Séance du
jeudi 25 mai 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
8e
session -
24e
séance
No 24/IV
Jeudi 25 mai 2000,
aube
La séance est ouverte à 8 h.
Assistent à la séance : MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht et Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Juliette Buffat, Henri Duvillard, Alexandra Gobet, Claude Haegi, Michel Halpérin, Yvonne Humbert, René Koechlin, Chaïm Nissim, Jean-Pierre Restellini, Elisabeth Reusse-Decrey, Jacques-Eric Richard, Micheline Spoerri, Pierre Vanek et Alberto Velasco, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Le président. J'ai quelques informations à vous donner, Mesdames et Messieurs les députés, au sujet de l'organisation de nos travaux. Tout d'abord, je vous rappelle que le point 44, projet de loi 8070-A relatif au contrat de prestations TPG, sera traité durant cette journée.
D'autre part, M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht - que je salue - et la présidente de la commission de l'économie, Mme Loly Bolay - que je salue aussi - proposent que le point 47, projet de loi 8245 modifiant la loi sur la Fondation du palais des expositions, soit aussi traité durant cette journée. Il en sera fait ainsi.
Je confirme que le point 17, interpellation de M. René Ecuyer concernant l'OCPA, sera traité au point 54 bis, en présence de M. le président du gouvernement.
Certains conseillers d'Etat nous prient de bien vouloir traiter les points les concernant en leur présence. Je crois que ce type de collaboration est une bonne chose ! Ainsi, Mme Brunschwig Graf nous informe qu'elle doit présider aujourd'hui la Conférence universitaire de Suisse occidentale et souhaite que nous reportions les objets de son département à notre session des 8 et 9 juin. S'il n'y a pas d'opposition, il en sera fait ainsi.
Mme Calmy-Rey est absente ce matin. Néanmoins, les trois objets anciens de son département peuvent, selon elle, être traités sans difficulté en son absence.
Le conseiller d'Etat M. Cramer, lui, assiste à une séance du conseil d'administration des SIG jusqu'à 10 h, si bien que nous commencerons avec les anciens objets du département des finances et que nous inverserons ensuite l'ordre des départements, prenant en premier celui de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures et ensuite celui de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie.
M. John Dupraz(R). Je comprends bien que l'on veuille organiser nos travaux selon les disponibilités des conseillers d'Etat. Mais cette journée était prévue depuis fort longtemps et nous, députés, n'agendons pas nos travaux en fonction de nos disponibilités ! Je trouve qu'une fois de plus le Conseil d'Etat se fout éperdument du parlement et c'est inacceptable ! (Exclamations.)
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas admettre qu'on dise que le Conseil d'Etat se fout des députés ! Nous avons exprimé des voeux, mes collègues ont des obligations. Je vous rappelle que la session d'aujourd'hui est une session supplémentaire à laquelle nous avons fait en sorte d'assister selon nos disponibilités ; c'est le cas de M. Lamprecht et de moi-même. J'insiste sur le fait que nous avons simplement sollicité que certains débats aient lieu en présence des conseillers d'Etat. En aucun cas je ne peux admettre qu'on dise qu'on se fout des députés. Ce n'est pas le cas, vous savez le respect profond que nous vous portons, et à vous en particulier, Monsieur Dupraz !
Le président. Je rappelle effectivement que cette assemblée est maître de son ordre du jour et que je faisais simplement une proposition !
M. Christian Brunier(S). J'aimerais soutenir l'intervention de M. Dupraz. Que l'on tienne compte de l'agenda des conseillers d'Etat, je peux le comprendre, mais il faudrait que nous en soyons informés. Personnellement, je devais aussi assister à la séance du conseil d'administration des SI : je me suis excusé pour siéger ici, parce que je devais intervenir entre autres sous le département de M. Cramer. Si nous sommes informés de ces changements, nous pouvons tous nous organiser en conséquence, mais nous avertir à 8 h 5 que l'ordre du jour va changer à 8 h 6 me semble, c'est vrai, méprisant pour le parlement !
Le président. Je précise, Monsieur Brunier, que l'ordre du jour ne change pas. Il s'agit simplement d'inverser l'ordre de deux départements, mais nous suivrons l'ordre prévu, si vous le souhaitez. Cela ne pose aucun problème !
M. Roger Beer(R). Je voudrais m'associer à ces remarques et à ces critiques. En termes plus feutrés, on pourrait dire que les conseillers d'Etat sont extrêmement débordés et qu'il leur est difficile de se libérer pour assister aux séances du parlement, mais la grande différence entre eux et nous, c'est qu'ils ont des suppléants et que nous n'en avons pas ! Je ne trouve donc pas tout à fait normal de changer l'ordre du jour ou d'inverser les départements à 8 h 5, alors que nous nous sommes arrangés pour être là et pour pouvoir intervenir au moment prévu.
Le président. Très bien ! Si je comprends bien ces remarques et interventions, nous suivrons donc l'ordre du jour tel qu'il est... (Commentaires.) Eh bien, nous allons voter : il y a, d'une part, la proposition de reporter les points concernant l'instruction publique aux 8 et 9 juin.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Ensuite, il y avait l'inversion des deux départements : nous commencions par celui de M. Lamprecht et poursuivions avec celui de M. Cramer. Je mets aux voix cette proposition.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
4. Correspondance.
Le président. L'intitulé des correspondances a été posé sur vos places.
Il en est pris acte.
Il en est pris acte.
M. Claude Blanc (DC). Monsieur le président, je souhaiterais que les communiqués que vous faites au parlement le soient dans un français correct : au lieu d'écrire que M. Martin, vice-président de la commission d'experts, nous adresse un courrier concernant le déroulement de leurs travaux, vous auriez pu écrire : «des travaux de la commission» ! (Exclamations.)
Le président. La journée commence bien ! Merci, Monsieur Blanc, nous en tiendrons compte !
5. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
M. Jean-Pierre Gardiol(L). J'annonce le prochain dépôt d'une motion demandant que le Conseil d'Etat étudie la possibilité de créer la Maison de l'environnement dans l'ancienne usine Kugler à la Jonction, afin d'y regrouper tous ses services.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993, est modifiée comme suit :
Art. 8A Affectation des recettes supplémentaires (nouveau)
1 Les recettes supplémentaires sont exclusivement affectées à la réduction du découvert du bilan de l'Etat :
2 Sont des recettes supplémentaires :
Art. 33 Amortissements supplémentaires (nouvelle teneur)
Les amortissements supplémentaires s'effectuent annuellement à hauteur des recettes supplémentaires réalisées.
Article 2 Dispositions transitoires
1 L'année de référence sur laquelle repose le début du calcul des recettes supplémentaires est 1995, de sorte que :
2 Les premières recettes supplémentaires affectées à la réduction du découvert du bilan de l'Etat (conformément à l'article 8A) sont celles calculées pour l'année de l'entrée en vigueur de la loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de loi poursuit divers objectifs qui, s'ils devaient se résumer en un seul, constituerait celui de l'assainissement des finances de notre canton. A de maintes reprises avons-nous déjà entendu les diverses sensibilités politiques s'exprimer sur le sujet, et pouvons affirmer que, d'une manière générale, la tendance qui se dessine reconnaît la nécessité (voire l'urgence) de diminuer la dette de fonctionnement de l'Etat. Les raisons de cette nécessité étant connues de tous, rappelons simplement les principales d'entre elles, qui sont, d'une part, le coût beaucoup trop élevé de la dette (plus de 1,3 millions de francs par jour !) et, d'autre part, la difficulté croissante pour l'Etat de se voir accorder des crédits (sa solvabilité pouvant être mise en doute de plus en plus sérieusement sur le long terme), au risque de devoir faire face, à terme, à des problèmes de liquidités. Autrement dit, nous avons d'un côté une charge qui, inévitablement, se répercute négativement d'une manière ou d'une autre sur la collectivité, et d'un autre le risque de voir un Etat qui ne peut plus assurer ni assumer le rôle qui est le sien, notamment du point de vue social.
Partant, il importe aujourd'hui que notre canton démontre clairement qu'il veut véritablement remédier à cette situation, tout en sachant qu'il ne dispose pas d'une très grande marge de manoeuvre, au vu notamment de la volonté manifeste de la population genevoise de refuser toute augmentation d'impôts. Dans cette optique, l'Etat doit s'imposer une rigueur exemplaire dans sa gestion des deniers publics et dans l'établissement de son budget annuel, mais également saisir l'opportunité de réduire sa dette lorsqu'il bénéficie de rentrées fiscales supplémentaires par rapport aux années précédentes ; l'exemple le plus connu (et le plus parlant) de ce type de recettes supplémentaires est sans doute la perception, ces deux dernières années, d'un produit des successions qui a dépassé (de loin) toute attente en la matière, suite au décès de personnes particulièrement fortunées sur notre canton. A l'image d'une famille endettée qui affecte naturellement ses revenus supplémentaires (héritage, revenus plus importants, etc.) à des amortissements supplémentaires (ne serait-ce que pour s'épargner le coût futur des intérêts de la somme correspondant à ces amortissements), l'Etat doit lui aussi adopter ce comportement réfléchi et responsable, comportement dont la mise en oeuvre ne doit pas dépendre de la sagesse du gouvernement en place, mais doit être systématique ; d'où l'intérêt d'inscrire formellement dans la loi l'obligation, pour l'Etat, d'effectuer annuellement des amortissements supplémentaires à hauteur des recettes supplémentaires réalisées.
Tel est donc l'objet de ce projet de loi : définir ce que peuvent être des recettes supplémentaires, dans le but de les affecter systématiquement au remboursement de la dette de fonctionnement, autrement dit à la réduction du découvert figurant au bilan de l'Etat.
Pour ce faire, les auteurs de ce projet ont raisonnablement choisi de se limiter aux revenus de fonctionnement réalisés grâce aux impôts (étant donné le but énoncé ci-dessus). S'agissant de la définition en soi des recettes supplémentaires, celles-ci sont constituées lorsqu'une année présente une augmentation substantielle des revenus issus d'une ou plusieurs catégories d'impôts, par rapport à la moyenne y relative des trois années antérieures. Le choix de se baser sur la moyenne des trois années précédant celle qui fait l'objet de la constitution de recettes supplémentaires répond au souci légitime de relativiser la portée d'une année particulièrement fluctuante (par rapport aux autres années) dans le calcul de la variation des revenus. Par ailleurs, l'augmentation d'un revenu est considérée comme substantielle du moment qu'elle dépasse les 2 % ou 3 % d'augmentation (selon les types de revenus, cf. paragraphe suivant) par rapport à la moyenne évoquée ci-dessus ; ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'un revenu annuel présente une augmentation de 10 % par rapport à la moyenne dudit revenu sur les trois dernières années, sont alors des recettes supplémentaires les 7 ou 8 % d'augmentation qui restent (soit respectivement : 10 %-3 %=7 % et 10 %-2 %=8 %). Par conséquent, les augmentations jusqu'à concurrence de 2 ou 3 % (par rapport à la moyenne des trois années précédentes) restent à la libre disposition de l'Etat, ne constituant pas des recettes supplémentaires.
Encore faut-il expliquer trois petites subtilités qui ressortent de ce projet, la première touchant aux seuils à partir desquels il faut considérer les recettes comme étant supplémentaires, seuils qui sont variables selon le type de revenu. Deux grandes catégories de revenus doivent être distingués : les revenus issus d'impôts « périodiques », c'est-à-dire prévisibles quant à leur terme, et ceux issus d'impôts « apériodiques », imprévisibles quant à leur terme. Nous retrouvons dans la première catégorie les impôts sur le revenu et la fortune, sur le bénéfice et le capital, les impôts fonciers et les « autres » impôts cantonaux, et, dans la deuxième, les impôts spéciaux ainsi que les droits d'enregistrement, de timbre et de successions. Les revenus issus d'impôts périodiques étant naturellement plus stables d'une année à l'autre, et donc plus ordinaires que les autres, il est logique et raisonnable de laisser à la libre disposition de l'Etat une marge d'augmentation des revenus plus importante (soit 3 %) que celle prévue pour les revenus de type apériodique (2 %).
Par ailleurs, concernant le calcul de la moyenne des trois années précédentes (cf. ci-dessus), il est prévu de soustraire les recettes supplémentaires de ces trois années, de manière à préserver une base de calcul stable qui ne subit pas les aléas d'un ou plusieurs exercices successifs particulièrement fluctuants.
Par conséquent, le calcul des recettes supplémentaires relatives à l'un des impôts retenus dans la liste de l'article 8A (nouveau), et ce pour l'année « D », s'effectue de la manière suivante :
1. Pour chaque impôt, calculer le revenu moyen des trois années précédentes =
rev.A (-recet.sup.A) + rev.B (-recet.sup.B) + rev.C (-recet.sup.C)
2. Pour chaque impôt, calculer la variation (ou différence) entre le revenu de l'année « D » et le revenu moyen calculé sous 1.) =
D - revenu moyen
3. Pour chaque impôt, calculer la variation en pour-cent entre le revenu de l'année « D » et le revenu moyen calculé sous 1.) =
D - revenu moyen
--------------- x 100
revenu moyen
4. Recettes supplémentaires pour le revenu en question lors de l'année « D » =
(variation en % - 2 %) x revenu moyen
OU (si l'impôt est de type périodique) =
(variation en % - 3 %) x revenu moyen
(A noter, bien entendu, que si le résultat final est inférieur ou égal à 0, il n'y a pas de recettes supplémentaires pour l'impôt en question lors de l'année « D » !)
Comme nous l'avons vu ci-dessus, il est nécessaire, pour calculer les recettes extraordinaires, de faire une « manoeuvre » de rétroactivité du point de vue des calculs, étant donné que, selon le projet, les recettes supplémentaires annuelles sont déterminées en fonction de la moyenne des recettes des trois exercices antérieurs à l'année qui fait l'objet du calcul, et ceci sans prendre en compte les recettes supplémentaires desdits exercices. Partant, il faut décider quelle doit être l'année de référence à partir de laquelle nous devons commencer nos calculs (sans quoi nous sommes logiquement amenés à remonter indéfiniment dans le temps, sans pour autant trouver une solution).
Logiquement et idéalement, cette année devrait présenter la caractéristique d'être la plus neutre possible du point de vue des variations des revenus par rapport aux années précédentes et suivantes. Cette neutralité constitue en effet le meilleur indice de la stabilité des recettes pour l'année en question, c'est-à-dire le meilleur indice d'inexistence de recettes supplémentaires telles qu'elles sont définies dans ce projet, ce qui permet de calculer le plus objectivement possible les recettes supplémentaires des années suivantes.
Telle est donc la raison de l'article 2 de ce projet de loi, qui fixe comme année de référence l'année 1995, celle-ci présentant, du point de vue des revenus de fonctionnement pris en considération par le projet, une relative stabilité par rapport aux années périphériques. Logiquement, cet article énonce également la manière de calculer les recettes supplémentaires des années qui suivent directement l'année de référence, étant donné que chacune d'elles ne dispose évidemment pas des trois années antérieures et de leurs recettes supplémentaires respectives pour le calcul, tel que celui-ci est prévu à l'article 8A (nouveau). Plus concrètement, l'annexe 2 relate les formules respectives du calcul des recettes supplémentaires des années 1996, 1997 et 1998, ainsi que les résultats de ces calculs sous forme de tableaux (à noter que les chiffres à la base des calculs sont reproduits dans l'annexe 1, et tirés des documents officiels relatant les comptes de l'Etat).
Pour conclure, rappelons simplement que ce projet de loi répond au souci commun de ne pas laisser aux générations futures une ardoise monumentale dont les conséquences peuvent être désastreuses, comme nous le savons tous. Dans cette optique, il met en place un système de politique anticyclique qui fait aujourd'hui encore cruellement défaut.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à ce projet de loi.
ANNEXE 1
Comparaison par nature des revenus de fonctionnement
1995-96-97-98
Libellés
Comptes 1995
Comptes 1996
Comptes 1997
Comptes 1998
Impôts
3'328'686'339
3'292'863'265
3'300'308'467
3'562'404'542
Impôts sur le revenu et la fortune
2'294'051'499
2'256'794'157
2'310'042'822
2'459'447'350
Impôts sur le bénéfice et le capital
600'482'587
620'784'530
573'537'184
645'499'064
Impôts fonciers
89'221'582
87'597'762
87'342'708
87'411'816
Impôts spéciaux
12'556'902
12'487'531
9'414'645
12'312'716
Produit de l'enreg. et du timbre
93'399'763
112'627'060
138'746'059
147'746'981
Produit des successions
156'544'925
121'686'975
97'574'085
125'102'644
Autres impôts cantonaux
82'429'078
80'885'246
83'650'961
84'883'969
ANNEXE 2
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Préconsultation
M. Philippe Glatz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, simple dans son principe et dans les buts poursuivis, cependant certainement complexe dans ses mécanismes : tel peut apparaître le projet de loi que soumet à votre attention aujourd'hui le groupe démocrate-chrétien.
Vous l'aurez remarqué, ce projet est formulé jusque dans ses détails, trop peut-être. En effet, concernant ses modes d'application, certains techniciens, qui se sont donné la peine de lire le projet de loi jusqu'au bout, nous opposent déjà qu'il serait difficile à mettre en oeuvre. Mme la ministre des finances, qui a eu la courtoisie de nous en informer préalablement, nous a indiqué combien, pour elle, le mode de calcul proposé semble inapplicable, ainsi qu'à ses services. Ce n'est pas notre opinion et nous restons bien entendu prêts à en discuter. Cependant, point ici n'est le lieu d'un débat de techniciens ou de comptables. C'est pourquoi je me bornerai à vous rappeler les buts poursuivis par notre projet de loi.
D'abord, quels sont les faits ? Aujourd'hui, le coût des intérêts de la dette pour l'Etat de Genève est beaucoup trop élevé : plus d'un million de francs par jour à la charge de la collectivité, et nous sommes au surplus dans une période de hausse des taux d'intérêt. Il y a donc difficulté croissante pour l'Etat de se voir accorder à de bonnes conditions des crédits auprès des établissements financiers, tant le poids de la dette pèse lourd dans son bilan.
Les buts du projet de loi : il s'agit de saisir l'opportunité de réduire la dette lorsque l'Etat peut bénéficier de rentrées supplémentaires par rapport aux années précédentes, à l'image d'une famille endettée qui affecte naturellement ses revenus supplémentaires - que ce soit héritage ou autres - à des amortissements supplémentaires, ne serait-ce que pour s'épargner le coût futur des intérêts de la somme correspondante à ces amortissements. En fait, il s'agit de partager les fruits de la croissance et des suppléments qu'elle nous apporte avec les générations futures, en permettant d'offrir une situation assainie à ces générations futures.
Les moyens : définir ce que sont des recettes supplémentaires pour une année par rapport aux années qui la précèdent. Là, j'en conviens, nous entrons dans un secteur très technique qu'il conviendra de réexaminer dans le cadre de la commission des finances. En l'occurrence, il s'agit d'affecter systématiquement une partie des recettes supplémentaires à des amortissements supplémentaires, c'est-à-dire à la réduction du découvert figurant au bilan de l'Etat.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien vous recommande et vous remercie de bien vouloir renvoyer ce projet de loi en commission des finances, où il pourra être étudié plus attentivement, ainsi qu'opposé à d'autres techniques qui pourront nous être proposées par le département des finances, comme celui-ci nous l'a annoncé hier déjà.
M. Dominique Hausser (S). On a un peu l'impression que le projet de loi des démocrates-chrétiens est un projet des pompiers de l'impossible ! Ce soir, je voudrais dire trois choses. Premièrement, dans la loi sur les finances, il est dit à l'article 8 qu'il y a en principe non-affectation des recettes, or ce projet propose d'y déroger. Deuxième chose : aujourd'hui déjà, la dette de l'Etat est inférieure à 9 milliards, ce qui veut dire que le département des finances et le Conseil d'Etat en général font des efforts pour réduire la dette de fonctionnement, étant entendu qu'une dette liée aux investissements persistera toujours. Troisième chose : je crois qu'il est aussi utile de réfléchir en période de croissance à la manière de provisionner un certain nombre de recettes, de manière à être capable de réagir en période de vaches maigres.
