Séance du vendredi 21 janvier 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 4e session - 4e séance

RD 348-1
5. a) Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (2e année de la législature 1997-2001). ( -)RD348
Rapport de M. Jean-Marc Odier (R), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
M 1316
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Esther Alder, Janine Berberat, Juliette Buffat, Fabienne Bugnon, Nicole Castioni-Jaquet, Pierre-Alain Cristin, Anita Cuénod, Jeannine de Haller, Marie-Françoise de Tassigny, Hubert Dethurens, Pierre Froidevaux, Gilles Godinat, Nelly Guichard, Georges Krebs, Jean-Marc Odier, Albert Rodrik et Olivier Vaucher concernant les mineur(e)s détenu(e)s à Champ-Dollon et Riant-Parc. ( )M1316
P 1226-A
Pétition pour améliorer la condition de vie des prisonniers à Champ-Dollon. ( -)P1226
Rapport de Mme Anita Cuénod (AG), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
P 1228-A
Pétition pour l'installation du câble à Champ-Dollon. ( -)P1228
Rapport de Mme Anita Cuénod (AG), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil

 c) Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil chargée d'étudier les objets suivants :

(RD 348)

Rapporteur: M. Jean-Marc Odier

Les travaux de la Commission des visiteurs de prison ont été conduits pour l'année 1999 sous la présidence de Mme Janine Berberat, assistée par Mme Jeannine de Haller, vice-présidente. Le bureau du Grand Conseil était représenté par Mme Janine Hagmann.

Les travaux ont été suivis par M. Thierry Brichet, adjoint de direction du service du Grand Conseil, MM. Alexandre Agad, Bernard Duport et Christophe Friederich, secrétaires adjoints au DJPT, et M. Jacques Reymond, directeur du service d'application des peines et mesures (SAPEM), lors des visites des établissements. La commission leur adresse ses sincères remerciements pour leur précieuse collaboration dans l'organisation des déplacements et des visites ainsi que pour l'apport d'informations nécessaires au bon déroulement de sa tâche.

Des remerciements vont également à M. Jean-Luc Constant, Mlle Valérie Stucki, Mmes Pauline Schaefer et Monique Arav qui ont tenu les procès-verbaux de nos travaux avec rigueur et précision.

Enfin, nous exprimons des remerciements particuliers aux directeurs et directrice d'établissements de détention et à leurs collaborateurs, ainsi qu'à toutes les personnes auditionnées, qui ont facilité l'accès à l'information en répondant activement aux attentes des commissaires, à savoir et dans l'ordre chronologique des travaux de la commission :

M. .

M. Jean-Michel Claude, directeur de Champ-Dollon, le comité de direction, MM. Guy Savary, Jean-Pierre Python, Richard Bloch, Richard Speck, Francis Oppeliguer, Jean-Pierre Baechler, ainsi que MM. Philippe Schaller, Roland Oesch et Joël Brandt, représentant les gardiens,

. .

M. .

M. .

M. M. H. Nuoffer, directeur des établissements pénitentiaires de Bellechasse, (EPB), M. B. Hofmann, directeur adjoint, M. C. Neuhaus, responsable de l'encadrement socio-thérapeutique et M. J-M Limat, responsable de l'enseignement,

M. .

M. .

Mme Marie-Françoise Lucker-Babel, présidente du Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant, (GEODE), Mmes Laura Cardia-Vonèche, Françoise Arbex, Anne Grandjean, M. Pierre Gasser, membres de GEODE,

M. Lucien Kohler, directeur de la fondation « Foyers Feux-Verts », M. Roland Fankhauser, directeur de la Clairière,

Mme Monique Ecabert, cheffe de service à la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc, M. Jean Grosfort, adjoint administratif du service d'application des peines et mesures, (SAPEM),

M. Benjamin F. Brägger, directeur adjoint des établissements de Witzwil, M. Faietti, directeur adjoint,

M. Philippe de Sinner, directeur du centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire, M. Kissenpfennig, animateur de cours.

Préambule

Nommés généralement pour la durée de la législature, les députés de la Commission des visiteurs de prisons peuvent avoir une approche évolutive sur le milieu carcéral par le suivi de leurs travaux.

Le hasard du tirage au sort des députés de la Commission de grâce pour la deuxième année de la législature a largement modifié la composition de la Commission des visiteurs de prisons. En effet, la nomination à la Commission de grâce ne pouvant être refusée, et le mandat étant incompatible avec celui de la Commission des visiteurs, six membres sur neuf ont dû céder leur siège.

L'examen des conditions de détention faisant l'objet d'une appréciation personnelle basée sur le vécu des visites, à savoir l'observation des lieux et l'écoute des protagonistes, le profond remaniement de la commission apporte de fait en grande partie un regard nouveau et peut-être différent des années précédentes.

Méthode de travail de la commission

Se conformant à la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01), et plus particulièrement sur ses articles 227, 228, 229 et 230, la commission a pour tâches :

d'examiner les conditions d'incarcération dans les lieux de détention genevois ou faisant partie du concordat romand et du Tessin, lorsqu'une peine résultant d'un jugement pénal rendu par les tribunaux genevois y est exécutée,

d'entendre les détenus qui en ont fait la demande,

de visiter les établissements où sont placés des adolescents par une autorité pénale genevoise,

d'examiner toute demande écrite qui lui est adressée par un détenu. Transmettre à l'autorité compétente les demandes qui ne sont pas de son ressort,

de rechercher tout complément d'information utile,

de présenter au Grand Conseil un rapport à l'intention du Conseil d'Etat et du procureur général, indiquant toute recommandation ou observation qu'elle estime justifiées.

Sur la base des tâches qui attendent la commission et en fonction des propositions d'auditions des commissaires dans le cadre de la recherche de compléments d'informations utiles, la commission planifie ses travaux. Considérant l'échéance à laquelle le rapport doit être voté par le Grand Conseil ainsi que les visites obligatoires, le calendrier s'avère rapidement chargé.

D'autre part, la commission est saisie de quatre objets :

PL 7843, 1998, modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01)

P 1226, novembre 1998, améliorer la condition de vie des prisonniers à Champ-Dollon

P 1228, décembre 1998, pour l'installation du câble à Champ-Dollon

M 1297, juin 1999, demandant que l'ensemble des conditions de nomination du nouveau directeur de la prison de Champ-Dollon soit reconsidéré par le Conseil d'Etat et qu'une enquête soit menée par la Commission des visiteurs officiels sur les conditions de détention des prévenus et sur la gestion du personnel depuis la nomination de ce directeur. En outre, la motion mandate la Commission des visiteurs pour apporter la lumière sur les causes des événements survenus ce printemps à Champ-Dollon.

Ces quatre objets seront traités au cours des travaux de la commission, et feront l'objet de rapports séparés au présent document.

III. Visites et auditions

CICR division de la protection, M. Pascal Daudin (28 janvier 1999)

Désirant connaître le point de vue d'un organisme rompu aux visites de lieux de détention et des personnes privées de liberté, la commission a souhaité entendre le CICR pour découvrir de manière plus précise son rôle, mais surtout ses méthodes de travail.

D'autres organismes, comme le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et le Comité Européen pour la Prévention de la Torture (CEPT) occupent également un rôle important dans ce domaine. En ce qui concerne la Croix-Rouge, elle oeuvre le plus souvent dans l'urgence, dans des situations de guerre et de violences internes. Agissant dans des situations de conflit, le cadre juridique est délimité par les conventions internationales et des normes des Nations Unies.

100 à 150 personnes sont employées par la structure nécessaire aux visites de 100 à 150'000 personnes par année dans 35 à 40 pays.

C'est principalement par manque de moyen ou de volonté que les pays ne peuvent assurer des conditions décentes de détention, à l'exemple du Rwanda où près de 130'000 détenus s'entassent dans un système pénitentiaire de 30'000 places.

Le CICR travaille sur divers axes :

contre les disparitions,

contre la torture,

contre les traitements dégradants,

contre les mauvaises conditions matérielles de détention,

pour des standards judiciaires minimaux.

Le contexte politique et économique du travail du CICR ne peut se comparer avec celui des travaux de la Commission des visiteurs. Cependant, les principes de recherche d'éléments d'information nécessaires à une évaluation la plus objective possible restent semblables.

Plutôt que l'aspect visible des conditions matérielles, le visiteur de prison devrait se concentrer sur le réel fonctionnement de la prison. Plus utile que les yeux, l'écoute permet de comprendre, d'apprécier les relations humaines, la communication, l'organisation de l'établissement.

Ne pas se laisser aveugler et faire la part des choses est une approche primordiale du visiteur. Paradoxalement, ce ne sont pas forcément les détenus les plus vulnérables qui demandent à être entendus, mais souvent les fortes personnalités s'exprimant très facilement. Selon M. Daudin, une vision objective est d'autant plus difficile qu'en milieu carcéral, personne ne dit totalement la vérité, comme personne ne ment totalement. Il s'agit d'un jeu légitime des protagonistes et il faut considérer toute situation apparaissant excessive avec prudence, en gardant les réserves d'usage sur les témoignages reçus. Rechercher des informations d'une autre provenance pour corroborer des éléments dénoncés demeure nécessaire pour affiner l'objectivité d'un constat. Ecouter les familles et des associations d'anciens détenus ou d'anciens gardiens peut s'avérer utile. La commission pourrait en envisager la possibilité.

Véritable société de taille réduite, la population carcérale est hétérogène et repose sur une structure induite par des rapports de forces, entre détenus, mais aussi avec la direction, malgré des règlements clairs et rigides. Bien que ces rapports de forces n'existent pas envers les visiteurs, les détenus tentent d'exercer une pression sur ces derniers. Contrairement aux craintes de certains députés, M. Daudin ne voit pas de problème dans le fait que la commission prenne les repas avec la direction des établissements. Il s'agit d'un passage obligé, pratiqué également par le CICR, connu des détenus et qui ne doit pas être perçu comme une perte d'indépendance, mais débouche sur un travail de longue haleine portant ses fruits à terme.

De même, M. Daudin ne croit pas particulièrement à l'efficacité de la recherche du flagrant délit par des visites inopinées. Les mauvais traitements peuvent avoir pour origine les conditions de travail des policiers ou des gardiens, la surcharge de travail, les collègues qui incitent, voire même une certaine lassitude. Il convient dès lors d'envisager le problème de manière plus large, en agissant sur les causes plus que sur le mal.

Dans de nombreux pays, la répression est utilisée en prison dans un but de dissuasion, et il n'est pas toujours évident pour tous les responsables politiques, judiciaires et pénitentiaires de reconnaître qu'il ne doit y avoir aucun châtiment au-delà de la privation de liberté.

Evaluer le milieu carcéral doit se faire en multipliant les sources de renseignements. Recueillir avec les réserves d'usage les témoignages, se fier à un ensemble d'informations convergentes, sont les principes indispensables pour assurer la crédibilité d'un travail neutre.

Champ-Dollon (1re visite, 10 février 1999)

L'annonce de la visite de la commission ayant suscité dix demandes d'auditions, le directeur, M. Claude, présente en guise d'introduction la prison en commentant un diaporama. Ensuite, la commission pourra auditionner les détenus qui en ont fait la demande particulière, puis les auteurs de la pétition 1226 et enfin les gardiens. La pétition faisant l'objet d'un rapport séparé, l'audition de ses auteurs ne sera pas rapportée ici.

Outre les mécanismes de fonctionnement d'une prison préventive, M. Claude évoque par les chiffres la complexité de la tâche causée par la grande diversité des détenus. L'âge, le sexe, la religion, l'état de santé, le genre de délit et l'origine sont autant de facteurs individuels à prendre en considération dans l'organisation du placement du détenu et de ses activités. La nécessité d'observer distinctement ces critères doit permettre d'assurer la sécurité des détenus et de l'institution ainsi que de prévenir les risques de collusion liés au besoin de l'instruction. La courte durée des séjours propre à la détention préventive nécessite une modification perpétuelle de cette organisation. En 1998, le séjour d'un détenu sur deux n'a pas duré plus de huit jours. En décembre dernier, il a fallu organiser dix-sept promenades différentes dans une seule journée. 1998 est l'année record en terme de mouvement, car elle a enregistré le maximum d'entrées depuis son ouverture en 1977, à ne pas confondre avec les nuitées, dont le record a été atteint en 1992. Malgré ce perpétuel mouvement d'entrées et de sorties, et le fait que cela ne soit pas la pratique courante des prisons préventives, Champ-Dollon offre des activités en atelier, telles que cuisine, reliure, buanderie, ferblanterie, menuiserie, peinture, entretien bâtiments intérieurs et extérieurs. Malheureusement, les demandes dépassent les capacités d'offre d'activités et les détenus doivent attendre leur tour sur une liste d'attente, qu'une place en atelier se libère. Recherchant de nouvelles possibilités d'activités, il a été mis sur pied un travail de déconstruction pour élimination d'ordinateurs en fin de vie. D'autre part, un projet d'atelier du livre est actuellement en cours de développement.

M. Claude évoque la préoccupation primordiale de la direction de la prison. L'établissement n'est prévu légalement que pour l'accueil exceptionnel de mineurs, alors qu'il a enregistré 115 entrées en 1998. L'établissement n'est pas adapté et ses collaborateurs n'ont pas reçu de formation particulière pour la détention de mineurs. La nécessité d'exclure toute possibilité de contact entre détenus mineurs et adultes implique dans l'organisation générale de l'établissement d'attribuer des ressources humaines et un régime de détention particulier pour la gestion d'un quartier carcéral spécial. Cette nécessité représente une tâche supplémentaire sans que de nouveaux moyens aient été donnés.

Les perspectives ne semblent pas s'orienter vers une amélioration, puisque le Tribunal de la jeunesse a indiqué que la justice était interpellée par un nombre croissant de délits commis par les jeunes, ainsi que l'importance grandissante de leur gravité.

Audition des détenus (Champ-Dollon 1re visite, 10 février 1999)

Sur les dix demandes d'auditions annoncées, six sont confirmées. Les autres ne peuvent avoir lieu, soit parce que le détenu y a renoncé, soit parce qu'il a quitté l'établissement.

Un détenu âgé de dix-huit ans s'exprime au nom de tous les jeunes détenus de Champ-Dollon. Il se plaint d'être enfermé 23h30 sur 24, et qu'il n'y pas assez d'activités sportives. Il aimerait que les repas puissent être pris en commun, et que la cellule soit équipée d'une télévision. Pour les commissaires ayant entendu ce jeune détenu, il semblerait que les gardiens soient mal armés pour affronter les problèmes engendrés par la présence de mineurs dans l'établissement.

Les autres auditions évoquent différentes demandes : plus d'activités sportives ou artistiques (musique et peinture), des cours, des soins dentaires pour une dent manquante, la possibilité d'avoir un ordinateur dans sa cellule. Une personne se plaint que le service médical a remplacé ses pilules par un médicament liquide aux mêmes propriétés, mais qui ne semble en l'occurrence pas convenir. De l'avis de détenus auditionnés par les deux premiers groupes de commissaires, les contacts avec les gardiens apparaissent bons, tandis qu'un détenu entendu par le troisième groupe dénonce la torture mentale et les traitements inhumains dont il est victime. Entendu très attentivement sur ces accusations inquiétantes, le détenu met longuement en question le système judiciaire suisse et les causes de sa détention. En rapport direct avec la prison, il se plaint d'attendre de la direction un récépissé d'envoi de courrier.

M. Claude apporte les réponses suivantes sur les remarques formulées lors des auditions.

Il ne peut répondre à la place du service médical sur le cas particulier. Toutefois, de manière générale, si les médicaments sont prescrits sous forme liquide, c'est notamment afin qu'ils ne soient pas stockés par les détenus, avec les risques que cela pourrait engendrer. Par rapport à la question des soins dentaires, un cabinet médical au sein de la prison soigne les détenus. Ces frais médicaux sont répartis entre le détenu et l'administration en fonction de la nécessité du traitement.

En ce qui concerne les demandes d'activités supplémentaires, l'administration de l'établissement ne peut, dans la situation actuelle, y répondre positivement sans l'attribution de moyens supplémentaires. Cependant, l'offre actuelle en places de travail représente 150 postes pour 329 détenus. La liste d'attente pour obtenir une place de travail est de 74 personnes.

A propos du récépissé qu'un détenu n'a pas encore reçu, M. Claude indique que le courrier a été déposé pour envoi pendant les fêtes de fin d'année. Les courriers doivent d'abord être adressés à la justice pour censure. Sans qu'il n'y ait de blocage à un quelconque niveau, cette procédure est longue, et le paraît d'autant plus lorsque l'on est incarcéré. Dans le cas présent, la répétition de ces innombrables courriers a probablement contribué à ce que les personnes en charge de cette procédure relativisent le degré de priorité.

Enfin, concernant les mineurs, M. Claude estime que Champ-Dollon n'est pas équipée et n'a pas les ressources humaines pour gérer cette prise en charge très particulière. Ce travail est celui d'éducateurs. Etant donné que les mineurs ne doivent pas être en contact avec les détenus adultes, la configuration des lieux ne leur permet pas de prendre leurs repas en commun, et les contraint à faire leur promenade sur le toit. Si le Grand Conseil donne à Champ-Dollon le mandat de gérer l'accueil des mineurs, il lui faudra également lui en donner les moyens. En l'état, M. Claude ne peut faire plus et souhaite que le Grand Conseil se détermine sur cette question.

Audition des gardiens (Champ-Dollon 1ère visite, 10 février 1999)

L'écoute des gardiens étant une première dans le cadre des visites annuelles de Champ-Dollon, Messieurs les gardiens relèvent que cette démarche a été particulièrement appréciée. Le fait d'être entendu par une Commission parlementaire est une possibilité d'expliquer leur travail et les difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés. Comme il se doit normalement, les problèmes des gardiens ont déjà été directement présentés au département.

Un gardien pour deux détenus à l'ouverture de la prison, un gardien pour presque six détenus actuellement, le travail du gardien s'est modifié au fil des années, devant s'adapter à l'augmentation progressive du nombre de détenus. Au manque de temps pour l'écoute des détenus, viennent s'ajouter les difficultés de compréhension puisque à ce jour, septante langues sont parlées à Champ-Dollon. Les langues les plus parlées sont le français, l'italien, l'espagnol, l'anglais, le portugais, l'albanais, le serbo-croate, l'arabe, le russe et différents dialectes africains.

Si la violence entre détenus a évolué avec l'arrivée des ressortissants des pays de l'Est, l'agressivité envers les gardiens est relativement faible. Cependant, lorsqu'un gardien ouvre une cellule, il doit constamment être sur ses gardes. Dans les précautions d'usage, le secret médical que le service médical leur oppose est un problème lorsqu'un détenu présente un risque de maladie transmissible.

La détention des mineurs leur pose un problème majeur dont ils ne maîtrisent pas tous les aspects. Il faut préciser qu'ils ne reçoivent pas de formation spécifique dans le cadre de la formation de Fribourg. L'établissement ne possède pas de règlement spécifique à cette catégorie de détenus. Dans une situation vécue récemment, le chef d'étage agressé par un mineur s'est senti démuni de système adéquat pour répondre à cette provocation. Les mineurs se rendent compte de cette inadéquation et usent de ces situations ambiguës.

La formation du personnel est bonne, mais le manque d'effectifs ne permet pas de suivre correctement la formation continue et cause des problèmes à différents niveaux. Le détachement de gardiens pour les nombreuses promenades diminue la sécurité dans les étages. Le manque de temps à consacrer aux détenus ne permet pas d'apaiser certaines petites tensions. La salle de sport, où les tensions peuvent s'évacuer, n'est utilisée qu'un peu plus de trois heures par jour.

Les gardiens connaissent des problèmes de santé, parfois graves, dus comme d'autres professions aux horaires irréguliers et au stress. Conscient de l'évolution de la pression pesant sur les gardiens, le directeur a demandé que les collaborateurs puissent être aidés par une assistance psychologique. Cette demande n'a, à ce jour, pas abouti.

A la question d'un commissaire à propos de la fouille après le parloir, les gardiens indiquent que le déshabillage complet d'un détenu, même en deux temps, est le passage le plus difficile pour le gardien. Cependant, la sécurité à Champ-Dollon repose entièrement sur les gardiens. La configuration des bâtiments, et leurs équipements, ne sont plus adaptés aux circonstances actuelles. Par exemple, le soir venu, on ne distingue plus la façade de la prison depuis le mirador, les prisonniers détenus en cellule d'isolement ont la possibilité de communiquer par leurs fenêtres, le système de surveillance caméra ne couvre que les extérieurs de l'établissement, les détecteurs de métaux sont défectueux, la salle de sports n'est pas adaptée au plan sécurité. Bien qu'elle n'empêche pas totalement l'entrée de drogue dans la prison, la fouille après le parloir limite le phénomène.

La demande principale des gardiens se situe au niveau de la sécurité. L'amélioration de ces conditions passe par des moyens supplémentaires, matériels et humains. Les gardiens notent que la direction fait au mieux pour trouver des solutions à tous ces problèmes. Ils sont contents de l'orientation que la nouvelle direction a prise en replaçant la prison dans sa véritable vocation.

Audition de l'Association pour la prévention de la torture (18 mars 1999)

Mme Haenni, secrétaire générale de l'Association pour la prévention de la torture. D'origine genevoise, l'APT est une organisation non gouvernementale émanant de l'ancien Comité suisse pour la prévention de la torture.

La prévention par des visites de lieux de détention permet un dialogue, une coopération avec les autorités et une ouverture aux propositions émises par l'APT. L'activité de l'APT diffère de celle du CICR, qui ne travaille que dans le cadre des conflits armés. Suite au projet pour inscrire cette structure au niveau des Nations Unies, il en est résulté la Convention européenne pour la prévention de la torture et le comité européen pour la prévention de la torture.

Bien que la mission principale de l'APT ne soit pas d'effectuer des visites, il est déjà arrivé qu'elle remplisse des missions d'évaluation dans le cadre de l'OSCE. Collaborant avec l'ONU, l'OEA et l'OMT, l'APT recherche les informations pour montrer les défauts systémiques et les absences de contrôle. Les mécanismes de contrôle peuvent se décliner de plusieurs manières, les visites, la procédure de plainte et l'information donnée aux détenus. Certaine que le système des visites doit se travailler dans la continuité, l'APT a élaboré un guide d'enquêtes sur les conditions de détention et de traitement dans les établissements de privation de liberté.

A propos du type de visite, si elles sont annoncées, elles n'auront pas d'impact sur le système, par contre elles peuvent amener une amélioration des conditions matérielles des détenus. Le CPT recourt aux visites annoncées en début d'année et aux visites surprises annoncées 24 à 48 heures à l'avance. Dans le cadre de ces dernières, il n'est pas possible de faire disparaître toute trace en 24 heures, mais il n'est pas non plus envisageable de réaliser des flagrants délits. Comme le font remarquer certains commissaires, le système de visite de la Commission du Grand Conseil nécessite préalablement l'expression de la volonté du détenu. Il n'est pas tout à fait comparable et l'application de ce procédé au-delà des visites de postes de police n'est pas si simple. Par contre, la visite-surprise, dont il n'existe pas de véritable définition, sauf de frapper à la porte et d'entrer, pourrait avoir pour objectif de venir manger le plat du jour servi aux détenus. Confirmant l'utilité d'une telle démarche, Mme Haenni précise qu'il y a certaines règles devant être respectées, comme la préparation de menus sans porc à l'attention des musulmans et que le problème de l'alimentation est un problème récurrent dans toutes les prisons du monde.

A la question d'un commissaire demandant comment situer la torture mentale, Mme Haenni indique que la Convention des Nations Unies contre la torture la définit comme un acte infligé par une autorité de l'Etat pour obtenir quelque chose de quelqu'un. Cette définition n'élucide pas tout et la notion demeure subjective puisque chacun peut ressentir différemment la détention. Un isolement de neuf mois dans les pays scandinaves apparaît supportable, alors que ce n'est pas le cas dans les pays africains. Quant à savoir si la privation de liberté représente une telle torture, il s'agit en l'occurrence d'un choix politique.

