Séance du
vendredi 21 janvier 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
4e
session -
4e
séance
No 4/I
Vendredi 21 janvier 2000,
après-midi
La séance est ouverte à 14 h.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Luc Barthassat, Nicole Castioni-Jaquet, Gilles Desplanches, Jean-Claude Dessuet, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Alexandra Gobet, Claude Haegi, René Koechlin, Georges Krebs, Armand Lombard, Alain-Dominique Mauris, Véronique Pürro et Jacques-Eric Richard, députés.
3. Correspondance.
Le président. Nous avons reçu la correspondance suivante :
Ce courrier concerne le projet de loi 8180 qui figure au point 29 de notre ordre du jour. Il en est pris acte.
La pétition suivante est parvenue à la présidence:
Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :
Cosignataires : Christine Sayegh, Alain Etienne, Jacqueline Cogne, Véronique Pürro, Nicole Castioni-Jaquet.
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
c) Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil chargée d'étudier les objets suivants :
(RD 348)
Rapporteur: M. Jean-Marc Odier
Les travaux de la Commission des visiteurs de prison ont été conduits pour l'année 1999 sous la présidence de Mme Janine Berberat, assistée par Mme Jeannine de Haller, vice-présidente. Le bureau du Grand Conseil était représenté par Mme Janine Hagmann.
Les travaux ont été suivis par M. Thierry Brichet, adjoint de direction du service du Grand Conseil, MM. Alexandre Agad, Bernard Duport et Christophe Friederich, secrétaires adjoints au DJPT, et M. Jacques Reymond, directeur du service d'application des peines et mesures (SAPEM), lors des visites des établissements. La commission leur adresse ses sincères remerciements pour leur précieuse collaboration dans l'organisation des déplacements et des visites ainsi que pour l'apport d'informations nécessaires au bon déroulement de sa tâche.
Des remerciements vont également à M. Jean-Luc Constant, Mlle Valérie Stucki, Mmes Pauline Schaefer et Monique Arav qui ont tenu les procès-verbaux de nos travaux avec rigueur et précision.
Enfin, nous exprimons des remerciements particuliers aux directeurs et directrice d'établissements de détention et à leurs collaborateurs, ainsi qu'à toutes les personnes auditionnées, qui ont facilité l'accès à l'information en répondant activement aux attentes des commissaires, à savoir et dans l'ordre chronologique des travaux de la commission :
M. .
M. Jean-Michel Claude, directeur de Champ-Dollon, le comité de direction, MM. Guy Savary, Jean-Pierre Python, Richard Bloch, Richard Speck, Francis Oppeliguer, Jean-Pierre Baechler, ainsi que MM. Philippe Schaller, Roland Oesch et Joël Brandt, représentant les gardiens,
. .
M. .
M. .
M. M. H. Nuoffer, directeur des établissements pénitentiaires de Bellechasse, (EPB), M. B. Hofmann, directeur adjoint, M. C. Neuhaus, responsable de l'encadrement socio-thérapeutique et M. J-M Limat, responsable de l'enseignement,
M. .
M. .
Mme Marie-Françoise Lucker-Babel, présidente du Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant, (GEODE), Mmes Laura Cardia-Vonèche, Françoise Arbex, Anne Grandjean, M. Pierre Gasser, membres de GEODE,
M. Lucien Kohler, directeur de la fondation « Foyers Feux-Verts », M. Roland Fankhauser, directeur de la Clairière,
Mme Monique Ecabert, cheffe de service à la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc, M. Jean Grosfort, adjoint administratif du service d'application des peines et mesures, (SAPEM),
M. Benjamin F. Brägger, directeur adjoint des établissements de Witzwil, M. Faietti, directeur adjoint,
M. Philippe de Sinner, directeur du centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire, M. Kissenpfennig, animateur de cours.
Préambule
Nommés généralement pour la durée de la législature, les députés de la Commission des visiteurs de prisons peuvent avoir une approche évolutive sur le milieu carcéral par le suivi de leurs travaux.
Le hasard du tirage au sort des députés de la Commission de grâce pour la deuxième année de la législature a largement modifié la composition de la Commission des visiteurs de prisons. En effet, la nomination à la Commission de grâce ne pouvant être refusée, et le mandat étant incompatible avec celui de la Commission des visiteurs, six membres sur neuf ont dû céder leur siège.
L'examen des conditions de détention faisant l'objet d'une appréciation personnelle basée sur le vécu des visites, à savoir l'observation des lieux et l'écoute des protagonistes, le profond remaniement de la commission apporte de fait en grande partie un regard nouveau et peut-être différent des années précédentes.
Méthode de travail de la commission
Se conformant à la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01), et plus particulièrement sur ses articles 227, 228, 229 et 230, la commission a pour tâches :
d'examiner les conditions d'incarcération dans les lieux de détention genevois ou faisant partie du concordat romand et du Tessin, lorsqu'une peine résultant d'un jugement pénal rendu par les tribunaux genevois y est exécutée,
d'entendre les détenus qui en ont fait la demande,
de visiter les établissements où sont placés des adolescents par une autorité pénale genevoise,
d'examiner toute demande écrite qui lui est adressée par un détenu. Transmettre à l'autorité compétente les demandes qui ne sont pas de son ressort,
de rechercher tout complément d'information utile,
de présenter au Grand Conseil un rapport à l'intention du Conseil d'Etat et du procureur général, indiquant toute recommandation ou observation qu'elle estime justifiées.
Sur la base des tâches qui attendent la commission et en fonction des propositions d'auditions des commissaires dans le cadre de la recherche de compléments d'informations utiles, la commission planifie ses travaux. Considérant l'échéance à laquelle le rapport doit être voté par le Grand Conseil ainsi que les visites obligatoires, le calendrier s'avère rapidement chargé.
D'autre part, la commission est saisie de quatre objets :
PL 7843, 1998, modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01)
P 1226, novembre 1998, améliorer la condition de vie des prisonniers à Champ-Dollon
P 1228, décembre 1998, pour l'installation du câble à Champ-Dollon
M 1297, juin 1999, demandant que l'ensemble des conditions de nomination du nouveau directeur de la prison de Champ-Dollon soit reconsidéré par le Conseil d'Etat et qu'une enquête soit menée par la Commission des visiteurs officiels sur les conditions de détention des prévenus et sur la gestion du personnel depuis la nomination de ce directeur. En outre, la motion mandate la Commission des visiteurs pour apporter la lumière sur les causes des événements survenus ce printemps à Champ-Dollon.
Ces quatre objets seront traités au cours des travaux de la commission, et feront l'objet de rapports séparés au présent document.
III. Visites et auditions
CICR division de la protection, M. Pascal Daudin (28 janvier 1999)
Désirant connaître le point de vue d'un organisme rompu aux visites de lieux de détention et des personnes privées de liberté, la commission a souhaité entendre le CICR pour découvrir de manière plus précise son rôle, mais surtout ses méthodes de travail.
D'autres organismes, comme le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et le Comité Européen pour la Prévention de la Torture (CEPT) occupent également un rôle important dans ce domaine. En ce qui concerne la Croix-Rouge, elle oeuvre le plus souvent dans l'urgence, dans des situations de guerre et de violences internes. Agissant dans des situations de conflit, le cadre juridique est délimité par les conventions internationales et des normes des Nations Unies.
100 à 150 personnes sont employées par la structure nécessaire aux visites de 100 à 150'000 personnes par année dans 35 à 40 pays.
C'est principalement par manque de moyen ou de volonté que les pays ne peuvent assurer des conditions décentes de détention, à l'exemple du Rwanda où près de 130'000 détenus s'entassent dans un système pénitentiaire de 30'000 places.
Le CICR travaille sur divers axes :
contre les disparitions,
contre la torture,
contre les traitements dégradants,
contre les mauvaises conditions matérielles de détention,
pour des standards judiciaires minimaux.
Le contexte politique et économique du travail du CICR ne peut se comparer avec celui des travaux de la Commission des visiteurs. Cependant, les principes de recherche d'éléments d'information nécessaires à une évaluation la plus objective possible restent semblables.
Plutôt que l'aspect visible des conditions matérielles, le visiteur de prison devrait se concentrer sur le réel fonctionnement de la prison. Plus utile que les yeux, l'écoute permet de comprendre, d'apprécier les relations humaines, la communication, l'organisation de l'établissement.
Ne pas se laisser aveugler et faire la part des choses est une approche primordiale du visiteur. Paradoxalement, ce ne sont pas forcément les détenus les plus vulnérables qui demandent à être entendus, mais souvent les fortes personnalités s'exprimant très facilement. Selon M. Daudin, une vision objective est d'autant plus difficile qu'en milieu carcéral, personne ne dit totalement la vérité, comme personne ne ment totalement. Il s'agit d'un jeu légitime des protagonistes et il faut considérer toute situation apparaissant excessive avec prudence, en gardant les réserves d'usage sur les témoignages reçus. Rechercher des informations d'une autre provenance pour corroborer des éléments dénoncés demeure nécessaire pour affiner l'objectivité d'un constat. Ecouter les familles et des associations d'anciens détenus ou d'anciens gardiens peut s'avérer utile. La commission pourrait en envisager la possibilité.
Véritable société de taille réduite, la population carcérale est hétérogène et repose sur une structure induite par des rapports de forces, entre détenus, mais aussi avec la direction, malgré des règlements clairs et rigides. Bien que ces rapports de forces n'existent pas envers les visiteurs, les détenus tentent d'exercer une pression sur ces derniers. Contrairement aux craintes de certains députés, M. Daudin ne voit pas de problème dans le fait que la commission prenne les repas avec la direction des établissements. Il s'agit d'un passage obligé, pratiqué également par le CICR, connu des détenus et qui ne doit pas être perçu comme une perte d'indépendance, mais débouche sur un travail de longue haleine portant ses fruits à terme.
De même, M. Daudin ne croit pas particulièrement à l'efficacité de la recherche du flagrant délit par des visites inopinées. Les mauvais traitements peuvent avoir pour origine les conditions de travail des policiers ou des gardiens, la surcharge de travail, les collègues qui incitent, voire même une certaine lassitude. Il convient dès lors d'envisager le problème de manière plus large, en agissant sur les causes plus que sur le mal.
Dans de nombreux pays, la répression est utilisée en prison dans un but de dissuasion, et il n'est pas toujours évident pour tous les responsables politiques, judiciaires et pénitentiaires de reconnaître qu'il ne doit y avoir aucun châtiment au-delà de la privation de liberté.
Evaluer le milieu carcéral doit se faire en multipliant les sources de renseignements. Recueillir avec les réserves d'usage les témoignages, se fier à un ensemble d'informations convergentes, sont les principes indispensables pour assurer la crédibilité d'un travail neutre.
Champ-Dollon (1re visite, 10 février 1999)
L'annonce de la visite de la commission ayant suscité dix demandes d'auditions, le directeur, M. Claude, présente en guise d'introduction la prison en commentant un diaporama. Ensuite, la commission pourra auditionner les détenus qui en ont fait la demande particulière, puis les auteurs de la pétition 1226 et enfin les gardiens. La pétition faisant l'objet d'un rapport séparé, l'audition de ses auteurs ne sera pas rapportée ici.
Outre les mécanismes de fonctionnement d'une prison préventive, M. Claude évoque par les chiffres la complexité de la tâche causée par la grande diversité des détenus. L'âge, le sexe, la religion, l'état de santé, le genre de délit et l'origine sont autant de facteurs individuels à prendre en considération dans l'organisation du placement du détenu et de ses activités. La nécessité d'observer distinctement ces critères doit permettre d'assurer la sécurité des détenus et de l'institution ainsi que de prévenir les risques de collusion liés au besoin de l'instruction. La courte durée des séjours propre à la détention préventive nécessite une modification perpétuelle de cette organisation. En 1998, le séjour d'un détenu sur deux n'a pas duré plus de huit jours. En décembre dernier, il a fallu organiser dix-sept promenades différentes dans une seule journée. 1998 est l'année record en terme de mouvement, car elle a enregistré le maximum d'entrées depuis son ouverture en 1977, à ne pas confondre avec les nuitées, dont le record a été atteint en 1992. Malgré ce perpétuel mouvement d'entrées et de sorties, et le fait que cela ne soit pas la pratique courante des prisons préventives, Champ-Dollon offre des activités en atelier, telles que cuisine, reliure, buanderie, ferblanterie, menuiserie, peinture, entretien bâtiments intérieurs et extérieurs. Malheureusement, les demandes dépassent les capacités d'offre d'activités et les détenus doivent attendre leur tour sur une liste d'attente, qu'une place en atelier se libère. Recherchant de nouvelles possibilités d'activités, il a été mis sur pied un travail de déconstruction pour élimination d'ordinateurs en fin de vie. D'autre part, un projet d'atelier du livre est actuellement en cours de développement.
M. Claude évoque la préoccupation primordiale de la direction de la prison. L'établissement n'est prévu légalement que pour l'accueil exceptionnel de mineurs, alors qu'il a enregistré 115 entrées en 1998. L'établissement n'est pas adapté et ses collaborateurs n'ont pas reçu de formation particulière pour la détention de mineurs. La nécessité d'exclure toute possibilité de contact entre détenus mineurs et adultes implique dans l'organisation générale de l'établissement d'attribuer des ressources humaines et un régime de détention particulier pour la gestion d'un quartier carcéral spécial. Cette nécessité représente une tâche supplémentaire sans que de nouveaux moyens aient été donnés.
Les perspectives ne semblent pas s'orienter vers une amélioration, puisque le Tribunal de la jeunesse a indiqué que la justice était interpellée par un nombre croissant de délits commis par les jeunes, ainsi que l'importance grandissante de leur gravité.
Audition des détenus (Champ-Dollon 1re visite, 10 février 1999)
Sur les dix demandes d'auditions annoncées, six sont confirmées. Les autres ne peuvent avoir lieu, soit parce que le détenu y a renoncé, soit parce qu'il a quitté l'établissement.
Un détenu âgé de dix-huit ans s'exprime au nom de tous les jeunes détenus de Champ-Dollon. Il se plaint d'être enfermé 23h30 sur 24, et qu'il n'y pas assez d'activités sportives. Il aimerait que les repas puissent être pris en commun, et que la cellule soit équipée d'une télévision. Pour les commissaires ayant entendu ce jeune détenu, il semblerait que les gardiens soient mal armés pour affronter les problèmes engendrés par la présence de mineurs dans l'établissement.
Les autres auditions évoquent différentes demandes : plus d'activités sportives ou artistiques (musique et peinture), des cours, des soins dentaires pour une dent manquante, la possibilité d'avoir un ordinateur dans sa cellule. Une personne se plaint que le service médical a remplacé ses pilules par un médicament liquide aux mêmes propriétés, mais qui ne semble en l'occurrence pas convenir. De l'avis de détenus auditionnés par les deux premiers groupes de commissaires, les contacts avec les gardiens apparaissent bons, tandis qu'un détenu entendu par le troisième groupe dénonce la torture mentale et les traitements inhumains dont il est victime. Entendu très attentivement sur ces accusations inquiétantes, le détenu met longuement en question le système judiciaire suisse et les causes de sa détention. En rapport direct avec la prison, il se plaint d'attendre de la direction un récépissé d'envoi de courrier.
M. Claude apporte les réponses suivantes sur les remarques formulées lors des auditions.
Il ne peut répondre à la place du service médical sur le cas particulier. Toutefois, de manière générale, si les médicaments sont prescrits sous forme liquide, c'est notamment afin qu'ils ne soient pas stockés par les détenus, avec les risques que cela pourrait engendrer. Par rapport à la question des soins dentaires, un cabinet médical au sein de la prison soigne les détenus. Ces frais médicaux sont répartis entre le détenu et l'administration en fonction de la nécessité du traitement.
En ce qui concerne les demandes d'activités supplémentaires, l'administration de l'établissement ne peut, dans la situation actuelle, y répondre positivement sans l'attribution de moyens supplémentaires. Cependant, l'offre actuelle en places de travail représente 150 postes pour 329 détenus. La liste d'attente pour obtenir une place de travail est de 74 personnes.
A propos du récépissé qu'un détenu n'a pas encore reçu, M. Claude indique que le courrier a été déposé pour envoi pendant les fêtes de fin d'année. Les courriers doivent d'abord être adressés à la justice pour censure. Sans qu'il n'y ait de blocage à un quelconque niveau, cette procédure est longue, et le paraît d'autant plus lorsque l'on est incarcéré. Dans le cas présent, la répétition de ces innombrables courriers a probablement contribué à ce que les personnes en charge de cette procédure relativisent le degré de priorité.
Enfin, concernant les mineurs, M. Claude estime que Champ-Dollon n'est pas équipée et n'a pas les ressources humaines pour gérer cette prise en charge très particulière. Ce travail est celui d'éducateurs. Etant donné que les mineurs ne doivent pas être en contact avec les détenus adultes, la configuration des lieux ne leur permet pas de prendre leurs repas en commun, et les contraint à faire leur promenade sur le toit. Si le Grand Conseil donne à Champ-Dollon le mandat de gérer l'accueil des mineurs, il lui faudra également lui en donner les moyens. En l'état, M. Claude ne peut faire plus et souhaite que le Grand Conseil se détermine sur cette question.
Audition des gardiens (Champ-Dollon 1ère visite, 10 février 1999)
L'écoute des gardiens étant une première dans le cadre des visites annuelles de Champ-Dollon, Messieurs les gardiens relèvent que cette démarche a été particulièrement appréciée. Le fait d'être entendu par une Commission parlementaire est une possibilité d'expliquer leur travail et les difficultés auxquelles ils se trouvent confrontés. Comme il se doit normalement, les problèmes des gardiens ont déjà été directement présentés au département.
Un gardien pour deux détenus à l'ouverture de la prison, un gardien pour presque six détenus actuellement, le travail du gardien s'est modifié au fil des années, devant s'adapter à l'augmentation progressive du nombre de détenus. Au manque de temps pour l'écoute des détenus, viennent s'ajouter les difficultés de compréhension puisque à ce jour, septante langues sont parlées à Champ-Dollon. Les langues les plus parlées sont le français, l'italien, l'espagnol, l'anglais, le portugais, l'albanais, le serbo-croate, l'arabe, le russe et différents dialectes africains.
Si la violence entre détenus a évolué avec l'arrivée des ressortissants des pays de l'Est, l'agressivité envers les gardiens est relativement faible. Cependant, lorsqu'un gardien ouvre une cellule, il doit constamment être sur ses gardes. Dans les précautions d'usage, le secret médical que le service médical leur oppose est un problème lorsqu'un détenu présente un risque de maladie transmissible.
La détention des mineurs leur pose un problème majeur dont ils ne maîtrisent pas tous les aspects. Il faut préciser qu'ils ne reçoivent pas de formation spécifique dans le cadre de la formation de Fribourg. L'établissement ne possède pas de règlement spécifique à cette catégorie de détenus. Dans une situation vécue récemment, le chef d'étage agressé par un mineur s'est senti démuni de système adéquat pour répondre à cette provocation. Les mineurs se rendent compte de cette inadéquation et usent de ces situations ambiguës.
La formation du personnel est bonne, mais le manque d'effectifs ne permet pas de suivre correctement la formation continue et cause des problèmes à différents niveaux. Le détachement de gardiens pour les nombreuses promenades diminue la sécurité dans les étages. Le manque de temps à consacrer aux détenus ne permet pas d'apaiser certaines petites tensions. La salle de sport, où les tensions peuvent s'évacuer, n'est utilisée qu'un peu plus de trois heures par jour.
Les gardiens connaissent des problèmes de santé, parfois graves, dus comme d'autres professions aux horaires irréguliers et au stress. Conscient de l'évolution de la pression pesant sur les gardiens, le directeur a demandé que les collaborateurs puissent être aidés par une assistance psychologique. Cette demande n'a, à ce jour, pas abouti.
A la question d'un commissaire à propos de la fouille après le parloir, les gardiens indiquent que le déshabillage complet d'un détenu, même en deux temps, est le passage le plus difficile pour le gardien. Cependant, la sécurité à Champ-Dollon repose entièrement sur les gardiens. La configuration des bâtiments, et leurs équipements, ne sont plus adaptés aux circonstances actuelles. Par exemple, le soir venu, on ne distingue plus la façade de la prison depuis le mirador, les prisonniers détenus en cellule d'isolement ont la possibilité de communiquer par leurs fenêtres, le système de surveillance caméra ne couvre que les extérieurs de l'établissement, les détecteurs de métaux sont défectueux, la salle de sports n'est pas adaptée au plan sécurité. Bien qu'elle n'empêche pas totalement l'entrée de drogue dans la prison, la fouille après le parloir limite le phénomène.
La demande principale des gardiens se situe au niveau de la sécurité. L'amélioration de ces conditions passe par des moyens supplémentaires, matériels et humains. Les gardiens notent que la direction fait au mieux pour trouver des solutions à tous ces problèmes. Ils sont contents de l'orientation que la nouvelle direction a prise en replaçant la prison dans sa véritable vocation.
Audition de l'Association pour la prévention de la torture (18 mars 1999)
Mme Haenni, secrétaire générale de l'Association pour la prévention de la torture. D'origine genevoise, l'APT est une organisation non gouvernementale émanant de l'ancien Comité suisse pour la prévention de la torture.
La prévention par des visites de lieux de détention permet un dialogue, une coopération avec les autorités et une ouverture aux propositions émises par l'APT. L'activité de l'APT diffère de celle du CICR, qui ne travaille que dans le cadre des conflits armés. Suite au projet pour inscrire cette structure au niveau des Nations Unies, il en est résulté la Convention européenne pour la prévention de la torture et le comité européen pour la prévention de la torture.
Bien que la mission principale de l'APT ne soit pas d'effectuer des visites, il est déjà arrivé qu'elle remplisse des missions d'évaluation dans le cadre de l'OSCE. Collaborant avec l'ONU, l'OEA et l'OMT, l'APT recherche les informations pour montrer les défauts systémiques et les absences de contrôle. Les mécanismes de contrôle peuvent se décliner de plusieurs manières, les visites, la procédure de plainte et l'information donnée aux détenus. Certaine que le système des visites doit se travailler dans la continuité, l'APT a élaboré un guide d'enquêtes sur les conditions de détention et de traitement dans les établissements de privation de liberté.
A propos du type de visite, si elles sont annoncées, elles n'auront pas d'impact sur le système, par contre elles peuvent amener une amélioration des conditions matérielles des détenus. Le CPT recourt aux visites annoncées en début d'année et aux visites surprises annoncées 24 à 48 heures à l'avance. Dans le cadre de ces dernières, il n'est pas possible de faire disparaître toute trace en 24 heures, mais il n'est pas non plus envisageable de réaliser des flagrants délits. Comme le font remarquer certains commissaires, le système de visite de la Commission du Grand Conseil nécessite préalablement l'expression de la volonté du détenu. Il n'est pas tout à fait comparable et l'application de ce procédé au-delà des visites de postes de police n'est pas si simple. Par contre, la visite-surprise, dont il n'existe pas de véritable définition, sauf de frapper à la porte et d'entrer, pourrait avoir pour objectif de venir manger le plat du jour servi aux détenus. Confirmant l'utilité d'une telle démarche, Mme Haenni précise qu'il y a certaines règles devant être respectées, comme la préparation de menus sans porc à l'attention des musulmans et que le problème de l'alimentation est un problème récurrent dans toutes les prisons du monde.
A la question d'un commissaire demandant comment situer la torture mentale, Mme Haenni indique que la Convention des Nations Unies contre la torture la définit comme un acte infligé par une autorité de l'Etat pour obtenir quelque chose de quelqu'un. Cette définition n'élucide pas tout et la notion demeure subjective puisque chacun peut ressentir différemment la détention. Un isolement de neuf mois dans les pays scandinaves apparaît supportable, alors que ce n'est pas le cas dans les pays africains. Quant à savoir si la privation de liberté représente une telle torture, il s'agit en l'occurrence d'un choix politique.
Etablissements de la plaine de l'Orbe (14 avril 1999)
La commission est accueillie par M. D. Pieren, directeur des établissements de la plaine de l'Orbe, qui introduit la visite par la présentation des EPO.
Divisés en cinq secteurs, à savoir la détention, le socio-éducatif, l'exploitation, les finances et l'administration, les EPO disposent de deux lieux de détention : le pénitencier et la colonie.
La gestion des établissements nécessite environ 150 collaborateurs dont 110 affectés à la sécurité, et représente un budget total de 27 millions de francs, dont 20 sont couverts par les produits de l'exploitation, laissant le solde de 7 millions à la charge de l'Etat. Les recettes proviennent du produit de différents ateliers dont le domaine agricole et l'imprimerie pour laquelle l'impression des fournitures scolaires destinées aux écoles du canton pour un montant de près d'un million de francs.
