Séance du jeudi 13 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 15e séance

PL 7853-A
26. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (création d'une zone 4B affectée à de l'équipement public). ( -) PL7853
Mémorial 1998 : Projet, 3276. Renvoi en commission, 3279.
Rapport de majorité de Mme Fabienne Bugnon (Ve), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Olivier Vaucher (L), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteure: Mme Fabienne Bugnon

Déposé par le Conseil d'Etat le 7 mai 1998, ce projet a été traité par notre commission lors des séances des 24 novembre et 15 décembre 1999, sous la présidence de notre collègue Rémy Pagani.

MM. Gardet, directeur et l'urbaniste cantonal, Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures et Pauli, juriste du DAEL, ont assisté nos travaux.

Ce projet de modification des limites de zones porte sur les parcelles Nos 398, 399 et 400, feuille No 13 du cadastre de la commune de Chêne-Bougeries. Elles sont situées au chemin du Villaret et représentent une surface de 5186 m2.

Le 24 janvier 1997, le Grand Conseil a adopté un plan de modification des limites de zone créant notamment une zone de verdure à destination de cimetière sur les parcelles voisines. Cette mesure plus limitée que celle prévue à l'origine par la commune était basée sur une évaluation des besoins communaux à venir en la matière, de laquelle il ressortait qu'il n'était plus nécessaire de réserver une aussi grande étendue de terrains à cet effet.

Ce plan excluait les parcelles 398, 399 et 400 et après une nouvelle estimation de ses besoins, la commune a souhaité que le DAEL élabore un nouveau projet de modification des limites de zones afin de destiner ces terrains à de l'équipement public. Ceci, dans le but futur de les utiliser pour une extension éventuelle de l'école, par exemple.

L'enquête publique ouverte du 24 novembre au 23 décembre 1997 n'a suscité aucune observation et le présent projet de loi a fait l'objet d'un préavis favorable du conseil municipal de Chêne-Bougeries en date du 5 mars 1998 (10 oui, 6 non, 1 abst.).

Travaux de la commission et auditions

La Commission de l'aménagement a souhaité entendre la commune, représentée par Mme Gouda, conseillère administrative, le 24 novembre 1999. De son côté, la fraction socialiste de Chêne-Bougeries opposée au projet a émis le désir d'être entendue, ce qui fut fait le 15 décembre 1999. Par souci d'équité, une autre délégation de conseillers municipaux, favorable au projet, est également reçue par la commission le 15 décembre 1999.

Audition de Mme Gouda

Le conseil administratif de Chêne-Bougeries a été amené à revoir la mise en conformité des zones se situant à proximité des équipements publics dès 1995. La réserve de parcelles pour le cimetière ne se justifiant plus, le conseil administratif a décidé d'utiliser ce terrain pour l'affecter à de l'équipement public. Ces trois parcelles étant en zone villa, le DAEL a été saisi d'une demande de modification de zones. Plusieurs projets ont été évoqués par le passé. En 1991, on prévoyait de construire des logements. Ce projet préavisé négativement par le conseil municipal eu égard à une étude de faisabilité et à la situation financière de la commune n'a jamais vu le jour. Aujourd'hui, le conseil administratif entend créer une zone verte visant à agrandir le préau de l'école. La villa se trouvant sur le site doit être démolie. Sa rénovation aurait un coût trop élevé et la commune n'a pas, actuellement de besoins en locaux.

Audition des opposants au projet, soit Mme Meynet, conseillère municipale et MM. Cerutti et Trap (occupants actuels de la villa sise sur les parcelles à déclasser)

Mme Meynet explique que les socialistes sont opposés au déclassement, car il n'y a pas de projet concret. La seule motivation du conseil administratif réside dans son souhait de faire démolir cette villa, actuellement squattée. Après une légère rénovation, cette maison digne d'intérêt pourrait être utilisée par des associations de la commune, toujours à la recherche de locaux.

Concernant l'occupation de cette villa, M. Trap y habite depuis cinq ans. Avec ses colocataires, ils ont essayé de prendre contact avec la commune et se sont chaque fois heurtés à des fins de non-recevoir. Ils sont prêts à quitter les lieux, lorsqu'un projet sérieux sera envisagé. Durant toutes ces années, ils ont entretenu la maison et ont développé des activités sportives qui sont aujourd'hui connues dans toute la Suisse romande. L'un des habitants, architecte de métier, confirme que cette maison est en bon état. Les murs sont sains, des travaux seraient à effectuer au niveau de la tuyauterie et du chauffage.