Etablissements de la plaine de l'Orbe (14 avril 1999)

La commission est accueillie par M. D. Pieren, directeur des établissements de la plaine de l'Orbe, qui introduit la visite par la présentation des EPO.

Divisés en cinq secteurs, à savoir la détention, le socio-éducatif, l'exploitation, les finances et l'administration, les EPO disposent de deux lieux de détention : le pénitencier et la colonie.

La gestion des établissements nécessite environ 150 collaborateurs dont 110 affectés à la sécurité, et représente un budget total de 27 millions de francs, dont 20 sont couverts par les produits de l'exploitation, laissant le solde de 7 millions à la charge de l'Etat. Les recettes proviennent du produit de différents ateliers dont le domaine agricole et l'imprimerie pour laquelle l'impression des fournitures scolaires destinées aux écoles du canton pour un montant de près d'un million de francs.

Arrêtés à fin 1998, les chiffres présentent la situation suivante. La population carcérale se situe en majorité dans la classe d'âge de 30 à 39 ans, et d'état civil célibataire. Pour les petites peines, l'évolution de la moyenne d'âge des détenus a tendance au rajeunissement. La représentation des religions est majoritairement chrétienne, suivie d'environ 25 % de musulmans. 30 à 35 nationalités composent la population à 65 % étrangère.

Environ une personne sur trois est incarcérée pour un délit lié à la loi sur les stupéfiants. A part 7 % de détentions préventives, 28 % des peines sont comprises entre 1 et 3 ans, 28 % entre 3 et 8 ans, les autres s'échelonnant jusqu'à la détention perpétuelle. Le nombre de condamnations basées sur l'article 43 CPS (11 %) est en augmentation.

Sur 760 demandes de congés, 90 % ont été accordées. 30 % des détenus ont bénéficié de ces congés sur lesquels les échecs pour non-retour représentent 0,88 %.

Basés sur un territoire de 386 hectares, les EPO ont une mission à deux volets, à savoir la sécurité d'une part et la préparation des détenus au retour à la vie libre d'autre part. Ce retour se prépare par un programme convenu avec le détenu suite à une période d'évaluation. Le régime de responsabilisation offre au détenu cellule individuelle, travail en atelier, possibilité de formation professionnelle et temps de loisirs. Durant cette phase, il passe du pénitencier à la colonie pour terminer en section ouverte.

Afin de créer 14 places supplémentaires à la division psychiatrique et de porter à 264 le nombre total de places aux EPO, le personnel administratif sera regroupé à l'extérieur du pénitencier. Les nombreuses transformations en cours de réalisation seront achevées à la fin 1999 et touchent l'infirmerie, les vestiaires, le magasin et les parloirs. La centrale de contrôle est à l'heure de cette visite en pleine rénovation. A terme, une petite maison à l'entrée du pénitencier sera réaménagée en réception des visiteurs, et accueillera une bibliothèque, ainsi que différents locaux pour la formation, la consultation médicale et la détente du personnel. Les travaux seront effectués par le personnel et les détenus. A l'exception de la rénovation de la centrale de contrôle, l'ensemble de ces transformations sera couvert par un crédit de 1'850'000 F.

Au niveau sécuritaire, les EPO ont adopté un système séparant les collaborateurs en contact avec les visiteurs de ceux en contact avec les détenus. Une société privée de surveillance assure la sécurité du périmètre du pénitencier, ainsi que le contrôle des visiteurs et des véhicules. M. Pieren estime que cette formule améliore la sécurité et relève qu'il est aisé de travailler avec une société externe.

Audition des détenus (Etablissements de la plaine de l'Orbe, 14 avril 1999)

La direction a instauré un système de rencontre mensuelle avec une délégation de détenus afin d'entendre leurs revendications.

Les vingt détenus « genevois » ont reçu l'avis de venue de la commission. Pour l'un des deux détenus qui ont demandé à être entendus, il existe une inégalité de traitement entre les détenus « genevois » et les autres. Il estime que certains avantages sont donnés aux uns plus qu'aux autres. A part cela, il apprécie le fait que les gardiens utilisent plus la psychologie que la répression. A ses yeux, cela fait de Bochuz un bon établissement.

La deuxième audition évoque également une appréciation sans reproche vis-à-vis des conditions de détention. Toutefois, le détenu s'estime victime de tracasseries administratives mineures le pénalisant dans la gestion de ses affaires personnelles au dehors de ces murs. Il fait état de lenteurs pour obtenir ses clés de domicile, son permis de conduire, une permission pour revenir de congé avec d'autres habits, pour s'approvisionner en cartouche d'encre de son ordinateur, pour accéder à des soins d'urgence, pour suivre son traitement de physiothérapie, et se plaint également que des courriers officiels ont été ouverts.

M. Pieren précise que le service médical ne dépend pas de sa responsabilité, mais qu'une personne est disponible 24 heures sur 24, 365 jours sur 365. Les inégalités de traitement proviennent, quant à elles, des tribunaux, puisque les délits sont condamnés plus lourdement dans certains cantons. C'est également le cas pour l'octroi de congés et autres libérations, puisque Genève ne pratique pas forcément le même barème et ne se base pas sur les mêmes critères. Le courrier officiel n'est ouvert que si l'expéditeur n'est pas connu. Quant au cas cité d'objets personnels n'ayant pas été mis à disposition du détenu, c'est sur la base d'éléments de la police de sûreté que le département a pris la décision de retenir ces objets. Sur la difficulté pour s'approvisionner en cartouche d'encre pour ordinateur, il est probable que les demandes nécessaires n'ont pas été faites, car il n'y a aucune opposition à cela et la moyenne d'équipement informatique des détenus est certainement meilleure qu'à l'extérieur. En ce qui concerne les habits, la restriction exprimée est inexacte, simplement le retour de congé avec de nouveaux habits nécessite de les inscrire à l'inventaire personnel du détenu. De manière générale, M. Pieren rappelle qu'un détenu vit une privation de liberté, et qu'une privation de liberté peut entraîner certaines contraintes dans le quotidien.

Audition de M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, président du DJPT

(19 avril 1999)

M. Ramseyer fait part de sa réflexion sur les différents sujets pour lesquels la commission souhaite des informations.

En tout premier lieu, M. Ramseyer souhaite rendre attentive la commission sur un élément influençant directement les finances et auquel il faudra faire face. Un tiers des gardiens de Champ-Dollon, engagés lors de l'ouverture de la prison, prendront leur retraite en même temps, après trente ans de services, soit en 2007. Dès lors, en fonction de cette échéance et de la planification de la formation de la relève, il sera nécessaire d'organiser une école de formation chaque année dès 2001 et non plus tous les trois ans, comme c'était le cas jusqu'à présent. Toujours à propos de la formation, suite à une visite à l'actuelle école genevoise de formation, M. Ramseyer a pu constater l'importance donnée à l'enseignement de l'aspect déontologique de la profession. Il remarque également que les gardiens doivent se spécialiser en fonction de l'évolution de la société. C'est donc à la formation continue que revient la mission de cette adaptation.

Sur la question des compétences de la commission des visiteurs, M. Ramseyer estime que la discussion revient au Parlement qui est souverain. Cela dit, la commission doit à son avis avoir un contrôle aussi précis que possible, tout en cernant plus précisément le rôle de chacun. La situation concordataire ne permet pas à la commission d'effectuer un contrôle étendu à l'extérieur du canton et le dernier rapport de la commission crée un risque de braquer les cantons opposés au contrôle parlementaire dans le domaine pénitentiaire.

La problématique des mineurs est importante puisque l'on constate une forte augmentation des condamnations d'adolescents de plus en plus jeunes. Cependant, le seul indicateur quantitatif ne permet pas de prévoir dans quelle direction la société se dirige.

L'événement dramatique ayant causé la paraplégie d'un détenu brésilien est toujours en cours d'examen. Le travail consiste à déterminer s'il y a eu excès de la part des gardiens ou pas. Ce n'est à sa connaissance pas le cas, mais ce sont aux investigations médicales et judiciaires d'apporter leurs conclusions. Cette tâche prend du temps, car il n'a pas été simple de trouver les experts médicaux. Cependant, les premiers éléments d'enquête n'ont jamais montré que le détenu avait été battu et il est injustifiable d'avoir porté des accusations sur des déclarations non vérifiées. Quelles que soient les conclusions de l'enquête, il est extrêmement regrettable pour tous qu'un événement comme celui-ci se soit produit, et il faut espérer que la personne s'en sortira.

Concernant le fonctionnement entre le DJPT et le DASS, il découle des exigences posées par le secret médical que le service médical de Champ-Dollon est soumis au DASS, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes lorsque le cloisonnement DASS - DJPT est trop rigoureux. Quant à la tarification « plein tarif » appliquée par les hôpitaux, un groupe de travail composé de membres de la direction de la prison et de représentants HUG se penche sur cette problématique et est sur le point de trouver la solution.

La Ligue des droits de l'homme a fait part dans son rapport de manquements aux droits de l'homme à la maison de Favra. En fait, les aspects dénoncés concernent essentiellement les autres cantons car il semblerait que les personnes placées à Favra par d'autres cantons soient mal informées par leurs autorités de placement respectives. Toutefois, le département répondra et prendra les mesures nécessaires si certains reproches devaient s'avérer exacts.

Visite des établissements pénitenciers de Bellechasse (26 mai 1999)

La commission est accueillie par MM. H. Nuoffer, directeur, Bl. Hofmann, directeur adjoint, Cl. Neuhaus, responsable de l'encadrement socio-thérapeutique et J.-M. Limat, responsable de l'enseignement.

Situés sur quatre communes, les EPB disposent d'un territoire de 432 hectares en plaine et 293 hectares d'alpages et de forêts. Les 89 collaborateurs, et les intervenants extérieurs (aumônier, pasteur, représentants d'autres religions) ainsi que l'assistance médicale prennent en charge 140 détenus et 20 personnes subissant une privation de liberté à des fins d'assistance au sens de l'article 397 du CC.

Les collaborateurs suivent la formation interne d'entrée avant d'effectuer la formation du Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire. Par la suite, 7 jours par année et par personne sont consacrés à une formation dans le cadre de l'administration centrale.

Les EPB attribuent une importance particulière à la première partie du régime pénitentiaire du détenu, à savoir la phase d'observation. Le plan d'exécution de peine établit ensuite la phase de régime ordinaire, celle du régime de fin de peine et enfin la phase de libération conditionnelle ou de libération définitive. Une trentaine d'activités, incluant travaux, formation et loisirs, sont proposées, contribuant ainsi à l'objectif de socialisation ou de resocialisation du détenu. La majorité des détenus suivent des cours de langues ou d'informatique, mais on compte également des cours par correspondance, des cours de préparation à la sortie, des diplômes et apprentissages.

La population carcérale est composée à 63 % d'étrangers dont les deux tiers font l'objet d'une mesure d'expulsion. A la différence d'autres pénitenciers, les établissements de Bellechasse ne sont pas hautement sécurisés. Malgré cela, ils accueillent des détenus purgeant des peines allant de six mois à la réclusion à vie pour des infractions concernant, le plus souvent, les stupéfiants, le patrimoine, l'intégrité sexuelle et les infractions liées à la famille. La perspective d'évolution des cas tend, compte tenu de la situation économique et politique, vers une augmentation des peines dans leur nombre et leur gravité. Les EPB fournissent un effort particulier pour la prise en charge de détenus condamnés pour des affaires de moeurs, environ une trentaine, par du personnel spécialisé. En matière de drogue, il est développé un programme fondé sur la prévention, la recherche de drogue, l'encadrement et le soutien. Sur 1000 autorisations de sortie accordées l'an passé, 98 % ont été couronnées de succès.

En ce qui concerne l'assistance médicale, le détenu a la possibilité de se rendre à l'infirmerie sur inscription deux fois par jour pour une consultation, ou simplement pour recevoir son médicament. Le principe de ne distribuer aucun médicament en cellule donne satisfaction. M. Nuoffer note que le service médical apprécie particulièrement la transmission du dossier médical à l'arrivée d'un détenu venant d'un autre lieu de détention.

L'entrée en vigueur de la LAVI a fixé un but supplémentaire à l'exécution de la peine, devant favoriser la réparation du tort causé au lésé. Comme à Saint-Gall, les EPB ont mis en place un projet de sensibilisation des détenus qui doivent s'acquitter d'une indemnité ou souhaitent assumer leur responsabilité.

Audition des détenus (établissements de Bellechasse, 26 mai 1999)

Huit détenus ont demandé à être entendus, parmi lesquels les commissaires ont enregistré les plaintes et les souhaits suivants : restriction d'achats de marchandise à l'épicerie, limitation de la durée des appels téléphoniques à quinze minutes, longue attente dans les couloirs avant la reprise du travail, promiscuité avec les détenus pédophiles, faible ouverture des fenêtres des ateliers sécurisés, boîte à idées, impossibilité de travailler à l'extérieur.

Trois détenus ont interpellé la commission sur des questions sortant du champ de ses compétences, soit pour l'un en criant son innocence, soit pour les autres sur les perspectives de leurs mesures d'expulsion. Il faut relever que ces témoignages expriment tous trois d'une certaine manière, une angoisse, pour laquelle une assistance sociale permettra assurément d'aider ces détenus.

M. Nuoffer explique le fonctionnement des possibilités d'achats à l'épicerie. En raison de risques d'entrée d'objets interdits, le Conseil d'Etat a décidé à la fin 1998, d'adopter la procédure proposée par la direction des EPB, pour l'approvisionnement des détenus en marchandises. Ce système ne permet plus à la famille d'apporter elle-même des marchandises, ces dernières pouvant s'obtenir selon une fréquence réglementée soit par colis postal, soit auprès de l'épicerie. Avec les effectifs actuels, il n'est pas possible d'ouvrir l'épicerie tous les jours, et la direction estime qu'il est préférable d'attribuer les ressources budgétaires à l'engagement d'assistants sociaux ou de spécialistes plutôt qu'à une personne chargée de transporter et trier les paquets. Le coût d'un collaborateur supplémentaire reviendrait à 100'000 F l'an, soit 2 F par journée de détention.

Concernant l'utilisation du téléphone, la durée des conversations a été limitée suite à des abus. Il est possible de téléphoner deux fois par semaine, ainsi qu'une troisième pour le détenu qui a de la famille et un enfant de moins de dix-huit ans.

L'horaire des détenus dépend de leur affectation et d'un certain ordre permettant de les localiser exactement. Toutefois, dans le cas présent, le détenu a la possibilité de se rendre à la salle de lecture dès 13h15 jusqu'à la reprise du travail.

La promiscuité avec les détenus pédophiles n'est actuellement pas une situation comportant des risques de sécurité intérieure. Cette catégorie de détenus, au nombre de trente, n'est pas provocatrice et a plutôt tendance à se regrouper pour éviter les brimades. Les autres détenus ne leur adressant généralement pas la parole, les pédophiles demeurent assez isolés. Bellechasse représente un bon exemple de gestion humaine puisque cet établissement parvient à sécuriser les détenus et à éviter les règlements de compte.

Les ateliers sont occupés par une quarantaine de détenus équipés d'outils coupants, encadrés par deux ou trois collaborateurs. Ce dispositif offrant aux détenus une marge accrue de liberté de gestes, il est indispensable du point de vue sécuritaire de se limiter à l'ouverture des fenêtres sur leur partie supérieure.

A l'instar de la suggestion d'une boîte à idées, il existe un système d'audiences, au cours desquelles des propositions peuvent être faites. Il a été proposé par exemple, au niveau culturel, un spectacle de danse.

La possibilité de travailler à l'extérieur intervient à un certain stade de la peine, pour des raisons évidentes de sécurité. Le détenu ayant fait cette demande n'étant qu'au début de sa détention, il lui a été répondu négativement. La gestion de ces possibilités d'activités fonctionne selon un plan bien établi et doit veiller à d'éventuelles inégalités de traitement.

Un détenu que la commission avait déjà entendu lors de sa première visite à Champ-Dollon évoque outre sa préoccupation sur l'application des mesures de contraintes, des comparaisons dans sa détention. Champ-Dollon offrait un peu plus de sport et un meilleur système d'épicerie. Par contre, il apprécie plus les ateliers de Bellechasse.

Audition de M. Timothy Harding, responsable du service médical de la prison de Champ-Dollon (17 juin 1999)

Après une première partie de l'audition consacrée aux questions posées dans la pétition 1226, M. Harding évoque la problématique liée aux seringues. A la suite d'une décision du Conseil d'Etat et du Grand Conseil en 1995, le DASS a été chargé d'assurer l'échange des seringues au sein de la prison. Ce système négocié avec le Procureur général et le président du collège des juges d'instruction permet également l'échange des objets pour pratiquer des injections. Actuellement, la situation est insatisfaisante et laisse apparaître des incohérences entre les instructions données par le service médical au personnel médical et les instructions données par la direction de la prison aux gardiens. Les uns échangent les seringues, alors que les autres les saisissent. La situation doit être clarifiée tout en veillant à régler également un problème éthique par rapport à l'introduction du libre-accès aux seringues pour les mineurs.

M. Harding fait part d'une certaine interrogation sur l'avenir du centre de sociothérapie de la Pâquerette sachant que Mme de Montmollin prendra sa retraite en 1999. Il est possible que M. Claude réexamine la structure et la mission du centre, étant rappelé que onze gardiens y sont affectés.

Concernant le secret médical, M. Harding explique que la direction peut demander des informations relatives à l'état médical des détenus, c'est son droit. Cependant, le service médical a l'obligation de s'assurer du respect du secret médical. Il y a donc des demandes d'informations restant sans réponse.

Par rapport à l'état de santé général des détenus, M. Harding a constaté au cours des dernières années du directorat de M. Choisy, une augmentation du nombre de détenus présentant des symptômes de problèmes psychologiques. S'agissant de la tuberculose, les mesures préventives ont été prises. Le nombre de détenus séropositifs a diminué depuis huit ans, comme le nombre de détenus hospitalisés avec un Sida déclaré. En revanche, des problèmes apparaissent par rapport à l'hépatite C.

Champ-Dollon dispose des services de psychologues à raison de 0,8 poste, un stagiaire et une psychosomaticienne. M. Harding estime que cet effectif est insuffisant pour répondre aux demandes de prise en charge à long terme.

A la question d'une commissaire sur la raison des difficultés pour envoyer les détenus directement du poste de police à la clinique Belle Idée, M. Harding évoque des problèmes de surcharge.

Pour répondre à la question du délai d'intervention pour apporter des d'urgences, M. Harding donne l'exemple d'une situation qui s'est présentée la veille. Un incident grave s'est produit, l'infirmière est arrivée sur place dans la minute suivante, le médecin au bout de cinq minutes, et le cardiomobile douze minutes après l'incident. Le patient est arrivé aux soins intensifs en moins de quarante minutes. Dans un autre cas, où le détenu a mis le feu a son matelas, le cardiomobile est arrivé en moins de quinze minutes.

Audition de M. J.-M. Claude, directeur de la prison de Champ-Dollon

(1er juillet 1999)

En juin 1999, la presse genevoise se fait l'écho d'une situation de troubles et de mécontentements à la prison de Champ-Dollon visant directement la gestion du directeur. Dans l'approche de cette situation, la commission se doit de déterminer son rôle et ses compétences. Elle entend M. Claude afin de cerner les critiques de ses détracteurs et d'enregistrer son point de vue à ce sujet.

En introduction et pour décrire le cadre de certaines accusations qu'il a pu lire dans la presse à son égard, M. Claude reprend un point précis. S'agissant des déclarations d'un député dans un quotidien affirmant être intervenu auprès du directeur pour le maintien de cours de formation des gardiens, M. Claude dément avoir eu contact avec ledit député.

Convaincu de la nécessité de la formation et de la formation continue, M. Claude a augmenté les cours destinés aux gardiens depuis son arrivée à Champ-Dollon. En fonction des perspectives de départs à la retraite simultanés prévus en 2007, M. Claude a élaboré un planning de formation permettant de renouveler les collaborateurs partant à la retraite, sans qu'il y ait de baisse du taux de formation. Ainsi, ce ne sont plus six personnes qui sont inscrites à l'école 1999, comme prévu à son arrivée, mais dix-neufs futurs gardiens qualifiés. La formation se déroule sur trois ans. La première phase est la formation de base de l'école genevoise d'une durée de six mois, permettant d'acquérir les premières connaissances sur la législation ainsi que la maîtrise de la gestion des situations conflictuelles. La seconde phase intègre le futur gardien dans une brigade au sein de l'établissement. A la fin des douze premiers mois, il est engagé en qualité de gardien et prête serment. Parallèlement à son travail, il suit les cours du Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire (Fribourg) répartis en une quinzaine de modules de deux à trois semaines. Actuellement, l'ensemble des collaborateurs a suivi les cours dispensés par l'école de Fribourg. Cependant, l'attribution du temps consacré à la formation est confrontée aux difficultés engendrées par un taux d'occupation élevé de l'établissement et un sous-effectif de gardiens. L'effectif prévu par la loi prévoit un maximum de 215 postes, alors qu'il n'en comprend actuellement que 188. La population carcérale a pour sa part constamment évolué, puisqu'à son arrivée à la direction, la prison comptait 260 détenus, alors qu'ils sont presque 400 aujourd'hui. Ainsi, l'adaptation des gardiens aux profils d'une nouvelle catégorie de détenus par une formation spécifique, notamment linguistique, est un problème budgétaire.

Malgré une période provoquant régulièrement un surcroît de travail, notamment lors d'accueils imprévus en grand nombre (OMC, squatters), l'ambiance de travail est bonne. M. Claude est extrêmement satisfait de pouvoir affirmer qu'il dispose de collaborateurs exceptionnels sur lesquels il peut compter en tout temps et qui effectuent leur travail sans état d'âme, malgré la fatigue due à la surcharge de travail. Dans le contexte actuel, tous les gardiens ne se sentent pas reconnus dans leur tâche, et il paraît difficile de leur demander davantage tout en se proposant juste après de leur donner moins. Il faut se rappeler que les événements des manifestations de l'OMC ont nécessité que Champ-Dollon accueille cent personnes supplémentaires en trois jours, ce qui représente le tiers de la population normale de la prison.

D'une manière logique, Champ-Dollon ne décide pas de son taux d'occupation, mais doit y faire face. En l'occurrence, un certain nombre de décisions politiques et judiciaires, ainsi que les conséquences des guerres en Europe, influent très directement sur ce taux d'occupation et sur les conséquences que ce dernier génère.

Une forte proportion de détenus de nationalités de pays de l'Est et de pays en guerre s'est avérée être violente. A la différence d'autres détenus recevant des visites et des paquets, ces détenus n'entretiennent pas de contact avec l'extérieur, ce qui provoque de vives tensions et tend à augmenter le nombre de cas de racket.

Suite à la pétition et à l'audition des détenus, ces derniers ont interpellé le directeur sur les demandes formulées dans la pétition. M. Claude a expliqué qu'il n'y avait en l'état pas de budget disponible, mais que la Commission des visiteurs était entrée en matière sur la pétition, ce qui n'était pas pour autant synonyme d'acceptation. Ces explications n'ont pas suffi et les détenus ont manifesté violemment à deux reprises. Indiquant aux détenus que la violence n'était pas la bonne méthode pour obtenir quoi que ce soit, M. Claude est entré en matière sur les revendications se situant dans ses compétences, laissant de côté celles qui impliquaient une décision politique ou budgétaire. Cela été le cas par exemple pour la demande de pouvoir écouter des disques compacts. M. Claude a accordé cette possibilité à condition que le détenu choisisse entre cassettes et disques. Peu de temps après la mise en place du système, les détenus réclamaient de pouvoir disposer des deux types de support. Il faut bien se rendre compte qu'en raison de sécurité, les supports audio doivent être écoutés par les collaborateurs de la prison avant d'être remis aux détenus. Etant possible d'être réenregistrée, une cassette peut permettre ainsi dans le cadre d'une instruction de communiquer entre deux détenus complices une version commune des faits. Les contrôles effectués dans les cellules nécessitent l'ouverture et l'écoute de chaque cassette ou disque. La multiplication des objets dont peuvent disposer les détenus, influence directement sur le temps de travail des gardiens qui n'en ont déjà pas suffisamment, c'est pourquoi il faut faire des choix.