Arrêtés à fin 1998, les chiffres présentent la situation suivante. La population carcérale se situe en majorité dans la classe d'âge de 30 à 39 ans, et d'état civil célibataire. Pour les petites peines, l'évolution de la moyenne d'âge des détenus a tendance au rajeunissement. La représentation des religions est majoritairement chrétienne, suivie d'environ 25 % de musulmans. 30 à 35 nationalités composent la population à 65 % étrangère.
Environ une personne sur trois est incarcérée pour un délit lié à la loi sur les stupéfiants. A part 7 % de détentions préventives, 28 % des peines sont comprises entre 1 et 3 ans, 28 % entre 3 et 8 ans, les autres s'échelonnant jusqu'à la détention perpétuelle. Le nombre de condamnations basées sur l'article 43 CPS (11 %) est en augmentation.
Sur 760 demandes de congés, 90 % ont été accordées. 30 % des détenus ont bénéficié de ces congés sur lesquels les échecs pour non-retour représentent 0,88 %.
Basés sur un territoire de 386 hectares, les EPO ont une mission à deux volets, à savoir la sécurité d'une part et la préparation des détenus au retour à la vie libre d'autre part. Ce retour se prépare par un programme convenu avec le détenu suite à une période d'évaluation. Le régime de responsabilisation offre au détenu cellule individuelle, travail en atelier, possibilité de formation professionnelle et temps de loisirs. Durant cette phase, il passe du pénitencier à la colonie pour terminer en section ouverte.
Afin de créer 14 places supplémentaires à la division psychiatrique et de porter à 264 le nombre total de places aux EPO, le personnel administratif sera regroupé à l'extérieur du pénitencier. Les nombreuses transformations en cours de réalisation seront achevées à la fin 1999 et touchent l'infirmerie, les vestiaires, le magasin et les parloirs. La centrale de contrôle est à l'heure de cette visite en pleine rénovation. A terme, une petite maison à l'entrée du pénitencier sera réaménagée en réception des visiteurs, et accueillera une bibliothèque, ainsi que différents locaux pour la formation, la consultation médicale et la détente du personnel. Les travaux seront effectués par le personnel et les détenus. A l'exception de la rénovation de la centrale de contrôle, l'ensemble de ces transformations sera couvert par un crédit de 1'850'000 F.
Au niveau sécuritaire, les EPO ont adopté un système séparant les collaborateurs en contact avec les visiteurs de ceux en contact avec les détenus. Une société privée de surveillance assure la sécurité du périmètre du pénitencier, ainsi que le contrôle des visiteurs et des véhicules. M. Pieren estime que cette formule améliore la sécurité et relève qu'il est aisé de travailler avec une société externe.
Audition des détenus (Etablissements de la plaine de l'Orbe, 14 avril 1999)
La direction a instauré un système de rencontre mensuelle avec une délégation de détenus afin d'entendre leurs revendications.
Les vingt détenus « genevois » ont reçu l'avis de venue de la commission. Pour l'un des deux détenus qui ont demandé à être entendus, il existe une inégalité de traitement entre les détenus « genevois » et les autres. Il estime que certains avantages sont donnés aux uns plus qu'aux autres. A part cela, il apprécie le fait que les gardiens utilisent plus la psychologie que la répression. A ses yeux, cela fait de Bochuz un bon établissement.
La deuxième audition évoque également une appréciation sans reproche vis-à-vis des conditions de détention. Toutefois, le détenu s'estime victime de tracasseries administratives mineures le pénalisant dans la gestion de ses affaires personnelles au dehors de ces murs. Il fait état de lenteurs pour obtenir ses clés de domicile, son permis de conduire, une permission pour revenir de congé avec d'autres habits, pour s'approvisionner en cartouche d'encre de son ordinateur, pour accéder à des soins d'urgence, pour suivre son traitement de physiothérapie, et se plaint également que des courriers officiels ont été ouverts.
M. Pieren précise que le service médical ne dépend pas de sa responsabilité, mais qu'une personne est disponible 24 heures sur 24, 365 jours sur 365. Les inégalités de traitement proviennent, quant à elles, des tribunaux, puisque les délits sont condamnés plus lourdement dans certains cantons. C'est également le cas pour l'octroi de congés et autres libérations, puisque Genève ne pratique pas forcément le même barème et ne se base pas sur les mêmes critères. Le courrier officiel n'est ouvert que si l'expéditeur n'est pas connu. Quant au cas cité d'objets personnels n'ayant pas été mis à disposition du détenu, c'est sur la base d'éléments de la police de sûreté que le département a pris la décision de retenir ces objets. Sur la difficulté pour s'approvisionner en cartouche d'encre pour ordinateur, il est probable que les demandes nécessaires n'ont pas été faites, car il n'y a aucune opposition à cela et la moyenne d'équipement informatique des détenus est certainement meilleure qu'à l'extérieur. En ce qui concerne les habits, la restriction exprimée est inexacte, simplement le retour de congé avec de nouveaux habits nécessite de les inscrire à l'inventaire personnel du détenu. De manière générale, M. Pieren rappelle qu'un détenu vit une privation de liberté, et qu'une privation de liberté peut entraîner certaines contraintes dans le quotidien.
Audition de M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, président du DJPT
(19 avril 1999)
M. Ramseyer fait part de sa réflexion sur les différents sujets pour lesquels la commission souhaite des informations.
En tout premier lieu, M. Ramseyer souhaite rendre attentive la commission sur un élément influençant directement les finances et auquel il faudra faire face. Un tiers des gardiens de Champ-Dollon, engagés lors de l'ouverture de la prison, prendront leur retraite en même temps, après trente ans de services, soit en 2007. Dès lors, en fonction de cette échéance et de la planification de la formation de la relève, il sera nécessaire d'organiser une école de formation chaque année dès 2001 et non plus tous les trois ans, comme c'était le cas jusqu'à présent. Toujours à propos de la formation, suite à une visite à l'actuelle école genevoise de formation, M. Ramseyer a pu constater l'importance donnée à l'enseignement de l'aspect déontologique de la profession. Il remarque également que les gardiens doivent se spécialiser en fonction de l'évolution de la société. C'est donc à la formation continue que revient la mission de cette adaptation.
Sur la question des compétences de la commission des visiteurs, M. Ramseyer estime que la discussion revient au Parlement qui est souverain. Cela dit, la commission doit à son avis avoir un contrôle aussi précis que possible, tout en cernant plus précisément le rôle de chacun. La situation concordataire ne permet pas à la commission d'effectuer un contrôle étendu à l'extérieur du canton et le dernier rapport de la commission crée un risque de braquer les cantons opposés au contrôle parlementaire dans le domaine pénitentiaire.
La problématique des mineurs est importante puisque l'on constate une forte augmentation des condamnations d'adolescents de plus en plus jeunes. Cependant, le seul indicateur quantitatif ne permet pas de prévoir dans quelle direction la société se dirige.
L'événement dramatique ayant causé la paraplégie d'un détenu brésilien est toujours en cours d'examen. Le travail consiste à déterminer s'il y a eu excès de la part des gardiens ou pas. Ce n'est à sa connaissance pas le cas, mais ce sont aux investigations médicales et judiciaires d'apporter leurs conclusions. Cette tâche prend du temps, car il n'a pas été simple de trouver les experts médicaux. Cependant, les premiers éléments d'enquête n'ont jamais montré que le détenu avait été battu et il est injustifiable d'avoir porté des accusations sur des déclarations non vérifiées. Quelles que soient les conclusions de l'enquête, il est extrêmement regrettable pour tous qu'un événement comme celui-ci se soit produit, et il faut espérer que la personne s'en sortira.
Concernant le fonctionnement entre le DJPT et le DASS, il découle des exigences posées par le secret médical que le service médical de Champ-Dollon est soumis au DASS, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes lorsque le cloisonnement DASS - DJPT est trop rigoureux. Quant à la tarification « plein tarif » appliquée par les hôpitaux, un groupe de travail composé de membres de la direction de la prison et de représentants HUG se penche sur cette problématique et est sur le point de trouver la solution.
La Ligue des droits de l'homme a fait part dans son rapport de manquements aux droits de l'homme à la maison de Favra. En fait, les aspects dénoncés concernent essentiellement les autres cantons car il semblerait que les personnes placées à Favra par d'autres cantons soient mal informées par leurs autorités de placement respectives. Toutefois, le département répondra et prendra les mesures nécessaires si certains reproches devaient s'avérer exacts.
Visite des établissements pénitenciers de Bellechasse (26 mai 1999)
La commission est accueillie par MM. H. Nuoffer, directeur, Bl. Hofmann, directeur adjoint, Cl. Neuhaus, responsable de l'encadrement socio-thérapeutique et J.-M. Limat, responsable de l'enseignement.
Situés sur quatre communes, les EPB disposent d'un territoire de 432 hectares en plaine et 293 hectares d'alpages et de forêts. Les 89 collaborateurs, et les intervenants extérieurs (aumônier, pasteur, représentants d'autres religions) ainsi que l'assistance médicale prennent en charge 140 détenus et 20 personnes subissant une privation de liberté à des fins d'assistance au sens de l'article 397 du CC.
Les collaborateurs suivent la formation interne d'entrée avant d'effectuer la formation du Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire. Par la suite, 7 jours par année et par personne sont consacrés à une formation dans le cadre de l'administration centrale.
Les EPB attribuent une importance particulière à la première partie du régime pénitentiaire du détenu, à savoir la phase d'observation. Le plan d'exécution de peine établit ensuite la phase de régime ordinaire, celle du régime de fin de peine et enfin la phase de libération conditionnelle ou de libération définitive. Une trentaine d'activités, incluant travaux, formation et loisirs, sont proposées, contribuant ainsi à l'objectif de socialisation ou de resocialisation du détenu. La majorité des détenus suivent des cours de langues ou d'informatique, mais on compte également des cours par correspondance, des cours de préparation à la sortie, des diplômes et apprentissages.
La population carcérale est composée à 63 % d'étrangers dont les deux tiers font l'objet d'une mesure d'expulsion. A la différence d'autres pénitenciers, les établissements de Bellechasse ne sont pas hautement sécurisés. Malgré cela, ils accueillent des détenus purgeant des peines allant de six mois à la réclusion à vie pour des infractions concernant, le plus souvent, les stupéfiants, le patrimoine, l'intégrité sexuelle et les infractions liées à la famille. La perspective d'évolution des cas tend, compte tenu de la situation économique et politique, vers une augmentation des peines dans leur nombre et leur gravité. Les EPB fournissent un effort particulier pour la prise en charge de détenus condamnés pour des affaires de moeurs, environ une trentaine, par du personnel spécialisé. En matière de drogue, il est développé un programme fondé sur la prévention, la recherche de drogue, l'encadrement et le soutien. Sur 1000 autorisations de sortie accordées l'an passé, 98 % ont été couronnées de succès.
En ce qui concerne l'assistance médicale, le détenu a la possibilité de se rendre à l'infirmerie sur inscription deux fois par jour pour une consultation, ou simplement pour recevoir son médicament. Le principe de ne distribuer aucun médicament en cellule donne satisfaction. M. Nuoffer note que le service médical apprécie particulièrement la transmission du dossier médical à l'arrivée d'un détenu venant d'un autre lieu de détention.
L'entrée en vigueur de la LAVI a fixé un but supplémentaire à l'exécution de la peine, devant favoriser la réparation du tort causé au lésé. Comme à Saint-Gall, les EPB ont mis en place un projet de sensibilisation des détenus qui doivent s'acquitter d'une indemnité ou souhaitent assumer leur responsabilité.
Audition des détenus (établissements de Bellechasse, 26 mai 1999)
Huit détenus ont demandé à être entendus, parmi lesquels les commissaires ont enregistré les plaintes et les souhaits suivants : restriction d'achats de marchandise à l'épicerie, limitation de la durée des appels téléphoniques à quinze minutes, longue attente dans les couloirs avant la reprise du travail, promiscuité avec les détenus pédophiles, faible ouverture des fenêtres des ateliers sécurisés, boîte à idées, impossibilité de travailler à l'extérieur.
Trois détenus ont interpellé la commission sur des questions sortant du champ de ses compétences, soit pour l'un en criant son innocence, soit pour les autres sur les perspectives de leurs mesures d'expulsion. Il faut relever que ces témoignages expriment tous trois d'une certaine manière, une angoisse, pour laquelle une assistance sociale permettra assurément d'aider ces détenus.
M. Nuoffer explique le fonctionnement des possibilités d'achats à l'épicerie. En raison de risques d'entrée d'objets interdits, le Conseil d'Etat a décidé à la fin 1998, d'adopter la procédure proposée par la direction des EPB, pour l'approvisionnement des détenus en marchandises. Ce système ne permet plus à la famille d'apporter elle-même des marchandises, ces dernières pouvant s'obtenir selon une fréquence réglementée soit par colis postal, soit auprès de l'épicerie. Avec les effectifs actuels, il n'est pas possible d'ouvrir l'épicerie tous les jours, et la direction estime qu'il est préférable d'attribuer les ressources budgétaires à l'engagement d'assistants sociaux ou de spécialistes plutôt qu'à une personne chargée de transporter et trier les paquets. Le coût d'un collaborateur supplémentaire reviendrait à 100'000 F l'an, soit 2 F par journée de détention.
Concernant l'utilisation du téléphone, la durée des conversations a été limitée suite à des abus. Il est possible de téléphoner deux fois par semaine, ainsi qu'une troisième pour le détenu qui a de la famille et un enfant de moins de dix-huit ans.
L'horaire des détenus dépend de leur affectation et d'un certain ordre permettant de les localiser exactement. Toutefois, dans le cas présent, le détenu a la possibilité de se rendre à la salle de lecture dès 13h15 jusqu'à la reprise du travail.
La promiscuité avec les détenus pédophiles n'est actuellement pas une situation comportant des risques de sécurité intérieure. Cette catégorie de détenus, au nombre de trente, n'est pas provocatrice et a plutôt tendance à se regrouper pour éviter les brimades. Les autres détenus ne leur adressant généralement pas la parole, les pédophiles demeurent assez isolés. Bellechasse représente un bon exemple de gestion humaine puisque cet établissement parvient à sécuriser les détenus et à éviter les règlements de compte.
Les ateliers sont occupés par une quarantaine de détenus équipés d'outils coupants, encadrés par deux ou trois collaborateurs. Ce dispositif offrant aux détenus une marge accrue de liberté de gestes, il est indispensable du point de vue sécuritaire de se limiter à l'ouverture des fenêtres sur leur partie supérieure.
A l'instar de la suggestion d'une boîte à idées, il existe un système d'audiences, au cours desquelles des propositions peuvent être faites. Il a été proposé par exemple, au niveau culturel, un spectacle de danse.
La possibilité de travailler à l'extérieur intervient à un certain stade de la peine, pour des raisons évidentes de sécurité. Le détenu ayant fait cette demande n'étant qu'au début de sa détention, il lui a été répondu négativement. La gestion de ces possibilités d'activités fonctionne selon un plan bien établi et doit veiller à d'éventuelles inégalités de traitement.
Un détenu que la commission avait déjà entendu lors de sa première visite à Champ-Dollon évoque outre sa préoccupation sur l'application des mesures de contraintes, des comparaisons dans sa détention. Champ-Dollon offrait un peu plus de sport et un meilleur système d'épicerie. Par contre, il apprécie plus les ateliers de Bellechasse.
Audition de M. Timothy Harding, responsable du service médical de la prison de Champ-Dollon (17 juin 1999)
Après une première partie de l'audition consacrée aux questions posées dans la pétition 1226, M. Harding évoque la problématique liée aux seringues. A la suite d'une décision du Conseil d'Etat et du Grand Conseil en 1995, le DASS a été chargé d'assurer l'échange des seringues au sein de la prison. Ce système négocié avec le Procureur général et le président du collège des juges d'instruction permet également l'échange des objets pour pratiquer des injections. Actuellement, la situation est insatisfaisante et laisse apparaître des incohérences entre les instructions données par le service médical au personnel médical et les instructions données par la direction de la prison aux gardiens. Les uns échangent les seringues, alors que les autres les saisissent. La situation doit être clarifiée tout en veillant à régler également un problème éthique par rapport à l'introduction du libre-accès aux seringues pour les mineurs.
M. Harding fait part d'une certaine interrogation sur l'avenir du centre de sociothérapie de la Pâquerette sachant que Mme de Montmollin prendra sa retraite en 1999. Il est possible que M. Claude réexamine la structure et la mission du centre, étant rappelé que onze gardiens y sont affectés.
Concernant le secret médical, M. Harding explique que la direction peut demander des informations relatives à l'état médical des détenus, c'est son droit. Cependant, le service médical a l'obligation de s'assurer du respect du secret médical. Il y a donc des demandes d'informations restant sans réponse.
Par rapport à l'état de santé général des détenus, M. Harding a constaté au cours des dernières années du directorat de M. Choisy, une augmentation du nombre de détenus présentant des symptômes de problèmes psychologiques. S'agissant de la tuberculose, les mesures préventives ont été prises. Le nombre de détenus séropositifs a diminué depuis huit ans, comme le nombre de détenus hospitalisés avec un Sida déclaré. En revanche, des problèmes apparaissent par rapport à l'hépatite C.
Champ-Dollon dispose des services de psychologues à raison de 0,8 poste, un stagiaire et une psychosomaticienne. M. Harding estime que cet effectif est insuffisant pour répondre aux demandes de prise en charge à long terme.
A la question d'une commissaire sur la raison des difficultés pour envoyer les détenus directement du poste de police à la clinique Belle Idée, M. Harding évoque des problèmes de surcharge.
Pour répondre à la question du délai d'intervention pour apporter des d'urgences, M. Harding donne l'exemple d'une situation qui s'est présentée la veille. Un incident grave s'est produit, l'infirmière est arrivée sur place dans la minute suivante, le médecin au bout de cinq minutes, et le cardiomobile douze minutes après l'incident. Le patient est arrivé aux soins intensifs en moins de quarante minutes. Dans un autre cas, où le détenu a mis le feu a son matelas, le cardiomobile est arrivé en moins de quinze minutes.
Audition de M. J.-M. Claude, directeur de la prison de Champ-Dollon
(1er juillet 1999)
En juin 1999, la presse genevoise se fait l'écho d'une situation de troubles et de mécontentements à la prison de Champ-Dollon visant directement la gestion du directeur. Dans l'approche de cette situation, la commission se doit de déterminer son rôle et ses compétences. Elle entend M. Claude afin de cerner les critiques de ses détracteurs et d'enregistrer son point de vue à ce sujet.
En introduction et pour décrire le cadre de certaines accusations qu'il a pu lire dans la presse à son égard, M. Claude reprend un point précis. S'agissant des déclarations d'un député dans un quotidien affirmant être intervenu auprès du directeur pour le maintien de cours de formation des gardiens, M. Claude dément avoir eu contact avec ledit député.
Convaincu de la nécessité de la formation et de la formation continue, M. Claude a augmenté les cours destinés aux gardiens depuis son arrivée à Champ-Dollon. En fonction des perspectives de départs à la retraite simultanés prévus en 2007, M. Claude a élaboré un planning de formation permettant de renouveler les collaborateurs partant à la retraite, sans qu'il y ait de baisse du taux de formation. Ainsi, ce ne sont plus six personnes qui sont inscrites à l'école 1999, comme prévu à son arrivée, mais dix-neufs futurs gardiens qualifiés. La formation se déroule sur trois ans. La première phase est la formation de base de l'école genevoise d'une durée de six mois, permettant d'acquérir les premières connaissances sur la législation ainsi que la maîtrise de la gestion des situations conflictuelles. La seconde phase intègre le futur gardien dans une brigade au sein de l'établissement. A la fin des douze premiers mois, il est engagé en qualité de gardien et prête serment. Parallèlement à son travail, il suit les cours du Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire (Fribourg) répartis en une quinzaine de modules de deux à trois semaines. Actuellement, l'ensemble des collaborateurs a suivi les cours dispensés par l'école de Fribourg. Cependant, l'attribution du temps consacré à la formation est confrontée aux difficultés engendrées par un taux d'occupation élevé de l'établissement et un sous-effectif de gardiens. L'effectif prévu par la loi prévoit un maximum de 215 postes, alors qu'il n'en comprend actuellement que 188. La population carcérale a pour sa part constamment évolué, puisqu'à son arrivée à la direction, la prison comptait 260 détenus, alors qu'ils sont presque 400 aujourd'hui. Ainsi, l'adaptation des gardiens aux profils d'une nouvelle catégorie de détenus par une formation spécifique, notamment linguistique, est un problème budgétaire.
Malgré une période provoquant régulièrement un surcroît de travail, notamment lors d'accueils imprévus en grand nombre (OMC, squatters), l'ambiance de travail est bonne. M. Claude est extrêmement satisfait de pouvoir affirmer qu'il dispose de collaborateurs exceptionnels sur lesquels il peut compter en tout temps et qui effectuent leur travail sans état d'âme, malgré la fatigue due à la surcharge de travail. Dans le contexte actuel, tous les gardiens ne se sentent pas reconnus dans leur tâche, et il paraît difficile de leur demander davantage tout en se proposant juste après de leur donner moins. Il faut se rappeler que les événements des manifestations de l'OMC ont nécessité que Champ-Dollon accueille cent personnes supplémentaires en trois jours, ce qui représente le tiers de la population normale de la prison.
D'une manière logique, Champ-Dollon ne décide pas de son taux d'occupation, mais doit y faire face. En l'occurrence, un certain nombre de décisions politiques et judiciaires, ainsi que les conséquences des guerres en Europe, influent très directement sur ce taux d'occupation et sur les conséquences que ce dernier génère.
Une forte proportion de détenus de nationalités de pays de l'Est et de pays en guerre s'est avérée être violente. A la différence d'autres détenus recevant des visites et des paquets, ces détenus n'entretiennent pas de contact avec l'extérieur, ce qui provoque de vives tensions et tend à augmenter le nombre de cas de racket.
Suite à la pétition et à l'audition des détenus, ces derniers ont interpellé le directeur sur les demandes formulées dans la pétition. M. Claude a expliqué qu'il n'y avait en l'état pas de budget disponible, mais que la Commission des visiteurs était entrée en matière sur la pétition, ce qui n'était pas pour autant synonyme d'acceptation. Ces explications n'ont pas suffi et les détenus ont manifesté violemment à deux reprises. Indiquant aux détenus que la violence n'était pas la bonne méthode pour obtenir quoi que ce soit, M. Claude est entré en matière sur les revendications se situant dans ses compétences, laissant de côté celles qui impliquaient une décision politique ou budgétaire. Cela été le cas par exemple pour la demande de pouvoir écouter des disques compacts. M. Claude a accordé cette possibilité à condition que le détenu choisisse entre cassettes et disques. Peu de temps après la mise en place du système, les détenus réclamaient de pouvoir disposer des deux types de support. Il faut bien se rendre compte qu'en raison de sécurité, les supports audio doivent être écoutés par les collaborateurs de la prison avant d'être remis aux détenus. Etant possible d'être réenregistrée, une cassette peut permettre ainsi dans le cadre d'une instruction de communiquer entre deux détenus complices une version commune des faits. Les contrôles effectués dans les cellules nécessitent l'ouverture et l'écoute de chaque cassette ou disque. La multiplication des objets dont peuvent disposer les détenus, influence directement sur le temps de travail des gardiens qui n'en ont déjà pas suffisamment, c'est pourquoi il faut faire des choix.
M. Claude explique que les contrôles ne sont pas des brimades comme le reprochent certains, il s'agit d'un travail de sécurité à l'égard de tous, y compris des détenus. Dernièrement, au cours d'une fouille de cellule, les gardiens ont trouvé une enveloppe contenant plus de cent capsules de deux médicaments différents, dont le mélange aurait pu être mortel.
Par rapport à la question d'une députée relatant une recrudescence des tentatives de suicide, M. Claude indique qu'il ne faut pas parler de recrudescence. En effet, par souci de transparence, M. Claude a informé la presse de ces cas, ce qui n'était pas la pratique auparavant. Malgré le fort risque que présente la population carcérale, il n'est pas enregistré de statistiques de tentatives de suicides. La plupart d'entre elles se produisent lorsque le gardien approche la cellule, ce qui est considéré comme un appel au secours. Lorsqu'un détenu présente des difficultés ou des signes de détresse, l'information est transmise au gardien qui passera plus régulièrement vers le détenu, et cela surtout la nuit.
Par rapport au secret médical, M. Claude indique clairement qu'il appartient au patient et qu'il est garanti par le thérapeute. Par contre, il se demande si un psychiatre, informant les gardiens d'un risque de suicide chez un détenu, agirait mal. En ce qui concerne des risques d'attitude incompréhensible, voire violente, il apparaît important que les gardiens en soient informés puisque ces derniers doivent réagir avec des comportements adéquats.
