Séance du
jeudi 25 mai 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
8e
session -
24e
séance
M 1330
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous revoilà dans une situation économique meilleure. Nous nous en réjouissons et pourtant c'est le moment qu'a choisi le conseiller d'Etat M. Carlo Lamprecht, responsable du Département de l'économie, pour laisser resurgir ce vieux démon qu'est le statut de saisonnier et, pire même, systématiser un sous-statut : le contrat de courte durée (6 mois). Il est temps de mettre un terme à cette politique xénophobe. Ce d'autant plus que M. Lamprecht et les milieux économiques qu'il soutient n'ont jamais rien entrepris contre ce statut injuste et se retrouvent aujourd'hui en première ligne pour nous « vendre » les accords bilatéraux en se drapant, entre autres, dans l'indignité de ce statut.
Nous ne sommes pas dupes, il faudra encore de nombreuses années et de dures confrontations pour mettre un terme à cette souche du virus ségrégationniste qui perdure en Suisse et qui parvient par intermittence à ébranler notre conscience collective. Une condition essentielle nous garantirait un avenir meilleur en ce domaine : continuer à nous battre pour que la main-d'oeuvre locale ne soit pas mise en concurrence par le patronat avec de la main-d'oeuvre importée à bas prix.
En conclusion, le sous-statut (permis de courte durée) qui est aujourd'hui imposé par les responsables cantonaux participe d'une politique qui n'a plus sa raison d'être et qui est dénoncée de toutes parts.
C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cette motion, à la voter et à la renvoyer immédiatement au Conseil d'Etat pour qu'il mette en oeuvre ses deux invites.
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous devons donc prendre acte des accords bilatéraux, qui ont été adoptés grâce au subtil regroupement des pro et anti-Européens, mais c'est là un autre débat !
Reste que la situation est difficile pour les travailleurs du bâtiment. Je résume cette situation. Le bâtiment reprend, comme chacun le sait. Il reste encore des chômeurs dans ce secteur, notamment des maçons qui ont, malheureusement pour eux, plus de 47 ans. Pourtant, le patronat a préféré, comme d'habitude, ne pas engager ces chômeurs, mais aller chercher des travailleurs au Portugal ou en Espagne. Bien évidemment, en ce qui concerne Genève et surtout après la campagne sur les bilatérales, il était impossible de remettre en vigueur le statut de saisonnier - qui, je le rappelle, n'est pas aboli pour les travailleurs extra-européens, y compris avec les accords bilatéraux. On a donc, et M. Lamprecht devrait s'en expliquer, décidé d'ouvrir un contingent de permis temporaires de six mois - soit un statut pire que le statut de saisonnier - pour des travailleurs qu'on inviterait à venir construire nos maisons. 250 permis ont ainsi été accordés. La question que nous posons dans cette motion est de savoir si ces travailleurs de la construction, dont le travail est très pénible, ne devraient pas être traités sur un pied d'égalité par rapport aux employés des entreprises multinationales qui, eux, obtiennent sans problème des permis B.
Nos invites sont donc les suivantes : premièrement, surseoir à toutes nouvelles autorisations de permis de courte durée de six mois. De tels permis ont malheureusement déjà été accordés et il faut que le conseiller d'Etat M. Lamprecht s'explique sur cette nouvelle politique catastrophique pour notre canton. En effet, celle-ci ne permet pas de pérenniser les postes de travail, ces permis de courte durée ne satisfont pas la demande accrue de main-d'oeuvre due à la reprise économique. Je me demande d'ailleurs comment vont faire les entreprises, qui boucheront un trou pendant six mois, puis reprendront d'autres travailleurs pour les six mois suivants et ainsi de suite...
Notre deuxième invite est la suivante : prendre résolument le parti de traiter sur un pied d'égalité un cadre d'une multinationale avec un travailleur du bâtiment et leur accorder, à l'un comme à l'autre, un permis B dans la mesure où ils satisfont aux conditions légales. Il est bien évident que la situation dans deux ans va se transformer, puisque les accords bilatéraux changeront. Il suffira alors que les travailleurs de l'Espace économique européen trouvent un contrat d'engagement pour pouvoir travailler dans le bâtiment, mais d'ici là nous entendons, si cette motion est renvoyée en commission, que le Conseil d'Etat définisse une politique claire pour les deux ans à venir.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Je rejoins tout à fait les propos de mon camarade Rémy Pagani. Je dirai que le statut de saisonnier est un statut injuste, inique, archaïque, dégradant et contraire même aux principes des droits de l'homme.