M. Claude explique que les contrôles ne sont pas des brimades comme le reprochent certains, il s'agit d'un travail de sécurité à l'égard de tous, y compris des détenus. Dernièrement, au cours d'une fouille de cellule, les gardiens ont trouvé une enveloppe contenant plus de cent capsules de deux médicaments différents, dont le mélange aurait pu être mortel.

Par rapport à la question d'une députée relatant une recrudescence des tentatives de suicide, M. Claude indique qu'il ne faut pas parler de recrudescence. En effet, par souci de transparence, M. Claude a informé la presse de ces cas, ce qui n'était pas la pratique auparavant. Malgré le fort risque que présente la population carcérale, il n'est pas enregistré de statistiques de tentatives de suicides. La plupart d'entre elles se produisent lorsque le gardien approche la cellule, ce qui est considéré comme un appel au secours. Lorsqu'un détenu présente des difficultés ou des signes de détresse, l'information est transmise au gardien qui passera plus régulièrement vers le détenu, et cela surtout la nuit.

Par rapport au secret médical, M. Claude indique clairement qu'il appartient au patient et qu'il est garanti par le thérapeute. Par contre, il se demande si un psychiatre, informant les gardiens d'un risque de suicide chez un détenu, agirait mal. En ce qui concerne des risques d'attitude incompréhensible, voire violente, il apparaît important que les gardiens en soient informés puisque ces derniers doivent réagir avec des comportements adéquats.

Pour évoquer la problématique des confiscations de seringues, M. Claude informe qu'il entretient d'excellents contacts avec M. Harding. Cela étant, comme ce dernier, il n'agit que dans le respect des consignes de sa hiérarchie. Toutefois, il faut préciser que ces confiscations ne représentent qu'un ou deux cas par année, et guère beaucoup plus pour les échanges de seringues.

Par rapport aux répercussions sur le monde carcéral du rapport 1998 de la commission, dont M. Claude a souligné précédemment l'importance des effets, une commissaire souhaite insister sur la mission de la commission. Dans le contrôle des conditions de détention des détenus, elle n'a, l'an passé, rien relevé de flagrant, si ce n'est quelques petits problèmes et quelques petites brimades. Le rôle de la commission ne consiste pas à formuler des actes d'accusations, et s'agissant d'améliorer la situation, il convient dès lors de ne pas travailler en opposition, mais en collaboration.

M. Claude indique qu'il peut répondre favorablement aux demandes de la commission, pour autant que celles-ci n'aillent pas à l'encontre de la sécurité, et étant entendu que le Parlement lui octroie les moyens financiers correspondants. Si la commission souhaite prolonger le temps de promenade des détenus, ce à quoi il serait entièrement favorable puisque cela contribuerait à diminuer les tensions régnant dans la prison, il faudrait octroyer à l'établissement cinq à six postes supplémentaires.

Audition de GEODE, Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant (2 septembre 1999)

Mmes Marie-Françoise Lucker-Babel, Laura Cardia-Vonèche, Françoise Arbex, Anne Grandjean, M. Pierre Gasser

Composé d'une quinzaine de personnes, le groupe existe depuis 1997, mais c'est le 1er juin 1999 que GeoDE se constitue en association dont le but est d'engager un dialogue pour la réalisation des droits de l'enfant et de sensibiliser les uns et les autres à ces droits.

Particulièrement interpellé par le projet de reconstruction de la Clairière qui ne répondra pas au problème des mineurs à Champ-Dollon, GEODE souhaite par son rapport contribuer au déblocage de la situation. GEODE souhaite faire part au monde politique de son approche sur la question des droits de l'enfant avec l'objectif de dessiner dans un avenir proche une ou plusieurs solutions. Il est rappelé que par mineur est entendue la catégorie d'âge de 15 à 18 ans, mais il arrive aussi dans des cas graves que des jeunes de moins de 15 ans soient détenus à la Clairière pour les besoins de l'instruction, ou faute de place, à Champ-Dollon. Le cadre de détention de mineurs à Champ-Dollon, qui ne bénéficie par d'infrastructure propre à l'âge des détenus, est particulièrement préoccupante. C'est également le cas pour les jeunes filles de la maison de Riant-Parc dont la structure ne s'avère absolument pas adaptée.

Bien que notre canton connaisse une très forte augmentation du nombre de détentions préventives de mineurs, la capacité d'accueil ne doit pas être la seule question. Il faut effectivement mener une réflexion sur les possibilités alternatives de prise en charge, et dans ce sens, un nouvel agrandissement de la Clairière ne représente pas la solution. D'ailleurs, certaines études démontrent que l'augmentation du nombre de places de détention entraîne une augmentation du nombre d'arrestations.

Quelles solutions pour la jeune délinquance ? Sur quelle voie les améliorations de la détention des mineurs doivent-elles être menées ? La privation de liberté pour les mineurs est-elle une réponse adéquate ?

Le court temps consacré à l'audition n'a permis que de susciter les questions qui doivent plonger les uns et les autres dans une profonde réflexion. Le premier rapport de GEODE est un premier pas qui devrait permettre d'ouvrir véritablement la voie à de réelles solutions.

Le premier rapport GEODE est donc annexé au présent document.

(annexe No 1)

Champ-Dollon (2e visite annuelle, 8 septembre 1999)

Introduisant la visite, M. Claude nous informe des chiffres du jour et des récents changements intervenus depuis la première visite.

329 détenus, dont 29 femmes plus 10 mineurs séjournent actuellement dans l'établissement. 125 détenus ont une place de travail, et 40 à 50 sont inscrits sur la liste d'attente pour obtenir un poste.

Depuis le 1er septembre, le personnel a repris la tâche de garde extérieure, remplaçant ainsi la société de services qui s'en occupait jusqu'à présent.

Sur un autre plan, la direction souhaite faire en sorte que les collaborateurs de la prison qui se trouvent actuellement à l'école genevoise de formation puissent commencer à travailler en brigades dès leur rentrée du Centre de formation de Fribourg.

D'autre part, les projets énoncés dans le rapport d'activité 1998 sont en cours.

L'atelier R 2000 s'occupe de reconfigurer des ordinateurs des services de l'Etat pour le passage à l'an 2000 et de les redistribuer dans les services. Des négociations ont été entreprises avec le CTI afin que Champ-Dollon puisse bénéficier des appareils non compatibles « an 2000 ».

Dans le cadre du projet d'atelier 2000, une étude a été menée par un étudiant bibliothécaire de Lausanne sur les attentes des détenus. La direction est prête à foncer dans la réalisation et n'attend plus que les locaux, pour lesquels le DAEL devrait démarrer le chantier. Cette bibliothèque constituera un aspect de l'atelier qui devrait regrouper également l'enseignement, la recherche personnelle, la lecture, le prêt, la consultation et l'apprentissage de la lecture. Tout ceci dépend encore du budget. Les contacts entretenus avec certaines représentations consulaires, notamment pour expliquer les procédures de visite, ont permis à l'établissement d'acquérir quelques ouvrages en langues étrangères.

Au niveau des horaires, M. Claude envisage de planifier des heures de sport pour le personnel. Il faudra pour cela instaurer un horaire à huit jours, ce qui n'est actuellement pas possible au vu des effectifs.

Comme cela avait été suggéré par la commission lors de la première visite, la brochure remise aux nouveaux arrivants précise que les détenus peuvent saisir la commission pour les problèmes liés aux conditions de détention. Elle est traduite en neuf langues.

Concernant la brochure d'information élaborée par un détenu de l'établissement, cette dernière est en cours de traduction en trois, voire quatre langues.

Audition des détenus (Champ-Dollon 2e visite annuelle, 8 septembre 1999)

Douze demandes d'auditions sont parvenues à la direction.

Une détenue demande plus de sport, afin de réduire l'agressivité entre détenus de nationalités différentes provoquée par la difficulté de communiquer. La même personne souhaiterait apprendre le français. Le professeur lui apporte des livres et des cassettes, mais aucun cours ne semble prévu.

Un détenu témoigne des bonnes conditions de détention qu'il compare avec la prison de Sion où il a subi des pressions et des menaces. Les détenus qui se tiennent mal sont enfermés dans un cachot en terre battue.

Un détenu préposé à l'entretien extérieur se plaint des détenus qui jettent toutes sortes de détritus de la fenêtre de leurs cellules. Il souhaiterait qu'un grillage soit installé aux fenêtres des cellules des détenus agissant ainsi. Il saisit cette occasion pour faire remarquer avec reconnaissance la compréhension du gardien responsable de son unité. Au décès de son père, le gardien lui a permis d'obtenir une sortie accompagnée pour se rendre à l'enterrement.

Un détenu se plaint de lenteur des changements au sein de la prison et de n'avoir pu rencontrer le directeur qu'une fois en quatre mois malgré deux demandes. Pourquoi n'y a-t-il toujours pas d'antenne parabole alors que deux détecteurs de métaux à 15000 F ont été installés récemment ? Concernant la nourriture, le manque d'indication de la viande casher contraint les détenus musulmans à choisir le menu végétarien.

Les détenus kosovars souhaite bénéficier de la présence d'un imam kosovar.

Une détenue se plaint d'une série de petites « brimades », (terme utilisé par la commissaire rapporteuse de l'audition du détenu) : interdiction de parler par les fenêtres lors des promenades, interdiction d'emporter des boissons, même chaudes, lors des promenades, problèmes de commandes de nourriture, un seul fumoir exigu, enfin la détenue s'est sentie maltraitée par les gardiennes sauf par l'une d'entre elles qui parle anglais. D'autre part, elle ne veut plus rencontrer son psychologue qui continue à l'appeler chaque semaine. Elle ne suit plus de cours de français car son professeur n'est plus revenu. Extrêmement positive à l'égard des ateliers, elle en apprécie énormément les professeurs qui écoutent les détenus, calment et encouragent.

L'ambiance dans la prison est moins bonne depuis l'arrivée du nouveau directeur, qui n'a d'ailleurs répondu qu'à une seule de ces lettres de plaintes de pressions et de brimades. La machine utilisée pour le contrôle des paquets est en panne depuis un an.

Une détenue fait état d'un manque d'information sur sa procédure, de la part de l'avocate nommée pour sa défense. D'autre part, après s'être adressée directement à la direction pour se plaindre d'une gardienne, celle-ci le lui aurait reproché et l'aurait mise à l'écart par la suite.

Discussion avec la direction

(Champ-Dollon 2e visite annuelle, 8 septembre 1999)

L'information et la communication ont été mises en question de manière générale, d'une façon ou d'une autre, par les détenus.

Chaque détenu reçoit à son arrivée la même brochure d'information traduite en neuf langues. Il est constaté que les détenus ne sont généralement pas réceptifs à leur arrivée. Certes, les langues étrangères ne facilitent pas la communication, mais il est toujours possible de recourir à un codétenu pour traduire une conversation avec le personnel. L'anglais n'est certes pas pratiqué par tous les gardiens, mais il y a toujours l'un ou l'autre pour parler les langues les plus courantes. Pour les simples informations, la gestuelle permet sans problème à chacun de se comprendre. En ce qui concerne les objets autorisés, la liste est à disposition auprès de chaque chef d'étage. L'information sera améliorée par la brochure élaborée par les détenus qui pourrait également être distribuée à l'accueil.

Plusieurs détenus se plaignent de ne pas pouvoir suivre de cours de français.

Le professeur de français est toujours à Champ-Dollon. Son rôle a cependant été redéfini car il donnait jusqu'à présent surtout des cours de russe et d'italien. Le séjour moyen d'un détenu étant de 40,2 jours, cela n'est pas facile pour apprendre une langue. D'autant plus que la durée du séjour est difficilement prévisible, puisque 50 % des détenus sont en attente de jugement, 25 % sont jugés, mais en phase de recours, et 25 % en attente de placement. Néanmoins un poste y est consacré et deux collaborateurs d'un atelier partagent leur temps pour contribuer également à cet enseignement.

La pratique de la religion musulmane a apporté plusieurs demandes.

La cuisine de Champ-Dollon propose au choix le menu N0 1de base, le menu N0 2 sans porc, le menu N0 3 végétarien. Il pourrait être précisé sur le menu N0 2 par un petit dessin, que ce menu ne contient pas de porc. En ce qui concerne les repas lors du ramadan, si le détenu informe clairement la direction, il n'y a pas de problème pour servir le repas chaud le soir pour autant que cela soit avant la fermeture de la cuisine, soit avant 19h00. L'imam de Champ-Dollon est le seul à vouloir se déplacer dans une prison. La direction lui a demandé de trouver un imam pour les Albanais, mais à ce jour, la recherche n'a pas encore abouti.

Un détenu aurait-il effectivement pu être placé six mois en régime de sécurité renforcée ?

Une dizaine de meneurs conduisant une centaine de détenus ont menacé l'établissement d'une rébellion. Il s'agit d'une situation gravissime pour un établissement pénitentiaire. Le directeur a prononcé une décision de placement au régime de la sécurité pour ces personnes. Toutefois, en raison d'une lecture erronée du règlement de la prison, il a été signifié une durée de six mois de détention en régime de sécurité. Le règlement prévoit en regard de la faute commise une durée de six mois maximum renouvelable. Il s'avère qu'il n'est pas obligatoire de prononcer la durée maximum. Il faut relever que les faits sont exceptionnels puisque c'est la première fois que le directeur prend une décision de cette nature. Les détenus placés en régime de sécurité l'ont finalement été pour des durées effectives de 2 à 15 jours. A noter que le régime de sécurité n'est pas une mesure disciplinaire comme pourrait l'être une décision d'enfermement en cellule forte. Il s'agit d'une mesure visant un objectif de sécurité interne à l'établissement.

A la suite de l'entretien avec la direction, une partie de la commission a souhaité visiter les locaux. Une scrupuleuse description n'apporterait pas d'éléments d'informations aussi importants que les témoignages des auditions. Cependant, la visite a permis aux commissaires de se rendre compte du fonctionnement de l'établissement et des contraintes concrètes dans la pratique. Sans être en mesure d'évaluer si la configuration des locaux est adaptée au travail du personnel de surveillance, ce qui semblait être mis en cause, il a pu être constaté que les conditions matérielles mises à disposition des détenus sont adéquates, à l'exception des mineurs qui ne sont réellement pas à leur place dans un établissement tel que Champ-Dollon. Le bon état des locaux n'a certainement pas empêché les commissaires comme le rapporteur de ressentir l'atmosphère pesante de la privation de liberté. Voici peut-être le but primordial de la visite des lieux, qui devrait nous permettre de nous plonger dans l'univers carcéral afin que notre réflexion soit la plus proche possible de la réalité quotidienne des acteurs de ce milieu fermé. Dans ce sens, la proposition du directeur, M. J.-M. Claude, aux députés, de passer une journée ou une nuit dans l'établissement est très intéressante.

Outre les informations recueillies lors des visites et des auditions, le rapport de gestion de l'exercice 1998 (annexe No 2) apporte d'intéressants éléments quantitatifs et statistiques. Sur demande ultérieure de la commission, la direction communique un tableau (annexe No 3) présentant, au 29 novembre l'origine des détenus de Champ-Dollon.

La Clairière (16 septembre 1999)

M. M. L. Kohler, directeur de la Fondation « Foyers Feux Verts » et M. R. Fankhauser, responsable de l'établissement, situent l'établissement, son rôle et l'objectif des travaux de transformation. Les transformations concernent plus l'adaptation des locaux à des normes acceptables et en cours, que l'augmentation de leur capacité, puisqu'elle atteindra 16 places, dont 4 pour les jeunes filles. Par rapport à la problématique de la recrudescence de la jeune délinquance, une Clairière de trente places ne résoudrait pas le problème, et la situation d'urgence de détention des mineurs à Champ-Dollon va probablement perdurer. Actuellement, l'optique du Tribunal de la jeunesse consiste à placer les jeunes pour lesquels un travail éducatif peut être entrepris à la Clairière, et les ressortissants du Kosovo, de l'ex-Yougoslavie et d'Afrique à Champ-Dollon.

Un nouvel accroissement de la capacité d'accueil est difficilement envisageable si l'établissement veut poursuivre le but de réinsertion sociale avec autant de chances de réussite. Les maisons de Montfleury logent actuellement des résidents en fin de peine ou en semi-liberté. La réaffectation de ces villas pour les jeunes de Champ-Dollon nécessiterait des travaux importants de réfection et de mise aux normes de sécurité. Il est prévu que la Clairière actuelle reçoive par la suite les personnes faisant l'objet de mesures de contraintes. Il pourrait être cependant imaginé d'utiliser ces locaux pour accueillir les adolescents de Champ-Dollon. Quoi qu'il en soit, M. Fankhauser est acquis à l'idée que la multiplication des petites structures est plus adéquate pour obtenir de bons résultats.

Outre l'augmentation du nombre d'incarcérations de mineurs, il est constaté en comparant les types de délits, que les délinquants sont de plus en plus jeunes. L'établissement à dû prendre en charge, contrairement à ce que prévoit le règlement, des jeunes de moins de 15 ans. Les délits sont de plus en plus graves et vont du vol de scooter à l'homicide, en passant par le brigandage, les agressions et le trafic de stupéfiants. Il est fréquent d'avoir des jeunes détenus déterminés à « aller jusqu'au bout » et pour lesquels « la vie n'a aucun prix ». Il existe des réseaux dans lesquels sont entraînés des enfants de neuf ans, dont les meneurs comptent sur la clémence de la justice helvétique.

Il y a un certain nombre d'années, il existait une réelle collaboration avec la brigade des mineurs dont le souci principal résidait dans la prévention. A l'heure de la diminution de postes, certaines de ces personnes ont été transférées aux brigades des moeurs ou des stupéfiants. Actuellement, on observe des bandes organisées dans lesquelles les jeunes se sentent forts et où ils retrouvent un genre d'esprit de famille qui leur fait défaut dans leur parcours personnel. D'ailleurs, dans certains cas, le passage en établissement d'incarcération est volontairement provoqué par le jeune, car il représente une distinction de fierté.

Les résultats de l'établissement sont jugés bons, puisque la majorité des jeunes ne reviennent pas. Il y a quelques années, sous la pression des défenseurs des droits de l'homme, le fonctionnement de l'établissement ressemblait plus à une colonie de vacances et le taux de récidive était élevé. Depuis, les tribunaux ont instauré des séjours plus longs, les jeunes réfléchissent davantage, ils admettent que c'est mieux d'être dehors et la récidive a diminué.

A une époque, il était plus aisé de placer un jeune dans un foyer en sortant de la Clairière. Aujourd'hui, les critères d'admission dans ces foyers sont élevés. Il faut prouver par exemple que le jeune travaille et qu'il ne se drogue pas. Ainsi les jeunes restent à la Clairière faute de trouver une issue, à moins de se tourner vers d'autres cantons. Cette constatation mène à se poser la question de savoir à qui sont destinés ces foyers.

Quant à la mixité à la Clairière comme dans les établissements en général, M. Fankhauser reste persuadé que cela ne représente pas une solution idéale, car les jeunes filles ont le droit de bénéficier de leur propre encadrement. Outre le fait que certains adolescents actuels de la Clairière sont « petits » à comparer des jeunes filles, la situation de la délinquance féminine est un phénomène en forte croissance qui devrait à court terme représenter plus de la moitié des effectifs.

Existe-t-il une concertation entre les différents acteurs de la détention sur les programmes éducatifs et sur le profil des personnes à qui sont destinés ces programmes ? Il y a notamment des réunions dans le cadre du Groupement des directeurs d'institution, sans pour autant qu'un réel travail à ce niveau n'ait été entrepris. L'éducation en milieu fermé est mal perçue par certains qui considèrent que cela relève de la gageure. On assiste à un cloisonnement dans un milieu où le mot d'ordre consiste à dire « chacun à sa place ». Il a d'ailleurs été reproché à la Clairière que ses éducateurs s'étaient trop impliqués dans l'accompagnement de jeunes au-delà de leur détention.

Dans l'idée de favoriser la réinsertion, est-il imaginable d'explorer la possibilité d'orienter ces jeunes sur un apprentissage au CEPTA ? Il n'est pas évident que les jeunes de la Clairière aient les capacités pour entrer en apprentissage.

M. Fankhauser est persuadé que l'accent est à mettre sur la prévention à tous les niveaux. Il existe une formidable carence en ce qui concerne les fondements de la vie en société. Les enseignants se plaignent d'avoir à faire plus d'éducation que d'enseignement et le niveau de scolarité est catastrophique : les jeunes ne savent pas écrire, ni parler correctement. Tout le monde doit prendre sa part de responsabilité, de la famille aux enseignants. C'est pour cela qu'une prise en charge individualisée comme celle de la Clairière s'avère fructueuse et qu'il faut poursuivre dans cette voie avec les moyens du bord tout en s'adaptant aux changements qui touchent les jeunes.

L'adaptation des locaux constitue une amélioration de confort pour les détenus. D'un autre côté, elle restreint les contacts avec les éducateurs à qui les jeunes devaient régulièrement s'adresser pour se rendre aux toilettes ou pour boire. Simplement le fait de s'adresser à l'éducateur dans un tel cas, est une démarche positive montrant que le jeune ne se referme pas sur lui-même.

Le travail au sein de l'établissement consiste à ce que les jeunes assument les tâches du quotidien, lessive, nettoyage, cuisine, boulangerie. Il est d'ailleurs prévu de développer un véritable atelier cuisine, qui préparera les repas des résidents de Montfleury.

La brève visite du chantier de la nouvelle Clairière confirme qu'il s'agit plus d'une adaptation aux normes, que d'un réel agrandissement de l'établissement. Le directeur regrette amèrement qu'il n'ait pas été consulté au stade préliminaire du projet pour émettre les nécessités primordiales de locaux de privation de liberté. En l'occurrence, le projet ne lui a été présenté que tardivement, et il n'a pas été possible de modifier la grandeur des fenêtres, afin d'améliorer la source de lumière naturelle. Ainsi, les cellules devront en permanence être éclairées artificiellement.

Maison d'arrêt pour femmes « Riant-Parc » (16 septembre 1999)

Mme Mme M. Ecabert, cheffe de service adjointe, et M. J. Grosfort, adjoint administratif du SAPEM, accueillent la commission et présentent l'établissement dont la polyvalence est la particularité majeure. A vocation de détention préventive et d'exécution de courte peine, Riant-Parc dispose de dix-sept places, réparties selon différents régimes de privation de liberté, allant de la semi-liberté au milieu fermé, pour accueillir adultes, mère et son bébé, et mineures. Le fonctionnement de l'établissement est assuré par dix collaborateurs.

Les deux étages supérieurs sont destinés au logement en chambres et en cellules. Le rez-de-chaussée regroupe cuisine, réfectoire adulte, salle de réunion, secrétariat et bureau, tandis que le sous-sol comporte l'atelier buanderie, les douches et un espace détente lecture, télévision et visite. La promenade des détenues s'effectue sur une terrasse grillagée d'environ 20 m2, surplombant le beau parc de la propriété.

La discussion s'est portée sur différents points ayant trait à l'adaptation des locaux. M. Grosfort explique, sans considérer l'aspect financier, qu'il aurait été effectivement moins compliqué de concevoir un nouvel établissement que de transformer celui-ci. En l'occurrence, Riant-Parc permet tout de même de sortir les jeunes filles de Champ-Dollon, où l'on côtoie des détenues faisant l'objet de condamnations beaucoup plus lourdes et dont l'environnement pesant n'est pas comparable à Riant-Parc.

Mme Ecabert exprime la motivation des collaboratrices à l'égard de la polyvalence. Chaque cas nécessite une approche personnalisée. La diversité est positive et valorise les collaboratrices dans leurs activités.

M. Grosfort résume en disant que Riant-Parc est une bonne maison qui remplit bien son rôle avec les moyens à disposition.

