Séance du
vendredi 14 avril 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
7e
session -
18e
séance
No 18/III
Vendredi 14 avril 2000,
soir
La séance est ouverte à 17 h 15.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Carlo Lamprecht, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, ainsi que MM. Michel Balestra, Florian Barro, Nicolas Brunschwig, Régis de Battista, Gilles Desplanches, Hervé Dessimoz, Jean-Claude Dessuet, Pierre Froidevaux, Jean-Pierre Gardiol, Claude Haegi, Michel Parrat, Louis Serex et Alberto Velasco, députés.
3. Correspondance et pétitions.
Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
M. Rémy Pagani (AG). Monsieur le président, j'aimerais que la correspondance sur « Coordination enfants du quartier de la Jonction » soit lue.
Le président. Madame la secrétaire, je vous prie de bien vouloir procéder à la lecture de cette lettre.
Annexe C 1129
2
Le président. Il en est pris acte. Ce courrier est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation et au Conseil d'Etat.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence :
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Mme Martine Brunschwig Graf. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat). Avant de répondre à l'interpellation de Mme de Haller, je désire signaler que, par rapport à la correspondance du Grand Conseil qui vient d'être lue et qui sera amenée à la connaissance de la population, le nombre de postes de l'enseignement primaire va augmenter.
Cette augmentation se fera à la rentrée 2000, si vous l'acceptez, ainsi que la commission des finances. Elle continuera en 2001, car j'ai pris l'engagement de maintenir le taux d'encadrement actuel, afin de mieux répondre à la demande. Non seulement, le nombre des enseignants ne va pas diminuer, mais il va augmenter. Nous avons, d'ores et déjà, prévenu la Société pédagogique genevoise de ce fait.
Je précise en second lieu, au cas où certains l'ignoreraient, que l'interview donnée dans la «Tribune de Genève» n'en était pas une, étant donné que les questions et les réponses ont été rédigées par le journaliste. En plus, je n'en ai pas eu connaissance avant publication.
Je vais maintenant répondre à l'interpellation de Mme de Haller, au sujet du retour des Kosovars.
Je rappelle que le Conseil d'Etat a répondu aux autorités fédérales en demandant un délai raisonnable de six mois, afin de permettre aux cantons de préparer les retours raisonnablement exigibles de Kosovars sous obligation de départ et de pouvoir ainsi les échelonner.
Le Conseil d'Etat s'est notamment référé à une récente déclaration de Mme Sadako Ogata, Haut Commissaire des Nations Unies aux réfugiés, qui estime qu'il est prématuré de procéder à des rapatriements massifs, afin de ne pas mettre en péril un équilibre fragile et des structures locales encore précaires.
Par ailleurs, le nombre de Kosovars sous obligation de départ est encore important en Suisse, malgré les programmes d'incitation aux départs volontaires et les différentes aides financières et matérielles au retour proposées par le Département fédéral de justice et police.
Le Conseil d'Etat est ainsi persuadé que, du fait et en raison des effectifs et parce qu'il y a, parmi les personnes concernées, des familles avec enfants scolarisés qui sont autorisés à terminer l'année scolaire en cours, les renvois pourront difficilement être effectués dans un plus bref délai que celui de six mois suggéré pour des raisons matérielles et pratiques.
Nous espérons ne pas nous retrouver en décalage par rapport à la procédure. Personne ne conteste la réalité. A ce jour, nous nous sommes toujours entendus avec les autorités fédérales et nous espérons que cela va continuer.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Martine Brunschwig Graf. M. le député m'interpelle sur un questionnaire dont il faut savoir qu'il n'est pas un sondage d'opinion, mais une enquête qui s'inscrit dans une vaste recherche sur le thème de l'hétérogénéité et de la différenciation.
Cette enquête fait partie d'une recherche entamée par le Service de la recherche en éducation sur mandat que je lui ai donné en décembre 1997. Les enseignants font partie de celles et ceux qui sont interrogés, puisque les parents et les élèves eux aussi ont reçu un questionnaire. Ils étaient donc les derniers à être touchés ; le questionnaire a été négocié et discuté et a reçu l'appui de la FAMCO. J'ai vu la lettre ce matin.
Il s'agit d'un vaste plan d'évaluation qui contient :
- des entretiens avec les équipes de direction de tous les cycles d'orientation ;
- une enquête auprès d'élèves de six collèges du cycle ;
- une enquête auprès des parents de 6e primaire et de 7e du CO ;
- une enquête auprès d'un échantillon d'enseignants du primaire.
Une comparaison entre les flux et les acquis des élèves doit encore être effectuée, ainsi qu'une comparaison entre les collèges à sections et ceux en réforme 2.
En premier lieu, M. le député demande pourquoi on n'organise pas plus souvent ce genre d'enquête. D'abord, parce que cela représente un énorme travail qui fait partie d'une recherche. Ensuite, au-delà du fait que, souvent, selon les cas et les périodes, vous pouvez avoir le sentiment d'un mécontentement dans les troupes, il faut vous dire que les projets du département, pour l'essentiel, se travaillent très longtemps à l'avance sur le terrain et que, même s'il arrive que dans les décisions finales - c'est le cas pour la grille horaire - les enseignants puissent ne pas être d'accord, je dois dire que, tant dans le primaire que dans les cycles d'orientation, les travaux sur l'étude d'objectifs d'apprentissage et sur ce qui fait, finalement, la pédagogie, sont menés de façon harmonieuse et avec l'appui de tous les enseignants.
J'aimerais vous dire aussi, Monsieur le député, qu'hier soir vous avez tous adopté à l'unanimité plusieurs objets, dont un projet de loi sur la formation des enseignants secondaires, projet de loi qui a fait l'objet d'une vaste concertation. Cela n'empêche pas, pour la forme, la Fédération des enseignants du cycle d'orientation de taquiner - c'est un terme que j'utiliserai volontiers ici - celles et ceux qui s'occupent de cet institut et d'en parler parfois avec ironie. Comme quoi, la concertation et l'approbation généralisée ne préservent pas de la critique. Nous y sommes habitués et nous l'assumons.
Je réponds aux trois autres questions, qui concernent la présentation des cycles d'orientation, nommément, en fonction de l'environnement économique et culturel. D'abord, j'aimerais vous signaler que vous trouvez cette présentation dans le Mémento statistique de l'enseignement public et privé, ce qui prouve que ce n'est pas une nouveauté. Chaque année, vous y retrouvez la présentation, non seulement des cycles d'orientation, mais de tous les collèges et écoles, et vous voyez apparaître, pour chacun d'entre eux, la proportion des élèves en fonction de la situation socio-professionnelle de leurs parents.
Cela étant, nous étions face à un dilemme. Je rappelle que ce questionnaire n'est pas fait par la direction, qu'il n'est pas soumis à la présidente du département et que, comme c'est une recherche, liberté est laissée au Service de la recherche en éducation. La raison pour laquelle la présentation a été faite par groupes de cycles et non pas par établissements numérotés de 1 à 17, était que le Service de la recherche en éducation souhaitait éviter de demander aux enseignants à quel cycle ils appartenaient, pour respecter la confidentialité de celles et ceux qui participaient à l'enquête.
En faisant cela, les chercheurs devaient pouvoir retrouver ensuite, en regroupant les cycles, une certaine logique dans leur analyse. En effet, vous savez comme moi que, dans l'analyse de l'organisation de l'enseignement qui doit être faite, celle-ci peut être différenciée en fonction, justement, de l'environnement socio-professionnel dans lequel travaillent les cycles. C'est finalement la raison pour laquelle vous retrouvez cette présentation.
Je pense que l'on aurait peut-être pu faire l'économie d'une phrase, à savoir celle qui précisait les raisons du regroupement, parce que c'est finalement ce qui attirait l'attention, alors que l'on demandait simplement de cocher une case qui recouvrait un certain nombre de cycles. Ce serait peut-être une critique sur laquelle nous pourrions nous rejoindre.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Martine Brunschwig Graf. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat). Je suis ravie de n'avoir à répondre qu'à trois interpellations, car ma voix est proche de l'extinction, comme vous l'entendez ! J'espère pouvoir terminer mon intervention...
Mandat international est, vous le savez, une organisation non gouvernementale qui a été fondée en 1995, à Genève, pour promouvoir la participation des ONG aux conférences internationales.
Comme l'a rappelé hier M. le député Cristin, il s'agit d'un élément important de la Genève internationale, qui est appelé à se renforcer, parce que les ONG s'y intéressent et que les activités des organisations non gouvernementales deviennent de plus en plus importantes puisqu'elles animent aussi le débat démocratique et, j'espère, seulement démocratique !
Cela dit, un projet de loi est à l'étude au sein du bureau du président du Conseil d'Etat. Renseignements pris, le Conseil d'Etat devrait se prononcer, après Pâques, sur ce projet de loi qui permettra une subvention de 100 000 F. Cette subvention qui nous sera soumise, je l'espère, devra aussi être approuvée par vous-mêmes le moment venu. Nous sommes tous convaincus de la nécessité d'apporter ce soutien et il va de soi que nous rechercherons un financement durable pour les activités de Mandat international.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer. Est-il nécessaire de rappeler que la pratique du cyclisme, comme d'ailleurs celle du motocyclisme, sur les trottoirs est interdite ? Elle est aussi interdite sur les passages pour piétons. Ces dispositions ressortent des dispositions légales afférentes à la circulation routière.
Ces attitudes sont combattues par les forces de l'ordre municipales et par la gendarmerie, au même titre que les autres infractions observées dans le cadre d'une mission générale de sécurité. Je porte à votre connaissance qu'une mission de sensibilisation visant à dissuader le stationnement des deux-roues sur les trottoirs, et donc leur accès, est en préparation. Elle sera, bien entendu, accompagnée de mesures coercitives pour celles et ceux qui ignoreraient volontairement le message.
Ceci dit, c'est une préoccupation constante de nos services de faire en sorte que les gens qui cheminent sur les trottoirs, les piétons, soient en sécurité. On enseigne à l'école, dès le plus jeune âge, que les vélos sont faits pour rouler sur la chaussée. C'est un rappel que je voulais ici souligner.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer. Je n'ai pas eu le temps, puisque je rentre à l'instant de Berne, de prendre connaissance de ce que j'aurais déclaré à un journal. Simplement, j'ai tenté de lire votre écriture de docteur, mais j'ai eu quelque peine, Monsieur le député !
Ne m'en veuillez donc pas de rappeler que la rue du Rhône est une rue dite piétonne. Le contrôle de gendarmerie est quasiment exclu sur le plan de la coercition. Pourquoi ? Parce que le gendarme placé à l'entrée d'une rue marchande peut arrêter toutes les voitures qui se présentent et demander à leur conducteur ce qu'ils font : ceux-ci répondent invariablement qu'ils entrent dans une rue marchande pour y chercher une place de parc ! Ce qui est leur droit le plus strict. Ensuite, le gendarme qui est à la sortie de la rue marchande demande aux automobilistes ce qu'ils font là et ils répondent qu'ils y cherchaient une place de parc et qu'ils n'en ont pas trouvé ! Par conséquent, ils ne sont pas amendables non plus. Ce système des rues dites marchandes est un système qui interdit toute coercition, mais qui repose sur le bon sens et la bonne composition générale. C'est ce qui se passe à la rue du Rhône.