Il y a donc là toute une série d'éléments de gestion financière des recettes qui doivent être examinés en détail et il sera nécessaire de travailler durement en commission des finances, pour voir comment nous pourrons adapter, modifier, transformer ou simplement rejeter le projet de loi des démocrates-chrétiens.
M. Jean Spielmann (AdG). Je considère que la proposition qui est formulée n'est pas une bonne proposition et je vais essayer de m'en expliquer rapidement, car nous aurons bien sûr l'occasion d'en discuter en détail en commission.
Tout à l'heure, M. Glatz a argumenté en disant que la hausse des taux d'intérêt rendrait ce projet de loi plus urgent et plus intéressant encore. Je dirai que c'est exactement le contraire ! En effet, que proposez-vous au fond ? Vous proposez qu'avec les recettes supplémentaires on amortisse, on éteigne les anciennes dettes, de sorte que si l'on continue à voter les investissements et les équipements nécessaires au canton - ce que j'espère - on devra contracter de nouveaux emprunts, à des taux, eux, plus élevés. A cet égard, une autre politique, plus intelligente à mon avis, serait de consacrer de nouvelles recettes à la réduction du taux d'endettement des nouveaux équipements, de façon à permettre le développement des investissements. Vous proposez donc exactement le contraire de ce que nous devrions faire, si nous voulons aller de l'avant.
Deuxièmement, je crois qu'avant de poser une règle générale sur la manière dont nous épongeons nos dettes ou dont nous agissons dans le domaine des investissements, il s'agit plutôt d'analyser la nature des investissements que nous faisons. C'est d'ailleurs la voie que le Conseil d'Etat a déjà choisie récemment, en modifiant la manière dont nous amortissons nos investissements, c'est-à-dire qu'au lieu d'amortir sur la valeur résiduelle, on amortit aujourd'hui de manière linéaire, selon la nature des équipements que nous votons. Ce changement-là est beaucoup plus fondamental que celui que vous proposez aujourd'hui.
Je dirai donc que, sur le fond, vous faites fausse route et que, de plus, la technique proposée est trop compliquée et pas assez transparente. Je ne crois pas que ce projet de loi apportera quelque chose de plus à la politique financière de l'Etat, mais il sera utile de l'examiner, pour aller dans le sens contraire de ce que vous proposez !
M. David Hiler (Ve). Nous comprenons bien l'intention des auteurs de ce projet de loi : c'est celle de s'assurer qu'en période de haute conjoncture on fasse en sorte de réduire la dette, puisqu'en période de basse conjoncture l'expérience a bien montré que la marge de manoeuvre dont nous disposions était très faible et qu'il était nécessaire de recourir à l'emprunt y compris pour le budget de fonctionnement, afin d'éviter trop de casse. Il y a donc un moment, c'est vrai, où il faut rembourser, pour préparer les lendemains plus difficiles.
Maintenant, sur la méthode, je dois dire que l'expérience que nous avons faite dans les années 90 nous pousse à nous méfier a priori des mécanismes automatiques. Gérer les finances publiques, c'est toujours naviguer à vue et rien ne remplace la volonté politique. Si l'on veut diminuer la dette, il faut en avoir la volonté : il faut qu'une majorité du Conseil d'Etat en ait la volonté -cela ne fait pas partie des choses évidentes, quelle que soit sa composition ! - et qu'une majorité du parlement en ait aussi l'intention. Ajoutons à cela qu'il y a un arbitrage à faire, en tout temps et à tout moment, par rapport aux besoins urgents exprimés, qui n'ont pas pu être satisfaits pendant les périodes précédentes, et une pression incessante - il faut tout de même le rappeler ! - à la baisse de la fiscalité, qui nous gêne effectivement pour amortir rapidement notre dette.
En l'état, nous examinerons bien sûr cette proposition, mais nous sommes plus proches, à vrai dire, du projet exposé - assez succinctement à ce jour, il faut bien le dire - par Mme Calmy-Rey, à savoir la constitution de provisions pendant les années positives, dans l'objectif de les débloquer dans les périodes difficiles. Sur le plan comptable, cela revient au même : en effet, lorsqu'on constitue des provisions, à l'évidence on diminue la dette, et c'est d'ailleurs parce qu'on a fait passer dans les comptes un certain nombre de provisions que la dette a diminué. Cette voie est sage, la constitution des justes provisions ordinaires, la constitution d'un fonds de temps de crise en quelque sorte, nous paraît juste. Cela dit, le débat devra porter concrètement sur l'arbitrage dont j'ai parlé et, à cet égard, nous aurons l'occasion de nous exprimer très largement lors de l'établissement du prochain budget.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur: M. David Hiler
Le président de la Commission des finances, M. Bernard Lescaze, s'est attelé à une tâche indispensable mais délicate : purger les objets en suspens devant la Commission des finances. Dans cette longue liste figurent en effet plusieurs propositions de projets de loi et de motions qui datent de plusieurs années déjà.
C'est le cas de la proposition de motion 776 déposée par le groupe des Verts le 28 janvier 1992, soit il y a huit ans de cela, que la Commission des finances a traité dans sa séance du 26 janvier 2000. Cette motion avait été rédigée peu après le rejet du projet de budget par le Grand Conseil. L'idée générale de la motion était que le Conseil d'Etat devait présenter dans les trois mois un plan de redressement financier visant à absorber le déficit du budget de fonctionnement avant amortissement. Il devait s'agir, selon les auteurs de la motion, « d'un plan global et cohérent qui énonce clairement les priorités et les objectifs fixés par le Conseil d'Etat pour les trois années à venir. »
Le plan d'assainissement financier devait répondre aux exigences suivantes :
maintenir les prestations essentielles de l'Etat ;
assurer la couverture sociale des personnes les plus démunies ;
éviter la réduction du personnel « opérationnel » (enseignants travaillant dans les classes, infirmiers et infirmières au chevet du malade) dans les différents services ;
introduire de nouvelles sources de financement sous forme de taxes d'incitation écologiques affectés à des tâches définies.
Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis le dépôt de la motion. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont bel et bien adopté un plan de redressement (quadriennal) sous la forme d'une suppression linéaire de postes, d'un sérieux coup de frein à l'indexation et aux mécanismes salariaux et d'un blocage des subventions. Le retour à l'équilibre budgétaire est aujourd'hui programmé pour les comptes 1999, en dépit de la réduction des impôts acceptée par le peuple en automne 1999.
Dans ces conditions, l'intérêt de la motion réside uniquement dans les diverses propositions qu'elle contient, prises en tant que telles. La majorité de la commission a jugé qu'une fois expurgée de ses considérants et de trois de ses invites qui n'avaient plus de sens dans le contexte actuel, la motion soulevait des problèmes très actuels malgré son grand âge.
Les taxes écologiques, la transparence fiscale, la gestion des ressources humaines dans le service public ou l'institution de structures participatives sont encore aujourd'hui au coeur du débat politique.
La présidente du Département des finances a d'ailleurs tenu à préciser que le traitement de cette motion serait l'occasion pour le Conseil d'Etat de faire un véritable état des lieux à l'intention du Grand Conseil. Ainsi, la commission a appris qu'un rapport avait été demandé à Me Oberson sur les possibilités offertes en matière de fiscalité écologique. Un mandat a ensuite été donné à une commission externe de poursuivre l'étude. De même, en ce qui concerne la mobilité, le Conseil d'Etat a fait un petit bout de chemin avec l'institution d'un « fonds mobilité » dont la mise en oeuvre reste délicate.
La commission a dès lors décidé d'entrer en matière sur la motion et accepté un certain nombre d'amendements proposés par l'auteur du présent rapport au nom du groupe des Verts.
Pour des raisons évidentes, elle a voté à l'unanimité la suppression de la première invite. Celle-ci invitait le Conseil d'Etat « à présenter au Grand Conseil, avant fin mars 1992, un plan de redressement financier sur trois ans, permettant de résorber le déficit du budget de fonctionnement (avant amortissement) au plus tard pour le budget de 1995 »
Pour des raisons non moins évidentes et toujours à l'unanimité, la commission a entièrement modifié le sens de la deuxième invite qui devient « à définir un programme d'actions qui énumère les mesures envisagées par le Conseil d'Etat et fixe un échéancier pour le retour à l'équilibre et à l'amortissement progressif de la dette. » Le retour à l'équilibre annoncé pour les comptes 1999 sera suivi d'une baisse de 7 % des impôts sur le revenu et la fortune. Il convient donc de s'assurer que le Conseil d'Etat a une stratégie pour dans un premier temps consolider le recours à l'équilibre, puis, dans un deuxième temps, amortir progressivement la dette.
Il s'agit là d'une question politique de toute première importance. L'expérience a montré qu'en cas de récession durable, l'équilibre budgétaire ne peut plus être atteint ; que les collectivités publiques sont condamnées à connaître de gros déficits annuels, quelle que soit la rudesse des mesures d'économies qu'elles prennent. La crise entraîne inévitablement des dépenses supplémentaires, alors que les revenus stagnent.
Dans ces conditions, les périodes plus favorables doivent absolument être utilisées pour réduire la dette, de sorte à redonner une marge de manoeuvre à l'Etat, si des temps plus difficiles devaient revenir. Cet objectif ne peut être atteint que par une grande modération dans les investissements, dont le montant net ne devrait pas dépasser celui des amortissements. Il exige également une maîtrise constante des dépenses avec un examen extrêmement précautionneux de toute nouvelle création de poste ou de subvention. Il impose également de savoir dire non à tous ceux qui, avec le retour à l'équilibre financier, vont demander une baisse de la fiscalité dans un domaine ou dans l'autre, pour une catégorie sociale ou une autre.
Dans l'idéal, les budgets des bonnes années devraient permettre d'amortir à raison de 200 ou 300 millions la dette, ce qui permettrait d'une part de dégager des ressources (diminution des intérêts passifs) et d'autre part de disposer d'un volant de manoeuvre en cas de récession, de sorte à limiter l'ampleur des déficits.
La troisième invite a donné lieu à un débat assez vif. La majorité de la commission a finalement adopté le texte suivant par 8 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve), 5 non (2 DC, 1 L, 2 R) : «à introduire des taxes d'incitation écologiques affectées à des tâches définies. »
La minorité n'acceptait d'entrer en matière que si la neutralité fiscale de l'opération était garantie. En d'autres termes, l'instauration d'une taxe écologique devrait, pour la minorité, être accompagnée d'une baisse des impôts ou de la diminution d'une autre taxe affectée, pour un montant équivalent.
La majorité a refusé d'entrer dans ces vues. Les taxes écologiques diffèrent des autres taxes dans la mesure où elles ont pour but de pénaliser des consommations dommageables pour l'environnement et non de couvrir les frais d'une prestation de l'Etat. L'expérience montre que la plupart du temps leur produit est affecté à encourager de nouvelles technologies ou de nouveaux comportements permettant de limiter la charge sur l'environnement.
Actuellement, Genève ne connaît aucune véritable taxe écologique. Les taxes sur l'eau permettent seulement de couvrir les frais de pompage, de distribution et d'épuration. La taxe pour l'incinération des déchets est certes supérieure au coût de l'incinération et le surplus de recettes est affecté à la promotion du recyclage, mais ce ne sont pas les particuliers qui sont concernés, mais les communes.
La marge de manoeuvre des cantons est en fait très limitée. Les taxes réellement significatives, sur l'énergie en particulier, sont du domaine fédéral. Les taxes écologistes ne représenteront jamais des sommes très considérables et ne seront efficaces que si elles sont redistribuées. Ainsi, si le canton devait établir une taxe sur l'imperméabilisation des sols, celle-ci ne serait efficace que si son produit est affecté à financer des mesures limitant précisément les problèmes liés à l'imperméabilisation des sols : subvention à la végétalisation des toitures, récupération des eaux de pluie, création de parcs publics dans les zones en voie d'urbanisation, etc.
Dans ces conditions, selon la majorité, la neutralité fiscale ne se justifie pas forcément, puisque la taxe est redistribuée et non affectée au financement des tâches usuelles de l'Etat.
La quatrième invite de la motion, soit « à améliorer les informations concernant les recettes fiscales, en instaurant notamment la transparence fiscale », est acceptée sans modification, par 8 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve), 5 non (2 DC, 1 L, 2 R). C'est évidemment la transparence fiscale, refusée par la minorité, qui explique ce vote partagé.
La cinquième invite, soit « à élaborer une politique globale de gestion des ressources humaines portant sur l'ensemble des services publics » est acceptée sans amendement par 11 oui (2 AdG, 2 DC, 1L, 1 R, 3 S, 2 Ve), 2 abstentions (1 AdG, 1 R).
La sixième invite est acceptée 12 oui (3 AdG, 2 DC, 1 R, 1 L, 3 S, 2 Ve) et 2 abstentions (2 R), après avoir été ainsi amendée : « à mettre en place des structures de concertation et de participation interne à tous les niveaux de l'administration ». Dans l'esprit de la commission, il s'agit avant tout de disposer d'une évaluation des structures participatives déjà instaurées (commissions du personnel des départements notamment) et de manifester une volonté principe de développer la participation du personnel au sein de l'Etat.
La septième invite est acceptée par 9 oui (2 DC, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve), 4 abstentions (3 AdG, 1 R), après avoir été ainsi amendée : « à stimuler la mobilité (départementale et interdépartementale) des fonctionnaires et à orienter la formation dans ce sens. » Il convient de rappeler que le thème général de la mobilité concerne aussi bien la possibilité de transferts de postes au sens budgétaire, sans transfert de personnel, en jouant sur le turnover, que le transfert de personnels d'un service ou d'un département à l'autre.
Enfin la suppression de la huitième invite, soit « à proposer des mesures pour améliorer le contrôle financier de l'administration par une instance indépendante de l'Etat dont les constatations seront accessibles au Grand Conseil par l'intermédiaire de sa Commission des finances. », a été acceptée à l'unanimité. La création de l'Inspection cantonale des finances, l'accès garanti à ses rapports par les Commissions des finances et de contrôle de gestion, le renforcement du service chargé du contrôle des fondations répondent entièrement aux voeux des auteurs de la proposition
C'est de même à l'unanimité qu'a été acceptée la suppression de la neuvième invite, « à organiser un large débat public permettant d'apporter des idées nouvelles sur les tâches de l'Etat, avec la participation des représentants du personnel, des milieux d'usagers des services publics et des partenaires sociaux. » Le débat public a eu lieu ! De la loi instituant des mesures en vue du rétablissement des finances publiques, en 1992 à la récente initiative libérale pour une réduction des impôts, en 1999, le peuple a été amené à se prononcer à plus d'une dizaine de reprises sur des propositions relatives au rétablissement de l'équilibre budgétaire.
Au vote final, le renvoi du projet de motion 776 au Conseil d'Etat a été accepté par 8 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve), 5 non (2 DC, 2 R, 1 L).
Le texte de la motion telle qu'elle ressort du travail de la commission, et sa numérotation remise à jour, est le suivant :
« Le GRAND CONSEIL
invite le Conseil d'Etat
à définir un programme d'actions qui énumère les mesures envisagées par le Conseil d'Etat et fixe un échéancier pour le retour à l'équilibre et à l'amortissement progressif de la dette ;
à introduire des taxes d'incitation écologiques affectées à des tâches définies ;
à améliorer les informations concernant les recettes fiscales, en instaurant notamment la transparence fiscale ;
à élaborer une politique globale de gestion des ressources humaines portant sur l'ensemble des services publics ;
à mettre en place des structures de concertation et de participation interne à tous les niveaux de l'administration ;
à stimuler la mobilité (départementale et interdépartementale) des fonctionnaires et à orienter la formation dans ce sens.
Conclusion
La motion 776, après les amendements acceptés par la Commission des finances, offre l'intérêt de permettre au Conseil d'Etat de clarifier ses intentions sur quelques aspects essentiels de la politique budgétaire, souvent abordés lors des travaux de la Commission des finances. C'est dans cet esprit que la majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la renvoyer au Conseil d'Etat.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: M. Claude Blanc
La majorité parlementaire n'a décidément pas digéré la claque reçue le 26 septembre 1999 lorsque les électeurs ont accepté l'initiative sur la baisse des impôts. Mauvaise perdante, elle rumine sans arrêt les moyens de sa vengeance. Et tous les moyens sont bons, à commencer par l'exhumation d'une proposition de motion écolo du 28 janvier 1992 concernant un plan de redressement financier pour rétablir l'équilibre du budget de fonctionnement du canton. Et que trouve-t-on dans ce projet fossile ?
Tout d'abord cette vieille idée d'inquisition fiscale pudiquement appelée « transparence fiscale ». C'est oublier qu'entre-temps le peuple a sèchement rejeté une initiative de la gauche plurielle poursuivant le même but.
Ensuite le projet écolo tel qu'il ressort des travaux de la commission, invite le Conseil d'Etat « à introduire des taxes d'incitation écologiques affectées à des tâches définies ».
Alors là, il faut être très clair. Qu'une réforme de la fiscalité dans le sens d'un encouragement au développement durable soit souhaitable, personne ne le nie, en tous cas pas le PDC. Mais il ne s'agit pas seulement d'introduire de nouvelles taxes, il s'agit de réformer globalement la fiscalité dans ce sens et le résultat doit être neutre. Pas comme le projet écolo sur l'impôt auto actuellement en commission.
Qu'une révision de cet impôt soit souhaitable pour encourager les moins pollueurs, d'accord ! Mais il ne faut pas tenter de profiter de l'occasion pour augmenter la charge fiscale globale. La ficelle est trop grosse, mais les écolos sont incorrigibles et l'on en vient à souhaiter que l'initiative sur le référendum fiscal obligatoire soit acceptée par le peuple afin que celui-ci se réserve le dernier mot chaque fois que l'on tentera de mettre la main dans sa poche !
Dans l'intervalle, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la Commission des finances (L, R et DC) vous invite à rejeter le projet de motion 776.
Débat
M. David Hiler (Ve), rapporteur de majorité. La commission des finances s'est retrouvée, comme il arrive parfois, devant un projet extrêmement ancien, qui correspondait à d'autres circonstances, mais dont il a été admis de part et d'autre, après un examen sommaire, qu'il était encore aujourd'hui, pour certaines de ses invites, au coeur du débat politique.
Nous avons donc remanié les invites - comme vous le savez, les considérants ne se remanient pas et ceux-ci n'ont plus aucune importance aujourd'hui - et vous trouvez ainsi, à la page 6 du rapport, les mesures sur lesquelles la majorité de la commission s'est mise d'accord.
La première invite est importante, elle va dans le sens de la discussion que nous venons d'avoir : nous pensons qu'il serait bon que le Conseil d'Etat se fixe des objectifs en matière d'amortissement progressif de la dette. Sachant bien sûr qu'atteindre ces objectifs est une chose, il conviendrait toutefois qu'on ait une idée sur le long terme, qu'on sache, dans l'hypothèse d'une conjoncture qui resterait celle d'aujourd'hui, soit une bonne conjoncture, à quelle vitesse il est possible d'aller à l'avenir dans l'amortissement de la dette. Là-dessus, il n'y a pas eu des divergences très marquées entre les commissaires de la commission.
En revanche, sur le point 2 - l'introduction des taxes d'incitation écologiques affectées à des tâches définies - il y a eu une opposition de l'Entente, qu'elle développera tout à l'heure.
Le point 3 est également un point de conflit traditionnel entre les forces de ce parlement : c'est la question de la transparence fiscale. Même si, par le passé, il nous est arrivé de perdre devant le peuple sur ce type de revendication, nous n'avons pas pour autant changé d'avis.