Etablissements de Witzwil (29 septembre 1999)

M. M. B.F. Brägger, directeur adjoint, accueille la commission et présente l'établissement pénitencier de Witzwil, situé sur un territoire de 800 hectares dont 250 d'alpages. Fêtant son centenaire en 1995, l'établissement fonctionnait sur le modèle d'une caserne fermée jusqu'en 1983, et fut ensuite reconstruit dans une conception d'avant-garde, basée sur la vie en communauté des détenus logés dans des pavillons. Depuis 1997, deux pavillons transformés pour les mesures de contraintes viennent compléter les différents régimes de la détention. L'établissement dispose de 112 postes pour la prise en charge d'environ 200 détenus.

La grande particularité de l'établissement se basant sur un concept pavillonnaire, une description d'un bâtiment est importante. Ne se différenciant que par leur couleur, les pavillons sont scindés en deux parties semblables. Chacune comprend au 1er étage dix cellules, dont l'accès est assuré par une galerie qui surplombe le rez-de-chaussée. Celui-ci se partage en un réfectoire et une salle réservée à la lecture et aux jeux. Le sous-sol abrite les bureaux des collaborateurs du service social, lesquels sont répartis dans chaque pavillon, et les douches, dont l'accès par les détenus est illimité pendant leur temps libre.

Les importantes ouvertures sur le toit et le vide sur le rez-de-chaussée fournissent une grande luminosité dont profitent entre autre les nombreuses plantes vertes. Tous les sols sont parquetés. D'une surface de 12 m2, la cellule dispose d'une grande fenêtre du sol au plafond, d'un lavabo, de toilettes, d'un lit, d'un placard à vêtements, et d'une télévision louée pour 20 F par mois. Les portes de cellule sont dotées de deux serrures. Le détenu dispose d'une clé et peut s'enfermer dans sa cellule. La deuxième serrure est gérée par les collaborateurs le soir et le matin. Cette configuration, offrant un grand espace très lumineux, procure une atmosphère inhabituelle pour un lieu de privation de liberté. Toutefois, il existe pour les mesures disciplinaires deux cachots situés au premier étage de chaque pavillon. Le détenu y passe 23 heures sur 24, seul, sans fumer, sans radio, sans télévision. Il prend ses repas seul, a droit à une heure de promenade, à une douche et à la lecture. Le directeur adjoint peut décider des sanctions disciplinaires jusqu'à 10 jours de cachot, au-delà, l'accord du directeur est requis.

Une autre particularité de Witwil, les collaborateurs de l'établissement ne portent pas d'uniforme, ni de badge et les détenus ne portent pas de signes distinctifs.

La population carcérale se compose de 30 % d'étrangers dans le régime d'exécution normale, et 90 % dans les sections fermées. 78 % des délits comprennent une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Lors des sept dernières années, 369 détenus ont bénéficié d'un programme de substitution de l'héroïne par la méthadone. Par des analyses d'urines effectuées sur ces personnes, on sait que 26 % d'entre eux ne consomment pas de substances interdites, 33 % consomment du canabis et 41 % de la cocaïne ou de l'héroïne. L'opinion personnelle de M. Brägger est plus favorable au programme du Conseil fédéral, qui permet une certaine réinsertion des héroïnomanes dans la société par le biais de menus travaux, l'abaissement du taux de délinquance et une réduction considérable des coûts médicaux.

Selon le concordat bernois, tout détenu ayant passé 1/6 de sa peine peut profiter des congés, alors que dans le concordat romand, les détenus doivent attendre d'avoir terminé 1/3 de leur peine. Sur les 1500 journées de congés accordées, moins d'un pour cent constitue un échec pour non-retour, ou acte de délinquance.

Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire à Fribourg

(29 septembre 1999)

Le Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire (ci-après « le Centre ») dirigé par M. P. de Sinner, a été créé en 1977 par les cantons et la Confédération. Son financement est assuré par les 26 cantons à raison de 1,60 F/journée de détention. Les enseignants, au nombre de 100 environ, proviennent de la profession ou des départements de justice afin de garantir une expérience concrète. Depuis l'ouverture du Centre, 1600 personnes ont été formées. Actuellement, le Centre forme 120 personnes par année, dont deux tiers de Suisses-Allemands et un tiers de Romands et de Tessinois.

Le Centre assure une formation en cours d'emploi et une formation continue. La formation en cours d'emploi suit en général une formation cantonale dont le niveau est extrêmement varié. La formation se déroule sur deux ans et dure quinze semaines, à raison de sessions de quinze jours. Le plan d'études comprend :

Psychologie (cours de la faculté de psychologie).

Branche médicale (problèmes psychiatriques et de toxicodépendance).

Branche juridique.

Branches spécifiques à l'univers pénitentiaire.

En ce qui concerne les cours de formation continue, ils sont destinés aux cadres et spécialistes.

L'exigence d'accès au Centre est un CFC. Les autres critères du profil sont déterminés par chaque canton. Le pourcentage d'échecs varie entre 2 et 5 %. A Genève, l'échec au diplôme n'entraîne pas le licenciement. Sur Vaud l'engagement définitif du collaborateur est conditionnel à la réussite du diplôme. Le Centre observe un clivage entre le personnel issu des établissements de préventive et ceux d'exécution de peine. Au niveau détention préventive, il existe une pression énorme sur les gardiens, due à la proportion d'étrangers, et totalement différente de celle des années précédentes. Le problème du racisme entre les détenus est très difficile. Le Centre dispense des informations sur l'Islam, sur l'ex-Yougoslavie, mais la difficulté est réelle, surtout en Suisse allemande, et se traduit par une politisation à laquelle il faut essayer de faire face.

Certains cantons ont décidé d'ouvrir la profession aux femmes, actuellement elles sont deux pour une classe de vingt étudiants. Selon M. de Sinner, gardien est un métier qui « use » et pour lequel il convient soit de recruter jeune avec libération anticipée, soit de recruter vers 30-40 ans.

Audition des aumôneries protestante et catholique de Champ-Dollon

(7 octobre 1999)

Les aumôneries souhaitent connaître la méthode de travail de la commission, notamment par rapport au respect de la confidentialité vis-à-vis des détenus. D'autre part, elles souhaitent exprimer leur réflexion sur ce qu'elles vivent actuellement.

La commission explique sa méthode de travail, ses limites, son respect de la confidentialité en évoquant la difficulté, dans certains cas, de dénoncer des faits, sans que la direction puisse cerner le cas en question.

La réflexion des aumôneries a trait au problème de l'augmentation des mineurs à Champ-Dollon, qui n'est pas un lieu adapté, et à un problème important de fonctionnement de l'établissement depuis l'arrivée du directeur actuel.

Rapportant des propos du directeur sur l'attitude à avoir envers les détenus, les aumôneries sont choquées et ne pensent n'avoir jamais connu cela, même du temps de M. Hentsch. La méthode de travail mise en place par M. Claude avec les détenus est la même que celle mise en place avec les gardiens et les autres collaborateurs de l'établissement.

Il a été imposé, contrairement à la déontologie pastorale, la pose de vitres sur les portes de leurs bureaux. Les parloirs pour avocats ont fait l'objet de la même mesure, et à la suite de négociations, les vitres ont été rendues opaques sur leurs deux-tiers inférieurs. Le malaise exprimé est notamment engendré par ce genre de rapport de force.

M. Claude a restructuré les locaux de sorte à rapprocher le secteur aumônerie de celui du service social. D'une autre part, il a fait agrandir les bureaux de la direction sur l'espace dont bénéficient les détenus. La redistribution des surfaces ne permet plus un fréquent contact avec la direction qui semble avoir érigé des barrières autour d'elle. D'une manière générale, le bureau de M. Choisy était toujours ouvert. Ses collaborateurs pouvaient très facilement le rencontrer ce qui n'est pas le cas avec le directeur actuel, que l'intervenante n'a d'ailleurs pas vu depuis trois à quatre mois.

La situation peut être analysée par rapport à ce qui s'est passé au cours de ces derniers mois. Les changements se sont avérés tels depuis une année et demie, notamment au niveau des locaux que les détenus n'ont pas compris ce qui se passait. Tout est mélangé, la pression est montée progressivement jusqu'en mai et juin. La prison était alors pratiquement entrée dans un engrenage de mutinerie. Il y a eu des phénomènes de leaders, mais aussi des problèmes culturels. Compte tenu de l'augmentation de la population albanaise, avec sa manière spécifique de résoudre les problèmes, il a fallu gérer une situation difficile avec des méthodes fortes. De telles méthodes impliquent cependant des risques de dérapages et d'abus.

Les aumôneries insistent sur la problématique des mineurs et se demandent comment procéder pour renvoyer ce problème aux décideurs et aux politiques. La délinquance des mineurs tend à augmenter, ce qui ne manquera pas de rendre la situation plus critique à l'avenir. Il vaut la peine d'investir dans une réinsertion des mineurs résidents ou suisses. Il y a là un coût humain important dont il faut tenir compte pour l'avenir.

IV. Constat, conclusions et recommandations

Grâce à l'excellent accueil de ses demandes lors des visites d'établissements et des différentes auditions, la Commission des visiteurs a recueilli une quantité considérable d'informations sur le milieu carcéral et ses conditions de détention. Répertoriant les informations convergentes par thèmes, la commission fait part de ses réflexions et émet ci-après pour conclusion, certaines recommandations à l'égard du Conseil d'Etat et du Procureur général.

Au cours de ses travaux en 1999, à l'exception de Riant-Parc où le secteur sécurisé et celui des mineurs apparaissent inadaptés, la commission n'a pas constaté de mauvaises conditions de détention ni de mauvais traitement dans les établissements d'incarcération qu'elle a visités.

La situation de tension régnant à la prison de Champ-Dollon a démontré aux commissaires les difficultés que peut engendrer un contexte de surpopulation de détenus aux origines les plus diverses et de sous-effectif de personnel, survenant dans une période de transition de changement de direction.

Dans ce contexte et sans vouloir anticiper sur les travaux et la conclusion de la motion 1297, la commission insiste particulièrement sur la nécessité d'instaurer une meilleure communication au sein de l'établissement de Champ-Dollon.

Après avoir entendu avec grand intérêt M. Pedrazzini, expert mandaté par le chef du DJPT pour évaluer la situation à Champ-Dollon, la commission réaffirme la nécessité pressante de disposer du rapport de M. Pedrazzini pour poursuivre ses travaux sur la motion, en cernant les problèmes et en y apportant les remèdes.

D'autre part, la commission est particulièrement préoccupée par l'évolution de la jeune délinquance, ses causes et la réponse de notre société à ce phénomène. Elle estime indispensable d'organiser une concertation entre le milieu politique et les professionnels des différentes séquences de ce phénomène, afin d'orienter avec cohérence, en aval comme en amont, les décisions que l'autorité politique sera amenée à prendre. Elle souhaite que le Conseil d'Etat nomme une commission extraparlementaire qui aura pour mission d'étudier le phénomène de l'évolution de la jeune délinquance, et de présenter des propositions de réponses de notre société à ce phénomène.

A la suite des visites d'établissements pénitentiaires, la commission remarque que la situation des détenus dans les établissements de type « pénitencier » est préférable à tous points de vue à celle des établissements de type « préventif ». La durée moyenne de détention dans un établissement d'exécution de peine étant plus longue que dans un établissement de type « préventif », la gestion pénitentiaire offre aux détenus des possibilités de projets, dont la recherche des objectifs fixés pour un retour à une vie sociale, a un effet stabilisateur. Concernant les détenus placés par l'autorité genevoise, lors de la visite des établissements de Bochuz et de Bellechasse, ainsi que les auditions des détenus genevois en ayant fait la demande, la commission a constaté que les conditions de détention offertes étaient correctes. Par ailleurs, elle a relevé l'importance pour l'établissement « receveur » de disposer à l'arrivée du détenu de son rapport médical complet.

2. Structure des établissements de détention

Le concept de l'établissement de Witzwil structuré sur la base de pavillons est particulièrement intéressant. Il apparaît qu'une délocalisation des personnes privées de liberté dans de petites structures apporte une amélioration dans les relations humaines, profitable au but de réinsertion sociale. Cependant, la délocalisation des collaborateurs nécessite probablement une gestion plus importante du suivi des tâches. Rejoignant ainsi l'avis de M. Fankhauser, il apparaît, hormis l'aspect financier, que le principe de « petites structures » est préférable à de grands établissements. Cette constatation devrait être largement retenue dans la réflexion générale sur la conception des établissements de privation de liberté.

3. Consulter préalablement les utilisateurs

Dans l'élaboration d'un projet d'établissement, il est absolument indispensable de recueillir en tout premier lieu les nécessités des utilisateurs. Une affirmation aussi logique que celle-ci pourrait donner l'impression d'enfoncer une porte ouverte. Pourtant, la transformation de la Clairière contraint à le rappeler. La grandeur des ouvertures de lumière d'un lieu de privation de liberté est un élément capital de base, pour lequel il semble incroyable de n'avoir pas réussi à s'accorder avec les utilisateurs en les consultant préalablement. Certes, les impératifs financiers contraignent à effectuer des choix difficiles, mais ils ne doivent pas faire oublier que l'avis des utilisateurs se référant à une pratique concrète et quotidienne de terrain est irremplaçable.

4. Conditions de travail

Au-delà des conditions matérielles d'incarcération, la qualité des relations entre détenus et gardiens est à n'en pas douter l'aspect déterminant de bonnes conditions de détention. La commission a pu se rendre compte avec satisfaction que la formation professionnelle est organisée, qu'elle évolue et tend au cours des ans à consolider ses résultats. M. de Sinner, directeur du Centre de Formation de Fribourg, parlait « du stress et d'une pression énorme pesant sur les gardiens » et « d'une profession qui use ». Reprenant ces paroles bien compréhensibles, nous sommes convaincus que la formation continue est indispensable à tous les niveaux de collaborateurs. Elle permet d'acquérir de nouvelles notions théoriques, et de se ressourcer en faisant dans un même temps un bilan personnel. La durée de formation continue proposée aux cadres semble adaptée et il devrait pouvoir être envisagé une semaine de formation tous les deux ans pour chaque collaborateur.

L'indéniable poids psychologique de l'activité professionnelle des gardiens est inévitable. Celui-ci peut cependant être individuellement supporté différemment et peut avoir des conséquences diverses, au-delà même de la vie professionnelle, notamment sur l'état de santé. Dans ce contexte, un soutien psychologique peut s'avérer une précieuse aide personnelle profitable dans un même temps à l'ensemble du service. Si cette aide permet probablement d'évacuer ponctuellement une accumulation de tensions intérieures, elle développe en outre les facultés de chacun à maîtriser ces pressions, et remplit ainsi un rôle préventif nécessaire pour assumer correctement sa mission à long terme.

Favorable à un soutien psychologique aux personnel surveillant, la commission en recommande sa mise en oeuvre, notamment à Champ-Dollon, où la demande s'est faite entendre.

5. Maison d'arrêts pour femmes de « Riant Parc »

La transformation d'une maison en lieu de détention relève probablement d'un exercice conceptuel d'architecte qui relève de la quadrature du cercle. En l'occurrence, plusieurs aspects des conditions de détention nous paraissent insuffisants ou inappropriés et devraient être modifiés :

D'autre part, bien qu'il n'y ait qu'une salle à manger, un système permettant aux mineures, lorsqu'il n'y a pas de risque de collusion dans le cadre de l'instruction, de prendre leurs repas en commun, comme les adultes, mériterait d'être recherché. Peut-être qu'un deuxième service dans la salle à manger des adultes pourrait être une solution.

Enfin, les sanitaires prévus dans le secteur « maman - bébé » étant à l'état de projet, le point de vue de la commission ne peut que confirmer cette nécessité en espérant vivement sa future réalisation.

Bien que la configuration intérieure d'une villa ne se prête pas à la détention, la polyvalence de Riant-Parc répond à différentes situations particulières par une prise en charge adaptée de cas en cas.

6. Champ-Dollon

Elle doit exister à tous les étages, sous toutes ses formes, à n'importe quelle heure. Les problèmes évoqués lors des auditions laissent à penser qu'une meilleure communication aurait permis d'éviter de nombreuses inquiétudes.

L'information aux détenus, dans un contexte où septante langues sont parlées, n'est certainement pas un jeu d'enfant, et pourtant elle est nécessaire. Elle est d'autant plus indispensable qu'une personne privée de liberté en détention préventive se retrouve dans un nouveau système régi par de nouvelles règles, et d'autre part, parce qu'elle vit au jour le jour, dans l'expectative ou l'inconnu de la procédure dont elle fait l'objet.

Dialoguer avec les aumôneries et les avocats des aspects de sécurité et de confidentialité qu'occasionnerait l'installation de vitrages aux portes de bureaux, aurait permis de trouver une solution intermédiaire avant de déclencher un mécontentement général.

La communication n'est pas seulement une donnée d'information, de règles, ou de mesures, c'est aussi entendre, écouter, comprendre, expliquer. Une prison ne fait qu'appliquer une mesure que notre société impose à un individu. Automatiquement, cette mesure de privation de liberté entraîne des contraintes dans le quotidien, comme le rappelait M. Pieren, directeur du pénitencier de Bochuz. Ainsi, un établissement et son directeur en particulier, auront toujours la tâche ingrate de dire NON aux revendications irréalisables des détenus. Se voir refuser une demande est toujours une source de déception, mais lorsque l'on ne comprend pas la raison du refus, c'est désagréable, puis révoltant. La clarté indispensable à l'information nécessite par conséquent des explications. La demande de pouvoir disposer de disques compacts, figurant dans la pétition 1228, est un exemple de la conséquence d'un refus inexpliqué. Plusieurs témoignages de situations semblables ont été ressentis comme des brimades (mesure vexatoire et inutile, déf. Larousse), ce qui n'est pas le rôle d'un établissement carcéral.

Compte tenu des difficultés présentées par un état permanent de surpopulation, il convient de réserver l'établissement aux détentions préventives d'adultes. Il est donc nécessaire d'intensifier les efforts afin de transférer les détenus condamnés, même à de courtes peines, dans des pénitenciers. Pour des raisons d'inadéquation des lieux pour des mineurs, il est indispensable que ces derniers soient placés dans un autre établissement.

La commission a constaté lors de sa deuxième visite que, contrairement à sa demande, il n'était pas fait usage de l'avis de visite de la commission pour annoncer sa venue aux détenus et la possibilité de la rencontrer. La commission souhaite que l'avis soit affiché de manière à ce que chaque détenu puisse assurément en prendre connaissance. Dans ce but, il se peut que l'avis doit être disposé à chaque étage ou chaque secteur de l'établissement.

La commission tient particulièrement à relever l'aspect positif du repas qu'elle a eu l'occasion de partager avec les collaborateurs et la direction. Elle espère vivement que cette solution qui facilite la communication puisse dorénavant se perpétuer.

Dans un établissement en perpétuel mouvement, la gestion des ateliers n'est pas simple. En cela, les cent cinquante postes de travail existants représentent un bon résultat et la commission ne peut qu'encourager le développement avec les moyens disponibles de nouveaux débouchés comme celui de l'atelier informatique.

7. La problématique des mineurs

La délinquance de l'adolescence évolue. Les délits sont-ils plus graves ou sanctionnés plus sévèrement ? Ils sont dans tous les cas plus nombreux et leurs auteurs plus jeunes.

Légalement, Champ-Dollon ne peut recevoir qu'à titre exceptionnel des mineurs, pourtant en 1998, elle en a accueilli 115. La Clairière affiche complet à l'année. Les foyers de placement sélectionnent drastiquement les entrées. Insuffisamment équipé dans le domaine, notre canton doit au plus vite s'organiser pour répondre correctement à cette nouvelle évolution. Au-delà d'une meilleure prise en charge des jeunes en détention, il convient de réfléchir sur le phénomène social qui tend à l'accroissement des délits.

M. Fankhauser parle d'une formidable carence dans les fondements de la vie en société. Les jeunes ne savent pas écrire, ni parler correctement, les enseignants se plaignent de devoir faire plus d'éducation que d'enseignement. Bien que ce ne soit pas la place de développer son opinion personnelle, on peut se demander pourquoi les enfants ne reçoivent pas l'éducation des fondements de la vie en société. Elever une famille nécessite pour une bonne partie de la population un double revenu familial. La famille a-t-elle encore le temps de s'occuper de ses enfants ? Les enfants ne sont-ils pas plus livrés à eux-mêmes ?

Face à ce glissement social, il est nécessaire de rechercher les causes en amont.

La commission est convaincue qu'il est impératif de mettre l'accent sur la prévention à tous les niveaux.

Ces dernières années semblent avoir démontré une réorientation des membres de la brigade des mineurs vers les brigades des moeurs et des stupéfiants. Ce choix a pour effet d'éliminer une branche indispensable de la prévention auprès des mineurs. Probablement moins spectaculaire qu'une tâche répressive, le travail de fond de la brigade des mineurs permet d'intervenir auprès des jeunes avant qu'ils ne s'engagent dans un engrenage de gravité des délits. La commission est favorable au renforcement de la brigade des mineurs.

Faut-il augmenter la capacité des établissements de détention pour jeunes ? La Clairière passera prochainement de 12 à 16 places, mais il est fort probable que porter sa capacité à 30 ou 50 places ne suffise pas.

La privation de liberté est-elle la seule réponse à la délinquance ? Existe-t-il une concertation entre les différents acteurs de la prise en charge des jeunes délinquants, police, tribunaux, exécution de la peine, réinsertion sociale ?

Voici les questions sur lesquelles politiques et professionnels doivent rapidement se pencher.

Le problème de la présence de mineurs à Champ-Dollon, dont l'âge est souvent difficile à estimer, est prioritaire et ne peut attendre. Ces jeunes doivent être transférés dans des établissements de détention spécialisés.

Compte tenu de la nécessité d'observer particulièrement des classes d'âge, et l'atout d'une prise en charge personnalisée, la préférence doit être donnée à plusieurs petites structures.

Dans un même temps, il devrait être envisagé des possibilités de cas en cas, après évaluation, d'exécution de peine basée sur un programme de réinsertion sociale par une formation pré-professionnelle dans un milieu plus ouvert.

Dans ce sens, les critères de sélection des institutions susceptibles de recevoir les jeunes doivent être réexaminés.

La recherche de nouveaux établissements de placement devrait être étudiée dans le cadre de l'extension du concordat romand des établissements pénitentiaires à des établissements pour mineurs.

8. Service médical

Bien que certains détenus se plaignent des délais d'attente pour recourir aux soins du service médical, la commission est convaincue de la bonne prise en charge médicale offerte dans le milieu de la détention.

Elle estime pour confirmer la position du secteur médical, la nécessité de ne pas déroger au secret médical au delà des exceptions qu'il jugera lui-même, notamment et dans les limites de l'indication, dans des cas qui pourraient exposer le personnel surveillant à un risque déterminé.

Elle souligne également l'importance de garantir au patient détenu l'entretien privilégié avec le médecin.

N'ayant pas eu l'occasion de faire part des observations de sa deuxième visite à Champ-Dollon, la commission demande à l'autorité médicale de réexaminer la situation d'une patiente détenue. Cette patiente se plaint de recevoir continuellement des appels téléphoniques du médecin psychologue, alors qu'à plusieurs reprises, elle a exprimé sa volonté de ne plus avoir de contact avec lui.

Suite à l'entretien avec M. Nuoffer, directeur du pénitencier de Bellechasse, nous transmettons que le service médical de Bellechasse apprécie particulièrement de recevoir l'ensemble du dossier médical du détenu à son arrivée à Bellechasse.

9. Egalité de traitement dans les mesures d'application de peine

Les mesures d'application de peine étant différentes d'un canton à l'autre, d'éventuelles inégalités de traitement peuvent se produire entre les détenus placés par Genève et les autres. A l'heure où tout le monde parle de rapprochement, voire de fusion, sans aller jusque là, la mise en place d'un barème commun de règles d'application entre SAPEM du concordat romand devrait être étudiée.

