diminuer les montants des subventions accordées par les municipalités. Elle affirme que le droit des pauvres jouant un rôle marginal, la réduction de taxe serait utilisée afin d'améliorer les budgets des manifestations dont on sait qu'ils sont par nature toujours trop serrés.
Il y aurait lieu préalablement d'y avoir une étroite concertation entre les promoteurs d'un casino A, à savoir MM. Ramseyer et Heidiger pour définir en compensation l'augmentation du taux appliqué sur les jeux d'argent.
Lettre de la Ville de Genève
Cette lettre reçue pendant les travaux de la commission au sujet du contre-projet ne rappelle en fait que la position de la Ville de Genève relative à l'initiative 110.
Selon la Ville, la suppression partielle du droit des pauvres n'aurait pas de conséquences notables sur le prix des billets d'entrée aux manifestations culturelles concernées.
En revanche, et cela est une remarque intéressante, cette suppression pourrait éviter certaines augmentations des subventions versées aux institutions culturelles.
Tant M. Vaissade pour le domaine culturel que M. Heidiger pour le domaine sportif rappellent que les associations qui reçoivent des subventions de leurs départements sont favorables à la suppression du droit des pauvres qui grève lourdement leur budget.
Travaux de la commission
La commission n'a pas voulu refaire le débat sur le bien-fondé du droit des pauvres mais a concentré ses efforts sur le contre-projet tout en auditionnant les personnes concernées et par l'initiative et par le projet de loi 8193. Le rapporteur de majorité renvoie pour le détail à la lecture du Mémorial 33 du 24 juin 1999, page 4998, qui contient, outre l'excellent rapport très fouillé de M. Lescaze, la totalité des débats qui ont conduit au refus de l'initiative par la majorité du Grand Conseil.
Concernant le contre-projet la majorité de la commission doute, vu le côté cosmétique de son contenu qu'il passe positivement devant le peuple alors que l'initiative est claire et indique nettement les enjeux.
En effet l'abaissement de 13 % à 10 % de la taxe n'est pas un élément tangible mais fait plutôt penser à un marchandage de dernière minute pour essayer de sauver ce qui peut l'être.
D'autre part le maintien d'une taxe sur les manifestations de bienfaisance dont les charges dépasseraient les 50 % des produits montrent à l'envi ce côté lésineur du droit des pauvres et de ceux qui sont chargés de l'encaisser.
Enfin, une taxe est un impôt et le climat n'est plus à défendre cette forme de ponction si tant qu'elle accomplit un rôle social qui peut très bien trouver sa solution de manière différente et surtout plus moderne. (Rendement 1999 21 Mo brut / 19,63 Mo net).
Discussion des articles
Un commissaire propose un amendement à l'article 443 LCP bien qu'il ne fasse pas partie du projet de loi. Il s'agit de modifier la répartition des revenus du droit des pauvres qui est actuellement de 70 % à l'Hospice général et 30 % à l'Etat. L'amendement viserait à donner les 100 % du rendement à l'Hospice général.
De même il propose de mieux définir le but du droit des pauvres à l'alinéa 1 de l'article 443 LCP.
Au vote la modification de l'alinéa 1, art. 443 est rejetée par 6 non, 1 oui et 3 abstentions.
L'amendement concernant l'alinéa 2, art. 443 (modification de la répartition) est rejeté par 7 non, 1 oui, 2 abstentions.
Article 445
Suite à un courrier entre le DJPT et l'Office fédéral de la police, celui-ci propose une modification de texte de l'alinéa pour coller avec la nouvelle loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ), les ordonnances sur les maisons de jeu (OLMJ) et sur les jeux de hasard (OJH). Ce texte accepté par le DJPT et la commission devient :
Art. 445, al. 2
La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi ; soit 40 % de l'impôt fédéral perçu.
Art.445, al. 3
Celui-ci a déclenché une série de questions de plusieurs commissaires qui désiraient savoir ce qui était considéré comme activité professionnelle et à partir de quand dans ce domaine la taxe n'était pas réduite.
A la réponse à ces questions par une note pour le moins troublante voire confuse du Service des autorisations et patentes la commission a préféré voter un amendement supprimant dans le texte :
…, soit encore d'autres personnes.
(5e ligne de l'alinéa 3)
Cet amendement est accepté par 8 oui et 2 abstentions.
Art.445, al. 4
Amendement pour le rejet pur et simple d'une taxe sur les manifestations à but caritatif si le produit net n'atteint pas 50 %.
Refus de la commission par 5 non, 4 oui et 1 abstention.
Amendement pour modifier le taux de 5 % par la fixation d'un taux selon le Conseil d'Etat.
Soit le texte :
Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.
Cet amendement est accepté par 7 oui, 1 non et 2 abstentions.
L'article 445, tel qu'amendé, est accepté par 5 oui, 1 non et 4 abstentions.
Art.446
L'abrogation de cet article qui traite des entrées de faveur (taxe de 25 centimes) est acceptée par 6 oui contre 4 non.
Art. 447
Cette article qui concerne les forfaits. Certains commissaires se sont étonnés de la fourchette allant 1 à 5 % qu'il considéraient trop large. En fait la pratique habituelle se situe aux alentours de 2 % et soit à peu près entre les deux extrêmes. L'article 447 est accepté sans amendement par 5 oui, 2 non et 3 abstentions.
Vote final de la commission
Le projet de loi PL 8193 (contre-projet à l'initiative populaire 110 pour la suppression partielle du droit des pauvres) est refusé par 5 non (2 DC, 2 L, 1 R) contre 5 oui ( 1 AdG, 1 R, 3 S) .
Projet de loi(8193)
modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)(contre-projet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres ")
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :
Art. 445 Taux (nouvelle teneur)
1 Sous réserve des alinéas 2 à 4, le taux ordinaire de la taxe s'élève à 10 % de la recette brute versée par l'ensemble des clients, spectateurs, auditeurs ou autres participants. La taxe sur les loteries nationales et intercantonales, qui est perçue en sus des enjeux auprès des joueurs, s'élève également à 10 %.
2 La taxe sur le produit brut des appareils à sous servant aux jeux de hasard et des jeux de table des casinos B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu, conformément à l'article 43 de la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu, du 18 décembre 1998. Elle est fixée au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi (soit à 40 % de l'impôt fédéral).
3 La taxe est réduite à 5 % pour les spectacles ou manifestations organisés par les sociétés locales sans but lucratif, pour autant que ces spectacles ou manifestations ne comportent pas, à un titre quelconque, l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, même accessoire, soit au profit de la société elle-même, soit de ses membres, soit encore d'autres personnes. Pour bénéficier de la réduction, les sociétés doivent avoir leur siège à Genève, être constituées depuis deux ans au moins et produire des statuts qui établissent clairement qu'elles n'ont pas un but lucratif.
4 Les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont exonérés totalement de la taxe. Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée et c'est le taux réduit à 5 % qui s'applique.
Art. 446 (abrogé)
Art. 447 Forfait (nouvelle teneur)
Pour les installations foraines, ou lorsqu'il n'est pas délivré de billets d'entrée permettant un contrôle exact des recettes, la taxe peut être convertie par le Département de justice et police et des transports en une somme fixe payée par jour, par semaine ou par mois. Ce forfait est calculé sur la base de 1 à 5 % de la recette brute (TVA déduite). Les personnes physiques ou morales soumises à la taxe forfaitaire sont tenues de produire les renseignements et comptes demandés par le département.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur : M. Bernard Lescaze
Introduction
Le Grand Conseil ayant décidé, dans sa session de juin 1999, de rejeter l'initiative 110 « pour la suppression partielle du droit des pauvres » et de lui opposer un contre-projet suivant pour l'essentiel les sept propositions contenue dans la note du 26 mars 1999 du Département de justice et police et des transports, la Commission des jeux a suspendu ses travaux jusqu'au dépôt, le 1er mars 2000 du projet de loi 8193 qui sert de contre-projet à l'initiative susdite. La Commission des jeux a tenu quatre séances, les 20 mars, 3 et 10 avril et 15 mai sous les présidences respectives de Mme Elisabeth Reusse-Decrey et de M. Pierre-Pascal Visseur, députés. Le DJPT n'a été représenté aux travaux de la commission que le jour de l'audition de son chef, M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, le 4 avril 2000, par M. Nicolas Bolle, secrétaire-adjoint et M. Peter Gautschi, chef du Service des autorisations et patentes. Il convient en outre de noter qu'en suite de diverses absences, le rapporteur de majorité, désigné le 20 mars 2000, s'est retrouvé, le 15 mai 2000, rapporteur de minorité, le contre-projet amendé ayant été finalement refusé par 5 voix contre 5. Le rapporteur de minorité n'entend donc pas retracer minutieusement les débats, mais seulement en donner les principaux reflets.
Séance du 20 mars 2000
Il est rappelé que le projet de loi 8193, qui sert de contre-projet à l'initiative 110, ne contient pas d'élément nouveau par rapport aux décisions de principe prises par la Commission des jeux le 19 avril 1999 (voir rapport IN 110-C). On a attendu que la nouvelle législation fédérale sur les casinos soit précisée par une ordonnance du Conseil fédéral, ce qui est désormais chose faite.
Par ailleurs, la rédaction du projet de loi 8193 paraît peu lisible. Les opposants au droit des pauvres persistent à penser que la suppression de la taxe amènerait des activités nouvelles dont les retombées économiques et fiscales seraient supérieures au produit de ladite taxe.
La Commission des jeux vote l'entrée en matière par 9 oui ( 2 AdG, 2 DC, 1 R, 1 L, 2 S, 1 Ve) contre 2 abstentions (1 L, 1 R).
Séance du 3 avril 2000.
Le chef du DJPT, M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, commente le contre-projet. Il rappelle que, dans le domaine du sport et des spectacles, Genève n'est pas favorisée, selon lui, mais que la suppression de cette taxe entraînerait la perte de ressources importantes pour l'activité sociale de l'Etat. Au passage, le magistrat note que certaines organisations n'ont pas quitté Genève pour une question de taxe, mais bien pour une question d'infrastructures.
C'est le cas de M. D. Perroud qui paie davantage de taxe à Bâle-Ville, mais a vu son profit augmenter parce qu'il pouvait disposer dans la cité rhénane d'une infrastructure déjà mise en place. D'ailleurs, cet organisateur envisage de revenir à Genève.
Le conseiller d'Etat n'entend pas revenir sur le problème de la concession du futur casino de Genève. La Ville souhaite obtenir une concession A (grands jeux) ce qui paraît irréaliste à M. Gérard Ramseyer, qui rappelle qu'une étude de la Romande des Jeux conclut qu'un casino de type B est beaucoup plus lucratif qu'un casino de type A.
Il s'inquiète de voir la Confédération tenter d'une part d'empocher la mise des casinos alors que, d'autre part, elle s'efforce de s'approprier le bénéfice des loteries. Il réaffirme son soutien au contre-projet qui adoucit la situation de certains organisateurs, auxquels la véritable réponse à apporter consisterait à leur fournir des infrastructures plutôt que de supprimer le droit des pauvres.
Le contre-projet, à son avis, est raisonnable et sérieux. Il ménage les intérêts de chacun . Il est crédible alors que la suppression de la taxe ne l'est pas.
Pour ce qui concerne la répartition du produit de la taxe, 70 % à l'Hospice général et 30 % à l'Etat (pour ses activités sociales), le contre-projet reprend la répartition actuelle. Les commissaires obtiennent des précisions sur l'art.445 Taux dont la nouvelle teneur permet un taux réduit à 5 %, au lieu de la gratuité (cas normal) quand le produit net de la recette brute n'atteint pas le 50 % de la recette brute. On veut éviter ainsi qu'un organisateur ne mette tous ses frais annexes dans son budget et qu'il ne subsiste plus que le 10 % de sa recette brute qui revienne à une oeuvre charitable. D'ailleurs, les services officiels appliquent déjà avec souplesse la règle actuelle (dans une fourchette de 5 à 10 %) et ils pratiqueront de même entre 0 et 5 % si le contre-projet est adopté.
