Séance du jeudi 16 mars 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 6e session - 12e séance

M 1320
12. Proposition de motion de Mmes et MM. Rémy Pagani, Dolorès Loly Bolay, Pierre Vanek, Jean Spielmann et Marie-Paule Blanchard-Queloz pour une meilleure utilisation des terrains à bâtir en zone villa. ( )M1320

Vu la requête en autorisation de construire n° 95877 publiée dans la Feuille d'avis officielle du 15 novembre 1999, portant sur le morcellement de la parcelle 2383 feuilles 47 et 48, sise sur la commune de Vandoeuvres, propriété du Crédit Suisse First Boston Zurich, en vue d'un morcellement de cette parcelle dans le but d'y construire des villas.

vu l'importante surface de la parcelle en cause, soit 24'048 m2.

que cette parcelle sise au chemin de la Blonde avait été retenue à la fin des années 1980 par le Conseil d'Etat comme étant l'un des périmètre à urbaniser.

qu'un projet de densification en vue de construire des immeubles locatifs de petit gabarit de deux étages sur rez avait été mis au point en vue d'une modification du régime des zones applicable à cette parcelle (création d'une zone de développement 4B).

que ce projet ne s'est malheureusement pas concrétisé.

que depuis quelques années, la situation est restée inchangée, si ce n'est que le créancier gagiste (le Crédit Suisse) est devenu propriétaire de la parcelle.

que son projet de morcellement dans le but de construire des villas individuelles va à l'encontre des objectifs du plan directeur de notre canton, qui préconise la densification des grandes parcelles non construites se trouvant en 5e zone de construction (zone villas).

Pour ces motifs,

Le Grand Conseil de la République et canton de Genève

invite le Conseil d'Etat :

à refuser le projet de morcellement faisant l'objet de la requête en autorisation de construire n° 95877 portant sur la parcelle 2383 feuilles 47 et 48, sise sur la commune de Vandoeuvres ;

à élaborer un projet de modification du régime des zones pour ladite parcelle afin d'en tirer un meilleur parti constructif.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La présente motion vise à concrétiser la volonté exprimée à maintes reprises par le Grand Conseil de mieux utiliser les terrains non bâtis situés en zone villas.

Au vu des considérants de la présente motion, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à celle-ci.

Débat

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Cette motion, intitulée « pour une meilleure utilisation des terrains à bâtir en zone villa », n'aurait à notre avis pas lieu d'être au moment où le projet de concept d'aménagement du territoire est à l'ordre du jour. Comme il est précisé à la page 40 du projet de concept, c'est près de la moitié des zones à bâtir du canton qui est constituée par la zone villa. Elle offre donc une importante réserve à bâtir. Le projet affirme qu'elle ne devrait pas être étendue et qu'il s'agit de promouvoir une utilisation plus intensive de cette zone.

Au chapitre du cadre économique et social, au point 1.8, du concept d'aménagement, l'objectif est : « développer une politique du logement répondant en priorité aux besoins prépondérants de la population ». On connaît tous ici ces besoins prépondérants. Pour avoir participé à quelques séances de la commission d'aménagement qui a traité le projet de concept, qui est d'ailleurs retourné en commission, j'ai constaté qu'une année a à peine suffi pour tenter de se mettre d'accord sur chaque mot, chaque définition, chaque virgule, dans cette lignée d'objectifs à atteindre. En l'occurrence, il s'agit ici de choses très concrètes, c'est-à-dire que le Crédit suisse, propriétaire gagiste d'une grande parcelle de 24 000 m2 à Vandoeuvres, dépose une requête en autorisation de construire en novembre dernier, portant sur le morcellement de la parcelle en vue de construire des villas. Or, cette parcelle avait été retenue par le Conseil d'Etat dans les années 80 comme étant l'un des périmètres à urbaniser. Un projet de densification en vue de construire de petits immeubles locatifs avec modification du régime de zone en zone de développement n'a malheureusement pas abouti. Non seulement ce projet de construction de villas va à l'encontre du projet d'aménagement présenté par le Conseil d'Etat, mais il est contraire au plan directeur du canton qui préconise la densification des grandes parcelles non construites en zone villa.