Pour évoquer la problématique des confiscations de seringues, M. Claude informe qu'il entretient d'excellents contacts avec M. Harding. Cela étant, comme ce dernier, il n'agit que dans le respect des consignes de sa hiérarchie. Toutefois, il faut préciser que ces confiscations ne représentent qu'un ou deux cas par année, et guère beaucoup plus pour les échanges de seringues.
Par rapport aux répercussions sur le monde carcéral du rapport 1998 de la commission, dont M. Claude a souligné précédemment l'importance des effets, une commissaire souhaite insister sur la mission de la commission. Dans le contrôle des conditions de détention des détenus, elle n'a, l'an passé, rien relevé de flagrant, si ce n'est quelques petits problèmes et quelques petites brimades. Le rôle de la commission ne consiste pas à formuler des actes d'accusations, et s'agissant d'améliorer la situation, il convient dès lors de ne pas travailler en opposition, mais en collaboration.
M. Claude indique qu'il peut répondre favorablement aux demandes de la commission, pour autant que celles-ci n'aillent pas à l'encontre de la sécurité, et étant entendu que le Parlement lui octroie les moyens financiers correspondants. Si la commission souhaite prolonger le temps de promenade des détenus, ce à quoi il serait entièrement favorable puisque cela contribuerait à diminuer les tensions régnant dans la prison, il faudrait octroyer à l'établissement cinq à six postes supplémentaires.
Audition de GEODE, Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant (2 septembre 1999)
Mmes Marie-Françoise Lucker-Babel, Laura Cardia-Vonèche, Françoise Arbex, Anne Grandjean, M. Pierre Gasser
Composé d'une quinzaine de personnes, le groupe existe depuis 1997, mais c'est le 1er juin 1999 que GeoDE se constitue en association dont le but est d'engager un dialogue pour la réalisation des droits de l'enfant et de sensibiliser les uns et les autres à ces droits.
Particulièrement interpellé par le projet de reconstruction de la Clairière qui ne répondra pas au problème des mineurs à Champ-Dollon, GEODE souhaite par son rapport contribuer au déblocage de la situation. GEODE souhaite faire part au monde politique de son approche sur la question des droits de l'enfant avec l'objectif de dessiner dans un avenir proche une ou plusieurs solutions. Il est rappelé que par mineur est entendue la catégorie d'âge de 15 à 18 ans, mais il arrive aussi dans des cas graves que des jeunes de moins de 15 ans soient détenus à la Clairière pour les besoins de l'instruction, ou faute de place, à Champ-Dollon. Le cadre de détention de mineurs à Champ-Dollon, qui ne bénéficie par d'infrastructure propre à l'âge des détenus, est particulièrement préoccupante. C'est également le cas pour les jeunes filles de la maison de Riant-Parc dont la structure ne s'avère absolument pas adaptée.
Bien que notre canton connaisse une très forte augmentation du nombre de détentions préventives de mineurs, la capacité d'accueil ne doit pas être la seule question. Il faut effectivement mener une réflexion sur les possibilités alternatives de prise en charge, et dans ce sens, un nouvel agrandissement de la Clairière ne représente pas la solution. D'ailleurs, certaines études démontrent que l'augmentation du nombre de places de détention entraîne une augmentation du nombre d'arrestations.
Quelles solutions pour la jeune délinquance ? Sur quelle voie les améliorations de la détention des mineurs doivent-elles être menées ? La privation de liberté pour les mineurs est-elle une réponse adéquate ?
Le court temps consacré à l'audition n'a permis que de susciter les questions qui doivent plonger les uns et les autres dans une profonde réflexion. Le premier rapport de GEODE est un premier pas qui devrait permettre d'ouvrir véritablement la voie à de réelles solutions.
Le premier rapport GEODE est donc annexé au présent document.
(annexe No 1)
Champ-Dollon (2e visite annuelle, 8 septembre 1999)
Introduisant la visite, M. Claude nous informe des chiffres du jour et des récents changements intervenus depuis la première visite.
329 détenus, dont 29 femmes plus 10 mineurs séjournent actuellement dans l'établissement. 125 détenus ont une place de travail, et 40 à 50 sont inscrits sur la liste d'attente pour obtenir un poste.
Depuis le 1er septembre, le personnel a repris la tâche de garde extérieure, remplaçant ainsi la société de services qui s'en occupait jusqu'à présent.
Sur un autre plan, la direction souhaite faire en sorte que les collaborateurs de la prison qui se trouvent actuellement à l'école genevoise de formation puissent commencer à travailler en brigades dès leur rentrée du Centre de formation de Fribourg.
D'autre part, les projets énoncés dans le rapport d'activité 1998 sont en cours.
L'atelier R 2000 s'occupe de reconfigurer des ordinateurs des services de l'Etat pour le passage à l'an 2000 et de les redistribuer dans les services. Des négociations ont été entreprises avec le CTI afin que Champ-Dollon puisse bénéficier des appareils non compatibles « an 2000 ».
Dans le cadre du projet d'atelier 2000, une étude a été menée par un étudiant bibliothécaire de Lausanne sur les attentes des détenus. La direction est prête à foncer dans la réalisation et n'attend plus que les locaux, pour lesquels le DAEL devrait démarrer le chantier. Cette bibliothèque constituera un aspect de l'atelier qui devrait regrouper également l'enseignement, la recherche personnelle, la lecture, le prêt, la consultation et l'apprentissage de la lecture. Tout ceci dépend encore du budget. Les contacts entretenus avec certaines représentations consulaires, notamment pour expliquer les procédures de visite, ont permis à l'établissement d'acquérir quelques ouvrages en langues étrangères.
Au niveau des horaires, M. Claude envisage de planifier des heures de sport pour le personnel. Il faudra pour cela instaurer un horaire à huit jours, ce qui n'est actuellement pas possible au vu des effectifs.
Comme cela avait été suggéré par la commission lors de la première visite, la brochure remise aux nouveaux arrivants précise que les détenus peuvent saisir la commission pour les problèmes liés aux conditions de détention. Elle est traduite en neuf langues.
Concernant la brochure d'information élaborée par un détenu de l'établissement, cette dernière est en cours de traduction en trois, voire quatre langues.
Audition des détenus (Champ-Dollon 2e visite annuelle, 8 septembre 1999)
Douze demandes d'auditions sont parvenues à la direction.
Une détenue demande plus de sport, afin de réduire l'agressivité entre détenus de nationalités différentes provoquée par la difficulté de communiquer. La même personne souhaiterait apprendre le français. Le professeur lui apporte des livres et des cassettes, mais aucun cours ne semble prévu.
Un détenu témoigne des bonnes conditions de détention qu'il compare avec la prison de Sion où il a subi des pressions et des menaces. Les détenus qui se tiennent mal sont enfermés dans un cachot en terre battue.
Un détenu préposé à l'entretien extérieur se plaint des détenus qui jettent toutes sortes de détritus de la fenêtre de leurs cellules. Il souhaiterait qu'un grillage soit installé aux fenêtres des cellules des détenus agissant ainsi. Il saisit cette occasion pour faire remarquer avec reconnaissance la compréhension du gardien responsable de son unité. Au décès de son père, le gardien lui a permis d'obtenir une sortie accompagnée pour se rendre à l'enterrement.
Un détenu se plaint de lenteur des changements au sein de la prison et de n'avoir pu rencontrer le directeur qu'une fois en quatre mois malgré deux demandes. Pourquoi n'y a-t-il toujours pas d'antenne parabole alors que deux détecteurs de métaux à 15000 F ont été installés récemment ? Concernant la nourriture, le manque d'indication de la viande casher contraint les détenus musulmans à choisir le menu végétarien.
Les détenus kosovars souhaite bénéficier de la présence d'un imam kosovar.
Une détenue se plaint d'une série de petites « brimades », (terme utilisé par la commissaire rapporteuse de l'audition du détenu) : interdiction de parler par les fenêtres lors des promenades, interdiction d'emporter des boissons, même chaudes, lors des promenades, problèmes de commandes de nourriture, un seul fumoir exigu, enfin la détenue s'est sentie maltraitée par les gardiennes sauf par l'une d'entre elles qui parle anglais. D'autre part, elle ne veut plus rencontrer son psychologue qui continue à l'appeler chaque semaine. Elle ne suit plus de cours de français car son professeur n'est plus revenu. Extrêmement positive à l'égard des ateliers, elle en apprécie énormément les professeurs qui écoutent les détenus, calment et encouragent.
L'ambiance dans la prison est moins bonne depuis l'arrivée du nouveau directeur, qui n'a d'ailleurs répondu qu'à une seule de ces lettres de plaintes de pressions et de brimades. La machine utilisée pour le contrôle des paquets est en panne depuis un an.
Une détenue fait état d'un manque d'information sur sa procédure, de la part de l'avocate nommée pour sa défense. D'autre part, après s'être adressée directement à la direction pour se plaindre d'une gardienne, celle-ci le lui aurait reproché et l'aurait mise à l'écart par la suite.
Discussion avec la direction
(Champ-Dollon 2e visite annuelle, 8 septembre 1999)
L'information et la communication ont été mises en question de manière générale, d'une façon ou d'une autre, par les détenus.
Chaque détenu reçoit à son arrivée la même brochure d'information traduite en neuf langues. Il est constaté que les détenus ne sont généralement pas réceptifs à leur arrivée. Certes, les langues étrangères ne facilitent pas la communication, mais il est toujours possible de recourir à un codétenu pour traduire une conversation avec le personnel. L'anglais n'est certes pas pratiqué par tous les gardiens, mais il y a toujours l'un ou l'autre pour parler les langues les plus courantes. Pour les simples informations, la gestuelle permet sans problème à chacun de se comprendre. En ce qui concerne les objets autorisés, la liste est à disposition auprès de chaque chef d'étage. L'information sera améliorée par la brochure élaborée par les détenus qui pourrait également être distribuée à l'accueil.
Plusieurs détenus se plaignent de ne pas pouvoir suivre de cours de français.
Le professeur de français est toujours à Champ-Dollon. Son rôle a cependant été redéfini car il donnait jusqu'à présent surtout des cours de russe et d'italien. Le séjour moyen d'un détenu étant de 40,2 jours, cela n'est pas facile pour apprendre une langue. D'autant plus que la durée du séjour est difficilement prévisible, puisque 50 % des détenus sont en attente de jugement, 25 % sont jugés, mais en phase de recours, et 25 % en attente de placement. Néanmoins un poste y est consacré et deux collaborateurs d'un atelier partagent leur temps pour contribuer également à cet enseignement.
La pratique de la religion musulmane a apporté plusieurs demandes.
La cuisine de Champ-Dollon propose au choix le menu N0 1de base, le menu N0 2 sans porc, le menu N0 3 végétarien. Il pourrait être précisé sur le menu N0 2 par un petit dessin, que ce menu ne contient pas de porc. En ce qui concerne les repas lors du ramadan, si le détenu informe clairement la direction, il n'y a pas de problème pour servir le repas chaud le soir pour autant que cela soit avant la fermeture de la cuisine, soit avant 19h00. L'imam de Champ-Dollon est le seul à vouloir se déplacer dans une prison. La direction lui a demandé de trouver un imam pour les Albanais, mais à ce jour, la recherche n'a pas encore abouti.
Un détenu aurait-il effectivement pu être placé six mois en régime de sécurité renforcée ?
Une dizaine de meneurs conduisant une centaine de détenus ont menacé l'établissement d'une rébellion. Il s'agit d'une situation gravissime pour un établissement pénitentiaire. Le directeur a prononcé une décision de placement au régime de la sécurité pour ces personnes. Toutefois, en raison d'une lecture erronée du règlement de la prison, il a été signifié une durée de six mois de détention en régime de sécurité. Le règlement prévoit en regard de la faute commise une durée de six mois maximum renouvelable. Il s'avère qu'il n'est pas obligatoire de prononcer la durée maximum. Il faut relever que les faits sont exceptionnels puisque c'est la première fois que le directeur prend une décision de cette nature. Les détenus placés en régime de sécurité l'ont finalement été pour des durées effectives de 2 à 15 jours. A noter que le régime de sécurité n'est pas une mesure disciplinaire comme pourrait l'être une décision d'enfermement en cellule forte. Il s'agit d'une mesure visant un objectif de sécurité interne à l'établissement.
A la suite de l'entretien avec la direction, une partie de la commission a souhaité visiter les locaux. Une scrupuleuse description n'apporterait pas d'éléments d'informations aussi importants que les témoignages des auditions. Cependant, la visite a permis aux commissaires de se rendre compte du fonctionnement de l'établissement et des contraintes concrètes dans la pratique. Sans être en mesure d'évaluer si la configuration des locaux est adaptée au travail du personnel de surveillance, ce qui semblait être mis en cause, il a pu être constaté que les conditions matérielles mises à disposition des détenus sont adéquates, à l'exception des mineurs qui ne sont réellement pas à leur place dans un établissement tel que Champ-Dollon. Le bon état des locaux n'a certainement pas empêché les commissaires comme le rapporteur de ressentir l'atmosphère pesante de la privation de liberté. Voici peut-être le but primordial de la visite des lieux, qui devrait nous permettre de nous plonger dans l'univers carcéral afin que notre réflexion soit la plus proche possible de la réalité quotidienne des acteurs de ce milieu fermé. Dans ce sens, la proposition du directeur, M. J.-M. Claude, aux députés, de passer une journée ou une nuit dans l'établissement est très intéressante.
Outre les informations recueillies lors des visites et des auditions, le rapport de gestion de l'exercice 1998 (annexe No 2) apporte d'intéressants éléments quantitatifs et statistiques. Sur demande ultérieure de la commission, la direction communique un tableau (annexe No 3) présentant, au 29 novembre l'origine des détenus de Champ-Dollon.
La Clairière (16 septembre 1999)
M. M. L. Kohler, directeur de la Fondation « Foyers Feux Verts » et M. R. Fankhauser, responsable de l'établissement, situent l'établissement, son rôle et l'objectif des travaux de transformation. Les transformations concernent plus l'adaptation des locaux à des normes acceptables et en cours, que l'augmentation de leur capacité, puisqu'elle atteindra 16 places, dont 4 pour les jeunes filles. Par rapport à la problématique de la recrudescence de la jeune délinquance, une Clairière de trente places ne résoudrait pas le problème, et la situation d'urgence de détention des mineurs à Champ-Dollon va probablement perdurer. Actuellement, l'optique du Tribunal de la jeunesse consiste à placer les jeunes pour lesquels un travail éducatif peut être entrepris à la Clairière, et les ressortissants du Kosovo, de l'ex-Yougoslavie et d'Afrique à Champ-Dollon.
Un nouvel accroissement de la capacité d'accueil est difficilement envisageable si l'établissement veut poursuivre le but de réinsertion sociale avec autant de chances de réussite. Les maisons de Montfleury logent actuellement des résidents en fin de peine ou en semi-liberté. La réaffectation de ces villas pour les jeunes de Champ-Dollon nécessiterait des travaux importants de réfection et de mise aux normes de sécurité. Il est prévu que la Clairière actuelle reçoive par la suite les personnes faisant l'objet de mesures de contraintes. Il pourrait être cependant imaginé d'utiliser ces locaux pour accueillir les adolescents de Champ-Dollon. Quoi qu'il en soit, M. Fankhauser est acquis à l'idée que la multiplication des petites structures est plus adéquate pour obtenir de bons résultats.
Outre l'augmentation du nombre d'incarcérations de mineurs, il est constaté en comparant les types de délits, que les délinquants sont de plus en plus jeunes. L'établissement à dû prendre en charge, contrairement à ce que prévoit le règlement, des jeunes de moins de 15 ans. Les délits sont de plus en plus graves et vont du vol de scooter à l'homicide, en passant par le brigandage, les agressions et le trafic de stupéfiants. Il est fréquent d'avoir des jeunes détenus déterminés à « aller jusqu'au bout » et pour lesquels « la vie n'a aucun prix ». Il existe des réseaux dans lesquels sont entraînés des enfants de neuf ans, dont les meneurs comptent sur la clémence de la justice helvétique.
Il y a un certain nombre d'années, il existait une réelle collaboration avec la brigade des mineurs dont le souci principal résidait dans la prévention. A l'heure de la diminution de postes, certaines de ces personnes ont été transférées aux brigades des moeurs ou des stupéfiants. Actuellement, on observe des bandes organisées dans lesquelles les jeunes se sentent forts et où ils retrouvent un genre d'esprit de famille qui leur fait défaut dans leur parcours personnel. D'ailleurs, dans certains cas, le passage en établissement d'incarcération est volontairement provoqué par le jeune, car il représente une distinction de fierté.
Les résultats de l'établissement sont jugés bons, puisque la majorité des jeunes ne reviennent pas. Il y a quelques années, sous la pression des défenseurs des droits de l'homme, le fonctionnement de l'établissement ressemblait plus à une colonie de vacances et le taux de récidive était élevé. Depuis, les tribunaux ont instauré des séjours plus longs, les jeunes réfléchissent davantage, ils admettent que c'est mieux d'être dehors et la récidive a diminué.
A une époque, il était plus aisé de placer un jeune dans un foyer en sortant de la Clairière. Aujourd'hui, les critères d'admission dans ces foyers sont élevés. Il faut prouver par exemple que le jeune travaille et qu'il ne se drogue pas. Ainsi les jeunes restent à la Clairière faute de trouver une issue, à moins de se tourner vers d'autres cantons. Cette constatation mène à se poser la question de savoir à qui sont destinés ces foyers.
Quant à la mixité à la Clairière comme dans les établissements en général, M. Fankhauser reste persuadé que cela ne représente pas une solution idéale, car les jeunes filles ont le droit de bénéficier de leur propre encadrement. Outre le fait que certains adolescents actuels de la Clairière sont « petits » à comparer des jeunes filles, la situation de la délinquance féminine est un phénomène en forte croissance qui devrait à court terme représenter plus de la moitié des effectifs.
Existe-t-il une concertation entre les différents acteurs de la détention sur les programmes éducatifs et sur le profil des personnes à qui sont destinés ces programmes ? Il y a notamment des réunions dans le cadre du Groupement des directeurs d'institution, sans pour autant qu'un réel travail à ce niveau n'ait été entrepris. L'éducation en milieu fermé est mal perçue par certains qui considèrent que cela relève de la gageure. On assiste à un cloisonnement dans un milieu où le mot d'ordre consiste à dire « chacun à sa place ». Il a d'ailleurs été reproché à la Clairière que ses éducateurs s'étaient trop impliqués dans l'accompagnement de jeunes au-delà de leur détention.
Dans l'idée de favoriser la réinsertion, est-il imaginable d'explorer la possibilité d'orienter ces jeunes sur un apprentissage au CEPTA ? Il n'est pas évident que les jeunes de la Clairière aient les capacités pour entrer en apprentissage.
M. Fankhauser est persuadé que l'accent est à mettre sur la prévention à tous les niveaux. Il existe une formidable carence en ce qui concerne les fondements de la vie en société. Les enseignants se plaignent d'avoir à faire plus d'éducation que d'enseignement et le niveau de scolarité est catastrophique : les jeunes ne savent pas écrire, ni parler correctement. Tout le monde doit prendre sa part de responsabilité, de la famille aux enseignants. C'est pour cela qu'une prise en charge individualisée comme celle de la Clairière s'avère fructueuse et qu'il faut poursuivre dans cette voie avec les moyens du bord tout en s'adaptant aux changements qui touchent les jeunes.
L'adaptation des locaux constitue une amélioration de confort pour les détenus. D'un autre côté, elle restreint les contacts avec les éducateurs à qui les jeunes devaient régulièrement s'adresser pour se rendre aux toilettes ou pour boire. Simplement le fait de s'adresser à l'éducateur dans un tel cas, est une démarche positive montrant que le jeune ne se referme pas sur lui-même.
Le travail au sein de l'établissement consiste à ce que les jeunes assument les tâches du quotidien, lessive, nettoyage, cuisine, boulangerie. Il est d'ailleurs prévu de développer un véritable atelier cuisine, qui préparera les repas des résidents de Montfleury.
La brève visite du chantier de la nouvelle Clairière confirme qu'il s'agit plus d'une adaptation aux normes, que d'un réel agrandissement de l'établissement. Le directeur regrette amèrement qu'il n'ait pas été consulté au stade préliminaire du projet pour émettre les nécessités primordiales de locaux de privation de liberté. En l'occurrence, le projet ne lui a été présenté que tardivement, et il n'a pas été possible de modifier la grandeur des fenêtres, afin d'améliorer la source de lumière naturelle. Ainsi, les cellules devront en permanence être éclairées artificiellement.
Maison d'arrêt pour femmes « Riant-Parc » (16 septembre 1999)
Mme Mme M. Ecabert, cheffe de service adjointe, et M. J. Grosfort, adjoint administratif du SAPEM, accueillent la commission et présentent l'établissement dont la polyvalence est la particularité majeure. A vocation de détention préventive et d'exécution de courte peine, Riant-Parc dispose de dix-sept places, réparties selon différents régimes de privation de liberté, allant de la semi-liberté au milieu fermé, pour accueillir adultes, mère et son bébé, et mineures. Le fonctionnement de l'établissement est assuré par dix collaborateurs.
Les deux étages supérieurs sont destinés au logement en chambres et en cellules. Le rez-de-chaussée regroupe cuisine, réfectoire adulte, salle de réunion, secrétariat et bureau, tandis que le sous-sol comporte l'atelier buanderie, les douches et un espace détente lecture, télévision et visite. La promenade des détenues s'effectue sur une terrasse grillagée d'environ 20 m2, surplombant le beau parc de la propriété.
La discussion s'est portée sur différents points ayant trait à l'adaptation des locaux. M. Grosfort explique, sans considérer l'aspect financier, qu'il aurait été effectivement moins compliqué de concevoir un nouvel établissement que de transformer celui-ci. En l'occurrence, Riant-Parc permet tout de même de sortir les jeunes filles de Champ-Dollon, où l'on côtoie des détenues faisant l'objet de condamnations beaucoup plus lourdes et dont l'environnement pesant n'est pas comparable à Riant-Parc.
Mme Ecabert exprime la motivation des collaboratrices à l'égard de la polyvalence. Chaque cas nécessite une approche personnalisée. La diversité est positive et valorise les collaboratrices dans leurs activités.
M. Grosfort résume en disant que Riant-Parc est une bonne maison qui remplit bien son rôle avec les moyens à disposition.
Etablissements de Witzwil (29 septembre 1999)
M. M. B.F. Brägger, directeur adjoint, accueille la commission et présente l'établissement pénitencier de Witzwil, situé sur un territoire de 800 hectares dont 250 d'alpages. Fêtant son centenaire en 1995, l'établissement fonctionnait sur le modèle d'une caserne fermée jusqu'en 1983, et fut ensuite reconstruit dans une conception d'avant-garde, basée sur la vie en communauté des détenus logés dans des pavillons. Depuis 1997, deux pavillons transformés pour les mesures de contraintes viennent compléter les différents régimes de la détention. L'établissement dispose de 112 postes pour la prise en charge d'environ 200 détenus.
La grande particularité de l'établissement se basant sur un concept pavillonnaire, une description d'un bâtiment est importante. Ne se différenciant que par leur couleur, les pavillons sont scindés en deux parties semblables. Chacune comprend au 1er étage dix cellules, dont l'accès est assuré par une galerie qui surplombe le rez-de-chaussée. Celui-ci se partage en un réfectoire et une salle réservée à la lecture et aux jeux. Le sous-sol abrite les bureaux des collaborateurs du service social, lesquels sont répartis dans chaque pavillon, et les douches, dont l'accès par les détenus est illimité pendant leur temps libre.
Les importantes ouvertures sur le toit et le vide sur le rez-de-chaussée fournissent une grande luminosité dont profitent entre autre les nombreuses plantes vertes. Tous les sols sont parquetés. D'une surface de 12 m2, la cellule dispose d'une grande fenêtre du sol au plafond, d'un lavabo, de toilettes, d'un lit, d'un placard à vêtements, et d'une télévision louée pour 20 F par mois. Les portes de cellule sont dotées de deux serrures. Le détenu dispose d'une clé et peut s'enfermer dans sa cellule. La deuxième serrure est gérée par les collaborateurs le soir et le matin. Cette configuration, offrant un grand espace très lumineux, procure une atmosphère inhabituelle pour un lieu de privation de liberté. Toutefois, il existe pour les mesures disciplinaires deux cachots situés au premier étage de chaque pavillon. Le détenu y passe 23 heures sur 24, seul, sans fumer, sans radio, sans télévision. Il prend ses repas seul, a droit à une heure de promenade, à une douche et à la lecture. Le directeur adjoint peut décider des sanctions disciplinaires jusqu'à 10 jours de cachot, au-delà, l'accord du directeur est requis.
Une autre particularité de Witwil, les collaborateurs de l'établissement ne portent pas d'uniforme, ni de badge et les détenus ne portent pas de signes distinctifs.