Aujourd'hui, le bâtiment à Genève se porte bien. On dit, paraît-il, que lorsque le bâtiment va tout va, et tout le monde s'en réjouit. Mais la pénurie, en ce qui concerne les travailleurs du bâtiment se fait sentir, raison pour laquelle, nous l'avons appris dernièrement, certaines entreprises vont rechercher dans le bassin méditerranéen - l'Espagne, l'Italie, le Portugal - cette main-d'oeuvre qualifiée qui a quitté notre pays. C'est en Espagne, dans la région de la Galice, qu'il y a les personnes les plus qualifiées. Mais celles-ci ne sont plus du tout d'accord de revenir en Suisse travailler dans des conditions précaires, exploitées, avec des salaires de misère, et nous comprenons aisément leurs inquiétudes.
Comme l'a dit M. Pagani, pourquoi cette inégalité de traitement entre les employés d'une banque, ou d'une multinationale, et les employés du bâtiment, sans qui la Suisse n'en serait pas là ? En effet, il ne faut pas l'oublier : qui a construit nos routes, les bâtiments où nous habitons, les bâtiments officiels ? ce sont évidemment ces personnes venues des pays du bassin méditerranéen.
Pour conclure, je dirai qu'il ne faut pas s'étonner, lorsqu'on valorise si mal le bâtiment, que les Suisses ne soient pas du tout tentés de faire des apprentissages dans ces métiers. Je vous encourage à voter le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
M. Olivier Vaucher (L). J'aimerais apporter quelques nuances et quelques modifications par rapport aux propos des préopinants.
Tout d'abord, je rappellerai qu'en 1990 nous avions à Genève, dans le gros oeuvre uniquement, 12 000 emplois. Après dix ans de la plus dure crise que nous ayons connue dans notre histoire, nous sommes passés au-dessous de la barre des 4000 emplois. Pendant ces dix ans, l'entité principale qui aurait dû jouer un rôle anticyclique ne l'a pas joué. Vous l'avez compris, je veux parler de l'Etat de Genève. Maintenant, pour un certain nombre de raisons, le même Etat de Genève jette sur le marché, à travers les lois et les projets que nous avons votés, des centaines de millions de francs de travaux, auxquels les effectifs actuels ne sont plus capables de faire face. Ceci a pour implication directe que les prix grimpent d'une façon anormalement vertigineuse, je vous le concède. Or, le seul moyen de juguler cette hausse des prix - dont, je vous le rappelle, pourraient s'en ressentir les budgets et les crédits que nous avons votés - c'est d'obtenir de la main-d'oeuvre de façon temporaire, et à cet égard je crois que le projet du département est juste.
En effet, un des préopinants a évoqué les bilatérales : celles-ci ont été approuvées et d'ici deux ans le problème se posera donc d'une façon tout à fait différente. Voilà pourquoi il serait normal d'adopter cette solution, qui certes, Madame la députée Bolay, n'est pas satisfaisante, ni pour nous, ni pour les ouvriers, mais qui, en tant que solution transitoire après l'acceptation des bilatérales, permet de réduire les «dégâts».
Madame la députée, vous avez parlé de salaires de misère. J'aimerais souligner que les salaires actuels de la construction, qui ont été rehaussés d'une façon importante, ne sont pas des salaires de misère. Ce sont des salaires très raisonnables par rapport à l'économie genevoise et à d'autres métiers. Ils continuent d'ailleurs à progresser, en même temps que s'améliore la situation économique, ce que je considère personnellement comme fort heureux.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut remettre l'église au milieu du village et considérer les choses telles qu'elles sont, à savoir que c'est une solution provisoire, que nous aurons d'ici deux ans des solutions autres, mais qu'il s'agit de faire face immédiatement à l'important volume de travail. Six mois, c'est évidemment court, mais de nombreuses demandes d'ouvriers des pays méditerranéens ou frontaliers sont parvenues. Ces gens sont d'accord, parce que le gros du travail est d'une durée d'environ six mois et que cela leur permet de retourner dans leur pays durant la mauvaise saison et de profiter des bonnes conditions chez eux.
Je vous demande formellement, Monsieur le président, de faire voter le renvoi de cette motion en commission de l'économie, de façon que nous puissions en débattre d'une façon sereine, en toute connaissance de cause.