Le besoin de préau supplémentaire ne leur semble pas réel, puisqu'il serait sans communication avec l'école.

Audition d'une délégation de conseillers municipaux, Mmes Gallay (Avenir Chênois), Rieser (PdC), et MM. Biedermann (Rad) et Rivoire (Lib)

La délégation soutient la position du conseil administratif. Ils sont favorables à cette modification de zones, car elle permettra de poursuivre l'aménagement du secteur et de la nouvelle salle de gymnastique. Le préau actuel sert presque plus pour les besoins du temple et comme parking pour les enseignants, d'où le besoin de l'agrandir.

Questionné au sujet des occupants de la villa, un membre de la délégation répond que la « commune n'a pas de locataires dans cette maison », que cette villa doit être démolie, sa rénovation étant trop coûteuse et que cette parcelle est attribuée à l'extension du préau et à rien d'autre.

Discussion et votes de la commission

Plusieurs commissaires ont été stupéfaits, voire choqués pour certains de l'attitude fermée de la délégation de conseillers municipaux à l'égard des occupants de la villa. Ceux-ci ont démontré leur volonté de dialoguer et leur accord de partir sitôt qu'un projet concret serait envisagé. Plusieurs commissaires de l'Entente ont tendu des perches tant à la conseillère administrative qu'aux conseillers municipaux, afin de leur permettre d'exposer des projets plus clairs et à long terme. Notamment, sur d'éventuels futurs besoins de la commune qui pourraient justifier cette réserve de terrains destinée à des équipements publics.

Même le rapporteur de minorité a suggéré à la conseillère administrative d'envoyer un complément d'audition ou de revenir avec un projet plus convaincant ! Sans succès !

La plupart des commissaires n'ont donc pas été convaincus par le besoin d'extension du préau, en particulier au vu de sa localisation. L'impression très forte que l'on veut se débarrasser de squatters a plané sur la commission !

La proposition de se rendre sur place n'ayant pas été retenue et les commissaires de la majorité ayant estimé avoir reçu suffisamment d'information de la part de toutes les parties, le projet a été mis au vote et son entrée en matière refusée par 8 non (3 AdG, 3 S, 2 Ve) contre 6 oui (2 DC, 1 R, 3L).

Nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même en refusant le projet de loi 7853, tel qu'il vous est proposé.

Projet de loi(7853)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

décrète ce qui suit :

Article 1

1 Le plan N° 28971-511, dressé par le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement le 7 août 1997, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (création d'une zone 4B affectée à de l'équipement public, au chemin du Villaret), est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Article 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'Ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone 4B affectée à de l'équipement public, créée par le plan visé à l'article 1.

Article 3

Un exemplaire du plan N° 28971-511 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

6

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur: M. Olivier Vaucher

En préambule, je tiens à relever un fait particulièrement marquant, que fut la non entrée en matière de la majorité de la gauche, sur un projet de loi présenté par le Conseil d'Etat. A ma connaissance, c'est probablement, d'annales du Grand Conseil, la première fois que cela est arrivé ! Ceci est d'autant plus choquant et scandaleux que ce n'est fondé sur aucune base légale, et surtout sur aucune logique; ce d'autant plus que le projet est d'une totale cohérence dans le sens d'une saine gestion communale. Au surplus, au niveau de l'aménagement du territoire, il est parfaitement bien étudié.

A cela, j'ajouterai qu'en date du 10 février dernier, bien que connaissant bien la commune dont je suis originaire, je me suis rendu sur le site pour me faire une idée plus juste de la situation.

Bien m'en a valu, car j'ai pu constater le bien-fondé de la requête. De plus, j'ai constaté, non sans un certain effroi, les conditions environnementales du préau actuel de l'école, qui se situe en bordure directe de la route de Chêne, à grand trafic, avec toutes les nuisances sonores et de pollution qui en découlent ! D'autre part, l'ancienne zone sportive-verte, située à l'arrière de l'école, a été partiellement mangée par la réalisation de la nouvelle salle de gym et les aménagements extérieurs du bâtiment affecté aux pompiers.

Ensuite, contrairement à ce que nous ont dit certaines personnes auditionnées, le passage entre l'école et la parcelle incriminée est parfaitement bon et direct, de surcroît, il est partiellement sous couvert.