La population carcérale se compose de 30 % d'étrangers dans le régime d'exécution normale, et 90 % dans les sections fermées. 78 % des délits comprennent une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Lors des sept dernières années, 369 détenus ont bénéficié d'un programme de substitution de l'héroïne par la méthadone. Par des analyses d'urines effectuées sur ces personnes, on sait que 26 % d'entre eux ne consomment pas de substances interdites, 33 % consomment du canabis et 41 % de la cocaïne ou de l'héroïne. L'opinion personnelle de M. Brägger est plus favorable au programme du Conseil fédéral, qui permet une certaine réinsertion des héroïnomanes dans la société par le biais de menus travaux, l'abaissement du taux de délinquance et une réduction considérable des coûts médicaux.
Selon le concordat bernois, tout détenu ayant passé 1/6 de sa peine peut profiter des congés, alors que dans le concordat romand, les détenus doivent attendre d'avoir terminé 1/3 de leur peine. Sur les 1500 journées de congés accordées, moins d'un pour cent constitue un échec pour non-retour, ou acte de délinquance.
Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire à Fribourg
(29 septembre 1999)
Le Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire (ci-après « le Centre ») dirigé par M. P. de Sinner, a été créé en 1977 par les cantons et la Confédération. Son financement est assuré par les 26 cantons à raison de 1,60 F/journée de détention. Les enseignants, au nombre de 100 environ, proviennent de la profession ou des départements de justice afin de garantir une expérience concrète. Depuis l'ouverture du Centre, 1600 personnes ont été formées. Actuellement, le Centre forme 120 personnes par année, dont deux tiers de Suisses-Allemands et un tiers de Romands et de Tessinois.
Le Centre assure une formation en cours d'emploi et une formation continue. La formation en cours d'emploi suit en général une formation cantonale dont le niveau est extrêmement varié. La formation se déroule sur deux ans et dure quinze semaines, à raison de sessions de quinze jours. Le plan d'études comprend :
Psychologie (cours de la faculté de psychologie).
Branche médicale (problèmes psychiatriques et de toxicodépendance).
Branche juridique.
Branches spécifiques à l'univers pénitentiaire.
En ce qui concerne les cours de formation continue, ils sont destinés aux cadres et spécialistes.
L'exigence d'accès au Centre est un CFC. Les autres critères du profil sont déterminés par chaque canton. Le pourcentage d'échecs varie entre 2 et 5 %. A Genève, l'échec au diplôme n'entraîne pas le licenciement. Sur Vaud l'engagement définitif du collaborateur est conditionnel à la réussite du diplôme. Le Centre observe un clivage entre le personnel issu des établissements de préventive et ceux d'exécution de peine. Au niveau détention préventive, il existe une pression énorme sur les gardiens, due à la proportion d'étrangers, et totalement différente de celle des années précédentes. Le problème du racisme entre les détenus est très difficile. Le Centre dispense des informations sur l'Islam, sur l'ex-Yougoslavie, mais la difficulté est réelle, surtout en Suisse allemande, et se traduit par une politisation à laquelle il faut essayer de faire face.
Certains cantons ont décidé d'ouvrir la profession aux femmes, actuellement elles sont deux pour une classe de vingt étudiants. Selon M. de Sinner, gardien est un métier qui « use » et pour lequel il convient soit de recruter jeune avec libération anticipée, soit de recruter vers 30-40 ans.
Audition des aumôneries protestante et catholique de Champ-Dollon
(7 octobre 1999)
Les aumôneries souhaitent connaître la méthode de travail de la commission, notamment par rapport au respect de la confidentialité vis-à-vis des détenus. D'autre part, elles souhaitent exprimer leur réflexion sur ce qu'elles vivent actuellement.
La commission explique sa méthode de travail, ses limites, son respect de la confidentialité en évoquant la difficulté, dans certains cas, de dénoncer des faits, sans que la direction puisse cerner le cas en question.
La réflexion des aumôneries a trait au problème de l'augmentation des mineurs à Champ-Dollon, qui n'est pas un lieu adapté, et à un problème important de fonctionnement de l'établissement depuis l'arrivée du directeur actuel.
Rapportant des propos du directeur sur l'attitude à avoir envers les détenus, les aumôneries sont choquées et ne pensent n'avoir jamais connu cela, même du temps de M. Hentsch. La méthode de travail mise en place par M. Claude avec les détenus est la même que celle mise en place avec les gardiens et les autres collaborateurs de l'établissement.
Il a été imposé, contrairement à la déontologie pastorale, la pose de vitres sur les portes de leurs bureaux. Les parloirs pour avocats ont fait l'objet de la même mesure, et à la suite de négociations, les vitres ont été rendues opaques sur leurs deux-tiers inférieurs. Le malaise exprimé est notamment engendré par ce genre de rapport de force.
M. Claude a restructuré les locaux de sorte à rapprocher le secteur aumônerie de celui du service social. D'une autre part, il a fait agrandir les bureaux de la direction sur l'espace dont bénéficient les détenus. La redistribution des surfaces ne permet plus un fréquent contact avec la direction qui semble avoir érigé des barrières autour d'elle. D'une manière générale, le bureau de M. Choisy était toujours ouvert. Ses collaborateurs pouvaient très facilement le rencontrer ce qui n'est pas le cas avec le directeur actuel, que l'intervenante n'a d'ailleurs pas vu depuis trois à quatre mois.
La situation peut être analysée par rapport à ce qui s'est passé au cours de ces derniers mois. Les changements se sont avérés tels depuis une année et demie, notamment au niveau des locaux que les détenus n'ont pas compris ce qui se passait. Tout est mélangé, la pression est montée progressivement jusqu'en mai et juin. La prison était alors pratiquement entrée dans un engrenage de mutinerie. Il y a eu des phénomènes de leaders, mais aussi des problèmes culturels. Compte tenu de l'augmentation de la population albanaise, avec sa manière spécifique de résoudre les problèmes, il a fallu gérer une situation difficile avec des méthodes fortes. De telles méthodes impliquent cependant des risques de dérapages et d'abus.
Les aumôneries insistent sur la problématique des mineurs et se demandent comment procéder pour renvoyer ce problème aux décideurs et aux politiques. La délinquance des mineurs tend à augmenter, ce qui ne manquera pas de rendre la situation plus critique à l'avenir. Il vaut la peine d'investir dans une réinsertion des mineurs résidents ou suisses. Il y a là un coût humain important dont il faut tenir compte pour l'avenir.
IV. Constat, conclusions et recommandations
Grâce à l'excellent accueil de ses demandes lors des visites d'établissements et des différentes auditions, la Commission des visiteurs a recueilli une quantité considérable d'informations sur le milieu carcéral et ses conditions de détention. Répertoriant les informations convergentes par thèmes, la commission fait part de ses réflexions et émet ci-après pour conclusion, certaines recommandations à l'égard du Conseil d'Etat et du Procureur général.
Au cours de ses travaux en 1999, à l'exception de Riant-Parc où le secteur sécurisé et celui des mineurs apparaissent inadaptés, la commission n'a pas constaté de mauvaises conditions de détention ni de mauvais traitement dans les établissements d'incarcération qu'elle a visités.
La situation de tension régnant à la prison de Champ-Dollon a démontré aux commissaires les difficultés que peut engendrer un contexte de surpopulation de détenus aux origines les plus diverses et de sous-effectif de personnel, survenant dans une période de transition de changement de direction.
Dans ce contexte et sans vouloir anticiper sur les travaux et la conclusion de la motion 1297, la commission insiste particulièrement sur la nécessité d'instaurer une meilleure communication au sein de l'établissement de Champ-Dollon.
Après avoir entendu avec grand intérêt M. Pedrazzini, expert mandaté par le chef du DJPT pour évaluer la situation à Champ-Dollon, la commission réaffirme la nécessité pressante de disposer du rapport de M. Pedrazzini pour poursuivre ses travaux sur la motion, en cernant les problèmes et en y apportant les remèdes.
D'autre part, la commission est particulièrement préoccupée par l'évolution de la jeune délinquance, ses causes et la réponse de notre société à ce phénomène. Elle estime indispensable d'organiser une concertation entre le milieu politique et les professionnels des différentes séquences de ce phénomène, afin d'orienter avec cohérence, en aval comme en amont, les décisions que l'autorité politique sera amenée à prendre. Elle souhaite que le Conseil d'Etat nomme une commission extraparlementaire qui aura pour mission d'étudier le phénomène de l'évolution de la jeune délinquance, et de présenter des propositions de réponses de notre société à ce phénomène.
A la suite des visites d'établissements pénitentiaires, la commission remarque que la situation des détenus dans les établissements de type « pénitencier » est préférable à tous points de vue à celle des établissements de type « préventif ». La durée moyenne de détention dans un établissement d'exécution de peine étant plus longue que dans un établissement de type « préventif », la gestion pénitentiaire offre aux détenus des possibilités de projets, dont la recherche des objectifs fixés pour un retour à une vie sociale, a un effet stabilisateur. Concernant les détenus placés par l'autorité genevoise, lors de la visite des établissements de Bochuz et de Bellechasse, ainsi que les auditions des détenus genevois en ayant fait la demande, la commission a constaté que les conditions de détention offertes étaient correctes. Par ailleurs, elle a relevé l'importance pour l'établissement « receveur » de disposer à l'arrivée du détenu de son rapport médical complet.
2. Structure des établissements de détention
Le concept de l'établissement de Witzwil structuré sur la base de pavillons est particulièrement intéressant. Il apparaît qu'une délocalisation des personnes privées de liberté dans de petites structures apporte une amélioration dans les relations humaines, profitable au but de réinsertion sociale. Cependant, la délocalisation des collaborateurs nécessite probablement une gestion plus importante du suivi des tâches. Rejoignant ainsi l'avis de M. Fankhauser, il apparaît, hormis l'aspect financier, que le principe de « petites structures » est préférable à de grands établissements. Cette constatation devrait être largement retenue dans la réflexion générale sur la conception des établissements de privation de liberté.
3. Consulter préalablement les utilisateurs
Dans l'élaboration d'un projet d'établissement, il est absolument indispensable de recueillir en tout premier lieu les nécessités des utilisateurs. Une affirmation aussi logique que celle-ci pourrait donner l'impression d'enfoncer une porte ouverte. Pourtant, la transformation de la Clairière contraint à le rappeler. La grandeur des ouvertures de lumière d'un lieu de privation de liberté est un élément capital de base, pour lequel il semble incroyable de n'avoir pas réussi à s'accorder avec les utilisateurs en les consultant préalablement. Certes, les impératifs financiers contraignent à effectuer des choix difficiles, mais ils ne doivent pas faire oublier que l'avis des utilisateurs se référant à une pratique concrète et quotidienne de terrain est irremplaçable.
4. Conditions de travail
Au-delà des conditions matérielles d'incarcération, la qualité des relations entre détenus et gardiens est à n'en pas douter l'aspect déterminant de bonnes conditions de détention. La commission a pu se rendre compte avec satisfaction que la formation professionnelle est organisée, qu'elle évolue et tend au cours des ans à consolider ses résultats. M. de Sinner, directeur du Centre de Formation de Fribourg, parlait « du stress et d'une pression énorme pesant sur les gardiens » et « d'une profession qui use ». Reprenant ces paroles bien compréhensibles, nous sommes convaincus que la formation continue est indispensable à tous les niveaux de collaborateurs. Elle permet d'acquérir de nouvelles notions théoriques, et de se ressourcer en faisant dans un même temps un bilan personnel. La durée de formation continue proposée aux cadres semble adaptée et il devrait pouvoir être envisagé une semaine de formation tous les deux ans pour chaque collaborateur.
L'indéniable poids psychologique de l'activité professionnelle des gardiens est inévitable. Celui-ci peut cependant être individuellement supporté différemment et peut avoir des conséquences diverses, au-delà même de la vie professionnelle, notamment sur l'état de santé. Dans ce contexte, un soutien psychologique peut s'avérer une précieuse aide personnelle profitable dans un même temps à l'ensemble du service. Si cette aide permet probablement d'évacuer ponctuellement une accumulation de tensions intérieures, elle développe en outre les facultés de chacun à maîtriser ces pressions, et remplit ainsi un rôle préventif nécessaire pour assumer correctement sa mission à long terme.
Favorable à un soutien psychologique aux personnel surveillant, la commission en recommande sa mise en oeuvre, notamment à Champ-Dollon, où la demande s'est faite entendre.
5. Maison d'arrêts pour femmes de « Riant Parc »
La transformation d'une maison en lieu de détention relève probablement d'un exercice conceptuel d'architecte qui relève de la quadrature du cercle. En l'occurrence, plusieurs aspects des conditions de détention nous paraissent insuffisants ou inappropriés et devraient être modifiés :
D'autre part, bien qu'il n'y ait qu'une salle à manger, un système permettant aux mineures, lorsqu'il n'y a pas de risque de collusion dans le cadre de l'instruction, de prendre leurs repas en commun, comme les adultes, mériterait d'être recherché. Peut-être qu'un deuxième service dans la salle à manger des adultes pourrait être une solution.
Enfin, les sanitaires prévus dans le secteur « maman - bébé » étant à l'état de projet, le point de vue de la commission ne peut que confirmer cette nécessité en espérant vivement sa future réalisation.
Bien que la configuration intérieure d'une villa ne se prête pas à la détention, la polyvalence de Riant-Parc répond à différentes situations particulières par une prise en charge adaptée de cas en cas.
6. Champ-Dollon
Elle doit exister à tous les étages, sous toutes ses formes, à n'importe quelle heure. Les problèmes évoqués lors des auditions laissent à penser qu'une meilleure communication aurait permis d'éviter de nombreuses inquiétudes.
L'information aux détenus, dans un contexte où septante langues sont parlées, n'est certainement pas un jeu d'enfant, et pourtant elle est nécessaire. Elle est d'autant plus indispensable qu'une personne privée de liberté en détention préventive se retrouve dans un nouveau système régi par de nouvelles règles, et d'autre part, parce qu'elle vit au jour le jour, dans l'expectative ou l'inconnu de la procédure dont elle fait l'objet.
Dialoguer avec les aumôneries et les avocats des aspects de sécurité et de confidentialité qu'occasionnerait l'installation de vitrages aux portes de bureaux, aurait permis de trouver une solution intermédiaire avant de déclencher un mécontentement général.
La communication n'est pas seulement une donnée d'information, de règles, ou de mesures, c'est aussi entendre, écouter, comprendre, expliquer. Une prison ne fait qu'appliquer une mesure que notre société impose à un individu. Automatiquement, cette mesure de privation de liberté entraîne des contraintes dans le quotidien, comme le rappelait M. Pieren, directeur du pénitencier de Bochuz. Ainsi, un établissement et son directeur en particulier, auront toujours la tâche ingrate de dire NON aux revendications irréalisables des détenus. Se voir refuser une demande est toujours une source de déception, mais lorsque l'on ne comprend pas la raison du refus, c'est désagréable, puis révoltant. La clarté indispensable à l'information nécessite par conséquent des explications. La demande de pouvoir disposer de disques compacts, figurant dans la pétition 1228, est un exemple de la conséquence d'un refus inexpliqué. Plusieurs témoignages de situations semblables ont été ressentis comme des brimades (mesure vexatoire et inutile, déf. Larousse), ce qui n'est pas le rôle d'un établissement carcéral.
Compte tenu des difficultés présentées par un état permanent de surpopulation, il convient de réserver l'établissement aux détentions préventives d'adultes. Il est donc nécessaire d'intensifier les efforts afin de transférer les détenus condamnés, même à de courtes peines, dans des pénitenciers. Pour des raisons d'inadéquation des lieux pour des mineurs, il est indispensable que ces derniers soient placés dans un autre établissement.
La commission a constaté lors de sa deuxième visite que, contrairement à sa demande, il n'était pas fait usage de l'avis de visite de la commission pour annoncer sa venue aux détenus et la possibilité de la rencontrer. La commission souhaite que l'avis soit affiché de manière à ce que chaque détenu puisse assurément en prendre connaissance. Dans ce but, il se peut que l'avis doit être disposé à chaque étage ou chaque secteur de l'établissement.
La commission tient particulièrement à relever l'aspect positif du repas qu'elle a eu l'occasion de partager avec les collaborateurs et la direction. Elle espère vivement que cette solution qui facilite la communication puisse dorénavant se perpétuer.
Dans un établissement en perpétuel mouvement, la gestion des ateliers n'est pas simple. En cela, les cent cinquante postes de travail existants représentent un bon résultat et la commission ne peut qu'encourager le développement avec les moyens disponibles de nouveaux débouchés comme celui de l'atelier informatique.
7. La problématique des mineurs
La délinquance de l'adolescence évolue. Les délits sont-ils plus graves ou sanctionnés plus sévèrement ? Ils sont dans tous les cas plus nombreux et leurs auteurs plus jeunes.
Légalement, Champ-Dollon ne peut recevoir qu'à titre exceptionnel des mineurs, pourtant en 1998, elle en a accueilli 115. La Clairière affiche complet à l'année. Les foyers de placement sélectionnent drastiquement les entrées. Insuffisamment équipé dans le domaine, notre canton doit au plus vite s'organiser pour répondre correctement à cette nouvelle évolution. Au-delà d'une meilleure prise en charge des jeunes en détention, il convient de réfléchir sur le phénomène social qui tend à l'accroissement des délits.
M. Fankhauser parle d'une formidable carence dans les fondements de la vie en société. Les jeunes ne savent pas écrire, ni parler correctement, les enseignants se plaignent de devoir faire plus d'éducation que d'enseignement. Bien que ce ne soit pas la place de développer son opinion personnelle, on peut se demander pourquoi les enfants ne reçoivent pas l'éducation des fondements de la vie en société. Elever une famille nécessite pour une bonne partie de la population un double revenu familial. La famille a-t-elle encore le temps de s'occuper de ses enfants ? Les enfants ne sont-ils pas plus livrés à eux-mêmes ?
Face à ce glissement social, il est nécessaire de rechercher les causes en amont.
La commission est convaincue qu'il est impératif de mettre l'accent sur la prévention à tous les niveaux.
Ces dernières années semblent avoir démontré une réorientation des membres de la brigade des mineurs vers les brigades des moeurs et des stupéfiants. Ce choix a pour effet d'éliminer une branche indispensable de la prévention auprès des mineurs. Probablement moins spectaculaire qu'une tâche répressive, le travail de fond de la brigade des mineurs permet d'intervenir auprès des jeunes avant qu'ils ne s'engagent dans un engrenage de gravité des délits. La commission est favorable au renforcement de la brigade des mineurs.
Faut-il augmenter la capacité des établissements de détention pour jeunes ? La Clairière passera prochainement de 12 à 16 places, mais il est fort probable que porter sa capacité à 30 ou 50 places ne suffise pas.
La privation de liberté est-elle la seule réponse à la délinquance ? Existe-t-il une concertation entre les différents acteurs de la prise en charge des jeunes délinquants, police, tribunaux, exécution de la peine, réinsertion sociale ?
Voici les questions sur lesquelles politiques et professionnels doivent rapidement se pencher.
Le problème de la présence de mineurs à Champ-Dollon, dont l'âge est souvent difficile à estimer, est prioritaire et ne peut attendre. Ces jeunes doivent être transférés dans des établissements de détention spécialisés.
Compte tenu de la nécessité d'observer particulièrement des classes d'âge, et l'atout d'une prise en charge personnalisée, la préférence doit être donnée à plusieurs petites structures.
Dans un même temps, il devrait être envisagé des possibilités de cas en cas, après évaluation, d'exécution de peine basée sur un programme de réinsertion sociale par une formation pré-professionnelle dans un milieu plus ouvert.
Dans ce sens, les critères de sélection des institutions susceptibles de recevoir les jeunes doivent être réexaminés.
La recherche de nouveaux établissements de placement devrait être étudiée dans le cadre de l'extension du concordat romand des établissements pénitentiaires à des établissements pour mineurs.
8. Service médical
Bien que certains détenus se plaignent des délais d'attente pour recourir aux soins du service médical, la commission est convaincue de la bonne prise en charge médicale offerte dans le milieu de la détention.
Elle estime pour confirmer la position du secteur médical, la nécessité de ne pas déroger au secret médical au delà des exceptions qu'il jugera lui-même, notamment et dans les limites de l'indication, dans des cas qui pourraient exposer le personnel surveillant à un risque déterminé.
Elle souligne également l'importance de garantir au patient détenu l'entretien privilégié avec le médecin.
N'ayant pas eu l'occasion de faire part des observations de sa deuxième visite à Champ-Dollon, la commission demande à l'autorité médicale de réexaminer la situation d'une patiente détenue. Cette patiente se plaint de recevoir continuellement des appels téléphoniques du médecin psychologue, alors qu'à plusieurs reprises, elle a exprimé sa volonté de ne plus avoir de contact avec lui.
Suite à l'entretien avec M. Nuoffer, directeur du pénitencier de Bellechasse, nous transmettons que le service médical de Bellechasse apprécie particulièrement de recevoir l'ensemble du dossier médical du détenu à son arrivée à Bellechasse.
9. Egalité de traitement dans les mesures d'application de peine
Les mesures d'application de peine étant différentes d'un canton à l'autre, d'éventuelles inégalités de traitement peuvent se produire entre les détenus placés par Genève et les autres. A l'heure où tout le monde parle de rapprochement, voire de fusion, sans aller jusque là, la mise en place d'un barème commun de règles d'application entre SAPEM du concordat romand devrait être étudiée.
Pour terminer, la commission réitère ses sincères remerciements à toutes les personnes qui lui ont permis de remplir au mieux sa mission. Elle invite le Conseil d'Etat et M. le Procureur général à porter une attention particulière à ses conclusions et recommandations du point IV du présent rapport, et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter ce dernier.
Proposition de motion(1316)concernant les mineur-e-s détenu-e-s à Champ-Dollonet Riant-Parc
EXPOSÉ DES MOTIFS
En juin 1999, GeoDE Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant, a remis au chef du Département de justice et police et à tous les parlementaires un rapport consacré à la situation des garçons et filles mineurs détenus à Genève, examinée sous l'angle du respect des droits des enfants.
Il en ressort que, d'après les chiffres publiés par le Tribunal de la jeunesse, le nombre de mineur(e)s placé(e)s en détention préventive à Genève n'a cessé d'augmenter ces dernières années (passant de 284 à 446 entre 1996 et 1998, soit une augmentation de 64 %). Une étude sur cette évolution des cas d'infractions à la loi pénale commis par des mineurs au cours des dernières années apparaît comme indispensable afin d'y trouver des réponses adaptées et d'éviter l'apparition d'éventuels phénomènes de crainte et de rejet.
La capacité d'accueil de l'unique centre de nature socio-éducative La Clairière qui est exclusivement réservé aux garçons en conflit avec la loi est limitée à 12 places. Les juges se voient ainsi dans l'obligation de recourir à d'autres lieux de détention lorsqu'à leurs yeux un enfermement préventif s'impose. Dans notre canton, les seules options à disposition sont alors la prison préventive de Champ-Dollon et la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc, dans lesquelles on remarque effectivement une présence toujours plus constante de mineur(e)s.
Ces établissements sont destinés aux adultes et n'ont nullement été conçus pour accueillir des jeunes de moins de dix-huit ans. Par exemple, ces derniers n'y bénéficient d'aucune prise en charge spécialisée, qu'elle soit de nature éducative, sanitaire, scolaire ou professionnelle, car aucun personnel qualifié dans le travail avec les mineurs n'a été engagé. Dans l'un et l'autre établissement, ils passent 23 heures sur 24 en cellule, le plus souvent dans l'inactivité la plus totale. A Riant-Parc, l'heure quotidienne réservée à la promenade se passe sur une terrasse grillagée.
Selon les observations de GeoDE, les adolescentes et les jeunes étrangers non résidents à Genève subissent de plus des pratiques discriminatoires. En effet, les premières ne sont pour l'instant pas acceptées à La Clairière. En ce qui concerne les seconds, ils semblent être systématiquement écartés de La Clairière, et ce au bénéfice de jeunes habitant Genève que l'on juge plus à même de tirer profit de cette prise en charge.
Il faut souligner également que d'autres formes de placement extra-familial que la détention ne sont pas disponibles du fait du manque criant de places en milieu ouvert ou fermé. Ainsi, la détention préventive n'est plus toujours une solution de dernier recours comme l'exige la Convention relative aux droits de l'enfant.
La présence de ces mineur(e)s dans des prisons pour adultes entraîne toute une série de violations de leurs droits, en brèche avec la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la Suisse en février 1997. Les problèmes identifiés par GeoDE touchent tout particulièrement le respect du droit à une attention socio-médico-éducative adaptée, du droit à la formation scolaire et professionnelle et du droit à des activités.