Mme Myriam Sormanni (S). Comme à l'accoutumée, je parle en mon nom. Avec l'école clandestine et l'ancien conseiller d'Etat Dominique Föllmi, les enfants des travailleurs saisonniers, donc clandestins, ont pu être scolarisés et n'ont plus dû rester dans les appartements, souvent sans sortir, afin de ne pas se faire pincer par la police. Quelle qualité de vie pour ces enfants, qui étaient privés de jouer parce que leurs parents n'auraient pas dû les amener sur le territoire suisse. Quelle qualité de vie pour ces maris privés de leur femme, qui n'avaient d'autre solution que de faire appel aux prostituées pour avoir des relations sexuelles, qu'ils auraient normalement dû avoir avec leur femme. Merci aux prostituées pour le rôle social qu'elles ont joué, évitant peut-être des abus sexuels, voire des viols ! Quelle qualité de vie pour ces hommes en Suisse, privés de leur femme et de leurs enfants. Quelle qualité de vie pour ces femmes et ces enfants restés dans leur pays d'origine. Non, Mesdames et Messieurs les députés, le statut de saisonnier n'est plus un statut acceptable à l'heure actuelle ! C'est pourquoi je vous encourage à renvoyer cette motion en commission.
M. Bernard Annen (L). Sans polémiquer avec les intervenants de tout à l'heure, je voudrais dire deux ou trois vérités. La première, c'est que le statut de saisonnier à Genève a disparu depuis bientôt une décennie ; il est donc assez difficile d'admettre aujourd'hui certains propos. Nous pourrions d'ailleurs nous poser la question de savoir pourquoi ce statut continue d'être appliqué dans le canton de Vaud ou ailleurs, étant entendu que les entreprises qui viennent concurrencer les entreprises genevoises ont, par définition, des prix de revient beaucoup plus bas. C'est dire qu'on pourrait reconnaître au moins qu'à Genève les entreprises de la construction, qui ont par ailleurs des conventions collectives et des salaires de loin supérieurs à ceux des cantons voisins, font des efforts considérables.
Le problème que pose cette motion est de plusieurs ordres. Donner des permis B à cette catégorie de travailleurs, pourquoi pas ? Le problème est que ceux-ci sont pris sur un contingent fédéral et que celui-ci n'est pas illimité. Par conséquent, il y a des choix à faire et ceux-ci sont faits par la commission tripartite, dans laquelle les syndicats sont représentés et peuvent, les uns et les autres, donner leur avis en ce qui concerne l'attribution des permis B. S'agissant des permis de courte durée, je crois qu'il faut les considérer simplement comme une mesure transitoire. C'est uniquement dans ce sens qu'il faut accepter la chose, car sinon vous allez immanquablement ouvrir un autre robinet, celui du travail au noir. Or, je ne crois pas que ce soit votre objectif. Qu'il y ait une mixité dans les décisions prises par la commission tripartite ou par le Conseil d'Etat, là encore, pourquoi pas ? Il existe une commission de surveillance du marché de l'emploi qui regroupe, je le répète, syndicats patronaux et ouvriers, qui s'est déjà réunie à plusieurs reprises et qui pourra trouver des solutions.
Maintenant, il y a une chose que je ne peux pas laisser dire, c'est ce que disait Mme Bolay tout à l'heure en matière de formation professionnelle. Dans le secteur secondaire, les métiers du bâtiment sont ceux qui font le plus d'efforts en faveur de la formation professionnelle et du recrutement. Je peux vous donner une multitude d'exemples. Je vous invite très volontiers aux portes ouvertes que nous organisons chaque année ; nous invitons l'ensemble des écoles, nous écrivons à l'ensemble des parents d'élèves en âge de commencer un apprentissage. L'année prochaine, nous organisons une Cité des métiers à Genève, dans laquelle l'industrie de la construction est une des plus actives. Dans cette Cité des métiers et de la formation professionnelle, l'accent sera mis sur ce sujet, auquel nous tenons. Ce sont des centaines de milliers de francs, Madame, et je peux vous le démontrer, qui sont consacrés à la formation dans l'ensemble des professions du bâtiment.