Pour terminer, la commission réitère ses sincères remerciements à toutes les personnes qui lui ont permis de remplir au mieux sa mission. Elle invite le Conseil d'Etat et M. le Procureur général à porter une attention particulière à ses conclusions et recommandations du point IV du présent rapport, et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter ce dernier.

Proposition de motion(1316)concernant les mineur-e-s détenu-e-s à Champ-Dollonet Riant-Parc

EXPOSÉ DES MOTIFS

En juin 1999, GeoDE Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant, a remis au chef du Département de justice et police et à tous les parlementaires un rapport consacré à la situation des garçons et filles mineurs détenus à Genève, examinée sous l'angle du respect des droits des enfants.

Il en ressort que, d'après les chiffres publiés par le Tribunal de la jeunesse, le nombre de mineur(e)s placé(e)s en détention préventive à Genève n'a cessé d'augmenter ces dernières années (passant de 284 à 446 entre 1996 et 1998, soit une augmentation de 64 %). Une étude sur cette évolution des cas d'infractions à la loi pénale commis par des mineurs au cours des dernières années apparaît comme indispensable afin d'y trouver des réponses adaptées et d'éviter l'apparition d'éventuels phénomènes de crainte et de rejet.

La capacité d'accueil de l'unique centre de nature socio-éducative La Clairière qui est exclusivement réservé aux garçons en conflit avec la loi est limitée à 12 places. Les juges se voient ainsi dans l'obligation de recourir à d'autres lieux de détention lorsqu'à leurs yeux un enfermement préventif s'impose. Dans notre canton, les seules options à disposition sont alors la prison préventive de Champ-Dollon et la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc, dans lesquelles on remarque effectivement une présence toujours plus constante de mineur(e)s.

Ces établissements sont destinés aux adultes et n'ont nullement été conçus pour accueillir des jeunes de moins de dix-huit ans. Par exemple, ces derniers n'y bénéficient d'aucune prise en charge spécialisée, qu'elle soit de nature éducative, sanitaire, scolaire ou professionnelle, car aucun personnel qualifié dans le travail avec les mineurs n'a été engagé. Dans l'un et l'autre établissement, ils passent 23 heures sur 24 en cellule, le plus souvent dans l'inactivité la plus totale. A Riant-Parc, l'heure quotidienne réservée à la promenade se passe sur une terrasse grillagée.

Selon les observations de GeoDE, les adolescentes et les jeunes étrangers non résidents à Genève subissent de plus des pratiques discriminatoires. En effet, les premières ne sont pour l'instant pas acceptées à La Clairière. En ce qui concerne les seconds, ils semblent être systématiquement écartés de La Clairière, et ce au bénéfice de jeunes habitant Genève que l'on juge plus à même de tirer profit de cette prise en charge.

Il faut souligner également que d'autres formes de placement extra-familial que la détention ne sont pas disponibles du fait du manque criant de places en milieu ouvert ou fermé. Ainsi, la détention préventive n'est plus toujours une solution de dernier recours comme l'exige la Convention relative aux droits de l'enfant.

La présence de ces mineur(e)s dans des prisons pour adultes entraîne toute une série de violations de leurs droits, en brèche avec la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la Suisse en février 1997. Les problèmes identifiés par GeoDE touchent tout particulièrement le respect du droit à une attention socio-médico-éducative adaptée, du droit à la formation scolaire et professionnelle et du droit à des activités.

Si de telles pratiques sont inacceptables du point de vue des droits de l'homme, elles vont aussi à l'encontre de l'objectif que devrait avoir toute intervention de la justice à l'égard des mineurs délinquants, à savoir faciliter leur réintégration dans la société et les aider à y assumer un rôle constructif. Genève, cité des droits de l'homme et des droits de l'enfant, ne peut se permettre de tolérer la perpétuation d'une telle situation et se doit d'y apporter au plus vite les correctifs nécessaires.

Rapportde la Commission des visiteurs officiels chargée d'étudier les pétitions:

a) P 1226-A pour améliorer la condition de vie des prisonniers à Champ-Dollon

b) P 1228-A pour l'installation du câble à Champ-Dollon

Rapporteuse: Mme Anita Cuénod

La Commission des visiteurs officiels s'est penchée sur la problématique soulevée par ces deux pétitions rédigées par des détenus de la prison de Champ-Dollon en se réunissant à huit reprises, du début de l'an passé à la fin du mois d'août. Ces travaux se sont déroulés sous la présidence de Mme Janine Berberat, en présence, la plupart du temps, de M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint au DJPT. Les procès-verbaux ont été tenus avec rigueur et professionnalisme par M. Jean-Luc Constant. Les commissaires ont tenu à recueillir un maximum de renseignements et de témoignages sur ce sujet en auditionnant successivement les pétitionnaires, la direction et les gardiens de Champ-Dollon, le chef du Département de justice et police, M. Gérard Ramseyer, le chef du Département de l'action sociale et de la santé, M. Guy-Olivier Segond, le professeur Timothy Harding, directeur du service médical de Champ-Dollon, ainsi que M. Jean-Michel Claude, directeur de cet établissement. En ce qui concerne la pétition 1228, qui a trait à l'installation de la télévision par câble, la demande étant reprise dans la pétition 1226, la commission a estimé que son traitement pouvait se faire avec cette dernière, mais n'a pas classé la première et a proposé son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Dans la lettre d'accompagnement de la pétition que nous traitons, l'un des auteurs précise qu'elle traduit une demande assez simple, basée sur le fait que l'emprisonnement consiste en la seule privation de liberté : « Le mot prison veut dire interdit de liberté, pas autre chose. Tout ce que l'on demande c'est une amélioration (des) conditions de détention dans la prison de Champ-Dollon » (lettre du 25 novembre 1998 de M. A.P., cellule 234, au président de la Commission des visiteurs.) Ce qui résume assez bien le sens et le contenu des différentes demandes, certaines ayant une portée plus importante que d'autres, selon les commissaires. En effet, nous avons estimé que les demandes relatives au service médical ainsi que le sport pouvaient être prioritaires par rapport à la liste de l'épicerie ou à celle des objets pouvant être reçus de l'extérieur, par exemple. Les auditions, retranscrites par la rapporteuse, contiennent exclusivement les propos de leurs auteurs, sans interprétation ni commentaire, bien que résumés.

Audition des pétitionnaires

Les quatre détenus s'exprimant au nom des pétitionnaires tiennent à préciser qu'ils ont bénéficié d'un moment pour préparer leur argumentation avec la collaboration de la direction. L'un d'eux constate que c'est la première fois que des détenus de Champ-Dollon rencontrent la commission au complet. Ils précisent avoir hiérarchisé leurs demandes, plaçant au premier rang de leurs préoccupations la question du service médical.

Service médical

Ils doivent faire une demande écrite pour obtenir une consultation. Quelques plaintes sont émises par rapport à l'omniprésence, c'est ainsi qu'elle est perçue, de l'infirmière et aux délais d'attente trop longs, environ une dizaine de jours. Beaucoup d'attente et souvent quelques minutes frustrantes de consultation qui engendrent une tension supplémentaire, concluent-ils.

Les changements du directeur actuel ont été ressentis comme se faisant au détriment des acquis des détenus, qui sont selon eux trop facilement envoyés au cachot. Suite au suicide d'un détenu, ils précisent que l'état psychique n'est pas suffisamment pris en compte à l'entrée, et que l'évaluation de la visite de l'infirmerie se limite à un questionnaire sommaire.

L'accident survenu au détenu brésilien a entraîné une vague de psychose parmi la population carcérale. Un cas de passage à tabac, à connotation raciste (antisémite), par les gardiens est évoqué et la présidente de la commission précise alors que les détenus disposent de moyens officiels pour se plaindre, comme par exemple de signaler ces faits à la direction ou, le cas échéant, au Procureur général.

Informations et règlement interne

Les pétitionnaires précisent encore qu'ils estiment insuffisante l'information faite aux détenus à leur arrivée, le fascicule n'étant pas suffisamment explicatif. Ce point précis devrait être amélioré par la rédaction conjointe d'un nouveau manuel avec la direction. Ce guide, élaboré à partir des attentes des personnes concernées, contient des clés linguistiques.

Repas et colis

En matière de repas, les pétitionnaires remettent en cause le respect de l'hygiène, demandent que les contrôles soient plus fréquents et plus approfondis. Ils souhaitent que le personnel y travaille avec des bonnets et des gants. En ce qui concerne les colis, les abus ont contribué à restreindre le droit de recevoir des produits de l'extérieur pour tous et non au cas par cas, ce qu'ils ne trouvent pas normal. Cette liste, actualisée s'il y a changement, devrait être transmise aux familles et connaissances. L'un d'eux estime en fait qu'un détenu en préventive est présumé innocent et devrait donc recevoir à ce titre tout ce qu'il souhaite.

Procédure après le parloir

L'un d'eux décrit la procédure après le parloir. Ils passent par le détecteur de métaux et sont fouillés, un contrôle qui leur semble normal, étant précisé que les parloirs sont surveillés et que les détenus sont constamment accompagnés de gardiens pour s'y rendre. Le problème se situe par contre pendant la fouille. Les détenus doivent systématiquement se déshabiller et baisser leur slip. Ils souhaitent la suppression de ce déshabillage, d'autant qu'ils pensent que Champ-Dollon est la seule prison préventive de Suisse à avoir cette pratique. Ils pensent qu'une telle fouille devrait être effectuée de manière ciblée et non généralisée. Il semble que cette pratique n'empêche aucunement la drogue d'entrer dans la prison.

Disques compacts et cassettes

Les CD sont désormais acceptés depuis une année. Chacun peut disposer d'une cinquantaine de supports musicaux, de l'un ou l'autre type.

Epicerie

Si les détenus disposent d'une liste de produits vendus à l'épicerie, beaucoup de choses manquent malheureusement. Les détenus n'en connaissent pas les prix, ce qui pose problème à ceux qui ont peu de moyens et est compliqué pour ceux qui ne comprennent pas le français. L'effectif ayant passé de 2 à 3 magasiniers, l'éventail des produits à disposition a pourtant baissé.

Sport

Lorsqu'un détenu passe une vingtaine d'heures en cellule, ce qui est possible mais pas général, une heure et demie de sport par semaine est insuffisant. Ils ne peuvent pas utiliser la grande salle plus souvent pour des raison de nombre, leur a-t-on expliqué. Ce qui signifie qu'il s'agit là d'un problème d'organisation puisqu'elle n'est en fait utilisée que trois heures par jour et trois jours par semaine.

Télévision par câble

Le nouveau directeur a supprimé la séance mensuelle de cinéma. Les détenus souhaitent qu'elle soit rétablie ou alors qu'un système de location de cassettes vidéo soit mis en place. L'un d'eux précise qu'ils sont prêts à payer dix francs par cellule pour pouvoir disposer de la télévision par câble, afin d'éviter les dépressions en cellule. Le directeur a estimé à l'époque que le système s'avérerait trop coûteux, mais qu'il étudierait la pose d'une parabole, mais les détenus n'ont reçu aucune nouvelle depuis six mois.

Les pétitionnaires remercient la commission de les avoir écoutés. Ils précisent ne pas avoir pu dire tout ce qu'ils souhaitaient, et qu'en fait ils ne veulent pas viser la direction, mais attirer l'attention sur le fait que la privation de liberté ne doit pas signifier privation de respect, de sport ou d'enseignement. Il s'agit aussi de permettre aux détenus de s'informer sur leur réinsertion dans la société, ce dernier aspect étant peu présent à leurs yeux.

Audition des gardiens (MM. Philippe Schaller, Roland Oesch et Joël Brandt)

Si la prison comptait à son ouverture un gardien pour deux détenus, aujourd'hui, elle en compte un pour septante détenus (la journée dans le cellulaire, compte tenu des rotations). A cette question d'effectifs s'ajoutent d'autres problèmes pour les gardiens comme celui des septante langues parlées dans la prison. Ils n'ont plus de temps à consacrer aux détenus et ont été contraints de changer leur mode de travail au fil des années. En ce qui concerne le service médical, qui est rattaché au DASS rappelle ce gardien, chaque fois qu'ils posent une question à propos d'un détenu, le secret médical leur est opposé. Ils apprennent donc toujours trop tard qu'un détenu est séropositif ou tuberculeux.

Les gardiens sont par ailleurs débordés par la problématique des mineurs. Ils ne bénéficient d'aucune formation pour s'en occuper, les cours de l'école de Fribourg n'abordant pas ce type de problème. La prison ne dispose par ailleurs d'aucun règlement intérieur spécifique régissant cette catégorie particulière de population carcérale. La prise en charge et la gestion d'une population carcérale en constante mutation pose évidemment des difficultés considérables dans un environnement aujourd'hui mal adapté, le bâtiment, trop long, obligent les gardiens à parcourir de trop grandes distances.

Quant au sport, la salle est occupée plus de trois heures par jour et cinq jours par semaine. Deux moniteurs-gardiens y assurent la sécurité d'une vingtaine de détenus. L'établissement ne dispose pas du personnel nécessaire pour que le sport puisse y être pratiqué sept jours par semaine. Il est précisé que chaque unité dispose pour le surplus d'une petite salle de musculation ouverte tous les jours. Un des gardiens précise que les détenus préfèrent la musculation aux promenades. De plus, la salle de sport est un ajout architectural au bâtiment principal, elle n'est pas adaptée sur le plan de la sécurité.

Quant à l'aspect des fouilles, les gardiens précisent qu'il s'agit du passage le plus difficile pour un gardien. La fouille s'effectue par le biais d'une palpation avant le parloir et par le biais d'un déshabillage après le parloir, étant précisé que la fouille n'est pas tout à fait la même selon qu'il s'agisse d'un « col blanc » ou d'un toxicomane notoire. Quant à eux, la palpation simple suffirait, mais il ne faudrait pas que l'on dise après que tout rentre à la prison.

Entretien final avec la direction

M. Jean-Michel Claude explique que les postes de télévision posent le même problème que les ordinateurs. A savoir qu'à chaque fois qu'un appareil entre à la prison, les gardiens doivent procéder à son démontage complet pour le contrôler, avec les risques de panne que cette opération implique. La direction étudie actuellement un système de mise à disposition des détenus de postes de télévision contre une petite participation symbolique de leur part, participation qui serait destinée à entretenir le stock.

Le directeur évoque ensuite la question du sport. Suivant l'heure, c'est trop tôt pour certains détenus ou trop tard pour d'autres. Certains estiment même que ce n'est jamais le bon moment. Cela étant, il n'est pas possible de mélanger les détenus pendant les heures de sport, en raison des risques de collusion.

En ce qui concerne l'information aux détenus, le nouveau fascicule élaboré par la direction introduit un système de numérotation qui facilite la lecture et la communication. Il s'agit d'une codification numérique qui permet de naviguer de langue en langue. La direction tiendra compte du travail effectué par quelques détenus, soit en intégrant certains éléments dans son guide, soit en annexant ce travail au guide officiel au titre de conseils d'un ancien détenu.

M. Claude aborde encore le problème de la cuisine et précise que l'établissement est confronté au secret médical. C'est donc le chef de clinique qui délivre le certificat autorisant un détenu à y travailler. La cuisine de la prison subit les mêmes contrôles de la part du service d'hygiène que les restaurants de la place. De plus, lorsqu'un détenu revient du sport, la douche a été rendue obligatoire.

Le directeur précise que le cinéma a été supprimé pour éviter de trop grandes concentrations de détenus et pour des raisons de restrictions au niveau du personnel. L'appareil de projection a par ailleurs rendu l'âme. Vu les problèmes budgétaires actuels, ce n'est pas vraiment le moment de demander sa réparation ou son remplacement. M. Claude explique qu'il existe d'autres moyens, plus modernes et plus performants, de diffuser des films. L'idée serait d'équiper toutes les cellules d'un réseau interne, quitte à le relier à une antenne parabolique. Cela rendrait service à l'établissement. Les moyens nécessaires ne sont cependant pas disponibles.

Discussions et débats en commission

La présidente rappelle que le point qui est apparu comme essentiel aux yeux des pétitionnaires est le service médical de la prison. Les pétitionnaires ont en particulier dénoncé la trop grande attente qui précède les consultations, le manque de variété de la gamme de médicaments et l'importance trop grande que prend l'infirmière par rapport au médecin. Ils se sont par ailleurs plaints de la difficulté de s'expliquer avec les gardiens, des fouilles pratiquées à l'issue des parloirs, de l'absence d'une liste des marchandises que peuvent apporter les visiteurs et de la visite d'entrée qui se résume à un court entretien avec l'infirmière. Il est relevé que l'installation d'un circuit interne de télévision, par câble ou non, pourrait être, selon la direction, facilement réalisable bien que cela implique un coût non négligeable. De même pour l'augmentation des activités physiques qui supposerait l'engagement de moniteurs supplémentaires.

Un commissaire évoque le problème de la fouille après les parloirs et souhaite que la commission trouve une solution pour améliorer la situation puisqu'il s'agit d'une question délicate et, le cas échéant, d'humiliation. A noter pourtant que depuis plusieurs mois, les fouilles s'effectuent par un déshabillage en deux étapes et n'interviennent que lors de l'entrée d'un détenu à la prison et à l'issue des parloirs. Le Département s'oppose à leur suppression, bien qu'il ne faille pas les multiplier. Plusieurs commissaires se sentent par ailleurs plus concernés par la sécurité que par le désagrément qu'impliquent ces fouilles.

Quant au service médical et l'importance de la demande des pétitionnaires, les commissaires décident d'entendre le professeur Timothy Harding, directeur de ce service, le 17 juin, ce qui repousse de plusieurs mois le vote et le rapport de ces pétitions.

Audition de M. Gérard Ramseyer, chef du DJPT

A la question de savoir quelles sont les relations entre le DJPT et le DASS au sujet du service médical pénitentiaire, M. Ramseyer explique qu'il y a bel et bien un cloisonnement entre ces deux départements et qu'il est dû aux médecins. Ceux-ci s'avèrent en effet jaloux de leurs prérogatives. Le cloisonnement commence en fait à ce niveau. Il ajoute que le DASS ne veut pas que d'autres se préoccupent de ses affaires. Ce cloisonnement connaît pourtant certaines limites. Des grincements se font parfois entendre lorsqu'un médecin se plaint de devoir ausculter un détenu dangereux en présence d'un gardien. Il y a également des grincements au niveau budgétaire. La question des tarifs (facturation) apparaît dans ce contexte scandaleuse, mais le problème est en voie de résolution.

Séance du 6 mai 1999

Lors de cette séance, M. A. Agad, secrétaire adjoint au DJPT, qui assiste régulièrement à nos travaux, précise que la situation à la prison de Champ-Dollon est délicate. La prison, conçue pour recevoir 270 détenus, en accueille en moyenne près de 360 depuis le début de l'année, le pic ayant été atteint en avril avec 394 détenus.

Le personnel apparaît de plus en plus fatigué, ce d'autant qu'il n'est clairement pas assez nombreux. M. Agad imagine que d'aucuns diront que ce genre de situation s'est déjà produite par le passé et que la prison de Champ-Dollon est parvenue à y faire face. Il faut cependant savoir que ce genre de situation n'a, par le passé, jamais duré. Or, aujourd'hui, elle dure, ce qui se traduit par des situations extrêmement tendues. Aucune émeute ne s'est heureusement produite jusqu'à présent. Les choses peuvent toutefois dégénérer à tout moment. Ainsi, lundi dernier, les détenus du premier étage ont eu une réaction de mauvaise humeur, revendiquant notamment l'installation d'une antenne parabolique, l'amélioration des prestations de l'épicerie et l'augmentation des horaires de promenade. M. Agad estime que certaines améliorations pourraient facilement être apportées, comme l'amélioration des prestations de l'épicerie.

D'autres revendications paraissent par contre beaucoup plus difficiles à solutionner dans la mesure où elles nécessiteraient des effectifs supplémentaires. Le personnel semble faire face aussi bien que possible, en particulier par le dialogue. Un porte-parole des détenus a par exemple été désigné dans chaque unité, ce qui est une nouveauté nécessaire dans la situation actuelle.

Audition de M. Guy-Olivier Segond, chef du DASS

M. Segond indique à la commission que le DJPT souhaite que le service médical de la prison revienne sous la tutelle de ce département. Le Conseil d'Etat s'y est toutefois toujours opposé, l'essentiel étant à ses yeux que le service médical de la prison soit soumis à l'autorité sanitaire et que la prison elle-même soit soumise à l'autorité pénitentiaire. Cette dernière n'a toutefois jamais accepté que le service médical de la prison soit soumis à l'autorité sanitaire.

La présidente évoque dans ce contexte le principe du secret médical, secret qui pose parfois problème dans certaines situations. Elle cite à ce sujet l'exemple des détenus qui craignent la présence de porteurs du virus HIV à la cuisine de Champ-Dollon. M. Segond répond que l'on rencontre également des personnes séropositives au sein de la population, il y en a peut-être aussi parmi les députés, il peut y avoir des personnes séropositives parmi les détenus, mais aussi parmi le personnel.

Audition du professeur Timothy Harding, directeur du service médical de la prison de Champ-Dollon

Le professeur Harding précise tout d'abord que chaque nouvel arrivant reçoit le soir de son entrée la visite d'une infirmière du service. Il signale que plusieurs principes importants caractérisent le service médical de la prison. Il s'agit en l'occurrence de l'indépendance du service, du respect du secret médical et de la possibilité de formuler des plaintes, le cas échéant, auprès des instances compétentes.

Le professeur explique que chaque détenu qui souhaite consulter le médecin doit remplir une demande écrite qui ne passe pas par les gardiens puisque chaque unité dispose d'une boîte aux lettres. Ils reçoivent une réponse le lendemain avec la date du rendez-vous. Il existe cependant des possibilités de procéder à des consultations urgentes. Le professeur Harding signale qu'il a téléphoné ce matin à son médecin généraliste, il n'a pu obtenir un rendez-vous que dans une semaine et ne pense pas qu'il faille traiter différemment les détenus en leur accordant des rendez-vous sans aucun délai. Il précise que le souci du service est d'éviter une médicalisation trop importante de la prison, ce serait à son avis une erreur de vouloir répondre immédiatement à tous les maux de la prison, y compris les maux existentiels. Il souligne à ce propos la nécessité d'appliquer le principe d'équivalence. Il s'agit d'offrir aux détenus des soins équivalents à ceux de la collectivité. Il admet toutefois que des problèmes peuvent parfois intervenir au niveau de la communication et a donné à ce propos des instructions de vigilance.

Il rappelle que l'infirmière passe tous les jours au sein des unités. Pour le reste, si un détenu a besoin d'une consultation de la part d'un spécialiste, il l'obtient dans le mois suivant. Si l'un ou l'autre des spécialistes est absent, il lui faudra peut-être patienter un peu plus. Le professeur Harding précise que le service médical de Champ-Dollon fonctionne comme la polyclinique de l'Hôpital cantonal, c'est-à-dire aussi avec les assistants qui apprennent, comme tous les assistants, de l'expérience des médecins et des infirmières. La présence des assistants présente un avantage pour les détenus, à savoir le renouvellement de jeunes médecins qui passent dans le service sans cesser de poser des questions.

L'équipe médicale avait il y a une vingtaine d'années une prédominance masculine. La situation s'est par la suite modifiée jusqu'à atteindre l'autre extrême, puisque l'équipe est aujourd'hui entièrement féminine. Cela dit, la situation a évolué depuis le dépôt des pétitions - c'est un hasard - avec l'introduction de trois hommes. La situation est la même - c'est aussi un hasard - au niveau des médecins, puisque le service compte actuellement deux assistantes et deux cheffes de clinique. Le professeur Harding précise que les unités hospitalières carcérales et cellulaires ainsi que le service médical de Champ-Dollon comptent 30 postes d'infirmières. Il ajoute que le service médical assure en moyenne trente consultations par jour, sept jours sur sept, à Champ-Dollon. Ce service fonctionne avec une infirmière responsable et une équipe d'infirmières. L'une d'elles est présente la nuit pour répondre aux urgences. Trois infirmières sont présentes le matin et à cette équipe d'infirmières s'ajoutent deux assistants, une cheffe de clinique responsable du service médical et une cheffe de clinique responsable de la consultation psychiatrique. Le service dispose encore d'un cabinet dentaire, dont le fonctionnement est assuré par deux médecins-dentistes à 40 % chacun et d'une aide-dentaire.