Nous intervenons de manière régulière, aujourd'hui ni plus ni moins que la semaine dernière et ni plus ni moins que la semaine prochaine. Simplement, nous sommes en liaison avec les commerçants qui, eux, se plaignent du fait que ces voitures rendent les livraisons mal commodes et c'est en ce sens que les gendarmes interviennent. J'ai attiré l'attention de la police sur ce problème qui nous est très bien connu. Cela dit, vous savez peut-être que celui-ci va disparaître de lui-même, puisque, dans quelques mois, la Ville de Genève va entamer la réfection des ponts de l'Ile et qu'il n'y aura plus de trafic de transit sur la rue du Rhône; ce qui fait que le problème va s'étioler et mourir de sa belle mort.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer. Le concept de service des TPG fixe la ponctualité comme première priorité et la vitesse commerciale comme seconde priorité. Par conséquent, le départ ponctuel du terminus est la base nécessaire pour atteindre ce but. La régulation centralisée des TPG surveille les départs, rappelle à l'ordre les chauffeurs s'ils sont en retard. L'utilisation du Natel est strictement interdite aux chauffeurs TPG et les infractions sont sanctionnées.
Je dois cependant ajouter que la direction des TPG n'a pas connaissance, à ce jour, d'un seul accident survenu pour cause d'utilisation du Natel par le pilote. Si cette information devait être contestée, je vous remercie de bien vouloir m'en faire part.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer. La décision en cause émane du conseil de direction des TPG, Monsieur le député Lescaze. Je vous rappelle que ce conseil est également formé de représentants des partis politiques ici représentés.
La publicité dont il est question n'a pas été achetée. L'espace a été mis à disposition des TPG dans le cadre d'un accord avec la «Tribune de Genève» qu'on appelle accord d'échange style barter. Pour toute information supplémentaire, vous consulterez un publiciste !
Il s'agit d'un échange de prestations entre les TPG et la «Tribune de Genève». Ce contrat date de plus de deux ans. Il permet la valorisation des invendus en matière de publicité au sein des espaces à disposition dans le cadre du matériel roulant des TPG.
Cette parution a donc été décidée sans coût - êtes-vous attentif, Monsieur le député ? - hors budget et hors contrat-cadre de prestations. Ce type de pratique n'existe pas qu'avec la «Tribune de Genève», mais également avec Radio Lac, Léman bleu - l'excellent Léman bleu qui vous observe et qui vous juge ! - et le «GHI».
La rédaction est interne aux TPG, donc sans frais de préparation et de graphisme. Ce procédé, enfin, est tout à fait légal. Merci d'avoir attiré notre attention sur cet encart. Sur le fond, vous avez eu la réponse à votre question, je l'espère.
Cette interpellation urgente est close.
M. Gérard Ramseyer. Monsieur le député, ma réponse tient en quatre points.
Sur le plan de la sécurité, il n'est pas envisagé de fermer l'antenne de Port-Choiseul à Versoix. Elle restera un point d'attache pour assurer les missions de sécurité de la gendarmerie. C'est une nouvelle qui vous fait plaisir, mais qui me fait encore plus plaisir !
Sur le plan des démarches liées aux permis de conduire et aux contrôles techniques des bateaux, nous avons pris la décision de confier, dorénavant, sur un plan global, ces missions au service des automobiles et de la navigation, pour raison de cohérence organisationnelle. Ce transfert ne peut s'opérer dans la précipitation. Les effectifs et l'acquisition des compétences nécessaires nécessitent une petite période d'adaptation. Entre-temps, les services de police ont reçu pour instruction d'assurer la continuité de façon que la transition nécessaire s'opère dans de bonnes conditions pour les usagers.
Sur le plan du permis de conduire, dès que les conditions permettront la reprise de cette activité par le service des automobiles et de la navigation, les conditions et modalités pratiques seront communiquées aux milieux intéressés, à la population, par voie de presse, mais ce ne sera pas avant la fin de l'année en cours.
Sur le plan du contrôle technique des bateaux, la délégation de cette mission à des entreprises privées compétentes - et il y en a à Versoix - est examinée en l'état. Dans ce cas, le département envisage d'introduire, en tant que condition de délégation, l'option de maintenir des contrôles techniques ailleurs qu'aux Eaux-Vives et, en particulier, à Versoix. La mise en oeuvre du dispositif devrait pouvoir intervenir dans un délai de quatre à cinq mois.
En ce qui me concerne, je ferai une dernière remarque, Monsieur le député. Il est vrai que lorsqu'on tente de mieux organiser, de rationaliser, on a parfois quelques problèmes de retard. Nous les regrettons, mais l'objectif est une meilleure organisation du travail et je crois que déléguer ces contrôles à des entreprises nautiques, comme on le fait aux garages pour les voitures, est une bonne chose pour la clientèle.
Cette interpellation urgente est close.
M. Laurent Moutinot. M. le député Annen a attiré hier mon attention sur une discrimination constatée dans le cadre d'un marché public et d'une soumission organisée par la Ville de Lausanne. Je remettrai, dans quelques instants, à M. Annen la réponse que j'ai adressée, ce matin même, à M. Philippe Bieler, chef du département des infrastructures, pour protester contre cette discrimination à l'égard d'une entreprise genevoise.
Je n'irai pas, en revanche, comme le suggérait l'interpellateur jusqu'à prendre des mesures de rétorsion. Nous n'allons pas répondre à un acte illégal par un autre acte illégal. Cependant, j'ai informé M. Bieler que si les communes vaudoises persistaient à ne pas appliquer les accords en la matière, je serai contraint de dénoncer ce genre de pratiques aux autorités fédérales compétentes.
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant de prendre les deux objets que nous avions décidé de traiter maintenant, j'aimerais terminer de traiter le département de justice et police et des transports avec le point 51, interpellation 2021.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je voudrais vous poser une question, Monsieur Ramseyer, au sujet du Bureau d'aide au départ.
Les autorités sont très fières de ce Bureau d'aide au départ qui soutient les requérants qui doivent quitter notre pays, soit pour retourner dans leur propre pays soit pour trouver un pays tiers. Notre Grand Conseil vote du reste un crédit de 600 000 F par année pour le fonctionnement de ce Bureau d'aide au départ.
Ma question est simple : le Conseil d'Etat entend-il faire en sorte que cet argent soit véritablement utile en respectant le travail de ce Bureau d'aide au départ ? Il a en effet une fâcheuse tendance à mettre un certain nombre de requérants dans l'avion, alors même que des démarches ont été entreprises pour trouver un pays tiers...
J'aimerais juste ici donner le dernier exemple en date. Il s'agit d'une femme d'ex-Yougoslavie dont la communauté est devenue minoritaire dans son canton d'origine et qui a argumenté sur le fait qu'elle ne pouvait pas retourner dans son pays. Le Bureau d'aide au départ qui effectue également une sélection, suite à une analyse de la situation, a en effet confirmé qu'il fallait l'aider à trouver un pays tiers. Le Bureau d'aide au départ a donc entrepris des démarches, mais les fonctionnaires de M. Ramseyer décident qu'il faut impérativement la mettre dans l'avion...
Le groupe de parrainage prend pourtant cette femme entièrement en charge, c'est-à-dire qu'il la loge, lui fournit l'assistance nécessaire de manière qu'elle n'émarge plus à l'assistance de l'Etat. Le groupe de parrainage demande un report du délai, délai qui est refusé... J'interviens moi-même auprès de M. Ramseyer... Inutile, j'ai perdu ! Puis, le départ est confirmé. Par chance, un réalisateur de «Temps présent» se trouve dans le groupe de parrainage. Alors, quand il se présente à la police, les collaborateurs à qui il a affaire sont un peu gênés à l'idée qu'une émission pourrait être faite sur ce cas, et le départ est reporté jusqu'en janvier.
Pendant ce temps, Mme X passe de nombreux tests pour confirmer son départ sur un pays tiers - il s'agit en général du Canada ou des Etats-Unis - qui sont tous positifs. Elle obtient donc un rendez-vous, en guise de dernier test, à l'Ambassade des Etats-Unis pour le mois de février. Mais le départ doit impérativement avoir lieu au mois de janvier, et, de nouveau, nous nous trouvons confrontés à une intransigeance totale des services du département qui veulent absolument la mettre dans l'avion. Il a fallu négocier des heures ! Il a fallu menacer de cacher cette femme pour qu'enfin un nouveau délai soit obtenu ! Je tiens à dire que cette dame a maintenant le droit d'immigrer aux Etats-Unis, ce qui est bien la preuve que c'était un cas solide. En effet, vous savez comme moi qu'il est extrêmement difficile pour des requérants de trouver une possibilité d'entrer aux Etats-Unis après qu'une demande d'asile en Suisse a été déboutée. Cette personne, je le répète, a reçu l'autorisation d'immigrer aux Etats-Unis.
Je pense que lorsque le Bureau d'aide au départ prend en charge un dossier il faut impérativement laisser les délais s'écouler jusqu'à ce qu'une réponse définitive soit donnée, d'autant plus que dans le cas présent cette personne s'était engagée, si la réponse était négative, à quitter la Suisse. En outre, comme je l'ai déjà dit, elle ne coûtait rien à l'Etat.
Alors, j'aimerais savoir quelle politique le Conseil d'Etat entend mener avec ce Bureau d'aide au départ... Soit on le subventionne et on le laisse travailler soit il faut le fermer !
M. Gérard Ramseyer. Madame la députée, vous faites allusion à un cas particulier. Je ne sais donc que ce que vous en dites, mais je n'ai pas vu le dossier. Je suis toutefois heureux de savoir que ce dossier est maintenant réglé et que cette personne a pu se rendre aux Etats-Unis.
Néanmoins, ce n'est pas parce qu'un cas isolé a connu un parcours chaotique qu'il faut jeter l'opprobre sur le fonctionnement général de ce Bureau d'aide au départ de la Croix-Rouge genevoise... (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.) Vous devez savoir que ce bureau est à la disposition des requérants d'asile qui sont déboutés de leur demande et qui sont obligés de partir. Il propose un accompagnement psychologique, technique et financier, et n'intervient qu'avec l'accord des personnes intéressées.
Il arrive - ce n'est pas tellement fréquent - que ce bureau s'entremette pour organiser un départ à destination d'un pays tiers. Cet accompagnement est considéré comme particulièrement délicat et donc particulièrement utile. Il faut en effet s'occuper de personnes qui doivent faire le deuil de rester en Suisse et qui bien sûr appréhendent leur départ. C'est précisément ce bureau qui privilégie la discussion, le dialogue, l'assistance à la contrainte.