De même, pour l'article 447, le contre-projet diminue la fourchette de la taxe qui oscillerait entre 1 à 5 % contre 10 à 13 % actuellement. La diminution est sensible. Le droit des pauvres est, comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi 8193, supporté par le spectateur et non par l'organisateur.
Les opposants estiment qu'il est supporté par l'exploitant. Les cinémas pourraient baisser le prix des places tandis que les spectacles subventionnés verront une baisse de leurs charges pouvant entraîner une baisse des subventions. Force est de constater que les opposants n'envisagent pas une baisse du prix des places des spectacles subventionnés. Il est précisé que les sociétés sans but lucratif sont des sociétés qui ne poursuivent pas le but de réaliser un profit, mais que cela ne veut pas dire que tout le monde soit bénévole, d'où le taux réduit, voire gratuit dans certains cas.
Séance du 10 avril 2000
L'audition du président du Comité d'initiative, M. Pierre Kunz, accompagné du président du Groupement des cinémas genevois, du directeur de Métrociné et de la représentante de l'Association genevoise des cabarets dancings permet à ces derniers de confirmer qu'ils n'entendent pas retirer leur initiative au profit du contre-projet. Ils estiment que le droit des pauvres constitue « une entrave au développement économique et culturel du canton ». La baisse faible, selon eux, du taux, de 13 à 10 % n'apporte pas d'amélioration à la situation des exploitants ni à celle des consommateurs de spectacles. En réalité, les opposant font mine d'oublier que le contre-projet apporte une réponse claire à la situation des sociétés sans but lucratif qui organisent des soirées à but charitable. Ce sont ces organisateurs qui se trouvaient pénalisés et ne le seront plus avec le contre-projet. Cette situation intolérable n'existera plus. Mieux, les commerçants en spectacle se trouveront, eux aussi, avantagés.
M. Willy Wachtl confirme que les prix des billets de cinémas baisseront de 16 F à 14 F et les cartes de fidélité de 9 F à 8 F. Il ne voit pas la possibilité de prendre n'importe quel prétexte pour remonter les prix dans les mois qui suivent, à moins d'une inflation importante. Il convient cependant de nuancer ces propos si l'on se souvient que malgré une inflation presque nulle ces cinq dernières années, les prix des places ont nettement augmenté durant la même période. Certains exploitants prétendent même ne pouvoir continuer que grâce aux bénéfices de la vente de pop corn et de boissons gazeuses !
Quant à la représentation de l'Association des cabarets dancings, elle estime que la suppression partielle du droit des pauvres conduira à la baisse des prix et à la hausse des fréquentations en s'appuyant sur le fait que la manifestation qui a battu tous les records de fréquentation en 1999 est la soirée du Nouvel-An organisée par Signé 2000 sur la plaine de Plainpalais. Face à cet argument, il convient de se rappeler que ladite soirée était fortement sponsorisée et subventionnée et qu'en l'occurrence, comparaison n'est pas raison !
Plusieurs commissaires constatent que les prix des cinémas ne sont pas plus bas à Nyon qui ne connaît pas le droit des pauvres qu'à Genève.
Comme les exploitants cinématographiques ont pratiqué une politique des prix intelligente avec diversification des cartes, un commissaire s'inquiète de savoir s'ils possèdent encore de la marge. Le directeur de Métrociné, M. M. Stucky répond affirmativement, ajoutant que c'est le client qui paie la taxe et non l'exploitant. Il contredit ainsi directement les propos tenus par un député partisan de l'initiative qui estimait que c'était l'exploitant qui supportait la taxe. Cette fragilité du raisonnement économique ne peut qu'entraîner des doutes sur la validité de celui qui veut qu'à la suppression de la taxe corresponde une augmentation de l'activité économique entraînant un gain fiscal supérieur par le biais des autres impôts.
Les initiants précisent ne pas vouloir démanteler l'action sociale genevoise, mais simplement abolir une taxe. Pour eux, l'amélioration de la situation économique permet de trouver cet argent ailleurs. Comme le précisait un député favorable à leurs idées, si la situation économique se détériore à nouveau, il suffira d'augmenter les impôts (sic) ! Dans la discussion, on s'aperçoit que le fonctionnement, jugé tatillon et bureaucratique du Service de la perception du droit des pauvres entre pour une bonne part dans le voeu des initiants de le supprimer ou du moins d'en réduire fortement l'activité. En revanche l'affectation du produit de la taxe aux activités sociales ne soulève pas (heureusement) les même réserves, quand bien même certains auraient souhaité que le produit du droit des pauvres soit entièrement affecté à l'Hospice général.
Au nom du Comité d'initiative, M. Pierre Kunz « signale que les théâtres uniquement ont versé, en 1998, une somme de 2 125 000 F au droit des pauvres. Il voit que cela ferait déjà tout cela de récupéré et qu'on réduirait les subventions d'autant ».
Séance du 15 mai 2000
La Commission ayant sollicité divers avis écrits, elle constate que le Comité d'initiative pour la suppression partielle du droit des pauvres confirme par écrit sa position exprimée le 10 avril 2000. L'Association des communes genevoises déclare formellement que « les représentants des communes sont d'avis que ces mesures ne donneront lieu ni à une réduction du prix du billet des manifestations, ni à une diminution des montants des subventions accordées par les municipalités. En effet, le droit des pauvres ne jouant qu'un rôle marginal dans la formation des prix des billets, l'on peut aisément imaginer que sa réduction sera utilisée avant tout à améliorer les budgets des manifestations dont on sait qu'ils sont par nature trop serrés. » (Lettre du 12 mai 2000.)
Pour la Ville de Genève, par lettre du 15 mai 2000, le conseiller administratif André Hediger soulignait que « la suppression éventuelle du droit des pauvres n'aurait vraisemblablement pas de conséquences notables sur le prix des billets d'entrée aux manifestations culturelles. » En revanche « on peut imaginer que la Ville pourrait éviter certaines augmentations des subventions versées aux institutions culturelles concernées ». Il ajoutait que « les associations, groupements et clubs sportifs, souvent subventionnés par la Ville de Genève, qui organisent des compétitions et diverses manifestations apprécieraient particulièrement la suppression du droit des pauvres qui grève lourdement leur budget ».
Amendements proposés
Un député propose de reformuler l'art. 443 But (nouvelle teneur) afin de mieux formuler le but de la loi et de modifier la clé de répartition en vigueur. Cet amendement a la teneur suivante :
« Art. 443 But (nouvelle teneur)
1 Afin d'accorder une assistance aux personnes démunies, il est institué une taxe dite droit des pauvres, qui est prélevée auprès des organisateurs de spectacles, manifestations, fêtes, loteries, jeux de hasard et jeux de table des casinos, et calculée sur la base des recettes brutes encaissées, sous déduction des frais de perception et de contrôle.
2 Le produit de la taxe est versé à l'Hospice général, qui affecte cette recette aux personnes domiciliées à Genève qui ne bénéficient pas de revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins fondamentaux, ni de fortune. Les comptes annuels de l'Hospice général indiquent l'affectation du produit du droit des pauvres qui lui est versé. »
Le but de la modification du premier alinéa est de souligner la portée sociale du maintien partiel ou non du droit des pauvres, que les initiants maquillent en simple taxe sur les spectacles dans leurs nombreuses publicités cinématographiques dont on peut se demander si elles sont légales. Il convient que les électeurs sachent à quoi s'en tenir. Pourtant, il serait préférable de ne modifier qu'un petit nombre d'articles, selon un député, car il s'agit d'abord d'un problème de communication.
Au vote, la commission rejette la modification de l'art. 443, al.1 proposée par 6 non ( 2 L, 2 R, 2 DC) contre 1 oui (AdG) et 3 abstentions (3 S) La modification de l'art. 443, al. 2 qui prévoyait que l'ensemble du produit de la taxe aille à l'Hospice général est refusée par 7 non contre 1 oui (AdG) et 2 abstentions (1 L, 1 DC). En effet, la teneur actuelle de l'art. 443 est déjà transparente.
Titre IX Droit des pauvres
Art. 445 Taux (nouvelle teneur)
Tandis que l'al. 2 est modifié, conformément à la proposition de l'Office fédéral de la police, adressée le 31 mars 2000 au chef du DJPT afin de le rendre conforme à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les ordonnances sur les maisons de jeu (OLMJ) et sur les jeux de hasard (OJH), l'al. 3 mérite une petite explication de texte. Suivant une réponse interprétative du département, l'engagement d'artiste avec cachet pour un spectacle organisé par une société à but non lucratif, ne permet pas de bénéficier d'une taxe réduite. « En revanche, s'il s'agit de défrayer un intervenant, le cas n'entre pas dans la problématique » et la réduction de taxe peut être obtenue. Il en va de même pour un « professionnel » caché parmi les amateurs, ou pour le cas d'un électricien. Pour le DJPT, « de pratique constante, la loi a toujours été appliquée avec souplesse et discernement. Il faut entendre par activité professionnelle ou commerciale, même accessoire... principalement l'engagement d'artistes au cachet, la production de professionnels du sport, les clubs sportifs qui accordent des ponts d'or à certains de leurs joueurs ou encore l'engagement de ciné-conférenciers professionnels.» Finalement, l'al. 3 de l'art. 445 est adopté avec l'amendement suivant, biffant les mots « soit encore d'autres personnes », comme l'avait accepté un représentant du DJPT. Cet amendement autorise donc de modestes défraiements pour un technicien par exemple, par 8 oui ( (1 AdG, 1 DC, 1 L, 2 R, 3 S et 2 abstentions (1 DC, 1 L). L'al. 4 suscite une vive discussion. Les adversaires du droit des pauvres, tentent de le modifier, en invoquant le risque de mauvais temps qui peut gâcher la recette ! Les partisans s'inquiètent d'ouvrir la possibilité d'organiser de prétendues soirées de bienfaisance dans lesquelles l'essentiel de la recette brute serait mangée par les frais généraux, tente, fleurs, garde d'honneur, etc. Cette proposition est rejetée. Toutefois, afin de faire un pas dans le sens d'une plus grande souplesse un amendement est proposé:
al. 4 : ... l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.
Cet amendement est accepté par 7 oui (1 AdG 1 L, 2 R, 3 S) contre 1 non (1 L) et 2 abstentions (2 DC).
L'art. 445 amendé est accepté par 5 oui (1 AdG 1 R, 3 S) contre 1 non (1 L) et 4 abstentions (2 DC, 1 L,1 R).
Art. 445 Taux (nouvelle teneur)
1 Sous réserve des alinéas 2 à 4, le taux ordinaire de la taxe s'élève à 10 % de la recette brute versée par l'ensemble des clients, spectateurs, auditeurs ou autres participants. La taxe sur les loteries nationales et intercantonales, qui est perçue en sus des enjeux auprès des joueurs, s'élève également à 10 %.
2 La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'Ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi, soit 40 % de l'impôt fédéral perçu.
3 La taxe est réduite à 5 % pour les spectacles ou manifestations organisés par les sociétés locales sans but lucratif, pour autant que ces spectacles ou manifestations ne comportent pas, à un titre quelconque, l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, même accessoire, soit au profit de la société elle-même, soit de ses membres. Pour bénéficier de la réduction, les sociétés doivent avoir leur siège à Genève, être constituées depuis deux ans au moins et produire des statuts qui établissent clairement qu'elles n'ont pas un but lucratif.
4 Les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont exonérés totalement de la taxe. Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.
L'abrogation de l'art. 446 est acceptée par 6 oui ( 1 AdG, 2 R, 3 S) contre 4 non (2 DC, 2 L).
Art. 447 Forfait (nouvelle teneur)
Après une courte discussion où il est rappelé que le DJPT a préféré conserver l'éventail proposé, même à taux réduit, pour se doter d'une plus grande souplesse dans la pratique, mais qu'il a d'ores et déjà indiqué qu'il faudra affiner les termes de cette problématique dans le règlement d'exécution, l'art. 447 est accepté par 5 oui (1 AdG, 1 R, 3 S) contre 2 non (2 L) et 3 abstentions (2 DC, 1 S).