Un nouveau préau placé ainsi à l'arrière de l'école aurait l'immense avantage d'être beaucoup plus tranquille, hors des nuisances directes, et dans une zone de verdure, boisée, au surplus.

Pour ce qui est de la villa squattée, je l'ai visitée avec ses occupants, en toute objectivité. Dans l'hypothèse, non admise par la commune, d'une restauration, il s'avère que d'importants travaux devraient être exécutés. En tant que professionnel, j'ai pu mesurer ceux-ci. En l'état, la villa présente un danger à ne pas négliger, vu la détérioration des techniques, principalement due à un non-entretien, d'une part, et d'autre part, à des installations-bricolages présentant des risques d'incendie et de courts-circuits; enfin, il faut relever que la façade et la toiture sont entièrement à refaire.

Pour ce qui est de la parcelle, elle est dans un état de délabrement et d'insalubrité tel qu'il s'agirait de prendre des dispositions drastiques, dans les meilleurs délais, vu la proximité immédiate de l'école !

Je pense qu'une discussion entre la mairie et les occupants actuels devrait permettre de reloger ceux-ci, dans des bâtiments communaux, pour autant bien sûr qu'ils acceptent d'y loger aux mêmes conditions que n'importe quel autre citoyen de la commune. Ainsi, la commune pourrait mettre à exécution ses projets.

En conclusion, j'aimerais tout simplement rappeler que la compétence du Grand Conseil, dans ce dossier, se limite à affecter les trois parcelles, propriété de la commune, à des constructions et installations d'utilité publique. C'est d'ailleurs dans ce but qu'elles ont été acquises.

Le président. Il nous a été demandé de lire la lettre de la commune de Chêne-Bougeries du 14 mars 2000. Je prie Mme la secrétaire de bien vouloir procéder à cette lecture.

Lettre p.1

p.2

Premier débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. La commission de l'aménagement s'est trouvée dans une situation difficile. Nous devions traiter un projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries. Celle-ci avait à l'époque gardé une réserve de terrain pour l'affecter à l'agrandissement de son cimetière. Aujourd'hui, les besoins ne sont plus les mêmes et cet agrandissement ne se justifie plus. Toutefois, la commune a souhaité utiliser ces parcelles et revoir la mise en conformité des zones se situant à proximité des équipements publics.

Sur le principe, la commission de l'aménagement n'avait pas d'opposition. Toutefois, lorsque nous avons entendu Mme Gouda, conseillère administrative, elle n'a pas été à même de nous convaincre de son projet. Elle nous a parlé du besoin d'aménager un préau pour les enfants de l'école, mais à aucun moment elle n'a pu nous dire à quel endroit serait situé ce préau, quel lien il aurait avec l'école. A vrai dire, elle a malheureusement été assez peu capable de répondre aux différentes questions des commissaires.

Nous avons donc décidé d'entendre les autres personnes concernées par ce dossier et d'abord les opposants au projet, en la personne de Mme Meynet, conseillère municipale, et de MM. Certutti et Trap. Nous avons ainsi appris que, sur la parcelle visée, il y avait une villa, squattée par MM. Cerutti et Trap et d'autres personnes, que ce squat accueillait depuis plusieurs années des activités sportives, que les squatters avaient entretenu la maison et qu'ils étaient plusieurs à y vivre depuis cinq ans. Ces personnes nous ont dit que le besoin de préau supplémentaire ne leur semblait pas réel, car ce dernier serait sans communication avec l'école.

Afin d'avoir une vision plus claire, nous avons alors entendu une autre délégation de conseillers municipaux, favorables au projet. Ici, je dois dire qu'un certain nombre d'entre nous ont été stupéfaits, voire choqués par l'attitude fermée de cette délégation de conseillers municipaux à l'égard des occupants de la villa. Lorsque nous leur avons demandé s'ils connaissaient le projet des squatters, s'ils avaient discuté avec eux, ils nous ont tout simplement répondu que cette villa n'était pas habitée, refusant d'entrer en discussion, de dialoguer avec ces personnes ayant choisi un mode de vie différent du leur. Nous avons été choqués par cette attitude ; peu convaincus, par ailleurs, par le besoin d'extension du préau, nous avons demandé à Mme Gouda, par l'intermédiaire du rapporteur de minorité, de revenir devant la commission avec un projet mieux étayé. Nous n'avons pas eu de succès, mais le rapporteur de minorité, M. Vaucher, pourra peut-être nous dire pourquoi elle a refusé de venir défendre son projet une nouvelle fois devant notre commission.

Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission, peu convaincue comme je l'ai dit, a décidé de ne pas entrer en matière et c'est ce qu'elle vous propose, n'ayant pas aujourd'hui d'information supplémentaire. La lettre de la commune de Chêne-Bougeries nous parle de besoins prépondérants des habitants de Chêne-Bougeries : ceux-ci n'ont en tout cas pas été démontrés et je vous demande donc de suivre le rapport de majorité.

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit dans mon rapport de minorité, mais préciser un certain nombre d'éléments. Tout d'abord, je me suis posé les questions que se pose le rapporteur de majorité, suite à certaines auditions que nous avons menées, en particulier celle des gens habitant la villa sise à côté de l'école, à savoir : où doit être situé le déclassement en question, où pourrait être situé le préau, quel lien aurait-il avec l'école ? En revanche, j'ai été stupéfait, comme beaucoup de membres de la droite, de voir que la majorité refuse d'entrer en matière sur un projet parfaitement logique, qui découle de la préoccupation de la commune de répondre aux besoins de la collectivité. C'est une préoccupation de la commune depuis de très nombreuses années ; il est important de préciser qu'elle a acquis ces parcelles avant même que l'une d'elles ne soit squattée, dans le but justement d'avoir des terrains en réserve pour des extensions d'utilité publique, ce qui est pour le moins une saine gestion communale.

Nous nous étonnons d'autant plus de ce refus que, très souvent, on déplore ici que les communes n'aient pas suffisamment d'autonomie. De plus, comme je l'ai relevé dans mon rapport, il est quand même assez invraisemblable que l'on n'entre pas en matière sur un projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, suite à une demande tout à fait fondée de la commune. Voilà pour les préliminaires.

Personnellement, j'ai tenu à me rendre sur place, bien que je connaisse la région puisque j'y suis né. J'ai voulu vérifier les arguments évoqués par certains détracteurs de ce déclassement, c'est-à-dire tout d'abord la situation des parcelles concernées, leur lien avec l'école et surtout l'accessibilité, depuis l'école, à cette parcelle. Contrairement à ce qui est dit par certains opposants, relaté dans le rapport de majorité, la liaison entre l'école et ladite parcelle est parfaite. En effet, le bâtiment principal de l'école est relié à la salle de gymnastique par un passage couvert et il suffirait d'aménager un autre passage à côté de la salle de gymnastique pour pouvoir passer sur cette parcelle, à couvert et à l'abri de toute nuisance. La liaison serait donc tout à fait directe entre l'école et ladite parcelle. S'agissant de l'avis des occupants de la maison sur la nécessité pour l'école d'avoir un préau de ce côté-là, il me semble que ces personnes ne sont pas tout à fait à même de pouvoir juger des besoins des collectivités publiques, plus particulièrement de ceux d'une école.

Je me suis aussi rendu dans la villa en question, pour voir son état. J'en ai fait le tour avec les occupants et j'ai constaté que la situation est dangereuse pour les habitants, puisque de l'eau coule à côté des circuits électriques, que la toiture n'est pas étanche. La structure principale est certes en bon état, mais l'intérieur est entièrement à refaire. D'autre part, je suis un peu surpris, Madame le rapporteur de majorité, que vous disiez que la parcelle est utilisée pour des activités sportives. Je me suis rendu sur place pour voir vraiment la réalité des choses et je peux vous dire que le jardin est dans un état de délabrement total. On y trouve des carcasses de voitures, des seringues - car, apparemment, il y a un certain nombre de personnes qui doivent se droguer dans la région - et, du point de vue de la salubrité publique, l'état de la parcelle est extrêmement déplorable.

Cela dit, il est vrai, Madame le rapporteur de majorité, que certaines personnes auditionnées en commission de l'aménagement, principalement certains conseillers municipaux, se sont exprimées avec une certaine maladresse, quant à certains termes utilisés. Ce ne sont pas tout à fait ceux que vous avez rapportés, mais je suis d'accord avec vous : certains ont parlé d'une façon très dépréciative des gens qui habitent cette villa. Pourtant, je ne crois pas que, pour une parole malheureuse, on puisse condamner une commune qui mène depuis plusieurs années une politique d'acquisition et de gestion des terrains très sérieuse et très honnête.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai de renvoyer ce projet en commission, afin que celle-ci puisse faire sereinement son travail, se rendre sur place pour voir réellement où se situent les parcelles dont il est question.