Enfin, les trois dernières invites sont plus consensuelles et portent sur des objets centraux de la prochaine législature : ce sont les questions de la réorganisation de l'Etat, de sa réforme, dans un sens moins hiérarchique, moins pyramidal, dans le sens de donner plus de responsabilité aux agents de la fonction publique à tous niveaux, de favoriser également une mobilité professionnelle à l'intérieur de l'Etat et des plans de carrière dans les secteurs où il n'y en a aucun aujourd'hui. Bref, de mener une politique qu'on ne dira même pas d'aujourd'hui, mais qui soit à la fois plus satisfaisante pour les collaborateurs et plus satisfaisante, du point de vue des résultats, pour l'Etat de Genève.
La majorité vous suggère donc d'accepter sans amendement ces recommandations. Elles seront surtout, j'aimerais le souligner, l'occasion pour le Conseil d'Etat de nous faire rapport et c'est à partir de là que la discussion réelle et, j'imagine, assez vive prendra un tour plus concret.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de minorité. Il est évident que ce débat est un peu académique, puisqu'en fait il concerne une veille motion, des vieux thèmes qui sont récurrents et qu'on reprendra à loisir lors de projets concrets. L'une des deux raisons pour lesquelles je me suis permis de faire un rapport de minorité, c'est d'abord la troisième invite de la motion, qui reparle de la transparence fiscale. Mesdames et Messieurs, le peuple vous a dit ce qu'il pensait de la transparence fiscale il n'y a pas longtemps et je ne pense pas que vous prendrez sur vous de vous faire battre par le peuple une deuxième fois en si peu de temps !
Et puis la raison principale, c'est la deuxième invite qui parle d'introduire des taxes d'incitation écologiques. Que l'on imagine une fiscalité plus écologique, nous sommes d'accord, mais il faut alors que le résultat final de cette fiscalité soit neutre. Or, vous vous bornez ici à envisager une taxe d'incitation écologique simplement en prélevant davantage, alors qu'il faudrait dire en même temps où vous voulez prélever moins. En effet, le peuple l'a dit aussi à plusieurs reprises et récemment encore : il n'est pas question d'augmenter les prélèvements obligatoires.
Je vous rappelle qu'il y a, dans une commission - ce doit être la commission fiscale - un projet de loi écolo qui traîne depuis des mois concernant la modification de l'impôt auto et qui vise précisément à transformer cet impôt pour le rendre plus incitatif et favoriser les voitures qui consomment moins d'énergie. Ce projet serait acceptable en soi s'il était neutre, mais il ne l'est pas et en réalité, Mesdames et Messieurs, vous en profitez pour augmenter les prélèvements obligatoires.
Alors, si vous nous présentiez un projet qui soit incitatif mais neutre, nous pourrions accepter d'en discuter. Voilà pourquoi je n'ai pas voulu laisser cette motion sans faire ce petit rapport de minorité.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de majorité. Sur la question de la fiscalité écologique et d'incitation à la protection de l'environnement, et le niveau général des prélèvements par l'Etat, telle que la pose M. Blanc, je dirai ceci. En réalité, nous aurions très bien pu dire que le prélèvement global n'augmenterait pas par rapport à ce qu'il était, puisque nous sommes actuellement en train de diminuer, suivant la volonté du peuple, la fiscalité directe de 12% : le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a une marge d'ici qu'on introduise des taxes d'incitation écologiques atteignant ce type de montant !
D'autre part, nous savons tous ici qu'il y aura une diminution, voire une suppression de la taxe sur le droit des pauvres, qui offre donc un espace de compensation assez important.
J'ai bien pris note de votre message concernant la taxe sur les automobiles, mais ce que j'aimerais relever, c'est qu'en matière de taxation écologique le gros du travail est à faire par la Confédération, au vu de la répartition des compétences. Si des taxes de cet ordre sont décidées au niveau du canton, elles porteront sur de petits montants et leur rôle sera forcément plus d'inciter, ou de dissuader, que de remplir les caisses par des montants significatifs. Par exemple, toutes les propositions envisagées par le canton de Berne produiraient, appliquées à Genève, des sommes qui seraient inférieures à 30 millions. Je rappelle également qu'en ce qui concerne la taxe auto - qui n'est pas une taxe écologique, mais une vieille taxe - ce qui lui donnerait un caractère d'incitation, c'est la manière de la percevoir. En effet, en tant que telle, c'est historiquement un bon vieil impôt sur un signe extérieur de richesse, qui s'est transformé en une taxe comme les autres. Et ce qui ferait la différence, c'est que la lourdeur de cette taxe soit très en rapport, et éventuellement de façon exponentielle, avec la consommation des véhicules. C'est cela qui lui donnerait un caractère écologique.
Sans allonger, je dirai que je partage les considérations de M. Blanc sur le caractère académique du débat de ce soir, mais que nous avons là quelques exemples de ce que va être le débat politique dans un proche avenir. Il n'est donc pas sans importance, de ce point de vue là, que le rapport du Conseil d'Etat soit extrêmement complet, de sorte que nous partions au moins, que nous nous déchirions ou que nous trouvions un consensus, sur des bases documentaires sérieuses.
M. Bernard Clerc (AdG). Je dois dire que l'hypocrisie de M. Blanc me frappe toujours beaucoup... (Exclamations.) En effet, il nous parle aujourd'hui de neutralité fiscale, mais j'aurais bien aimé qu'il tienne le même discours sur la neutralité fiscale, il y a une année, à savoir : il n'est pas question de réduire les recettes de l'Etat, il faut donc combattre l'initiative 111 de réduction des impôts ! Il ne l'a pas fait, mais aujourd'hui, lorsqu'on envisage un certain nombre de mesures, alors là il parle de neutralité fiscale. Et il explicite quelle est sa conception de la neutralité fiscale : elle rejoint tout à fait les propositions qui viennent d'être formulées par le Vorort, qui consistent à augmenter, par exemple, la TVA - soit les taxes indirectes qui frappent tout le monde de la même manière - et à réduire l'impôt direct. Voilà la position réelle et de fond de M. Blanc et de son parti, qui n'a rien à voir avec une soi-disant neutralité fiscale.
Quant aux taxes écologiques, elles doivent effectivement être incitatives, c'est-à-dire qu'elles devraient conduire à réduire la pollution, à changer les comportements et qu'une fois le but atteint, elles devraient être condamnées à disparaître. Je ne vois donc pas comment on pourrait remplacer la fiscalité directe par des taxes écologiques. C'est dans ce sens-là que nous soutenons cette motion et que nous vous demandons de rejeter les arguments hypocrites de la minorité.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur de minorité. M. Clerc vient de démontrer son incohérence. D'un côté, il dit qu'il faut baisser les impôts indirects, qui frappent tout le monde de la même manière, pour augmenter l'impôt direct et, de l'autre, il me reproche de faire la même chose ! Il me reproche de vouloir limiter cet impôt indirect qu'est l'impôt auto, sachant que, le peuple ayant décidé de diminuer les prélèvements obligatoires, il ne s'agit pas de les réintroduire sous le prétexte fallacieux d'une taxe d'incitation. Qu'on introduise des taxes d'incitation, d'accord, mais il ne faut pas que cela augmente la masse des impôts indirects. Là, Monsieur Clerc, vous êtes en totale contradiction avec ce que vous affirmez par ailleurs, par exemple quand vous dites que vous êtes pour la suppression du droit des pauvres, car c'est un impôt indirect qui frappe tout le monde, et qu'on devrait compenser le manque à gagner par l'impôt direct. Encore qu'il ne s'agit pas d'augmenter l'impôt direct : il s'agit de savoir si on peut diminuer encore les prélèvements obligatoires et c'est là-dessus que nous ne sommes pas d'accord. En revanche, quand vous proposez, par des taxes incitatives sur les voitures, d'augmenter les prélèvements indirects, là vous êtes incohérent.
Quant à moi, je suis pour une taxe incitative, mais sans augmentation de la masse prélevée, de manière que les montants prélevés sur les gros consommateurs d'énergie puissent être rendus aux autres. Ma conception de la taxe incitative, ce n'est pas de permettre à l'Etat de s'en mettre plein les poches. Vous me direz que ce sont de petites sommes, mais c'est le principe qui compte, mes chers collègues !
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
En date du 8 juin 1998, le Grand Conseil renvoie au Conseil d'Etat une motion de la Commission fiscale invitant le Conseil d'Etat :
- à établir un rapport relatif aux dysfonctionnements relevés à l'administration fiscale à partir de 1995, à déterminer les responsabilités y relatives et à préciser les conséquences sur la perception des impôts et sur l'organisation de l'AFC ;
- à dresser l'inventaire des besoins permettant une efficacité accrue de l'AFC, notamment pour la maîtrise du passage à l'an 2000.
A. Etat des lieux avant 1998
Les problèmes rencontrés par l'administration fiscale cantonale ces dernières années tenaient au moins autant à l'ancienneté des équipements et des langages informatiques qu'à l'organisation de cette grande direction et du projet d'imposition assistée par ordinateur (IAO).
a) Les dysfonctionnements liés au système informatique et au projet « impôts assistés par ordinateur »
C'est au début de l'année 1995, pour la taxation de 1995, qu'a été introduit le logiciel « impôts assistés par ordinateurs » (IAO).
Les déclarations, après que leur réception ait été enregistrée, étaient entièrement saisies par les taxateurs/trices. Ces derniers procédaient ensuite à la taxation proprement dite directement à l'écran (le crayon était banni). Enfin les bordereaux, accompagnés d'un avis de situation, étaient émis par le vieux système Unisys.
Le système de taxation mis en place s'est tout de suite caractérisé par son extrême lenteur. La production journalière moyenne du taxateur/trice, qui était de 30 taxations, n'était plus que d'une douzaine. Le 10 août 1995, seuls 40'000 bordereaux pour un montant de 270 millions de francs avaient été notifiés, alors qu'à la même date en 1994, 105'000 bordereaux totalisant 784 millions de francs avaient été expédiés.
Ces informations étaient connues. A fin 1995, il a été décidé de procéder à des taxations allégées et à environ 30'000 taxations provisoires. Ces dernières ont été établies sur la base de la seule saisie des éléments déclarés par les contribuables, saisie effectuée par du personnel temporaire, une soixantaine de personnes engagées dans le courant de l'année. La qualité de ces taxations provisoires était franchement mauvaise.
Durant les premiers mois de 1996, l'administration fiscale a dû rendre définitives les 30'000 taxations provisoires et procéder dans l'urgence à la taxation de l'impôt fédéral direct. La taxation de 1996 a dès lors débuté avec trois mois de retard. Considérant ces faits, décision a été prise le 1er avril 1996 de revenir à la taxation « à l'ancienne ». Les déclarations, après que leur réception ait été enregistrée, sont taxées sur papier, puis remise à un pool de saisie qui enregistre les informations sur IAO, pour que sortent les bordereaux, toujours sur le vieux système Unisys. C'est ainsi que se termine l'avancement du projet IAO, la suite ayant été gelée.
Les perturbations vécues dans les services de taxation ont abouti au retard que l'on sait et à l'accroissement important des taxations provisoires pour les personnes physiques à fin 1995. Des mesures ont dû être prises, en matière de procédure de remboursement, dès le quatrième semestre 1995, en matière de modification des acomptes provisionnels 1996, ainsi qu'en matière de procédure de recouvrement des soldes dus de l'exercice 1995.
Ces mesures visaient à supprimer certains automatismes, dès fin 1995, (remboursements) au profit de contrôles et de procédures manuelles et restrictives d'une part, et, d'autre part, à décaler dans le temps des actions de recouvrement des soldes dus résultant des dernières notifications de l'exercice 1995, jusqu'à ce que toutes les rectifications aient pu être effectuées par les services de taxation.
En outre, les contribuables n'ont eu à intervenir que de façon très réduite pour faire modifier leurs acomptes provisionnels 1996, le service du recouvrement ayant spontanément pris en charge ces modifications au fur et à mesure que les taxations provisoires 1995 devenaient définitives.
Il a, également au fur et à mesure, été procédé aux remboursements des trop-perçus d'impôts 1995 dans le courant 1996.
Globalement les montants et le nombre, très importants au 1.1.96, des créances ordinaires de l'exercice 1995 dues par les personnes physiques domiciliées ou non à Genève ont plus fortement diminué que d'habitude au cours de 1996, pour atteindre vers la mi-avril 1997 le niveau des créances correspondantes de l'exercice 1994 au 31.12.95. Ce « retard » de 3 mois et demi est cependant également lié aux problèmes conjoncturels, comme en atteste l'augmentation croissante des sommations de payer depuis plusieurs années. C'est vers la mi-mars 1998 que les montants et le nombre des créances ordinaires de l'exercice 1996 dues par les mêmes catégories de contribuables, moins importants au 1.1.97, ont atteint le niveau des créances correspondantes de l'exercice 1994 au 31.12.95.
En 1996, les travaux de taxation ont été retardés pour l'impôt fédéral direct 1995-1996. Le solde des bordereaux n'a pu être notifié qu'au printemps 1997. Pour atténuer les effets pour les contribuables de l'obligation de payer dans les 30 jours la totalité des impôts dus pour les deux années, la décision a été prise de leur accorder un délai supplémentaire automatique jusqu'au 30 septembre 1997 pour la tranche 1996.
b) L'organisation de l'administration fiscale cantonale
Jusqu'à fin 1993, l'AFC était organisée en six divisions ; à la tête de chacune d'entre elles se trouvait un directeur, l'ensemble étant sous la responsabilité d'un directeur général. Suite au départ du directeur général en 1993, ce poste a été dédoublé en une fonction administrative et logistique et une fonction de responsable des questions relatives au développement du droit fiscal et à sa mise en oeuvre. La volonté étant de privilégier la fonction de gestion, en vue d'un développement et d'une introduction rapides du logiciel IAO. La maîtrise de la conduite de ce projet s'est située auprès de l'administrateur général et du directeur de la division des personnes physiques de l'AFC. Ce dernier a pris sa retraite dans le courant de l'année 1995, mais a continué à être impliqué dans le projet IAO, en tant que consultant, jusqu'à fin 1995.
Courant 1996, après le gel de l'avancement de l'application IAO, l'administrateur général s'est vu confier d'autres tâches, hors AFC. Dès le 1er novembre 1996, l'AFC a été réorganisée en trois directions. La direction générale était désormais assumée conjointement par les responsables des trois nouvelles directions.
La première tâche de cette direction tricéphale a été de poursuivre le processus de normalisation des travaux de taxation. Il s'est ensuite agi de faire face aux divers problèmes informatiques de l'AFC, qui sont apparus avec une plus grande acuité à la suite du regroupement de l'ensemble de la maîtrise d'oeuvre au sein des nouveaux centres d'exploitation et de développement des technologies de l'information, début 1997.
C'est dans ce contexte qu'il est apparu nécessaire de lancer le projet « Expertise AFC » et, donnant suite à l'une des conclusions de ce rapport, de confier au cabinet Revisuisse Price Waterhouse une mission destinée à établir une cartographie des flux comptables au sein de l'AFC.
c) Le rapport « expertise AFC »
Les conclusions du rapport d'expertise, rendu en septembre 1997, mettent en évidence un système d'information trop atomisé avec des sous-systèmes qui communiquent mal entre eux, une très mauvaise qualité des données, avec des pertes d'information, un système si vieux que toute maintenance entraîne des problèmes.
Mesdames et Messieurs les député-e-s ont d'ores et déjà eu connaissance de ce rapport. Nous souhaitons néanmoins reproduire ci-dessous l'inventaire des dysfonctionnements dus au système IAO, tel que nous l'analysons aujourd'hui :
il n'y a pas eu au départ de réflexion globale. L'AFC n'a pas été abordée comme une entité mais comme une addition de services distincts. Résultat : l'outil informatique constitué d'applications de générations différentes (Unisys, Magic, Oracle Unix) est précaire. Les plates-formes sont hétérogènes et le dialogue par le biais d'interfaces n'est pas fiable, voire inexistant ;
les utilisateurs/trices n'ont pas été suffisamment consultés et leurs besoins n'ont pas été pris en compte. De ce fait les applications ne répondent pas aux besoins. Les taxateurs/trices des personnes physiques n'expriment pas de satisfaction. D'après eux, l'outil informatique n'est pas adapté à leur travail. Ils estiment qu'IAO a causé des retards considérables et à fait perdre de l'argent à l'Etat. En revanche, l'outil semble mieux correspondre à la taxation des personnes morales ;
systèmes d'information : il n'y a, au départ, pas eu d'état des lieux, la période de test n'a pas été respectée, les interfaces entre les sous-systèmes n'ont pas été sécurisées et aucun élément n'a été mis en place pour suivre les changements et constater les dérives. Les applications ont vraisemblablement été développées en tenant compte des règles de gestion énoncées, sans pouvoir cependant garantir leur fiabilité. En outre, les investissements consentis pour IAO ont eu pour effet de stopper tous les travaux sur les autres systèmes ;
chaînes de traitements : les interventions sur les bases de données n'ont pas été répertoriées, il n'y a pas eu d'inventaire des incidents, le système a été désécurisé avec l'objectif déclaré d'améliorer les performances. La porte était ainsi grande ouverte à l'introduction volontaire ou involontaire d'anomalies ;
les problèmes concernant Unisys existent depuis plus de 10 ans, notamment pour ce qui concerne l'exécution des chaînes de traitement. On n'a jamais tenté de remédier aux causes des problèmes. On s'est contenté d'agir sur les seules conséquences ;
magic nécessite un suivi permanent, une diminution de sa surveillance entraînant immédiatement des effets négatifs sur son bon fonctionnement ;
la fiabilité des interfaces entre les systèmes est mauvaise. Le système IAO ayant manqué de temps pour sa réalisation, les interfaces font partie des opérations délaissées ;
bien que primordial, le niveau de contrôle informatique en matière d'intégrité et de sécurité est faible ;
les applications des rôles et de la comptabilité sont obsolètes et doivent être revues en profondeur. Il existe des différences pour la plupart des impôts gérés par le service de la comptabilité de l'AFC.
du côté de la direction de l'AFC, mise en place d'un organe de conduite de la maîtrise d'ouvrage (OCOMOA). Mais l'action de la direction générale tricéphale est entravée par l'absence de lignes directrices claires et le manque d'une fonction de coordination des activités administratives.
d) Les causes
1. La précipitation
Techniquement le projet IAO s'est effectué dans la précipitation et sans analyse sereine de la situation. Les principales règles de gestion de projet n'ont pas été appliquées et l'échec était quasi programmé. Les tests grandeur nature n'ont pas été effectués et il n'a de ce fait pas été possible de se préparer aux réglages de l'application. Entre les bugs, la mauvaise utilisation et la non performance de l'application, le retard s'est très vite installé et a encore fragilisé l'édifice informatique.
Aucun plan de secours n'a été prévu avant la mise en fonction du nouveau système. Comme la machine s'est emballée très rapidement, le temps a fait défaut pour mesurer l'incidence des décisions prises. Ces dernières l'ont été à la hâte. Très vite, les taxateurs/trices se sont rendus compte qu'ils manquait des champs d'application et qu'ils ne pouvaient pas rentrer toutes les données d'une feuille d'impôt. De plus, la lenteur du système a nécessité l'installation de deux PC supplémentaires par taxateur/trice, afin qu'ils puissent traiter plusieurs déclarations ensemble. Le rapport d'expertise précise que 60 % seulement des informations de la déclaration des personnes physiques figure dans la base de données. Dans certains cas les taxateurs/trices sont contraints de se référer à la version papier. Le retard pris dans la taxation a également obligé l'administration à ouvrir le samedi et un grand nombre d'auxiliaires ont été engagés pour saisir les données. Il a dès lors été décidé de toucher à la partie vitale de l'applicatif et certains contrôles d'intégrité initialement appliqués ont été supprimés.