A la demande des pétitionnaires d'un service médical «  plus compétent, plus sympa » et « moins d'attente dans les cellules », le professeur Harding indique que les gardiens reçoivent la liste des rendez-vous et peuvent ainsi amener en temps voulu les détenus dans la salle d'attente. Il précise qu'il s'agit d'un exercice complexe, surtout dans les premières semaines du séjour d'un détenu en raison des rendez-vous chez le juge d'instruction ou avec l'avocat. Il rappelle qu'une prison préventive connaît des mouvements constants. Il se peut dès lors que des aléas viennent parfois perturber certains horaires et obliger les détenus à patienter.

Audition de M. Jean-Michel Claude, directeur de la prison de Champ-Dollon

En ce qui concerne les pétitions, M. Claude précise que les détenus ont commencé à poser des questions et à formuler des demandes après avoir pris connaissance du rapport de la commission de 1998. Il leur a répondu qu'il n'y avait en l'état pas de budget disponible mais que la commission était entrée en matière sur leurs pétitions, ce qui ne signifie pas qu'elle ait accepté toutes les demandes formulées par les détenus, précise-t-il. Ces derniers n'ont pas forcément voulu croire ces explications et ont voulu manifester en se disant que cela ferait certainement bouger les choses.

M. Claude précise que Champ-Dollon accueille très peu de citoyens suisses au courant du système politique actuel, d'où certaines difficultés de compréhension. Cela étant, les explications fournies n'ont pas suffi et les détenus ont manifesté une première fois violemment. Après quelques discussions, ils ont à nouveau manifesté, n'étant pas satisfaits du retour de leur représentant. M. Claude leur a alors expliqué que ce n'était pas la bonne méthode pour entrer dans un processus de dialogue et qu'ils n'obtiendraient rien du tout par le biais de la violence.

Un commissaire précise alors que le rapport 1998 de la commission n'était pas encore sorti au moment du dépôt des deux pétitions dont est actuellement saisie cette commission. Il paraît dès lors manifestement abusif de prétendre que les détenus se sont appuyés sur ce rapport pour formuler leurs revendications.

Le directeur signale que la prison doit faire face à de nombreuses tâches qui coûtent cher en personnel. Il cite à ce propos les cassettes musicales. Avant d'entrer à Champ-Dollon, elles doivent être écoutées intégralement par le personnel. Il rappelle que les détenus ont demandé à pouvoir écouter des CD. Il a fait part de son accord, à condition toutefois que les détenus souhaitant opter pour ce support renoncent aux cassettes musicales, afin de faciliter le travail des gardiens. Le système a été accepté par les détenus et les choses se sont mises en place. Jusqu'au jour où les détenus ont exigé de pouvoir écouter cassettes et CD, ajoute-t-il. Le directeur évoque la possibilité de cacher de la drogue dans une cassette - d'où la nécessité de contrôles - ou celle de réenregistrements illicites.

Discussions et vote

Parmi les neuf demandes consignées dans la pétition 1226, quelques-unes ont reçu une réponse. Pour la première : « Etre mieux renseignés lors de notre arrivée en prison », la brochure élaborée par la direction était prête en français fin septembre. M. Claude nous indiquait qu'il recherchait des traducteurs avant de la diffuser dans la prison. Le fascicule élaboré par un collectif de détenus s'intitule « manuel d'aide aux détenus conçu par un ancien détenu » est lui aussi achevé.

La deuxième demande concerne « Les repas », les pétitionnaires se plaignant de la qualité de la cuisine. Les contrôles de qualité devraient être mis sur pied avec un peu de retard précise le directeur de la prison. Il semble pourtant que depuis le renouvellement de l'équipe cuisine, les critiques aient cessé tant sur la qualité que sur la quantité. Il est à noter que les personnes atteintes de maladies transmissibles ne travaillent pas en cuisine. Quant à la traduction des menus, elle n'est pas à l'ordre du jour, le directeur estimant que les détenus peuvent faire l'effort d'apprendre le français ou de se faire traduire ces menus par des codétenus.

La troisième demande concernant « Une liste de ce que l'on peut avoir depuis l'extérieur » semble avoir été satisfaite par la direction dans la mesure où cette liste existe maintenant. Il serait judicieux de l'intégrer dans le site Internet consacré à la prison de Champ-Dollon, proposition que M. Agad s'engage à faire au directeur.

La quatrième demande concerne la fouille « Après le parloir » qui, pour plusieurs commissaires, ne saurait être supprimée. En effet, pour ces derniers, elle ne représente pas une forme d'abus d'autorité, mais au contraire contribue à la sécurité du personnel comme des détenus en permettant en particulier de saisir d'éventuelles armes et de la drogue. Pour d'autres, la fouille ne garantit pas une efficacité totale du contrôle et vu la gêne qu'elle provoque tant auprès des gardiens que des détenus, il n'est pas judicieux de la maintenir à l'issue du parloir. Il serait préférable d'encourager l'utilisation d'appareils de détection.

Les parloirs sécurisés, s'ils éviteraient la fouille, constitueraient un net retour en arrière, le contact physique entre détenus et visiteurs s'avérant primordial. De plus, la prison ne dispose que d'un seul parloir sécurisé. Les avis divergent et, confrontés à cette problématique aussi délicate qu'importante, il est toutefois suggéré que la direction s'inspire des méthodes pratiquées dans d'autres établissements pénitentiaires européens, mais que les fouilles se pratiquent dans le respect des droits humains.

La cinquième demande, qui consiste à « Avoir droit à des compact disques », semble avoir été satisfaite puisque chaque détenu a droit à une cinquantaine de supports musicaux sans distinction, selon le directeur de la prison qui précise que la pratique fixe un maximum de trente CD et un nombre raisonnable de cassettes en cellule. Le détenu a la possibilité chaque semaine, soit de faire monter de ses bagages trois supports s'il n'est pas au maximum, soit d'échanger trois supports. Ce principe, dit-il, fonctionne bien même si les cassettes disparaissent petit à petit au profit des CD.

L'affichage des prix de « L'épicerie », sixième demande, est relativement aléatoire puisque les produits sont achetés à l'extérieur au meilleur prix, ils fluctuent, et c'est donc actuellement leur prix moyen qui est indiqué.

La septième demande concernant le sport et « Avoir plus d'activités physiques » constitue pour les commissaires une question importante. Le sport et les promenades sont évidemment une soupape essentielle, tant pour le personnel que pour les détenus. S'agissant des infrastructures, l'établissement dispose du matériel et des aménagements nécessaires. Le problème réside essentiellement dans l'organisation des activités physiques. Et pour arriver à une organisation optimale, il faudrait quelques collaborateurs de plus. Le directeur examine la possibilité d'ouvrir la salle de gymnastique à d'autres moments de la journée et d'organiser des tournus différents.

« Avoir dans les cellules la télévision par câble », huitième demande des pétitionnaires, représente à l'instar du sport, un moyen de passer le temps et de se décharger de l'agressivité et des frustrations accumulées. Le câble semble être pour le moment une solution trop onéreuse, précise M. Agad, installer une antenne sur le toit serait sans doute la première solution pour une bonne réception de la télévision dans chaque cellule, avec M6, Arte et Léman bleu. Une autre solution consisterait à poser une ou deux paraboles, la mise en place d'un système de magnétoscope permettant d'effectuer des projections en interne. Il serait également procédé à l'achat de 240 postes de télévision qui seraient par la suite loués aux détenus. Bien entendu, une solution n'empêcherait pas l'autre.

La dernière demande concerne « Le service médical » et quelques commissaires estiment que des améliorations peuvent être faites pour faciliter l'accès à ce service. Le système d'équivalence, évoqué par le professeur Harding, n'a pas véritablement convaincu l'auteure de ces lignes qui estime que l'on ne peut logiquement pas comparer les délais d'attente d'un rendez-vous médical à l'extérieur de la prison. D'autre part, certains commissaires estiment que la présence de l'infirmière, si elle est compréhensible pour le suivi médical et aussi utile soit-elle, peut à des moments particuliers gêner. Elle pourrait, à l'instar des ambulanciers, s'effacer pour permettre ainsi aux patients et aux médecins d'avoir des entretiens préservés. Une procédure de demande de consultation non écrite devrait aussi pouvoir se faire.

Si la commission est arrivée au terme de ses travaux, et que certains points des demandes ont été satisfaits, il en reste pourtant d'autres et non des moindres qu'il s'agit d'étudier pour y répondre. Et ce, afin que les conditions de détention auxquelles cette commission est chargée de veiller, soient conformes au respect de la dignité telle que la conçoit notre société, afin aussi que la réinsertion s'effectue le mieux possible.

La commission a dans sa majorité décidé de proposer le dépôt de la pétition 1228 sur le bureau du Grand Conseil par 5 voix pour (2 AdG, 1 S, 1 Ve, 1 R) et 1 L contre (pour le classement). Elle a par contre décidé de proposer le renvoi au Conseil d'Etat de la pétition 1226 par 4 pour (2 AdG, 1 S, 1 Ve) et 2 contre (1 R, 1 L). La majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les député-es, d'en faire de même.

Pétition(1226)

Mesdames etMessieurs les députés,

Je soussigné, Paulo Pereira-Antonio, cellule 234, ainsi qu'au nom de tous les détenus actuels et futurs, demandons :

Etre mieux renseignés lors de notre arrivée en prison

Souvent, les détenus arrivent dans la prison, et n'ont pas la possibilité de prendre connaissance des activités offertes dans la prison. Améliorer l'accueil des premiers jours de détention préventive. Ainsi le détenu pourrait mieux s'organiser et éviterait de déranger les gardiens inutilement.

Les repas

Nous demandons une amélioration par rapport à ce que l'on mange ici (les sauces, la salade, la cuisson, le goût, etc.).

Une liste de ce que l'on peut avoir depuis l'extérieur

Souvent les visites, que nous avons au parloir ou qui nous envoient des colis, nous amènent des choses qui ne passent pas à l'intérieur de la prison. Nous demandons une liste détaillée qui serait déposée à l'entrée des visites, afin qu'elles puissent en avoir un exemplaire. Ainsi, elles sauraient ce qu'elles peuvent nous apporter, sans frais inutiles.

Après le parloir

Nous demandons que nous ne soyons plus obligés systématiquement pendant la fouille, de baisser les culottes, cela est très gênant pour les détenus et surtout humiliant.

Avoir droit à des compacts disques

Beaucoup de musique qui sort actuellement n'existe pas en cassette. De plus, la qualité sonore des compacts disques est nettement supérieure.

Epicerie

Nous demandons à ce que soient rajoutés dans le catalogue d'épicerie plus d'articles (comestibles, déodorants, etc.) et surtout les prix.

Avoir plus d'activités physiques

Une heure et demie par semaine de sport dans la grande salle n'est pas suffisant pour nous. Pourquoi ne pas plus bénéficier d'une salle qui a coûté assez cher à l'Etat ?

Avoir dans les cellules la télévision par câble

Nous aimerions avoir en cellule la télévision par câble, même si nous devons payer la somme de 10 F par cellule par mois.

Le temps serait plus agréable et surtout nous serions mieux renseignés sur ce qui se passe dans le monde et dans nos pays.

Service médical

Avoir également un service médical plus compétent, plus sympa et moins d'attente dans les cellules quand on monte au médical.

Je remercie tous ceux qui m'ont aidé à préparer cette pétition et qui veulent suivre, de façon à ce que nous puissions améliorer notre séjour à Champ-Dollon.

N.B. : 71 signatures

M. .

Prison de Champ-Dollon22, chemin de Champ-Dollon1226 Thônex

Pétition(1228)

pour l'installation du câble à Champ-Dollon

Mesdames etMessieurs les députés,

Ayant eu la malchance de passer un court moment de ma vie (beaucoup trop long pour moi) à la prison de Champ-Dollon, j'ai pu constater avec étonnement que celle-ci ne disposait d'aucune antenne de télévision.

Je crois que beaucoup d'autres prisons en Suisse sont équipées d'un système de réception audiovisuelle.

Vous savez, et je parle par expérience, être enfermé plus de vingt heures par jour dans même pas 12 m2, c'est dur.

Je crois que l'installation du câble à Champ-Dollon pourrait éviter bon nombre de problèmes internes au sein de votre établissement carcéral.

Dans ce but, je souhaiterai obtenir un entretien avec vous, afin de justifier de vive voix ma requête.

De plus, je pense qu'aujourd'hui les personnes non incarcérées comprennent de plus en plus à quel point la vie des prisonniers, quels qu'ils soient, est difficile.

Par ailleurs, je crois savoir que la prison de Champ-Dollon reste un des rares établissements publics où l'installation du câble n'a pas été effectuée.

N.B. : 42 signatures

M. .

p.a. Prison de Champ-DollonCase postale 2311226 Thônex

Débat

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Quelques mots pour introduire le rapport de la commission des visiteurs. Tout d'abord, il faut signaler qu'en début d'année, une profonde modification de la commission s'est opérée, puisque six commissaires sur neuf, dont la vice-présidente, ont été nommés à la commission de grâce. Mme Berberat, présidente pour l'année 1999, a su reprendre le mandat au pied levé et avec une grande compétence. Quelques mots encore pour dire que les travaux de la commission ont peut-être été, en 1999, un peu plus complets que d'habitude, puisqu'ils ont dû inclure les travaux sur le projet de loi concernant le fonctionnement de la commission. Ils ont également dû inclure deux pétitions de détenus de Champ-Dollon, ainsi qu'une motion.

Le rapport traite uniquement des travaux d'auditions et de visites des établissements. Les pétitions ont fait l'objet de rapports séparés. Ce rapport s'articule autour de deux grandes parties. La première reflète de manière très factuelle les auditions et les visites. La deuxième partie fait état des discussions de la commission et des recommandations de celle-ci. Parmi les différentes conclusions, je ne citerai que les quatre plus importantes. La première montre que la commission n'a pas constaté de mauvais traitements dans les établissements qu'elle a visités, si ce n'est des conditions inadaptées de détention, particulièrement en ce qui concerne les mineurs dans la maison de Riant-Parc et à Champ-Dollon. La deuxième constatation laisse apparaître certains problèmes à Champ-Dollon, qui ont été évoqués par les détenus, mais aussi par les collaborateurs de la prison. La principale cause est un manque de communication, en tout cas une mauvaise communication à l'intérieur de l'établissement. La troisième constatation et recommandation concerne plus particulièrement la détention des mineurs et plus largement le problème de la jeune délinquance. La commission souhaite que le Conseil d'Etat nomme une commission extraparlementaire afin de pouvoir étudier le phénomène de manière globale, avec les différents intervenants, les différents professionnels et les différents protagonistes de la détention des mineurs, et d'élaborer des solutions à ce sujet. Enfin, la dernière recommandation a trait au rapport de M. Pedrazzini, l'expert mandaté par le président du département, rapport que la commission souhaite obtenir afin de poursuivre ses travaux sur la motion.

Voilà très brièvement les grandes lignes du rapport qui est soumis aujourd'hui à votre approbation. 

M. Pierre-Alain Cristin (S), rapporteur. Comme le rapporteur le mentionne en pages 1, 2 et 3 du présent rapport, le groupe socialiste aimerait remercier toutes les personnes auditionnées qui ont répondu à nos attentes, ainsi que les fonctionnaires et les procès-verbalistes. Nous tenons tout particulièrement à remercier M. Odier pour son précieux travail durant cette année. En effet, ce rapport reflète bien les travaux de la commission durant l'année écoulée, que ce soit pour les visites en elles-mêmes, les auditions relatées ou les divers objets travaillés en commission. Je tiens à préciser que ce rapport a été nuancé pour arriver à un vote unanime des commissaires.

Ces remerciements étant faits, je tiens, Mesdames et Messieurs les députés, à m'attarder sur deux points particuliers figurant dans ce rapport et qui ont trait aux deux visites annuelles obligatoires à Champ-Dollon. Le premier concerne le personnel. Nous avons pu apprécier le travail effectué par les gardiens, qui ont été pour la premières fois entendus par la commission, ce qui nous a permis de mieux cerner leur travail au quotidien et les problèmes qui en découlent, comme des problèmes de santé dus au stress, aux horaires irréguliers, et des problèmes d'ordre plus général à la prison, comme le changement de direction et les problèmes de communication qui en ont découlé, le sous-effectif des surveillants, la sécurité des bâtiments, les diverses langues parlées dans le milieu carcéral et la formation au niveau de la détention des mineurs. Ce qui m'amène à mon deuxième point.

Nous avons pu constater par le biais de nos visites et de nos auditions que le nombre de mineurs ayant séjourné à Champ-Dollon a dangereusement augmenté ces dernières années. En 1996, ils étaient 13, en 1997 67 et en 1998 115. La prison de Champ-Dollon n'ayant pas pour mission d'accueillir des mineurs, sauf cas exceptionnels, ce qui avec 115 détenus pour l'année 1998 ne peut plus être considéré comme tel, nous arrivons à des situations où les détenus mineurs sont enfermés dans leurs cellules durant 23 heures par jour, sans télévision et sans repas en commun, dans un total isolement. Ceci, le groupe socialiste ne peut le tolérer. Difficultés de la justice, problèmes de prévention, effectifs réduits de la brigade des moeurs, nous ne tranchons pas. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons nous mettre au plus vite au travail sur ce sujet afin de mieux cerner ce problème et d'essayer d'y apporter des solutions.

En conclusion, le groupe socialiste pense que beaucoup de travail reste à faire pour améliorer la vie en milieu carcéral et ceci passera sans doute par des échanges de points de vue avec différents cantons du concordat romand et par différents consensus. Car malgré nos différends politiques, nous devons toujours avoir à l'esprit que derrière les barreaux se trouvent des femmes et des hommes privés de la chose la plus essentielle, la liberté ! 

Mme Esther Alder (Ve). Je veux m'exprimer sur la motion 1316 concernant les mineurs détenus à Champ-Dollon et à Riant-Parc. Cette motion marque ici la volonté de tous les partis de mettre un terme à une situation intolérable, à savoir le non-respect de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant. Il est inadmissible que l'on ne respecte pas un certain nombre de droits fondamentaux, tels que la séparation réelle des mineurs des adultes, le droit à la formation et aux activités, le droit à une assistance éducative. De plus, il est inacceptable que l'on discrimine les mineurs résidants et les mineurs non-résidants à Genève. Ainsi, ce que nous voulons clairement, c'est une politique cohérente en matière de prise en charge des mineurs délinquants, qui passe entre autres par une réelle politique de la prévention, un renforcement du système socio-éducatif, par la création de foyers. Ce que nous voulons aussi, c'est une réelle réflexion sur les alternatives à la détention des mineurs. Cela signifie clairement que des moyens financiers conséquents devront être alloués à la concrétisation de ces objectifs. Nous proposons donc le renvoi de cette motion à la commission des visiteurs. 

M. Hubert Dethurens (PDC). J'aimerais tout d'abord remercier à titre personnel M. Odier pour son excellent rapport, qui a entre autres mérites de relater très fidèlement les travaux de la commission et sans pour cela développer une vision plus personnelle ou polémique, comme celle qui a été développée dans d'autres rapports et qui a été la cause de plusieurs mésententes. C'est pour cela que le groupe PDC ne peut qu'approuver ce rapport.

En ce qui concerne les pétitions, quelques remarques concernant notamment l'attente trop longue des visites médicales. Mesdames et Messieurs les députés, qui d'entre nous n'a pas attendu deux jours ou une semaine pour un rendez-vous chez un médecin ? De plus, je crois que le service médical ne dépend pas de l'administration de Champ-Dollon, mais plutôt du département de M. Segond. Pour ce qui est de la cuisine, la commission a pris un repas sur place. Le repas qui nous a été servi était identique à celui des détenus. Seule l'entrée avait été améliorée et l'on nous a aussi servi du vin. Une boutade à ce sujet : le guide Michelin ne bombarderait certainement pas d'étoiles une telle cuisine, mais il la classerait peut-être dans la liste des « corrects ».

Pour ce qui est de la fouille, la situation apparaît plus problématique. La fouille est qualifiée de blessante et d'humiliante. Certainement, mais il doit s'agir d'une fouille sécurisante. Premièrement, sécurisante pour les gardiens. Ceci est facilement compréhensible. Mais elle doit aussi être sécurisante pour les détenus. Je vous rappelle qu'un détenu qui peut se procurer de la drogue en prison y détient un certain pouvoir. J'espère que ceux qui souhaitent aujourd'hui moins de fouilles ne seront pas les mêmes qui déposeront une motion lors de graves incidents engendrés soit par l'entrée illicite d'armes, soit par des overdoses de détenus ou je ne sais quoi encore.

En ce qui concerne l'installation du câble - j'en viens là à l'autre pétition - ma première réflexion est de dire que même dans un village comme le mien, on n'a pas accès au câble. Je reconnais que cette réflexion, que l'on entend d'ailleurs souvent dans la rue, devrait être quelque peu modérée. En effet, la TV ou la vidéo sont des éléments stabilisateurs en milieu carcéral. De ce fait, l'installation de paraboles et d'un réseau de distribution vidéo à l'intérieur d'une prison ne peut qu'améliorer la vie des détenus, mais aussi la sécurité générale. Quant au câble, on s'est aperçu que la distance de la prison au lieu le plus proche pour un éventuel branchement de ce câble était problématique. Mais, je l'ai dit précédemment, la parabole peut remplir la même fonction avec deux avantages. Le premier, c'est que le projet est financièrement réalisable. Le deuxième, c'est qu'il peut être réalisé relativement rapidement. J'aimerais cependant dire à l'égard des détenus qui suivent peut-être nos débats que « rapidement » ne veut pas dire deux jours, mais plutôt six mois à une année !

J'en viens à présent à la motion 1316 concernant les mineurs détenus à la Clairière ou à Champ-Dollon. Il est naturellement souhaitable que cette détention ait un aspect éducatif. Aujourd'hui, la situation s'est quelque peu améliorée. Il ne reste aujourd'hui que quatre détenus mineurs à Champ-Dollon. Il est à relever que la presque totalité des mineurs détenus ou incarcérés à Champ-Dollon sont des mineurs faisant l'objet d'expulsions de Suisse. A ce sujet, je nuancerai quelque peu l'exposé des motifs. Les mineurs non suisses sont effectivement dirigés vers Champ-Dollon du fait qu'ils vont être expulsés. Alors que pour les nationaux, qui sont appelés à séjourner plus longuement, un programme de rééducation doit impérativement être engagé et il ne peut l'être qu'à la Clairière. Il est vrai que la situation en Europe et particulièrement dans l'ex-Yougoslavie s'est aujourd'hui améliorée. Il n'est néanmoins pas impossible qu'une telle situation se représente un jour. Comme la politique est de prévoir, nous demandons donc au Conseil d'Etat de tout mettre en oeuvre pour éviter l'incarcération de mineurs à Champ-Dollon. Il y a plusieurs pistes possibles pour cela. J'en ai entendue une, c'est la maison du Vallon, maison de fin de peine, qui pourrait peut-être être aménagée à moitié pour la détention de mineurs.

Pour la motion 1316, nous recommandons donc le renvoi au Conseil d'Etat. Quant aux deux autres pétitions, nous soutenons leur dépôt sur le bureau du Grand Conseil. 

Mme Jacqueline Cogne (S). Il s'agit ici d'enfants. Mme Alder a parlé à ce propos de la déclaration des Nations-Unies du 20 novembre 1959. Je veux quand même vous en citer un paragraphe. « Les enfants ont des droits, mais aussi le droit à la protection contre toute forme de négligence, cruauté et exploitation. » Je vous parle là de la M 1316. Il s'agit donc d'enfants, d'enfants en difficulté que l'on met en contact permanent avec des adultes, adultes également en difficulté, Mesdames et Messieurs. Mais voilà, il se trouve que ces difficultés ne peuvent être prises en considération de la même manière.