Notre modèle d'intervention, dans le cadre de l'aide au retour, a été repris dans toute la Suisse, et vous avez eu raison de commencer votre intervention en disant que nous en étions fiers... Nous sommes en effet très fiers d'avoir mis en place un modèle qui a été repris dans toute la Suisse, cela à la demande de l'ODR et à l'instigation de l'Organisation internationale pour les migrations. Le Bureau d'aide au départ a été très actif dans la préparation du départ des Bosniaques, dont l'admission provisoire collective a été levée. Il est également très sollicité dans le retour des Kosovars. La systématisation de l'aide financière individuelle au retour accordée par la Confédération a également fortement augmenté le volume d'activité. Enfin, il est exact de rappeler que ce Bureau d'aide au départ est subventionné par le département de l'action sociale et de la santé à hauteur de 600 000 F.
Ma conclusion, Madame la députée, est la suivante : j'ai répondu à votre question sur la base des renseignements que j'avais à disposition. Vous me parlez d'un cas spécial, alors si vous le souhaitez je vous répondrai, mais je devrai au préalable examiner le dossier. Dites-moi donc simplement si j'ai répondu à votre interpellation, si je dois vous apporter un complément d'information ou si vous préférez que j'apporte une réponse en séance du Grand Conseil...
Le président. Souhaitez-vous répliquer, Madame ? En principe, vous avez la possibilité de le faire lors de notre prochaine séance... Mais ce soir nous pouvons assouplir notre règlement, Madame Reusse-Decrey !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je vous remercie, Monsieur le président, de m'accorder un régime de faveur...
Monsieur Ramseyer, vous laissez sous-entendre qu'il s'agit d'un cas unique... J'ai pourtant dit au début de mon intervention qu'il s'agissait du dernier exemple en date, ce qui veut dire qu'il y en a d'autres, et vous le savez pertinemment, puisque j'interviens personnellement assez souvent ! D'ailleurs, vous dites de moi - ce qui en est la preuve - que je suis «l'incontournable Reusse-Decrey» !
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, voulez-vous dupliquer ?
M. Gérard Ramseyer. J'ai utilisé le mot «isolé» et pas «unique»... (Exclamations.) En effet, sur l'énorme quantité de cas traités, si un ou deux cas seulement ne sont pas bons, les nonante-huit autres sont excellents.
Je voudrais que vous répondiez à ma question : considérez-vous que ma réponse est suffisante, ou dois-je revenir avec une réponse plus spécifique lors d'une prochaine séance ?
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous pourrez revenir à votre guise... (Rires.)
Cette interpellation est close.
Projet de loiapprouvant le compte administratif de l'Etat et la gestion du Conseil d'Etat pour l'exercice 1999
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
vu les articles 80 et 82 de la constitution ;
vu la loi établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'année 1999, du 25 juin 1999 ;
vu le compte d'Etat de la République et canton de Genève et le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1999 ;
décrète ce qui suit :
Art. 1 Compte administratif
1 Le compte administratif de l'Etat pour 1999 est annexé à la présente loi.
2 Il comprend les comptes de fonctionnement, d'investissement, de financement et de variation du découvert au bilan.
Art. 2 Fonctionnement
1 Les charges de fonctionnement avant imputations internes sont arrêtées au montant de 5 465 125 136,24 F et les revenus au montant de 5 470 690 989,81 F.
2 Les imputations internes totalisent, aux charges comme aux revenus, 245 193 461,60 F.
3 Le résultat s'élève à 5 565 853,57 F.
Art. 3 Investissement
1 Les dépenses d'investissement sont arrêtées à 329 129 027,83 F et les recettes à 36 488 079,73 F.
2 Les imputations internes totalisent, aux dépenses comme aux recettes, 32 705 668,85 F.
3 Les investissements nets d'infrastructures s'élèvent à 292 640 948,10 F.
4 Les remboursements des prêts effectués au fonds de compensation de l'assurance chômage fédérale s'élèvent à 38 853 000,00 F.
5 Les autres dépenses portées à l'actif soit : Start PME 15 000 000 F, Fonds d'énergie renouvelable 5 000 000 F et les Zones NNI 15 059 114,30 F s'élèvent à 35 059 114,30 F.
6 Les investissements nets s'élèvent à 288 847 062,40 F.
Art. 4 Financement
Les investissements nets de 288 847 062,40 F en regard de l'autofinancement de 442 923 229,31 F - composé des amortissements du patrimoine administratif de 221 870 930,45 F, des dotations aux provisions de 261 308 462,73 F, des dissolutions de provisions de 45 822 017,44 F et du bénéfice du compte de fonctionnement de 5 565 853,57 F - génèrent un excédent de financement des investissements nets de 154 076 166,91 F.
Art. 5 Découvert du bilan
Le résultat du compte de fonctionnement de 5 565 853,57 F diminue à l'actif du bilan le découvert à amortir.
Art. 6 Dérogations
1 Le résultat mentionné à l'article 2, alinéa 3 tient compte d'une dérogation aux dispositions des articles 19, 22 et 49, alinéas 3 et 4, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, dérogation qui permet le report de dépassements de crédits et de crédits non dépensés des dépenses générales 1999 sur 2000.
2 Il tient également compte d'une mise en provision de 4 450 451,89 F relative aux résultats provisoires de sept services pilotes en expérience NPM.
Art. 7 Approbation de la gestion du Conseil d'Etat
La gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1999 est approuvée.
3
Projet de loiouvrant au Conseil d'Etat divers crédits supplémentaires et complémentaires pour l'exercice 1999
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1
1 Il est ouvert au Conseil d'Etat pour l'exercice 1999 :
a) divers crédits supplémentaires (fonctionnement) pour un montant de
173'808'132,95 F
b) divers crédits supplémentaires (investissement) pour un montant de
7'169'959,15 F
soit au total
180'978'092,10F
2 Les crédits complémentaires ne sont pas ouverts pour les investissements dont les tranches annuelles de trésorerie, prévues au budget, sont dépassées.
Art. 2
Il est justifié de ces crédits supplémentaires et complémentaires au compte d'Etat 1999.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous soumettons à vos délibérations l'ensemble des crédits supplémentaires et complémentaires dont vous trouverez, ci-après, deux listes séparées :
la première regroupe les dépassements de crédits ayant fait l'objet d'une acceptation de la Commission des finances en cours d'exercice, conformément à la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat ;
la seconde est relative aux dépassements de crédits qui n'ont pas été soumis à une acceptation préalable de la Commission des finances.
Vous pourrez également trouver au compte d'Etat les justifications fournies par les départements à l'appui de chacune de ces demandes.
Au bénéfice des explications données, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver le présent projet de loi.
3
45678910
Projet de loiconcernant le bouclement de diverses lois d'investissement pour l'exercice 1999
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique Bouclement
Les lois énumérées ci-après relevant des trains annuels de lois d'investissement sont bouclées avec effet au 31 décembre 1999.
Préconsultation
Le président. Nous sommes en débat de préconsultation. Nous nous sommes mis d'accord avec les chefs de groupe pour que les interventions soient limitées à dix minutes par groupe.
M. Bernard Clerc (AdG). Les comptes 1999 méritent quelques éclairages.
Je tiens d'abord à rappeler que le premier projet de budget 1999 était intimement lié au paquet ficelé; qu'à l'époque, on nous prédisait un déficit de l'ordre de 700 millions et qu'on avait concocté, comme remède à ce déficit, presque à l'unanimité de ce Grand Conseil, des coupes supplémentaires dans les dépenses à hauteur de 180 millions - touchant évidemment principalement le personnel et les prestations sociales - et des recettes supplémentaires à hauteur de 180 millions sous la forme d'une hausse d'impôts touchant davantage les bas et les moyens revenus. Seize mois plus tard, après le rejet du paquet ficelé par le peuple, nous voici avec des comptes équilibrés, des provisions largement reconstituées, une dette en diminution, tout cela sans avoir recours à des artifices comptables - spécialité du précédent Conseil d'Etat...
L'Alliance de gauche qui a refusé la dramatisation de la situation budgétaire se trouve aujourd'hui, une fois encore, confortée de s'être opposée seule au paquet ficelé.
L'équilibre des comptes est dû pour l'essentiel à la progression des recettes, de l'ordre de 12%. Nous l'avions dit également, les déficits de ces dix dernières années étaient principalement dus à une crise des recettes et non pas à des excédents de dépenses, si on part, bien sûr, du point de vue que les dépenses du canton sont là pour répondre aux besoins de la population, notamment en période de récession.
A l'évidence, cette amélioration est due à la conjoncture économique, mais cette amélioration de la conjoncture économique ne peut pas à elle seule expliquer la croissance du produit des impôts. Comme en 1998, un meilleur fonctionnement de l'AFC a permis d'engranger des recettes supplémentaires et, à cet égard, nous souhaitons pouvoir apprécier de manière plus précise, lors de l'examen des comptes, la part relevant de la meilleure productivité de l'AFC. L'examen de ces comptes - examen sommaire dans un premier temps - nous permet de constater malgré tout que la croissance des revenus est révélatrice de l'aggravation des inégalités dans notre canton, puisque, vous le savez, jusqu'à 100 000 F de revenu imposable la progression est de 1%; entre 100 000 F et 500 000 F de revenu imposable, elle est de 7%; entre 500 000 F et 1 million, elle est de 17% et de 26% pour 1 million de revenu imposable... Ces écarts sont encore plus importants que ceux déjà constatés en 1998.
Cela étant, la plus longue crise de l'après-guerre n'a pas fini de laisser des traces sur nombre de chômeurs éjectés du marché du travail, qui, malgré la reprise, ne parviennent pas à se réinsérer; sur beaucoup de salariés soumis à des emplois précaires et flexibilisés; sur les dépenses sociales du canton qui reflètent la mise à l'écart de celles et de ceux que l'économie considère comme non compétitifs sur le marché du travail et, enfin, sur l'endettement du canton qui s'est aggravé de plus de 4 milliards en dix ans.
Nul ne sait dans cette enceinte quelle sera la durée de la croissance que nous connaissons actuellement. Ce qui est sûr, c'est qu'à l'heure où les propositions de baisse des impôts fleurissent de toutes parts - j'en veux encore pour preuve les propositions d'aujourd'hui des associations patronales suisses qui vont jusqu'à proposer des baisses d'impôts de l'ordre de 6 milliards, en disant très clairement d'ailleurs qu'elles se moquent complètement du niveau de la dette, ce que l'on peut comprendre, puisque, finalement, les créanciers de l'Etat se trouvent dans ces milieux - propositions de baisse des impôts qui sont d'ailleurs en contradiction apparente avec la volonté d'améliorer la situation financière de l'Etat, l'examen des compte sera aussi l'occasion de réfléchir à l'avenir, notamment du point de vue du niveau de la dette. (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). Ces comptes sont porteurs de deux bonnes nouvelles et d'une très mauvaise nouvelle.