Les conséquences d'une telle situation sont difficiles à évaluer, car les interventions directes de rectification de données sur la base IAO ont été effectuées par le support-système et n'ont pas été répertoriées.
Une grande partie des problèmes aurait pu être évitée si l'opération test avait été effectuée au préalable. Elle aurait servi de référence pour comparer les résultats et mesurer la qualité du nouveau système. Les tests permettent de travailler des scénarii qui vérifient tous les aspects de l'introduction d'un nouvel outil au niveau organisationnel et technologique. Ils indiquent également dans quelle mesure l'outil est adapté aux objectifs de départ. Ces validations sont associées à un indice d'importance et il est déconseillé de poursuivre un projet tant que les valeurs souhaitées n'ont pas été atteintes.
Dans le métier informatique, on parle de politique de tests. Cette étape indispensable est évaluée à 50 % du temps total du projet. En évitant cette étape, on peut avoir au premier abord l'impression que le projet fonctionne malgré tout. Dans le cas présent, on s'est très vite rendu compte que ça n'était pas le cas : absence de référence unique des données, interfaces non synchronisées et non fiabilisées, élimination d'informations déterminantes, codification divergente. Les tests auraient sans doute abouti à un report du démarrage ou dans le pire des cas à un retour à la case départ pour non conformité aux fonctionnalités. L'absence d'outil automatique de contrôle de saisie n'a évidemment pas arrangé les choses. Enfin, il était impossible de se retourner contre les fournisseurs puisque les machines n'ont pas été utilisées correctement.
2. L'absence de concertation et la non adéquation aux besoins
Ces problèmes informatiques ont eu des répercussions directes sur la qualité du service rendu au contribuable. Au milieu 1995, le retard constaté était tel qu'il a fallu augmenter la vitesse de traitement des dossiers au détriment du temps consacré aux réponses, ainsi qu'aux renseignements.
La commission d'évaluation des politiques publiques, dans un rapport publié en 1997, met en évidence que de 1992 à 1994, la moitié des taxations étaient réalisées au premier semestre, 21 % en 1995 et 15 % en 1996. L'administration fiscale était en train d'étouffer.
Pour accélérer au maximum le traitement des déclarations, le système informatique a été dépouillé de son système de sécurité et de contrôle, considéré comme un frein. La qualité de traitement des dossiers, l'équité devant la loi, l'intégrité et la confidentialité des données sont devenues difficiles à garantir. Dans le même temps certaines activités ont été arrêtées comme la gestion des débiteurs « sans autre adresse (SAA) » ; le dégrèvement de ces débiteurs représente un montant actuel de 112 millions de francs.
Du côté du personnel, cette période a été très dure à vivre. Les collaborateurs et les collaboratrices n'ont pas eu la possibilité de s'investir dans le projet. La méthode choisie par la direction a été le passage en force. L'esprit d'équipe a fait ici particulièrement défaut. Dès que les premiers incidents sont apparus, la majorité des collaborateurs et des collaboratrices n'a pu que s'accommoder du système proposé. Les conditions de travail se sont aggravées, les cadences de travail ont augmenté : 10 à 12 heures par jour et des semaines de 6 jours et les défauts du système attribués à un soi-disant « faible niveau du personnel ».
En tout état de cause, le manque de concertation s'est fait sentir partout, entre les utilisateurs/trices et les informaticiens et entre les utilisateurs/trices et la maîtrise d'ouvrage (chefs de projet). La mise en application s'est faite sans que jamais l'on soit venu dans les services et lorsque les utilisateurs/trices ont tenté de s'exprimer, il n'a pas été tenu compte de leurs remarques.
La conséquence de ces erreurs figure dans la conclusion du rapport d'expertise : « les expertises et plans d'actions élaborés depuis le début des années 90, restés sans lendemain, ainsi que les tentatives de mise en place de nouveaux concepts globaux tels que machine de base de données RDBC, applications Magic et plus récemment IAO, n'ont pas atteint l'objectif souhaité ». Le rapport relève également qu'aujourd'hui IAO fonctionne bien, au détail prêt qu'il ne sert plus à la taxation, sauf pour les indépendants. Pour tous les autres domaines de taxation, la taxation est manuelle, ensuite ses différents éléments sont repris par les saisisseurs.
Mesdames et Messieurs les député-e-s, la motion de la Commission fiscale nous demande de déterminer les responsabilités relatives aux dysfonctionnements de l'administration fiscale à partir de 1995. Le 15 décembre 1998, le département a chargé M. P. Heyer, juge, de déterminer les responsabilités éventuelles des personnes en place actuellement ou au moment présumé des faits dans le cadre de la recherche des causes des différences comptables de 75 et 40 millions de francs constatées par le rapport fiduciaire et de la disparition supposée de registres de comptes.
Le juge Heyer conclut, nous citons : « Je pense qu'il serait injuste de mettre en évidence l'une ou l'autre défaillance individuelle. Ce qui est arrivé me paraît plutôt être le résultat d'une manière de gérer les affaires de l'Etat qui n'a heureusement plus cours. Les personnes chargées du service de la comptabilité n'étaient pas formées pour cela. Les supérieurs hiérarchiques s'intéressaient à d'autres affaires.
Je pense par conséquent qu'il convient de tirer un trait sur ce douloureux chapitre de l'AFC et de consacrer son énergie à la mise en place d'une administration rigoureuse et performante. »
Le Conseil d'Etat rejoint le juge Heyer dans ses conclusions. Les responsabilités de ce qui s'est passé sont diffuses. Elles tiennent d'un ensemble de pratiques et d'un état d'esprit et il est difficile d'individualiser de quelconques responsabilités.
Quant à l'effet des dysfonctionnements sur les recettes fiscales, il est certain que les taux de croissance que nous connaissons en 1998 et en 1999, respectivement 5,9 et 3,8 % (baisse d'impôt incluse) pour les personnes physiques, ne s'expliquent pas entièrement par l'amélioration conjoncturelle. Ils ne sont pas le seul fruit de la croissance mais intègrent aussi une bonne qualité de travail à l'administration fiscale.
B. De 1998 à nos jours : ce qui a été entrepris
1. Principes et étapes
Dès 1998, le Département des finances a mis sur pied une démarche de refonte et de modernisation du système d'information de l'administration fiscale. L'objectif est un système intégré construit autour d'une base de données unique, un système qui gère des données fiables, dont les règles de gestion sont transparentes et modifiables rapidement et qui offre un meilleur service aux contribuables.
La stratégie pour y parvenir est raisonnable. Elle consiste à assurer le fonctionnement de ce qui existe, y compris le passage à l'an 2000, et à réaliser en parallèle la modernisation et la refonte du système de manière échelonnée jusqu'en 2002. Nous avons renoncé à une manière de faire plus agressive et plus rapide, mais aussi plus dangereuse au profit du pragmatisme et de la sécurité, car il nous incombe la responsabilité d'assurer les recettes fiscales et le financement des prestations publiques.
2. OSI et comité de reconstruction
Au printemps 1998 un service d'organisation et systèmes d'information (OSI) a été créé. Directement rattaché à la présidence du département, il a pour mission d'assurer une vue d'ensemble du système d'information du Département des finances, de participer à l'élaboration et de garantir la mise en oeuvre des objectifs stratégiques de gestion, d'accompagner la maîtrise d'ouvrage face aux défis technologiques et organisationnels, de faciliter ses relations avec la maîtrise d'oeuvre, ainsi que de coordonner, planifier et mettre en place le contrôle interne des projets organisationnels et informatiques.
Il est mis en place dans le même temps un comité de reconstruction, présidé par la cheffe du département et qui regroupe l'ensemble des chefs de projet. Ce comité pilote et coordonne la maîtrise d'ouvrage et toutes les opérations entreprises. Il gère la collaboration avec le centre des technologies de l'information ainsi que la participation du personnel au projet.
3. Financement
La loi 7838 votée par le Grand Conseil en date du 25 novembre 1998 prévoit un volet de 18,2 millions de francs pour l'administration fiscale. Il garantit ainsi la maîtrise des ressources financières et d'assistance au Département des finances. Il s'agit concrètement :
d'adapter à l'an 2000 l'ensemble des applications utilisées par l'administration fiscale cantonale ;
de piloter les nombreuses maintenances correctives et les mesures de stabilisation techniques qui permettront de fiabiliser les traitements et les résultats et d'améliorer l'intégrité des données ;
d'organiser la mise à disposition pour l'ensemble des collaborateurs/trices de l'AFC de matériel performant permettant d'accueillir les nouveaux outils bureautiques et les futures applications ;
d'analyser les incidences informatiques et organisationnelles de l'adaptation des dispositions relatives à l'imposition des personnes physiques à la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes et assurer la mise en oeuvre des applications y relatives ;
de réaliser la première étape du projet de refonte visant à réorganiser le système d'information de l'AFC.
4. Les mesures prises
L'état des lieux tel qu'il a d'ores et déjà été décrit a rapidement mis en évidence la mauvaise qualité des données. Les problèmes informatiques se retrouvaient à plusieurs niveaux, tant du côté des logiciels que de l'infrastructure. Ils coexistaient avec des difficultés organisationnelles, soit difficulté d'utiliser les outils, manque de contrôle dans la production, absence de ligne claire de la part de la direction. Il devenait urgent d'agir.
1. Les mesures d'organisation
a) l'organisation de l'AFC
L'organisation en place début 1998 reposait sur une direction à trois et n'était de toute évidence pas satisfaisante, y compris pour ses titulaires. Elle devait changer au profit d'une direction plus claire et plus profilée. Décision a donc été prise, en accord avec la direction en place, de créer un poste de directeur général dont les capacités de gérer, de rassembler et de coordonner doivent permettre de mener à bien les importantes réformes en vue à l'administration fiscale.
D'autres changements de structures sont intervenus depuis, dans le but d'améliorer le fonctionnement des services : fusion des services de contentieux et de recouvrement, renforcement du contrôle, création d'un service de vérification, rattachement de la comptabilité et de l'économat de l'AFC aux services financiers du département, en leur donnant une mission départementale.
Enfin, considérant d'une part, que la mission de l'AFC, à savoir assurer le financement des prestations publiques, ne devait pas être mise en danger par la conduite des projets informatiques et que, d'autre part, la réussite des projets de modernisation de l'AFC était liée à l'engagement des membres du personnel, il convenait d'adapter en conséquence les processus de décisions.
La conduite du projet de refonte informatique par le comité de reconstruction, c'est-à-dire par une structure parallèle à la structure hiérarchique, autorise une démarche participative et a le mérite de ne pas mettre en danger le fonctionnement normal de l'administration auquel les directeurs se doivent de consacrer l'essentiel de leur temps et de leur énergie.
Stimuler l'esprit de coopération, permettre à chacun-e de s'approprier ses tâches et ses responsabilités, suppose des procédures de travail transversales et non hiérarchiques. Concrètement cette nouvelle organisation se caractérise par :
le comité de reconstruction.
Le comité de reconstruction constitue l'instance décisionnelle des projets liés à la refonte. Son rôle est d'orienter par ses décisions et de contrôler le bon déroulement en termes de coûts, de délais et de qualité.
Autour de la présidente du département, le comité de reconstruction réunit le directeur général de l'AFC, le responsable de l'OSI et tous les chefs/cheffes de projets. Les directrices et les directeurs de l'AFC ne sont pas appelés à participer en temps que tels aux séances du comité.
des comités de projets, chargés de l'exécution et de la livraison de tout ou parties du projet. Chaque comité est composé et piloté par des spécialistes « métiers », assistés par des professionnels de la conception et de la réalisation informatique. Les projets sont définis précisément, limités dans le temps, les modalités et le calendrier sont connus. Les chefs/cheffes de projets répondent devant le comité de reconstruction.
des ateliers réunissant tous les collaborateurs et les collaboratrices pour définir les besoins. Ces ateliers favorisent l'implication d'un grand nombre d'acteurs. Ils sont largement utilisés aussi bien dans les phases de conception (plan directeur, étude préalable) que dans les phases de construction (étude détaillée, réalisation).
des points de rencontre hebdomadaires avec les directeurs et les directrices et les chefs/cheffes de service pour intensifier la circulation de l'information tant verticale qu'horizontale.
Cette façon de fonctionner est partie intégrante de la volonté de la présidence du département et de la direction de l'AFC de mieux valoriser les fonctions « métiers » de l'AFC. Dans ce but, le plan de formation continue du personnel est renforcé et le statut des taxateurs et des taxatrices est en cours de réévaluation. La démarche a eu jusqu'ici des résultats globalement positifs en faisant progresser les projets de fiabilisation et de modernisation.
b) les mesures d'organisation du système d'information
b.1. les relations avec l'informatique de l'Etat (CTI)
Les différents états des lieux ont clairement démontré les lacunes de la production informatique. Ces dernières ont eu des répercussions directes sur les prestations de l'administration fiscale. Il a par conséquent été nécessaire de clarifier les besoins du département en la matière, c'est-à-dire :
1. faire l'inventaire des travaux de production effectués par le centre des technologies de l'information pour le compte de l'AFC, tels que l'impression des déclarations, le calcul des intérêts, etc. ;
2. vérifier l'adéquation des traitements avec les besoins des utilisateurs/trices ;
3. sécuriser les échanges de données entre les systèmes ;
4. optimiser la gestion des impressions et le post traitement ;
5. offrir aux utilisateurs et aux utilisatrices la possibilité de consulter les données.
L'amélioration de la situation passe par un partenariat continu avec le centre des technologies de l'information.
De surcroît, la nécessité de renforcer la sécurité informatique est devenue urgente car l'ouverture aux nouvelles technologies conduit à une plus grande vulnérabilité du système. C'est pourquoi l'OSI a introduit une charte utilisateur/trice et a accru les moyens de surveillance et de mesures du système.
b.2. Le passage à l'an 2000
Deux mille programmes ont dû être transformés pour la fin de l'année 1999. Les premiers programmes ont été mis en test dès le 15 juin 1998. Pour des raisons de sécurité, un deuxième système Unisys d'occasion a été acheté qui a séparé les environnements de tests et de développement de celui de la production.
Le passage à l'an 2000 s'est effectué comme prévu avec un plan de secours à disposition. La fin de l'opération est programmée pour le deuxième trimestre 2000.
b.3. Les premières mesures de modernisation
Le département a débuté un processus de modernisation sur des applications lorsque ces interventions étaient de nature à favoriser les évolutions futures et n'avaient pas d'impact sur les urgences.
Le projet « infrastructures » a redéfini les stations de travail de l'AFC et les a rendues plus compatibles avec les besoins des utilisateurs et des utilisatrices. A fin juin 1999, 510 postes de travail avaient été transformés.
Le passage de word 1 et excel 3 aux versions actuelles, ainsi que l'accès à la messagerie et à internet, représentent un saut technologique important qui a demandé un effort de formation. Le transfert sur la nouvelle plate-forme de tous les collaborateurs et collaboratrices de l'AFC était ambitieux, 1500 jours de formation ont été dispensés pour y parvenir et grâce à la collaboration entre le CTI et le personnel de l'AFC, la bureautique existante a pu être adaptée.
Des correspondant-e-s informatiques ont été désignés dans chaque service de l'AFC. Ils ont pour rôle d'assister leurs collègues dans l'utilisation des outils informatiques. Une procédure « info-panne » a été mise en place. Elle charge les correspondant-e-s informatiques de faire un premier diagnostic, de dépanner si possible l'utilisateur ou l'utilisatrice ou d'annoncer la panne à la centrale d'appel.
Une fois cette mutation technologique achevée, priorité a été donnée aux relations avec le public et au renforcement de la confiance dans l'administration fiscale. Pour ce faire :
les conditions d'accueil ont été améliorées, des salles d'attente nouvelles ont été créées ;
un central d'appel téléphonique pour l'AFC a été mis en place, afin que les contribuables puissent obtenir des renseignements plus ciblés. Ce central est assisté d'un répondeur numérique 24 h/24 et 7 jours sur 7 ;
les contribuables ont reçu pour la première fois un relevé de compte avec l'avis de notification ;
par l'intermédiaire des médias, le public a été informé de toutes les nouveautés pouvant faciliter son rapport avec l'administration : ouverture du site internet du département, qui contient des renseignements pratiques, des documents téléchargeables et une calculette pour estimer son bordereau d'impôt.
Enfin, certaines technologies nouvelles ont été expérimentées pour changer les processus existants et étudier la capacité d'adaptation de l'administration :
le projet GEPETO, soit le développement et la mise en production de programmes d'aide à la gestion des commandements de payer, pour le service du contentieux ;
l'intranet pour faciliter la communication interne, l'assistance on-line et la gestion de projet ;
l'introduction de télékurs au service des titres.
Des mesures particulières ont été prises pour le service de l'impôt à la source qui représente une mini administration fiscale :
le projet GEDO : gestion électronique des documents. Depuis le 1er janvier 1999, 1,5 million de documents papier ont été mis à disposition électroniquement ;
l'analyse de processus pour accompagner les services dans une démarche de réflexion et d'optimisation ;
l'approche workflow pour le suivi des processus.
2. La comptabilité de l'AFC
Une comptabilité rigoureuse est un élément essentiel de la crédibilité du service public. Une fiduciaire a eu pour mission, avec un appui important du service de comptabilité, d'identifier les maillons faibles et de dresser un inventaire des principaux dysfonctionnements de la comptabilité. Dans un rapport remis le 8 septembre 1998, figure l'analyse des différences constatées entre les comptes de l'AFC et les comptes individuels des contribuables, ainsi qu'entre la comptabilité de l'AFC et la comptabilité générale de l'Etat. Cette analyse a permis d'élucider une partie des problèmes. Elle a également mis en évidence des défauts organisationnels et informatiques, notamment en ce qui concerne la production.
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les différences comptables ne sont pas récentes. Ainsi, le cas d'un compte créditeur qui présente un solde de 75 millions depuis l'année 1983, solde qui résulte d'une accumulation de provisions entre 1973 et 1982.
Par ailleurs, depuis 1985, les problèmes concernant les mouvements comptables ont généré une différence d'environ 40 millions de francs entre la comptabilité de l'AFC et les comptes individuels.
Les recommandations de la fiduciaire ont été suivies d'une série de mesures. Le détail des unes et des autres figure ci-après :
1. Les opérateurs ne devraient pas tous avoir accès au langage qui permet d'intervenir sur l'enchaînement des programmes (JCL). La possibilité de modifier une chaîne de traitement ou son déroulement doit être limitée et identifiée.
Risque : voir apparaître des erreurs de comptabilité dans les flux financiers.
Mesure : les fonctions et les environnements ont été séparés, ce qui a eu pour effet de limiter le nombre des accès.
2. Les noms des fichiers temporaires devraient être tous différents. Il s'agit d'éviter des erreurs en cas de passage simultané des chaînes de traitement, opération très courante étant donné la surcharge des travaux planifiés.
Risque : la mise à jour des bases de données comptable et des comptes individuels des contribuables n'est pas cohérente.
Mesure : situation traitée par les équipes de développement et de production du centre des technologies de l'information.
3. Les comptes individuels des contribuables devraient permettre de retrouver la trace comptable des mouvements de perception enregistrés. Cette opération est aujourd'hui difficile, voire impossible. La durée de conservation des éléments dans le système est trop faible.
Risque : des pertes financières ne sont pas à exclure, car il est impossible de vérifier si toutes les créances ont été comptabilisées.
Mesure : les programmes et les fichiers ont été adaptés. La durée de conservation de ces derniers, ainsi que le nombre de sauvegardes ont été augmentés.
4. La documentation générale des programmes et la gestion des modifications devraient être améliorées. Impossibilité de suivre l'évolution d'un programme dans le temps et donc de connaître la nature des modifications qui y ont été éventuellement apportées.