Puis la commission vote sur l'ensemble du projet, alors que 10 membres sur 15 sont présents. Le contre-projet est rejeté par 5 non (2DC, 2 L, 1 R) contre 5 oui (1 AdG, 3 S, 1 R).
Conclusion
Seule l'absence involontaire de plusieurs députés a permis ce vote négatif dont le rapporteur de minorité espère que le Grand Conseil ne l'admettra pas. Il faut relever que l'un des députés rejetants annonçait, quelques minutes avant le vote qu'il allait s'abstenir car, à titre personnel, il avait toujours défendu le droit des pauvres ! Ce commissaire n'avait que faire qu'on taxe les matches de football, les cinémas ou d'autres manifestations, mais trouvait aberrant qu'un certain nombre d'événements à but non lucratif soient taxés.
En réalité, les voeux de ce commissaire sont entièrement satisfaits par le contre-projet du Conseil d'Etat. Toutes les manifestations dont le produit net (et non brut) est intégralement versés à des oeuvres de bienfaisance sont totalement exonérés de la taxe. Quant aux sociétés locales sans but lucratif, elles bénéficient d'un taux réduit et peuvent affecter le produit de leurs manifestation à leurs buts sociaux. Grâce au contre-projet, les principales sources de mécontentement que pouvait susciter le droit des pauvres sont éliminées.
Personne n'a contesté l'utilité des ressources provenant du droit des pauvres affectées à des fins sociales évidentes. Les adversaires utilisent en réalité les sociétés locales et les petits clubs, les amicales et les associations sans but lucratif comme paravent pour obtenir la disparition de ce qu'ils appellent taxe sur les spectacles au profit pur et simple de certains gros exploitants. Les spectacles subventionnés ne verraient pas le prix de leurs places baisser, mais bien les subventions accordées par les pouvoirs publics, très éventuellement. Quant aux autres spectacles, seuls les cinémas et le cirque se sont engagés à répercuter l'éventuelle suppression sur le spectateur. Mais pour combien de temps ?
Il ne s'agit pas ici de faire du misérabilisme. Toutefois le droit des pauvres, collecté de longue date, n'apparaît pas foncièrement injuste. Il est nécessaire. Ses adversaires n'opposent que des arguments économiques non prouvés, non chiffrés et ne proposent pour le remplacer, si la situation économique et sociale venait à empirer, qu'une hausse d'impôts ! C'est dire qu'en réalité, ils ne poursuivent qu'un seul but, celui d'accroître les bénéfices réalisés par certains entrepreneurs en spectacles. Le contre-projet du Conseil d'Etat mériterait de s'intituler « Pour un droit des pauvres équitable ». Il supprime en effet la plupart des inconvénients et des défauts de l'actuelle perception tout en conservant la majorité des recettes. Il est plus juste, plus équitable, plus souple aussi, avec les amendements que lui a apporté la Commission des jeux, amendements souvent adoptés par ceux-là mêmes qui, en final, pour des motifs de tactique politicienne, ont refusé ce contre-projet. C'est dire que les dispositions contenues dans le contre-projet méritent de trouver un large soutien car elles tiennent compte de la réalité locale de multiples associations et non seulement du profit personnel de quelques entrepreneurs. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à soutenir le contre-projet modifié par la commission.
Tableau
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Premier débat
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Voici une année exactement, nous prenions position sur l'initiative 110 visant à supprimer partiellement le droit des pauvres. Ce jour-là, ce parlement a voulu faire un contreprojet à cette initiative voyant qu'il y avait quelques difficultés à aller contre le bien-fondé de celle-ci, car le droit des pauvres, comme tout le monde le sait, est tout à fait obsolète à notre époque.
Ce contreprojet a été rédigé par le Conseil d'Etat, à la demande de la commission des jeux, qui l'a étudié en quatre séances. On peut être pour ou contre le droit des pauvres, on peut en dire du bien ou du mal : chacun a son avis à ce sujet. Certains ont un avis basé sur l'aspect financier. D'autres, comme le rapporteur de minorité que j'ai la chance d'avoir en face de moi, ont des motivations qui reposent essentiellement sur l'aspect historique - il faut dire que c'est sa vocation.
Mais, voyez-vous, Monsieur le rapporteur de minorité, je pense que le droit des pauvres ne devrait rester à la postérité que par une plaque sur une rue de Genève : «la rue du Droit des pauvres»... Et la taxe devrait être supprimée ! Comme c'est le cas à Carouge, avec la place de l'Octroi, la rue de la Gabelle... Nous ne parlons plus de nos jours de la dîme, de la taille, du cens, du denier du culte et autres impôts vieillots. Eh bien, cela devrait être la même chose pour le droit des pauvres.
J'en viens au contenu du contreprojet. Il était évident que si certains voulaient contrer l'initiative 110, il fallait que ce contreprojet ait de l'allure, c'est-à-dire pas comme il est présenté ce soir avec une vague cosmétique : une sorte de projet mal ficelé que l'on essaye de rafistoler et qui, malheureusement, ne passera pas la rampe devant le souverain... Si le Conseil d'Etat avait voulu avantager les initiants, il n'aurait pas fait plus que d'élaborer ce contreprojet qui ne va pas assez loin, malheureusement !
Quelques exemples vont vous le prouver. Descendre une taxe qui est péjorante pour beaucoup de commerces : je pense aux cinémas, aux sociétés sportives, etc., de 13 à 10% : vous avouerez avec moi que cela n'est pas beaucoup ! D'autre part, cela revient à donner d'une main pour reprendre de l'autre. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe pour les fêtes de bienfaisance : le contreprojet du Conseil d'Etat propose d'exonérer les sociétés qui mettent sur pied ce genre de manifestations, mais, par ailleurs, il les ponctionnera de 5% si la part de leurs charges dépasse 50% des produits. Vous savez très bien, comme moi, que certaines fêtes de bienfaisance ont lieu sur la voie publique, et qu'elles sont péjorées si d'aventure la météo ne leur est pas favorable. En outre, l'Etat va maintenir le droit des pauvres qui sera prélevé à hauteur de 5%.
Tout cela est fort compliqué : il n'y a qu'à lire les deux textes - celui de l'initiative et celui du contreprojet - pour se rendre compte tout de suite que le citoyen qui devra voter l'un des deux choisira plutôt l'initiative, en raison de la plus grande clarté de son texte. Celle-ci supprime complètement le droit des pauvres dans certains cas, mais elle le maintient dans d'autres cas bien précis. Le contreprojet, lui, est un embrouillamini entre ce qui est taxable et ce qui ne l'est pas.
Je m'arrêterai là. Je vous dis simplement que je suis rapporteur de majorité, car peu de députés étaient en commission et que nous avons beaucoup discuté de petites culottes à la française pour finir par une pantalonnade ! Je demande au Grand Conseil de refuser le contreprojet.
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Il est vrai que ce rapport que je défends est celui d'une minorité, puisqu'il a été refusé par cinq voix contre cinq. En effet, il y avait des absents, mais aussi des députés qui, comme les girouettes - ou comme le vent, pour reprendre les propos d'Edgar Faure, ont changé d'avis et ont tourné avec celui-ci...
Des voix. Des noms !
M. Bernard Lescaze, rapporteur de minorité. Le rapport indique assez clairement de qui il s'agissait ! En conséquence, ce rapport s'est trouvé être un rapport de minorité. M. Ducrest semble féru d'onomastique et de nomenclature : il mentionne d'obscures rues de Carouge. Il pourrait, à mon avis, très bien prendre domicile à Morges dans l'impasse de l'Enfant prodigue : je l'y vois parfaitement ! Elle est d'ailleurs également très obscure...
Cela dit et pour être sérieux, le contreprojet présenté par le département de justice et police et des transports, à la demande du Conseil d'Etat, est un texte relativement juridique et relativement compliqué dans sa formulation, mais, en réalité, parfaitement clair dans ses objectifs. Et je pense que les citoyens sauront voir l'essentiel et non pas l'accessoire.
D'ailleurs, pour les y aider, je dépose ce soir, avec certains de mes collègues, un certain nombre d'amendements, à commencer par un amendement portant sur l'intitulé du contreprojet, qui devrait en effet s'appeler : «Pour un droit des pauvres équitable». Car c'est bien de cela dont il s'agit, de même que l'initiative s'appelle «Pour la suppression partielle du droit des pauvres».
Vous allez le voir, tout est dans le mot «partielle». Il faut se souvenir qu'à plusieurs reprises le droit des pauvres - impôt pourtant fort ancien et, chose rare, assez juste, au moins dans sa philosophie - a été contesté. Par qui ? Au départ, par des sociétés locales et des organisations de bienfaisance qui se plaignaient d'être trop lourdement taxées. Aujourd'hui, grâce à l'article 445 nouveau, ces sociétés locales, ces petites organisations de quartier ou de village - si vous n'êtes pas attaché, Monsieur Ducrest, à la démocratie de quartier, vous l'êtes certainement à la démocratie villageoise - obtiennent entière satisfaction, car la taxe n'est pas réduite de 13 à 10% - cette mesure est prévue pour les spectacles à but lucratif - mais bien de 13 à 5%, taux applicable pour les spectacles ou manifestations organisées par les sociétés locales sans but lucratif.
Et nous avons encore, à la demande de certains commissaires - qui ont pourtant ensuite retourné leur veste - précisé que cette mesure pouvait s'appliquer même si un professionnel se glissait parmi les amateurs. Mieux encore : il est maintenant clairement dit à l'alinéa 4 que les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont totalement exonérés de la taxe !
Le contreprojet, en réalité, donne satisfaction aux très nombreuses demandes de sociétés sportives, de vogues de villages, qui souhaitaient un allégement du droit des pauvres. A qui donc ne donne-t-il pas satisfaction, puisque l'initiative maintient à juste titre le droit des pauvres sur les loteries et les jeux de hasard ? Il ne donne pas satisfaction essentiellement à deux catégories : aux cinémas, qui effectivement ne verront une baisse que de 13 à 10% et aux spectacles à but lucratif comme les théâtres. Et là, on assiste à un curieux tour de prestidigitation de certains exploitants, qui, d'une part, prétendent qu'ils répercuteront sur le spectateur la baisse éventuelle du droit des pauvres mais qui, d'autre part, continuent d'augmenter, comme ils l'ont fait ces cinq ou six dernières années, le prix des billets de cinéma ! Et récemment encore, certains, qui s'imaginaient que les billets de ciné-fidélité étaient toujours à 9 F, ont eu la désagréable surprise - je le leur avais dit en commission, mais ils ne m'ont pas cru - de découvrir que ces billets étaient passés à 11 F ! Comme par hasard, vous le voyez, même avec une taxe réduite ou une taxe supprimée, l'exploitant gagnerait encore 1 F de plus.
Quant aux théâtres, on a pu faire miroiter à certaines troupes que l'économie ainsi réalisée leur serait laissée, mais les magistrats et notamment le magistrat en charge des affaires culturelles de la Ville de Genève ont bien précisé que la suppression éventuelle du droit des pauvres n'aurait vraisemblablement pas de conséquence notable sur le prix des billets d'entrée aux manifestations culturelles : façon élégante de dire qu'elle n'en aurait aucun. En revanche, continuaient M. Hediger et M. Vaissade, on peut imaginer que la Ville pourrait éviter certaines augmentations des subventions versées aux institutions culturelles concernées. En réalité donc, on le voit, les subventions de ces organisations, en tout cas à l'avenir, sont même menacées par l'acceptation éventuelle de l'initiative.
J'en viens maintenant aux conclusions dans ce premier round, car je ne doute pas que le rapporteur de l'actuelle majorité va vouloir défendre son os... Le contreprojet pour un droit des pauvres équitable remplit toutes les demandes qui avaient été faites par les sociétés locales il y a quelques années. En conséquence, il convient maintenant de bien se souvenir que le droit des pauvres est utile. Nous avons maintenu la répartition de 70% à l'Hospice général et de 30% à l'Etat de Genève. Personne ne dit que les initiants veulent aboutir à un démantèlement social : ce sont là des mots qui n'ont jamais été prononcés !