Commençons par la très mauvaise nouvelle : c'est l'évolution très différenciée - c'est le moins que l'on puisse dire - des recettes fiscales, selon la catégorie de contribuables qui montre qu'à l'évidence les inégalités tendent à se creuser à Genève aussi et que les chiffres qui ont été présentés par la présidente du département montrent que nous n'allons pas, de ce point de vue, dans le sens d'un développement durable. En effet, si la prospérité retrouvée profite uniquement et surtout aux personnes qui ont un revenu supérieur à 100 000 F, nous ne sommes manifestement pas sortis de l'auberge et nous ne prenons en tout cas pas la voie d'un développement durable. C'est donc une mauvaise nouvelle...
Pouvons-nous y faire quelque chose ? Ça c'est une grande question, parce que, au niveau cantonal, les outils de ce point de vue sont assez faibles, et, avec le vent qui souffle au niveau fédéral, il ne semble pas que l'on puisse se doter rapidement des moyens nécessaires dans le domaine de l'entreprise - c'est bien dans ce domaine qu'il y a un problème.
Les bonnes nouvelles sont les suivantes :
1) On constate que les recettes fiscales sont à nouveau en augmentation, bien au-delà de ce que la conjoncture peut expliquer. Nous savons maintenant définitivement - nous aurons l'occasion d'en discuter à propos d'un rapport du Conseil d'Etat - que ce qui a été fait dans l'administration cantonale au niveau fiscal rapporte et que la désorganisation du service qu'on a pu constater sous l'ancienne législature est maintenant pour l'essentiel un problème résolu. Mais nous savons également qu'il faut encore gratter un peu, car tout ne se remet pas en place comme ça. Avec un bon système informatique, j'imagine que nous obtiendrons de meilleurs résultats. C'est de la musique d'avenir, mais il faut le savoir : les recettes fiscales peuvent effectivement continuer à augmenter, pas seulement en raison de la conjoncture mais aussi parce que l'administration fait bien son travail si on ne l'empêche pas de le faire.
2) La meilleure nouvelle, ce sont évidemment les chiffres bruts. Il n'y a plus d'insuffisance de financement : c'est extraordinaire ! Nous n'allons pas bouder notre plaisir en disant que nous aurions dû le prévoir... Il est admis que l'on ne peut pas tout prévoir très précisément... Nous devons effectivement naviguer à vue dans ce domaine.
Notre souci est double, et il n'a pas beaucoup changé. Il s'adapte simplement à la situation actuelle.
Premièrement, nous souhaitons effectivement que le Conseil d'Etat fasse des propositions concernant la dette et son amortissement progressif. J'ai entendu parler d'un fonds d'équilibrage, d'un fonds de relance... Il a beaucoup de noms plus ou moins sexy mais peu importe, du moment qu'une provision est créée et qu'elle permet de facto de diminuer notre dette. Il nous paraît nécessaire que cela figure dans le budget, sinon nous allons avoir une impression de richesse qui n'est malheureusement pas encore la nôtre.
L'autre aspect de la bonne nouvelle c'est que nous allons pouvoir - j'espère que le Conseil d'Etat en prendra l'initiative - répondre à des besoins urgents et clairement identifiés pour le budget 2001. Je veux parler en premier lieu de l'école primaire et en deuxième lieu de la police. J'ajoute que nous avons également quelques inquiétudes du côté de la protection de la jeunesse, et nous souhaiterions pouvoir continuer l'effort entrepris en faveur de la magistrature, pour faire en sorte que notre justice fonctionne mieux qu'aujourd'hui.
En outre, nous savons que l'état satisfaisant du budget aujourd'hui devrait nous permettre en terme d'investissement de procéder aux grands investissements qui nous attendent en matière de transports et notamment sur le projet Eaux-Vives-la Praille qui fait l'unanimité de ce Grand Conseil. C'est aussi quelque chose de rassurant.
Nous savons aussi que tout cela est bien éphémère et que notre contrôle sur la conjoncture est un peu moins que zéro. Nous allons donc essayer de faire le mieux possible pour nos concitoyens avec les moyens dont nous disposons, mais sans - je le répète - renoncer à amortir la dette dans une période où la conjoncture est bonne. C'est un devoir si nous souhaitons affronter l'inévitable retour de la mauvaise conjoncture dans des conditions correctes. En effet, les cycles ont cette caractéristique, vous le savez bien : ils montent et ils descendent.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S). Les socialistes accueillent avec satisfaction les comptes 1999 du canton. Les recettes exceptionnelles en 1999 ont permis de constituer des provisions réalistes pour débiteurs douteux, heures supplémentaires de la police, etc.
Nous sommes particulièrement satisfaits du résultat : un excédent de recettes de 5,6 millions permettant enfin de commencer à réduire la partie de la dette créée par des déficits successifs et importants depuis une dizaine d'années. Cette dette aurait pu être réduite bien davantage - 115 millions - si nous n'avions pas eu à subir l'impact négatif de la réduction d'impôts votée en septembre dernier. Heureusement l'embellie de la conjoncture et le travail rigoureux de la présidente du département des finances et de ses collaborateurs, afin d'améliorer le fonctionnement des services, ont permis de limiter les dégâts, voire la casse, de cette réduction d'impôts sur les finances du canton.
Nous ne pouvons cependant pas cacher nos craintes : les dépenses sociales augmentent de façon très inquiétante et cela - il faut le souligner - sans amélioration des prestations. Cette augmentation est uniquement due à la croissance du nombre de personnes nécessitant une aide. En l'état, rien ne nous permet de conclure à une diminution rapide des besoins d'aide sociale. Le manque à gagner de l'Etat pour l'an 2000 sera de près de 300 millions de francs par rapport à la situation antérieure et ralentira d'autant la possibilité de réduire la dette ainsi que l'assainissement des finances de l'Etat.
En aucun cas, nous les socialistes, n'accepterions une diminution des prestations sociales à la population, et nous remercions par avance Mme la présidente du département des finances de ses efforts pour continuer à améliorer le fonctionnement de l'administration fiscale, afin d'atténuer l'impact négatif de la réduction de l'impôt cantonal.
M. Claude Blanc (PDC). Il est évident que des résultats de cette nature, après dix ans de disette, ne peuvent que nous réjouir. Mais évidemment, on peut diverger d'opinion sur les causes essentielles de ce résultat favorable...
Je comprends évidemment très bien que les élus de gauche se gargarisent avec la meilleure efficacité du pressoir fiscal. Je veux bien admettre que le pressoir fiscal a perfectionné ses méthodes, mais il ne faudrait quand même pas croire que tout vient de lui... Sinon comment expliqueriez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, les résultats des autres cantons ? Comment expliqueriez-vous la gymnastique comptable que M. Villiger a été contraint d'adopter pour masquer les siens...
M. John Dupraz. Je te prie d'être gentil avec lui ! (Rires.)
M. Claude Blanc. ...comment expliqueriez-vous la gymnastique comptable que le gouvernement français est en train de faire pour cacher sa cagnotte...
M. John Dupraz. Ça c'est vrai !
M. Claude Blanc. ...s'il n'y avait pas une reprise économique générale en Suisse et en Europe qui justifie cette augmentation de la manne fiscale ? Je veux bien rendre hommage à Mme Calmy-Rey pour l'excellence de son travail... (Applaudissements.)
Des voix. Ah !
M. Claude Blanc. ...mais quand même ! Je dois tout de même observer que les faits lui ont grandement facilité la tâche ! Mais il n'y a pas que les faits... En effet, elle n'est pas la seule à travailler ! (L'orateur est interpellé.) La majorité démolit, et ça lui suffit !
M. John Dupraz. Saboteurs !
M. Claude Blanc. Le travail de la promotion économique n'est quand même pas pour rien dans l'amélioration de l'activité économique à Genève... (Applaudissements.) Oui, mais je ne dis pas ça pour que vous applaudissiez Carlo... (Rires.) Je dis ça pour vous mettre le nez dans votre...
Une voix. Caca ! (Rires.)
M. Claude Blanc. Je dis ça pour vous rappeler qu'au moment du vote du budget 2000, vous aviez purement et simplement imaginé diminuer de moitié le budget de la promotion économique, alors que c'est précisément là que se trouve un des moteurs qui nous permet d'engranger aujourd'hui les bénéfices que vous savez... Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut dire la vérité, mais il faut dire toute la vérité !
M. Hiler disait - il a disparu maintenant - que dans tout cela il y avait une mauvaise nouvelle : le nombre de plus en plus élevé des contribuables qui ont un revenu de plus de 100 000 F. Dans le temps, j'étais administrateur des Services industriels de Genève et, lorsque j'ai quitté cette fonction il y a deux ou trois ans, le revenu moyen des employés des Services industriels de Genève était déjà supérieur à 100 000 F... (L'orateur est interpellé.) De combien est-il ?
Une voix. C'est beaucoup trop !
Une voix. Revenu brut !
M. Claude Blanc. Revenu brut ? Le revenu brut de l'ensemble du personnel des Services industriels de Genève est déjà supérieur à 100 000 F. Alors, Monsieur Hiler, si vous trouvez que c'est une mauvaise nouvelle de penser que les gens qui ont un revenu supérieur à 100 000 F sont plus nombreux, je vous laisse la responsabilité de vos propos !
Quant aux plus hauts revenus, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que nous devrions remercier les riches d'être riches et de payer des impôts... (Exclamations.) ...et, surtout, nous devrions les remercier de les payer à Genève et non dans le canton de Vaud comme d'autres, après lesquels Mme Calmy-Rey essaye vainement de courir, car elle sait très bien qu'ils courent plus vite qu'elle...
Mesdames et Messieurs les députés, nous devrons être attentifs à cet aspect de la question : la promotion économique a réussi dans ses entreprises dans ce sens, car elle a réussi à faire venir à Genève un certain nombre de firmes à haute valeur ajoutée, que ces firmes à haute valeur ajoutée ont des dirigeants qui ont des salaires très confortables - c'est vrai - et qui seraient heureux de pouvoir payer leurs impôts à Genève si on leur donnait la possibilité d'habiter à Genève...
Je reviens au débat qui a eu lieu hier soir : si nous voulons continuer à prélever les impôts sur les gens les plus riches, il faudrait que nous fassions en sorte que les gens les plus riches restent à Genève et n'aillent pas se balader dans le canton de Vaud... Vous me direz que certains d'entre eux iront en France et qu'en France on peut toujours les avoir, mais ce n'est tout de même pas une raison suffisante. En tout cas, ceux qui s'installent dans le canton de Vaud sont complètement «perdus», quoi que vous en pensiez, Madame Calmy-Rey !