Ce que demande cette motion est donc très simple, à savoir que la décision du département soit conforme au plan directeur. Le groupe de l'AdG vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à envoyer cette motion au Conseil d'Etat afin que le département refuse ce morcellement de parcelle et surtout élabore un projet de modification du régime des zones pour que celles-ci permettent la réalisation de logements pour la grande majorité de la population. 

M. Christian Grobet (AdG). Cette motion se rapporte à un cas ponctuel, mais traite, comme Mme Blanchard-Queloz vient de le rappeler, un problème extrêmement important quant à l'utilisation de nos zones à bâtir. Si nous n'arrivons effectivement pas à densifier les grandes parcelles en zone villa, nous allons évidemment devoir procéder assez rapidement à des déclassements de terrains agricoles, ce que nous ne souhaitons pas. Je pense qu'il serait souhaitable d'essayer de voir, parce que ce n'est pas évident de proposer des projets de modification de zone en zone villa - on se fait beaucoup d'adversaires dans les sites en cause - d'essayer de voir si des procédures pourraient être enclenchées sur demande du Grand Conseil. Il faudrait trouver une solution, parce que je constate, Monsieur Moutinot, qu'il y a une autre requête portant sur des terrains très importants, qui sont les parcelles Cloëtta à Vernier. Je vois qu'il est question dans la « Feuille d'avis officielle » d'y construire une trentaine de villas en ordre contigu et un certain nombre de villas individuelles. Je ne sais pas si ce sont les fameux terrains qui sont situés à côté du cimetière de Vernier ou s'il s'agit d'autres terrains.

Je rappelle aussi qu'à l'ouest du village de Vernier, sur la route de Peney qui descend en direction de la zone du Bois-de-Bay, votre prédécesseur a autorisé d'importants lotissements de villas sur des terrains qui se prêtaient également magnifiquement bien à la construction de petits immeubles. Je crois qu'il y a là véritablement un problème qui se pose, c'est de savoir comment appliquer les principes qui figurent dans le plan directeur et qui ont été rappelés par Mme Blanchard-Queloz. Je voulais en tout cas, au moment où nous demandons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, vous demander également d'examiner, pour éviter de déposer une seconde motion, le problème des terrains Cloëtta à Vernier. Il me semble qu'un gaspillage de terrains extrêmement regrettable risque de se produire là aussi, à un endroit où il y a une centralité évidente et où la construction d'immeubles se prêterait. Je ne me souviens plus des raisons pour lesquelles le Conseil municipal de Vernier s'était montré réticent à un projet de construction près du cimetière. Je crois que la commune craignait une augmentation du nombre des HLM. Il est vrai que la commune de Vernier a des problèmes dans la mesures où il y a beaucoup de HLM et de HBM, mais il est aussi important de garder des réserves de terrains pour l'avenir, quitte à la limite, puisque M. Büchi pense qu'il n'y a pas assez de logements non subventionnés qui se construisent, à prévoir sur ces terrains des logements non subventionnés, s'il faut donner satisfaction à la commune de Vernier sur ce point. Mais il ne faut en tout cas pas gaspiller ces terrains. 

M. René Koechlin (L). Les auteurs de cette motion prennent l'exemple d'une parcelle importante pour soulever un problème de fond, un problème qui est également évoqué dans le projet de concept. Mais je vous rappelle que ce n'est pas d'hier que l'on se pose ce genre de question. On en a abondamment débattu dans cette enceinte, à l'époque où M. Jean-Luc Richardet occupait encore les rangs du parti socialiste; il avait déposé un projet de loi, qui a d'ailleurs été voté et que l'on appelle communément la loi Richardet. Cette loi autorise les communes, sur délibération du conseil municipal, à octroyer un coefficient d'utilisation du sol de 0,4 dans une zone villa pour construire précisément de petits immeubles. Je vous ferai remarquer que cette faculté a été utilisée dans un certain nombre de cas déjà. Il y a par exemple le cas de toute la campagne De Candolle à Chêne-Bourg, où l'on construit de petits immeubles en zone villa. On densifie donc d'une certaine façon en zone villa sans qu'il soit nécessaire de procéder à un déclassement. C'est une question d'opportunité. Je ne sais pas si, dans le cas que vous soulevez, c'est la bonne opportunité; mais il me semble que l'on devrait, avant de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, le savoir et s'informer sur cette question.