En revanche, il me paraît clair que les opposants au contreprojet ne sont pas soucieux de l'intérêt général, mais de l'intérêt d'une petite corporation particulière d'exploitants de spectacles. C'est en réalité dans la poche de ces exploitants qu'irait la différence, si on diminuait cette taxe comme ils le demandent.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Comme le rapporteur de minorité le disait tout à l'heure, faute de combattants nous n'avons pas pu gagner ce vote en commission, et j'espère que cette bévue sera réparée ce soir. Comme il l'a dit, certains députés étaient absents et d'autres ont tourné casaque...
J'en viens maintenant aux arguments des représentants du comité d'initiative qui prétendent que le droit des pauvres constitue une entrave au développement économique et culturel du canton. Cette analyse ne tient absolument pas la route pour plusieurs raisons. Tout simplement parce que le canton de Genève n'est pas le seul en Suisse à appliquer une taxe analogue. Treize cantons en Suisse l'appliquent. Par ailleurs, plusieurs pays européens, et pas des moindres, ont non seulement une taxe analogue mais une TVA qui oscille entre 15 et 25% ! Dire que les cinémas et les spectacles sont pénalisés est totalement faux ! Le prix du billet à Nyon, où pourtant cette taxe n'existe pas, est exactement le même qu'à Genève. Lorsque des spectacles de qualité sont organisés à Genève, je pense notamment à Notre-Dame de Paris, au film Titanic, les billets se vendent comme des petits pains. Cela veut dire que lorsque le spectacle est bon les gens se déplacent en masse.
Autre argument. Supercross nous avait dit qu'il avait quitté Genève en raison de la taxe du droit des pauvres, ce qui est totalement faux. En effet, il existe exactement la même taxe à Bâle. Si Supercross est parti à Bâle, c'est pour une raison de structure. Il semble du reste qu'il désire maintenant revenir à Genève.
Si on prend les chiffres 1999 par rapport au produit de la taxe et qu'on les compare à ceux de 1998, on voit que pour les cinémas le produit est descendu de 200 000 F, ce qui représente en définitive 7 692 F par cinéma, puisqu'il y a aujourd'hui à Genève vingt-six salles de cinéma, sans compter bien entendu le complexe de Balexert. Si la théorie des exploitants de salles de cinémas était juste - qui prétendent que beaucoup moins de personnes se déplacent pour aller au cinéma - alors pourquoi a-t-on construit le complexe de Balexert qui compte plusieurs salles de cinéma ? A mon avis, les promoteurs de ce complexe ont préalablement fait une étude de marché et se sont rendu compte que le cinéma se portait - heureusement - fort bien à Genève.
Actuellement le produit de la taxe s'élève à 21 millions. Si le contreprojet était adopté, il passerait à 17 millions. Par contre, si l'initiative passait, il descendrait à 9 millions... La question se pose alors de savoir où il faudra prendre la différence. Il ne faut pas oublier, Mesdames et Messieurs les députés, que 70% du produit de cette taxe sont destinés à l'Hospice général, ce qui permet de financer les activités d'aide humanitaire, de la santé publique et du bien-être social. Il ne faut pas oublier, même si la conjoncture est plus favorable aujourd'hui - fort heureusement - qu'il y a à Genève entre 15 et 20% de la population qui se trouve au seuil de la pauvreté et que ces personnes ont un besoin vital de l'Hospice général et des associations caritatives, à qui sont destinées ces rentrées fiscales.
Ce contreprojet donne donc satisfaction à l'ensemble des gens qui organisent les spectacles. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter les amendements qui vous sont proposés. En outre, Monsieur le président, je demanderai, pour que tout le monde prenne ses responsabilités, l'appel nominal pour le projet d'ensemble.
M. Chaïm Nissim (Ve). Le groupe des Verts ne fait pas partie des girouettes dont parlait le rapporteur de la minorité, il n'a pas varié tout au long des débats en commission. (L'orateur est interpellé.) Effectivement, la seule petite erreur que nous ayons commise, c'est de ne pas avoir assisté, mon copain Antonio et moi-même, à la dernière séance : celle où il y a eu le vote... Nous en sommes absolument désolés ! Mea maxima culpa ! Je bats ma coulpe...
Toujours est-il qu'en ce qui concerne le droit des pauvres nous n'avons pas varié. Nous avons toujours pensé que cet argent était utile, justement pour les pauvres de l'Hospice général qui reçoit 70% du produit de cette taxe. Alors, tant qu'on nous aura pas trouvé un autre moyen de financer l'Hospice général, nous serons évidemment favorables au contreprojet qui préserve l'essentiel. Comme mon amie Loly Bolay vient de le dire, cela nous laissera quand même des rentrées pour les pauvres de ce canton.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Les socialistes non plus n'ont pas changé d'avis, et ils maintiennent que cette initiative est trompeuse et qu'ils n'en veulent pas...
Rappelons-le, cette initiative est trompeuse parce qu'elle affirme dans son titre qu'il s'agit d'une diminution partielle du droit des pauvres, ce qui est faux ! En effet, chacun sait que la seule perception qui serait maintenue porterait sur les jeux de hasard, les loteries et les machines à sous. Or, on sait maintenant que sur ce point Berne ne nous fera aucun cadeau et se servira très largement. Il faut le dire et le répéter, cela représente une diminution très importante d'une part de moyens tant pour l'Hospice général que pour le fonds du droit des pauvres.
Les mêmes députés qui s'apprêtent à refuser ce contreprojet, et qui avaient déjà refusé l'initiative, votent pourtant d'un seul élan, la main sur le coeur, des subventions pour le Mozambique après les terribles inondations ou pour le Venezuela encore tout récemment ! Rappelez-vous pourtant que ces montants sont pris sur le fonds du droit des pauvres ! Rappelez-vous également que ce fonds permet à de nombreuses associations de faire un travail remarquable, encadrant et soutenant les plus démunis et les plus désespérés de notre canton ! Que ferez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque ces associations cesseront leurs activités faute de moyens ? Vous voterez alors probablement des crédits supplémentaires aux services sociaux officiels qui devront les prendre en charge : c'est intéressant comme calcul, mais c'est peu efficace !
On a même entendu des députés dire que cette taxe pouvait être supprimée puisque les finances de l'Etat étaient à nouveau saines - en oubliant au passage nos 10 milliards de dette - et que si les recettes venaient à nouveau à baisser il suffirait d'augmenter les impôts pour assurer la politique sociale du canton... C'est ce qui s'appelle gouverner à la petite semaine ! Il est d'ailleurs également intéressant de constater que les petites organisations, souvent conduites par des bénévoles qui organisent des fêtes, des concerts ou des ventes, ne soutiennent pas ceux qui veulent aujourd'hui supprimer cette taxe. Au contraire, ils connaissent le mot «solidarité» et ils savent à quel point ce fonds est précieux.
En fait, ce sont ceux qui brassent l'argent et qui font des bénéfices qui veulent supprimer cette taxe, histoire de faire encore un peu plus de bénéfices...
Outre le titre qui est trompeur, le message qui l'accompagne l'est aussi : nous en sommes convaincus. Les propriétaires des cinémas sont partis très clairement en guerre contre cette taxe et nous assurent que les prix des billets vont baisser... Permettez-nous d'en douter sérieusement, car nous avons déjà entendu ce genre de discours, mais les événements nous ont toujours prouvé que nous avions raison de ne pas y croire !
Voilà ce que le groupe socialiste pense de l'initiative.
Par contre, et nous l'avons déjà dit, nous sommes favorables à un contreprojet. En effet, si historiquement les Genevois sont attachés au droit des pauvres qui constitue un des outils de la politique sociale du canton, il paraît essentiel d'adapter ce prélèvement à l'évolution de notre société et à ses habitudes. Cette initiative nous en donne l'occasion, et nous la saisissons volontiers.
Le contreprojet du Conseil d'Etat intègre toutes les priorités que nous avions définies et soutenues en commission. Certes, on peut toujours encore diverger sur quelques pourcentages, mais là n'est pas l'essentiel. Le message que nous voulons transmettre en soutenant le contreprojet ce soir, c'est notre volonté de moderniser la loi sur le droit des pauvres qui en avait bien besoin en apportant quelques modifications et, également, notre volonté de réaffirmer l'importance de maintenir un outil de politique sociale de notre canton, un principe de solidarité qui fait partie de l'histoire et de l'esprit de Genève, auxquels nous sommes attachés.
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Malheureusement, je ne connais pas l'impasse de l'Enfant prodigue chez nos amis de Morges, mais dans la ville de Tours, dans le beau pays de la Loire, il y a la rue du Rapace mal repenti... C'est un peu ce que fait le Conseil d'Etat en présentant ce contreprojet ce soir !
Il suffit d'ailleurs d'entendre le rapporteur de minorité qui essaye, avec force circonvolutions, de nous expliquer les raisons de ce contreprojet ainsi que les amendements qu'il veut présenter au dernier moment, car il n'est pas sûr de son fait ! Il n'est qu'à voir la transformation de l'article 443, non prévue dans le contreprojet, et le changement de titre pour amuser les votants de ce canton : «Pour un droit des pauvres équitable»... Rien que cela démontre que le contreprojet a du plomb dans l'aile !
M. John Dupraz. Et le bonus logement, c'était quoi ? (Rires.)
M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Il est vrai que le droit des pauvres - 70% pour l'Hospice général et 30% pour l'Etat - est destiné aux oeuvres sociales. Mais nous sommes dans un Etat social, puisque nous dépensons plus de 2,6 milliards pour la politique sociale ! Mme Bolay et Mme Reusse-Decrey nous ont entonné le couplet des indigents et le refrain des démunis... Nous connaissons !
M. Albert Rodrik. Non, tu ne connais pas !
M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Dites-vous bien, Mesdames et Messieurs les députés, que l'aspect commercial est toujours le même ! Si un commerçant peut offrir à ses clients de meilleurs prix, parce qu'il a des marges plus grandes, il obtient évidemment de meilleurs rentrées, par conséquent l'Etat aussi. Il ne faut donc pas avoir peur, si l'initiative passait, pour les quelque 13 millions qui manqueraient en théorie par rapport à l'exercice 1998 ! Il n'y a aucun risque à ce sujet.
En tout cas, je trouve indécent que des gens qui font du commerce et qui emploient du personnel soient concurrencés par des exploitants qui se trouvent de l'autre côté de la frontière, laquelle fait plus de 170 km de long, je vous le rappelle...
M. John Dupraz. 104 !
M. Pierre Ducrest, rapporteur de majorité. Et je trouve encore plus indécent qu'ils soient encore pénalisés par un Etat rapace ! Il convient de remettre de l'ordre dans la maison genevoise pour pouvoir justifier une imposition égale à tous les commerçants dans un climat de concurrence équitable : il en va de la survie de ces commerçants.
M. Claude Blanc (PDC). Dans un certain sens, il est heureux que le Conseil d'Etat ait mis de longs mois à nous présenter son contreprojet, car cela nous a permis entre-temps de réfléchir à l'ensemble de la situation. Je dois dire que même ceux qui ont voté in extremis ce contreprojet ne l'ont pas reçu avec un grand enthousiasme... Il avait l'air d'un monstre mort-né !
Moi qui suis plongé jusqu'au cou dans un certain nombre d'associations à but non lucratif, je me suis demandé comment j'allais vendre ce projet à mes amis... Car il faudra bien le vendre, et le peuple devra décider ensuite, Mesdames et Messieurs les députés ! Or, pour vendre un projet au peuple, il faut avoir des arguments solides. Ce contreprojet bâtard, qui ne fait que diminuer un peu ce qui pourrait être supprimé complètement, est tout à fait invendable ! J'ai pu m'en rendre compte en essayant d'en parler autour de moi ! Je le répète, il est invendable !