Si de telles pratiques sont inacceptables du point de vue des droits de l'homme, elles vont aussi à l'encontre de l'objectif que devrait avoir toute intervention de la justice à l'égard des mineurs délinquants, à savoir faciliter leur réintégration dans la société et les aider à y assumer un rôle constructif. Genève, cité des droits de l'homme et des droits de l'enfant, ne peut se permettre de tolérer la perpétuation d'une telle situation et se doit d'y apporter au plus vite les correctifs nécessaires.
Rapportde la Commission des visiteurs officiels chargée d'étudier les pétitions:
a) P 1226-A pour améliorer la condition de vie des prisonniers à Champ-Dollon
b) P 1228-A pour l'installation du câble à Champ-Dollon
Rapporteuse: Mme Anita Cuénod
La Commission des visiteurs officiels s'est penchée sur la problématique soulevée par ces deux pétitions rédigées par des détenus de la prison de Champ-Dollon en se réunissant à huit reprises, du début de l'an passé à la fin du mois d'août. Ces travaux se sont déroulés sous la présidence de Mme Janine Berberat, en présence, la plupart du temps, de M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint au DJPT. Les procès-verbaux ont été tenus avec rigueur et professionnalisme par M. Jean-Luc Constant. Les commissaires ont tenu à recueillir un maximum de renseignements et de témoignages sur ce sujet en auditionnant successivement les pétitionnaires, la direction et les gardiens de Champ-Dollon, le chef du Département de justice et police, M. Gérard Ramseyer, le chef du Département de l'action sociale et de la santé, M. Guy-Olivier Segond, le professeur Timothy Harding, directeur du service médical de Champ-Dollon, ainsi que M. Jean-Michel Claude, directeur de cet établissement. En ce qui concerne la pétition 1228, qui a trait à l'installation de la télévision par câble, la demande étant reprise dans la pétition 1226, la commission a estimé que son traitement pouvait se faire avec cette dernière, mais n'a pas classé la première et a proposé son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Dans la lettre d'accompagnement de la pétition que nous traitons, l'un des auteurs précise qu'elle traduit une demande assez simple, basée sur le fait que l'emprisonnement consiste en la seule privation de liberté : « Le mot prison veut dire interdit de liberté, pas autre chose. Tout ce que l'on demande c'est une amélioration (des) conditions de détention dans la prison de Champ-Dollon » (lettre du 25 novembre 1998 de M. A.P., cellule 234, au président de la Commission des visiteurs.) Ce qui résume assez bien le sens et le contenu des différentes demandes, certaines ayant une portée plus importante que d'autres, selon les commissaires. En effet, nous avons estimé que les demandes relatives au service médical ainsi que le sport pouvaient être prioritaires par rapport à la liste de l'épicerie ou à celle des objets pouvant être reçus de l'extérieur, par exemple. Les auditions, retranscrites par la rapporteuse, contiennent exclusivement les propos de leurs auteurs, sans interprétation ni commentaire, bien que résumés.
Audition des pétitionnaires
Les quatre détenus s'exprimant au nom des pétitionnaires tiennent à préciser qu'ils ont bénéficié d'un moment pour préparer leur argumentation avec la collaboration de la direction. L'un d'eux constate que c'est la première fois que des détenus de Champ-Dollon rencontrent la commission au complet. Ils précisent avoir hiérarchisé leurs demandes, plaçant au premier rang de leurs préoccupations la question du service médical.
Service médical
Ils doivent faire une demande écrite pour obtenir une consultation. Quelques plaintes sont émises par rapport à l'omniprésence, c'est ainsi qu'elle est perçue, de l'infirmière et aux délais d'attente trop longs, environ une dizaine de jours. Beaucoup d'attente et souvent quelques minutes frustrantes de consultation qui engendrent une tension supplémentaire, concluent-ils.
Les changements du directeur actuel ont été ressentis comme se faisant au détriment des acquis des détenus, qui sont selon eux trop facilement envoyés au cachot. Suite au suicide d'un détenu, ils précisent que l'état psychique n'est pas suffisamment pris en compte à l'entrée, et que l'évaluation de la visite de l'infirmerie se limite à un questionnaire sommaire.
L'accident survenu au détenu brésilien a entraîné une vague de psychose parmi la population carcérale. Un cas de passage à tabac, à connotation raciste (antisémite), par les gardiens est évoqué et la présidente de la commission précise alors que les détenus disposent de moyens officiels pour se plaindre, comme par exemple de signaler ces faits à la direction ou, le cas échéant, au Procureur général.
Informations et règlement interne
Les pétitionnaires précisent encore qu'ils estiment insuffisante l'information faite aux détenus à leur arrivée, le fascicule n'étant pas suffisamment explicatif. Ce point précis devrait être amélioré par la rédaction conjointe d'un nouveau manuel avec la direction. Ce guide, élaboré à partir des attentes des personnes concernées, contient des clés linguistiques.
Repas et colis
En matière de repas, les pétitionnaires remettent en cause le respect de l'hygiène, demandent que les contrôles soient plus fréquents et plus approfondis. Ils souhaitent que le personnel y travaille avec des bonnets et des gants. En ce qui concerne les colis, les abus ont contribué à restreindre le droit de recevoir des produits de l'extérieur pour tous et non au cas par cas, ce qu'ils ne trouvent pas normal. Cette liste, actualisée s'il y a changement, devrait être transmise aux familles et connaissances. L'un d'eux estime en fait qu'un détenu en préventive est présumé innocent et devrait donc recevoir à ce titre tout ce qu'il souhaite.
Procédure après le parloir
L'un d'eux décrit la procédure après le parloir. Ils passent par le détecteur de métaux et sont fouillés, un contrôle qui leur semble normal, étant précisé que les parloirs sont surveillés et que les détenus sont constamment accompagnés de gardiens pour s'y rendre. Le problème se situe par contre pendant la fouille. Les détenus doivent systématiquement se déshabiller et baisser leur slip. Ils souhaitent la suppression de ce déshabillage, d'autant qu'ils pensent que Champ-Dollon est la seule prison préventive de Suisse à avoir cette pratique. Ils pensent qu'une telle fouille devrait être effectuée de manière ciblée et non généralisée. Il semble que cette pratique n'empêche aucunement la drogue d'entrer dans la prison.
Disques compacts et cassettes
Les CD sont désormais acceptés depuis une année. Chacun peut disposer d'une cinquantaine de supports musicaux, de l'un ou l'autre type.
Epicerie
Si les détenus disposent d'une liste de produits vendus à l'épicerie, beaucoup de choses manquent malheureusement. Les détenus n'en connaissent pas les prix, ce qui pose problème à ceux qui ont peu de moyens et est compliqué pour ceux qui ne comprennent pas le français. L'effectif ayant passé de 2 à 3 magasiniers, l'éventail des produits à disposition a pourtant baissé.
Sport
Lorsqu'un détenu passe une vingtaine d'heures en cellule, ce qui est possible mais pas général, une heure et demie de sport par semaine est insuffisant. Ils ne peuvent pas utiliser la grande salle plus souvent pour des raison de nombre, leur a-t-on expliqué. Ce qui signifie qu'il s'agit là d'un problème d'organisation puisqu'elle n'est en fait utilisée que trois heures par jour et trois jours par semaine.
Télévision par câble
Le nouveau directeur a supprimé la séance mensuelle de cinéma. Les détenus souhaitent qu'elle soit rétablie ou alors qu'un système de location de cassettes vidéo soit mis en place. L'un d'eux précise qu'ils sont prêts à payer dix francs par cellule pour pouvoir disposer de la télévision par câble, afin d'éviter les dépressions en cellule. Le directeur a estimé à l'époque que le système s'avérerait trop coûteux, mais qu'il étudierait la pose d'une parabole, mais les détenus n'ont reçu aucune nouvelle depuis six mois.
Les pétitionnaires remercient la commission de les avoir écoutés. Ils précisent ne pas avoir pu dire tout ce qu'ils souhaitaient, et qu'en fait ils ne veulent pas viser la direction, mais attirer l'attention sur le fait que la privation de liberté ne doit pas signifier privation de respect, de sport ou d'enseignement. Il s'agit aussi de permettre aux détenus de s'informer sur leur réinsertion dans la société, ce dernier aspect étant peu présent à leurs yeux.
Audition des gardiens (MM. Philippe Schaller, Roland Oesch et Joël Brandt)
Si la prison comptait à son ouverture un gardien pour deux détenus, aujourd'hui, elle en compte un pour septante détenus (la journée dans le cellulaire, compte tenu des rotations). A cette question d'effectifs s'ajoutent d'autres problèmes pour les gardiens comme celui des septante langues parlées dans la prison. Ils n'ont plus de temps à consacrer aux détenus et ont été contraints de changer leur mode de travail au fil des années. En ce qui concerne le service médical, qui est rattaché au DASS rappelle ce gardien, chaque fois qu'ils posent une question à propos d'un détenu, le secret médical leur est opposé. Ils apprennent donc toujours trop tard qu'un détenu est séropositif ou tuberculeux.
Les gardiens sont par ailleurs débordés par la problématique des mineurs. Ils ne bénéficient d'aucune formation pour s'en occuper, les cours de l'école de Fribourg n'abordant pas ce type de problème. La prison ne dispose par ailleurs d'aucun règlement intérieur spécifique régissant cette catégorie particulière de population carcérale. La prise en charge et la gestion d'une population carcérale en constante mutation pose évidemment des difficultés considérables dans un environnement aujourd'hui mal adapté, le bâtiment, trop long, obligent les gardiens à parcourir de trop grandes distances.
Quant au sport, la salle est occupée plus de trois heures par jour et cinq jours par semaine. Deux moniteurs-gardiens y assurent la sécurité d'une vingtaine de détenus. L'établissement ne dispose pas du personnel nécessaire pour que le sport puisse y être pratiqué sept jours par semaine. Il est précisé que chaque unité dispose pour le surplus d'une petite salle de musculation ouverte tous les jours. Un des gardiens précise que les détenus préfèrent la musculation aux promenades. De plus, la salle de sport est un ajout architectural au bâtiment principal, elle n'est pas adaptée sur le plan de la sécurité.
Quant à l'aspect des fouilles, les gardiens précisent qu'il s'agit du passage le plus difficile pour un gardien. La fouille s'effectue par le biais d'une palpation avant le parloir et par le biais d'un déshabillage après le parloir, étant précisé que la fouille n'est pas tout à fait la même selon qu'il s'agisse d'un « col blanc » ou d'un toxicomane notoire. Quant à eux, la palpation simple suffirait, mais il ne faudrait pas que l'on dise après que tout rentre à la prison.
Entretien final avec la direction
M. Jean-Michel Claude explique que les postes de télévision posent le même problème que les ordinateurs. A savoir qu'à chaque fois qu'un appareil entre à la prison, les gardiens doivent procéder à son démontage complet pour le contrôler, avec les risques de panne que cette opération implique. La direction étudie actuellement un système de mise à disposition des détenus de postes de télévision contre une petite participation symbolique de leur part, participation qui serait destinée à entretenir le stock.
Le directeur évoque ensuite la question du sport. Suivant l'heure, c'est trop tôt pour certains détenus ou trop tard pour d'autres. Certains estiment même que ce n'est jamais le bon moment. Cela étant, il n'est pas possible de mélanger les détenus pendant les heures de sport, en raison des risques de collusion.
En ce qui concerne l'information aux détenus, le nouveau fascicule élaboré par la direction introduit un système de numérotation qui facilite la lecture et la communication. Il s'agit d'une codification numérique qui permet de naviguer de langue en langue. La direction tiendra compte du travail effectué par quelques détenus, soit en intégrant certains éléments dans son guide, soit en annexant ce travail au guide officiel au titre de conseils d'un ancien détenu.
M. Claude aborde encore le problème de la cuisine et précise que l'établissement est confronté au secret médical. C'est donc le chef de clinique qui délivre le certificat autorisant un détenu à y travailler. La cuisine de la prison subit les mêmes contrôles de la part du service d'hygiène que les restaurants de la place. De plus, lorsqu'un détenu revient du sport, la douche a été rendue obligatoire.
Le directeur précise que le cinéma a été supprimé pour éviter de trop grandes concentrations de détenus et pour des raisons de restrictions au niveau du personnel. L'appareil de projection a par ailleurs rendu l'âme. Vu les problèmes budgétaires actuels, ce n'est pas vraiment le moment de demander sa réparation ou son remplacement. M. Claude explique qu'il existe d'autres moyens, plus modernes et plus performants, de diffuser des films. L'idée serait d'équiper toutes les cellules d'un réseau interne, quitte à le relier à une antenne parabolique. Cela rendrait service à l'établissement. Les moyens nécessaires ne sont cependant pas disponibles.
Discussions et débats en commission
La présidente rappelle que le point qui est apparu comme essentiel aux yeux des pétitionnaires est le service médical de la prison. Les pétitionnaires ont en particulier dénoncé la trop grande attente qui précède les consultations, le manque de variété de la gamme de médicaments et l'importance trop grande que prend l'infirmière par rapport au médecin. Ils se sont par ailleurs plaints de la difficulté de s'expliquer avec les gardiens, des fouilles pratiquées à l'issue des parloirs, de l'absence d'une liste des marchandises que peuvent apporter les visiteurs et de la visite d'entrée qui se résume à un court entretien avec l'infirmière. Il est relevé que l'installation d'un circuit interne de télévision, par câble ou non, pourrait être, selon la direction, facilement réalisable bien que cela implique un coût non négligeable. De même pour l'augmentation des activités physiques qui supposerait l'engagement de moniteurs supplémentaires.
Un commissaire évoque le problème de la fouille après les parloirs et souhaite que la commission trouve une solution pour améliorer la situation puisqu'il s'agit d'une question délicate et, le cas échéant, d'humiliation. A noter pourtant que depuis plusieurs mois, les fouilles s'effectuent par un déshabillage en deux étapes et n'interviennent que lors de l'entrée d'un détenu à la prison et à l'issue des parloirs. Le Département s'oppose à leur suppression, bien qu'il ne faille pas les multiplier. Plusieurs commissaires se sentent par ailleurs plus concernés par la sécurité que par le désagrément qu'impliquent ces fouilles.
Quant au service médical et l'importance de la demande des pétitionnaires, les commissaires décident d'entendre le professeur Timothy Harding, directeur de ce service, le 17 juin, ce qui repousse de plusieurs mois le vote et le rapport de ces pétitions.
Audition de M. Gérard Ramseyer, chef du DJPT
A la question de savoir quelles sont les relations entre le DJPT et le DASS au sujet du service médical pénitentiaire, M. Ramseyer explique qu'il y a bel et bien un cloisonnement entre ces deux départements et qu'il est dû aux médecins. Ceux-ci s'avèrent en effet jaloux de leurs prérogatives. Le cloisonnement commence en fait à ce niveau. Il ajoute que le DASS ne veut pas que d'autres se préoccupent de ses affaires. Ce cloisonnement connaît pourtant certaines limites. Des grincements se font parfois entendre lorsqu'un médecin se plaint de devoir ausculter un détenu dangereux en présence d'un gardien. Il y a également des grincements au niveau budgétaire. La question des tarifs (facturation) apparaît dans ce contexte scandaleuse, mais le problème est en voie de résolution.
Séance du 6 mai 1999
Lors de cette séance, M. A. Agad, secrétaire adjoint au DJPT, qui assiste régulièrement à nos travaux, précise que la situation à la prison de Champ-Dollon est délicate. La prison, conçue pour recevoir 270 détenus, en accueille en moyenne près de 360 depuis le début de l'année, le pic ayant été atteint en avril avec 394 détenus.
Le personnel apparaît de plus en plus fatigué, ce d'autant qu'il n'est clairement pas assez nombreux. M. Agad imagine que d'aucuns diront que ce genre de situation s'est déjà produite par le passé et que la prison de Champ-Dollon est parvenue à y faire face. Il faut cependant savoir que ce genre de situation n'a, par le passé, jamais duré. Or, aujourd'hui, elle dure, ce qui se traduit par des situations extrêmement tendues. Aucune émeute ne s'est heureusement produite jusqu'à présent. Les choses peuvent toutefois dégénérer à tout moment. Ainsi, lundi dernier, les détenus du premier étage ont eu une réaction de mauvaise humeur, revendiquant notamment l'installation d'une antenne parabolique, l'amélioration des prestations de l'épicerie et l'augmentation des horaires de promenade. M. Agad estime que certaines améliorations pourraient facilement être apportées, comme l'amélioration des prestations de l'épicerie.
D'autres revendications paraissent par contre beaucoup plus difficiles à solutionner dans la mesure où elles nécessiteraient des effectifs supplémentaires. Le personnel semble faire face aussi bien que possible, en particulier par le dialogue. Un porte-parole des détenus a par exemple été désigné dans chaque unité, ce qui est une nouveauté nécessaire dans la situation actuelle.
Audition de M. Guy-Olivier Segond, chef du DASS
M. Segond indique à la commission que le DJPT souhaite que le service médical de la prison revienne sous la tutelle de ce département. Le Conseil d'Etat s'y est toutefois toujours opposé, l'essentiel étant à ses yeux que le service médical de la prison soit soumis à l'autorité sanitaire et que la prison elle-même soit soumise à l'autorité pénitentiaire. Cette dernière n'a toutefois jamais accepté que le service médical de la prison soit soumis à l'autorité sanitaire.
La présidente évoque dans ce contexte le principe du secret médical, secret qui pose parfois problème dans certaines situations. Elle cite à ce sujet l'exemple des détenus qui craignent la présence de porteurs du virus HIV à la cuisine de Champ-Dollon. M. Segond répond que l'on rencontre également des personnes séropositives au sein de la population, il y en a peut-être aussi parmi les députés, il peut y avoir des personnes séropositives parmi les détenus, mais aussi parmi le personnel.
Audition du professeur Timothy Harding, directeur du service médical de la prison de Champ-Dollon
Le professeur Harding précise tout d'abord que chaque nouvel arrivant reçoit le soir de son entrée la visite d'une infirmière du service. Il signale que plusieurs principes importants caractérisent le service médical de la prison. Il s'agit en l'occurrence de l'indépendance du service, du respect du secret médical et de la possibilité de formuler des plaintes, le cas échéant, auprès des instances compétentes.
Le professeur explique que chaque détenu qui souhaite consulter le médecin doit remplir une demande écrite qui ne passe pas par les gardiens puisque chaque unité dispose d'une boîte aux lettres. Ils reçoivent une réponse le lendemain avec la date du rendez-vous. Il existe cependant des possibilités de procéder à des consultations urgentes. Le professeur Harding signale qu'il a téléphoné ce matin à son médecin généraliste, il n'a pu obtenir un rendez-vous que dans une semaine et ne pense pas qu'il faille traiter différemment les détenus en leur accordant des rendez-vous sans aucun délai. Il précise que le souci du service est d'éviter une médicalisation trop importante de la prison, ce serait à son avis une erreur de vouloir répondre immédiatement à tous les maux de la prison, y compris les maux existentiels. Il souligne à ce propos la nécessité d'appliquer le principe d'équivalence. Il s'agit d'offrir aux détenus des soins équivalents à ceux de la collectivité. Il admet toutefois que des problèmes peuvent parfois intervenir au niveau de la communication et a donné à ce propos des instructions de vigilance.
Il rappelle que l'infirmière passe tous les jours au sein des unités. Pour le reste, si un détenu a besoin d'une consultation de la part d'un spécialiste, il l'obtient dans le mois suivant. Si l'un ou l'autre des spécialistes est absent, il lui faudra peut-être patienter un peu plus. Le professeur Harding précise que le service médical de Champ-Dollon fonctionne comme la polyclinique de l'Hôpital cantonal, c'est-à-dire aussi avec les assistants qui apprennent, comme tous les assistants, de l'expérience des médecins et des infirmières. La présence des assistants présente un avantage pour les détenus, à savoir le renouvellement de jeunes médecins qui passent dans le service sans cesser de poser des questions.
L'équipe médicale avait il y a une vingtaine d'années une prédominance masculine. La situation s'est par la suite modifiée jusqu'à atteindre l'autre extrême, puisque l'équipe est aujourd'hui entièrement féminine. Cela dit, la situation a évolué depuis le dépôt des pétitions - c'est un hasard - avec l'introduction de trois hommes. La situation est la même - c'est aussi un hasard - au niveau des médecins, puisque le service compte actuellement deux assistantes et deux cheffes de clinique. Le professeur Harding précise que les unités hospitalières carcérales et cellulaires ainsi que le service médical de Champ-Dollon comptent 30 postes d'infirmières. Il ajoute que le service médical assure en moyenne trente consultations par jour, sept jours sur sept, à Champ-Dollon. Ce service fonctionne avec une infirmière responsable et une équipe d'infirmières. L'une d'elles est présente la nuit pour répondre aux urgences. Trois infirmières sont présentes le matin et à cette équipe d'infirmières s'ajoutent deux assistants, une cheffe de clinique responsable du service médical et une cheffe de clinique responsable de la consultation psychiatrique. Le service dispose encore d'un cabinet dentaire, dont le fonctionnement est assuré par deux médecins-dentistes à 40 % chacun et d'une aide-dentaire.
A la demande des pétitionnaires d'un service médical « plus compétent, plus sympa » et « moins d'attente dans les cellules », le professeur Harding indique que les gardiens reçoivent la liste des rendez-vous et peuvent ainsi amener en temps voulu les détenus dans la salle d'attente. Il précise qu'il s'agit d'un exercice complexe, surtout dans les premières semaines du séjour d'un détenu en raison des rendez-vous chez le juge d'instruction ou avec l'avocat. Il rappelle qu'une prison préventive connaît des mouvements constants. Il se peut dès lors que des aléas viennent parfois perturber certains horaires et obliger les détenus à patienter.
Audition de M. Jean-Michel Claude, directeur de la prison de Champ-Dollon
En ce qui concerne les pétitions, M. Claude précise que les détenus ont commencé à poser des questions et à formuler des demandes après avoir pris connaissance du rapport de la commission de 1998. Il leur a répondu qu'il n'y avait en l'état pas de budget disponible mais que la commission était entrée en matière sur leurs pétitions, ce qui ne signifie pas qu'elle ait accepté toutes les demandes formulées par les détenus, précise-t-il. Ces derniers n'ont pas forcément voulu croire ces explications et ont voulu manifester en se disant que cela ferait certainement bouger les choses.
M. Claude précise que Champ-Dollon accueille très peu de citoyens suisses au courant du système politique actuel, d'où certaines difficultés de compréhension. Cela étant, les explications fournies n'ont pas suffi et les détenus ont manifesté une première fois violemment. Après quelques discussions, ils ont à nouveau manifesté, n'étant pas satisfaits du retour de leur représentant. M. Claude leur a alors expliqué que ce n'était pas la bonne méthode pour entrer dans un processus de dialogue et qu'ils n'obtiendraient rien du tout par le biais de la violence.
Un commissaire précise alors que le rapport 1998 de la commission n'était pas encore sorti au moment du dépôt des deux pétitions dont est actuellement saisie cette commission. Il paraît dès lors manifestement abusif de prétendre que les détenus se sont appuyés sur ce rapport pour formuler leurs revendications.
Le directeur signale que la prison doit faire face à de nombreuses tâches qui coûtent cher en personnel. Il cite à ce propos les cassettes musicales. Avant d'entrer à Champ-Dollon, elles doivent être écoutées intégralement par le personnel. Il rappelle que les détenus ont demandé à pouvoir écouter des CD. Il a fait part de son accord, à condition toutefois que les détenus souhaitant opter pour ce support renoncent aux cassettes musicales, afin de faciliter le travail des gardiens. Le système a été accepté par les détenus et les choses se sont mises en place. Jusqu'au jour où les détenus ont exigé de pouvoir écouter cassettes et CD, ajoute-t-il. Le directeur évoque la possibilité de cacher de la drogue dans une cassette - d'où la nécessité de contrôles - ou celle de réenregistrements illicites.
Discussions et vote
Parmi les neuf demandes consignées dans la pétition 1226, quelques-unes ont reçu une réponse. Pour la première : « Etre mieux renseignés lors de notre arrivée en prison », la brochure élaborée par la direction était prête en français fin septembre. M. Claude nous indiquait qu'il recherchait des traducteurs avant de la diffuser dans la prison. Le fascicule élaboré par un collectif de détenus s'intitule « manuel d'aide aux détenus conçu par un ancien détenu » est lui aussi achevé.
La deuxième demande concerne « Les repas », les pétitionnaires se plaignant de la qualité de la cuisine. Les contrôles de qualité devraient être mis sur pied avec un peu de retard précise le directeur de la prison. Il semble pourtant que depuis le renouvellement de l'équipe cuisine, les critiques aient cessé tant sur la qualité que sur la quantité. Il est à noter que les personnes atteintes de maladies transmissibles ne travaillent pas en cuisine. Quant à la traduction des menus, elle n'est pas à l'ordre du jour, le directeur estimant que les détenus peuvent faire l'effort d'apprendre le français ou de se faire traduire ces menus par des codétenus.