Enfin, bien que je passe deux à trois fois par jour sur la route de Chêne, j'ai été très surpris de voir, en me rendant sur place, que l'actuel préau de l'école primaire se situe à côté d'un axe à grand trafic, avec toutes les pollutions y afférentes... (Commentaires.) Il y a le tram, il y a aussi un trafic international qui passe par cette route. Bien sûr, Monsieur Pagani, ce genre de préoccupation n'est pas la vôtre, j'en conviens ! Mais si on demandait un rapport au service d'écotoxicologie, il nous démontrerait par A+B que les conditions dans ce préau sont lamentables et en dessous de toutes les normes actuelles.

Je demanderai donc, à la fin de ce débat, que nous renvoyions ce projet en commission, afin que celle-ci décide un transport sur place. Je rappelle que la commission s'est souvent rendue sur certains sites pour des raisons beaucoup moins évidentes que dans ce cas-ci. Une fois que les commissaires se seront rendus sur place, ils pourront juger en toute connaissance de cause et en toute objectivité de la nécessité de déclasser cette parcelle pour la commune. Déclassement qui devrait se faire avec les restrictions que j'ai citées dans mon rapport, Madame le rapporteur de majorité, c'est-à-dire en faisant le nécessaire pour reloger les habitants de la villa à des conditions équitables, comme tout autre habitant de la collectivité publique. Je crois qu'en discutant nous pourrons trouver des solutions et c'est pourquoi je demanderai le renvoi en commission.

Le président. Une demande formelle de renvoi en commission a été faite. Les intervenants qui vont prendre la parole se prononceront donc sur ce renvoi en commission de l'aménagement.

M. Alain Etienne (S). Suite aux auditions, les commissaires socialistes n'ont pas été convaincus de déclasser ces terrains en vue de l'extension présumée d'un préau...

Des voix. Sur le renvoi en commission !

M. Alain Etienne. Je vais y venir ! En effet, comment expliquer que l'on veuille juste démolir une villa située entre deux autres villas encore occupées ? Comment imaginer ce préau d'école, qui viendrait se coincer entre ces deux autres parcelles ? (Protestations et brouhaha.)

Le président. Veuillez laisser parler l'intervenant, s'il vous plaît ! Avant de se prononcer sur le renvoi en commission, il faut quand même l'argumenter. Monsieur Etienne, poursuivez !

M. Alain Etienne. Je vous remercie, Monsieur le président. Non, ce n'est pas sérieux ! Les autorités communales doivent revenir avec un projet plus convaincant et plus cohérent. Par ailleurs, il faut relever que le préavis de la commune n'a pas fait l'unanimité au sein du Conseil municipal... (Exclamations.) Monsieur Dupraz, laissez-moi terminer !

En l'état, la proposition de déclassement n'est pas crédible. De notre point de vue, il n'est pas correct d'utiliser les outils de l'aménagement du territoire pour régler des problèmes de squats. Ce déclassement est pour l'heure prématuré. Nous apporterons notre soutien à la création d'une zone affectée à de l'équipement public lorsqu'un projet global sera développé. En l'absence de projet concret, le renvoi en commission n'est pas acceptable. Pour le cas présent, le groupe socialiste vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre le rapport de majorité et à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Le président. Je passe la parole à M. Koechlin, qui se prononce sur le renvoi en commission.

Une voix. Il va argumenter !

M. René Koechlin (L). Je vais en effet argumenter mon soutien au renvoi en commission ! Depuis des lustres, les députés de gauche nous ont habitués à soutenir systématiquement tous les déclassements en zone d'utilité publique, sans exception. Davantage : M. Grobet, quand il était chef du département alors appelé des travaux publics, proposait, chaque fois qu'il le pouvait, des déclassements en zone d'utilité publique. Et cela, simplement pour pouvoir procéder à l'expropriation des terrains concernés, lorsqu'ils se trouvaient encore en des mains privées. Le seul but était l'expropriation.