Je reviens au problème des laissés-pour-compte évoqué par M. Clerc qui est une réalité. C'est l'aspect négatif de toute cette affaire : la reprise économique ne résout pas le problème de tout le monde. C'est vrai que la crise économique a fait des dégâts importants et qu'un certain nombre de personnes qui ont été mises de côté par cette crise économique n'ont - il faut bien le dire - malgré tous les efforts entrepris, pas beaucoup de chance - je dirai même pour certains d'entre eux : aucune chance - de se réintégrer dans un circuit économique normal. Il faut bien le constater et il faut bien en tenir compte. Je le dis très clairement : il faudra - je crois d'ailleurs que c'est en cours - que l'Etat se donne les moyens de pourvoir aux besoins de ces personnes. Beaucoup d'entre elles ne pourront pas être réintégrées, mais elles ont toutes le droit de vivre... (Exclamations.) Oui, elles ont toutes le droit de vivre normalement, et nous devons y pourvoir !
Je voudrais également intervenir à propos de la réduction de la dette de l'Etat évoquée par certains. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. D'ailleurs, le parti démocrate-chrétien a déposé en ce sens un projet de loi qui sera discuté lorsque vous en aurez le temps, parce qu'il y a effectivement un grand nombre d'objets à traiter. Nous devons absolument travailler à la réduction de la dette de l'Etat, et, avant de nous lancer dans une utilisation excessive des boni que nous pouvons attendre pour les prochaines années, nous devons d'abord nous préoccuper de la dette de l'Etat. Aussi, contrairement à ceux qui étaient cités tout à l'heure par M. Clerc en matière de finances fédérales, nous sommes fermement disposés et attachés à procéder à un assainissement rapide et durable de la dette de l'Etat.
Voilà dans quel état d'esprit nous accueillons ces comptes, et j'espère que nous pourrons en voir tous les détails en commission. Nous y sommes favorables dans les grandes lignes, mais nous devons toutefois penser à ceux qui ne peuvent pas en bénéficier. Nous devons aussi penser à ceux que nous pouvons encore ponctionner, à condition qu'ils restent à Genève...
M. Bernard Lescaze (R). La Fontaine avait écrit la fable «Le corbeau et le renard» qui est un peu la vision des comptes selon la partie gauche de ce parlement... Il avait également écrit une fable «Le renard et les raisins» qui correspond un peu à la vision de la partie droite de ce parlement...
Je vous rappelle qu'au budget 1999 les radicaux avaient décidé de voter par une «abstention dynamique»... Eh bien, on constate aujourd'hui qu'ils n'entonnent ni les chants de triomphe de la gauche ni les chants plus aigrelets de la droite pour constater que ces comptes, qui sont finalement les comptes de l'Etat, sont excellents et qu'il faut en remercier l'ensemble du Conseil d'Etat qui a une certaine couleur et une certaine majorité et, en particulier, parce qu'il convient de rendre à la personne qui le mérite sa couronne : à la cheffe du département des finances... (Exclamations et applaudissements.) Je tenais à le dire.
Cela étant, je crois que les préopinants... Monsieur Marti, vous voudrez bien vous taire un moment... (Le président agite la cloche.) Il y a des sujets qui prêtent à rire mais d'autres méritent un peu de sérieux et des propos cohérents. Je sais bien que c'était difficile pour M. Blanc, mais moi, au nom du groupe radical je vais tâcher de m'y employer ! (Contestation et exclamations.) (Le président agite la cloche.)
M. Claude Blanc. Pour la cohérence, t'es un peu là ! (Le président agite la cloche.)
Le président. Je vous prie de laisser parler l'orateur, s'il vous plaît ! Monsieur Lescaze, vous pouvez reprendre !
Une voix. Il dit des conneries !
M. Bernard Lescaze. Plusieurs des préopinants ont dit - et je tiens également à le relever - qu'effectivement cette amélioration n'aurait pas pu se produire sans une amélioration de la conjoncture économique qui est sensible dans l'Europe entière, et tous les gouvernements reçoivent aujourd'hui une partie de cette amélioration par le biais de la fiscalité. Ce qui nous importe pour Genève c'est de constater que cette amélioration est effectivement très fragile.
Je ne veux pas reprendre les chiffres donnés par M. Clerc : nous les connaissons tous. Mais il est effectivement inquiétant de penser que les revenus de plus d'un million progressent de 28% alors que les revenus de moins de 100 000 F ne progressent que de 1,7% et que le chiffre qui n'a pas encore été donné ici c'est que le revenu médian à Genève est de 55 000 F ! Qu'est-ce que cela signifie ? Que la moitié des gens qui ont un revenu touchent un salaire inférieur à 55 000 F ! Et c'est pour cela que les dépenses sociales progressent effectivement, des comptes 98 aux comptes 99, de plus de 100 millions ! Que les subventions que nous accordons progressent, des comptes 98 aux comptes 99, de plus de 140 millions !
En réalité, les charges ne sont pas tout à fait encore complètement maîtrisées : elles le sont pour le personnel et les dépenses générales qui diminuent de 27 millions, mais elles sont en augmentation pour deux postes importants du budget. A l'avenir, nous devons faire extrêmement attention pour contrôler et maintenir à niveau les charges financières actuelles. En effet, le retournement brusque de la conjoncture qui a surpris tout le monde pourrait également se produire en sens inverse. On peut constater que Genève - est-ce en raison de certaines caractéristiques de notre économie ? - est particulièrement sensible à des retournements rapides de la conjoncture.
Par exemple, nous avions été parmi les premiers en Suisse à subir les effets d'une mauvaise conjoncture économique au tout début des années 90, et nous sommes aujourd'hui parmi les premiers bénéficiaires d'un retournement de cette conjoncture. Alors, les uns et les autres, tout en reconnaissant le travail effectué par l'administration, nous devons être modestes et nous devons être prudents. Nous devons effectivement travailler à diminuer la dette - et le parti radical se félicite que la dette ait diminué d'un demi-milliard en une année. Un demi-milliard, c'est le vingtième de la dette que nous avions jusqu'à présent ! Nous sommes maintenant sur la bonne voie.
Nous pensons également que la création d'un fonds de réserve pour des temps plus difficiles, à condition qu'on amortisse régulièrement la dette, est aussi une bonne chose. A ce sujet, j'aimerais tout de même rappeler que le gouvernement précédent, tellement chargé de maux par divers orateurs, a en réalité continué à investir de façon importante pour Genève. Par exemple, le gouvernement a réussi à construire l'école de commerce André-Chavanne : 100 millions ! Il a réussi à réaliser les deux étapes d'Uni-Mail : 200 millions ! Il a développé un certain nombre d'infrastructures. Et le gouvernement actuel va certainement continuer dans cette voie. Je constate que de comptes en comptes les investissements restent stables, mais la part de l'autofinancement augmente formidablement.
En conclusion, nous examinerons les comptes beaucoup plus attentivement en commission. Nous en sommes satisfaits, parce que les comptes, c'est aussi une photographie de l'Etat de Genève, c'est une photographie qui n'est pas politique, même si on peut en avoir une lecture politique. La nouvelle la plus réjouissante c'est que, finalement, cette photographie de l'Etat de Genève révélée par ces comptes n'est pas mauvaise du tout. De ce point de vue, nous avons des raisons d'espérer en l'avenir pour nos concitoyennes et nos concitoyens. Et rien ne serait plus néfaste que de céder à un découragement, parce qu'une partie de la population ne profite effectivement absolument pas de cette prospérité partiellement retrouvée.
En revanche, ces comptes nous permettent maintenant, dans l'image que nous projetons de l'avenir de Genève, d'avoir davantage de souplesse et une marge de manoeuvre plus grande. Il importera donc à l'avenir de prendre les bonnes décisions. Je suis convaincu que le Conseil d'Etat saura nous en proposer un certain nombre pour que nous ne puissions pas - nous ou nos successeurs - dire dans quelques années : «Ils n'avaient rien appris et déjà tout oublié»... Pour ne pas refaire les mêmes erreurs, nous devons absolument nous souvenir des années 80 et du début des années 90, avec les dépenses à tout va qui ont été faites et la dette qui a ensuite augmenté vertigineusement.
De ce point de vue, les comptes 1999 marquent une nouvelle étape dans l'histoire des finances genevoises. A l'évidence, une période est en train de se terminer... Aussi, sans parler des sept ans de vaches grasses de l'Ancien Testament, nous espérons que cette nouvelle période propice va tout de même durer un certain nombre d'années.
Une voix. Qu'est-ce que t'es long !
M. Pierre Ducrest (L). Madame la présidente du département des finances, voici exactement une année, à l'occasion des comptes 98 et du deuxième budget 99, mon collègue, Michel Halpérin, citant une certaine presse, vous avait affublé du nom de «mère courage» puis de «mère miracle»... Aujourd'hui, je renchéris en vous donnant le nom de «mère gâteau» ! (Rires.) Et j'espère que nous n'aurons pas de nouvelles surprises pour les comptes 2000, sinon la langue française manquera de substantifs pour qualifier la performance...
Il est vrai que la population de ce canton et ses élus vont d'étonnement en étonnement, car les différences entre les prévisions récentes et les résultats actuels sont énormes. Il faut rappeler ici qu'au printemps 98, il y a seulement deux ans, des chiffres avoisinant un déficit de 800 millions étaient articulés par les services de l'administration et repris par le Conseil d'Etat. Une table ronde était absolument nécessaire pour ramener ce déficit à 360 millions en 1999, table ronde que le peuple souverain avait refusé fin décembre de la même année et, enfin, toujours avec les fameuses prévisions des services du département des finances, le Conseil d'Etat présentait un budget bis 1999 avec un déficit égal à 369 millions sans table ronde...
C'est dire que ces péripéties budgétaires et comptables reflétaient une incompétence crasse dans l'évaluation des recettes fiscales, alors que les dépenses augmentaient sans trop s'occuper, comme les petits affamés, de savoir si les mamelles de la mère République étaient ou non gorgées de lait... En un mot, on ne savait plus à quel saint se vouer ! (Rires.)
Or, lorsqu'on étudie d'un peu plus près les comptes 1999 et que l'on s'éloigne un tant soit peu du résultat final positif de 6 millions, force est de constater que le ciel est moins bleu que le bleu du ciel qu'on voudrait nous montrer... Si les rentrées fiscales sont nettement en augmentation, il faut les mettre en regard de leur provenance.
En effet, les 577 millions de différence positive entre les comptes 1998 et les comptes 1999 ne proviennent pas seulement des recettes d'impôts mais de recettes spéciales, dont il faut dégager 203 millions pour les seules successions ! L'Etat, comme un vautour attendant sur un fil téléphonique du Far West, cher à l'auteur d'une bande dessinée connue de tous, attend l'oeuvre de la camarde pour remplir ses caisses... De même, les liquidations des sociétés immobilières ne sont pas insignifiantes dans les rentrées et intéressent plus que substantiellement les postes «impôts spéciaux» pris dans leur ensemble.