La troisième demande concernant « Une liste de ce que l'on peut avoir depuis l'extérieur » semble avoir été satisfaite par la direction dans la mesure où cette liste existe maintenant. Il serait judicieux de l'intégrer dans le site Internet consacré à la prison de Champ-Dollon, proposition que M. Agad s'engage à faire au directeur.
La quatrième demande concerne la fouille « Après le parloir » qui, pour plusieurs commissaires, ne saurait être supprimée. En effet, pour ces derniers, elle ne représente pas une forme d'abus d'autorité, mais au contraire contribue à la sécurité du personnel comme des détenus en permettant en particulier de saisir d'éventuelles armes et de la drogue. Pour d'autres, la fouille ne garantit pas une efficacité totale du contrôle et vu la gêne qu'elle provoque tant auprès des gardiens que des détenus, il n'est pas judicieux de la maintenir à l'issue du parloir. Il serait préférable d'encourager l'utilisation d'appareils de détection.
Les parloirs sécurisés, s'ils éviteraient la fouille, constitueraient un net retour en arrière, le contact physique entre détenus et visiteurs s'avérant primordial. De plus, la prison ne dispose que d'un seul parloir sécurisé. Les avis divergent et, confrontés à cette problématique aussi délicate qu'importante, il est toutefois suggéré que la direction s'inspire des méthodes pratiquées dans d'autres établissements pénitentiaires européens, mais que les fouilles se pratiquent dans le respect des droits humains.
La cinquième demande, qui consiste à « Avoir droit à des compact disques », semble avoir été satisfaite puisque chaque détenu a droit à une cinquantaine de supports musicaux sans distinction, selon le directeur de la prison qui précise que la pratique fixe un maximum de trente CD et un nombre raisonnable de cassettes en cellule. Le détenu a la possibilité chaque semaine, soit de faire monter de ses bagages trois supports s'il n'est pas au maximum, soit d'échanger trois supports. Ce principe, dit-il, fonctionne bien même si les cassettes disparaissent petit à petit au profit des CD.
L'affichage des prix de « L'épicerie », sixième demande, est relativement aléatoire puisque les produits sont achetés à l'extérieur au meilleur prix, ils fluctuent, et c'est donc actuellement leur prix moyen qui est indiqué.
La septième demande concernant le sport et « Avoir plus d'activités physiques » constitue pour les commissaires une question importante. Le sport et les promenades sont évidemment une soupape essentielle, tant pour le personnel que pour les détenus. S'agissant des infrastructures, l'établissement dispose du matériel et des aménagements nécessaires. Le problème réside essentiellement dans l'organisation des activités physiques. Et pour arriver à une organisation optimale, il faudrait quelques collaborateurs de plus. Le directeur examine la possibilité d'ouvrir la salle de gymnastique à d'autres moments de la journée et d'organiser des tournus différents.
« Avoir dans les cellules la télévision par câble », huitième demande des pétitionnaires, représente à l'instar du sport, un moyen de passer le temps et de se décharger de l'agressivité et des frustrations accumulées. Le câble semble être pour le moment une solution trop onéreuse, précise M. Agad, installer une antenne sur le toit serait sans doute la première solution pour une bonne réception de la télévision dans chaque cellule, avec M6, Arte et Léman bleu. Une autre solution consisterait à poser une ou deux paraboles, la mise en place d'un système de magnétoscope permettant d'effectuer des projections en interne. Il serait également procédé à l'achat de 240 postes de télévision qui seraient par la suite loués aux détenus. Bien entendu, une solution n'empêcherait pas l'autre.
La dernière demande concerne « Le service médical » et quelques commissaires estiment que des améliorations peuvent être faites pour faciliter l'accès à ce service. Le système d'équivalence, évoqué par le professeur Harding, n'a pas véritablement convaincu l'auteure de ces lignes qui estime que l'on ne peut logiquement pas comparer les délais d'attente d'un rendez-vous médical à l'extérieur de la prison. D'autre part, certains commissaires estiment que la présence de l'infirmière, si elle est compréhensible pour le suivi médical et aussi utile soit-elle, peut à des moments particuliers gêner. Elle pourrait, à l'instar des ambulanciers, s'effacer pour permettre ainsi aux patients et aux médecins d'avoir des entretiens préservés. Une procédure de demande de consultation non écrite devrait aussi pouvoir se faire.
Si la commission est arrivée au terme de ses travaux, et que certains points des demandes ont été satisfaits, il en reste pourtant d'autres et non des moindres qu'il s'agit d'étudier pour y répondre. Et ce, afin que les conditions de détention auxquelles cette commission est chargée de veiller, soient conformes au respect de la dignité telle que la conçoit notre société, afin aussi que la réinsertion s'effectue le mieux possible.
La commission a dans sa majorité décidé de proposer le dépôt de la pétition 1228 sur le bureau du Grand Conseil par 5 voix pour (2 AdG, 1 S, 1 Ve, 1 R) et 1 L contre (pour le classement). Elle a par contre décidé de proposer le renvoi au Conseil d'Etat de la pétition 1226 par 4 pour (2 AdG, 1 S, 1 Ve) et 2 contre (1 R, 1 L). La majorité de la commission vous recommande, Mesdames et Messieurs les député-es, d'en faire de même.
Pétition(1226)
Mesdames etMessieurs les députés,
Je soussigné, Paulo Pereira-Antonio, cellule 234, ainsi qu'au nom de tous les détenus actuels et futurs, demandons :
Etre mieux renseignés lors de notre arrivée en prison
Souvent, les détenus arrivent dans la prison, et n'ont pas la possibilité de prendre connaissance des activités offertes dans la prison. Améliorer l'accueil des premiers jours de détention préventive. Ainsi le détenu pourrait mieux s'organiser et éviterait de déranger les gardiens inutilement.
Les repas
Nous demandons une amélioration par rapport à ce que l'on mange ici (les sauces, la salade, la cuisson, le goût, etc.).
Une liste de ce que l'on peut avoir depuis l'extérieur
Souvent les visites, que nous avons au parloir ou qui nous envoient des colis, nous amènent des choses qui ne passent pas à l'intérieur de la prison. Nous demandons une liste détaillée qui serait déposée à l'entrée des visites, afin qu'elles puissent en avoir un exemplaire. Ainsi, elles sauraient ce qu'elles peuvent nous apporter, sans frais inutiles.
Après le parloir
Nous demandons que nous ne soyons plus obligés systématiquement pendant la fouille, de baisser les culottes, cela est très gênant pour les détenus et surtout humiliant.
Avoir droit à des compacts disques
Beaucoup de musique qui sort actuellement n'existe pas en cassette. De plus, la qualité sonore des compacts disques est nettement supérieure.
Epicerie
Nous demandons à ce que soient rajoutés dans le catalogue d'épicerie plus d'articles (comestibles, déodorants, etc.) et surtout les prix.
Avoir plus d'activités physiques
Une heure et demie par semaine de sport dans la grande salle n'est pas suffisant pour nous. Pourquoi ne pas plus bénéficier d'une salle qui a coûté assez cher à l'Etat ?
Avoir dans les cellules la télévision par câble
Nous aimerions avoir en cellule la télévision par câble, même si nous devons payer la somme de 10 F par cellule par mois.
Le temps serait plus agréable et surtout nous serions mieux renseignés sur ce qui se passe dans le monde et dans nos pays.
Service médical
Avoir également un service médical plus compétent, plus sympa et moins d'attente dans les cellules quand on monte au médical.
Je remercie tous ceux qui m'ont aidé à préparer cette pétition et qui veulent suivre, de façon à ce que nous puissions améliorer notre séjour à Champ-Dollon.
N.B. : 71 signatures
M. .
Prison de Champ-Dollon22, chemin de Champ-Dollon1226 Thônex
Pétition(1228)
pour l'installation du câble à Champ-Dollon
Mesdames etMessieurs les députés,
Ayant eu la malchance de passer un court moment de ma vie (beaucoup trop long pour moi) à la prison de Champ-Dollon, j'ai pu constater avec étonnement que celle-ci ne disposait d'aucune antenne de télévision.
Je crois que beaucoup d'autres prisons en Suisse sont équipées d'un système de réception audiovisuelle.
Vous savez, et je parle par expérience, être enfermé plus de vingt heures par jour dans même pas 12 m2, c'est dur.
Je crois que l'installation du câble à Champ-Dollon pourrait éviter bon nombre de problèmes internes au sein de votre établissement carcéral.
Dans ce but, je souhaiterai obtenir un entretien avec vous, afin de justifier de vive voix ma requête.
De plus, je pense qu'aujourd'hui les personnes non incarcérées comprennent de plus en plus à quel point la vie des prisonniers, quels qu'ils soient, est difficile.
Par ailleurs, je crois savoir que la prison de Champ-Dollon reste un des rares établissements publics où l'installation du câble n'a pas été effectuée.
N.B. : 42 signatures
M. .
p.a. Prison de Champ-DollonCase postale 2311226 Thônex
Débat
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Quelques mots pour introduire le rapport de la commission des visiteurs. Tout d'abord, il faut signaler qu'en début d'année, une profonde modification de la commission s'est opérée, puisque six commissaires sur neuf, dont la vice-présidente, ont été nommés à la commission de grâce. Mme Berberat, présidente pour l'année 1999, a su reprendre le mandat au pied levé et avec une grande compétence. Quelques mots encore pour dire que les travaux de la commission ont peut-être été, en 1999, un peu plus complets que d'habitude, puisqu'ils ont dû inclure les travaux sur le projet de loi concernant le fonctionnement de la commission. Ils ont également dû inclure deux pétitions de détenus de Champ-Dollon, ainsi qu'une motion.
Le rapport traite uniquement des travaux d'auditions et de visites des établissements. Les pétitions ont fait l'objet de rapports séparés. Ce rapport s'articule autour de deux grandes parties. La première reflète de manière très factuelle les auditions et les visites. La deuxième partie fait état des discussions de la commission et des recommandations de celle-ci. Parmi les différentes conclusions, je ne citerai que les quatre plus importantes. La première montre que la commission n'a pas constaté de mauvais traitements dans les établissements qu'elle a visités, si ce n'est des conditions inadaptées de détention, particulièrement en ce qui concerne les mineurs dans la maison de Riant-Parc et à Champ-Dollon. La deuxième constatation laisse apparaître certains problèmes à Champ-Dollon, qui ont été évoqués par les détenus, mais aussi par les collaborateurs de la prison. La principale cause est un manque de communication, en tout cas une mauvaise communication à l'intérieur de l'établissement. La troisième constatation et recommandation concerne plus particulièrement la détention des mineurs et plus largement le problème de la jeune délinquance. La commission souhaite que le Conseil d'Etat nomme une commission extraparlementaire afin de pouvoir étudier le phénomène de manière globale, avec les différents intervenants, les différents professionnels et les différents protagonistes de la détention des mineurs, et d'élaborer des solutions à ce sujet. Enfin, la dernière recommandation a trait au rapport de M. Pedrazzini, l'expert mandaté par le président du département, rapport que la commission souhaite obtenir afin de poursuivre ses travaux sur la motion.
Voilà très brièvement les grandes lignes du rapport qui est soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. Pierre-Alain Cristin (S), rapporteur. Comme le rapporteur le mentionne en pages 1, 2 et 3 du présent rapport, le groupe socialiste aimerait remercier toutes les personnes auditionnées qui ont répondu à nos attentes, ainsi que les fonctionnaires et les procès-verbalistes. Nous tenons tout particulièrement à remercier M. Odier pour son précieux travail durant cette année. En effet, ce rapport reflète bien les travaux de la commission durant l'année écoulée, que ce soit pour les visites en elles-mêmes, les auditions relatées ou les divers objets travaillés en commission. Je tiens à préciser que ce rapport a été nuancé pour arriver à un vote unanime des commissaires.
Ces remerciements étant faits, je tiens, Mesdames et Messieurs les députés, à m'attarder sur deux points particuliers figurant dans ce rapport et qui ont trait aux deux visites annuelles obligatoires à Champ-Dollon. Le premier concerne le personnel. Nous avons pu apprécier le travail effectué par les gardiens, qui ont été pour la premières fois entendus par la commission, ce qui nous a permis de mieux cerner leur travail au quotidien et les problèmes qui en découlent, comme des problèmes de santé dus au stress, aux horaires irréguliers, et des problèmes d'ordre plus général à la prison, comme le changement de direction et les problèmes de communication qui en ont découlé, le sous-effectif des surveillants, la sécurité des bâtiments, les diverses langues parlées dans le milieu carcéral et la formation au niveau de la détention des mineurs. Ce qui m'amène à mon deuxième point.
Nous avons pu constater par le biais de nos visites et de nos auditions que le nombre de mineurs ayant séjourné à Champ-Dollon a dangereusement augmenté ces dernières années. En 1996, ils étaient 13, en 1997 67 et en 1998 115. La prison de Champ-Dollon n'ayant pas pour mission d'accueillir des mineurs, sauf cas exceptionnels, ce qui avec 115 détenus pour l'année 1998 ne peut plus être considéré comme tel, nous arrivons à des situations où les détenus mineurs sont enfermés dans leurs cellules durant 23 heures par jour, sans télévision et sans repas en commun, dans un total isolement. Ceci, le groupe socialiste ne peut le tolérer. Difficultés de la justice, problèmes de prévention, effectifs réduits de la brigade des moeurs, nous ne tranchons pas. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons nous mettre au plus vite au travail sur ce sujet afin de mieux cerner ce problème et d'essayer d'y apporter des solutions.
En conclusion, le groupe socialiste pense que beaucoup de travail reste à faire pour améliorer la vie en milieu carcéral et ceci passera sans doute par des échanges de points de vue avec différents cantons du concordat romand et par différents consensus. Car malgré nos différends politiques, nous devons toujours avoir à l'esprit que derrière les barreaux se trouvent des femmes et des hommes privés de la chose la plus essentielle, la liberté !
Mme Esther Alder (Ve). Je veux m'exprimer sur la motion 1316 concernant les mineurs détenus à Champ-Dollon et à Riant-Parc. Cette motion marque ici la volonté de tous les partis de mettre un terme à une situation intolérable, à savoir le non-respect de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant. Il est inadmissible que l'on ne respecte pas un certain nombre de droits fondamentaux, tels que la séparation réelle des mineurs des adultes, le droit à la formation et aux activités, le droit à une assistance éducative. De plus, il est inacceptable que l'on discrimine les mineurs résidants et les mineurs non-résidants à Genève. Ainsi, ce que nous voulons clairement, c'est une politique cohérente en matière de prise en charge des mineurs délinquants, qui passe entre autres par une réelle politique de la prévention, un renforcement du système socio-éducatif, par la création de foyers. Ce que nous voulons aussi, c'est une réelle réflexion sur les alternatives à la détention des mineurs. Cela signifie clairement que des moyens financiers conséquents devront être alloués à la concrétisation de ces objectifs. Nous proposons donc le renvoi de cette motion à la commission des visiteurs.
M. Hubert Dethurens (PDC). J'aimerais tout d'abord remercier à titre personnel M. Odier pour son excellent rapport, qui a entre autres mérites de relater très fidèlement les travaux de la commission et sans pour cela développer une vision plus personnelle ou polémique, comme celle qui a été développée dans d'autres rapports et qui a été la cause de plusieurs mésententes. C'est pour cela que le groupe PDC ne peut qu'approuver ce rapport.
En ce qui concerne les pétitions, quelques remarques concernant notamment l'attente trop longue des visites médicales. Mesdames et Messieurs les députés, qui d'entre nous n'a pas attendu deux jours ou une semaine pour un rendez-vous chez un médecin ? De plus, je crois que le service médical ne dépend pas de l'administration de Champ-Dollon, mais plutôt du département de M. Segond. Pour ce qui est de la cuisine, la commission a pris un repas sur place. Le repas qui nous a été servi était identique à celui des détenus. Seule l'entrée avait été améliorée et l'on nous a aussi servi du vin. Une boutade à ce sujet : le guide Michelin ne bombarderait certainement pas d'étoiles une telle cuisine, mais il la classerait peut-être dans la liste des « corrects ».
Pour ce qui est de la fouille, la situation apparaît plus problématique. La fouille est qualifiée de blessante et d'humiliante. Certainement, mais il doit s'agir d'une fouille sécurisante. Premièrement, sécurisante pour les gardiens. Ceci est facilement compréhensible. Mais elle doit aussi être sécurisante pour les détenus. Je vous rappelle qu'un détenu qui peut se procurer de la drogue en prison y détient un certain pouvoir. J'espère que ceux qui souhaitent aujourd'hui moins de fouilles ne seront pas les mêmes qui déposeront une motion lors de graves incidents engendrés soit par l'entrée illicite d'armes, soit par des overdoses de détenus ou je ne sais quoi encore.
En ce qui concerne l'installation du câble - j'en viens là à l'autre pétition - ma première réflexion est de dire que même dans un village comme le mien, on n'a pas accès au câble. Je reconnais que cette réflexion, que l'on entend d'ailleurs souvent dans la rue, devrait être quelque peu modérée. En effet, la TV ou la vidéo sont des éléments stabilisateurs en milieu carcéral. De ce fait, l'installation de paraboles et d'un réseau de distribution vidéo à l'intérieur d'une prison ne peut qu'améliorer la vie des détenus, mais aussi la sécurité générale. Quant au câble, on s'est aperçu que la distance de la prison au lieu le plus proche pour un éventuel branchement de ce câble était problématique. Mais, je l'ai dit précédemment, la parabole peut remplir la même fonction avec deux avantages. Le premier, c'est que le projet est financièrement réalisable. Le deuxième, c'est qu'il peut être réalisé relativement rapidement. J'aimerais cependant dire à l'égard des détenus qui suivent peut-être nos débats que « rapidement » ne veut pas dire deux jours, mais plutôt six mois à une année !
J'en viens à présent à la motion 1316 concernant les mineurs détenus à la Clairière ou à Champ-Dollon. Il est naturellement souhaitable que cette détention ait un aspect éducatif. Aujourd'hui, la situation s'est quelque peu améliorée. Il ne reste aujourd'hui que quatre détenus mineurs à Champ-Dollon. Il est à relever que la presque totalité des mineurs détenus ou incarcérés à Champ-Dollon sont des mineurs faisant l'objet d'expulsions de Suisse. A ce sujet, je nuancerai quelque peu l'exposé des motifs. Les mineurs non suisses sont effectivement dirigés vers Champ-Dollon du fait qu'ils vont être expulsés. Alors que pour les nationaux, qui sont appelés à séjourner plus longuement, un programme de rééducation doit impérativement être engagé et il ne peut l'être qu'à la Clairière. Il est vrai que la situation en Europe et particulièrement dans l'ex-Yougoslavie s'est aujourd'hui améliorée. Il n'est néanmoins pas impossible qu'une telle situation se représente un jour. Comme la politique est de prévoir, nous demandons donc au Conseil d'Etat de tout mettre en oeuvre pour éviter l'incarcération de mineurs à Champ-Dollon. Il y a plusieurs pistes possibles pour cela. J'en ai entendue une, c'est la maison du Vallon, maison de fin de peine, qui pourrait peut-être être aménagée à moitié pour la détention de mineurs.
Pour la motion 1316, nous recommandons donc le renvoi au Conseil d'Etat. Quant aux deux autres pétitions, nous soutenons leur dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Jacqueline Cogne (S). Il s'agit ici d'enfants. Mme Alder a parlé à ce propos de la déclaration des Nations-Unies du 20 novembre 1959. Je veux quand même vous en citer un paragraphe. « Les enfants ont des droits, mais aussi le droit à la protection contre toute forme de négligence, cruauté et exploitation. » Je vous parle là de la M 1316. Il s'agit donc d'enfants, d'enfants en difficulté que l'on met en contact permanent avec des adultes, adultes également en difficulté, Mesdames et Messieurs. Mais voilà, il se trouve que ces difficultés ne peuvent être prises en considération de la même manière.
Je vous le répète, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'enfants. Et ce sujet traîne depuis trop longtemps, nous avons déjà perdu trop de temps, il est grand temps que le Conseil d'Etat prenne enfin ses responsabilités à ce sujet. Pour cette motion, nous demandons donc le renvoi au Conseil d'Etat.
Le président. Je donne à présent la parole à Mme Anita Cuénod, rapporteuse pour les pétitions.
Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Si la commission des visiteurs a estimé qu'elle se devait d'étudier attentivement les demandes formulées dans ces deux pétitions et d'en prendre le temps, elle a sans doute eu raison. En effet, plus d'un an s'est écoulé entre le dépôt de ces dernières et aujourd'hui. Le temps paraissant probablement un peu long pour les personnes concernées, elles auront quand même observé, du moins je l'espère, que des réponses ont été apportées par la direction de la prison. Même s'il reste encore quelques aspects, et non des moindres, à résoudre, que je rappellerai plus loin, il est important de relever qu'en matière d'accueil par exemple, la nomination d'une responsable depuis septembre 1999 semble avoir été bien ressentie. De plus, une nouvelle brochure d'information sort de presse, avec les compléments demandés. Le « Manuel d'aide au détenu », réalisé par un ancien détenu, est aussi prêt, mais doit encore être systématisé en diverses petites brochures à thèmes et traduit. Il comporte entre autres choses intéressantes - je l'ai feuilleté hier - une quantité de modèles de formulaires certainement fort utiles.
Pour les repas, il faut savoir que le chef monte maintenant tous les jours à midi à tous les étages. En ce qui concerne les fouilles, il faut rappeler qu'elles sont effectuées en deux temps depuis plus d'une année et que la commission recommande qu'elles le soient dans le plus grand respect de la dignité. Pour les CD et les cassettes, il semble ne plus y avoir de limitation. La liste des produits de l'épicerie est à disposition avec les prix des produits à chaque étage. Pour le sport, il faut savoir que depuis le 17 janvier de cette année, l'équipe de moniteurs a été renforcée et le temps augmenté de 60 à 75 minutes, toujours deux fois par semaine, et qu'un bilan sera fait fin mars. Ces informations m'ont été transmises voici deux jours par M. Agad, secrétaire adjoint au DJPT.
J'ai trouvé utile, Mesdames et Messieurs, de vous rendre compte des dernières avancées sur ces demandes. C'est pourquoi cette liste peut paraître un petit peu exhaustive à ceux qui ne se sont pas plongés dans le détail de ces formulations. Mais elles nous semblent importantes. Ce sont les avancements que j'ai relatés qui semblent importants.
J'en viens maintenant aux autres points, comme la télévision. Comment se fait-il que le budget découlant de ce projet ne figurait pas au budget 2000 ? C'est ma première question. La télévision représente à l'instar du sport un moyen de passer le temps, comme le disait M. Dethurens, et d'apaiser les frustrations accumulées. Les possibilités évoquées par le représentant du département consistent à acheter 240 postes supplémentaires qui seraient loués aux détenus, à poser une antenne et une ou deux paraboles et à mettre en place un système de magnétoscope permettant d'effectuer des projections en interne. Deuxième question : avez-vous l'intention de mettre cette somme, évaluée à 250 000 F si je me souviens bien, Monsieur le conseiller d'Etat, au budget 2001 ? Quant au service médical, quelles seront les améliorations faites pour accéder plus vite aux soins médicaux ?
Mesdames et Messieurs, une prison est une prison. Mais l'état d'une société peut aussi être évalué à l'aune du sort qu'elle réserve à ceux qu'elle punit. Et nous devons garder à l'esprit que les personnes privées de liberté, qui méritent d'être écoutées, doivent bénéficier des mesures propres à leur réinsertion.
La majorité de la commission vous demande de renvoyer la pétition 1226 au Conseil d'Etat afin que les points que je viens de mentionner trouvent réponse. Elle suggère par contre le dépôt sur le bureau du Grand Conseil de la pétition 1228, dont la demande est largement reprise dans la précédente.
Mme Jeannine de Haller (AdG). L'Alliance de gauche tient à redire, comme elle l'a déjà fait lors du débat sur le PL 7822 concernant l'agrandissement de la Clairière, que l'incarcération d'une mineure ou d'un mineur ne devrait être qu'une décision ultime et totalement exceptionnelle prise seulement lorsqu'il n'y a vraiment plus d'autres solutions, c'est-à-dire lorsque le jeune représente un danger réel pour la collectivité.
N'oublions pas, comme l'a dit M. Oliveira dans le Courrier de l'UNESCO de juin 1998, que la prison est et reste un appareil destructeur de la personnalité. Or, si tant la Clairière que Riant-Parc débordent actuellement à Genève, ce qui fait que des mineurs sont détenus en permanence à Champ-Dollon, c'est peut-être justement parce qu'il n'y a pas de réelle réflexion autour de la prise en charge des jeunes délinquants et que la seule solution actuellement en cours à Genève est de les enfermer. C'est pourquoi il est absolument indispensable qu'il y ait une réflexion approfondie autour de ce sujet pour trouver des solutions alternatives à l'incarcération des mineurs. Nous demandons que la prise en charge des jeunes détenus repose sur un concept pédagogique clair et qu'une politique éducative axée sur la relation et l'encadrement humain renforcé soit privilégiée.