Enfin, je ne peux pas m'empêcher de vous répondre, Monsieur Pagani, parce que, de temps en temps, vous donnez un peu trop de leçons ! Vous condamnez ces permis à durée déterminée. C'est vrai, ce statut est contestable, mais la première entreprise à Genève qui a fait appel à cette main-d'oeuvre-là, c'est l'entreprise Pagani ! M. Pagani père n'a certes pas du tout les mêmes idées et je ne veux pas condamner l'un par rapport à l'autre. Mais nous sommes dans un Etat de droit, où il y a des possibilités légales, et M. Pagani père, que je connais, fait appel à cette main-d'oeuvre, parce qu'il doit faire tourner son entreprise et qu'il n'a pas d'autres moyens. C'est dire qu'à un moment donné, Monsieur, il faut être pragmatique.
Cette motion, de mon point de vue, devrait être renvoyée en commission, car nous devons en discuter ouvertement, mais sans faire de procès d'intention. Avec vos propositions, vous n'avancerez pas dans cette affaire ; au contraire, je crois que vous prenez des risques inconsidérés pour le secteur de la construction et pour les emplois et les travailleurs que vous prétendez vouloir défendre.
Le président. La parole est à M. Pagani fils !
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'attendais à cette attaque ! Je signale à M. Annen - je lui donne cette information en primeur - que mon grand-père, lui, était saisonnier dans son propre pays ! Il était Tessinois et il est venu vendre sa force de travail ici, à Genève, comme maçon. En ce qui concerne le statut de saisonnier, nous avons donc une longue tradition dans la famille et je sais de quoi je parle quand je m'exprime à ce sujet. Je vous prie d'en prendre note !
Vous prétendez par ailleurs qu'en commission tripartite les syndicats vont discuter tranquillement, entre gens de bonne compagnie, de la politique à mener, des permis de saisonniers et des permis de courte durée introduits par le Conseil d'Etat. Il faut rappeler ici, pour la bonne forme, qu'en tout cas l'ensemble des syndicats, qui ont lutté contre le statut de saisonnier, ont dénoncé la pratique instaurée ces derniers mois par le gouvernement. Il s'agit donc de dire clairement ce soir que cette situation est inadmissible, que la décision du conseiller d'Etat chargé du département de l'économie est inadmissible et qu'on devra trouver, en commission, une solution qui ménage à la fois les intérêts économiques du secteur du bâtiment et les intérêts de ces travailleurs soumis à des conditions ultra-précaires, le statut de saisonnier étant déjà précaire.
Le fait est que je ne vois pas pourquoi, Monsieur Annen, nous n'utiliserions pas le contingent de permis B durant cette période transitoire. Cela dit, je relève qu'il n'appartient pas aux partenaires sociaux de prendre la décision politique et que celle-ci revient au conseiller d'Etat en charge et plus généralement au Conseil d'Etat. Aussi, j'entends bien, dans la commission qui traitera cette motion, faire en sorte que le Conseil d'Etat revienne, pour cette période transitoire de deux ans, à une politique équitable, au lieu d'une politique de favoritisme, et qu'il traite notamment sur un pied d'égalité les hauts cadres des multinationales et ces travailleurs qui sont, à mon sens, ceux qui produisent le plus pour notre région, puisqu'ils produisent ces biens essentiels que sont l'infrastructure et les habitations.
M. Christian Grobet (AdG). Ce n'est pas la première fois que M. Annen s'efforce d'esquiver un débat, soit en dénigrant la personne qui intervient, soit en allant jusqu'à tenter de dénigrer des membres de sa famille. Je vous dis publiquement, Monsieur Annen : vous n'êtes qu'un vulgaire diffamateur ! Je vous le dis publiquement et vous pouvez sourire autant que vous voulez ! Vous n'êtes qu'un vulgaire diffamateur et ce ne sont pas vos diffamations qui vont nous empêcher d'intervenir à bon escient, quand nous l'estimons nécessaire !
M. Bernard Annen (L). M. Grobet dérape, perd les pédales, ce n'est pas moi qui vais essayer de le rattraper ! Si j'ai pris le cas de M. Pagani père - et je ne l'ai pas dénigré - c'est simplement pour démontrer ce qu'est la Realpolitik et les contingences auxquelles les entreprises sont soumises. Un point, c'est tout !
Maintenant, Monsieur Grobet, il est vrai que vous avez l'habitude d'insulter les autres, mais que, lorsqu'on vous égratigne, vous allez où vous allez ! Je dois dire que si n'importe qui d'autre m'avait insulté comme vous venez de le faire, j'aurais réagi, mais qu'en ce qui vous concerne je m'assieds tout simplement sur vos propos !