Je vous donnerai un exemple qui est encore présent dans la mémoire d'un certain nombre d'entre nous qui siégeaient déjà au Grand Conseil à l'époque : celui de la Roseraie. On a déclassé en zone d'utilité publique, pour l'école de la Roseraie, une parcelle appartenant à une personne qui entendait habiter la villa qui s'y trouvait. Sourds à ces arguments, les députés de gauche, avec l'appui de quelques députés de l'Entente, j'en conviens, ont décidé de déclasser cette parcelle, avec d'autres, en zone d'utilité publique. On a, aussitôt après, procédé à l'expropriation de cette parcelle et aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, après dix ans au moins, la maison est toujours en l'état, mais évidemment elle est inhabitée ! Voilà le résultat !

Aujourd'hui, nous sommes exactement face à la même situation : des terrains dont on demande le déclassement en zone d'utilité publique pour des besoins scolaires, comme à la Roseraie. Mais, par malheur, les terrains en cause sont en mains publiques : il n'y a donc pas de raison de les exproprier. Qui plus est, les constructions qui s'y trouvent sont squattées. Alors, ne touchez pas à mes squatters, s'il vous plaît, ne leur faites pas de mal ! Tant pis pour la commune, tant pis pour les besoins scolaires, on s'en fout; vive les squatters ! Ils sont rois dans cette République, qu'on se le dise ! (Applaudissements.) En l'occurrence, ou bien ce sont les squatters qui sont rois et qui règnent ; ou bien on donne raison aux conseils municipaux, aux conseils administratifs, qui ont tout de même le devoir d'accomplir certaines tâches, entre autres de répondre aux besoins scolaires d'une commune.

Mesdames et Messieurs, je vous demande de renvoyer ce projet en commission, en espérant que les commissaires de gauche reviendront à des sentiments un peu plus raisonnables ! (Applaudissements.)

M. Walter Spinucci (R). Je m'exprime également en faveur du renvoi en commission. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs, j'aimerais faire appel à votre mémoire. Lorsque nous avons examiné le projet de loi 7557-A, concernant la possibilité offerte aux conseils municipaux de s'adresser par voie de motion directement au Grand Conseil, nous avons entendu un député socialiste parler de «politique du pré carré». Comment définir alors la politique de l'Alternative, qui refuse l'entrée en matière sur un projet de loi établi par le Conseil d'Etat et soutenu par la majorité du Conseil municipal ? Je vous laisse le soin de trouver un adjectif approprié. Pour ma part, je la définis comme opportuniste, ce qui discrédite totalement les propos que la gauche tient dans cette salle, en raison de ses contradictions. En effet, le refus d'entrer en matière, voté en commission, est contraire à la politique d'ouverture qui nous est déniée.

J'espère que, ce soir, le Grand Conseil acceptera le renvoi de ce projet de loi 7853-A en commission d'aménagement du canton, ainsi que le demande le Conseil administratif de la commune de Chêne-Bougeries.

M. Hubert Dethurens (PDC). J'aimerais revenir sur certains propos qu'a tenus M. Etienne. Le Conseil municipal de Chêne-Bougeries a voté à dix contre six pour ce projet : il y a eu six non, je suis bien d'accord, mais il y a aussi eu dix oui et c'est le plus important. Lorsque nous votons ici, au Grand Conseil, c'est aussi la majorité qui l'emporte !

Deuxièmement, les six opposants craignaient la démolition de cette villa, ou de deux villas, s'il n'y avait pas de projet. En l'occurrence, une éventuelle démolition doit passer par une autorisation et, s'il n'y a pas de projet, je ne pense pas que le chef du DAEL, M. Moutinot, donnera l'autorisation de démolir. Je ne vois donc pas la raison de ces craintes. D'autre part, il ne s'agit pas de réaliser des constructions à but spéculatif, puisque ce projet concerne de l'équipement public, comme cela a déjà largement été dit. Si, par hasard, la gauche refusait d'entrer en matière sur ce projet, maintenant ou lors d'une future séance de commission d'aménagement, la population de Genève devra être mise au courant de ce que vous êtes capables de faire, Mesdames et Messieurs !

Pour ma part, je soutiens bien entendu le renvoi en commission.

M. Philippe Glatz (PDC). Je souhaiterais quand même rappeler, ici, chacun de nous à ses responsabilités. En effet, je ne voudrais pas que l'acharnement à défendre ou à attaquer les squatters, qui confine parfois au dogmatisme, en vienne à nous faire passer sur l'essentiel. Or, l'essentiel, c'est la problématique posée par ce projet de loi.