Quant aux recettes des impôts ordinaires, il faut se rappeler les huées, les lazzi, les cris d'orfraie qui ont accueilli l'initiative libérale pour la baisse des impôts sur les personnes physiques. Bien que le vote ait eu lieu en septembre 99, l'effet produit se concrétise... (Rires.) ...et l'on voit que nous avons entièrement raison dans la démarche - démarche largement soutenue par le souverain - dont l'action sur l'an 2000 vous démontrera le bien-fondé d'une fiscalité attrayante et non point décourageante pour les contribuables de notre canton. (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)
Le sujet des dépenses est plus préoccupant... Le Conseil d'Etat parle de charges d'exploitation maîtrisées avec un aplomb qui nous laisse plus que dubitatifs... Les mécanismes salariaux d'augmentation et d'adaptation au coût de la vie ont repris et la seule question que l'on peut se poser est simple : que serait-il advenu de ces charges si n'y était pas inclus l'effet édulcorant des douzièmes provisoires dus au manque de budget fin 98 ?
A ces préoccupations, il convient d'ajouter les augmentations des intérêts passifs des dépenses sociales, hormis la différence négative des 14 millions pour le logement social, et le coût grandissant des hôpitaux malgré les mesures de rationalisation.
Enfin, la dette de 9,6 milliards - la plus élevée de tous les cantons suisses - est effarante lorsqu'on songe aux 4,4 milliards qui la composent partiellement et qui proviennent uniquement de la couverture des frais de fonctionnement, alors que cette charge n'était pas compensée parallèlement par un effort de réduction des dépenses.
Pour conclure, le groupe libéral et ses commissaires délégués à la commission des finances attendront les explications détaillées des départements et se réservent de revenir en séance plénière pour affirmer les conclusions qu'ils en auront tirées. (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey. Les comptes d'Etat se portent bien. Nous avons un excédent de revenus; nous avons des investissements complètement autofinancés; une dette en diminution de 528 millions de francs et un excédent de financement...
Donc, après dix ans de déficits continuels, les contribuables peuvent se réjouir, parce que cette bonne situation financière leur donne l'occasion de bénéficier de deux baisses d'impôts successifs : une première en 1999 de 5% et une deuxième supplémentaire de 7% en l'an 2000.
Mesdames et Messieurs les députés, les choses vont encore mieux qu'elles n'en ont l'air. En effet, si l'on considère les résultats du compte d'Etat avant provisions et corrections du passé, le bénéfice - l'excédent de revenu - dépasse 300 millions de francs.
Cette embellie est due à deux facteurs :
Le premier facteur est la très forte croissance des impôts : 9% pour les impôts ordinaires; 15,6% pour les revenus fiscaux dans leur ensemble.
Le deuxième est la très bonne tenue des charges - bien sûr, Monsieur Ducrest ! - puisque les charges d'exploitation, c'est-à-dire les charges de personnel et les dépenses générales diminuent... (L'oratrice est interpellée.) Oui, corrigées ! ...de 0,6%. Cela est dû à l'accord conclu avec la fonction publique en juin 1999, qui a diminué l'indexation par rapport aux mécanismes légaux et qui a reporté les annuités dans le temps.
Vous le voyez, l'explication tient à la fois à un effort sur les revenus et à un effort sur les charges.
Les écarts entre le budget et les comptes sont, il est vrai, très importants. Cela est dû à trois facteurs :
Le premier facteur est la conjoncture économique. Bien évidemment, Genève comme les autres cantons et Genève comme d'autres pays qui nous entourent connaît une situation et une évolution conjoncturelle extrêmement favorable qui n'a pas été prévue.
Le deuxième facteur, du côté des recettes, tient à un phénomène de polarisation qui a été décrit dans cette enceinte, c'est-à-dire à la croissance différenciée des revenus, les bas revenus croissant nettement moins fortement - 1% pour les revenus inférieurs à 100 000 F - que les hauts revenus - 20% pour les revenus de 1 million de francs. Ce phénomène n'a pas pu être prévu, puisque le modèle de prévision fiscale se base sur la croissance des revenus moyens. Il contient un défaut intrinsèque et il est actuellement en cours de révision. Avec un pareil phénomène de polarisation en se basant sur l'évolution des revenus moyens, on n'est évidemment pas dans la cible. La situation économique et les transferts de revenus entre catégories de contribuables sont une part de l'explication et la dernière partie de l'explication tient évidemment au travail de l'administration fiscale. Le rendement de l'impôt a augmenté, toutes choses étant égales par ailleurs, c'est-à-dire sans augmentation de l'impôt.
Enfin, troisième facteur : un certain nombre de mesures ont été prises du côté des dépenses, et ces mesures se traduisent par des économies. Les charges de personnel diminuent de 38 millions par rapport à ce qui était prévu. Autre exemple, la gestion de la dette. Le taux moyen de la dette de l'Etat sans les frais d'emprunt s'inscrit à 3,7% pour 1999. C'est la situation que nous connaissions en 1967. J'étais hier à Zurich pour présenter les comptes de l'Etat de Genève devant un parterre d'investisseurs qui m'ont dit que c'était un excellent résultat, et qu'avec un total de dettes de plus de 9 milliards, parvenir à ce résultat tenait de l'exploit...
Une voix. De la chance !
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Non pas seulement de la chance : une gestion rigoureuse de la dette ! Et je saisis cette occasion pour remercier ici un certain nombre de banquiers qui m'aident dans cette tâche et qui font partie d'une commission consultative de gestion de la dette, c'est-à-dire le Groupement des banquiers privés genevois, le Crédit suisse, l'UBS et la Banque cantonale de Genève.
Les résultats des comptes 1999 sont bien sûr dus à une conjoncture favorable, mais ils sont aussi dus au travail de toute une administration. Je tiens à ce propos à remercier l'ensemble des collaborateurs et des collaboratrices de l'Etat pour ces résultats 1999.
Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais en venir aux soucis qui sont les miens. Nous devrions tous être contents ainsi que le Conseil d'Etat de ces résultats qui dépassent nos espérances, mais il reste toutefois quelques soucis.
Premier souci. Ce n'est pas parce que ça va bien qu'il ne faut pas continuer à améliorer la situation. La réforme de l'Etat n'est pas un vain mot : elle continue; elle progresse et une des expressions de cette réforme c'est précisément la réorganisation de l'administration fiscale. A fin juin, le Conseil d'Etat produira un rapport qui fait l'inventaire des réformes qui sont entreprises dans les différents départements depuis les propositions d'Arthur Andersen.
Deuxième souci. C'est de ne pas nous retrouver sans rien le jour où nous devrions faire face à une éventuelle nouvelle crise économique. Pour cela, j'ai l'intention de présenter dans les semaines qui viennent au Conseil d'Etat un projet de loi prévoyant la constitution d'une réserve conjoncturelle ou d'un fonds de relance. L'idée est que nous puissions alimenter cette réserve par une partie des excédents de revenus, de manière que nous puissions faire face aux charges essentielles qui sont celles de l'Etat si la situation se dégrade, c'est-à-dire aux dépenses sociales pour répondre aux besoins de la population.
Troisième souci : la polarisation des revenus. Cette croissance différenciée pose problème et révèle un écart de plus en plus important entre les gens qui n'arrivent pas à vivre normalement sans l'aide de l'Etat et ceux pour qui la croissance des revenus est très forte. Si vous songez que les revenus de 1 million de francs ont crû de près de 50% entre 97 et 98 c'est-à-dire en l'espace de deux ans, on peut légitimement se poser des questions. Le Conseil d'Etat est déterminé à proposer au Grand Conseil une série de mesures qui touchent au problème des plus défavorisés de notre canton.
Quatrième souci : la dette. La dette a diminué de 528 millions de francs entre 98 et 99. Cela est dû à un phénomène de liquidités. Nous avons débuté l'année 1999 avec des liquidités de l'ordre de 700 millions de francs et nous l'avons terminée avec des liquidités de l'ordre de 350 millions de francs. Cela est dû au résultat des comptes 1999 aussi, puisque l'excédent de financement a fait le reste. Je peux vous dire qu'aujourd'hui nous continuons à diminuer la dette, et nous sommes passés sous la barre des 9 milliards à fin mars. La dette se monte actuellement 8,9 milliards.
La politique du Conseil d'Etat en matière de gestion de la dette vise aujourd'hui deux directions.
1) Il semble que les emprunts de plus de 500 millions, c'est-à-dire des emprunts très liquides sont aujourd'hui une exigence du marché, et le canton de Genève entend aller dans cette direction, c'est-à-dire contracter des emprunts élevés, importants, et rembourser d'autres emprunts plus anciens, peu liquides, que les investisseurs n'aiment pas.
2) Nous voulons aller vers plus de transparence. Les comptes étant ce qu'ils sont en 1999, nous allons demander un rating à une des grandes entreprises qui s'occupent de ce genre de choses, comme Moodys ou S & P. Nous allons aussi essayer de rendre les échéances des emprunts du canton de Genève parallèles aux échéances de la Confédération de façon que les prix et les montants puissent être comparables pour les gens qui souhaitent investir dans les obligations genevoises.
Je l'ai dit, la politique du département des finances s'appuie sur les conseils d'une commission consultative qui regroupe les principales banques de la place et nous allons tenter de continuer dans cette direction parce que la dette est effectivement encore très importante et mérite d'être réduite.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés. J'espère que l'année prochaine nous pourrons vous présenter des comptes aussi favorables que cette année. Notre souci actuel est la baisse des impôts : 300 millions de francs sur l'an 2000 qu'il faudra absorber, cela suppose des efforts supplémentaires, à la fois sur les dépenses et sur les recettes.
Je vous remercie du bon accueil que vous avez réservé à ces comptes. (Applaudissements.)
Ces projets sont renvoyés à la commission des finances.
Proposition de résolution(422)« Oui aux accords bilatéraux le 21 mai 2000 »
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
EXPOSÉ DES MOTIFS
En effet, ces accords constituent une chance à saisir pour notre pays et notre région. Bien négociés, ils sont globalement favorables à la Suisse et nous permettront de normaliser nos relations avec notre partenaire commercial le plus important.
Ils représentent également une chance pour les jeunes qui pourront étudier et travailler dans les pays de l'Union européenne beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui. Les chercheurs verront également leur collaboration au niveau européen s'améliorer.
Les mesures d'accompagnement proposées par le Conseil fédéral éviteront tout dumping social et salarial pour les travailleurs suisses.
De plus, notre souveraineté n'est pas remise en cause par ces accords : nous gardons toute liberté de décider de la forme à donner à nos liens futurs avec notre voisin.
L'enjeu est de taille ; notre avenir se joue le 21 mai prochain ; nous devons nous mobiliser et dire un oui franc et massif aux accords bilatéraux.
Proposition de motion(1341)sur les accords bilatéraux avec l'Union européenne : quels sont les conventions collectives et les contrats-types en force dans le canton ?
EXPOSÉ DES MOTIFS
Dans son communiqué de presse du 15 mars, face aux craintes exprimées par rapport aux effets des accords bilatéraux, le Conseil d'Etat a notamment affirmé que:
« La mise en oeuvre de la libre circulation des personnes fait l'objet de toute une série de mesures d'accompagnement destinées à préserver le marché suisse de l'emploi de tout risque de dumping salarial ».