Je vous le répète, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'enfants. Et ce sujet traîne depuis trop longtemps, nous avons déjà perdu trop de temps, il est grand temps que le Conseil d'Etat prenne enfin ses responsabilités à ce sujet. Pour cette motion, nous demandons donc le renvoi au Conseil d'Etat. 

Le président. Je donne à présent la parole à Mme Anita Cuénod, rapporteuse pour les pétitions.

Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Si la commission des visiteurs a estimé qu'elle se devait d'étudier attentivement les demandes formulées dans ces deux pétitions et d'en prendre le temps, elle a sans doute eu raison. En effet, plus d'un an s'est écoulé entre le dépôt de ces dernières et aujourd'hui. Le temps paraissant probablement un peu long pour les personnes concernées, elles auront quand même observé, du moins je l'espère, que des réponses ont été apportées par la direction de la prison. Même s'il reste encore quelques aspects, et non des moindres, à résoudre, que je rappellerai plus loin, il est important de relever qu'en matière d'accueil par exemple, la nomination d'une responsable depuis septembre 1999 semble avoir été bien ressentie. De plus, une nouvelle brochure d'information sort de presse, avec les compléments demandés. Le « Manuel d'aide au détenu », réalisé par un ancien détenu, est aussi prêt, mais doit encore être systématisé en diverses petites brochures à thèmes et traduit. Il comporte entre autres choses intéressantes - je l'ai feuilleté hier - une quantité de modèles de formulaires certainement fort utiles.

Pour les repas, il faut savoir que le chef monte maintenant tous les jours à midi à tous les étages. En ce qui concerne les fouilles, il faut rappeler qu'elles sont effectuées en deux temps depuis plus d'une année et que la commission recommande qu'elles le soient dans le plus grand respect de la dignité. Pour les CD et les cassettes, il semble ne plus y avoir de limitation. La liste des produits de l'épicerie est à disposition avec les prix des produits à chaque étage. Pour le sport, il faut savoir que depuis le 17 janvier de cette année, l'équipe de moniteurs a été renforcée et le temps augmenté de 60 à 75 minutes, toujours deux fois par semaine, et qu'un bilan sera fait fin mars. Ces informations m'ont été transmises voici deux jours par M. Agad, secrétaire adjoint au DJPT.

J'ai trouvé utile, Mesdames et Messieurs, de vous rendre compte des dernières avancées sur ces demandes. C'est pourquoi cette liste peut paraître un petit peu exhaustive à ceux qui ne se sont pas plongés dans le détail de ces formulations. Mais elles nous semblent importantes. Ce sont les avancements que j'ai relatés qui semblent importants.

J'en viens maintenant aux autres points, comme la télévision. Comment se fait-il que le budget découlant de ce projet ne figurait pas au budget 2000 ? C'est ma première question. La télévision représente à l'instar du sport un moyen de passer le temps, comme le disait M. Dethurens, et d'apaiser les frustrations accumulées. Les possibilités évoquées par le représentant du département consistent à acheter 240 postes supplémentaires qui seraient loués aux détenus, à poser une antenne et une ou deux paraboles et à mettre en place un système de magnétoscope permettant d'effectuer des projections en interne. Deuxième question : avez-vous l'intention de mettre cette somme, évaluée à 250 000 F si je me souviens bien, Monsieur le conseiller d'Etat, au budget 2001 ? Quant au service médical, quelles seront les améliorations faites pour accéder plus vite aux soins médicaux ?

Mesdames et Messieurs, une prison est une prison. Mais l'état d'une société peut aussi être évalué à l'aune du sort qu'elle réserve à ceux qu'elle punit. Et nous devons garder à l'esprit que les personnes privées de liberté, qui méritent d'être écoutées, doivent bénéficier des mesures propres à leur réinsertion.

La majorité de la commission vous demande de renvoyer la pétition 1226 au Conseil d'Etat afin que les points que je viens de mentionner trouvent réponse. Elle suggère par contre le dépôt sur le bureau du Grand Conseil de la pétition 1228, dont la demande est largement reprise dans la précédente. 

Mme Jeannine de Haller (AdG). L'Alliance de gauche tient à redire, comme elle l'a déjà fait lors du débat sur le PL 7822 concernant l'agrandissement de la Clairière, que l'incarcération d'une mineure ou d'un mineur ne devrait être qu'une décision ultime et totalement exceptionnelle prise seulement lorsqu'il n'y a vraiment plus d'autres solutions, c'est-à-dire lorsque le jeune représente un danger réel pour la collectivité.

N'oublions pas, comme l'a dit M. Oliveira dans le Courrier de l'UNESCO de juin 1998, que la prison est et reste un appareil destructeur de la personnalité. Or, si tant la Clairière que Riant-Parc débordent actuellement à Genève, ce qui fait que des mineurs sont détenus en permanence à Champ-Dollon, c'est peut-être justement parce qu'il n'y a pas de réelle réflexion autour de la prise en charge des jeunes délinquants et que la seule solution actuellement en cours à Genève est de les enfermer. C'est pourquoi il est absolument indispensable qu'il y ait une réflexion approfondie autour de ce sujet pour trouver des solutions alternatives à l'incarcération des mineurs. Nous demandons que la prise en charge des jeunes détenus repose sur un concept pédagogique clair et qu'une politique éducative axée sur la relation et l'encadrement humain renforcé soit privilégiée.

Il faut faire en sorte que les établissements d'éducation actuels soient pourvus d'équipes psycho-pédagogiques efficientes. Il faut opter pour une prise en charge éducative et thérapeutique où la détention ne soit que subsidiaire et résiduelle. Nous demandons qu'aucun mineur ne soit plus envoyé à Champ-Dollon, ni à Riant-Parc et nous vous demandons d'envoyer la motion concernant les mineurs à la commission des visiteurs et non pas au Conseil d'Etat, parce que cette commission va effectivement débattre de toute la problématique des mineurs. 

M. Rémy Pagani (AdG). Une interpellation, une intervention de plus pour stigmatiser la situation que vivent les mineurs incarcérés à Champ-Dollon !

Il est vrai qu'ils ont des droits, mais l'on se doit aussi de montrer la difficulté dans laquelle se trouve la société actuelle, qui depuis une dizaine d'années a fermé, je vous le rappelle, un certain nombre de foyers, sous prétexte d'économies, sous prétexte du manque de prise en charge ou du coût de la prise en charge éducative dans ces foyers. Nous nous retrouvons aujourd'hui face à des chiffres assez catastrophiques. En 1996, 284 mineurs incarcérés à Champ-Dollon, 351 en 1997 et 446 en 1998. On nous a dit tout à l'heure que quatre mineurs séjourneraient encore aujourd'hui à Champ-Dollon. Il faut cependant considérer les statistiques annuelles. Je pense que cette statistique ne va faire qu'augmenter si l'on investit de l'argent dans le renforcement de la justice en engageant des juges, si l'on investit de l'argent dans les fiches de police, dans la mise en place de fiches de police que mon collègue Vanek a stigmatisée hier. Si l'on investit donc de l'argent dans la répression, cette statistique va bien évidemment augmenter. Nous prétendons cependant qu'il y a des mesures éducatives préventives à mettre sur pied et je m'étonne que Mme Brunschwig Graf ne soit pas présente aujourd'hui, parce qu'elle détient la clé de la mise en place de ces mesures préventives, notamment pour les adolescents. Il faudrait qu'une sorte de triage soit opéré et qu'une convention soit rapidement passée avec les juges des mineurs qui permette de faire un tri rapide parmi les mineurs entre ceux qui relèvent de la grosse délinquance et ceux qui relèvent de la petite délinquance, convention qui permette aussi d'orienter les mineurs dans les foyers existants ou dans le foyer que nous réclamons depuis plusieurs mois et qui serait ouvert pour accueillir une tranche de ces mineurs, notamment les plus jeunes.

Nous estimons en effet qu'il ne faut pas tarder. Cela fait déjà trois ans que ces statistiques augmentent. Or, tout retard se payera très cher à l'arrivée, puisque comme vous le savez - c'est ce que je voulais dire au départ - le problème des mineurs, ce ne sont pas seulement les droits qu'ils ont, comme celui de ne pas être confrontés avec des adultes délinquants. On a en effet constaté, à propos de l'exemple des adultes, que lorsque plus rien ne fonctionne, y compris la parole et l'éducation, l'exemple, lui, subsiste. L'exemple d'adultes délinquants et le fait d'être à Champ-Dollon, la valorisation que représente pour ces mineurs en situation difficile la détention à Champ-Dollon par rapport à leurs camarades, tout ceci constitue une grave atteinte à leur personnalité. Et à la longue, ces exemples, qu'ils ont copiés auprès d'adultes qui leur « ressemblaient », se reproduiront. Nous estimons effectivement que tout mois perdu se payera plus tard. On le constate d'ailleurs dans les manifestations. M. Ramseyer s'est plaint, dans un article paru dans la presse de ces derniers jours, de voir un certain nombre de jeunes « accaparer » toutes manifestations et tous regroupements, qu'ils soient sportifs, culturels ou politiques, pour casser du matériel. C'est quelque part le fruit de cette politique que nous retrouvons les uns et les autres dans les manifestations que nous organisons.

Je trouvais important de soutenir cette prise de position, cette motion. Madame Brunschwig Graf, c'est un cri d'alarme que nous lançons. Il faut ouvrir rapidement un foyer et passer des conventions avec les juges pour les mineurs qui permettent de mieux orienter les mineurs qui pourraient être pris en charge par cette nouvelle institution, de les orienter ailleurs qu'à Champ-Dollon.  

Mme Jacqueline Cogne (S). L'erreur étant humaine, le parti socialiste demande que la motion 1316 soit renvoyée à la commission des visiteurs et non pas au Conseil d'Etat. 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je n'interviendrai pas sur la motion s'occupant des mineurs, Mme Esther Alder l'ayant excellemment fait pour notre groupe. Je ne rappellerai qu'un seul point et je poserai ensuite une série de questions à M. Ramseyer, aussi bien sur le rapport des visiteurs que sur la pétition.

Le point du discours de Mme Alder que j'aimerais appuyer concerne le problème principal que nous rencontrons. Ce problème principal est que l'on incarcère des gens qui n'ont rien à faire en prison, qu'une partie de la solution se trouve bien entendu en amont, c'est-à-dire au niveau de la justice, à qui nous tentons actuellement de donner les moyens de faire son travail dans de meilleures conditions et plus rapidement. Ceci afin d'éviter qu'une prison préventive telle que Champ-Dollon ne soit perpétuellement en surpopulation. Je crois que c'est le problème principal et que de celui-ci découlent tous les autres.

J'en viens à mes questions, Monsieur le conseiller d'Etat. Elles concernent plusieurs domaines, notamment les effectifs. Lorsque je lis dans le rapport de la commission des pétitions l'audition des gardiens et que je lis « si la prison comptait à son ouverture un gardien pour deux détenus, aujourd'hui, elle en compte un pour septante détenus », ma première réaction a été de faire des bonds. Mon groupe m'a immédiatement dit, lors du caucus, qu'il s'agissait d'une erreur de frappe et que ça devait être sept. Je viens donc d'aller voir la rapporteuse qui me dit que ce n'est pas une erreur de frappe, mais une question de rotation. Mais s'il y a rotation, il y a alors rotation dans les deux sens. Si l'on a commencé à l'époque avec deux détenus et que l'on en arrive à septante, j'aimerais que l'on m'explique un peu mieux comment c'est possible et j'aimerais que l'on dise si oui ou non la prison de Champ-Dollon est aujourd'hui en manque d'effectifs. Je crois que c'est une chose à dire et après ce sera effectivement au monde politique de prendre une décision s'il faut augmenter ou non le nombre de gardiens.

Ma seconde question concerne le secret médical et est également contenue dans l'audition des gardiens. Les gardiens disent que chaque fois qu'ils posent une question à propos d'un détenu, le secret médical leur est opposé. Ils apprennent donc, selon eux, toujours trop tard qu'un détenu est séropositif ou tuberculeux. Déplaçons-nous dans un autre domaine, Monsieur le conseiller d'Etat, un domaine que je connais beaucoup mieux, qui est celui de l'éducation, où nous accueillons également des enfants malades et où nous ne donnons pas au personnel encadrant le dossier médical de l'enfant. Il y a simplement des consignes. Les éducateurs savent très bien que lorsqu'un enfant saigne abondamment, ils doivent prendre un certain nombre de précautions. Il y a, il me semble, dans la médecine actuelle des vaccins concernant la tuberculose. Je ne comprends donc pas que l'on en arrive encore à se poser ce genre de problème.

Ensuite, le troisième point concerne les promenades. On entend beaucoup de choses au sujet de ces promenades, notamment que les mineurs, majeurs, personnes à risques ne peuvent pas être mélangés ce qui fait que les gens restent enfermés dans leur cellule 23 heures sur 24. J'aimerais savoir s'il s'agit d'une simple rumeur ou si c'est conforme à la réalité. Est-ce que vraiment ils ne disposent pas de lieux supplémentaires pour se promener ? Est-ce que ces lieux ne pourraient pas être créés ? J'aimerais connaître votre position là-dessus.

Enfin, la dernière question concerne le communiqué qui nous a été lu hier par M. Segond au nom du Conseil d'Etat. Bien sûr que ce communiqué a donné lieu de manière spontanée à un certain nombre d'applaudissements, auxquels j'ai pu m'associer, et également à une réaction de M. Pagani, à laquelle je m'associe aussi. C'est dire à quel point nous sommes perplexes par rapport à ce communiqué. Est-ce que nous devons applaudir en comprenant que les problèmes qui se passent à Champ-Dollon constituent votre souci actuel au Conseil d'Etat et que vous avez souhaité aller vite en nommant une personne indépendante assortie de collaborateurs qui pourront entendre les fonctionnaires qui seront déliés de leur secret de fonction ? Ou est-ce qu'il faut comprendre que vous faites peu de cas de ce que vous a demandé le Grand Conseil et que votre commission d'experts aura des possibilités que celle nommée par le Grand Conseil n'aura pas ? Va-t-il s'agir de doublon ou va-t-il s'agir une fois de plus de ne pas nous avoir écoutés. J'aimerais donc que l'on me dise exactement le but de cette commission. Est-ce que l'autre commission qui a été nommée par ce Grand Conseil va pouvoir travailler et quelle comparaison sera faite entre les deux expertises ? 

Le président. Je salue à la tribune la présence de Mme Martine Ruchat, notre ancienne collègue. (Applaudissements.)

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Tout d'abord, un grand coup de chapeau à Jean-Marc Odier pour son excellent rapport !

La motion 1316 attire spécialement notre attention sur la croissance de la délinquance juvénile et surtout l'abaissement de l'âge des jeunes concernés. Ce nouveau phénomène pose des problèmes à la justice genevoise. La privation de liberté est souvent une forme de protection face aux adultes et au jeune lui-même pour une période transitoire.

Premier constat, il y a un manque très net de foyers spécifiques pour accueillir ces jeunes à la dérive. En effet, il faut des sanctions et surtout un accompagnement adapté aux mineurs et non pas les assimiler aux adultes avec toutes les mauvaises influences que cela peut induire. Deuxièmement, le droit des enfants n'est pas respecté, contrairement à la convention signée dernièrement par la Suisse. Cette motion rejoint une des invites du rapport 348 qui suggère la création d'une commission extraparlementaire qui serait un organe de propositions pour résoudre le problème des mineurs. Cette motion doit donc être renvoyée à la commission des visiteurs pour qu'elle traite ce problème dans les meilleurs délais.

M. Olivier Vaucher (L). Si une majorité de la commission a renvoyé la pétition 1226 au Conseil d'Etat, nous jugeons pour notre part qu'elle peut suivre le même chemin que la pétition 1228 pour les raisons suivantes. Tout d'abord, la grande majorité des demandes formulées dans cette pétition ont à ce jour été solutionnées, la plupart d'ailleurs à satisfaction des pétitionnaires. Pour ce qui est du service médical, après l'audition du professeur Harding, qui a clairement expliqué que les conditions étaient égales à celles rencontrées par tout un chacun non emprisonné et qui n'entendait pas créer par là d'inégalité de traitement entre les prisonniers et les personnes du dehors, ceci bien sûr en faveur des détenus, nous pensons en conséquence que la situation est normale.

En ce qui concerne la fouille corporelle, avec la mise à nu totale du détenu en deux étapes, comme l'a précisé le rapporteur, celle-ci s'est révélée très positive, puisqu'il semblerait, selon les statistiques de l'ensemble des établissements de Suisse, que cette fouille corporelle ait permis à notre canton d'avoir moins de problèmes que toutes les autres prisons.

En conclusion, nous dirons que cette pétition a eu l'avantage de faire accélérer la réalisation de certaines améliorations prévues. Cependant, entre le jour de son dépôt et aujourd'hui, comme je l'ai dit liminairement, ses buts ont quasiment été totalement atteints. C'est pour cela que notre groupe vous demande, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. 

M. Alain Etienne (S). J'ai lu avec attention ce rapport de la commission des visiteurs du Grand Conseil. Sans vouloir porter atteinte à l'important travail qui a été fait en commission, je me suis posé quelques questions dont je vous fais part.

Que reste-t-il du débat que nous avons eu l'année dernière et qu'est-il advenu des recommandations qui avaient alors été faites ? Ce qui m'apparaît intéressant dans l'analyse effectuée entre deux périodes, c'est cette possibilité qui nous est donnée de pouvoir nous rendre compte de l'évolution des choses et ainsi assurer un meilleur suivi des travaux. Ceci avait été dit l'année dernière. Dans le rapport de Mme Ruchat, on pouvait lire des remarques sur les conditions de vie des détenus, notamment l'accès plus rapide aux soins. Aujourd'hui, le problème des délais d'attente ne semble pas avoir été réglé. Je me souviens aussi de grandes discussions au sujet de la suppression de la fouille corporelle comme mesure vexatoire, mais peut-être que j'ai loupé cela dans le rapport de cette année. En tout cas, je remercie Mme Cuénod de nous avoir donné des éléments nouveaux à ce sujet.

Il était demandé une meilleure communication de l'information. Je constate que ce point est encore d'actualité cette année. L'encouragement à la formation continue des gardiens était demandé. Il semble que la formation ait été organisée cette année et commence à porter ses fruits. Qu'est-il advenu encore de la proposition faite de créer une commission intercantonale des visiteurs officiels ? Concernant la privation de liberté des mineurs, il a été dit, il a déjà été dit qu'aucun mineur ne serait plus envoyé à Champ-Dollon. Cela est répété cette année !

Alors, je me tourne vers le Conseil d'Etat ! Qu'est-ce qui a changé depuis l'année dernière, qu'est-il advenu des recommandations du premier rapport de la législature et qu'adviendra-t-il de celles qui vous sont faites aujourd'hui ? 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Monsieur le président, excusez-moi, mais en entendant M. Vaucher, j'ai remarqué que j'avais oublié l'une de mes questions qui concernait également le service médical. Le professeur Harding a dit à ce propos lors de son audition que le service médical de la prison fonctionnait comme une polyclinique. Il est cependant étonnant, lorsqu'on voit les ressources en personnel - le service médical est bien doté, semble-t-il, et c'est important puisque les gens qui sont en prison ont souvent des difficultés de santé, que ce soit psychique ou physique - il est quand même étonnant d'apprendre qu'il faille dix jours pour avoir une consultation. Je n'ai pas l'impression que cela se fasse comme cela dans la vie courante. Il me semble que si l'on se rend justement à la polyclinique ou à l'hôpital et que l'on estime être malade, on peut alors avoir une consultation. Je crois qu'il va falloir nous expliquer ce que sont les visites urgentes et ce qu'est ce long délai d'attente de dix jours. Et j'ajouterai qu'il y a pour nous quand même un problème lorsqu'on dit que la prison doit fonctionner comme le reste de la population, parce que l'on sait bien que les gens détenus en prison ont un certain nombre de maux liés à leur situation de détention que la population n'a pas. 

M. Gérard Ramseyer. Je répondrai successivement sur les trois documents en apportant quelques éclaircissements.

Concernant tout d'abord le RD 348, en m'associant aux remerciements présentés à M. le rapporteur, je relève simplement en page 10 qu'il est fait état d'une assistance psychologique qui n'a pas abouti. Elle aboutira dans le courant du premier trimestre de l'année 2000, puisque nous avons engagé une psychologue pour le travail de la prison. Nous avons fait une évaluation à la fin de l'année passée et nous avons porté notre choix sur une jeune femme qui connaît fort bien cette problématique. Je relève en passant que les gardiens se sont déclarés contents de l'orientation de la nouvelle direction. Ce qui devrait vous rassurer sur les critiques qui figuraient dans un précédent rapport.

J'en arrive au point, pour moi essentiel, de ce débat. C'est la motion 1316. C'est une préoccupation qui ne date évidemment pas de ce rapport, puisque j'ai rencontré le 27 septembre dernier, à mon bureau et à sa demande, le groupe GeoDE qui s'occupe plus spécifiquement des mineurs. Nous avons constaté ensemble que Champ-Dollon et Riant-Parc n'étaient effectivement pas adaptés à la détention des mineurs. J'avais pris les devants en interrogeant les différents cantons romands sur la problématique, pour savoir s'il y avait d'aventure dans d'autres cantons des places en surplus dans des établissements adaptés aux mineurs. Les réponses des cantons sont diversifiées. Certains cantons éprouvent exactement les mêmes problèmes que Genève, d'autres ne connaissent pas du tout cette problématique, d'autres encore disposent d'installations qui s'avèrent suffisantes. Nous avons rendez-vous au début du mois de mars pour faire le point et voir si nous pouvons travailler ensemble. Travailler ensemble, c'est l'idée d'élargir le concordat aux mineurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Vous avez évoqué les uns et les autres ce problème des mineurs en relevant qu'il s'agit d'une problématique globale. Elle s'examine en effet en amont et en aval de la détention. C'est bien sûr un problème beaucoup plus vaste que le simple problème posé en matière pénitentiaire. C'est un problème d'éducation. M. Pagani a justement rappelé le rôle que devrait jouer l'éducation publique. J'y ajoute aussi le rôle que devraient jouer les familles. On voit donc bien qu'il s'agit d'un problème extrêmement vaste auquel nous devons forcément nous atteler, mais de manière pluridisciplinaire.

J'aimerais vous informer que la prison de Champ-Dollon a mis en place très récemment de nouveaux ateliers, qui sont réservés aux mineurs. Je vous rappelle à ce sujet que les mineurs qui se trouvent à Champ-Dollon sont en préventive et ne sont pas en pénitencier. Le problème des ateliers pose donc un certain nombre de questions dans la continuité. En ce qui concerne l'encadrement, nous choisissons pour surveiller les mineurs des surveillants qui travaillent de manière expérimentée. C'est un gardien très expérimenté, proche de la retraite, qui est en charge de cette section. La situation est actuellement la suivante. Il y a effectivement en tout et pour tout quatre mineurs à la prison le 20 janvier. Mais c'est un nombre qui fluctue relativement facilement et relativement souvent. Il faut remarquer que le Tribunal de la jeunesse ne place à la prison que les adolescents les plus proches de leur majorité. Ce sont donc les plus vieux des jeunes, les autres étant placés à la Clairière. On place aussi à Champ-Dollon des jeunes délinquants qui sont particulièrement violents. J'aimerais dire à ce sujet qu'il ne faut pas sous-estimer la violence des mineurs dans une prison. Les plus enragés des enragés sont parfois des mineurs, d'où le problème de leur incarcération.

J'aimerais ensuite ajouter que les adolescents placés à Champ-Dollon sont suivis d'office par le service social de la prison. Ce sont les assistants sociaux du patronage, un groupe qui effectue un travail extraordinaire auprès du personnel pénitentiaire, auprès de la population carcérale et auprès des jeunes en particulier.

Je confirme encore que les délinquants mineurs ne sont pas en contact avec les détenus adultes. C'est une règle que nous ne transgressons jamais.