On a eu droit à de grandes envolées sur l'action sociale de l'Etat et sur les moyens de la financer... Je suis tout à fait d'accord, chers collègues ! Mais l'action sociale de l'Etat se calcule par centaines de millions, si ce n'est plus d'un milliard ! Or, la différence entre l'initiative et le contreprojet, c'est seulement 8 millions de francs ! De qui se moque-t-on ? Va-t-on faire avaler au peuple un impôt antédiluvien, impôt que M. Lescaze défend avec son talent d'historien ? Je comprends bien que c'est l'un des acquis de la Genève radicale de Fazy et, pour ma part, j'ai le plus grand respect pour Fazy et pour l'action sociale qu'il a entreprise dans ce canton, contrairement à certains radicaux présents dans cette salle ! M. Segond en sera témoin, n'est-ce pas ? Moi, je dis simplement qu'il est inutile de maintenir une structure pour une différence d'encaissement de 8 millions, alors que l'action sociale de l'Etat représente plus d'un milliard et que les rentrées fiscales de l'Etat atteignent presque 5 milliards.
Quelqu'un a prétendu tout à l'heure - ce qui est faux - que j'avais dit que lorsqu'on ne pourra plus financer l'action sociale il faudrait augmenter les impôts... Les impôts, c'est presque 5 milliards, alors que votre «machin», c'est 8 millions ! Alors, arrêtez d'amuser le peuple avec ces 8 millions ! Admettez une fois pour toutes que cet impôt est complètement désuet et qu'il est injuste, parce qu'il frappe seulement les consommateurs de spectacles.
Il fut un temps où il était justifié - sur ce point Fazy et ses sbires avaient raison - car seuls les riches pouvaient aller au spectacle. Les pauvres ne connaissaient pas le théâtre, et le cinéma n'existait pas. Les pauvres n'avaient pas les moyens de se cultiver parce qu'ils n'avaient pas accès aux spectacles, qui étaient trop chers pour eux. Il était donc normal à cette époque que les riches qui pouvaient se les payer prélèvent une partie du prix de leur billet pour faire fonctionner l'Hospice général et pour alimenter l'action sociale de l'Etat. Mais tout cela est aujourd'hui dépassé ! Si cette taxe est maintenue, ce sont les pauvres qui vont subventionner les pauvres, car maintenant, tout le monde peut aller au cinéma ou au théâtre ! (Exclamations.) Cet impôt, je le répète, est complètement désuet et inutile. Par conséquent, il faut se résoudre à le laisser mourir de sa plus belle mort.
Et puis, comme le disait M. Ducrest, on pourra peut-être trouver une rue quelque part que l'on baptisera la rue du Droit des pauvres. Ce serait une bonne idée ! Pour ma part, j'avais souhaité ce contreprojet, mais je me rends compte qu'il est indéfendable. Je ne le voterai donc pas.
M. Nicolas Brunschwig (L). Nous avons des vaches sacrées dans ce canton, et il semblerait que le droit des pauvres en est une... Savoir si cette vache est utile et efficace est une question qui semble ne pas devoir être posée devant ce parlement !
La discussion d'aujourd'hui illustre les difficultés que nous avons à faire une certaine autocritique du fonctionnement de nos institutions et montre aussi que la rénovation de nos différentes taxes est fort ardue.
Mesdames et Messieurs, la suppression du droit des pauvres aurait deux répercussions directes positives : il est clair et évident qu'elle susciterait une augmentation des manifestations sportives et culturelles, pour le plaisir des habitants de la région, et qu'elle générerait par ailleurs une augmentation du revenu cantonal et des recettes fiscales ordinaires. Mesdames et Messieurs, vous qui pensez que cela n'est pas vrai, je peux vous garantir par expérience que certaines manifestations sportives ont cessé à cause du droit des pauvres, car cela représentait des prélèvements trop importants. (L'orateur est interpellé.) Monsieur Ramseyer, ne dites pas que cela n'est pas vrai ! Je peux vous dire que le tournoi de tennis professionnel qui avait lieu à Genève n'a pas eu lieu pour cette raison ! (Exclamations.) Parfaitement, pour cette raison ! Et je crois que je connais mieux ce sujet que vous, Monsieur Lescaze ! Je ne marcherai pas sur vos plates-bandes - les bibliothèques - mais ne parlez pas de ce sujet que je connais mieux que vous ! (Le président agite la cloche.)
D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, il est clair que beaucoup de manifestations sont subventionnées par les collectivités publiques. Bien évidemment, une suppression du droit des pauvres entraînerait une diminution des charges de ces manifestations et permettrait donc une diminution des subventions octroyées par les collectivités publiques.
Ces exemples montrent bien, et nous en sommes convaincus - certes, la démonstration nécessiterait quelque travail de doctorant - que les répercussions financières positives qui résulteraient de la suppression du droit des pauvres représenteraient bien davantage que les 8 millions que nous perdrions par rapport au contreprojet.
D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, la construction sociale de notre canton - qui coûte quelques milliards, comme l'a dit M. Blanc - ne dépend pas de ces 8 millions. Alors faire croire une telle chose sera peut-être bon pour le débat populaire, mais ce n'est certainement pas un argument objectif cohérent.
Nous vous rappelons aussi que l'Hospice général, qui reçoit 70% du produit du droit des pauvres, est subventionné à raison de quelques dizaines de millions - aux alentours de 80 ou 100 millions - par le canton, et nous avons d'ailleurs l'obligation constitutionnelle de couvrir le déficit de celui-ci par le biais de la subvention du canton. L'équilibre de l'Hospice général n'est donc aucunement remis en cause par la suppression du droit des pauvres !
Nous n'avons bien évidemment aucun doute sur le vote de ce parlement sachant que nous serons battus aujourd'hui, mais nous sommes beaucoup plus optimistes sur la sanction populaire qui résultera d'un vote qui aura lieu sans doute d'ici une douzaine de mois. Nous sommes convaincus que le peuple supprimera cette taxe qui est totalement archaïque et dont l'administration est lourde et totalement inefficace.
M. Roger Beer (R). Mesdames et Messieurs les députés, le débat de ce soir est extrêmement intéressant même si, effectivement, le droit des pauvres est un peu symbolique.
Nous avons entendu des arguments simplistes, populistes, qui vont dans le sens du temps : il faut payer moins d'impôts et il faut en supprimer la plupart. J'exprime l'avis d'une partie des radicaux...
Une voix. La mère Denis !
M. Roger Beer. ...et je défendrai l'excellent rapport de M. Lescaze.
M. Claude Blanc. Je te rappelle que tu es à la télévision en direct ! (Rires.)
M. Roger Beer. Mais, tout arrive !
Lorsque la proposition de supprimer le droit des pauvres a été faite, j'étais a priori d'accord. Je trouvais effectivement que c'était une bonne idée de payer moins cher pour aller au cinéma ou aller au spectacle en famille. Mais la démonstration nous a été faite qu'aucune diminution du prix des billets n'interviendra et que seule la marge bénéficiaire augmentera. De plus, toutes les discussions montrent que le contreprojet ne touche pas les manifestations bénévoles.
Monsieur Brunschwig, vous dites qu'il y aurait beaucoup plus de manifestations sportives à Genève s'il n'y avait pas le droit des pauvres. Alors, regardez le calendrier de toutes les manifestations qui ont lieu en ville de Genève et dans les communes : je vois mal comment il pourrait y en avoir davantage dans l'année ! Ce n'est vraiment pas un bon argument.
J'ai pensé que l'argument de la baisse des prix avait été avancé dans les législatures précédentes au sujet des taxis et que ces derniers nous avaient seriné pendant des années que la libéralisation entraînerait la baisse des prix... Bien évidemment, la votation populaire a été positive et favorable à «plus de taxis moins chers». Pourtant, deux ans après, les mêmes taxis étaient là, dans la salle des Pas Perdus, en train de pleurer pour qu'on remette la loi en vigueur... Je pense que ce sera exactement la même chose pour les cinémas, et c'est ce qui m'a fait changer d'avis.
Je ne suis évidemment pas persuadé que le contreprojet est excellent. On parle de 17 ou de 21 millions... Mais le problème, c'est qu'on ne peut pas dire que cela ne vaut pas la peine d'en parler, parce qu'il s'agit de 17 millions et que par rapport aux 80 ou 100 millions alloués à l'Hospice général ce n'est rien du tout. Notre société doit aussi faire des gestes symboliques dans le sens du partage. Le fait qu'une part du prix du billet serve à des personnes dans le besoin lorsqu'on va voir un spectacle est un geste symbolique excellent.
Monsieur Ducrest, Monsieur Blanc, je suis persuadé que la politique ne consiste pas seulement à dire ce que les gens ont envie d'entendre. Le droit des pauvres en est la démonstration. Je sais pertinemment qu'au café du Commerce - à la place du Marché - que vous connaissez bien, il sera plus facile de dire qu'il faut supprimer le droit des pauvres pour pouvoir garder le cinéma tout proche. Comment s'appelle le cinéma qui se trouve à la place du Marché déjà ? (Exclamations.) Mais ce n'est pas de ce discours dont il s'agit !
Le contreprojet proposé par le Conseil d'Etat est tout à fait réaliste et permettra de réactualiser et de moderniser une taxe destinée à la redistribution des richesses. Il semble que le vote de ce soir est acquis, mais je suis persuadé que le peuple votera autrement - malheureusement. Alors, il faudra bien trouver d'autres solutions ! Mais il nous reste quelques mois encore pour convaincre la population. Ce sera difficile. Il est évidemment plus facile...
M. Nicolas Brunschwig. Les taxis !
M. Roger Beer. Justement, Monsieur Brunschwig, l'exemple des taxis est excellent ! En effet, les taxis nous ont fait aller dans le sens qu'ils voulaient, et maintenant ils pleurent. Et cela, nous le rappellerons à la population !
M. Rémy Pagani (AdG). Je suis scandalisé par vos propos, Monsieur Ducrest ! Vous avez en effet employé les termes : «couplet des indigents et refrain des démunis»...
Monsieur Ducrest, on voit que vous n'allez pas souvent faire vos commissions dans les rues de nos quartiers ! J'imagine que vous faites faire ces tâches à votre personnel de maison en lui glissant une petite pièce, comme cela doit être le cas d'ailleurs pour la majorité des députés d'en face... Mais malheureusement, les pauvres, ça existe ! Les gens qui n'ont pas suffisamment d'argent pour aller au cinéma sont malheureusement de plus en plus nombreux, et j'ai bien l'impression que vous n'en avez jamais rencontré. Quand on a un chômeur en face de soi qui ne dispose que de 1 500 F pour nourrir sa famille, on se rend compte de la réalité ! Il est aberrant et indécent de tenir de tels propos dans cette enceinte. Ces propos ne représentent pas la majorité de la population !
Les libéraux nous serinent à longueur d'année qu'il faut soutenir les véritables pauvres... Ils procèdent à une véritable déconstruction du système social, et, quand on parle des véritables pauvres, ils disent qu'il n'est plus nécessaire de soutenir un impôt qui vise effectivement intrinsèquement à faire prendre conscience aux riches de ce pays qu'il y a des pauvres et qu'il faut faire en sorte qu'il y en ait de moins en moins ! Nous, nous aimerions ne plus en voir dans nos rues, mais il y en a, sans parler de tous ceux que l'on ne voit pas - je veux parler de ceux qui se terrent dans des appartements et qui se nourrissent de pommes de terre et de pâtes.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est ça la réalité sociale dans laquelle votre système néolibéral que vous défendez nous a plongés. (Exclamations.)
M. Nicolas Brunschwig. Pagani, c'est toujours le même discours !
M. Rémy Pagani. Non, ce n'est pas toujours le même discours ! (Exclamations.) C'est la réalité sociale dans laquelle nous nous trouvons ! C'est le processus dans lequel vous nous entraînez en voulant supprimer toutes les taxes !
Vous nous dites aujourd'hui que cet impôt ne couvre qu'une toute petite partie du coût de la politique sociale de notre collectivité - ce qui est vrai - mais demain vous serez les premiers à dire qu'il faut encore vider les caisses de l'Etat, car il y a trop de gens subventionnés dans notre canton ! (Exclamations.) Lorsqu'un certain nombre de personnes ont ce privilège - aller au Grand Théâtre ou tout simplement voir un spectacle ; c'est malheureusement redevenu un privilège aujourd'hui - nous estimons qu'ils doivent participer à l'effort commun pour aider les plus défavorisés d'entre nous.