Risque : la méconnaissance des modifications entraîne une perte de vision d'ensemble d'où des corrections inappropriées. Dépendance à l'égard de certaines personnes qui détiennent seules le savoir des choses.
Mesure : la documentation a été faite lorsqu'elle demandait un investissement en temps relativement court. Pour le reste, mise en place de la conservation de l'information.
5. La connaissance de la chaîne de traitement de la perception devrait être étendue à plusieurs collaborateurs et collaboratrices. Cette connaissance est essentielle. Il s'agit de l'attribution des versements des contribuables dans leurs comptes individuels.
Risque : la personne à l'origine de cette chaîne a quitté l'AFC en 1993, et depuis, faute de connaissance, l'évolution de ce système est freinée, voire stoppée.
Mesure : les équipes de développement ont été renforcées, ce qui a permis à certains collaborateurs/trices du secteur informatique de se spécialiser sur ces programmes stratégiques.
6. Les documents produits par les chaînes de traitement devraient être fiables. Certains documents sont incohérents et ne correspondent pas aux informations fournies à la base. Ces documents sont destinés aussi bien à l'AFC qu'à l'extérieur.
Risque : prises de décisions erronées, impact direct sur la qualité du contrôle interne.
Mesure : chaque anomalie est répertoriée et corrigée. Une procédure de contrôle est mise en place. C'est là une des tâches principales de la fiabilisation.
7. Les corrections de programmes et les tests ne devraient plus être effectués sur l'ordinateur de production car des projets de développement non fiabilisés pourraient entraver la production.
Risque : problèmes techniques et de cohérence jusqu'aux possibilités d'erreurs intentionnelles.
Mesure : un ordinateur de réserve a été mis en service pour effectuer les tests et pallier aux incidents techniques. De plus, tous les programmes modifiés sont désormais testés par une autre personne que celle qui l'a développé. Ce n'est qu'une fois la certification obtenue qu'il peut passer en production. Cette deuxième machine permet également de décharger l'outil de production et de préparer l'automatisation des chaînes.
8. Les bulletins de remboursement (BPR) présignés devraient être stockés dans un endroit sécurisé. Ce sont des papiers-valeur au même titre que les chèques.
Risque : possibilité de substitution, donc de fraude.
Mesure : l'accès au lieu de stockage a été restreint aux personnes autorisées.
9. La comptabilité devrait pouvoir bénéficier d'outils de recherche performants, sa mission comprenant le suivi et le contrôle précis des mouvements comptables.
Risque : le contrôle des mouvements comptables n'est pas sûr, les recherches adéquates ne pouvant être effectuées.
Mesure : une démarche de contrôle a été mise en place et permet de détecter rapidement une anomalie. Le fonctionnement de ce dispositif a permis de stabiliser les déséquilibres comptables depuis 18 mois.
10. L'organisation et les outils du service de la comptabilité de l'AFC devraient être adaptés.
Risque : la qualité du contrôle et le suivi des opérations comptables ne sont pas garantis.
Mesure : création d'un service financier du Département des finances (SFDF) dans lequel est intégré le service de la comptabilité de l'AFC. L'ensemble des questions financières est ainsi centralisé au niveau départemental. L'analyse des processus et procédures comptables a débuté et devrait se terminer en juin 2000.
3. Les rôles
Le travail de l'administration fiscale s'effectue sur la base des rôles. Un nombre important d'indices nous permettait de douter de sa fiabilité. Un état des lieux a permis de faire le point de la situation et mis en évidence les problèmes suivants :
la mise à jour du rôle des personnes physiques : une application permet de gérer la mise au rôle des entités fiscales « personnes physiques » et de suivre leurs évolutions et ce, afin de fournir les éléments nécessaires à la taxation sur le site central Unisys.
Risque : les fichiers ne sont pas toujours à jour ainsi les courriers peuvent être envoyés à la mauvaise adresse, les situations personnelles ne pas être modifiées, par exemple.
Mesure : la plus grande partie des procédures a été automatisée.
blocages techniques au rôle des employeurs. Il s'agit ici de la gestion du fichier des employeurs qui ont du personnel soumis à l'impôt à la source.
Risque : retard dans le traitement des dossiers.
Mesure : le logiciel du programme a été changé et les blocages éliminés.
corruption des fichiers permettant de saisir les éléments de taxation et de perception qui sont ensuite envoyés sur le site unisys pour traitement.
Risque : les problèmes de mise à jour entre les deux systèmes sont fréquents et nécessitent des arrêts de production pour y remédier.
Mesure : transformation du système de mise à jour et de contrôle.
fonctionnement de l'application « tourisme » : elle suit les dossiers dès l'envoi du décompte jusqu'à la perception, en passant par la taxation. La comptabilisation s'effectue via l'application « comptabilité tourisme ». Or, les éléments comptables n'étaient pas tous pris en compte.
Risque : perte de temps pour le contrôle des comptes.
Mesure : une automatisation a permis de supprimer ces problèmes.
non-adéquation aux besoins au rôle immobilier. Son application produit notamment le visa immobilier. Elle gère les estimations des biens immobiliers, de leurs propriétaires et de leurs usufruitiers/tières, ainsi que les informations annexes pour aboutir à la production du visa. Cette application n'a jamais répondu aux demandes des utilisateurs/trices.
Risque : la majorité des tâches étant manuelle, celles qui s'effectuaient par l'informatique bloquaient toutes les applications Magic de l'AFC.
Mesure : cette application a été adaptée et transformée et les blocages éliminés.
Les mesures prises ont conduit à des transformations des applications Magic. Elles ont permis d'obtenir une stabilité des fichiers et la disparition des lenteurs du système, une gestion plus efficace de la maintenance et une meilleure sécurité. Nous patienterons ainsi, jusqu'à la refonte, en donnant une satisfaction relative aux utilisateurs/trices sans impact négatif sur les résultats journaliers.
C. En perspective : la refonte
Aujourd'hui, l'administration fiscale cantonale est entrée dans une ère nouvelle : sa situation s'est stabilisée, sa capacité de travail renforcée, son infrastructure se modernise. Après une synthèse des procédures existantes et de leurs limites, voire de leurs anomalies, après la prise de mesures urgentes et la mise en place de nouvelles structures de fonctionnement, l'AFC se donne une vision d'ensemble en matière d'organisation.
Les objectifs fixés s'articulent autour de 4 axes :
1. Les outils informatiques ont pour finalité d'aider les collaborateurs et les collaboratrices et non de remplacer les personnes par des machines. Il s'agit en fait de dégager du temps pour des tâches à haute valeur ajoutée et améliorer la qualité du travail et dans ce but de faciliter au maximum les tâches répétitives comme la recherche de dossiers ou le contrôle de saisie. Nous avons tiré les leçons d'un proche passé. Tenter de se démunir en ressources humaines pour s'en remettre à la seule informatique n'est pas de mise.
2. Le système d'information sera performant, ouvert sur l'extérieur et capable de s'adapter aux évolutions législatives et organisationnelles à venir. Notre système formera un tout cohérent. En particulier, ses composants seront compatibles entre eux, pourront communiquer et seront faciles et agréables à utiliser.
3. Le nouveau système est pensé pour améliorer le service aux contribuables. Notre mission est en effet celle de tout service public, être au service des habitants et des habitantes de Genève. C'est particulièrement vrai pour l'administration fiscale. Son fonctionnement influe directement sur le financement des prestations publiques d'une part, et d'autre part, la façon dont elle effectue son travail a des conséquences sur l'égalité de traitement face à l'impôt et touche quelque 300'000 personnes. Le système sera construit autour de la simplification de la relation entre le contribuable et l'administration. Il devra bien évidemment assumer le bon déroulement de la production fiscale, mission essentielle de l'AFC.
4. Nous souhaitons plus de transparence, c'est-à-dire nous donner des moyens et des outils de pilotage et le système d'information devra répondre à cet impératif tant il n'est pas admissible, du point de la politique budgétaire notamment, de ne pas connaître l'état d'avancement de la production fiscale avant la toute fin d'année et tant il est nécessaire de pouvoir disposer d'instruments de simulation et d'analyse de manière à ce que les modifications législatives puissent se faire en toute connaissance de cause. Enfin, l'outil informatique intégrera un contrôle qualité.
Mesdames et Messieurs les député-e-s, le processus de refonte est en marche. Le lancement du projet a eu lieu le 7 mars dernier devant l'ensemble du personnel réuni.
Vous nous permettrez de conclure ce rapport sur ces propos d'avenir en mettant en évidence deux faits. Le premier, nous avons, en décidant des différentes mesures à prendre et en élaborant les principes régissant le projet de refonte, tiré un certain nombre de leçons des expériences passées. En ce sens, et à défaut d'avoir abouti, elles nous seront utiles. Le deuxième, ce texte ne met pas fin à notre relation. Mesdames et Messieurs les député-e-s, vous ferez partie du projet de refonte. Un projet de loi le concernant devrait vous être présenté dans le cours de cette année et nous avons l'intention de vous informer régulièrement sur l'état d'avancement de nos travaux, ce qui vous permettra de vérifier la cohérence de notre démarche et, le cas échéant, de nous interpeller pour justifier nos choix.
A ce stade, nous vous remercions de bien vouloir prendre acte de ce rapport et de considérer que les informations qu'il contient sont suffisantes pour autoriser le bouclement de la loi sur la création d'un outil d'impôt assisté par ordinateur (PL 8031).
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). Nous remercions le Conseil d'Etat de ce rapport, qui, je dois le dire, est assez accablant. Accablant, lorsqu'on lit un certain nombre de choses sur les retards pris dans les taxations en 1995 et 1996 ; lorsqu'on lit que, selon le rapport de la Commission d'évaluation des politiques publiques, «la qualité de traitement des dossiers, l'équité devant la loi, l'intégrité, la confidentialité des données sont devenues difficiles à garantir» ; lorsqu'on lit, à la page 8, «qu'aujourd'hui IAO fonctionne bien, au détail près qu'il ne sert plus à la taxation, sauf pour les indépendants. Pour tous les autres domaines de taxation, la taxation est manuelle, ensuite ses différents éléments sont repris par les saisisseurs». J'en passe et des meilleures, notamment le fait que «les personnes chargées du service de la comptabilité n'égaient pas formées pour cela» et que «les supérieurs hiérarchiques s'intéressaient à d'autres affaires» !
Mesdames et Messieurs les députés, l'Alliance de gauche, pendant plusieurs années, comme cela a d'ailleurs été le cas pour la Banque cantonale, a dénoncé les dysfonctionnements à l'administration fiscale et, comme pour la Banque cantonale, pendant des mois, des années, on nous a dit qu'il n'y avait pas de problème, que nous devions nous rassurer, que tout allait bien et que c'était un problème informatique. En l'occurrence, l'informatique a bon dos, parce que, que je sache, les décisions qui se prennent en la matière et la manière de mener un projet informatique sont déterminantes dans son aboutissement.
Ce rapport nous satisfait globalement, à une exception près, c'est qu'évidemment personne n'est responsable. Tout a dysfonctionné, mais personne n'est responsable ! On ne peut pas retrouver de responsabilités individuelles, que ce soit au niveau de cadres de l'administration ou encore moins, évidemment, au niveau des responsables politiques. Et cela, Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui nous concerne, nous ne l'acceptons pas. Nous estimons qu'un chef de département, qui a la responsabilité d'un secteur aussi essentiel pour le fonctionnement de l'Etat que le département des finances, porte la responsabilité politique des choix qui ont été faits et des conséquences graves pour le fonctionnement de l'Etat des dysfonctionnements qui sont intervenus.
Mme Christine Sayegh (S). Nous sommes également très satisfaits de recevoir enfin un rapport sur l'état des lieux des dysfonctionnements du département des finances. Il est vrai qu'il est souvent difficile d'avouer ses faiblesses, d'avouer ses dysfonctionnements. A plusieurs reprises, depuis bien des années, ces dysfonctionnements apparaissaient ponctuellement et nous avions tenté de les identifier. Mais il est évident qu'en tant que députés il nous fallait le concours du département.
Nous remercions donc infiniment le Conseil d'Etat et particulièrement Mme Micheline Calmy-Rey d'avoir accepté de jouer la transparence et de nous remettre les rapports de l'audit de ce dysfonctionnement interne. Nous espérons qu'à l'avenir non seulement cette transparence perdurera, mais que nous pourrons la vérifier régulièrement et que le contrôle parlementaire sur le fonctionnement des départements puisse s'exercer.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'aéroport international de Genève, du 10 juin 1993, est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)
1 L'établissement a pour mission, dans le cadre d'un contrat de prestations conclu avec l'Etat, de gérer et d'exploiter l'aéroport et ses installations en offrant, au meilleur coût, les conditions optimales de sécurité, d'efficacité et de confort pour ses utilisateurs.
Art. 2, al. 4 (nouveau)
4 L'établissement conclut avec l'Etat un contrat de prestations pour une durée pluriannuelle. Ce contrat contient notamment les prestations que doit offrir l'établissement, les objectifs qu'il doit atteindre ainsi que les indicateurs qui seront utilisés pour les mesurer.
Art. 5, intitulé Autorités cantonales (nouvelle teneur)
Art. 5, al. 4 (nouveau, l'al. 4 ancien devenant l'al. 5)
4 Sont soumis à l'approbation du Grand Conseil, sous forme d'un projet de loi, le contrat de prestations et ses avenants éventuels entre l'Etat et l'établissement. Le référendum ne peut s'exercer contre la loi y relative ni prise dans son ensemble ni dans l'une ou l'autre de ses rubriques.
Art. 7, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)
1 L'établissement est géré, en conformité avec la concession fédérale, par un conseil d'administration formé de :
2 Les administrateurs désignés par le Conseil d'Etat, conformément à l'alinéa 1, lettre b, doivent être choisis, notamment, en fonction de leurs compétences ou de leur expérience dans le domaine de la gestion ou de l'aviation civile. Les diverses tendances de la vie économique, sociale et environnementale du canton et de sa région doivent être représentées afin de promouvoir une politique d'entreprise conforme au développement durable.
Art. 12, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le président du conseil d'administration est nommé par le Conseil d'Etat en dehors de ses membres. Le conseil d'administration élit le vice-président ; sa désignation est soumise à l'approbation du Conseil d'Etat.
Art. 13, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Sous réserve des compétences du Grand Conseil, du Conseil d'Etat et de l'autorité compétente de la Confédération en matière d'aviation civile, et dans le respect du contrat de prestations conclu avec l'Etat, le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion de l'établissement et a notamment les attributions suivantes :
Art. 14, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Il est convoqué par le président ou, à défaut, par le vice-président.
Art. 15 Conseil de direction (nouvelle teneur)
1 Le conseil de direction se compose de 5 membres représentatifs des diverses tendances de la vie économique, sociale et environnementale du canton. Le président et le vice-président du conseil d'administration en font partie de droit. Les trois autres membres sont choisis chaque année en son sein, par le conseil d'administration. Ils sont rééligibles une fois. Un mois avant la date de l'élection, il est procédé à une ouverture formelle des candidatures.
2 Le conseil de direction est présidé, en principe, par le vice-président du conseil d'administration.
3 Le secrétariat du conseil de direction est assumé par le secrétaire du conseil d'administration.
Art. 16, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Il est convoqué par le président ou, à défaut, par le vice-président.
Art. 19, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le directeur général de l'établissement assume la direction de celui-ci selon un cahier des charges adopté, conformément aux directives fédérales, par le conseil d'administration. Il exécute les décisions du conseil d'administration et du conseil de direction et assiste à leurs séances avec voix consultative. Il reçoit ses instructions du conseil de direction.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En 1993, l'Etat a décidé de donner davantage d'autonomie à l'Aéroport international de Genève. Après un septennat d'expérience, nous constatons que cette autonomisation garantit certes plus de responsabilité opérationnelle, mais que le cadre stratégique, les objectifs et le contrôle sont mal définis. Or l'autonomisation mise en pratique dans un cadre flou n'a que peu de sens.
C'est pourquoi, ce projet de loi propose de soumettre l'aéroport à un contrat de prestations qui permettrait de clarifier les règles, de fixer des objectifs et de définir les indicateurs utilisés pour les mesurer.
Il faut savoir que, pour élaborer ce projet de loi, nous nous sommes beaucoup inspirés de la loi sur les Transports publics genevois, entreprise publique dont la soumission à un contrat de prestations est assurément une réussite.
Le contrat de prestations est un outil de gestion moderne qui permet d'optimiser les fonctionnements des institutions publiques tout en préservant leur caractère de service public.
Influencés ou conditionnés par les prophètes de la globalisation de l'économie mondiale, certains pensent que la privatisation de cet établissement serait judicieuse. Nous pensons, au contraire, que cet aéroport doit rester un vrai service public, et ne pas être soumis aux seuls critères du profit maximum. En effet, cet établissement fait partie de la dynamique économique de Genève, mais il doit aussi se soucier des aspects sociaux et environnementaux de notre canton. Retirer cet aéroport des mains publiques serait un acte de bradage inacceptable du bien public qui profite à l'ensemble de la population du canton et de la région.
De plus, ceux qui pensent que le statut public de l'Aéroport de Genève est un obstacle à son développement et à l'accroissement de son efficacité se trompent totalement. En Europe, plusieurs aéroports se développent et sont des modèles d'efficacité tout en étant publics (Lyon et Bâle sont de bons exemples). Cette obsession de modification de statut est une démonstration de dogmatisme ou une simple excuse pour couvrir d'autres problématiques.
Ce projet de loi propose, de plus, de rééquilibrer le conseil d'administration afin de le rendre davantage représentatif et conforme à notre volonté de promouvoir une politique de développement durable.
Voici en résumé, les principales modifications apportées à la loi sur l'Aéroport international de Genève :
Article 2
Le contrat de prestations est intégré dans la mission de l'aéroport.
A l'alinéa 4, nouveau, il est précisé que la durée de ce contrat est pluriannuelle, sans fixer spécifiquement la durée dans la loi. Celle-ci pourra être définie dans le contrat de prestations lui-même. Ce mode de faire s'inspire de la loi sur les Transports publics genevois.
Nous précisons en outre les grands axes de ce contrat de prestations, soit : la définition des prestations à offrir, les objectifs à atteindre et les indicateurs utiles pour mesurer ces performances.
Article 5
Dans cet article, un nouvel alinéa précise que le contrat de prestations et ses éventuels avenants seront soumis au Grand Conseil sous forme d'un projet de loi préparé par le Conseil d'Etat. Evidemment, comme pour celui des TPG, ce contrat de prestations n'est pas soumis au référendum.
Article 7
Cet article redéfinit la composition du conseil d'administration afin de le rendre plus représentatif et donc davantage démocratique et efficace. Plus nous impliquerons l'ensemble des milieux intéressés par la vie de l'aéroport, plus nous améliorerons son fonctionnement et éviterons des problèmes.
Les modifications sont les suivantes :
Le Conseil d'Etat désigne 4 représentants et non 5. Nous lui demandons de nommer des personnes provenant de différents secteurs, soit 2 du monde économique, une proposée par les associations de protection de l'environnement et une provenant des milieux aéronautiques.
Les communes riveraines gardent deux sièges. Mais, leur représentation ne se limite plus à Meyrin et au Grand-Saconnex. Le choix est réalisé par l'Association des communes genevoises afin que celui-ci soit représentatif de l'ensemble des communes riveraines.
Nous remplaçons un des sièges proposés par les chefs des départements de l'économie publique des cantons romands par un membre proposé par les associations de défense des riverains.
Les compagnies aériennes ne sont représentées que par une personne, à nouveau par souci d'équilibrer les différentes sensibilités de ce conseil.
Article 12
Alors que maintenant le Conseil d'Etat nomme le président et le premier vice-président, à l'avenir, le gouvernement nommera le président et approuvera la désignation du vice-président choisi préalablement par le conseil d'administration.
Cet article limite la vice-présidence à un seul poste et non deux comme c'est le cas actuellement.