J'en arrive aux conditions de vie. Mme Cuénod, utilisant mes notes, a fait un excellent résumé de tout ce que j'avais à dire. Elle me dispense donc d'y revenir. Etre mieux renseigné lors de l'arrivée en prison : vous savez à présent que c'est une affaire réglée. Mais il faut constamment réactiver ces brochures, car d'autres ethnies arrivent et d'autres langues sont employées. On doit donc réactualiser constamment notre travail. La qualité des repas, c'est une discussion qui me paraît tout à fait secondaire. Si Mmes et MM. les membres de la commission ont été satisfaits de leur repas, je pense qu'il devrait en être de même pour la population carcérale. La liste des produits que les détenus sont autorisés à recevoir de l'extérieur existe à présent. Vous vous êtes par ailleurs émus de la suppression de la fouille. Je crois quand même qu'il faut être tout à fait clair. Nous sommes dans une prison et il existe une facilité, celle des parloirs, qui met en contact physique le détenu et la personne qui le visite. Il est donc normal, pour des raisons de sécurité, que ces fouilles soient conduites. Elles le sont dans le respect de la personnalité. Mais si vous pensez qu'il faille renoncer à ces parloirs sans séparation entre les personnes qui se parlent, alors il faut revenir, dans l'optique de la suppression de la fouille, à des parloirs séparés. Ce serait à mon avis une régression.

Avoir droit à des disques compacts : vous savez que les détenus ont droit à une certaine quantité de ces disques, cela ne pose donc pas de problème particulier. Indication des prix à l'épicerie : je passe. Plus d'activités physiques : au début de l'année 1999, nous avons eu des moniteurs qui ont été hospitalisés pour cause d'accident. Pendant quelque temps, il est ainsi effectivement vrai que nous avons dû réduire le temps d'activité physique. Mais les deux séances hebdomadaires de sport de 75 minutes ont été à présent rétablies. La télévision par câble : on en a beaucoup parlé. Il y a une petite solution à 60 000 F, une grosse solution à 200 000 F et une très grosse solution à 250 000 ou 300 000 F. Nous ferons bien sûr un projet pour établir cette solution de chaînes multiples dans les cellules. Le directeur a tenu à relever à ce sujet que la télévision est, à son avis aussi, l'un des meilleurs moyens de permettre aux détenus de rester en contact avec la vie publique et si possible la vie de leur pays. Si un détenu africain pouvait par hypothèse recevoir une chaîne qui lui montre comment évolue son pays, ce serait évidemment un très grand plus au niveau du soin que nous devons apporter aux détenus.

Je réponds enfin à quelques questions, dont une que je ne suis pas sûr d'avoir bien comprise. Concernant les effectifs, Madame Bugnon, il faut savoir que la prison a été créée pour 270 lits. Vous savez que l'année passée, au plus fort de la crise qui a secoué Champ-Dollon ou disons plutôt au moment où Mme la députée Ruchat, votre ancienne collègue, a rédigé son rapport, il y avait 390 détenus dans une prison de 270 lits. Ce qui ne va pas sans difficulté. Et cela ne va pas sans difficulté non plus en ce qui concerne les gardiens, puisque l'on ne peut pas moduler le nombre de gardiens. Il n'est donc pas possible d'avoir du personnel de réserve. Je peux, si vous le souhaitez, contrôler les chiffres figurant dans le rapport. Je ne vois pas en quoi ils seraient faux. M. Odier pourra le confirmer. Mais c'est un problème sur lequel je reviens volontiers.

Je n'ai ensuite pas très bien compris la question relative aux soins médicaux. Je n'ai pas très bien compris de quoi vous vouliez parler. Le problème médical est traité en étroite relation avec le département de l'action sociale et de la santé du fait de la présence d'une unité médicale dans la prison. Nous sommes précisément en train d'améliorer encore cette collaboration. Il y a aussi un quartier carcéral à l'Hôpital. Nous sommes actuellement, je le confirme, en discussion à ce sujet. Quant à savoir s'il faut attendre dix jours pour une visite médicale..., ce qui est en tous les cas certain, c'est que la visite médicale que fait l'infirmière ou l'infirmier est automatique et ne nécessite pas de délai. Le rapport de M. Odier cite même un exemple où les soins ont été extraordinairement rapides. Il n'empêche, vous avez raison d'insister là-dessus, que le problème médical dans une prison est un problème crucial.

La question relative à la promenade appelle une réponse bien simple. Dans le temps, il y a dix ans, on pouvait organiser deux promenades. Les sections partaient ensemble faire leur promenade. On organisait des matchs de football, toutes ethnies confondues, sans aucun problème. Il y avait même à l'époque, un match de football opposant une équipe de la prison au barreau genevois. C'est dire que tout ceci fonctionnait bien. Les choses ont changé avec la diversification des ethnies et l'arrivée en particulier des ressortissants d'Afrique noire, puis - c'est là le problème essentiel - de ressortissants de pays en guerre. Il n'a plus été possible de faire jouer au football des Serbes et des Croates, des Serbes et des Albanais, car les parties de sport se terminaient mal. On a même vu des détenus qui confectionnaient des armes en bois et des couteaux en bois - avec un couteau en bois, vous pouvez percer un ventre - parce qu'ils voulaient en découdre avec l'autre ethnie. Il a donc non seulement fallu diversifier le nombre de promenades, mais il a également fallu diversifier le nombre de leçons de sport, parce que les populations provenant de pays en guerre ne pouvaient pas être mises en présence pendant ce moment de plein air et d'activités sportives.

J'en termine avec le communiqué que M. le président du Conseil d'Etat a lu hier après-midi. Vous aurez relevé que ce communiqué traite du conseil de direction, des relations entre le conseil de direction et les autres intervenants travaillant à la prison et enfin les conditions de travail du personnel. Il n'est pas question du problème des détenus qui nous avait primitivement agité. Nous avons effectivement reçu certaines plaintes de membres du personnel et nous avons voulu évaluer sereinement ces plaintes en passant essentiellement par l'office du personnel pour garantir une vision tout à fait objective, tout à fait équilibrée et équitable des problèmes. C'est un travail de très court terme. Il portera sur une quinzaine de jours et il ne vise, je le répète, que le personnel. Mais « que le personnel », c'est déjà beaucoup, parce que ce personnel est soumis à des conditions de travail très difficiles. Ce personnel est confronté au problème de la sécurité, ce qui rend évidemment cette activité particulièrement stressante.

J'aimerais vous remercier, à l'issue de cette intervention, de l'intérêt que vous avez porté au domaine pénitentiaire. J'aimerais surtout vous remercier de l'intérêt que vous portez au problème des mineurs, en reconnaissant les uns et les autres que ce problème est beaucoup plus global qu'uniquement pénitentiaire. Nous avons en vue plusieurs solutions. Il y a effectivement celle d'utiliser la maison d'à-côté. Il y a aussi une solution qui vise à construire dans le parc de Champ-Dollon une installation légère sous forme pavillonnaire. Il y a une troisième solution qui consiste à répertorier les maisons dont s'occupe le patronage pour voir si nous pourrions rendre propice à une incarcération certaines de ces maisons. Il faudra trouver une formule qui soit modulable, parce que le nombre de détenus mineurs change constamment. Faut-il préparer quelque chose pour cinq, pour dix, pour douze ? C'est un problème qui n'est pas très simple à résoudre et qui pourrait se révéler très coûteux. Nous partageons totalement vos préoccupations à ce sujet, mais c'est pour moi un plaisir de dire que le rappel que vous en faites rencontre ma totale adhésion. 

Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Monsieur Ramseyer, lorsque vous me dites que je vous ai volé vos notes, cela me fait rire et vous aussi. Mais peut-être que personne ne comprend vraiment. Il faut quand même juste dire que... (L'oratrice est interpellée.) Ce ne sont pas des fuites ! On travaille depuis plus d'un an sur ces pétitions et il est tout à fait normal que la rapporteuse dispose des résultats de ce qui se fait au jour le jour et des développements, dont j'ai cité le dernier tout à l'heure et qui date du 17 janvier. Nous sommes aujourd'hui le 21 !

Monsieur le conseiller d'Etat, vous n'avez pas répondu à mes questions ! La première était de savoir pourquoi le poste budgétaire télé ne figurait pas au budget 2000 et ma deuxième était de savoir s'il allait figurer au budget 2001. Merci de me répondre ! Par contre, vous avez répondu à la question que j'adressais à M. Guy-Olivier Segond concernant le service médical : quelles seront les améliorations faites pour accéder plus vite aux soins médicaux ? Les pétitionnaires demandent un service plus sympa. C'est sûr que c'est une petite phrase, qui n'a pas l'air comme cela. Ça a l'air anodin, mais ça ne l'est pas. Nous l'avons entendu. Il ne s'agit pas des urgences. Nous savons que lorsque les détenus ont besoin de soins d'urgence, ils les ont. Il s'agit tout simplement de la perception, lorsqu'on est privé de liberté, de ne pas avoir accès assez vite au service médical. Le professeur Harding nous l'a dit lui-même en audition et je l'ai écrit, je crois, dans ce rapport, que le principe d'équivalence était quelque chose auquel il tenait et qu'il trouvait normal. Je l'explique très brièvement. Si dans la vie courante, nous autres mettons dix jours pour avoir un rendez-vous chez un généraliste et deux mois chez un spécialiste, à certain d'entre nous, il apparaît que c'est un tout petit peu absurde d'appliquer le même système à l'intérieur d'une prison. C'était là-dessus que je voulais vous entendre, Monsieur le chef du DASS !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Deux mots en réaction à ce qu'a dit M. le conseiller d'Etat Ramseyer. D'abord pour le remercier d'avoir répondu à mes questions. Sur la première, pour être bien au clair dans ma compréhension, vous dites, au niveau des effectifs, qu'il n'y a pas besoin d'augmenter ceux-ci si la population carcérale est ce que l'on en attend, c'est-à-dire qu'elle est dans son nombre. Nous sommes d'accord ? C'est en fonction de la surpopulation qu'il y a un manque de gardiens, c'est comme cela que j'analyse votre réponse. Et par rapport à l'intervention que vous n'aviez pas comprise, c'est simplement au niveau du secret médical. On entend beaucoup parler de levée du secret médical ici et ailleurs de manière générale en ce qui concerne les détenus. Je disais simplement que pour éviter une psychose au niveau des gardiens qui angoissent d'attraper le Sida ou des maladies telles que la tuberculose, il y aurait peut-être une meilleure formation à entreprendre pour les gardiens pour leur expliquer qu'il y a un certain nombre de précautions à prendre et de préventions à avoir lorsqu'on s'occupe de quelqu'un qui est blessé. Ce qui permettrait de diminuer cette psychose. C'était le sens de mon intervention !

M. Guy-Olivier Segond. Deux mots, d'abord en réponse à la question sur le service médical et ensuite en réponse à la question sur le mandat de la commission d'experts nommée par le Conseil d'Etat.

J'aimerais vous rappeler que le service médical, conformément à une pratique qui remonte à plusieurs dizaines d'années à Genève, n'est pas soumis à l'autorité pénitentiaire, mais qu'il est soumis à l'autorité sanitaire. Il ne relève donc pas, quant à son personnel et aux instructions qui pourraient lui être données, du département de justice et police, mais du département de l'action sociale et de la santé et, en particulier, des hôpitaux universitaires de Genève. Le personnel du service médical de la prison et, plus généralement, de l'institut universitaire de médecine légale est soumis au secret de fonction, mais aussi au secret médical comme tous les professionnels médicaux. Ce secret médical est absolu. Encore tout récemment, à propos de résolutions qui étaient prises au niveau intercantonal, le Conseil d'Etat a, dans une lettre qui a été communiquée au Grand Conseil, protesté fermement contre la volonté de certains de rattacher les services médicaux des prisons aux autorités pénitentiaires. Le Conseil d'Etat a clairement montré que c'était contraire à la tradition, mais que c'était aussi contraire à la logique, au bon sens et à l'évolution du droit du monde occidental et, en particulier, aux travaux du Conseil de l'Europe.

Chacun de vous, je crois, connaît la situation du service médical de Champ-Dollon : pour les détenus dont l'état de santé exige un traitement hospitalier, il existe deux quartiers carcéraux, l'un à l'hôpital cantonal, l'autre à Belle-Idée. Pour les détenus dont l'état de santé exige un traitement ambulatoire, les consultations ont lieu à Champ-Dollon, au service médical, sur la base de la même organisation que les policliniques de l'hôpital cantonal, de façon à respecter l'égalité de traitement qui doit régner entre les personnes qui jouissent de leur liberté et celles qui en sont privées. Je connais bien le professeur Harding : je doute qu'il ait, avec l'esprit pragmatique qui est le sien, déterminé que le standard d'attente aux policliniques de l'hôpital cantonal était de dix jours et qu'il ait décidé que le standard d'attente serait de dix jours également à la prison de Champ-Dollon. Je m'en assurerai néanmoins auprès de lui.

La dotation du service médical de Champ-Dollon est considérée comme satisfaisante. Il est possible qu'il y ait, ici ou là, des problèmes. Il est possible qu'il y ait, ici ou là, des problèmes d'organisation, en particulier dans la relation entre l'autorité pénitentiaire et l'autorité sanitaire. C'est précisément l'un des points que l'expert et ses collaborateurs devront examiner : il est précisé dans le mandat dont je vous ai donné la teneur hier que l'expert devra notamment examiner les relations entre le conseil de direction de la prison et les autres intervenants à la prison, tels que par exemple le service médical. Cela figure explicitement dans le mandat.

Enfin, pour terminer, en répondant aux députés qui se sont interrogés sur l'articulation entre la commission, dont la mise en place a été décidée récemment par le Grand Conseil, et la commission dont le Conseil d'Etat a annoncé la création, j'aimerais vous rappeler que, sur le plan constitutionnel, le Conseil d'Etat dirige l'administration, que la prison de Champ-Dollon est l'un des services de l'administration et qu'elle est donc placée sous l'autorité du Conseil d'Etat.

A la suite des différents débats qui ont eu lieu ces derniers mois à propos de Champ-Dollon et des difficultés relatives à la population carcérale et aux conditions de travail du personnel, le Conseil d'Etat a décidé de confier à une personnalité extérieure à l'administration et à des collaborateurs de l'office du personnel la triple mission d'évaluer d'abord le conseil de direction de la prison, ensuite, les relations entre le comité de direction de la prison et les autres intervenants travaillant dans ce domaine, comme le service médical, le service social, les aumôniers et les bibliothécaires, et enfin d'examiner les conditions de travail du personnel.

J'ai dit hier que ces personnes entendront librement tous les collaborateurs et collaboratrices et plus généralement toutes les personnes de leur choix et disposeront de tous les documents utiles à l'exécution de leur mission. Les collaborateurs seront donc déliés de leur secret de fonction.

L'autre commission a été nommée par le Grand Conseil : les frais de cette commission doivent donc être assumés par le Grand Conseil. Etant donné que les experts désignés par le Conseil d'Etat doivent lui rendre leur rapport de telle façon à ce qu'il puisse prendre les décisions utiles rapidement, il est vraisemblable que le groupe désigné par le Conseil d'Etat travaillera plus rapidement que les experts désignés par le Grand Conseil qui, sauf erreur, n'ont pas encore commencé leurs travaux.

M. Gérard Ramseyer. Je complète ma réponse, Madame la députée Bugnon, uniquement sur les chiffres. Donc, 270 lits à l'ouverture de Champ-Dollon, des pointes à 390 par la suite. On a même eu il y a une dizaine d'années une pointe qui avait dépassé les 400. Nous sommes actuellement de retour au niveau de 310 - 320 détenus. Concernant le poste budgétaire, il n'a pas été prévu en 2000, parce que c'est un montant extrêmement modeste s'agissant d'une simple parabole. Mais on voit qu'on veut peut-être plus. Il sera en tous les cas prévus pour 2001, peut-être même avant si nous établissons ensemble à ce sujet un projet de loi. Enfin, une remarque à Mme Cuénod. Je ne voudrais pas faire de l'humour, mais je suis toujours très froissé lorsqu'on nous reproche d'une manière ou d'une autre un manque de transparence. Je suis déjà ravi que l'excellent M. Agad, secrétaire adjoint, vous ait informée en totalité, de manière vraiment exhaustive. Je suis ravi de la confiance qu'il vous a témoignée, mais je suis vraiment joyeux de notre confiance réciproque ! 

Le président. Nous allons procéder, Mesdames et Messieurs, au vote sur ces trois objets. Je prends tout d'abord le rapport RD 348.

Mme Janine Berberat (L). Monsieur le président, j'interviens en tant que signataire de la motion pour attirer l'attention de mes collègues qui l'ont signée avec moi. Je voudrais rappeler que toute la commission des visiteurs officiels a signé cette motion et que c'est assez rare qu'une commission entière qui signe une motion se la renvoie pour l'étudier. Ensuite, les questions posées sont directement liées à des réponses que seul le Conseil d'Etat peut nous apporter. Il est vrai, Mme de Haller, que nous allons - je dis « nous » parce que je vais revenir à la commission des visiteurs en tant que députée - que nous allons travailler sur la problématique des mineurs et je pense, Madame de Haller, que les réponses que nous donnera le Conseil d'Etat sur la motion seront très importantes pour continuer nos travaux. Rien ne nous empêchera d'adresser d'autres motions ou d'autres demandes au Conseil d'Etat, mais il me semble que cette motion-là doit aller directement au Conseil d'Etat si l'on veut obtenir rapidement des réponses. Si vous lisez toutes les invites, il n'y a que le Conseil d'Etat qui puisse y répondre. Je ne veux pas me désolidariser des autres signataires, mais je vous propose d'avoir une brève réflexion sur le sujet et de choisir plutôt le Conseil d'Etat.

Puisque j'ai la parole, je tiens à remercier, en tant qu'ancienne présidente, tous mes collègues pour l'excellent travail qui a été fait l'année dernière. Le consensus sur le rapport n'est pas un consensus rapide. Ce furent des discussions fortes et riches et où toutes les sensibilités se sont exprimées. Si nous sommes arrivés à nous mettre d'accord, c'est parce qu'il y avait une réelle volonté d'arriver à des solutions. Et je voulais vous en remercier ! 

Mme Esther Alder (Ve). Si nous avons demandé le renvoi de la motion 1316 à la commission des visiteurs, c'était pour voir concrètement quel dispositif pourrait être mis en place pour répondre à tous ces problèmes. Si l'on peut effectivement recevoir une réponse claire du Conseil d'Etat sur des réalisations concrètes par rapport à cette motion, si les autres partis sont d'accord pour un renvoi au Conseil d'Etat, je ne m'y opposerai pas, mais je voudrais personnellement que M. Ramseyer nous donne vraiment une garantie claire par rapport aux différentes invites.

Le président. Si cette motion allait au Conseil d'Etat et que le Conseil d'Etat était prêt à y répondre, en seriez-vous satisfaite ? Vous n'attendez pas une réponse maintenant, Madame ?

Mme Esther Alder. Ce que nous souhaiterions, c'est que M. Ramseyer déclare publiquement ses intentions par rapport à cette motion et qu'il établisse aussi des délais. Il ne faudrait pas que nous attendions des années avant que des choses concrètes soient effectuées. 

M. Albert Rodrik (S). Il ne faut pas que cette affaire-là soit encore une motion perdue dans un tiroir. La situation qui a perduré pour ces jeunes placés dans un milieu carcéral fait pour adultes est telle que l'on a aujourd'hui besoin d'un engagement. Ce n'est pas une réponse donnée dans les six mois de notre règlement dont nous avons besoin, mais dans un délai ultra-rapide. C'est de cela qu'il s'agit. Après, on passera au vote. 

M. Gérard Ramseyer. C'est relativement simple, je croyais d'ailleurs y avoir répondu, mais je le confirme volontiers. Le problème des mineurs ne date premièrement pas d'aujourd'hui. Deuxièmement, c'est un problème extrêmement fluctuant. Troisièmement, j'ai pris la liberté l'été dernier, en 1999, de vérifier s'il y avait une solution romande. Nous aurons à ce sujet une prise de position claire et nette des différents cantons. Ce sera en mars prochain. Nous avons par ailleurs déjà exploré d'autres pistes, avec le groupe GeoDe en particulier. Mais ce sont des pistes qui visent soit des transformations de maisons, soit des constructions de maisons. Or, vous êtes suffisamment aguerris pour savoir que ce ne sont pas des choses qui se font en deux semaines. Dès lors, si vous voulez de ma part un engagement, une réunion de la commission des visiteurs officiels avec un timing de ce que l'on peut faire, mais raisonnablement, je le fais sans problème. C'est un délai d'une quinzaine de jours. Ce n'est pas un problème, mais ça figure déjà dans le rapport. Nous avons déjà lancé ce genre de réflexion.

Je vous rejoins totalement sur le fait que c'est un problème qui est grave. Mais on ne peut pas le traiter comme ceci en quelques jours, parce que c'est un travail relativement long. Je viens volontiers lors la prochaine séance de la commission pour donner le timing et l'état des travaux en cours.

M. Albert Rodrik. Et un programme de travail !

Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons passer au vote. Je prends d'abord le rapport divers 348. Il vous est proposé d'en prendre acte.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

Le président. Concernant la motion 1316, il a été proposé par divers intervenants un renvoi à la commission des visiteurs. Est-ce que cette demande est encore soutenue ?

Des voix. Non !

Le président. Tel n'est pas le cas, je propose donc l'acceptation de cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1316)concernant les mineur-e-s détenu-e-s à Champ-Dollonet Riant-Parc

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

l'augmentation des cas traités par le Tribunal de la jeunesse ;

la présence constante de mineurs, garçons et filles, détenus à titre préventif dans la prison de Champ-Dollon et la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc ;

l'absence évidente de structures et services spécialisés pour la prise en charge de ces mineurs dans ces deux établissements ;

la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la Suisse le 24 février 1997, qui exige que le lieu de détention offre toujours des conditions respectueuses de l'intérêt et des droits des mineurs ; de plus, la détention d'un mineur doit toujours être une solution de dernier recours et de la durée la plus brève possible ;

le fait que La Clairière, établissement accueillant les mineurs soupçonnés d'infractions pénales, est le plus souvent pleine et que sa reconstruction ne permettra la mise à disposition que de quatre places supplémentaires ;

le manque de places dans des foyers ouverts ou fermés dans lesquels les juges du Tribunal de la jeunesse pourraient placer les mineurs en fonction des besoins de ceux-ci et des exigences d'une bonne administration de la justice ;

l'insuffisance d'alternatives à la détention préventive des mineurs ;

invite le Conseil d'Etat

à mettre tout en oeuvre pour que des mineurs ne soient pas mis en détention à Champ-Dollon et à Riant-Parc, et dans l'intervalle à améliorer dans les meilleurs délais les conditions de détention de ceux-ci tant à Champ-Dollon qu'à Riant-Parc, en accord avec les exigences du droit international ;

à évaluer les besoins en matière de places et de structures d'accueil lorsque les derniers nommés doivent faire l'objet d'un placement hors de leur famille ;

à proposer, sur cette base, une politique de prise en charge adéquate des mineurs, sans discrimination d'aucune sorte, y compris en matière d'alternatives à la détention préventive, et à évaluer les moyens nécessaires à la réalisation de cette politique ;

à entreprendre une étude sur l'évolution des cas d'infractions à la loi pénale commis par des mineurs au cours des dernières années et à mettre cette information à disposition des milieux professionnels et de la population.

Le président. Je prends à présent les deux pétitions. Concernant la pétition 1226 pour améliorer les conditions de vie des prisonniers à Champ-Dollon, deux propositions vous sont faites, le renvoi au Conseil d'Etat, par la rapporteuse Mme Cuénod, et le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, par M. Vaucher.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (renvoi de la pétition 1226 au Conseil d'Etat) sont adoptées.

Le président. Il vous est ensuite proposé de déposer la pétition 1228 pour l'installation du câble à Champ-Dollon sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (dépôt de la pétition 1228 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.