Si vous le permettez, Mesdames et Messieurs les députés, oublions quelques instants que les terrains en question sont occupés par des squatters et examinons un peu mieux le projet de la municipalité de Chêne-Bougeries. Il se trouve qu'aujourd'hui un grand nombre d'enfants sont condamnés à jouer, pendant toutes leurs récréations, au bord d'un des axes les plus fréquentés du canton. Chacun d'entre vous pourrait s'en rendre compte ; il vous suffirait d'aller dans votre bureau et de consulter, sur Internet, l'excellent site du département de M. Moutinot : vous verriez que, sur la carte des nuisances sonores, cette région est classée dans les régions qui subissent le plus de nuisances.

Il s'agit donc aujourd'hui de laisser une chance à l'émergence d'un projet qui permette de changer ces conditions inacceptables. Je vous rappellerai, Mesdames et Messieurs les députés, que derrière tous ces enfants il y a des parents, qui sont nombreux à voter par ailleurs et qui, ce soir, nous regardent et attendent de nous que nous prenions les bonnes décisions, sans que, confinés dans notre acharnement à défendre ou à attaquer les squatters, notre dogmatisme nous fasse passer sur l'essentiel.

C'est pourquoi je demanderai le vote nominal, car je souhaite que chacun soit mis en face de ses responsabilités. Il s'agit simplement, par le renvoi en commission, de donner une chance à ce projet.

M. Rémy Pagani (AdG). Sans vouloir être polémique, je dirai que, dans ce débat, il ne faut pas prendre les enfants en otage, en imaginant qu'ils auraient plus de privilèges que les élèves, par exemple, de l'école de Sécheron, qui est située sur la rue de Lausanne, ou de l'école de Cité-Jonction, qui est située sur le quai Ernest-Ansermet. Je rappelle que la Jonction est un des quartiers les plus pollués de Genève. Dans ce sens, il ne s'agit pas de prendre les enfants en otage, comme essaie de le faire la droite.

Ce qui nous a étonnés le plus en commission, c'est que la commune possède ce terrain depuis 1991 et que, si elle avait jugé ce préau nécessaire, elle l'aurait réalisé immédiatement. Elle aurait aménagé ce préau à l'endroit où, aujourd'hui, il y a une piste en tartan. Toujours est-il que notre position était celle-ci : comme nous l'avons fait dans le quartier de la Jonction, où le préau de l'école du Mail donne sur une maison dans le parc Gourgas, il était possible de réaliser une extension du préau, y compris en prévoyant des activités dans cette petite villa. C'est cela que nous aurions aimé entendre de la part de Mme Gouda.

Nous aurions aussi aimé entendre de sa part ce qu'a dit M. Vaucher. M. Vaucher a pris son courage à deux mains et est allé voir les occupants de la villa, qui ne sont pas des ogres. Il a discuté avec eux, il a vu quelles étaient leurs conditions de vie. Mme Gouda n'a jamais fait cela, alors que cette maison est occupée depuis cinq ans. D'ailleurs, heureusement que cette maison est occupée, car on peut au moins en discuter aujourd'hui. En effet, si elle n'avait pas été occupée, elle n'existerait plus, elle aurait été détruite par les vandales qui pénètrent dans toutes les maisons laissées à l'abandon. Je rends donc hommage à la position de M. Vaucher. En revanche, je constate que Mme Gouda ne pratique pas le dialogue que devrait pratiquer une maire de commune responsable. Aujourd'hui même, le Bureau nous a lu une lettre de la commune qui nous enjoint de voter ce projet de loi, sinon gare aux foudres des électeurs de Chêne-Bougeries !

Quant à moi, je ne veux pas précipiter la chose, je dis simplement que notre objectif, en commission de l'aménagement, était de trouver le meilleur aménagement possible. Cette villa fait partie, à mon sens - mais cela se discute et notamment avec la commune, qui jusqu'ici n'a pas voulu en discuter - cette villa fait partie d'un aménagement cohérent de ce terrain, y compris d'un préau et d'un espace vert. Malheureusement, comme l'a dit M. Vaucher et d'autres sur les bancs d'en face, la commune n'a actuellement pas de projet d'aménagement.