Il importe que le Conseil d'Etat qui affirme vouloir « intensifier le travail d'information » en la matière justifie les assurances qu'il a avancées dans son communiqué de presse et fournisse rapidement un inventaire précis des seules mesures retenues dans ce domaine par l'Assemblée fédérale, à savoir les conventions collectives ayant force obligatoire et les contrats-type, dont l'adoption exige, dans un cas comme dans l'autre, l'accord des partenaires sociaux.
Proposition de motion(1342)concernant les mesures d'accompagnement aux bilatérales dans le domaine des transports
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 21 mai prochain, le peuple suisse va se prononcer sur les accords bilatéraux. Ces accords sont très importants pour Genève et sa région notamment en ce qui concerne la politique sectorielle des transports.
Suite à cette votation, le développement de l'espace urbain transfrontalier va avoir effectivement des incidences sur l'aménagement du territoire et les équipements. Il est donc urgent pour notre canton d'étudier en concertation avec les instances transfrontalières actuelles ainsi qu'avec les milieux politiques, économiques et associatifs les mesures à prendre afin d'anticiper les effets des accords bilatéraux sur la région franco-genevoise.
Ces instances transfrontalières doivent tout mettre en oeuvre pour permettre une gestion coordonnée de l'espace franco-genevois et intégrer la planification des mesures d'accompagnement liées à l'entrée en vigueur des accords bilatéraux.
Au vu de ce qui précède, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de bien vouloir adopter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). Puisque tout le monde hésite, j'ouvre les feux...
Nous sommes devant une échéance, qui, comme le disent certains journalistes, peut impliquer l'avenir de notre pays. Il s'agit en l'occurrence d'adopter le 21 mai sept accords bilatéraux, qui à mon sens - mais nous en discuterons plus tard - sont uniquement commerciaux et qui visent à améliorer la pénétration de l'économie suisse dans le marché européen sans avoir les inconvénients économiques, c'est-à-dire toute l'infrastructure et les conditions imposées par l'Europe dite «sociale».
On nous dit aujourd'hui que ces accords bilatéraux n'auront d'autre conséquence que de permettre à notre population de pouvoir résider dans les pays européens. Or, tel n'est pas le cas pour plusieurs raisons, et je vais m'en expliquer.
En effet, ces accords rendront possible le dumping salarial. Nous nous trouvons déjà dans un système dit «capitaliste» qui met la main-d'oeuvre en concurrence au niveau national. Il est évident que ces accords permettront au patronat suisse de mettre en concurrence la main-d'oeuvre européenne et la main-d'oeuvre suisse. J'en veux pour preuve que s'il avait fallu prendre des mesures d'accompagnement précises pour empêcher un tel dumping salarial, le gouvernement fédéral ainsi que les chambres auraient, comme cela se fait déjà aujourd'hui, prévu que les contrôles se fassent en amont.
Cela signifie concrètement qu'un patron suisse peut proposer un contrat de travail à un travailleur qui vient de l'Union européenne. Ce travailleur le signe et l'envoie au contrôle de l'habitant, comme cela se fait déjà aujourd'hui. Le contrôle de l'habitant, c'est-à-dire l'Etat, examine s'il n'y a pas dumping salarial et, ensuite, l'autorisation est délivrée. Il n'y a donc plus de contingentement - nous y avons d'ailleurs toujours été opposés - et, de ce fait, le dumping salarial n'est pas possible.
Mais que nous proposent les mesures d'accompagnement aujourd'hui ? De laisser aux syndicats et aux partenaires sociaux la tâche, pour ce qui est de la majorité des employés - je parlerai après des mesures d'accompagnement en ce qui concerne le personnel détaché - d'effectuer ce contrôle en aval, c'est-à-dire au moment où le travailleur a conclu le contrat de travail avec son employeur et où il doit se défendre contre la sous-enchère salariale ! Il est bien évident que les syndicats combattront, comme ils le font régulièrement et depuis très longtemps, cette mise en concurrence abusive du patronat, mais ils n'auront pas les moyens de contrôler l'ensemble du marché du travail, comme il est contrôlé aujourd'hui. C'est d'autant plus évident que quand ils demanderont l'application des conventions collectives, l'extension des conventions collectives et la mise en place de contrats-types de travail, ils ne pourront le faire que si le dumping salarial - la sous-enchère salariale - est manifestement abusive et répétée... Et encore, quand le juge déterminera quel salaire doit être fixé pour lutter contre ce dumping salarial, il ne pourra le faire qu'en respectant les salaires des autres branches de l'économie.
Aujourd'hui, un employé de banque gagne 5 500 F, demain le banquier fera venir de la main-d'oeuvre de l'Union européenne pour le même travail pour un salaire de 4 000 ou 4 500 F... Alors vous pouvez imaginer quelle sera la difficulté pour les syndicats de démontrer que le salaire proposé par le banquier est d'une part manifestement abusif et d'autre part que c'est un fait qui se répète ! Je vous laisse le soin... Non, je ne vous le laisse pas, ce sera à nous syndicalistes de démontrer qu'il y a des abus, mais il est déjà difficile aujourd'hui de prétendre qu'une diminution de 500 F est abusive.
J'en viens maintenant aux travailleurs détachés. Monsieur Annen, vous nous avez fait une excellente démonstration hier. Je vais essayer de donner une explication par rapport à Orgexpo, puisque c'est notamment à Orgexpo que les travailleurs détachés vont arriver. Monsieur Annen, vous nous avez dit pour justifier le recours déposé par Orgexpo que ce n'était pas à elle de contrôler la main-d'oeuvre... C'est bien cela, n'est-ce pas, Monsieur Annen ? Eh bien, c'est tout à fait faux !
Le problème est le suivant : on nous dit qu'il y a une loi très précise imposant un contrôle de l'autorité pour les travailleurs détachés au-delà de huit jours - les huit premiers jours ils ne le seront pas, et ils pourront donc travailler à n'importe quelles conditions salariales - et pour trois mois. Ils pourront alors venir travailler dans la mesure où les conditions de travail sont respectées, et ce sera à l'Etat d'effectuer ce contrôle. Or, la loi fédérale dit, notamment dans les mesures d'accompagnement, Monsieur Annen - nous avons repris le texte de loi pour l'imposer à Orgexpo - je cite : «Si les travaux sont exécutés par des sous-traitants ayant leur domicile et leur siège à l'étranger, l'entrepreneur contractant tel que l'entrepreneur total, général ou principal, doit obliger contractuellement le sous-traitant à respecter la présente loi.»
Monsieur Annen, vous nous avez dit hier que les mesures d'accompagnement devaient être respectées par l'entrepreneur général, mais lorsque vous vous trouvez devant le cas d'un entrepreneur général, comme l'est Orgexpo, qui doit faire respecter la loi, comme cela est stipulé dans les mesures d'accompagnement, vous vous dépêchez en tant que libéral de soutenir le libéral qui est à la tête d'Orgexpo... Et alors vous nous expliquez que ce n'est plus à l'entrepreneur général de faire respecter les mesures d'accompagnement, notamment pour les travailleurs détachés...
Monsieur Annen, voilà les rapports de travail que nous avons dans ce pays ! Vous vous dites de bonne foi, mais vous voulez faire croire que ces mesures d'accompagnement sont réellement efficaces ! Vous savez pourtant les uns et les autres, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, que ces mesures ne seront pas efficaces et n'empêcheront pas le dumping salarial et que nous ne pourrons rien faire, du moins dans un premier temps, jusqu'à ce que les travailleurs s'organisent pour résister au diktat patronal !
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Oui aux bilatérales ! Je pensais que notre collègue, M. Roulet, prendrait la parole le premier pour réaffirmer un principe auquel le groupe socialiste adhère.
Mais en matière de transports, soyons attentifs ! Les débats relatifs à la prochaine votation vont donner l'occasion de mettre au point et de planifier les mesures d'accompagnement qui seront inéluctables à Genève.
En effet, les différentes études faites par le département de l'aménagement et le département de justice et police - ou bien sur mandat de ces deux départements - montrent une croissance du trafic individuel dans la région suburbaine genevoise et aux confins du canton. L'entrée en vigueur des accords bilatéraux va accentuer le phénomène. L'étude faite par l'Institut européen de l'université de Genève sur les conséquences des accords bilatéraux sectoriels entre la Suisse et l'Union européenne sur la région franco-genevoise va aider à la réflexion.
Aux pages 40 et suivantes, au chapitre consacré à l'accord sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route, il nous est tout d'abord fait une présentation générale de l'accord.
On rappelle deux mesures d'accompagnement au niveau fédéral. En premier lieu, le Parlement suisse a demandé que soit expressément précisée dans la loi la levée des discriminations à l'encontre des transporteurs suisses en Suisse. Et il a maintenu, contre l'avis du Conseil fédéral, l'interdiction de circuler la nuit et le dimanche. En deuxième lieu, la Suisse a introduit la RPLP différenciée en fonction des normes d'émissions. De plus, pour renforcer le transfert de la route au rail, le Parlement a accepté d'allouer un montant de plus de 2 milliards de francs pour les onze prochaines années sous forme de contribution d'exploitation pour le trafic combiné, destiné notamment à l'amélioration des liaisons ferroviaires avec la France et l'Allemagne.
Dans la région franco-genevoise, l'impact de la libre circulation des camions dépendra en grande partie de la réouverture du tunnel du Mont-Blanc au trafic des poids lourds, car celui-ci sert d'aspirateur pour l'autoroute de contournement de Genève et celle de Bellegarde à Annemasse.
Les accords bilatéraux auront également des effets sur le transport de graviers et de matériaux de construction. Les transporteurs genevois ne seront plus discriminés par rapport à leurs concurrents français. Les mesures d'accompagnement pour Genève consistent d'abord en une participation accrue à la réhabilitation de la ligne ferroviaire des Carpates, en l'amélioration de la desserte avec le reste de la Suisse et en la liaison entre Cornavin et Annemasse. Il en résultera une relance du marché de la construction dans ces domaines sur le territoire genevois et en France voisine. Les voyageurs auront de meilleures dessertes avec la Suisse et la France.
Les suggestions émises par le rapport de l'Institut européen de l'université de Genève sont diverses : développement des transports en commun, construction de structures d'isolation phonique, itinéraires destinés aux camions de 40 tonnes, intensification du contrôle du respect des prescriptions routières, étude de l'impact des mesures visant à limiter ou à interdire le trafic poids lourds à travers le tunnel du Mont-Blanc.
Les auteurs de la motion ajoutent à l'intention du Conseil d'Etat les invites suivantes :
- Il faut tout d'abord doter les institutions transfrontalières existantes ou à créer et leur donner des moyens humains et financiers nécessaires;
- corriger le déficit certain de représentativité démocratique dont elles souffrent;
- proposer les modifications constitutionnelles ou légales qui pourraient s'avérer nécessaires.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons d'adopter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.