C'est la raison pour laquelle je vous suggère, Mesdames, Messieurs, de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement, pour que l'on puisse non seulement auditionner le département, mais aussi la commune. Je pense que c'est la moindre des choses. Si la commune nous déclare qu'elle a l'intention de réaliser un plan de quartier avec un coefficient de 0,4 en application de la loi Richardet, on n'aura pas besoin de déclasser et l'on demandera à la commune de donner suite. Il faut donc l'étudier avant de la renvoyer : je suggère que l'on examine cette motion en commission d'aménagement. 

M. Alain Etienne (S). Les socialistes sont bien évidemment favorables à une meilleure utilisation des terrains à bâtir en zone villa, puisqu'il s'agit avant tout de répondre aux objectifs de l'aménagement du territoire, à savoir une utilisation mesurée du sol. A plusieurs reprises, les socialistes ont affirmé ce principe, notamment lors du vote de déclassement à la Voie-du-Coin, au Grand-Saconnex. Mais, dans ce cas-là, il n'y a pas eu une majorité pour déclasser l'ensemble de la parcelle.

La proposition qui nous est faite par les représentants de l'Alliance de gauche vise en fait un terrain bien précis situé à Vandoeuvres qui, s'il semble connu des motionnaires, reste encore difficilement identifiable en l'absence d'un plan. Il s'agira alors pour nous d'étudier en commission l'opportunité d'un tel déclassement et de considérer notamment l'historique de ce dossier, la localisation des parcelles, l'intégration dans le site, la proximité avec les transports publics et les équipements publics.

Les socialistes soutiendront l'envoi de cette motion à la commission de l'aménagement plutôt qu'au Conseil d'Etat. 

M. Florian Barro (L). Le projet de motion propose donc de densifier un secteur, cela a déjà été dit. Mais les équipements publics ne sont manifestement pas à la hauteur de l'attente des motionnaires. Par contre, lorsque les secteurs sont adaptés, notamment en Ville de Genève ou dans la couronne urbaine proche, souvent en zone villa, voire en zone de développement avec une zone de fond villa, les mêmes motionnaires s'opposent par tous les moyens à la densification de ces zones particulièrement propices à l'utilisation rationnelle des moyens dont nous disposons, tels que les équipements publics, les collecteurs, les transports publics et les voiries. Cette démarche va donc à l'envers du bon sens. Vouloir imposer systématiquement une densification irréfléchie va définitivement décourager une certaine catégorie de population à venir s'installer dans notre canton et empêcher ainsi de contribuer à l'effort de solidarité fiscale indispensable pour mener la politique sociale que nous souhaitons et que M. Moutinot a encore rappelée à 17 h.

Je relève, s'agissant de la première invite, qu'il est particulièrement incongru d'enjoindre au Conseil d'Etat, avec une simple motion de deux pages, de refuser, par son département délégué, une autorisation de construire. La moindre des choses serait que la requête déposée fasse l'objet d'un examen complet par les services concernés et que la décision soit correctement publiée dans la « Feuille d'avis », conformément à la loi, ou refusée avec des motifs qui ne soient pas uniquement politiques. L'ingérence de ce Grand Conseil, que les motionnaires entendent introduire dans les procédures d'autorisation de construire, créerait un fâcheux précédent et est à mon avis totalement incompatible avec la séparation des pouvoirs. Par contre, libre aux motionnaires de proposer une demande d'avant-projet de déclassement.

M. Koechlin l'a rappelé, la loi Richardet permet une certaine densification sans passer par le déclassement. C'est à mon avis également dans cette direction qu'il conviendrait de travailler, plutôt que d'imposer par la force et sans concertation préalable son point de vue. Et c'est bien de la concertation que réclame bien souvent M. Pagani dans sa mission de président de la Fédération des associations de quartier. En effet, celle-ci n'a pas cessé de se plaindre du non-respect de la prise en considération des habitants des lieux lors de projets en Ville de Genève et maintenant, sans réflexion, ni consultation de la commune ou des habitants, les motionnaires tentent d'imposer leur vision dogmatique dans ce secteur.