Il faut faire en sorte que les établissements d'éducation actuels soient pourvus d'équipes psycho-pédagogiques efficientes. Il faut opter pour une prise en charge éducative et thérapeutique où la détention ne soit que subsidiaire et résiduelle. Nous demandons qu'aucun mineur ne soit plus envoyé à Champ-Dollon, ni à Riant-Parc et nous vous demandons d'envoyer la motion concernant les mineurs à la commission des visiteurs et non pas au Conseil d'Etat, parce que cette commission va effectivement débattre de toute la problématique des mineurs.
M. Rémy Pagani (AdG). Une interpellation, une intervention de plus pour stigmatiser la situation que vivent les mineurs incarcérés à Champ-Dollon !
Il est vrai qu'ils ont des droits, mais l'on se doit aussi de montrer la difficulté dans laquelle se trouve la société actuelle, qui depuis une dizaine d'années a fermé, je vous le rappelle, un certain nombre de foyers, sous prétexte d'économies, sous prétexte du manque de prise en charge ou du coût de la prise en charge éducative dans ces foyers. Nous nous retrouvons aujourd'hui face à des chiffres assez catastrophiques. En 1996, 284 mineurs incarcérés à Champ-Dollon, 351 en 1997 et 446 en 1998. On nous a dit tout à l'heure que quatre mineurs séjourneraient encore aujourd'hui à Champ-Dollon. Il faut cependant considérer les statistiques annuelles. Je pense que cette statistique ne va faire qu'augmenter si l'on investit de l'argent dans le renforcement de la justice en engageant des juges, si l'on investit de l'argent dans les fiches de police, dans la mise en place de fiches de police que mon collègue Vanek a stigmatisée hier. Si l'on investit donc de l'argent dans la répression, cette statistique va bien évidemment augmenter. Nous prétendons cependant qu'il y a des mesures éducatives préventives à mettre sur pied et je m'étonne que Mme Brunschwig Graf ne soit pas présente aujourd'hui, parce qu'elle détient la clé de la mise en place de ces mesures préventives, notamment pour les adolescents. Il faudrait qu'une sorte de triage soit opéré et qu'une convention soit rapidement passée avec les juges des mineurs qui permette de faire un tri rapide parmi les mineurs entre ceux qui relèvent de la grosse délinquance et ceux qui relèvent de la petite délinquance, convention qui permette aussi d'orienter les mineurs dans les foyers existants ou dans le foyer que nous réclamons depuis plusieurs mois et qui serait ouvert pour accueillir une tranche de ces mineurs, notamment les plus jeunes.
Nous estimons en effet qu'il ne faut pas tarder. Cela fait déjà trois ans que ces statistiques augmentent. Or, tout retard se payera très cher à l'arrivée, puisque comme vous le savez - c'est ce que je voulais dire au départ - le problème des mineurs, ce ne sont pas seulement les droits qu'ils ont, comme celui de ne pas être confrontés avec des adultes délinquants. On a en effet constaté, à propos de l'exemple des adultes, que lorsque plus rien ne fonctionne, y compris la parole et l'éducation, l'exemple, lui, subsiste. L'exemple d'adultes délinquants et le fait d'être à Champ-Dollon, la valorisation que représente pour ces mineurs en situation difficile la détention à Champ-Dollon par rapport à leurs camarades, tout ceci constitue une grave atteinte à leur personnalité. Et à la longue, ces exemples, qu'ils ont copiés auprès d'adultes qui leur « ressemblaient », se reproduiront. Nous estimons effectivement que tout mois perdu se payera plus tard. On le constate d'ailleurs dans les manifestations. M. Ramseyer s'est plaint, dans un article paru dans la presse de ces derniers jours, de voir un certain nombre de jeunes « accaparer » toutes manifestations et tous regroupements, qu'ils soient sportifs, culturels ou politiques, pour casser du matériel. C'est quelque part le fruit de cette politique que nous retrouvons les uns et les autres dans les manifestations que nous organisons.
Je trouvais important de soutenir cette prise de position, cette motion. Madame Brunschwig Graf, c'est un cri d'alarme que nous lançons. Il faut ouvrir rapidement un foyer et passer des conventions avec les juges pour les mineurs qui permettent de mieux orienter les mineurs qui pourraient être pris en charge par cette nouvelle institution, de les orienter ailleurs qu'à Champ-Dollon.
Mme Jacqueline Cogne (S). L'erreur étant humaine, le parti socialiste demande que la motion 1316 soit renvoyée à la commission des visiteurs et non pas au Conseil d'Etat.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je n'interviendrai pas sur la motion s'occupant des mineurs, Mme Esther Alder l'ayant excellemment fait pour notre groupe. Je ne rappellerai qu'un seul point et je poserai ensuite une série de questions à M. Ramseyer, aussi bien sur le rapport des visiteurs que sur la pétition.
Le point du discours de Mme Alder que j'aimerais appuyer concerne le problème principal que nous rencontrons. Ce problème principal est que l'on incarcère des gens qui n'ont rien à faire en prison, qu'une partie de la solution se trouve bien entendu en amont, c'est-à-dire au niveau de la justice, à qui nous tentons actuellement de donner les moyens de faire son travail dans de meilleures conditions et plus rapidement. Ceci afin d'éviter qu'une prison préventive telle que Champ-Dollon ne soit perpétuellement en surpopulation. Je crois que c'est le problème principal et que de celui-ci découlent tous les autres.
J'en viens à mes questions, Monsieur le conseiller d'Etat. Elles concernent plusieurs domaines, notamment les effectifs. Lorsque je lis dans le rapport de la commission des pétitions l'audition des gardiens et que je lis « si la prison comptait à son ouverture un gardien pour deux détenus, aujourd'hui, elle en compte un pour septante détenus », ma première réaction a été de faire des bonds. Mon groupe m'a immédiatement dit, lors du caucus, qu'il s'agissait d'une erreur de frappe et que ça devait être sept. Je viens donc d'aller voir la rapporteuse qui me dit que ce n'est pas une erreur de frappe, mais une question de rotation. Mais s'il y a rotation, il y a alors rotation dans les deux sens. Si l'on a commencé à l'époque avec deux détenus et que l'on en arrive à septante, j'aimerais que l'on m'explique un peu mieux comment c'est possible et j'aimerais que l'on dise si oui ou non la prison de Champ-Dollon est aujourd'hui en manque d'effectifs. Je crois que c'est une chose à dire et après ce sera effectivement au monde politique de prendre une décision s'il faut augmenter ou non le nombre de gardiens.
Ma seconde question concerne le secret médical et est également contenue dans l'audition des gardiens. Les gardiens disent que chaque fois qu'ils posent une question à propos d'un détenu, le secret médical leur est opposé. Ils apprennent donc, selon eux, toujours trop tard qu'un détenu est séropositif ou tuberculeux. Déplaçons-nous dans un autre domaine, Monsieur le conseiller d'Etat, un domaine que je connais beaucoup mieux, qui est celui de l'éducation, où nous accueillons également des enfants malades et où nous ne donnons pas au personnel encadrant le dossier médical de l'enfant. Il y a simplement des consignes. Les éducateurs savent très bien que lorsqu'un enfant saigne abondamment, ils doivent prendre un certain nombre de précautions. Il y a, il me semble, dans la médecine actuelle des vaccins concernant la tuberculose. Je ne comprends donc pas que l'on en arrive encore à se poser ce genre de problème.
Ensuite, le troisième point concerne les promenades. On entend beaucoup de choses au sujet de ces promenades, notamment que les mineurs, majeurs, personnes à risques ne peuvent pas être mélangés ce qui fait que les gens restent enfermés dans leur cellule 23 heures sur 24. J'aimerais savoir s'il s'agit d'une simple rumeur ou si c'est conforme à la réalité. Est-ce que vraiment ils ne disposent pas de lieux supplémentaires pour se promener ? Est-ce que ces lieux ne pourraient pas être créés ? J'aimerais connaître votre position là-dessus.
Enfin, la dernière question concerne le communiqué qui nous a été lu hier par M. Segond au nom du Conseil d'Etat. Bien sûr que ce communiqué a donné lieu de manière spontanée à un certain nombre d'applaudissements, auxquels j'ai pu m'associer, et également à une réaction de M. Pagani, à laquelle je m'associe aussi. C'est dire à quel point nous sommes perplexes par rapport à ce communiqué. Est-ce que nous devons applaudir en comprenant que les problèmes qui se passent à Champ-Dollon constituent votre souci actuel au Conseil d'Etat et que vous avez souhaité aller vite en nommant une personne indépendante assortie de collaborateurs qui pourront entendre les fonctionnaires qui seront déliés de leur secret de fonction ? Ou est-ce qu'il faut comprendre que vous faites peu de cas de ce que vous a demandé le Grand Conseil et que votre commission d'experts aura des possibilités que celle nommée par le Grand Conseil n'aura pas ? Va-t-il s'agir de doublon ou va-t-il s'agir une fois de plus de ne pas nous avoir écoutés. J'aimerais donc que l'on me dise exactement le but de cette commission. Est-ce que l'autre commission qui a été nommée par ce Grand Conseil va pouvoir travailler et quelle comparaison sera faite entre les deux expertises ?
Le président. Je salue à la tribune la présence de Mme Martine Ruchat, notre ancienne collègue. (Applaudissements.)
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Tout d'abord, un grand coup de chapeau à Jean-Marc Odier pour son excellent rapport !
La motion 1316 attire spécialement notre attention sur la croissance de la délinquance juvénile et surtout l'abaissement de l'âge des jeunes concernés. Ce nouveau phénomène pose des problèmes à la justice genevoise. La privation de liberté est souvent une forme de protection face aux adultes et au jeune lui-même pour une période transitoire.
Premier constat, il y a un manque très net de foyers spécifiques pour accueillir ces jeunes à la dérive. En effet, il faut des sanctions et surtout un accompagnement adapté aux mineurs et non pas les assimiler aux adultes avec toutes les mauvaises influences que cela peut induire. Deuxièmement, le droit des enfants n'est pas respecté, contrairement à la convention signée dernièrement par la Suisse. Cette motion rejoint une des invites du rapport 348 qui suggère la création d'une commission extraparlementaire qui serait un organe de propositions pour résoudre le problème des mineurs. Cette motion doit donc être renvoyée à la commission des visiteurs pour qu'elle traite ce problème dans les meilleurs délais.
M. Olivier Vaucher (L). Si une majorité de la commission a renvoyé la pétition 1226 au Conseil d'Etat, nous jugeons pour notre part qu'elle peut suivre le même chemin que la pétition 1228 pour les raisons suivantes. Tout d'abord, la grande majorité des demandes formulées dans cette pétition ont à ce jour été solutionnées, la plupart d'ailleurs à satisfaction des pétitionnaires. Pour ce qui est du service médical, après l'audition du professeur Harding, qui a clairement expliqué que les conditions étaient égales à celles rencontrées par tout un chacun non emprisonné et qui n'entendait pas créer par là d'inégalité de traitement entre les prisonniers et les personnes du dehors, ceci bien sûr en faveur des détenus, nous pensons en conséquence que la situation est normale.
En ce qui concerne la fouille corporelle, avec la mise à nu totale du détenu en deux étapes, comme l'a précisé le rapporteur, celle-ci s'est révélée très positive, puisqu'il semblerait, selon les statistiques de l'ensemble des établissements de Suisse, que cette fouille corporelle ait permis à notre canton d'avoir moins de problèmes que toutes les autres prisons.
En conclusion, nous dirons que cette pétition a eu l'avantage de faire accélérer la réalisation de certaines améliorations prévues. Cependant, entre le jour de son dépôt et aujourd'hui, comme je l'ai dit liminairement, ses buts ont quasiment été totalement atteints. C'est pour cela que notre groupe vous demande, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de la déposer sur le bureau du Grand Conseil.
M. Alain Etienne (S). J'ai lu avec attention ce rapport de la commission des visiteurs du Grand Conseil. Sans vouloir porter atteinte à l'important travail qui a été fait en commission, je me suis posé quelques questions dont je vous fais part.
Que reste-t-il du débat que nous avons eu l'année dernière et qu'est-il advenu des recommandations qui avaient alors été faites ? Ce qui m'apparaît intéressant dans l'analyse effectuée entre deux périodes, c'est cette possibilité qui nous est donnée de pouvoir nous rendre compte de l'évolution des choses et ainsi assurer un meilleur suivi des travaux. Ceci avait été dit l'année dernière. Dans le rapport de Mme Ruchat, on pouvait lire des remarques sur les conditions de vie des détenus, notamment l'accès plus rapide aux soins. Aujourd'hui, le problème des délais d'attente ne semble pas avoir été réglé. Je me souviens aussi de grandes discussions au sujet de la suppression de la fouille corporelle comme mesure vexatoire, mais peut-être que j'ai loupé cela dans le rapport de cette année. En tout cas, je remercie Mme Cuénod de nous avoir donné des éléments nouveaux à ce sujet.
Il était demandé une meilleure communication de l'information. Je constate que ce point est encore d'actualité cette année. L'encouragement à la formation continue des gardiens était demandé. Il semble que la formation ait été organisée cette année et commence à porter ses fruits. Qu'est-il advenu encore de la proposition faite de créer une commission intercantonale des visiteurs officiels ? Concernant la privation de liberté des mineurs, il a été dit, il a déjà été dit qu'aucun mineur ne serait plus envoyé à Champ-Dollon. Cela est répété cette année !
Alors, je me tourne vers le Conseil d'Etat ! Qu'est-ce qui a changé depuis l'année dernière, qu'est-il advenu des recommandations du premier rapport de la législature et qu'adviendra-t-il de celles qui vous sont faites aujourd'hui ?
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Monsieur le président, excusez-moi, mais en entendant M. Vaucher, j'ai remarqué que j'avais oublié l'une de mes questions qui concernait également le service médical. Le professeur Harding a dit à ce propos lors de son audition que le service médical de la prison fonctionnait comme une polyclinique. Il est cependant étonnant, lorsqu'on voit les ressources en personnel - le service médical est bien doté, semble-t-il, et c'est important puisque les gens qui sont en prison ont souvent des difficultés de santé, que ce soit psychique ou physique - il est quand même étonnant d'apprendre qu'il faille dix jours pour avoir une consultation. Je n'ai pas l'impression que cela se fasse comme cela dans la vie courante. Il me semble que si l'on se rend justement à la polyclinique ou à l'hôpital et que l'on estime être malade, on peut alors avoir une consultation. Je crois qu'il va falloir nous expliquer ce que sont les visites urgentes et ce qu'est ce long délai d'attente de dix jours. Et j'ajouterai qu'il y a pour nous quand même un problème lorsqu'on dit que la prison doit fonctionner comme le reste de la population, parce que l'on sait bien que les gens détenus en prison ont un certain nombre de maux liés à leur situation de détention que la population n'a pas.
M. Gérard Ramseyer. Je répondrai successivement sur les trois documents en apportant quelques éclaircissements.
Concernant tout d'abord le RD 348, en m'associant aux remerciements présentés à M. le rapporteur, je relève simplement en page 10 qu'il est fait état d'une assistance psychologique qui n'a pas abouti. Elle aboutira dans le courant du premier trimestre de l'année 2000, puisque nous avons engagé une psychologue pour le travail de la prison. Nous avons fait une évaluation à la fin de l'année passée et nous avons porté notre choix sur une jeune femme qui connaît fort bien cette problématique. Je relève en passant que les gardiens se sont déclarés contents de l'orientation de la nouvelle direction. Ce qui devrait vous rassurer sur les critiques qui figuraient dans un précédent rapport.
J'en arrive au point, pour moi essentiel, de ce débat. C'est la motion 1316. C'est une préoccupation qui ne date évidemment pas de ce rapport, puisque j'ai rencontré le 27 septembre dernier, à mon bureau et à sa demande, le groupe GeoDE qui s'occupe plus spécifiquement des mineurs. Nous avons constaté ensemble que Champ-Dollon et Riant-Parc n'étaient effectivement pas adaptés à la détention des mineurs. J'avais pris les devants en interrogeant les différents cantons romands sur la problématique, pour savoir s'il y avait d'aventure dans d'autres cantons des places en surplus dans des établissements adaptés aux mineurs. Les réponses des cantons sont diversifiées. Certains cantons éprouvent exactement les mêmes problèmes que Genève, d'autres ne connaissent pas du tout cette problématique, d'autres encore disposent d'installations qui s'avèrent suffisantes. Nous avons rendez-vous au début du mois de mars pour faire le point et voir si nous pouvons travailler ensemble. Travailler ensemble, c'est l'idée d'élargir le concordat aux mineurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Vous avez évoqué les uns et les autres ce problème des mineurs en relevant qu'il s'agit d'une problématique globale. Elle s'examine en effet en amont et en aval de la détention. C'est bien sûr un problème beaucoup plus vaste que le simple problème posé en matière pénitentiaire. C'est un problème d'éducation. M. Pagani a justement rappelé le rôle que devrait jouer l'éducation publique. J'y ajoute aussi le rôle que devraient jouer les familles. On voit donc bien qu'il s'agit d'un problème extrêmement vaste auquel nous devons forcément nous atteler, mais de manière pluridisciplinaire.
J'aimerais vous informer que la prison de Champ-Dollon a mis en place très récemment de nouveaux ateliers, qui sont réservés aux mineurs. Je vous rappelle à ce sujet que les mineurs qui se trouvent à Champ-Dollon sont en préventive et ne sont pas en pénitencier. Le problème des ateliers pose donc un certain nombre de questions dans la continuité. En ce qui concerne l'encadrement, nous choisissons pour surveiller les mineurs des surveillants qui travaillent de manière expérimentée. C'est un gardien très expérimenté, proche de la retraite, qui est en charge de cette section. La situation est actuellement la suivante. Il y a effectivement en tout et pour tout quatre mineurs à la prison le 20 janvier. Mais c'est un nombre qui fluctue relativement facilement et relativement souvent. Il faut remarquer que le Tribunal de la jeunesse ne place à la prison que les adolescents les plus proches de leur majorité. Ce sont donc les plus vieux des jeunes, les autres étant placés à la Clairière. On place aussi à Champ-Dollon des jeunes délinquants qui sont particulièrement violents. J'aimerais dire à ce sujet qu'il ne faut pas sous-estimer la violence des mineurs dans une prison. Les plus enragés des enragés sont parfois des mineurs, d'où le problème de leur incarcération.
J'aimerais ensuite ajouter que les adolescents placés à Champ-Dollon sont suivis d'office par le service social de la prison. Ce sont les assistants sociaux du patronage, un groupe qui effectue un travail extraordinaire auprès du personnel pénitentiaire, auprès de la population carcérale et auprès des jeunes en particulier.
Je confirme encore que les délinquants mineurs ne sont pas en contact avec les détenus adultes. C'est une règle que nous ne transgressons jamais.
J'en arrive aux conditions de vie. Mme Cuénod, utilisant mes notes, a fait un excellent résumé de tout ce que j'avais à dire. Elle me dispense donc d'y revenir. Etre mieux renseigné lors de l'arrivée en prison : vous savez à présent que c'est une affaire réglée. Mais il faut constamment réactiver ces brochures, car d'autres ethnies arrivent et d'autres langues sont employées. On doit donc réactualiser constamment notre travail. La qualité des repas, c'est une discussion qui me paraît tout à fait secondaire. Si Mmes et MM. les membres de la commission ont été satisfaits de leur repas, je pense qu'il devrait en être de même pour la population carcérale. La liste des produits que les détenus sont autorisés à recevoir de l'extérieur existe à présent. Vous vous êtes par ailleurs émus de la suppression de la fouille. Je crois quand même qu'il faut être tout à fait clair. Nous sommes dans une prison et il existe une facilité, celle des parloirs, qui met en contact physique le détenu et la personne qui le visite. Il est donc normal, pour des raisons de sécurité, que ces fouilles soient conduites. Elles le sont dans le respect de la personnalité. Mais si vous pensez qu'il faille renoncer à ces parloirs sans séparation entre les personnes qui se parlent, alors il faut revenir, dans l'optique de la suppression de la fouille, à des parloirs séparés. Ce serait à mon avis une régression.
Avoir droit à des disques compacts : vous savez que les détenus ont droit à une certaine quantité de ces disques, cela ne pose donc pas de problème particulier. Indication des prix à l'épicerie : je passe. Plus d'activités physiques : au début de l'année 1999, nous avons eu des moniteurs qui ont été hospitalisés pour cause d'accident. Pendant quelque temps, il est ainsi effectivement vrai que nous avons dû réduire le temps d'activité physique. Mais les deux séances hebdomadaires de sport de 75 minutes ont été à présent rétablies. La télévision par câble : on en a beaucoup parlé. Il y a une petite solution à 60 000 F, une grosse solution à 200 000 F et une très grosse solution à 250 000 ou 300 000 F. Nous ferons bien sûr un projet pour établir cette solution de chaînes multiples dans les cellules. Le directeur a tenu à relever à ce sujet que la télévision est, à son avis aussi, l'un des meilleurs moyens de permettre aux détenus de rester en contact avec la vie publique et si possible la vie de leur pays. Si un détenu africain pouvait par hypothèse recevoir une chaîne qui lui montre comment évolue son pays, ce serait évidemment un très grand plus au niveau du soin que nous devons apporter aux détenus.
Je réponds enfin à quelques questions, dont une que je ne suis pas sûr d'avoir bien comprise. Concernant les effectifs, Madame Bugnon, il faut savoir que la prison a été créée pour 270 lits. Vous savez que l'année passée, au plus fort de la crise qui a secoué Champ-Dollon ou disons plutôt au moment où Mme la députée Ruchat, votre ancienne collègue, a rédigé son rapport, il y avait 390 détenus dans une prison de 270 lits. Ce qui ne va pas sans difficulté. Et cela ne va pas sans difficulté non plus en ce qui concerne les gardiens, puisque l'on ne peut pas moduler le nombre de gardiens. Il n'est donc pas possible d'avoir du personnel de réserve. Je peux, si vous le souhaitez, contrôler les chiffres figurant dans le rapport. Je ne vois pas en quoi ils seraient faux. M. Odier pourra le confirmer. Mais c'est un problème sur lequel je reviens volontiers.
Je n'ai ensuite pas très bien compris la question relative aux soins médicaux. Je n'ai pas très bien compris de quoi vous vouliez parler. Le problème médical est traité en étroite relation avec le département de l'action sociale et de la santé du fait de la présence d'une unité médicale dans la prison. Nous sommes précisément en train d'améliorer encore cette collaboration. Il y a aussi un quartier carcéral à l'Hôpital. Nous sommes actuellement, je le confirme, en discussion à ce sujet. Quant à savoir s'il faut attendre dix jours pour une visite médicale..., ce qui est en tous les cas certain, c'est que la visite médicale que fait l'infirmière ou l'infirmier est automatique et ne nécessite pas de délai. Le rapport de M. Odier cite même un exemple où les soins ont été extraordinairement rapides. Il n'empêche, vous avez raison d'insister là-dessus, que le problème médical dans une prison est un problème crucial.
La question relative à la promenade appelle une réponse bien simple. Dans le temps, il y a dix ans, on pouvait organiser deux promenades. Les sections partaient ensemble faire leur promenade. On organisait des matchs de football, toutes ethnies confondues, sans aucun problème. Il y avait même à l'époque, un match de football opposant une équipe de la prison au barreau genevois. C'est dire que tout ceci fonctionnait bien. Les choses ont changé avec la diversification des ethnies et l'arrivée en particulier des ressortissants d'Afrique noire, puis - c'est là le problème essentiel - de ressortissants de pays en guerre. Il n'a plus été possible de faire jouer au football des Serbes et des Croates, des Serbes et des Albanais, car les parties de sport se terminaient mal. On a même vu des détenus qui confectionnaient des armes en bois et des couteaux en bois - avec un couteau en bois, vous pouvez percer un ventre - parce qu'ils voulaient en découdre avec l'autre ethnie. Il a donc non seulement fallu diversifier le nombre de promenades, mais il a également fallu diversifier le nombre de leçons de sport, parce que les populations provenant de pays en guerre ne pouvaient pas être mises en présence pendant ce moment de plein air et d'activités sportives.
J'en termine avec le communiqué que M. le président du Conseil d'Etat a lu hier après-midi. Vous aurez relevé que ce communiqué traite du conseil de direction, des relations entre le conseil de direction et les autres intervenants travaillant à la prison et enfin les conditions de travail du personnel. Il n'est pas question du problème des détenus qui nous avait primitivement agité. Nous avons effectivement reçu certaines plaintes de membres du personnel et nous avons voulu évaluer sereinement ces plaintes en passant essentiellement par l'office du personnel pour garantir une vision tout à fait objective, tout à fait équilibrée et équitable des problèmes. C'est un travail de très court terme. Il portera sur une quinzaine de jours et il ne vise, je le répète, que le personnel. Mais « que le personnel », c'est déjà beaucoup, parce que ce personnel est soumis à des conditions de travail très difficiles. Ce personnel est confronté au problème de la sécurité, ce qui rend évidemment cette activité particulièrement stressante.