Mme Salika Wenger (AdG). Parmi tous les délires paranoïaques qui ont cours ces temps à propos des bilatérales, le mythe selon lequel trois cents millions d'européens viendraient se presser demain aux frontières de la Suisse me paraît un tout petit peu excessif... Surtout pour profiter de nos avantages sociaux et de nos salaires incroyablement élevés ! Ça a de quoi faire sourire ! En effet, comment peut-on imaginer que les Allemands qui travaillent trente-deux heures par semaine viendraient travailler quarante heures pour le même prix ! C'est difficile à croire !
Comment peut-on penser que les femmes européennes viendraient faire leurs enfants en Suisse alors que, chez elles, elles bénéficient toutes d'une assurance-maternité, voire paternité... (Exclamations et applaudissements.) Les Français viendraient-ils payer ici une assurance-maladie de base prohibitive en laissant tomber leur sécurité sociale centralisée ? Je n'y crois pas une seconde ! On pourrait évidemment multiplier les exemples.
Depuis toujours sur nos bancs nous avons combattu les frontières et les nationalismes de tout poil. Depuis toujours, il nous a semblé que l'union faisait la force et qu'il n'y a rien à gagner dans l'isolement territorial. Certes les raisons qui nous poussent à voter oui à ces bilatérales ne sont certainement pas les mêmes que sur les bancs d'en face... Mais, ce n'est pas très important aujourd'hui : il va de la survie de la Suisse d'entériner des échéances qui existent déjà ! En effet, 79% de nos importations nous viennent de l'Europe et 63% de nos exportations vont vers l'Europe. Les échanges existent donc déjà.
Certains de mes collègues s'inquiètent du fait que la situation des travailleurs suisses se péjore... Je leur répondrai que le gouvernement fédéral n'a pas eu besoin d'attendre les bilatérales pour que la situation soit réellement dramatique.
D'autre part, bien qu'effectivement je défende un syndicat, certains syndicats suisses ont quand même déjà accepté la précarisation et la flexibilisation. Pour moi, la situation des travailleurs suisses et celle des travailleurs européens sont équivalentes.
Il me reste encore à espérer que ce oui aux accords bilatéraux - un oui que nous souhaitons bien entendu franc et massif - soit un oui à l'Europe des peuples et à l'Europe des travailleurs. (Applaudissements.)
M. Charles Beer (S). Je souhaite tout d'abord dire au nom du groupe socialiste que notre adhésion à ces accords bilatéraux est une adhésion sans réserve, même si nous remarquons qu'il s'agit d'un premier pas vers ce que nous souhaitons, c'est-à-dire l'adhésion de la Suisse à la communauté européenne. Nous avons quelques raisons fondamentales d'adhérer à cette politique prudente aujourd'hui que constitue l'approche par les bilatérales, parce que cette démarche s'inscrit dans la logique que nous défendons, à savoir l'adhésion à l'Europe.
Première raison. Il s'agit d'abord pour nous de savoir très clairement dépasser les Nations. Nous sortons d'un siècle durant lequel les guerres nationales ont démontré toute leur efficacité, et, tout syndicaliste que je suis, je dois accepter de prendre en compte - je le souhaite également à mes collègues - une capacité d'intégration et une approche politique globale un tout petit peu plus élevées que les seuls intérêts catégoriels que je défends - que vous défendez, que nous défendons - pour effectuer un certain nombre de démarches politiques fondamentales.
Deuxième raison qui nous fait adhérer directement à cette démarche européenne : c'est le fait que nous souhaitons la mobilité. Mme Salika Wenger a parfaitement traduit cette mobilité : il ne s'agit pas ici tout à coup de défendre la frilosité helvétique qui souhaite rester enfermée dans les montagnes suisses... Je rappellerai à ce propos à M. Rémy Pagani un fameux slogan de «Lausanne bouge» : «Rasez les Alpes qu'on voie la mer !». Nous pensons donc qu'il convient aujourd'hui d'adhérer au principe de la mobilité. Cette mobilité profitera également aux Suisses et pas seulement aux Européens. Nous y tenons.
Et, en tant que socialistes, nous tenons à dire que cette démarche s'inscrit dans une notion doctrinaire qu'il me plaît de rappeler : l'internationalisme prolétarien ! (Réactions dans la salle.) Aujourd'hui, nous ne devons pas défendre des intérêts particuliers comme le député Pagani l'a fait avec certains accents pour évoquer et dénoncer la mise en concurrence entre la main-d'oeuvre suisse et la main-d'oeuvre européenne... Non, il ne s'agit pas de cela ! Vous le savez fort bien, parce qu'un bon nombre d'Européens et autres ressortissants d'autres pays qui n'appartiennent pas à la communauté européenne habitent en Suisse. Alors, il faut arrêter de jouer sur les ambiguïtés ! Il ne s'agit pas ici de défendre le passeport suisse avec des accents aux relents quelque peu douteux !
J'ajoute - Mme Wenger l'a dit, mais je me plais à reprendre quelques passages de son intervention qui, je l'avoue, m'a beaucoup impressionné - que s'il était possible de susciter un vaste courant de population vers la Suisse, cela se saurait depuis longtemps ! Depuis 1958, l'ensemble des travailleurs grecs, par exemple, ont la possibilité de travailler en Allemagne. Il faut quand même en tenir compte. La libre circulation des travailleurs et des travailleuses est connue dans la communauté européenne, qui s'est élargie et qui est constituée de pays riches et de pays pauvres depuis plus de quarante ans. Il faut donc savoir faire preuve de réalisme.
Dernier élément des principes fondamentaux : la politique économique. Nous pensons en effet que pour redistribuer il faut continuer à pouvoir également exporter valablement pour que, d'une manière générale, nos entreprises puissent s'insérer dans le tissu européen sans entraves et évidemment sans barrières douanières et tracasseries quelconques.
Je tiens à répondre principalement sur un point à M. Pagani, qui nous a fait l'exercice intitulé : «La solitude du coureur de fond»... J'apprécie le livre d'Alan Sillitoe, mais aujourd'hui le portrait dépasse la caricature !
M. Pagani ne représente pas ici le mouvement syndical. L'intégralité du monde syndical est favorable au oui aux bilatérales et au oui aux mesures d'accompagnement. Je parle de l'ensemble des forces nationales, des groupements syndicaux nationaux dont le SSP/VPOD, pour lequel je crois savoir qu'il travaille...
J'ajoute également qu'au niveau genevois la communauté genevoise d'action syndicale regroupant tous les syndicats genevois a dit oui unanimement aux accords bilatéraux, à une exception près : le SSP/VPOD, lequel que je sache ne combat pas ces accords ! Il laisse la liberté de vote ou appelle à l'abstention... C'est dire que votre démarche est aujourd'hui - cela peut vous arriver aussi - la démarche d'un isolé. Alors vous ne pouvez pas représenter des travailleurs et des travailleuses malgré eux, malgré leurs organisations, malgré la démocratie interne de celles-ci.
Enfin, et ce sera ma conclusion, je trouve certains accents particulièrement désagréables. On ne peut pas dire oui à l'Europe et combattre les bilatérales, non au nationalisme et soutenir la croix suisse au moment où un certain nombre d'accords internationaux sont en jeu. En faisant cela, vous rejoignez celles et ceux qui disent non à l'Europe, oui à la Suisse, oui à la seule souveraineté nationale et quelquefois je me demande si dans cette démarche des extrêmes et des isolés - en l'occurrence dans ce cas précis - vous ne représentez pas pour l'extrême droite ce que le bouton est à la boutonnière ! (Applaudissements et bravos.)
M. Claude Blanc. En tout cas, la conclusion était bonne !
M. Bernard Annen (L). Après ce qui a été dit, je devrais presque me rasseoir... (Applaudissements et exclamations.) Cela vous ferait gagner du temps... Mais je ne peux pas m'empêcher de vous répondre sur un point au moins, Monsieur Pagani, pour ne pas laisser un doute s'installer, suite à un argument qui me paraît tout à fait fallacieux.
En effet, Monsieur Pagani, vous prenez l'exemple d'Orgexpo et de Palexpo. Vous faites un amalgame pour troubler les gens ! Vous avez fait allusion aux mesures d'accompagnement concernant les chantiers au sens large du terme, mais il existe également d'autres accords, des accords bilatéraux entre la Suisse et d'autres pays européens... Vous ne pouvez pas tout mélanger ! Vous dites qu'Orgexpo fait de la sous-traitance... Ce n'est absolument pas vrai ! En l'espèce, Orgexpo n'est pas l'entrepreneur : il est locataire de surface, ce qui est tout de même assez différent !
Monsieur Pagani, vous devez quand même savoir que et l'Etat et les partenaires sociaux sont d'accord avec vous sur le fond, mais ce qui me gêne c'est que vous utilisez cet argument avec lequel tout de monde est d'accord pour vous opposer aux bilatérales... C'est votre droit le plus strict d'y être opposé, mais vous n'avez pas le droit d'utiliser ces accords entre partenaires sociaux en disant qu'ils ne sont pas applicables.
Je suis très étonné aujourd'hui car j'ai entendu deux discours différents : je croyais que l'Alliance de gauche était contre les bilatérales, mais j'ai bien l'impression que Mme Wenger a donné l'avis général de l'Alliance de gauche. Finalement, Monsieur Pagani, vous êtes seul et j'éprouve de la compassion à votre égard...
Néanmoins, je ne peux pas vous laisser dire tout et n'importe quoi, même si vous nous habituez régulièrement au n'importe quoi dans cette enceinte...
Monsieur Pagani, sachez que les partenaires sociaux feront tout pour appliquer les normes sociales de ce canton, dans tous les domaines ! Il existe des accords entre l'Allemagne et la France, à l'intérieur de l'Union européenne, pour que les travailleurs en déplacement obtiennent les garanties sociales du lieu où ils vont travailler. C'est dire, Monsieur Pagani, que ce soit dans l'Europe ou hors de l'Europe, que ces normes sont applicables pour tout le monde ! Ce n'est donc pas la peine de donner toujours les mêmes arguments qui ne sont finalement que des arguties...
Vous devez soutenir ces accords bilatéraux ! Il en va de l'intérêt des travailleurs ! Si vous n'en voulez pas, c'est votre responsabilité !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il reste six intervenants. Je vous propose d'interrompre nos travaux maintenant et de les reprendre à 20 h 30. Pour l'organisation de vos travaux parlementaires, j'aimerais vous donner le programme de 20 h 30 : nous finirons le débat sur les bilatérales; puis nous prendrons la résolution 421, relative aux procédures de naturalisation; puis le rapport de la commission des finances, projet de loi 8166-A modifiant la loi sur la police - plus précisément les heures supplémentaires; puis le rapport de la commission des travaux, projet de loi 8191-A sur la liaison la Praille-Eaux-Vives et, enfin, la motion 1344 sur les ressortissants du Kosovo.
Je vous souhaite un bon appétit !
La séance est levée à 19 h.