A ce stade du dossier, je vous propose, comme cela a déjà été dit, de renvoyer tout cela en commission pour que l'ensemble des intervenants puissent proposer d'autres solutions à cette vision. 

Le président. Je passe la parole à M. Portier, en priant Mme Guichard et M. Glatz de s'asseoir ou de se déplacer pour que je puisse voir l'intervenant !

M. Pierre-Louis Portier (PDC). A la lecture de cette motion, on est une nouvelle fois sidéré par la brutale ingérence des motionnaires dans les discussions et négociations menées depuis fort longtemps par le département de l'aménagement, le propriétaire de la parcelle et la commune de Vandoeuvres. On nous décrit la situation en passant complètement sous silence ce qui s'est passé entre 1980 et ce jour. Or, dialogue il y a eu. Et ce projet de morcellement destiné à la construction de belles villas individuelles est l'aboutissement d'un large échange entre les parties concernées. C'est également un projet découlant d'une forte demande commerciale, puisque les futures villas sont quasiment toutes réservées ou en passe de l'être. On nous dit dans le quatrième paragraphe qu'un projet de densification en vue de construire des immeubles locatifs de deux étages sur rez avait été mis au point avec à la clé un déclassement en zone 4B. Mais, de source sûre, je sais que les autorités, tant exécutives que délibératives, de Vandoeuvres sont tout à fait favorables à la construction de ces villas individuelles et donc au maintien de cette parcelle en zone 5. Ce type de construction correspond parfaitement, selon ces mêmes autorités, à l'environnement de la parcelle retenant ce jour notre attention.

Alors, Mesdames et Messieurs, je vous pose la question suivante. Dans cette affaire, où est l'indispensable concertation qui devrait présider entre notre parlement et les autorités locales ? Car, une nouvelle fois, certains membres de ce Grand Conseil tentent d'imposer leurs vues par la seule force de leur majorité. Ce type de dictature parlementaire ne peut qu'aboutir à des affrontements néfastes et souvent stériles.

S'il est tout à fait défendable que les autorités cantonales doivent se préoccuper de l'avenir des grandes parcelles situées dans les zones constructibles encore disponibles dans notre canton, il est en revanche indispensable qu'elles agissent par le biais de la concertation et du dialogue et non pas comme aujourd'hui via une motion, laquelle, si elle était votée, ne susciterait auprès des autorités et de la population de Vandoeuvres qu'indignation et frustration. C'est dire qu'il faut absolument entendre les autorités communales et également les personnes engagées dans cette promotion. De manière générale, il est également indispensable que nous nous donnions, au moment où nous avons la chance d'accueillir de nouvelles entreprises, les moyens de loger toutes celles et ceux qui le souhaitent dans des maisons individuelles, lesquelles, vous le savez, deviennent difficiles à trouver suite à une très forte demande. Ceci, même si nous vivons également une hausse non contestée de la demande d'appartements.

Mais ne commettons pas l'erreur de vouloir implanter des immeubles à proximité de grandes zones villa et dans des lieux de notre canton qui sont historiquement ou urbanistiquement dévolus à l'habitat résidentiel ! Par contre, réfléchissons ensemble à des solutions maintenant le régime de la zone villa, quelques-uns de mes préopinants l'ont retenu comme hypothèse, en jouant sur le regroupement des droits à bâtir. Dans bien des cas, cela permet la réalisation de constructions bien mieux équilibrées par rapport aux proportions des surfaces habitables et des jardins, ainsi que des aménagements extérieurs de qualité, contrairement aux trop nombreux lotissements de villas contiguës qui se sont construits ces dernières décennies. On peut également, par ce biais, répondre à la demande de logements de qualité sans les inconvénients inhérents à l'entretien d'un jardin d'une villa individuelle. Enfin, c'est là une alternative de réponse urbanistique pour l'aménagement de nos communes résidentielles.