Article 13
Nous précisons que l'action du conseil d'administration de l'aéroport s'inscrit dans le cadre du contrat de prestations.
Nous définissons que le conseil d'administration élabore, en collaboration avec le Conseil d'Etat, le projet de contrat de prestations et les projets d'éventuels avenants. Nous insistons aussi pour que ces projets soient soumis aux associations représentatives du personnel de l'établissement.
Nous donnons la compétence au conseil d'administration de désigner son vice-président.
Article 14
Cette modification résulte du fait que ce projet de loi ne prévoit plus plusieurs postes de vice-présidences.
Article 15
Cet article modifie la composition du conseil de direction.
L'objectif est de n'avoir qu'une seule vice-présidence et de rendre ce conseil plus représentatif afin que les trois valeurs de base du développement durable y soient représentées, soit : l'économie, le social et l'environnement.
Nous supprimons l'alinéa empêchant les représentants du personnel de siéger dans le conseil de direction, comme le Parlement l'a fait dernièrement en ce qui concerne les Services industriels de Genève.
Article 16
Cette modification résulte du fait que ce projet de loi ne prévoit plus plusieurs postes de vice-présidences.
Article 19
Afin de renforcer la démocratie interne et l'implication des membres du conseil de direction, le directeur général recevra ses instructions du conseil de direction et non plus uniquement du président.
Parce que le contrat de prestations est un bon moyen de réformer l'Etat, parce que ce genre de contrat permet de garantir tant l'efficacité des entreprises publiques que le statut de service public, parce qu'une plus grande représentativité d'un conseil d'administration ne peut que crédibiliser et accroître son action, parce que la volonté de pluralité de ce conseil d'administration peut renforcer une politique axée sur le développement durable, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de soutenir ce projet de loi afin qu'il soit concrétisé dans les meilleurs délais.
Préconsultation
M. Christian Brunier (S). Je crois qu'il y a un postulat de départ sur lequel nous sommes tous certainement d'accord, c'est que l'aéroport de Genève est un outil indispensable de la politique économique du canton. Il est, de ce fait, important d'offrir tous les moyens de gestion modernes à cet établissement public.
En 1993, l'Etat de Genève décidait de donner davantage d'autonomie à l'aéroport. Le groupe socialiste pense que c'était une bonne chose. Néanmoins, toute autonomisation doit s'accompagner d'un certain nombre de mesures, pour clarifier le cadre dans lequel évolue un établissement public. On doit définir les règles du jeu, ce qui n'a pas été fait, provoquant depuis un certain temps nombre de dysfonctionnements. Le but d'une autonomisation est bien sûr de responsabiliser davantage l'entité publique, à qui on confère davantage d'autonomie pour la rendre plus libre, plus proactive, plus réactive, plus rapide, plus souple dans son fonctionnement. Mais le but d'une autonomisation est aussi, comme je l'ai dit précédemment, de fixer correctement les règles du jeu, de clarifier qui fait quoi, comment et dans quelles conditions.
A ce propos, il faut se remémorer les propos de l'inspection cantonale des finances, qui dit très clairement, dans de multiples rapports, je cite, que «pour des établissements dépendant de l'Etat, la contrepartie naturelle d'une telle autonomie de gestion serait, de l'avis de l'ICF, un contrat de prestations entre l'Etat et ces établissements. Un tel contrat offrirait tout d'abord une clarification des rapports entre l'établissement et le Conseil d'Etat. De plus, il permettait aux autorités cantonales d'exercer leur haute surveillance d'une manière encore plus performante, dans la mesure où elles auront à disposition une information détaillée sur les prestations». Ceci est l'avis de l'ICF et ces dernières années, chaque fois que nous avons suivi les conseils de l'ICF, nous avons amélioré le fonctionnement de l'Etat et des établissements publics. Ces derniers mois, ces dernières années, nous avons vécu plusieurs tensions, plusieurs dysfonctionnements à l'aéroport international de Genève. Ceci n'est pas acceptable et nous devons donc clarifier les règles et instaurer un outil de contrôle de prestations efficace, qui permettra à la politique de faire de la politique et à l'aéroport d'assurer le meilleur fonctionnement de l'établissement.
Le deuxième chapitre de ce projet de loi concerne le conseil d'administration de cet établissement. Nous proposons une nouvelle formation dudit conseil, afin de le restructurer, de le moderniser, mais aussi de le démocratiser, puisque aujourd'hui, vous le savez, ce conseil est avant tout dans les mains du monde économique et des compagnies d'aviation, les autres secteurs y étant relativement peu représentés. Le Grand Conseil a, à plusieurs reprises, marqué son intérêt pour le développement durable et a affirmé qu'il voulait mener une politique globale et une gestion allant dans le sens du développement durable. Une motion du groupe radical vient encore d'être déposée dernièrement, qui va dans ce sens. Il faut donc renforcer le conseil d'administration pour que les trois valeurs du développement durable que sont l'économie, bien sûr, mais aussi l'environnement et le social puissent s'exprimer d'une manière plus libre et plus claire à travers cette institution.
C'est pourquoi nous avons décidé de renforcer la présence des milieux environnementaux, de renforcer aussi la pluralité politique, puisque aujourd'hui celle-ci n'existe pas dans ce conseil d'administration. Alors, certains crient à la politisation. Je leur répondrai que, quand le conseil d'administration est à 80% à droite, il n'est pas politisé, mais qu'en revanche, quand il y a deux membres de la gauche en plus, là on parle de politisation ! En l'occurrence, il s'agit juste d'être un peu cohérents, Mesdames et Messieurs les députés de l'opposition. Nous devons renforcer certains milieux dans ce conseil d'administration et, pour ce faire, nous diminuons un peu la présence des compagnies d'aviation, entre autres. Ceci provoque également l'ire de certains, mais je relèverai qu'il est quand même étonnant que, dans une entreprise publique, les clients soient représentés en force. Ici, les clients sont les compagnies d'aviation et on va bien sûr me répondre que ce ne sont pas des clients ordinaires, que ce sont des clients qui ont des liens privilégiés avec Genève ! Eh bien, nous venons d'apprécier ces liens privilégiés avec Genève, avec l'exemple de Swissair qui a tourné les talons et qui a lâché d'un seul coup l'aéroport de Genève ; la présence des compagnies d'aviation dans le conseil d'administration n'a en rien amélioré la synergie entre les compagnies d'aviation et l'aéroport.
Donc, agissons dans cet axe du développement durable, développons les outils de gestion pour moderniser cet aéroport, pour clarifier les rapports entre l'Etat et l'aéroport, pour que les compétences de l'Etat et de l'aéroport s'additionnent. C'est dans ce sens que nous voulons agir. Il y a des aéroports publics extrêmement performants en Europe : Satolas est un aéroport public, Amsterdam est un aéroport public et la notion de public ne nuit en rien au fonctionnement de ces établissements.
M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral ne soutiendra bien évidemment pas ce projet de loi, dont l'objectif est d'étatiser et politiser l'aéroport international de Genève. Dans un univers de concurrence accrue, ce projet de loi affaiblit non seulement notre canton, mais toute une région. De plus, le groupe libéral déposera dans les jours à venir un projet de loi donnant une autonomie accrue à notre aéroport. Avant d'expliciter clairement cette démarche, il paraît judicieux de tracer brièvement quelques grandes tendances de l'économie et du marché aéronautique. Il s'agira également de resituer le contexte juridique suisse, ce qui mettra en évidence l'inadéquation manifeste entre ces réalités économiques et juridiques et le projet de loi 8201.
Les tendances économiques : selon les dernières prévisions de l'Association des transports aériens publiées en 1999, il y a tout lieu de penser que le trafic international des passagers continuera de croître à un taux supérieur à 5% pour la période 1999-2003. Cela signifie, Mesdames et Messieurs les députés, un doublement du trafic passagers à l'horizon 2020, soit, vous en conviendrez, un doublement de ce marché. C'est probablement ce qui amène les instances dirigeantes de l'aéroport de Genève à prévoir un trafic de 14 millions de passagers d'ici ces vingt prochaines années, sans augmentation proportionnelle des mouvements d'avions.
Sur le plan de l'économie mondiale, il faut souligner les impacts, dans les années à venir, de ce que l'on appelle communément aujourd'hui la nouvelle économie, impact notamment sur la mobilité des personnes, au vu de la globalisation des échanges qu'entraînent révolutions technologiques, comme Internet, ou télécommunications. Relevons simplement l'une des conclusions du professeur Garelli, auteur du fameux rapport sur la compétitivité mondiale : «Les conséquences sociales de la compétitivité restent une des préoccupations majeures pour toutes les nations. Les Pays-Bas, à titre d'exemple, semblent réussir à piloter une économie à deux étages. La première est globale, avec une orientation à la privatisation, la flexibilité et la compétitivité. L'autre est locale et basée sur un tissu social associatif, favorisant notamment le partage du temps de travail.» Quel est le point commun entre ces méga-tendances et notre canton ? Eh bien, il n'y a qu'à prendre la liste des entreprises qui viennent s'installer dans notre canton pour voir les choses d'une façon très claire. Genève attire les entreprises de la nouvelle économie. Ces entreprises sont peu polluantes, utilisent peu de matière première. Ces activités, par contre, ont leurs exigences, celles d'être développées par une main-d'oeuvre extrêmement qualifiée, mobile et internationale. La boucle est ainsi bouclée : l'aéroport international de Genève constitue une fenêtre unique sur le monde, permettant à toute une région un développement économique respectueux de l'environnement et du social, un développement durable, somme toute.
S'agissant du contexte juridique suisse, dans quel contexte juridique suisse l'industrie aéronautique suisse se situe-t-elle ? Nous la voyons à trois niveaux. Tout d'abord, l'aéroport de Genève est actuellement au bénéfice d'une concession fédérale d'exploitation. Cette concession arrive à échéance au 31 mai 2001. Il appartient au département fédéral concerné d'ouvrir formellement la procédure de renouvellement de cette concession. Elle fera l'objet d'une enquête publique. Il appartient aussi aux autorités fédérales de mesurer dans quelle mesure les lois cantonales relatives à l'aviation civile sont compatibles ou non avec le droit fédéral. Cela concerne bien évidemment le projet de loi 8201.
La deuxième batterie de lois concerne l'accord bilatéral sur le transport aérien qui vient d'être voté par le peuple suisse. Or, cet accord améliorera la qualité de la desserte de Genève et ceci sur plusieurs plans : meilleures connexions, tarifs à la baisse, entrée en jeu de nouvelles compagnies aériennes et ceci au bénéfice des clients de notre aéroport.
La troisième modification législative du paysage aéronautique suisse est intervenue en avril dernier dans le canton de Zurich. Elle est, de notre avis, majeure. Elle constitue un précédent dans la compétition - car c'est bien le terme qu'il faut employer - que se livrent, sans merci et à distance, Zurich Kloten et Genève Cointrin. En effet, ce printemps, le peuple zurichois, à une large majorité, s'est exprimé en faveur d'une autonomie accrue de l'aéroport Zurich Kloten, rebaptisé Unic Zurich Airport. A noter que cette votation portait sur un projet de loi émanant du Conseil d'Etat zurichois, appuyé par son parlement. J'invite les députés à visiter le site Internet de UnicAirport.com et de le comparer avec celui de notre aéroport, par ailleurs fort bien fait. Ils mesureront ainsi immédiatement l'impact de cette décision populaire. Le message zurichois est clair, et je cite ce que vous pourriez lire sur le site Internet : «Nous sommes un HUB de première classe situé au centre de l'Europe. Nous sommes cotés en bourse. Nous participons au développement économique de Zurich et de sa région. Nous pouvons exporter notre know-how. Nous sommes prêts pour affronter l'ouverture des marchés aéronautiques. Nous serons l'un des centres commerciaux et de voyage les plus modernes de Suisse. Nous anticipons la dérégulation de l'industrie aéronautique. Nous investissons dans le futur.»
Venons-en au projet de loi 8201, dont on peut dire qu'il va à l'encontre de toute la dynamique législative et économique que nous venons de citer. Ce projet de loi a trois objectifs :
1. Imposer à l'aéroport un contrat de prestations, qui sera adressé au Grand Conseil sous forme d'un projet de loi non soumis à référendum - cela nous rappelle les discussions d'il y a quelques jours ! Or, l'analogie avec les TPG est déplacée ; elle pourrait, au gré des majorités politiques, être fatale au développement, pas uniquement de l'aéroport, mais de toute notre région. Rappelons que les services assurés par les TPG le sont au prix de plus de 100 millions par an à charge de la collectivité. Par contre, l'aéroport, lui, a dégagé, entre 1994 et 1998, un bénéfice de 40 millions au profit de cette même collectivité. Pour assurer sa mission au bénéfice de tous, l'aéroport n'a donc pas besoin d'indemnisations publiques au titre d'un contrat de prestations.
2. Renforcer l'influence des politiques au sein du conseil d'administration de l'AIG. Rappelons tout simplement que cette tendance va à l'inverse de tout ce qui se passe partout ailleurs.
3. Enrayer le fonctionnement jusqu'ici fort efficace du conseil de direction de l'AIG, en le privant d'une partie de ses prérogatives actuelles. L'actuel statut d'autonomie, accordé en 1994, a permis une gestion appréciée par les passagers, les compagnies aériennes et les entreprises installées dans l'aéroport, ainsi que par le personnel. Les auteurs du projet de loi, dans leur exposé des motifs, balaient cette réalité d'une seule phrase : «Nous constatons [...] que le cadre stratégique, les objectifs et le contrôle sont mal définis.»
En conclusion, le groupe libéral, je le répète, s'opposera à ce projet de loi et annonce le dépôt d'un projet de loi visant à donner à notre aéroport toutes les chances pour son développement futur, chances que nos collègues zurichois n'ont pas hésité à saisir et qu'ils ont eu la sagesse de soumettre au verdict populaire. Vous l'aurez compris, ce projet de loi d'autonomisation accrue ressemblera à s'y méprendre à l'actuelle loi en vigueur régissant Unic Zurich Airport. C'est un signal clair que nous voulons donner aux utilisateurs de notre aéroport ; c'est un signal clair que nous voulons donner à Swissair ; c'est un signal clair que nous voulons adresser aux cantons voisins et à la région frontalière : le signal d'une Genève ouverte sur le monde, et non pas d'une Genève recroquevillée sur elle-même, style Carcassone-sur-Arve, ou Blécherette-sur-Versoix !
M. Rémy Pagani (AdG). Un seul argument pour démonter le beau château de cartes que M. Roulet vient de nous présenter. Il nous annonce 14 millions de passagers pour cet aéroport qui devient, de plus en plus et intrinsèquement, un aéroport citadin. En l'occurrence, c'est bien toute la problématique de cet aéroport de Cointrin : plus la ville se développera - et elle va continuer à se développer - moins l'aéroport pourra se développer, du fait des contingences de bruit, de pollution, du kérosène qui se déverse sur les pistes au décollage et à l'atterrissage... Il n'y a donc pas lieu dans ce débat de mettre en avant toutes les notions d'autonomisation, de privatisation ; le fait est que nous devons piloter à vue cet aéroport, comme nous devons piloter l'aménagement de notre territoire.
En ce qui concerne la position de notre parti sur le projet de loi 8201, nous avions des réticences, et nous en avons toujours eu, quant au contrat de prestations. Toujours est-il que c'est un moindre mal, parce que aujourd'hui la situation est grave à l'aéroport de Genève Cointrin. Les résultats, notamment de cette tendance à l'autonomisation, sont là, Mesdames et Messieurs les députés ! Je n'en citerai que quelques exemples, pour vous rafraîchir la mémoire.
L'aéroport, en tout cas jusqu'en 1998, a mis 60 millions en réserves latentes et ces 60 millions sont toujours là, bien qu'on cherche à nous les cacher. Ces 60 millions sont gérés par une seule personne et placés à court terme : je vous laisse imaginer le drame, si un jour la Bourse vient à s'effondrer et que ces 60 millions disparaissent et nous échappent, puisqu'en fait nous en possédons la moitié ! D'un côté, on nous dit qu'il n'y a pas d'argent, alors qu'il y en a, placé à court terme. Et d'un autre côté, on fait apparaître, dans le bilan de cette année encore, des pertes. Tout cela est un montage, un bricolage financier ; ce n'est pas une saine politique comptable, une saine politique générale.
Deuxième exemple : l'aventure de la SWA dans laquelle s'est engouffré l'aéroport, dans laquelle il a investi des compétences et de l'argent, qu'il a perdu, point n'est besoin d'y revenir !
En ce qui concerne la politique du personnel, et nous y reviendrons, personne aujourd'hui ne connaît le salaire de M. Jobin, par exemple, y compris le conseil d'administration...
Une voix. Et le tien ?
M. Rémy Pagani. Oh, je peux le dire, il n'y a pas de problème ! C'est un des effets majeurs de la politique salariale de l'Etat de Genève que de pouvoir savoir qui gagne quoi, à tous les échelons de l'administration !
Aujourd'hui, à l'aéroport, il y a un espace opaque, que ce soit au niveau du salaire de M. Jobin ou au niveau de ses collaborateurs directs. Et ceci se traduit par une politique désastreuse en ce qui concerne le personnel, à savoir le blocage des bas salaires et l'explosion des salaires des cadres, explosion que le Conseil d'Etat a voulu tempérer ces dernières années et qui est malheureusement effective à l'aéroport.
Autre exemple : le recours contre les décisions du Conseil d'Etat et contre nos décisions en ce qui concerne l'indemnisation des riverains. Le recours a été porté devant le Tribunal fédéral, qui l'a bien évidemment rejeté, qui a cassé les velléités d'insubordination, si j'ose dire, des dirigeants de l'aéroport, comme il va d'ailleurs casser les velléités d'insubordination d'Orgexpo.
Enfin, dernier petit exemple que j'avais cité au début de cette législature : quand on se permet d'octroyer à un haut cadre parti en retraite anticipée plus d'argent qu'il n'en a jamais gagné, une rente plus élevée que le salaire qu'il ait jamais touché, c'est aussi un des effets de cette autonomisation que vous prônez tant, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face !
C'est pour mettre fin à ces dérapages que nous adhérons au projet de loi 8201. C'est pour ces raisons que nous travaillerons en commission à le peaufiner, comme nous avons peaufiné le projet de l'usine des Cheneviers, dans lequel nous trouvons qu'il y a des pistes à suivre. Nous travaillerons d'arrache-pied pour faire en sorte que l'aéroport soit un outil politique de gestion économique de notre canton et qu'il ne connaisse pas de dérapages. En définitive, la logique de l'autonomisation est assez claire : dans un premier temps, on privatise tout ce qu'on peut privatiser et, quand les choses vont mal, on demande à l'Etat - on l'a vu pour la Banque cantonale - de revenir mettre de l'argent. A chaque fois, on privatise les bénéfices et on collectivise les pertes !
M. David Hiler (Ve). Le problème dont nous discutons a en fait deux composantes. La première concerne, de manière générale, pour l'ensemble de l'Etat, la question de l'autonomie de secteurs, de services qui ont manifestement un caractère d'entreprise. Nous avons toujours dit et nous continuons à dire que nous souhaitons une autonomie de gestion. Mais ce qui ne paraît pas être compris par certains, c'est que, plus il y a autonomie de gestion, plus le contrôle doit être fort. Les pouvoirs publics, lorsqu'il y a autonomie, doivent fixer des objectifs extrêmement clairs et contrôler de très près que ces objectifs soient suivis. Ceux qui parlent d'autonomie en pensant qu'il faut cesser de contrôler, ont totalement tort. Je le répète : c'est bien l'inverse. Il n'est possible d'accorder une autonomie et d'éviter tous les travers qu'a dénoncés M. Pagani que si, inversement, on renforce les systèmes de contrôle.