M. Carlo Lamprecht. Les motionnaires invitent le Conseil d'Etat, je cite, «à surseoir à toutes nouvelles autorisations de permis de courte durée» dans le secteur du bâtiment et à n'accorder que des permis B pour répondre à la pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur. En qualifiant, dans leur exposé des motifs, la politique actuelle d'attribution de permis de xénophobe, en accusant le département de l'économie de favoriser le dumping salarial, les motionnaires mettent en réalité en cause les instances tripartites du marché du travail et, par voie de conséquence, les associations patronales et syndicales qui y sont représentées.
En fait, la situation dans laquelle se trouve notre canton est simple. Le contingent cantonal de permis B est largement insuffisant pour répondre aux besoins de notre économie, dont la reprise devrait, je le répète, réjouir tout le monde dans cette enceinte. Les permis de courte durée sont attribués pour la venue de travailleurs qualifiés dans tous les secteurs professionnels. Dans tous les cas, les autorisations délivrées sont examinées d'entente avec les partenaires sociaux. Leur examen prend en compte tant la situation du marché de l'emploi local que les conditions d'engagement. Alors, permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de dire que les accusations de xénophobie et de dumping salarial sont, pour moi, sans fondement et je tiens à les contester avec fermeté.
Pour ce qui concerne plus précisément le secteur du bâtiment, il est exact que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée ne permet plus aux entreprises locales de faire face à leurs besoins. Cette situation a été examinée par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi le 19 novembre 1999, examen qui a abouti à un accord entre représentants patronaux et syndicaux sous l'égide de mon département. Tout en réaffirmant l'absolue nécessité du respect des normes salariales conventionnelles, en ayant souligné aussi les efforts de formation qui doivent être faits et la priorité de la main-d'oeuvre locale sans emploi, le Conseil de surveillance du marché de l'emploi a admis trois modalités de soutien aux entreprises genevoises de la construction.
Premièrement, des autorisations de courte durée jusqu'à six mois, plafonnées à 200 unités, ou de quatre mois, sur la base de critères à définir dans la commission tripartite ad hoc, mais en faveur des ressortissants en provenance exclusivement de l'Union européenne et de l'AELE. Deuxièmement, des autorisations frontalières pour des collaborateurs qualifiés, toujours en respectant les critères définis par la commission tripartite. Troisièmement, le retour éventuel d'anciens travailleurs partis en raison de la crise, sur la base d'un examen préalable par l'office cantonal de la population et l'office cantonal de l'emploi, et d'un préavis, une fois de plus, de la commission tripartite.
J'insiste sur le fait que la venue de saisonniers nouveaux a été exclue d'emblée. Par ailleurs, des éventuelles divergences entre partenaires pour l'application des mesures qui ont été retenues sont réglées de cas en cas par la commission tripartite. J'aimerais vous rappeler que cette sous-commission a siégé cinq fois depuis sa réactivation, soit le 4 février, les 3, 16 et 30 mars, ainsi que le 13 avril, et qu'elle comprend, vous le savez, les partenaires sociaux, les syndicats. La première séance a permis d'établir, avec tous les partenaires sociaux présents, les principes selon lesquels les demandes seront examinées ; les séances suivantes ont permis d'examiner 148 demandes présentées par 30 employeurs du secteur du bâtiment, et à ce jour ce ne sont pas 250 permis, Monsieur Pagani, qui ont été attribués, mais 124 préavis favorables pour des séjours limités à six mois qui ont été émis par cette commission.
Il va de soi que, dans l'optique d'une application des accords bilatéraux - que j'ai fermement soutenus, contrairement à vous, Monsieur Pagani, qui les avez combattus ! - ces mesures ont un caractère provisoire. En effet, l'application des accords relatifs à la libre circulation des personnes permettra de mettre un terme à la précarité de certains travailleurs - j'en suis fort heureux - que le dispositif légal actuel rend inévitable et que mon département s'est toujours attaché à limiter.
Cela étant, sachez qu'il est de mon devoir de trouver des solutions face au redémarrage économique du canton, qu'il est de mon devoir aussi de soutenir l'économie, mais également de veiller à ce qu'aucun abus ne soit commis. C'est la raison pour laquelle j'accepte volontiers le renvoi de cette motion en commission, où nous pourrons développer tous les arguments que je viens de donner ici et répondre aux autres critiques qui seront certainement faites par rapport à cette politique.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous propose d'arrêter là nos travaux. Nous les reprendrons après la pause café, à 10 h 10.
La séance est levée à 9 h 50.