En conclusion, comme nous nous trouvons face à une nouvelle tentative de forcing parlementaire et que nous ne pouvons pas accepter de telles formes de diktat, notre groupe refusera cette motion et nous vous invitons à en faire de même. 

Mme Janine Hagmann (L). Comme il vient d'être dit, cette motion représente une démarche étonnante, car elle frise l'ingérence. Après onze ans d'allers et de retours, la commune, le propriétaire et, j'ose croire, le département ont trouvé une solution qui convient à chacun. Une très grande concertation s'est instaurée entre la commune et le propriétaire. Les services de M. Moutinot ont toujours été consultés. Chacun dans cette enceinte est d'accord pour dire qu'il faut différencier l'urbanisation. La commune de Vandoeuvres a fait faire une étude globale d'aménagement par le bureau Ortis et les directives émises dans cette étude ont été suivies comme si cette étude était la bible.

Le chemin de la Blonde a une valeur de site reconnue. Une étude faite par Mme Anita Frey et M. Yves Bischopberger sur le plan national a reconnu une valeur historique à ce site. C'est un des derniers endroits où les bocages formés par les majestueux chênes existent toujours. Et vous le savez, chaque chêne tombé à Vandoeuvres est toujours replanté, puisque Vandoeuvres essaye d'avoir un chêne par habitant. Je ne peux d'ailleurs que vous recommander d'aller voir ce site qui est assez intéressant. Je remercie M. Moutinot qui s'est déplacé lui-même il y a quinze jours pour voir l'endroit, objet de votre motion.

Je voudrais d'ailleurs revenir sur cette motion. Il est vrai qu'un promoteur avait envisagé en 1989 de demander un déclassement pour densifier cette parcelle. Je me fais un plaisir de vous lire une partie de la réponse que M. Christian Grobet, alors conseiller d'Etat, lui avait donnée. M. Christian Grobet a toujours été à l'écoute, je dois le reconnaître, des avis de la commune de Vandoeuvres. M. Grobet écrit donc à l'avocat du mandant : « Je suis étonné que votre mandant ne comprenne pas qu'une modification de zone est une entreprise délicate et qu'il n'est pas possible d'écarter l'avis d'une commune d'un revers de main. Dois-je rappeler qu'une initiative populaire a été lancée dans le but de donner plus de pouvoirs aux communes en matière d'aménagement du territoire ? C'est dire que le Conseil d'Etat n'entend pas brusquer les choses. Il est donc exclu d'engager une procédure en modification de zone. » Monsieur Grobet, vous qui avez une très bonne mémoire, vous vous souvenez certainement de notre entrevue - j'étais alors adjointe, M. Regenass était maire - lorsque je vous avais présenté, après une longue discussion, des photos du site, des photos assez belles prises au moment où les blés étaient mûrs. Vous m'aviez dit que vous n'aviez pas imaginé que ce terrain avait une aussi belle valeur environnementale. Je m'en souviens très bien. Vous m'aviez encore dit : « Vous faites fausse route à Vandoeuvres. Il vous faut remettre ce terrain en zone agricole. » Si bien qu'il n'y a jamais eu de réel projet, je le conteste d'ailleurs formellement, de déclassement de ce terrain. On ne peut en effet pas établir un projet sur un terrain comme on sortirait un lapin d'un chapeau. On ne peut pas le traiter non plus comme une rondelle de saucisson. Il faut avoir un peu de jugeote.

Ce terrain est loin du centre, loin des écoles, il n'est desservi par aucun transport public, il n'a aucun autre accès que le chemin de la Blonde, il n'a pas l'équipement nécessaire pour supporter une modification. La commune a une politique d'aménagement du territoire globale et, après bien des discussions, elle a effectivement construit, comme l'ont préconisé mes prédécesseurs - selon la loi Richardet - au Hauts-Crêts, près des immeubles de la Planta, puisque c'est ce que vous nous aviez conseillé. Elle a accepté de densifier là, car l'endroit s'y prêtait. A la Blonde, non ! Il faut respecter les sites de valeur.