Il est vrai que la manière de comptabiliser les réserves et les provisions de l'aéroport a fait jaser. Concernant les derniers comptes, en revanche, je crois qu'on peut dire qu'avec l'introduction des normes IAS ceux-ci sont aujourd'hui conformes aux normes que le parlement a voulu établir pour l'ensemble de l'Etat et des fondations ou entreprises qui dépendent de l'Etat. En outre, dans ce contexte, le contrat de prestations est un outil essentiel. On peut discuter la chose dans tous les sens, il faut un contrat de prestations. Une expérience a été faite pour les TPG ; nous allons très prochainement discuter d'un tel contrat pour l'université : il ne peut y avoir autonomie sans contrat de prestations, sans fixation précise des objectifs. S'agissant des TPG, le principal obstacle à une bonne maîtrise de ce contrat, c'est que l'Etat lui-même n'est pas toujours capable de fixer les objectifs des TPG, qu'il les fait fixer par les TPG et qu'ensuite il fait signer le contrat ! Ceci démontre que, plus on laisse d'autonomie, plus on doit développer des compétences au sein de l'Etat pour fixer les objectifs et vérifier leur réalisation, ce que, je le répète, seul le contrat de prestations permet. Il en irait d'ailleurs de même - je le signale à M. Roulet - si on adoptait une solution à la zurichoise ; cela ne changerait rien de ce point de vue là. Il faudrait simplement fixer le contrat de façon encore plus précise.
Cela dit, un problème assez typiquement genevois se pose dans ce débat, c'est que les personnes nommées dans ces conseils d'administration - celui de l'aéroport comme celui, par exemple, de la Banque cantonale - s'estiment, semble-t-il, libres tout à coup de tout lien avec ceux qui les ont nommées, pensent qu'elles ont le droit de tout faire - alors que, manifestement, on n'est pas là dans le cadre d'entreprises privées et que ce n'est pas leur argent - n'acceptent pas les règles du jeu ou les prennent comme une atteinte à leur dignité. A cet égard, ce dont on a besoin aujourd'hui, c'est de mettre les choses au clair. Un bon contrat, y compris s'il doit être passé avec une société, vaut mieux que ces sortes de délégation à la mords-moi-le-noeud, du style : «Bon, tu t'en occupes et quand cela ira mal, tu me le diras !» De ce point de vue, il est essentiel qu'entreprise par entreprise, service par service, chaque fois qu'il y a autonomie, on fixe les contrats de prestations. C'est la responsabilité du Conseil d'Etat de le faire pour l'ensemble des secteurs concernés et d'avoir une politique cohérente sur ce point.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous soutenons ce projet de loi et nous l'avons cosigné. Il peut être amélioré, mais j'aimerais tout de même relever qu'il n'est pas possible aujourd'hui de prétendre que l'aéroport de Genève est respectueux de l'environnement. Il y a en effet énormément à faire au point de vue du bruit - c'est notre principal souci - pour les gens qui habitent dans ces secteurs. La consommation est terrible, mais, je le répète, s'il faut un jour trouver, dans la perspective du développement durable, une solution pour réduire le trafic aérien, ce ne sera pas par le biais de la gestion des aéroports : ce sera bel et bien par le biais d'une taxe sur le kérosène introduite, naturellement, au niveau européen. En l'état, il est totalement absurde de vouloir minimiser les dégâts constants et permanents de l'aéroport sur l'environnement et sur la qualité de vie des habitants d'une bonne partie de notre canton. C'est une donnée évidente ; cet aéroport a été construit trop près de la ville, on ne peut pas le nier après coup.
M. Bénédict Fontanet (PDC). L'intervention de M. Pagani tout à l'heure est la démonstration de ce qu'il ne faut pas faire s'agissant de l'aéroport, la démonstration du fait qu'une autonomie accrue est absolument nécessaire pour l'aéroport.
Vous parliez, mon cher collègue, de 60 millions de réserves latentes. Les réserves latentes résultent soit de la surévaluation de passifs, qu'on augmente pour être prudents, soit de la sous-évaluation d'actifs. Ce sont des problèmes purement comptables. Ces 60 millions de réserves sont peut-être des réserves ouvertes. Quoi qu'il en soit, c'est un autre problème et cela démontre que vous n'avez pas saisi la problématique.
S'agissant de SWA, tout le monde peut se tromper. Il n'y a que ceux qui ne prennent pas de risque qui n'échouent jamais. L'idée était peut-être séduisante dans un premier temps. Le transport aérien est un exercice difficile, mais il y a encore quelques compagnies pour s'y lancer : EasyJet a été un succès, SWA ne l'a pas été, Air Engadine a l'air de ne pas se porter trop mal. Enfin, il est toujours facile de juger des projets a posteriori. Vous jugez également la politique du personnel de l'aéroport lamentable. Pour fréquenter souvent l'aéroport, il ne me semble pas que les gens qui y travaillent appartiennent au Lumpenproletariat cher à Marx. Quant à l'indemnisation contre laquelle l'aéroport a recouru, de deux choses l'une, Mesdames et Messieurs : ou on donne une autonomie et dans ce cas les responsables ont un certain nombre de compétences, les établissements publics ont une personnalité juridique et peuvent agir et ester en justice, le cas échéant ; ou on ne donne pas d'autonomie et ces établissements restent des services de l'Etat, comme c'était le cas pour l'aéroport jusqu'à récemment. A ce moment-là, on ne discute pas, les décisions sont prises par notre Conseil, par le Conseil d'Etat, et l'aéroport, comme d'autres établissements publics, les applique. Mais on ne peut pas vouloir tout et son contraire, soit une certaine forme d'autonomie d'une part et reprocher, d'autre part, à ceux qui en bénéficient d'en faire usage.
Sur le fond du dossier, il me semble que les aéroports, tout comme d'ailleurs les compagnies aériennes, ont connu une évolution très sensible ces dernières années. Dans un premier temps, le transport aérien était le fait de compagnies d'Etat la plupart du temps et les aéroports n'étaient pas plus que des espèces de gares, qui appartenaient à ces mêmes Etats. Comme vous le savez, les compagnies se sont privatisées, se sont ouvertes à l'intérieur des Etats - il y a ainsi en Europe plusieurs compagnies aériennes - et les aéroports sont devenus de véritables entreprises, de véritables centres commerciaux pour un certain nombre d'entre eux, voire de véritables villes si l'on se réfère aux très grands hubs européens comme ceux de Londres ou de Paris. Dans cette optique, vouloir repolitiser l'aéroport est une grave erreur. L'expérience a montré s'agissant de la Banque cantonale - je n'étais pas intervenu dans ce débat pour des raisons qui paraissent évidentes compte tenu des circonstances - que les entités publiques qui ont des activités commerciales et qui sont gérées par l'Etat ou indirectement par l'Etat, ne sont pas, la plupart du temps, gérées de manière satisfaisante. Je ne crois donc pas que ce soit rendre service à l'aéroport que d'accroître les compétences du politique en son sein, d'accroître l'influence des partis politiques. En effet, Mesdames et Messieurs, les débats de ce Conseil en sont souvent la triste illustration : nous sommes, hélas, très souvent incapables de dépasser nos petites querelles politiciennes et quand il s'agit de gérer un tel équipement d'intérêt public pour toute la région et pour le pays, nous ne pouvons nous contenter de baigner dans notre petit bocal, de faire des bulles de politique politicienne en essayant de faire nommer çà et là des petits copains. Cela n'est pas satisfaisant... (Commentaires et rires.) Je suis tout à fait à l'aise à ce niveau, Monsieur Pagani : je suis en effet membre d'un certain nombre de conseils d'administration, je le suis professionnellement, dans le cadre de mes activités d'avocat. Jamais personne ne m'a nommé dans une entité publique ou parapublique et je ne cherche pas à me faire nommer, comme certains sur ces bancs ou sur d'autres d'ailleurs, qui courent le jeton de présence dans des conseils d'administration publics ou parapublics. Dieu soit loué, je n'ai pas besoin de cela pour vivre et je m'en porte parfaitement bien ! C'est pour cela que je suis tout à fait à l'aise, s'agissant de la problématique de l'aéroport.
La plupart des aéroports européens sont aujourd'hui en mains privées ou paraprivées, même chez nos très jacobins voisins français : les aéroports de Paris sont une entité totalement autonome, qui ne rend quasiment pas ou plus de comptes à l'Etat français. Je crois donc que ce qui nous est proposé par ce projet n'est pas souhaitable. Je ne vois pas ce qu'un contrat de prestations passé avec le canton amènerait, sauf à ce que ce contrat soit passé aussi avec la France voisine, que l'aéroport dessert, et sauf à ce que ce contrat de prestations soit passé aussi avec la Confédération, puisque manifestement et au contraire des TPG - qui ne jouent qu'un rôle très local - la vocation de l'aéroport dépasse très largement le cadre genevo-genevois.
Quant au renforcement de la politique, je l'ai déjà dit, la gestion d'un aéroport et du trafic aérien nécessite des compétences très spécifiques, difficiles à trouver, et je ne suis pas certain qu'en multipliant le nombre de représentants issus du politique, nommés par les partis politiques, on arrive à une situation qui soit satisfaisante. Quant aux compétences de la direction de l'aéroport, je ne suis pas du tout opposé, conformément à ce que disait M. Hiler tout à l'heure, à ce que le contrôle sur les établissements publics soit accru. C'est une bonne chose, mais je pense que ce contrôle ne passe pas par une limitation des capacités du management à gérer. Il faut que le management gère et si le résultat, le produit du travail du management n'est pas satisfaisant, des sanctions doivent pouvoir être prises. Mais ce n'est pas en interférant dans les grandes décisions devant être prises par la direction de l'aéroport, respectivement par son conseil d'administration, sur des problèmes qui souvent dépassent très largement la compétence de chacun d'entre nous, qu'on améliorera la gestion. Qu'on mette en place des structures de contrôle qui soient satisfaisantes et efficaces, oui, mais il ne convient pas de limiter le pouvoir d'action du conseil et de la direction actuelle.
Enfin, il faudra que nous nous posions aussi une autre question. L'aéroport, aujourd'hui véritable entreprise commerciale, constitue un actif effectivement très important : ne serait-il pas intelligent qu'à un moment ou à un autre l'Etat de Genève, ne serait-ce que pour amortir un peu sa dette, privatise cet aéroport et aille dans la droite ligne de ce qui s'est fait à l'étranger avec succès jusqu'à présent ?
M. Jean-Marc Odier (R). Beaucoup de choses ont été dites par rapport à ce projet de loi. Aussi, je serai très bref. M. Brunier introduisait son projet de loi en faisant un amalgame entre politique, économie et aéroport. Or, notre opposition porte principalement là-dessus : nous l'avons déjà dit, nous sommes complètement opposés à lier le politique et l'économie, à laisser les décisions au politique dans des entreprises qui sont en concurrence économique directe avec d'autres sur le marché.
Par rapport au contrat de prestations, l'exemple des TPG ne peut pas être avancé dans ce cas. Les TPG ont en effet une activité uniquement cantonale et ils coûtent à l'Etat 150 millions par année, contrairement à l'aéroport qui rapporte.
L'aéroport contribue à l'économie genevoise, romande et même régionale et je vois difficilement comment on pourrait soumettre ses décisions à l'approbation du Grand Conseil. Les radicaux sont donc totalement opposés à ce projet de loi, qui vise en fait une étatisation de l'aéroport, et ils défendront fermement l'autonomie de l'aéroport.
M. Carlo Lamprecht. Ce débat sur l'aéroport de Genève a commencé par une grande vérité énoncée par M. le député Brunier, à savoir que l'aéroport international de Genève est un levier essentiel pour l'économie et pour l'emploi dans ce canton. Je le remercie d'avoir relevé cette importance, importance qui a été chiffrée il y a quelque temps dans une étude réalisée par un institut international, selon laquelle les retombées annuelles liées à l'exploitation de l'aéroport de Genève dépassent les 8,7 milliards de francs et sa seule activité dégage environ 23 000 emplois. Voilà les chiffres qui nous ont été fournis par cette étude qui fait référence. On peut toujours les contester, mais ils sont là et confirment ce que le député Brunier disait tout à l'heure.
Maintenant, parlons de la gestion de l'aéroport dans son nouveau statut. J'aimerais faire remarquer que les bénéfices de l'aéroport ont passé de 10 millions en 1997 à 18 millions en 1998 et à 32 millions en 1999. Et si un déficit de 22 millions apparaît aujourd'hui dans les comptes, c'est tout simplement parce que nous avons dû imputer à l'aéroport les 55 millions d'indemnités de nuisances, conformément à la volonté du Grand Conseil. Monsieur Pagani, vous avez porté toute une série d'accusations, sans faire aucune allusion aux bienfaits de l'aéroport, alors que vous travaillez dans les syndicats, que vous devez défendre les emplois et la création d'emplois. En l'état, malgré tout ce qu'on peut dire, malgré tout ce qu'on peut reprocher à l'aéroport, les résultats sont là pour prouver que les choses vont bien, en dépit du départ de Swissair. Le conseil d'administration se soucie des relations avec d'autres compagnies d'aviation internationales pour faire en sorte que l'aéroport, non seulement dégage des bénéfices, mais soit utile à la fois à la population genevoise, à la Genève internationale - c'est important, car sans son aéroport, notre cité serait une ville de province, il ne faut pas l'oublier ! - et au développement économique de la région. En effet, je voudrais rappeler que si des entreprises s'installent, non seulement à Genève, mais en Suisse romande et en France voisine, c'est aussi grâce à l'aéroport. Quel est le principal atout d'Archamps ? c'est l'aéroport international de Genève. Quel est le principal atout de la région vaudoise, jusqu'à Neuchâtel ? c'est cet aéroport de proximité. Avoir un aéroport à moins de 150 km est un atout important.
Mesdames et Messieurs, je ne sais pas quel est le type de contrat de prestations que vous proposez, ce qu'il recouvre et je me réjouis d'examiner tout cela en commission avec vous. Cela dit, deux ou trois choses me surprennent quand même. Les prestations aujourd'hui, l'aéroport doit les gagner : il doit attirer des compagnies d'aviation, faire en sorte qu'elles s'y s'installent, parce que, sans compagnies d'aviation, il n'y a pas d'aéroport, il faut bien le dire ! Or, pour que des compagnies d'aviation s'installent, il faut qu'elles bénéficient de conditions acceptables, de conditions concurrentielles, il faut qu'elles aient un potentiel de passagers.
Dans ce sens, aujourd'hui, à première vue, lorsque je lis qu'on veut écarter une importante compagnie d'aviation du conseil d'administration, je pense personnellement qu'on fait fausse route. J'en veux pour preuve que depuis qu'Air France siège au conseil d'administration de l'aéroport de Genève, Swissair nous traite un peu différemment. Par ailleurs, l'offre à l'aéroport aujourd'hui a changé. Grâce à EasyJet Switzerland - compagnie suisse qu'on a ici un peu dénigrée - on compte beaucoup de nouveaux passagers. En effet, 80% des 450 000 passagers d'EasyJet cette année n'avaient jamais pris l'avion : ce sont des gens qui prennent l'avion parce que cela ne coûte pas cher. C'est aussi de la concurrence et elle est bénéfique à l'aéroport de Genève et à ceux qui l'utilisent.
Et puis, deuxièmement, une petite remarque : vous préconisez un seul siège au conseil d'administration pour les cantons voisins. Or, Mesdames et Messieurs, l'aéroport de Genève est l'aéroport d'une région, l'aéroport de la Suisse romande. Aussi, dire à un conseiller d'un autre canton siégeant dans ce conseil qu'on l'écarte pour mettre quelqu'un d'autre à sa place me paraît pour le moins déplacé.
Concernant les questions qui ont été posées sur le personnel, sur les réserves latentes, etc., j'ai parfois le sentiment qu'on prend tous les gens pour des tricheurs... Cela dit, je vais vous l'avouer très franchement, il y a quand même une réflexion qui m'intéresse dans votre projet de loi et que je suis prêt à analyser avec beaucoup d'ouverture, c'est celle de savoir si un conseiller d'Etat doit être président de l'aéroport. C'est une proposition intéressante, parce que vous m'épargnerez ainsi beaucoup d'efforts et beaucoup de conflits, que je ne recherche pas. Ce que je recherche, Mesdames et Messieurs, c'est l'intérêt de Genève.
Tout à l'heure, un député disait que cet aéroport était un aéroport citadin : c'est vrai, mais c'est justement son atout. Ensuite, vous avez critiqué l'aéroport sur le plan environnemental. Il y a aujourd'hui un concept de l'environnement à l'aéroport de Genève. On peut bien entendu toujours faire mieux, mais si on veut un aéroport il faut accepter certaines nuisances - le bruit, les gaz de kérosène - sinon, il faut le fermer ! En l'occurrence, ces nuisances sont maîtrisées et je vous invite à venir voir ce qui se fait à l'aéroport en matière de protection de l'environnement, conformément aux directives de l'Office fédéral de l'aviation civile. Alors, ne dites pas qu'il n'y a pas de protection de l'environnement.
Bien sûr, on peut craindre que l'aéroport se développe. Quant à moi, j'estime que s'il se développe c'est un signe que l'économie genevoise se développe aussi, que l'emploi y trouve son compte, comme les finances cantonales. D'après les projections faites jusqu'en 2010, la capacité maximum de l'aéroport, vous l'avez dit, peut atteindre 10 ou 15 millions de passagers ; c'est le grand maximum et nous savons que nous ne pouvons pas aller au-delà. Mais si cela peut être bénéfique pour Genève, il faut peser la manière dont nous approchons ce nouveau statut. Tout peut être remis en question, mais je vous rends attentifs, une fois de plus, à ce que M. le député Brunier disait au début de ce débat sur l'importance de l'aéroport. Il faut essayer d'être raisonnable et faire en sorte que cet équipement, qui nous est si profitable, puisse continuer à se développer. Je ne veux pas polémiquer aujourd'hui sur l'autonomie, sur les réserves, etc. On verra tout cela en commission et j'espère que celle-ci aura soin d'entendre celles et ceux qui demanderont audition. J'espère qu'on respectera les règles du jeu, qu'on entendra tous les gens intéressés, d'où qu'ils viennent, et qu'on mènera une réflexion intelligente, tous ensemble, dans l'intérêt de la République et du canton de Genève.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous revoilà dans une situation économique meilleure. Nous nous en réjouissons et pourtant c'est le moment qu'a choisi le conseiller d'Etat M. Carlo Lamprecht, responsable du Département de l'économie, pour laisser resurgir ce vieux démon qu'est le statut de saisonnier et, pire même, systématiser un sous-statut : le contrat de courte durée (6 mois). Il est temps de mettre un terme à cette politique xénophobe. Ce d'autant plus que M. Lamprecht et les milieux économiques qu'il soutient n'ont jamais rien entrepris contre ce statut injuste et se retrouvent aujourd'hui en première ligne pour nous « vendre » les accords bilatéraux en se drapant, entre autres, dans l'indignité de ce statut.
Nous ne sommes pas dupes, il faudra encore de nombreuses années et de dures confrontations pour mettre un terme à cette souche du virus ségrégationniste qui perdure en Suisse et qui parvient par intermittence à ébranler notre conscience collective. Une condition essentielle nous garantirait un avenir meilleur en ce domaine : continuer à nous battre pour que la main-d'oeuvre locale ne soit pas mise en concurrence par le patronat avec de la main-d'oeuvre importée à bas prix.
En conclusion, le sous-statut (permis de courte durée) qui est aujourd'hui imposé par les responsables cantonaux participe d'une politique qui n'a plus sa raison d'être et qui est dénoncée de toutes parts.
C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cette motion, à la voter et à la renvoyer immédiatement au Conseil d'Etat pour qu'il mette en oeuvre ses deux invites.
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous devons donc prendre acte des accords bilatéraux, qui ont été adoptés grâce au subtil regroupement des pro et anti-Européens, mais c'est là un autre débat !