J'espère que pendant la campagne les concitoyens s'en rendront compte et maintiendront cet impôt qui, à mon sens, est malheureusement redevenu très moderne et très actuel. (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Il s'agit en réalité d'une taxe neutre et d'un impôt qui n'est certainement pas aussi désuet que d'aucuns veulent bien le croire.
L'un des opposants, libéral...
M. Bernard Annen. Encore moi ! (Rires.)
M. Bernard Lescaze, rapporteur de minorité. ...parle de la multiplication des pains et voit dans la suppression du droit des pauvres l'annonce d'une ère où le miel et le lait couleraient - puisqu'il emploie également des références sacrées... Malheureusement, il n'est même pas d'accord avec certains des partisans de l'initiative sur qui paye actuellement cette taxe ! En effet, M. Nicolas Brunschwig n'a cessé de nous dire tout au long des débats que c'était l'exploitant qui supportait la taxe sur le billet, alors que le patron de Métro-ciné - qui doit aussi s'y entendre en matière de cinéma - a bel et bien dit que c'était le client.
Je constate d'ailleurs que les paradoxes sont également valables pour M. Ducrest qui nous a fait, alors que je croyais que son parti était favorable aux bilatérales, une démonstration de «petit nationalisme de clocher» au sujet des cinémas de part et d'autre de la frontière. Cela prouve surtout que M. Ducrest n'est jamais allé au cinéma dans le nouveau centre situé de l'autre côté de la frontière, car il aurait constaté que ce qui en fait le succès c'est le fait que les salles sont propres, qu'on n'y trouve pas de rats comme dans certaines salles du centre-ville et que les écrans et les sièges sont modernes. Le succès des nouveaux complexes multisalles à Genève peut s'expliquer également par le fait que les salles sont modernes. En tout cas, il y a deux façons désormais d'aller au cinéma, mais ce n'est pas le droit des pauvres qui fait la différence.
Avec M. Blanc, nous avons atteint les sommets de l'incohérence, mais il est vrai qu'il nous y a souvent habitués... En effet, il vante l'importance du budget social et essaye de dire que les 8 millions de différence ne représentent rien. J'ai alors envie de demander à ce modeste député pourquoi il y tient tant et pourquoi il se bat tellement pour que ces 8 millions aillent dans la poche des exploitants s'ils ne servent à rien ! En réalité, et vous le savez bien, le produit du droit des pauvres est extrêmement utile et important pour de très nombreuses associations qui reçoivent des subventions pour des projets sociaux n'émargeant pas aux grands budgets du département de l'action sociale et de la santé, comme l'aide à la vieillesse ou les assurances sociales, par exemple. En fait, il s'agit de petits budgets qui ne sont pas capitaux mais vitaux pour les sociétés et les organisations qui les reçoivent.
Et je suis d'autant plus surpris de la position du parti démocrate-chrétien qu'à plusieurs reprises ses représentants - notamment M. Marti - ont plaidé pour le vote de projets de lois en faveur d'associations très utiles, nécessaires, comme par exemple la Corolle et tant d'autres dont on pourrait égrener la liste et qui émargent précisément au droit des pauvres. Alors, il faudrait savoir ! Et la réponse simpliste consistant à dire qu'il suffira, si ces associations en ont besoin, d'augmenter les impôts, comme cela figure dans les notes de séance du lundi 15 mai - notes qui n'ont jamais été démenties - est parfaitement déplaisante et parfaitement insuffisante de la part de ceux qui, précisément, souhaitent que ces impôts soient baissés.
Les amendements qui vous sont proposés ne sont pas un subterfuge, parce que nous ne serions pas sûrs de notre affaire. Ce sont des amendements dont le but - notamment pour le titre - est justement de clarifier les choses. M. Ducrest est le premier à le savoir, la majorité de la population - et tant mieux pour elle - n'a pas fait de longues études de droit, et elle a besoin d'avoir des précisions. Vous-même, je crois, Monsieur Ducrest, souhaitiez que le titre de certains projets de lois ou de certaines initiatives soient davantage conformes à leur véritable contenu, et je suis heureux qu'aujourd'hui vous n'ayez pas critiqué le titre. En effet, le contreprojet du Conseil d'Etat est effectivement une modernisation du droit des pauvres qui rend ce dernier équitable. C'est-à-dire que la pleine taxe est maintenue pour les jeux de hasard, pour les jeux d'argent et pour les spectacles à but lucratif. Pour tous les autres, il y a d'importantes diminutions qui vont, pour les spectacles, les galas de bienfaisance, jusqu'à l'abolition complète de la taxe. Je le répète, la modernisation est indiscutable.
D'autre part, sur le fond du contreprojet - nous l'avions déjà décidé l'année passée, le Conseil d'Etat a scrupuleusement suivi les demandes qui avaient été faites par la commission des jeux et que vous retrouvez dans le texte de l'initiative 110, rapport C, qui avait été déposé le 7 juin 1999.
En conséquence, de ce point de vue là, il n'y a rien de nouveau et, d'ailleurs, les opposants n'ont pas non plus varié dans leurs attaques : elles sont de nature purement économiques. Mais, jamais à aucun moment - et c'est pourquoi je parle du miracle de la multiplication des pains - le moindre chiffre n'a été apporté tendant à prouver qu'une abolition complète de cette taxe augmenterait davantage les bénéfices des exploitants de cinémas.
M. John Dupraz (R). Je suis un peu abasourdi par ce débat, notamment lorsque M. Brunschwig fait des comparaisons de compétitivité d'entreprise : cette taxe empêcherait certains commerces de se développer ou de se développer à Genève.
Monsieur Brunschwig, vous qui êtes un distingué commerçant - et très compétent - vous n'avez certainement pas le magasin le meilleur marché de la place, mais vous avez pourtant des clients... C'est parce que vous correspondez à la demande d'une certaine clientèle. Nous savons très bien qu'en France voisine vous pouvez trouver de nombreux articles dans différents domaines qui sont bien meilleur marché que chez nous. Et pourtant le commerce de détail continue à se développer chez nous et de grands centres se construisent comme Signy, La Praille, où les chalands viennent s'approvisionner. Alors, il est faux de prétendre que le droit des pauvres est obsolète, désuet et inadapté à notre époque ! M. Blanc, qui, je dois le dire, m'a un peu étonné, car il est habituellement un peu plus large d'esprit, fait des comptes de «petit comptable» !
En ce qui me concerne, j'aime le concept de cette taxe du droit des pauvres. J'aime penser qu'à chaque fois que je m'offre un moment de plaisir je paye quelque chose pour les démunis. C'est ça le sens du partage. Or, je constate que certains esprits, dans ce Grand Conseil, ne sont plus capables de raisonner autrement qu'en vertu du profit immédiat : sans coeur et sans esprit de partage ! (Applaudissements.) Cela me déçoit profondément, mais c'est un signe du temps... Vous pouvez sourire, Monsieur Brunschwig : c'est un signe du temps !
On le voit très bien : les règles de l'OMC, c'est exactement cela ! On peut le voir dans la bagarre qui commence à propos des taxes sur les énergies non renouvelables et dans laquelle les milieux économiques font une campagne mensongère, totalitaire et scandaleuse, avec l'argent qu'ils prélèvent chez leurs membres. Il n'y a plus que le profit immédiat qui compte, au détriment de toute considération sociale et de toute vision de société à moyen et long terme !
Mesdames et Messieurs, les radicaux se préoccupent de l'avenir... (Exclamations.) Ils ont le sens des responsabilités... (L'orateur est interpellé par M. Annen.) Annen - je te l'ai déjà dit - tu n'es pas obligé de faire hi-han à chaque fois que je dis quelque chose ! (Rires.) J'insiste, lorsqu'on s'offre quelques instants de plaisir, il me semble que c'est une bonne chose de partager avec les plus démunis : c'est un état d'esprit. J'ai reçu une éducation allant dans ce sens, j'ai essayé de la transmettre à mes enfants et j'essaye d'être conforme à l'éducation que j'ai reçue dans mon action politique, contrairement à certains catholiques démocrates-chrétiens ! (Rires et applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Albert Rodrik (S). Je vais essayer d'être la face sobre du débat...
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, pour la troisième fois en trois ans, je vais répéter que cette initiative, en grande partie mensongère, est une chance unique de réformer une taxe qui n'attendait que cela depuis longtemps. J'espère vivement que nous n'allons pas rater le coche et que nous tenons cette fois la bonne occasion de la rénover pour pouvoir la garder longtemps.
Mesdames et Messieurs, je trouve parfaitement cynique de tirer argument du fait que le peuple a tendance à se montrer négatif sur certains sujets pour se délester et abandonner... Même si c'est vrai que le peuple de Genève, depuis le 16 février 1992, n'a accepté aucune initiative de nature fiscale, il est de notre devoir de nous battre pour préserver ces ressources qui sont nécessaires. Je ne savais pas que 8 millions étaient «cacahuètes» pour le parti démocrate-chrétien : on les mettra pour le Cartel, cela leur fera peut-être plaisir !
Je reviens maintenant à mon propos. Mesdames et Messieurs, nous avons enfin abouti à une modernisation de ce droit, alors j'espère que nous irons de l'avant.
Je voulais vous dire deux mots du tableau que le Bureau a eu l'obligeance de nous remettre. Il se présente comme des amendements, mais ce sont en réalité des modifications de texte très largement adoptées en commission, même par ceux qui ont voté contre en finale. Nous n'avons présenté qu'un seul et vrai amendement et celui-là, avec votre permission, Monsieur le président, nous l'exposerons en deuxième débat.
Je le répète, Mesdames et Messieurs, quelles que soient les tendances du peuple, nous devons défendre ce que nous considérons comme un acquis important pour une cause importante. La modernisation de cette taxe est une occasion unique que, j'espère, nous ne raterons pas !
Le président. Monsieur Marti, vous avez la parole !
M. Bernard Annen. Défends notre église, Pierre ! (Rires.)
M. Pierre Marti (PDC). Je suis quelque peu navré de la tournure de cette discussion, dans laquelle on tente de culpabiliser tout le monde... Il y a une certaine démagogie qui est faite à propos du sens du partage... Pourriez-vous me dire, Mesdames et Messieurs, si vous pensez vraiment que vous êtes en train de partager avec les pauvres, lorsque vous allez au cinéma ou au théâtre ?
M. John Dupraz. Oui, Monsieur ! (Rires et exclamations.) (Le président agite la cloche.)
M. Pierre Marti. Très franchement, Monsieur Dupraz, moi je vous aime beaucoup, mais une telle démagogie, c'est honteux !
M. John Dupraz. C'est pas très chrétien, tes propos !
M. Pierre Marti. Je sais que ce n'est pas chrétien, mais parfois il y a des choses qu'il faut dire !
Le président. Monsieur Marti, vous vous adressez à l'assemblée et à la présidence ! S'il vous plaît !
M. John Dupraz. Sinon le président, il va te convoquer ! (Rires.)
M. Pierre Marti. Monsieur le président, il y a quelques années, on a certainement dû oublier qu'il fallait se donner une bonne conscience et avoir le sens du partage au moment où la taxe de luxe a été abolie. Je le rappelle aux plus jeunes... Moi, j'ai connu cette époque, puisque j'ai plus de 60 ans... (Exclamations.) On payait donc une taxe de luxe sur un certain nombre de produits : alcools, parfums, etc. Et pourtant, cette taxe a été abolie...
Cette initiative nous permet de réformer, de moderniser, comme le dit M. Rodrik, le problème de la fiscalité, ce qui est une bonne chose, car cette taxe des pauvres est à mon avis tout à fait surannée. Mais le contreprojet qui nous a été présenté était tellement peu clair que nous ne savions plus où nous en étions. Nous avons posé de nombreuses questions et M. le rapporteur de minorité a également posé plusieurs questions. Malheureusement personne n'a compris les réponses apportées. Vous en serez d'accord, Monsieur le rapporteur !
Une voix. Il a quand même fait un bon rapport !
M. Pierre Marti. C'est vrai, il a quand même fait un rapport qui se tient, malgré les réponses très fumeuses ! Ce contreprojet, comme les discussions l'ont été en commission, est si confus qu'il nécessite de nombreux amendements. On ne peut malheureusement pas renvoyer ce projet en commission, en raison des délais qu'il faut respecter.