Je ne m'opposerai pas au renvoi en commission, car j'estime que M. Vaucher a fait la preuve d'une volonté de dialoguer avec les occupants du lieu. J'espère qu'il prendra Mme Vaucher par la main... Mme Gouda, pardon ! Mme Vaucher, c'est déjà fait : j'imagine qu'il la prend tous les jours par la main ! (Rires et exclamations.) Si ce projet de loi est renvoyé en commission, nous nous déplacerons sans doute sur les lieux et j'espère que Mme Gouda viendra avec nous et qu'enfin, si ce n'est pas avant, la municipalité entrera en discussion avec les occupants, qui ont d'ailleurs des projets socio-éducatifs intéressants.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Je crois qu'il y a vraiment deux débats dans cette enceinte. Un débat est mené par les députés qui ont suivi les travaux de la commission de l'aménagement - à part M. Koechlin, qui tout d'un coup a quelques envolées lyriques, alors qu'il était d'accord avec nous sur le fait que ce projet avait été très mal présenté. Ses propos figurent dans le P.-V., mais je ne lui ferai pas l'affront de les lire. L'autre débat est mené par ceux, comme M. Glatz, qui n'ont pas siégé en commission et qui viennent nous donner des leçons au sujet des nuisances que subissent les enfants.

En l'occurrence, là n'était pas la question. Le problème est que nous avons eu affaire à des gens qui n'étaient pas capables de nous présenter un projet et qui se sont acharnés sur les squatters. M. Vaucher a dit que la commune devait trouver des arrangements pour reloger ces gens, mais il n'a même pas été question de cela : les occupants ont dit eux-mêmes qu'ils étaient prêts à quitter les lieux lorsqu'un projet sérieux serait envisagé. A aucun moment, les squatters n'ont voulu faire de l'obstruction ; ils ont simplement demandé que ce projet de loi n'ait pas comme seul but de raser cette maison.

Par ailleurs, personne ne s'est opposé à rediscuter du projet en commission ; nous avions demandé à Mme Gouda de revenir, mais elle n'a pas voulu. A l'heure actuelle, dans sa lettre, je ne vois pas que la commune souhaite se faire entendre une nouvelle fois par la commission de l'aménagement. Cela dit, je ne suis pas du tout opposée, malgré ce que vous pouvez imaginer, au renvoi en commission, pour autant que la commune vienne avec un projet, qu'elle le défende correctement et qu'elle accepte de dialoguer avec les gens qui vivent sur son territoire, même s'ils n'ont pas la même manière de vivre que certains d'entre nous dans cette enceinte.

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de minorité. La chose à retenir de ce débat, c'est qu'un transport sur place sera la meilleure façon de nous convaincre de la nécessité ou non d'un agrandissement du préau à cet endroit. Quant à moi, m'étant rendu sur place, je peux vous dire que cette parcelle serait un lieu idyllique, où les enfants pourraient jouer dans des conditions particulièrement favorables. C'est pourquoi je réitère ma demande de renvoi en commission et d'un déplacement sur place. J'espère que ce parlement la suivra.

Mme Christine Sayegh (S). Mesdames et Messieurs, il est clair que ce projet de loi a été motivé par un problème de squat, que vous le vouliez ou non ! Je suis de la commune de Chêne-Bougeries et je suis au courant des discussions qui ont eu lieu préalablement. Les six membres de l'opposition ont voté contre ce projet, parce qu'il était mauvais et trop limité. Néanmoins, nous espérons que Mme Gouda entendra l'appel du Grand Conseil et fera un effort pour nous présenter un meilleur projet, plus complet. C'est pourquoi nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission.

M. Laurent Moutinot. Je soutiens le renvoi du projet en commission, pour deux raisons très simples. Premièrement, sur le principe même, personne, aucun groupe ne s'oppose à un déclassement de la zone villa en zone d'équipement public, ce qui paraît parfaitement adéquat. Ensuite, s'agissant du projet concret, vous avez tous laissé entendre, clairement ou implicitement, qu'il n'était pas au point. Par conséquent, un retour en commission s'impose pour préciser ce projet, pour, cas échéant, se rendre sur place et pour entendre la commune. La commission prendra le temps nécessaire pour que ce projet ait la qualité requise et fasse, cette fois-ci, l'unanimité, puisque je n'ai pas entendu d'objection sur le principe même du déclassement.

Le président. Nous allons voter sur le renvoi de ce projet de loi en commission. Je signale que la demande de vote nominal a été retirée par M. Glatz.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission d'aménagement du canton est adoptée.