Reste que la situation est difficile pour les travailleurs du bâtiment. Je résume cette situation. Le bâtiment reprend, comme chacun le sait. Il reste encore des chômeurs dans ce secteur, notamment des maçons qui ont, malheureusement pour eux, plus de 47 ans. Pourtant, le patronat a préféré, comme d'habitude, ne pas engager ces chômeurs, mais aller chercher des travailleurs au Portugal ou en Espagne. Bien évidemment, en ce qui concerne Genève et surtout après la campagne sur les bilatérales, il était impossible de remettre en vigueur le statut de saisonnier - qui, je le rappelle, n'est pas aboli pour les travailleurs extra-européens, y compris avec les accords bilatéraux. On a donc, et M. Lamprecht devrait s'en expliquer, décidé d'ouvrir un contingent de permis temporaires de six mois - soit un statut pire que le statut de saisonnier - pour des travailleurs qu'on inviterait à venir construire nos maisons. 250 permis ont ainsi été accordés. La question que nous posons dans cette motion est de savoir si ces travailleurs de la construction, dont le travail est très pénible, ne devraient pas être traités sur un pied d'égalité par rapport aux employés des entreprises multinationales qui, eux, obtiennent sans problème des permis B.
Nos invites sont donc les suivantes : premièrement, surseoir à toutes nouvelles autorisations de permis de courte durée de six mois. De tels permis ont malheureusement déjà été accordés et il faut que le conseiller d'Etat M. Lamprecht s'explique sur cette nouvelle politique catastrophique pour notre canton. En effet, celle-ci ne permet pas de pérenniser les postes de travail, ces permis de courte durée ne satisfont pas la demande accrue de main-d'oeuvre due à la reprise économique. Je me demande d'ailleurs comment vont faire les entreprises, qui boucheront un trou pendant six mois, puis reprendront d'autres travailleurs pour les six mois suivants et ainsi de suite...
Notre deuxième invite est la suivante : prendre résolument le parti de traiter sur un pied d'égalité un cadre d'une multinationale avec un travailleur du bâtiment et leur accorder, à l'un comme à l'autre, un permis B dans la mesure où ils satisfont aux conditions légales. Il est bien évident que la situation dans deux ans va se transformer, puisque les accords bilatéraux changeront. Il suffira alors que les travailleurs de l'Espace économique européen trouvent un contrat d'engagement pour pouvoir travailler dans le bâtiment, mais d'ici là nous entendons, si cette motion est renvoyée en commission, que le Conseil d'Etat définisse une politique claire pour les deux ans à venir.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Je rejoins tout à fait les propos de mon camarade Rémy Pagani. Je dirai que le statut de saisonnier est un statut injuste, inique, archaïque, dégradant et contraire même aux principes des droits de l'homme.
Aujourd'hui, le bâtiment à Genève se porte bien. On dit, paraît-il, que lorsque le bâtiment va tout va, et tout le monde s'en réjouit. Mais la pénurie, en ce qui concerne les travailleurs du bâtiment se fait sentir, raison pour laquelle, nous l'avons appris dernièrement, certaines entreprises vont rechercher dans le bassin méditerranéen - l'Espagne, l'Italie, le Portugal - cette main-d'oeuvre qualifiée qui a quitté notre pays. C'est en Espagne, dans la région de la Galice, qu'il y a les personnes les plus qualifiées. Mais celles-ci ne sont plus du tout d'accord de revenir en Suisse travailler dans des conditions précaires, exploitées, avec des salaires de misère, et nous comprenons aisément leurs inquiétudes.
Comme l'a dit M. Pagani, pourquoi cette inégalité de traitement entre les employés d'une banque, ou d'une multinationale, et les employés du bâtiment, sans qui la Suisse n'en serait pas là ? En effet, il ne faut pas l'oublier : qui a construit nos routes, les bâtiments où nous habitons, les bâtiments officiels ? ce sont évidemment ces personnes venues des pays du bassin méditerranéen.
Pour conclure, je dirai qu'il ne faut pas s'étonner, lorsqu'on valorise si mal le bâtiment, que les Suisses ne soient pas du tout tentés de faire des apprentissages dans ces métiers. Je vous encourage à voter le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
M. Olivier Vaucher (L). J'aimerais apporter quelques nuances et quelques modifications par rapport aux propos des préopinants.
Tout d'abord, je rappellerai qu'en 1990 nous avions à Genève, dans le gros oeuvre uniquement, 12 000 emplois. Après dix ans de la plus dure crise que nous ayons connue dans notre histoire, nous sommes passés au-dessous de la barre des 4000 emplois. Pendant ces dix ans, l'entité principale qui aurait dû jouer un rôle anticyclique ne l'a pas joué. Vous l'avez compris, je veux parler de l'Etat de Genève. Maintenant, pour un certain nombre de raisons, le même Etat de Genève jette sur le marché, à travers les lois et les projets que nous avons votés, des centaines de millions de francs de travaux, auxquels les effectifs actuels ne sont plus capables de faire face. Ceci a pour implication directe que les prix grimpent d'une façon anormalement vertigineuse, je vous le concède. Or, le seul moyen de juguler cette hausse des prix - dont, je vous le rappelle, pourraient s'en ressentir les budgets et les crédits que nous avons votés - c'est d'obtenir de la main-d'oeuvre de façon temporaire, et à cet égard je crois que le projet du département est juste.
En effet, un des préopinants a évoqué les bilatérales : celles-ci ont été approuvées et d'ici deux ans le problème se posera donc d'une façon tout à fait différente. Voilà pourquoi il serait normal d'adopter cette solution, qui certes, Madame la députée Bolay, n'est pas satisfaisante, ni pour nous, ni pour les ouvriers, mais qui, en tant que solution transitoire après l'acceptation des bilatérales, permet de réduire les «dégâts».
Madame la députée, vous avez parlé de salaires de misère. J'aimerais souligner que les salaires actuels de la construction, qui ont été rehaussés d'une façon importante, ne sont pas des salaires de misère. Ce sont des salaires très raisonnables par rapport à l'économie genevoise et à d'autres métiers. Ils continuent d'ailleurs à progresser, en même temps que s'améliore la situation économique, ce que je considère personnellement comme fort heureux.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut remettre l'église au milieu du village et considérer les choses telles qu'elles sont, à savoir que c'est une solution provisoire, que nous aurons d'ici deux ans des solutions autres, mais qu'il s'agit de faire face immédiatement à l'important volume de travail. Six mois, c'est évidemment court, mais de nombreuses demandes d'ouvriers des pays méditerranéens ou frontaliers sont parvenues. Ces gens sont d'accord, parce que le gros du travail est d'une durée d'environ six mois et que cela leur permet de retourner dans leur pays durant la mauvaise saison et de profiter des bonnes conditions chez eux.
Je vous demande formellement, Monsieur le président, de faire voter le renvoi de cette motion en commission de l'économie, de façon que nous puissions en débattre d'une façon sereine, en toute connaissance de cause.
Mme Myriam Sormanni (S). Comme à l'accoutumée, je parle en mon nom. Avec l'école clandestine et l'ancien conseiller d'Etat Dominique Föllmi, les enfants des travailleurs saisonniers, donc clandestins, ont pu être scolarisés et n'ont plus dû rester dans les appartements, souvent sans sortir, afin de ne pas se faire pincer par la police. Quelle qualité de vie pour ces enfants, qui étaient privés de jouer parce que leurs parents n'auraient pas dû les amener sur le territoire suisse. Quelle qualité de vie pour ces maris privés de leur femme, qui n'avaient d'autre solution que de faire appel aux prostituées pour avoir des relations sexuelles, qu'ils auraient normalement dû avoir avec leur femme. Merci aux prostituées pour le rôle social qu'elles ont joué, évitant peut-être des abus sexuels, voire des viols ! Quelle qualité de vie pour ces hommes en Suisse, privés de leur femme et de leurs enfants. Quelle qualité de vie pour ces femmes et ces enfants restés dans leur pays d'origine. Non, Mesdames et Messieurs les députés, le statut de saisonnier n'est plus un statut acceptable à l'heure actuelle ! C'est pourquoi je vous encourage à renvoyer cette motion en commission.
M. Bernard Annen (L). Sans polémiquer avec les intervenants de tout à l'heure, je voudrais dire deux ou trois vérités. La première, c'est que le statut de saisonnier à Genève a disparu depuis bientôt une décennie ; il est donc assez difficile d'admettre aujourd'hui certains propos. Nous pourrions d'ailleurs nous poser la question de savoir pourquoi ce statut continue d'être appliqué dans le canton de Vaud ou ailleurs, étant entendu que les entreprises qui viennent concurrencer les entreprises genevoises ont, par définition, des prix de revient beaucoup plus bas. C'est dire qu'on pourrait reconnaître au moins qu'à Genève les entreprises de la construction, qui ont par ailleurs des conventions collectives et des salaires de loin supérieurs à ceux des cantons voisins, font des efforts considérables.
Le problème que pose cette motion est de plusieurs ordres. Donner des permis B à cette catégorie de travailleurs, pourquoi pas ? Le problème est que ceux-ci sont pris sur un contingent fédéral et que celui-ci n'est pas illimité. Par conséquent, il y a des choix à faire et ceux-ci sont faits par la commission tripartite, dans laquelle les syndicats sont représentés et peuvent, les uns et les autres, donner leur avis en ce qui concerne l'attribution des permis B. S'agissant des permis de courte durée, je crois qu'il faut les considérer simplement comme une mesure transitoire. C'est uniquement dans ce sens qu'il faut accepter la chose, car sinon vous allez immanquablement ouvrir un autre robinet, celui du travail au noir. Or, je ne crois pas que ce soit votre objectif. Qu'il y ait une mixité dans les décisions prises par la commission tripartite ou par le Conseil d'Etat, là encore, pourquoi pas ? Il existe une commission de surveillance du marché de l'emploi qui regroupe, je le répète, syndicats patronaux et ouvriers, qui s'est déjà réunie à plusieurs reprises et qui pourra trouver des solutions.
Maintenant, il y a une chose que je ne peux pas laisser dire, c'est ce que disait Mme Bolay tout à l'heure en matière de formation professionnelle. Dans le secteur secondaire, les métiers du bâtiment sont ceux qui font le plus d'efforts en faveur de la formation professionnelle et du recrutement. Je peux vous donner une multitude d'exemples. Je vous invite très volontiers aux portes ouvertes que nous organisons chaque année ; nous invitons l'ensemble des écoles, nous écrivons à l'ensemble des parents d'élèves en âge de commencer un apprentissage. L'année prochaine, nous organisons une Cité des métiers à Genève, dans laquelle l'industrie de la construction est une des plus actives. Dans cette Cité des métiers et de la formation professionnelle, l'accent sera mis sur ce sujet, auquel nous tenons. Ce sont des centaines de milliers de francs, Madame, et je peux vous le démontrer, qui sont consacrés à la formation dans l'ensemble des professions du bâtiment.
Enfin, je ne peux pas m'empêcher de vous répondre, Monsieur Pagani, parce que, de temps en temps, vous donnez un peu trop de leçons ! Vous condamnez ces permis à durée déterminée. C'est vrai, ce statut est contestable, mais la première entreprise à Genève qui a fait appel à cette main-d'oeuvre-là, c'est l'entreprise Pagani ! M. Pagani père n'a certes pas du tout les mêmes idées et je ne veux pas condamner l'un par rapport à l'autre. Mais nous sommes dans un Etat de droit, où il y a des possibilités légales, et M. Pagani père, que je connais, fait appel à cette main-d'oeuvre, parce qu'il doit faire tourner son entreprise et qu'il n'a pas d'autres moyens. C'est dire qu'à un moment donné, Monsieur, il faut être pragmatique.
Cette motion, de mon point de vue, devrait être renvoyée en commission, car nous devons en discuter ouvertement, mais sans faire de procès d'intention. Avec vos propositions, vous n'avancerez pas dans cette affaire ; au contraire, je crois que vous prenez des risques inconsidérés pour le secteur de la construction et pour les emplois et les travailleurs que vous prétendez vouloir défendre.
Le président. La parole est à M. Pagani fils !
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'attendais à cette attaque ! Je signale à M. Annen - je lui donne cette information en primeur - que mon grand-père, lui, était saisonnier dans son propre pays ! Il était Tessinois et il est venu vendre sa force de travail ici, à Genève, comme maçon. En ce qui concerne le statut de saisonnier, nous avons donc une longue tradition dans la famille et je sais de quoi je parle quand je m'exprime à ce sujet. Je vous prie d'en prendre note !
Vous prétendez par ailleurs qu'en commission tripartite les syndicats vont discuter tranquillement, entre gens de bonne compagnie, de la politique à mener, des permis de saisonniers et des permis de courte durée introduits par le Conseil d'Etat. Il faut rappeler ici, pour la bonne forme, qu'en tout cas l'ensemble des syndicats, qui ont lutté contre le statut de saisonnier, ont dénoncé la pratique instaurée ces derniers mois par le gouvernement. Il s'agit donc de dire clairement ce soir que cette situation est inadmissible, que la décision du conseiller d'Etat chargé du département de l'économie est inadmissible et qu'on devra trouver, en commission, une solution qui ménage à la fois les intérêts économiques du secteur du bâtiment et les intérêts de ces travailleurs soumis à des conditions ultra-précaires, le statut de saisonnier étant déjà précaire.
Le fait est que je ne vois pas pourquoi, Monsieur Annen, nous n'utiliserions pas le contingent de permis B durant cette période transitoire. Cela dit, je relève qu'il n'appartient pas aux partenaires sociaux de prendre la décision politique et que celle-ci revient au conseiller d'Etat en charge et plus généralement au Conseil d'Etat. Aussi, j'entends bien, dans la commission qui traitera cette motion, faire en sorte que le Conseil d'Etat revienne, pour cette période transitoire de deux ans, à une politique équitable, au lieu d'une politique de favoritisme, et qu'il traite notamment sur un pied d'égalité les hauts cadres des multinationales et ces travailleurs qui sont, à mon sens, ceux qui produisent le plus pour notre région, puisqu'ils produisent ces biens essentiels que sont l'infrastructure et les habitations.
M. Christian Grobet (AdG). Ce n'est pas la première fois que M. Annen s'efforce d'esquiver un débat, soit en dénigrant la personne qui intervient, soit en allant jusqu'à tenter de dénigrer des membres de sa famille. Je vous dis publiquement, Monsieur Annen : vous n'êtes qu'un vulgaire diffamateur ! Je vous le dis publiquement et vous pouvez sourire autant que vous voulez ! Vous n'êtes qu'un vulgaire diffamateur et ce ne sont pas vos diffamations qui vont nous empêcher d'intervenir à bon escient, quand nous l'estimons nécessaire !
M. Bernard Annen (L). M. Grobet dérape, perd les pédales, ce n'est pas moi qui vais essayer de le rattraper ! Si j'ai pris le cas de M. Pagani père - et je ne l'ai pas dénigré - c'est simplement pour démontrer ce qu'est la Realpolitik et les contingences auxquelles les entreprises sont soumises. Un point, c'est tout !
Maintenant, Monsieur Grobet, il est vrai que vous avez l'habitude d'insulter les autres, mais que, lorsqu'on vous égratigne, vous allez où vous allez ! Je dois dire que si n'importe qui d'autre m'avait insulté comme vous venez de le faire, j'aurais réagi, mais qu'en ce qui vous concerne je m'assieds tout simplement sur vos propos !
M. Carlo Lamprecht. Les motionnaires invitent le Conseil d'Etat, je cite, «à surseoir à toutes nouvelles autorisations de permis de courte durée» dans le secteur du bâtiment et à n'accorder que des permis B pour répondre à la pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur. En qualifiant, dans leur exposé des motifs, la politique actuelle d'attribution de permis de xénophobe, en accusant le département de l'économie de favoriser le dumping salarial, les motionnaires mettent en réalité en cause les instances tripartites du marché du travail et, par voie de conséquence, les associations patronales et syndicales qui y sont représentées.
En fait, la situation dans laquelle se trouve notre canton est simple. Le contingent cantonal de permis B est largement insuffisant pour répondre aux besoins de notre économie, dont la reprise devrait, je le répète, réjouir tout le monde dans cette enceinte. Les permis de courte durée sont attribués pour la venue de travailleurs qualifiés dans tous les secteurs professionnels. Dans tous les cas, les autorisations délivrées sont examinées d'entente avec les partenaires sociaux. Leur examen prend en compte tant la situation du marché de l'emploi local que les conditions d'engagement. Alors, permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de dire que les accusations de xénophobie et de dumping salarial sont, pour moi, sans fondement et je tiens à les contester avec fermeté.
Pour ce qui concerne plus précisément le secteur du bâtiment, il est exact que la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée ne permet plus aux entreprises locales de faire face à leurs besoins. Cette situation a été examinée par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi le 19 novembre 1999, examen qui a abouti à un accord entre représentants patronaux et syndicaux sous l'égide de mon département. Tout en réaffirmant l'absolue nécessité du respect des normes salariales conventionnelles, en ayant souligné aussi les efforts de formation qui doivent être faits et la priorité de la main-d'oeuvre locale sans emploi, le Conseil de surveillance du marché de l'emploi a admis trois modalités de soutien aux entreprises genevoises de la construction.
Premièrement, des autorisations de courte durée jusqu'à six mois, plafonnées à 200 unités, ou de quatre mois, sur la base de critères à définir dans la commission tripartite ad hoc, mais en faveur des ressortissants en provenance exclusivement de l'Union européenne et de l'AELE. Deuxièmement, des autorisations frontalières pour des collaborateurs qualifiés, toujours en respectant les critères définis par la commission tripartite. Troisièmement, le retour éventuel d'anciens travailleurs partis en raison de la crise, sur la base d'un examen préalable par l'office cantonal de la population et l'office cantonal de l'emploi, et d'un préavis, une fois de plus, de la commission tripartite.
J'insiste sur le fait que la venue de saisonniers nouveaux a été exclue d'emblée. Par ailleurs, des éventuelles divergences entre partenaires pour l'application des mesures qui ont été retenues sont réglées de cas en cas par la commission tripartite. J'aimerais vous rappeler que cette sous-commission a siégé cinq fois depuis sa réactivation, soit le 4 février, les 3, 16 et 30 mars, ainsi que le 13 avril, et qu'elle comprend, vous le savez, les partenaires sociaux, les syndicats. La première séance a permis d'établir, avec tous les partenaires sociaux présents, les principes selon lesquels les demandes seront examinées ; les séances suivantes ont permis d'examiner 148 demandes présentées par 30 employeurs du secteur du bâtiment, et à ce jour ce ne sont pas 250 permis, Monsieur Pagani, qui ont été attribués, mais 124 préavis favorables pour des séjours limités à six mois qui ont été émis par cette commission.
Il va de soi que, dans l'optique d'une application des accords bilatéraux - que j'ai fermement soutenus, contrairement à vous, Monsieur Pagani, qui les avez combattus ! - ces mesures ont un caractère provisoire. En effet, l'application des accords relatifs à la libre circulation des personnes permettra de mettre un terme à la précarité de certains travailleurs - j'en suis fort heureux - que le dispositif légal actuel rend inévitable et que mon département s'est toujours attaché à limiter.
Cela étant, sachez qu'il est de mon devoir de trouver des solutions face au redémarrage économique du canton, qu'il est de mon devoir aussi de soutenir l'économie, mais également de veiller à ce qu'aucun abus ne soit commis. C'est la raison pour laquelle j'accepte volontiers le renvoi de cette motion en commission, où nous pourrons développer tous les arguments que je viens de donner ici et répondre aux autres critiques qui seront certainement faites par rapport à cette politique.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous propose d'arrêter là nos travaux. Nous les reprendrons après la pause café, à 10 h 10.
La séance est levée à 9 h 50.