C'est avec regret que la commune voit pour finir ce terrain se morceler, mais elle a donné un préavis favorable, car le lotissement prévu est intelligent. Je vous rappelle qu'il a été élaboré en concertation totale et qu'un règlement, agréé par chaque partie, devra être respecté.

Je voudrais aussi indiquer aux motionnaires qu'il ne s'agit plus de 24 000 m2, mais d'un peu moins de 18 000 m2, la commune ayant voté l'acquisition d'une partie de cette parcelle, n'ayant plus de réserve foncière.

Mesdames et Messieurs les motionnaires, vous ne pouvez donc pas prendre la responsabilité de déclasser ce terrain. Vous déplaceriez la ville à la campagne, ce qui serait aberrant au point de vue des nuisances. L'excellent François Longchamp disait dans une récente édition du « Temps » : « Les logements «haut de gamme» et les maisons individuelles disponibles sont de plus en plus rares sur le territoire du canton. L'office de la promotion économique se voit contraint de recibler sa politique vis-à-vis des multinationales susceptibles de venir s'implanter à Genève. » Je vous lis encore la fin de son article et c'est avec cela que je conclurai : « Genève réalise subitement les errances de sa politique, celle qui consiste à vouloir des riches, mais à se refuser à construire des logements pour les accueillir, celle qui donne, pour des raisons souvent électoralistes, la priorité absolue à la construction de logements sociaux dans les rares zones encore à bâtir. Ce n'est pas sa promotion économique que Genève doit mettre en veilleuse, c'est sa politique d'aménagement qui doit se réveiller. »

Pour cela, Mesdames et Messieurs, je vous conseille personnellement de rejeter cette motion. 

M. Laurent Moutinot. Nous sommes apparemment tous d'accord pour dire qu'il faut une meilleure utilisation des terrains à bâtir en zone villas. S'il y a encore quelques divergences dans l'élaboration du projet de concept de plan directeur, il y a néanmoins un certain nombre de critères sur lesquels l'accord existe. En ce qui me concerne, les déclassements doivent fondamentalement toujours obéir aux mêmes critères. Ce que je vous ai dit tout à l'heure des Coudriers, je vais évidemment vous le dire de Vandoeuvres.

Il faut un périmètre d'une certaine taille. Il faut une certaine proximité avec l'agglomération, parce que M. Pagani nous rappelle utilement qu'il faut éviter la liquéfaction de la ville à la campagne et qu'il faut lutter contre la dispersion de l'urbanisation. Il faut des transports publics performants et par conséquent se trouver sur des axes structurants. Et il faut que les équipements soient disponibles ou susceptibles d'être construits. Evidemment, il n'existe que très rarement, Mesdames et Messieurs les députés, un périmètre qui réponde à l'ensemble de ces critères qui sont en général admis par tous. Dans le cas du périmètre visé par la motion, la taille du périmètre joue manifestement en faveur d'un déclassement. S'agissant des autres critères, ils me paraissent loin d'être remplis.

Vous avez souhaité, connaissant la difficulté de ce genre de processus, examiner plus avant les questions posées par ce périmètre. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il soit traité en commission d'aménagement, parce que si nous nous mettons d'accord sur les critères, il faudra alors systématiquement les appliquer à tous les terrains, en particulier les terrains de Vernier, Monsieur Grobet, mais aussi les terrains situés sur le haut du plateau de Frontenex, à la limite des communes de Genève, de Chêne-Bougeries et de Cologny. Il y en a encore un certain nombre d'autres.

Je dirai qu'il y a presque un moment mathématique. Lorsque trois des critères sont réalisés, il faut aller de l'avant. Lorsqu'il n'y en a qu'un seul, ce n'est peut-être pas suffisant. De ce point de vue là, vous avez à juste titre mis le doigt sur un périmètre intéressant. A-t-il toutes les caractéristiques requises pour être déclassé ? J'ai des doutes ! Peut-il supporter une densité de 0,4 ? Certainement ! Devant cette situation, il ne me paraît effectivement pas déraisonnable d'approfondir la discussion en commission d'aménagement.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.