Il faut tout de même rappeler que les propriétaires de salles de cinémas, se sont engagés clairement à baisser le prix des billets, même s'il est vrai qu'ils ont dit que c'était les clients qui payaient le droit des pauvres. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de cet engagement ! (Exclamations.)
Si nous voulons véritablement aller de l'avant et si nous voulons avoir une taxe qui soit la plus sociale possible et proportionnelle au revenu et à la fortune, ce n'est que dans la fiscalité générale que nous trouverons la solution !
M. Albert Rodrik. On s'en souviendra ! (Le président agite la cloche.)
Mme Myriam Sormanni (S). Après avoir diminué les recettes fiscales - rappelez-vous la votation de septembre 1999 - voilà maintenant qu'une certaine droite veut encore diminuer des recettes fiscales ! Et puisque, comme le disait M. Brunschwig, le canton doit couvrir le déficit de l'Hospice général, il devra couvrir ce déficit de 8 millions.
Le droit à l'assistance est un droit pour qui en a besoin. Voulons-nous continuer à avoir une société où le fossé se creuse entre les pauvres toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches ? Moi j'en appelle à votre conscience, et je vous demande de réfléchir à cela.
J'aimerais poser une autre question à ceux qui sont dans les milieux immobiliers : seriez-vous prêts à baisser les prix des loyers pour les gens qui ont des difficultés et qui n'arrivent pas à s'en sortir ? Les baisseriez-vous, par exemple, de 30, 40, voire 50% ? Feriez-vous cet effort ?
M. Nicolas Brunschwig (L). Je vais répondre à quelques-unes des objections qui ont été faites dans cette enceinte, en particulier par M. Rodrik et par Mme Sormanni, qui finalement se rejoignent, si j'ai bien compris.
L'objectif de ce parlement est-il de maximiser les recettes fiscales globales, auquel cas nous sommes très largement d'accord de partager cet objectif avec vous, ou bien est-il de multiplier le nombre de taxes, auquel cas nous ne pouvons pas vous suivre ? Nous sommes convaincus que ce qui est important pour ce canton c'est d'avoir des recettes importantes, massives. Or, la diminution du nombre de taxes ainsi que l'abaissement des taux, comme nous avons pu le constater déjà cette année, amènent des augmentations de recettes fiscales. Ceci est vrai non seulement à Genève, mais dans tous les cantons de Suisse et dans tous les pays qui en ont fait l'expérience. Citez-moi un seul contre exemple, si vous le pouvez !
Monsieur Dupraz... Il n'est plus là, mais on lui rapportera... (Exclamations.) Ah, il est là ! Il est déjà presque au Conseil d'Etat, mais il devra patienter encore quelques mois ! Monsieur Dupraz, vous êtes sans nul doute le champion suisse du contingent laitier... Ce soir, vous nous avez montré que vous êtes sans doute le champion du monde de la démagogie !
M. John Dupraz. Ça, j'accepte pas, c'est mes convictions !
Le président. Monsieur Dupraz, regagnez votre place, s'il vous plaît !
M. Nicolas Brunschwig. Monsieur le président, je ne comprends pas ce député qui joue l'électron libre !
M. John Dupraz. T'as un tiroir-caisse à la place de la cervelle ! (Rires.)
M. Nicolas Brunschwig. En tout cas, en ce qui concerne vos qualités en termes de stratégie commerciale, j'exprime quelques doutes sur votre comparaison entre les commerçants, qui d'ailleurs ne prélèvent pas de droit des pauvres, et les organisateurs de manifestations !
Mais venons-en à l'essentiel qui a été exprimé par M. Lescaze : la fixation des prix ! Par qui les prix sont-ils fixés ? Bien évidemment par l'exploitant, en fonction du produit qu'il offre, en fonction du marché, en fonction de la concurrence. Alors, si en théorie le droit des pauvres est payé par le consommateur, comme la TVA d'ailleurs, la réalité est toute différente, car l'exploitant fixe le prix de son billet en fonction de la compétition et des possibilités du marché.
Je vais vous donner un exemple concret pour vous aider à comprendre. Lorsque la TVA est passée de 6,5% à 7,5% - c'était, sauf erreur, le 1er janvier 1999 - selon votre théorie, tous les prix auraient dû augmenter de 1%, vu que c'est le consommateur qui l'assume, et l'ensemble des distributeurs aurait donc dû augmenter leurs prix de 1%. Or, nous avons pu constater que très peu de prix ont évolué, justement parce que la compétition et la concurrence ne permettaient pas aux distributeurs d'augmenter leurs prix. Cette théorie ne se vérifie donc pas dans la pratique. Bien évidemment, les prix sont fixés en fonction des conditions du marché et non pas en fonction des différentes taxes qui existent. La taxe ne fait qu'enlever une partie de la marge à l'exploitant.
Mesdames et Messieurs les députés, Genève se doit d'organiser de nombreuses manifestations. Nous sommes un lieu d'excellence en terme culturel : nous avons des manifestations de qualité très largement subventionnées d'ailleurs, comme je l'ai évoqué, ce qui est sans doute légitime.
Le problème des organisateurs de manifestations est de deux sortes. Tout d'abord le coût des installations : vous savez qu'à Genève le coût des installations, en particulier lorsque cela se fait dans le cadre de Palexpo, est excessivement cher. Le coût de la place est très élevé, ce qui est dissuasif pour les organisateurs. Le deuxième problème est le droit des pauvres qui péjore financièrement les comptes d'exploitation qui sont presque déficitaires par définition dans ce genre d'organisation. Ce sont ces quelques centaines de milliers de francs ou quelques dizaines de milliers de francs qui manquent dans les comptes d'exploitation qui font que ces derniers se retrouvent dans les chiffres rouges.
De plus, le droit des pauvres alourdit incroyablement les démarches à effectuer pour les organisateurs de manifestation. Tous ceux qui ont organisé des kermesses ou autres manifestations le savent bien. Il faut aller discuter, dialoguer, négocier, expliquer quelle partie du prix correspond à la manifestation, quelle partie du prix correspond à la restauration, etc. Tout cela est très lourd et très compliqué. Les aspects financiers négatifs ainsi que les démarches administratives que cette taxe du droit des pauvres implique sont tout à fait dissuasifs et défavorisent le canton de Genève. Nous sommes convaincus, je le répète, que la suppression du droit des pauvres amènera davantage de manifestations, une augmentation du revenu cantonal et des recettes globales plus importantes.
Mais nous ne pouvons malheureusement que constater que la majorité de ce parlement ne nous suit pas sur ce raisonnement.
M. Claude Blanc (PDC). M. Dupraz m'a traité tout à l'heure de populiste... (Exclamations.) Alors, Mesdames et Messieurs les députés, que dire de lui ? (Rires.) Dupraz, lui, il n'est pas seulement populiste, il est démagogique à un point - tout le monde le sait dans ce Grand Conseil - qu'il a tenté de séduire toutes les tendances de ce parlement en espérant récolter des voix - ce qui lui a réussi jusqu'à présent, d'ailleurs, et ce qui lui réussira probablement encore... Mais il devrait commencer par se regarder dans la glace avant de taxer les autres de populistes !
Moi, Monsieur Dupraz, mon populisme me conduit à mouiller ma chemise dans des associations qui, semaine après semaine, se crèvent la peau - si vous me passez l'expression - pour organiser des manifestations de petite envergure ! Tous les lundis - parce que le droit des pauvres ne se contente pas d'encaisser : ses méthodes sont inquisitoriales - il faut qu'une personne bénévole d'une de ces sociétés se rende au droit des pauvres pour apporter les comptes du week-end. Lorsqu'un match est organisé, qui vous rapporte 500 F, il faut apporter les billets le lundi matin au droit des pauvres. C'est comme cela que cela fonctionne ! Alors, les populistes, Monsieur Dupraz, ce sont ceux qui mouillent leur chemise et qui se sentent pressés et persécutés, car, s'ils oublient de se rendre au droit des pauvres un lundi, on leur rappelle que la loi les y oblige. Alors, comprenez que nous en avons assez de faire ce genre de démarches ! Et tous les gens qui comme moi mouillent leur chemise, dimanche après dimanche, en ont marre ! Alors, Monsieur Dupraz, vous irez expliquer à ces personnes ce que vous nous avez dit ce soir !
J'en reviens à l'assistance publique d'une manière générale, car c'est de cela qu'il s'agit. J'ai la constitution sous les yeux qui dit, à son titre 13, à l'article 169 : «Les organismes chargés de l'assistance publique sont : a) l'Hospice général, institution genevoise d'action sociale, b) les autres organismes publics ou privés auxquels la loi attribue de telles tâches.» De nombreux organismes, en commençant par Caritas, le Centre social protestant, etc., ont donc le droit d'émarger au budget de l'Etat, en vertu de l'article 170A de la constitution qui dit : «Le déficit des organismes chargés de l'assistance publique - ceux que je viens de citer - est couvert par un crédit porté chaque année au budget de l'Etat.» Il n'est donc nullement question du droit des pauvres ici !
Le droit des pauvres, c'est en quelque sorte une roue de secours, un appoint supplémentaire ! Mais c'est un appoint supplémentaire qui est devenu dérisoire par rapport aux tracas qu'il occasionne à tous ceux qui sont obligés de le prélever ! Alors, pour 8 millions que vous mettez dans les 5 milliards que l'Etat encaisse chaque année, pour ces 8 millions, vous emmerdez le monde, Mesdames et Messieurs, dimanche après dimanche ! Le droit des pauvres nous oblige à faire des décomptes fastidieux... (Le président agite la cloche.) ...pour verser des clopinettes chaque semaine ! Il faut arrêter ce cirque ! Il faut cesser de se donner bonne conscience par rapport aux plus démunis ! Ce n'est pas vrai ! C'est la constitution qui fixe la source de l'aide aux plus démunis ! Et le droit des pauvres, c'est des cacahuètes ! Et je remercie M. Rodrik de ne pas avoir parlé de peanuts !
M. Olivier Vaucher. Je suis d'accord avec toi !
Le président. Je donne encore la parole aux deux rapporteurs et nous passerons ensuite au vote. Je vous donne la parole, Monsieur le rapporteur de majorité.
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Monsieur Lescaze, je ne vous ferai pas le cinéma que vous nous avez fait tout à l'heure de façon fort hollywoodienne en parlant de la modernisation due à ce contreprojet... Voulez-vous me dire en quoi ce contreprojet modernise la taxe du droit des pauvres ? On passe du coucou à l'avion à hélice ! On passe de la draisienne au grand bi ! Si l'on était passé au vélo de M. Annen, alors là on aurait pu parler de modernisation ! Malheureusement, ce n'est pas le cas ! J'ai un texte sous les yeux qui dit notamment : «L'engagement pris par les milieux que défendent les initiants de baisser les tarifs, si la taxe était supprimée, est réel, car la nécessité d'attirer une clientèle disparue est vitale.» Ça c'est du concret ! Par contre, les supputations et les hypothèses émises par certains dans ce parlement ne sont que du vent !
Toutefois, nous devons nous excuser... (Exclamations.) On parle malheureusement du droit des pauvres et en prononçant le mot «pauvre» nous avons empiété sur le bas de laine, le fonds de commerce de nos amis qui pour une fois se trouvent derrière moi ! Notre système, comme l'a rappelé M. Brunschwig avec intelligence, consiste à obtenir de meilleures rentrées fiscales par une meilleure attractivité, s'agissant de culture et de spectacles, ce qui permettra aux personnes qui ne le peuvent pas à l'heure actuelle d'y avoir accès. C'est une autre vision des choses. Ce n'est certainement pas contre les pauvres qu'est dirigée notre action, mais, bien au contraire, pour eux !
M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de minorité. Je n'aimerais pas revenir sur certains arguments personnels. Je trouve que ce débat a quelque peu dérapé et en ce qui concerne la culture et les spectacles de nature sportive - qui sont aussi des spectacles - je rappellerai tout de même qu'il n'y a pas que le coût des installations et le droit des pauvres qui portent préjudice à leur organisation. En tout cas, en matière de concerts comme de théâtre, plus l'on joue, plus l'on a de succès, et plus cela coûte, contrairement à un commerce normal. On ne peut donc pas appliquer les règles normales du commerce que connaissent fort bien certains opposants libéraux aux organisations de spectacles culturels ou sportifs. Pour le reste, je me borne à constater qu'il y a entre M. Miguel Stucki et M. Nicolas Brunschwig un désaccord intéressant, mais qui n'a finalement pas grand-chose à voir avec le débat.
Il y a eu tout au long des débats en commission, et ça vient de resurgir maintenant, de basses attaques contre les fonctionnaires chargés de prélever le droit des pauvres. On leur a quasiment reproché d'en être encore au Moyen-Age, une époque où il n'y avait quand même pas le droit des pauvres, même s'il est plus ancien que le régime de James Fazy. Le contreprojet offre un système beaucoup plus simple, beaucoup plus souple, puisqu'il permettra précisément aux organisateurs qui «mouillent leur chemise» pour des sociétés de bienfaisance de ne plus avoir à aller le lundi matin au droit des pauvres. Ils pourront donc faire la grasse matinée s'ils le souhaitent !
Je rappelle d'ailleurs que le département a déclaré à la commission - cela figure dans mon rapport à la page 15 - que la loi a toujours été appliquée avec souplesse et discernement. (Exclamations.) Et je ne doute pas que cela soit encore le cas à l'avenir.
Enfin, je répète une nouvelle fois que, quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse, l'appoint que le droit des pauvres procure à de très nombreuses organisations sociales n'est certainement pas dérisoire. C'est là le véritable but du droit des pauvres, et c'est cela que nous voulons maintenir en l'ayant modernisé.
M. Gérard Ramseyer. Ce contreprojet, le Grand Conseil l'a voulu le 29 juin de l'an dernier. Il maintient un principe général sur une taxe aux spectacles. A ce principe général, j'entends répondre. Mais, au préalable, je tiens à dire qu'un démocrate devrait avoir de la peine à dire qu'il n'y a pas de pauvres... En tous les cas, un chrétien n'en a pas le droit ! (Exclamations.)
Ce contreprojet abaisse un certain nombre de taux. Il exonère les oeuvres de bienfaisance. Il supprime les petites taxes perçues comme des chicanes. Il propose des simplifications administratives. Il en proposera d'autres encore demain, lorsque le droit des pauvres deviendra à son tour une priorité sur le plan informatique, mais vous m'accorderez que ce n'est pas encore aujourd'hui que le droit des pauvres est une priorité informatique.
Si l'initiative passe, nous perdrons entre 12,4 millions et 14,6 millions. Si ce contreprojet est accepté, il y aura quand même des conséquences : nous perdrons entre 4 millions et 6,2 millions, mais nous gagnons une simplification administrative qui n'est pas négligeable. Je suis personnellement surpris et peiné que l'on puisse dire du côté des initiants que de toute façon on trouvera de l'argent ailleurs... Ce n'est vraiment pas ce que j'avais cru comprendre jusqu'à maintenant !
Treize cantons font comme Genève. Le cinéma qui fait beaucoup de bruit ne représente que 16% du droit des pauvres. Le sport, dont on parle beaucoup, Monsieur Brunschwig, représente 3% du droit des pauvres, et ce ne sont pas ces 3% qui jouent un rôle quelconque sur les organisations dont vous parlez ! Monsieur Brunschwig, le football aura rapporté en une année 300 000 F, ce même sport pour lequel on s'apprête à dépenser 70 millions... C'est bien la preuve que le problème n'est pas le droit des pauvres, mais le manque d'installations. Vous êtes suffisamment versé dans la partie pour savoir que c'est uniquement un problème d'installations !
On a parlé des pauvres, mais pour moi Pro Senectute, le club Fauteuils roulants, les Colis du coeur ou Suisse transplant ne sont pas des pauvres stricto sensu, mais toute cette myriade de petites associations reçoivent un appoint qui est bienvenu.
C'est la raison pour laquelle en conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve que cette taxe a un côté moral, un côté éthique, un côté qui fait partie de notre fierté.
Monsieur Marti, vous savez combien je vous apprécie, mais je tiens à vous dire que lorsque je me rends dans une manifestation, lorsque je vais au cinéma, lorsque je m'amuse, lorsque je me rends au stade, cela me fait plaisir, d'une certaine manière, de savoir que je paye un petit peu pour quelqu'un qui ne s'amusera plus jamais ou pour quelqu'un qui est en fauteuil roulant. A ceux qui parlent des grandes manifestations, je dis ceci : prenez le temps ce week-end d'aller à Bernex voir le tournoi de football organisé pour les trisomiques ! Les billets comprennent une petite taxe, mais quand vous verrez ce qui a été fait avec cette petite taxe, vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que vraiment la valeur éthique de cette taxe mérite qu'on s'y attache. C'est en tout cas ce qui devrait être votre fierté de député ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis de deux séries d'amendements. Deux tableaux vous ont été présentés. Je prends le premier.
Demande d'amendement présentée par Mme et MM. Briol, Grobet, Lescaze et Rodrik consistant tout d'abord à intégrer dans le titre : «Pour un droit des pauvres équitable», ce qui donne le titre suivant :
«Projet de loi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05) «Pour un droit des pauvres équitable» (contreprojet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 «Pour la suppression partielle du droit des pauvres»)»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, le préambule est adopté.
Article unique (souligné)
Art. 443 (nouvelle teneur)
Le président. Nous sommes également saisis d'un amendement qui figure sur le même tableau, à l'article 443, alinéa 1, que je vous lis rapidement :
«1Il est institué une taxe dite du «droit des pauvres» dont le produit est affecté à des activités relevant des domaines de l'action sociale, de l'aide en cas de catastrophes et des conflits, ainsi que de la santé publique.
2Sous déduction des frais de perception et de contrôle, le produit de la taxe est versé :
- à raison de 70% à l'Hospice général en tant que ressources complémentaires pour l'accomplissement de ses tâches d'assistance publique,
- à raison de 30% à l'Etat de Genève pour les activités énumérées à l'alinéa 1.
3Toute allocation prise sur la part attribuée à l'Etat doit faire l'objet d'une loi si elle atteint ou dépasse la somme de 10 000 F pour la même oeuvre et dans la même année. La liste des bénéficiaires est publiée chaque année dans la Feuille d'avis officielle (FAO).»
M. Albert Rodrik (S). Au sens strictement technique, cet article 443 n'avait pas besoin d'être modifié. Il s'agit simplement, avant de soumettre un projet à un vote populaire, de ne pas nous contenter de détails techniques des taux, mais de rappeler le comment et le pourquoi des choses au-delà de vos épiceries et de vos modernités, qui sont aussi ringardes que vos discours ! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit de dire au peuple ce que nous faisons et comment nous le faisons ! J'ai distribué pendant vingt ans avec honneur et distinction, grâce à mes conseillers d'Etat, le produit de ces droits des pauvres pour qu'un certain nombre de gens dans ce canton puissent bénéficier de choses qu'on ne peut pas éternellement puiser dans le budget ! Mesdames et Messieurs, avez-vous vu la dernière annonce du Comité d'initiative ? Ils ont écrit, je cite de mémoire : «...puisque nous apprenons que l'Hospice général se dote de bons outils de gestion pour devenir une entreprise performante, cela signifie qu'ils n'ont pas besoin du droit des pauvres !» Je vous laisse, vous et le peuple, réfléchir à ce genre de propagande, et je vous demande de voter cet amendement ! (Applaudissements et bravos.)
Le président. Je soumets donc à votre approbation l'amendement que je viens de vous lire.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 443 ainsi amendé est adopté.
Art. 445 (nouvelle teneur)
Le président. Nous sommes saisis d'un nouvel amendement à l'article 445, alinéa 2. Vous le trouverez sur le deuxième tableau sur lequel figure à gauche la loi actuelle, puis le projet de loi tel que présenté au centre et les amendements de la minorité à votre droite. Cet amendement a la teneur suivante :
«2La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi, soit 40% de l'impôt fédéral perçu.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 3 qui figure également sur le même tableau et qui consiste à supprimer : «soit encore d'autres personnes» à la fin de la phrase, après «soit de ses membres», ce qui donne :
«..., soit de ses membres. Pour bénéficier...»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Nous sommes encore saisis d'un amendement à l'alinéa 4 qui figure aussi sur le même tableau et qui consiste à modifier la fin de la phrase, comme suit :
«..., l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 445 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 446 est adopté, de même que l'article 447.
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8193)
modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)" Pour un droit des pauvres équitable"(contre-projet du Conseil d'Etat à l'initiative populaire 110 "; Pour la suppression partielle du droit des pauvres ")
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :
Art. 443 (nouvelle teneur)
1 Il est institué une taxe dite du "; Droit des pauvres " dont le produit est affecté à des activités relevant des domaines de l'action sociale, de l'aide en cas de catastrophes et de conflits, ainsi que de la santé publique.
2 Sous déduction des frais de perception et de contrôle, le produit de la taxe est versé :
3 Toute allocation prise sur la part attribuée à l'Etat doit faire l'objet d'une loi si elle atteint ou dépasse la somme de 10 000 F pour la même oeuvre et dans la même année. La liste des bénéficiaires est publiée chaque année dans la Feuille d'Avis officielle (FAO).
Art. 445 Taux (nouvelle teneur)
1 Sous réserve des alinéas 2 à 4, le taux ordinaire de la taxe s'élève à 10 % de la recette brute versée par l'ensemble des clients, spectateurs, auditeurs ou autres participants. La taxe sur les loteries nationales et intercantonales, qui est perçue en sus des enjeux auprès des joueurs, s'élève également à 10 %.
2 La taxe sur le produit brut des jeux des casinos au bénéfice d'une concession B (soit la différence entre les mises des joueurs et les gains qui leur sont versés) est calculée en fonction de l'impôt fédéral sur les maisons de jeu selon les articles 40 et ss de la loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (LMJ) et les articles 74 et ss de l'Ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ). Le taux applicable correspond au maximum admis par l'article 43, alinéa 2, de ladite loi, soit 40 % de l'impôt fédéral perçu.
3 La taxe est réduite à 5 % pour les spectacles ou manifestations organisés par les sociétés locales sans but lucratif, pour autant que ces spectacles ou manifestations ne comportent pas, à un titre quelconque, l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, même accessoire, soit au profit de la société elle-même, soit de ses membres. Pour bénéficier de la réduction, les sociétés doivent avoir leur siège à Genève, être constituées depuis deux ans au moins et produire des statuts qui établissent clairement qu'elles n'ont pas un but lucratif.
4 Les spectacles, manifestations ou fêtes dont le produit net est intégralement versé à des oeuvres de bienfaisance sont exonérés totalement de la taxe. Toutefois, si le produit net n'atteint pas le 50 % de la recette brute, l'exonération totale n'est pas accordée. Le Conseil d'Etat fixe le taux applicable.
Art. 446 (abrogé)
Art. 447 Forfait (nouvelle teneur)
Pour les installations foraines, ou lorsqu'il n'est pas délivré de billets d'entrée permettant un contrôle exact des recettes, la taxe peut être convertie par le Département de justice et police et des transports en une somme fixe payée par jour, par semaine ou par mois. Ce forfait est calculé sur la base de 1 à 5 % de la recette brute (TVA déduite). Les personnes physiques ou morales soumises à la taxe forfaitaire sont tenues de produire les renseignements et comptes demandés par le département.
Le président. Monsieur Pagani, vous désirez vous exprimer ?
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, je propose que nous continuions notre ordre du jour pour traiter de l'hétérogénéité au cycle d'orientation, comme cela était prévu. Ce sujet est important, car il concerne tous les élèves du canton du cycle d'orientation.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il avait en effet été prévu dans l'organisation de nos travaux de ce soir de traiter les points 20, projet de loi 8203, 21, projet de loi 7697-A et 22, motion 1336. Etant donné qu'il est déjà 23 h 10, je mets aux voix la proposition de M. Pagani de traiter ces points encore ce soir. Je suis bien entendu à votre disposition pour cela.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.