J'aimerais vous remercier, à l'issue de cette intervention, de l'intérêt que vous avez porté au domaine pénitentiaire. J'aimerais surtout vous remercier de l'intérêt que vous portez au problème des mineurs, en reconnaissant les uns et les autres que ce problème est beaucoup plus global qu'uniquement pénitentiaire. Nous avons en vue plusieurs solutions. Il y a effectivement celle d'utiliser la maison d'à-côté. Il y a aussi une solution qui vise à construire dans le parc de Champ-Dollon une installation légère sous forme pavillonnaire. Il y a une troisième solution qui consiste à répertorier les maisons dont s'occupe le patronage pour voir si nous pourrions rendre propice à une incarcération certaines de ces maisons. Il faudra trouver une formule qui soit modulable, parce que le nombre de détenus mineurs change constamment. Faut-il préparer quelque chose pour cinq, pour dix, pour douze ? C'est un problème qui n'est pas très simple à résoudre et qui pourrait se révéler très coûteux. Nous partageons totalement vos préoccupations à ce sujet, mais c'est pour moi un plaisir de dire que le rappel que vous en faites rencontre ma totale adhésion.
Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Monsieur Ramseyer, lorsque vous me dites que je vous ai volé vos notes, cela me fait rire et vous aussi. Mais peut-être que personne ne comprend vraiment. Il faut quand même juste dire que... (L'oratrice est interpellée.) Ce ne sont pas des fuites ! On travaille depuis plus d'un an sur ces pétitions et il est tout à fait normal que la rapporteuse dispose des résultats de ce qui se fait au jour le jour et des développements, dont j'ai cité le dernier tout à l'heure et qui date du 17 janvier. Nous sommes aujourd'hui le 21 !
Monsieur le conseiller d'Etat, vous n'avez pas répondu à mes questions ! La première était de savoir pourquoi le poste budgétaire télé ne figurait pas au budget 2000 et ma deuxième était de savoir s'il allait figurer au budget 2001. Merci de me répondre ! Par contre, vous avez répondu à la question que j'adressais à M. Guy-Olivier Segond concernant le service médical : quelles seront les améliorations faites pour accéder plus vite aux soins médicaux ? Les pétitionnaires demandent un service plus sympa. C'est sûr que c'est une petite phrase, qui n'a pas l'air comme cela. Ça a l'air anodin, mais ça ne l'est pas. Nous l'avons entendu. Il ne s'agit pas des urgences. Nous savons que lorsque les détenus ont besoin de soins d'urgence, ils les ont. Il s'agit tout simplement de la perception, lorsqu'on est privé de liberté, de ne pas avoir accès assez vite au service médical. Le professeur Harding nous l'a dit lui-même en audition et je l'ai écrit, je crois, dans ce rapport, que le principe d'équivalence était quelque chose auquel il tenait et qu'il trouvait normal. Je l'explique très brièvement. Si dans la vie courante, nous autres mettons dix jours pour avoir un rendez-vous chez un généraliste et deux mois chez un spécialiste, à certain d'entre nous, il apparaît que c'est un tout petit peu absurde d'appliquer le même système à l'intérieur d'une prison. C'était là-dessus que je voulais vous entendre, Monsieur le chef du DASS !
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Deux mots en réaction à ce qu'a dit M. le conseiller d'Etat Ramseyer. D'abord pour le remercier d'avoir répondu à mes questions. Sur la première, pour être bien au clair dans ma compréhension, vous dites, au niveau des effectifs, qu'il n'y a pas besoin d'augmenter ceux-ci si la population carcérale est ce que l'on en attend, c'est-à-dire qu'elle est dans son nombre. Nous sommes d'accord ? C'est en fonction de la surpopulation qu'il y a un manque de gardiens, c'est comme cela que j'analyse votre réponse. Et par rapport à l'intervention que vous n'aviez pas comprise, c'est simplement au niveau du secret médical. On entend beaucoup parler de levée du secret médical ici et ailleurs de manière générale en ce qui concerne les détenus. Je disais simplement que pour éviter une psychose au niveau des gardiens qui angoissent d'attraper le Sida ou des maladies telles que la tuberculose, il y aurait peut-être une meilleure formation à entreprendre pour les gardiens pour leur expliquer qu'il y a un certain nombre de précautions à prendre et de préventions à avoir lorsqu'on s'occupe de quelqu'un qui est blessé. Ce qui permettrait de diminuer cette psychose. C'était le sens de mon intervention !
M. Guy-Olivier Segond. Deux mots, d'abord en réponse à la question sur le service médical et ensuite en réponse à la question sur le mandat de la commission d'experts nommée par le Conseil d'Etat.
J'aimerais vous rappeler que le service médical, conformément à une pratique qui remonte à plusieurs dizaines d'années à Genève, n'est pas soumis à l'autorité pénitentiaire, mais qu'il est soumis à l'autorité sanitaire. Il ne relève donc pas, quant à son personnel et aux instructions qui pourraient lui être données, du département de justice et police, mais du département de l'action sociale et de la santé et, en particulier, des hôpitaux universitaires de Genève. Le personnel du service médical de la prison et, plus généralement, de l'institut universitaire de médecine légale est soumis au secret de fonction, mais aussi au secret médical comme tous les professionnels médicaux. Ce secret médical est absolu. Encore tout récemment, à propos de résolutions qui étaient prises au niveau intercantonal, le Conseil d'Etat a, dans une lettre qui a été communiquée au Grand Conseil, protesté fermement contre la volonté de certains de rattacher les services médicaux des prisons aux autorités pénitentiaires. Le Conseil d'Etat a clairement montré que c'était contraire à la tradition, mais que c'était aussi contraire à la logique, au bon sens et à l'évolution du droit du monde occidental et, en particulier, aux travaux du Conseil de l'Europe.
Chacun de vous, je crois, connaît la situation du service médical de Champ-Dollon : pour les détenus dont l'état de santé exige un traitement hospitalier, il existe deux quartiers carcéraux, l'un à l'hôpital cantonal, l'autre à Belle-Idée. Pour les détenus dont l'état de santé exige un traitement ambulatoire, les consultations ont lieu à Champ-Dollon, au service médical, sur la base de la même organisation que les policliniques de l'hôpital cantonal, de façon à respecter l'égalité de traitement qui doit régner entre les personnes qui jouissent de leur liberté et celles qui en sont privées. Je connais bien le professeur Harding : je doute qu'il ait, avec l'esprit pragmatique qui est le sien, déterminé que le standard d'attente aux policliniques de l'hôpital cantonal était de dix jours et qu'il ait décidé que le standard d'attente serait de dix jours également à la prison de Champ-Dollon. Je m'en assurerai néanmoins auprès de lui.
La dotation du service médical de Champ-Dollon est considérée comme satisfaisante. Il est possible qu'il y ait, ici ou là, des problèmes. Il est possible qu'il y ait, ici ou là, des problèmes d'organisation, en particulier dans la relation entre l'autorité pénitentiaire et l'autorité sanitaire. C'est précisément l'un des points que l'expert et ses collaborateurs devront examiner : il est précisé dans le mandat dont je vous ai donné la teneur hier que l'expert devra notamment examiner les relations entre le conseil de direction de la prison et les autres intervenants à la prison, tels que par exemple le service médical. Cela figure explicitement dans le mandat.
Enfin, pour terminer, en répondant aux députés qui se sont interrogés sur l'articulation entre la commission, dont la mise en place a été décidée récemment par le Grand Conseil, et la commission dont le Conseil d'Etat a annoncé la création, j'aimerais vous rappeler que, sur le plan constitutionnel, le Conseil d'Etat dirige l'administration, que la prison de Champ-Dollon est l'un des services de l'administration et qu'elle est donc placée sous l'autorité du Conseil d'Etat.
A la suite des différents débats qui ont eu lieu ces derniers mois à propos de Champ-Dollon et des difficultés relatives à la population carcérale et aux conditions de travail du personnel, le Conseil d'Etat a décidé de confier à une personnalité extérieure à l'administration et à des collaborateurs de l'office du personnel la triple mission d'évaluer d'abord le conseil de direction de la prison, ensuite, les relations entre le comité de direction de la prison et les autres intervenants travaillant dans ce domaine, comme le service médical, le service social, les aumôniers et les bibliothécaires, et enfin d'examiner les conditions de travail du personnel.
J'ai dit hier que ces personnes entendront librement tous les collaborateurs et collaboratrices et plus généralement toutes les personnes de leur choix et disposeront de tous les documents utiles à l'exécution de leur mission. Les collaborateurs seront donc déliés de leur secret de fonction.
L'autre commission a été nommée par le Grand Conseil : les frais de cette commission doivent donc être assumés par le Grand Conseil. Etant donné que les experts désignés par le Conseil d'Etat doivent lui rendre leur rapport de telle façon à ce qu'il puisse prendre les décisions utiles rapidement, il est vraisemblable que le groupe désigné par le Conseil d'Etat travaillera plus rapidement que les experts désignés par le Grand Conseil qui, sauf erreur, n'ont pas encore commencé leurs travaux.
M. Gérard Ramseyer. Je complète ma réponse, Madame la députée Bugnon, uniquement sur les chiffres. Donc, 270 lits à l'ouverture de Champ-Dollon, des pointes à 390 par la suite. On a même eu il y a une dizaine d'années une pointe qui avait dépassé les 400. Nous sommes actuellement de retour au niveau de 310 - 320 détenus. Concernant le poste budgétaire, il n'a pas été prévu en 2000, parce que c'est un montant extrêmement modeste s'agissant d'une simple parabole. Mais on voit qu'on veut peut-être plus. Il sera en tous les cas prévus pour 2001, peut-être même avant si nous établissons ensemble à ce sujet un projet de loi. Enfin, une remarque à Mme Cuénod. Je ne voudrais pas faire de l'humour, mais je suis toujours très froissé lorsqu'on nous reproche d'une manière ou d'une autre un manque de transparence. Je suis déjà ravi que l'excellent M. Agad, secrétaire adjoint, vous ait informée en totalité, de manière vraiment exhaustive. Je suis ravi de la confiance qu'il vous a témoignée, mais je suis vraiment joyeux de notre confiance réciproque !
Le président. Nous allons procéder, Mesdames et Messieurs, au vote sur ces trois objets. Je prends tout d'abord le rapport RD 348.
Mme Janine Berberat (L). Monsieur le président, j'interviens en tant que signataire de la motion pour attirer l'attention de mes collègues qui l'ont signée avec moi. Je voudrais rappeler que toute la commission des visiteurs officiels a signé cette motion et que c'est assez rare qu'une commission entière qui signe une motion se la renvoie pour l'étudier. Ensuite, les questions posées sont directement liées à des réponses que seul le Conseil d'Etat peut nous apporter. Il est vrai, Mme de Haller, que nous allons - je dis « nous » parce que je vais revenir à la commission des visiteurs en tant que députée - que nous allons travailler sur la problématique des mineurs et je pense, Madame de Haller, que les réponses que nous donnera le Conseil d'Etat sur la motion seront très importantes pour continuer nos travaux. Rien ne nous empêchera d'adresser d'autres motions ou d'autres demandes au Conseil d'Etat, mais il me semble que cette motion-là doit aller directement au Conseil d'Etat si l'on veut obtenir rapidement des réponses. Si vous lisez toutes les invites, il n'y a que le Conseil d'Etat qui puisse y répondre. Je ne veux pas me désolidariser des autres signataires, mais je vous propose d'avoir une brève réflexion sur le sujet et de choisir plutôt le Conseil d'Etat.
Puisque j'ai la parole, je tiens à remercier, en tant qu'ancienne présidente, tous mes collègues pour l'excellent travail qui a été fait l'année dernière. Le consensus sur le rapport n'est pas un consensus rapide. Ce furent des discussions fortes et riches et où toutes les sensibilités se sont exprimées. Si nous sommes arrivés à nous mettre d'accord, c'est parce qu'il y avait une réelle volonté d'arriver à des solutions. Et je voulais vous en remercier !
Mme Esther Alder (Ve). Si nous avons demandé le renvoi de la motion 1316 à la commission des visiteurs, c'était pour voir concrètement quel dispositif pourrait être mis en place pour répondre à tous ces problèmes. Si l'on peut effectivement recevoir une réponse claire du Conseil d'Etat sur des réalisations concrètes par rapport à cette motion, si les autres partis sont d'accord pour un renvoi au Conseil d'Etat, je ne m'y opposerai pas, mais je voudrais personnellement que M. Ramseyer nous donne vraiment une garantie claire par rapport aux différentes invites.
Le président. Si cette motion allait au Conseil d'Etat et que le Conseil d'Etat était prêt à y répondre, en seriez-vous satisfaite ? Vous n'attendez pas une réponse maintenant, Madame ?
Mme Esther Alder. Ce que nous souhaiterions, c'est que M. Ramseyer déclare publiquement ses intentions par rapport à cette motion et qu'il établisse aussi des délais. Il ne faudrait pas que nous attendions des années avant que des choses concrètes soient effectuées.
M. Albert Rodrik (S). Il ne faut pas que cette affaire-là soit encore une motion perdue dans un tiroir. La situation qui a perduré pour ces jeunes placés dans un milieu carcéral fait pour adultes est telle que l'on a aujourd'hui besoin d'un engagement. Ce n'est pas une réponse donnée dans les six mois de notre règlement dont nous avons besoin, mais dans un délai ultra-rapide. C'est de cela qu'il s'agit. Après, on passera au vote.
M. Gérard Ramseyer. C'est relativement simple, je croyais d'ailleurs y avoir répondu, mais je le confirme volontiers. Le problème des mineurs ne date premièrement pas d'aujourd'hui. Deuxièmement, c'est un problème extrêmement fluctuant. Troisièmement, j'ai pris la liberté l'été dernier, en 1999, de vérifier s'il y avait une solution romande. Nous aurons à ce sujet une prise de position claire et nette des différents cantons. Ce sera en mars prochain. Nous avons par ailleurs déjà exploré d'autres pistes, avec le groupe GeoDe en particulier. Mais ce sont des pistes qui visent soit des transformations de maisons, soit des constructions de maisons. Or, vous êtes suffisamment aguerris pour savoir que ce ne sont pas des choses qui se font en deux semaines. Dès lors, si vous voulez de ma part un engagement, une réunion de la commission des visiteurs officiels avec un timing de ce que l'on peut faire, mais raisonnablement, je le fais sans problème. C'est un délai d'une quinzaine de jours. Ce n'est pas un problème, mais ça figure déjà dans le rapport. Nous avons déjà lancé ce genre de réflexion.
Je vous rejoins totalement sur le fait que c'est un problème qui est grave. Mais on ne peut pas le traiter comme ceci en quelques jours, parce que c'est un travail relativement long. Je viens volontiers lors la prochaine séance de la commission pour donner le timing et l'état des travaux en cours.
M. Albert Rodrik. Et un programme de travail !
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons passer au vote. Je prends d'abord le rapport divers 348. Il vous est proposé d'en prendre acte.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le président. Concernant la motion 1316, il a été proposé par divers intervenants un renvoi à la commission des visiteurs. Est-ce que cette demande est encore soutenue ?
Des voix. Non !
Le président. Tel n'est pas le cas, je propose donc l'acceptation de cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1316)concernant les mineur-e-s détenu-e-s à Champ-Dollonet Riant-Parc
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
l'augmentation des cas traités par le Tribunal de la jeunesse ;
la présence constante de mineurs, garçons et filles, détenus à titre préventif dans la prison de Champ-Dollon et la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc ;
l'absence évidente de structures et services spécialisés pour la prise en charge de ces mineurs dans ces deux établissements ;
la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la Suisse le 24 février 1997, qui exige que le lieu de détention offre toujours des conditions respectueuses de l'intérêt et des droits des mineurs ; de plus, la détention d'un mineur doit toujours être une solution de dernier recours et de la durée la plus brève possible ;
le fait que La Clairière, établissement accueillant les mineurs soupçonnés d'infractions pénales, est le plus souvent pleine et que sa reconstruction ne permettra la mise à disposition que de quatre places supplémentaires ;
le manque de places dans des foyers ouverts ou fermés dans lesquels les juges du Tribunal de la jeunesse pourraient placer les mineurs en fonction des besoins de ceux-ci et des exigences d'une bonne administration de la justice ;
l'insuffisance d'alternatives à la détention préventive des mineurs ;
invite le Conseil d'Etat
à mettre tout en oeuvre pour que des mineurs ne soient pas mis en détention à Champ-Dollon et à Riant-Parc, et dans l'intervalle à améliorer dans les meilleurs délais les conditions de détention de ceux-ci tant à Champ-Dollon qu'à Riant-Parc, en accord avec les exigences du droit international ;
à évaluer les besoins en matière de places et de structures d'accueil lorsque les derniers nommés doivent faire l'objet d'un placement hors de leur famille ;
à proposer, sur cette base, une politique de prise en charge adéquate des mineurs, sans discrimination d'aucune sorte, y compris en matière d'alternatives à la détention préventive, et à évaluer les moyens nécessaires à la réalisation de cette politique ;
à entreprendre une étude sur l'évolution des cas d'infractions à la loi pénale commis par des mineurs au cours des dernières années et à mettre cette information à disposition des milieux professionnels et de la population.
Le président. Je prends à présent les deux pétitions. Concernant la pétition 1226 pour améliorer les conditions de vie des prisonniers à Champ-Dollon, deux propositions vous sont faites, le renvoi au Conseil d'Etat, par la rapporteuse Mme Cuénod, et le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, par M. Vaucher.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (renvoi de la pétition 1226 au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Le président. Il vous est ensuite proposé de déposer la pétition 1228 pour l'installation du câble à Champ-Dollon sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (dépôt de la pétition 1228 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Si notre civilisation urbaine ou notre culture moderne a cherché à évacuer la face visible de la mort dans notre société, la mort n'en reste pas moins la seule certitude de la vie. Le Grand Conseil, par l'adoption le 27 mai 1999 de la motion M 1197-A, déposée le 3 mars 1998, et de deux projets de loi relatifs aux soins palliatifs (les PL 8008 et 8009, adoptés conformément à l'article 93 de la Constitution), a rappelé fort opportunément que chacun a le droit de mourir dans la dignité et que les souffrances doivent être combattues dans la mesure où elles le peuvent.
En date du 1er mars 1999, le Conseil d'Etat a constitué une commission d'experts chargée d'examiner la situation des soins palliatifs dans le canton de Genève. Le 16 septembre 1999, le Conseil d'Etat a communiqué le rapport final de cette commission aux députés membres de la Commission de la santé du Grand Conseil en même temps qu'il en rendait les conclusions publiques sous le titre : « Accompagner la vie jusqu'à la mort : le réseau genevois de soins palliatifs ». Ces conclusions, qui figurent sous la lettre A ci-dessous, doivent être considérées tant comme la réponse du Conseil d'Etat à la motion 1197-A, qui lui a été renvoyée le 27 mai 1999, que comme l'exposé des motifs de l'intégration de la notion de soins palliatifs dans la loi sur les établissements publics médicaux et dans la loi sur l'aide à domicile. Les deux projets de loi qui concrétisent cette intégration dans les lois précitées, que le Conseil d'Etat présente conformément à l'article 94 de la Constitution, font l'objet d'un commentaire article par article sous lettre B.
Préconsultation
Mme Louiza Mottaz (Ve). Le 27 mai 1999, notre Grand Conseil a adopté deux projets de lois relatifs aux soins palliatifs. Issus de la commission de la santé lors du traitement de la motion 1197 et soutenus à l'unanimité par les commissaires, ces deux projets - le 8008 et le 8009 - avaient pour but d'inscrire les soins palliatifs dans la loi sur les établissements publics médicaux et la loi sur l'aide à domicile. A partir de l'article 2 alinéa 1 de la loi sur les établissements publics médicaux, qui stipule que les établissements fournissent à chacun les soins que son état requiert, je me suis alors dit qu'il fallait spécifier ce concept de soins afin que chacun puisse effectivement recevoir des soins adéquats.
Permettez-moi de vous rappeler que le terme soin a plusieurs acceptions possibles. Il peut être entendu et usité en tant qu'attention, application à quelque chose - objet travaillé avec soin - ou encore dans le sens d'avoir soin, prendre soin de, être attentif à, veiller sur, mais aussi moyen par lequel on s'efforce de rendre la santé à un malade. Le plus souvent, c'est dans ce dernier sens que l'idée du soin est comprise. Orienté vers la guérison, le soin doit être curatif. Pourtant, malgré les progrès considérables de la médecine, bon nombre de maladies restent encore incurables et la mort notre perspective commune.
Dans ces circonstances, faut-il dès lors ne rien faire ou bien coexister avec son impuissance et substituer le palliatif au curatif, soigner non plus seulement pour guérir, mais aussi pour prendre soin de, être attentif à ? Pendant longtemps, l'unique but des soins a été la santé, la mort étant l'ennemi. Fondamentalement humaniste, les soins palliatifs renoncent à traiter la mort en ennemi et développent une nouvelle stratégie, une stratégie de l'acceptation de la finitude. Il s'agit donc de privilégier la meilleure qualité de vie possible, plutôt que la quantité, par des soins adaptés en permanence à l'évolution de la maladie et aux symptômes qu'elle provoque. Parce qu'ils contribuent au respect de la dignité, parce qu'ils consistent à faire oeuvre de solidarité en aidant celui qui souffre ou qui s'en va, les soins palliatifs doivent s'exercer et être prodigués à toutes les personnes qui en ont besoin. Pour ce faire, il est indispensable que les soins palliatifs soient partie intégrante des soins et figurent de manière explicite dans la mission des établissements publics médicaux et des services d'aide et de soins à domicile. Leur pratique ne saurait dépendre du bon vouloir de quelques-uns. Ils doivent avoir leur place dans notre politique sanitaire.
Mesdames et Messieurs, cette dernière phrase est importante. Nous avons voulu aller au-delà des tergiversations et des conflits des uns et des autres, qui font qu'en vingt ans des soins qui étaient reconnus dans notre canton et au-delà de nos frontières ne sont plus, à l'heure actuelle, cités en exemple. Alors, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat peut, six mois après, nous présenter deux nouveaux projets de lois juridiquement corrects en arguant du fait que les nôtres - je vous cite, Monsieur Segond - « ont été faits hors la présence du Conseil d'Etat, qu'ils étaient maladroits, brisaient la cohérence législative et qu'ils introduisaient sans le vouloir une définition restrictive des soins dispensés en même temps qu'un jargon dangereux - aide aux malades sur le plan bio, psycho, social et spirituel. »
Monsieur le conseiller d'Etat, nous acceptons volontiers toutes vos considérations sur notre travail, car vous reconnaissez finalement que, nonobstant nos maladresses, la cause que nous défendons est juste. De fait, nous obtenons ce que nous souhaitions, à savoir la reconnaissance formelle et par conséquent la progression dans notre canton des soins palliatifs. Sachez, Monsieur Segond, que nous veillerons à leur bonne application. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande d'accepter un vote immédiat sur ces deux projets de lois présentés par le Conseil d'Etat et je vous en remercie.
Le président. Mesdames, Messieurs, il est proposé par Mme Mottaz une discussion immédiate sur ces deux projets de lois.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je voudrais simplement dire que l'auteur de la motion 1197-B se félicite que le Conseil d'Etat mette un point d'orgue à la mise en oeuvre d'une véritable politique des soins palliatifs dans le canton. C'est une véritable reconnaissance de l'engagement très soutenu de certains députés qui attendaient depuis si longtemps un dispositif pour le bien vivre ou le bien mourir de nos concitoyens. Il ne restera plus au Conseil d'Etat qu'à soutenir la promotion des soins palliatifs pour la réalisation d'un véritable réseau, ce qui sera la garantie d'un consensus entre les différents acteurs concernés. Le groupe radical accepte avec enthousiasme ces deux projets de lois et prend acte de la motion.
M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe se réjouit également de la concordance de vues entre l'exécutif et notre parlement. Il est vrai que la modification apportée par le Conseil d'Etat nous paraît quelque peu cosmétique, mais j'admets tout à fait la cohérence juridique et l'expérience des responsables du gouvernement dans cette affaire. Je me réjouis que les soins palliatifs aient leur place dans le dispositif de soins.
PL 8168
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8168)modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 05) (soins palliatifs)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modification
La loi sur les établissements publics médicaux, du 19 septembre 1980, est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 2, lettre e (nouvelle)
Article 2 Abrogation
La loi, du 27 mai 1999, modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (K 2 05), du 19 septembre 1980, est abrogée.
PL 8169
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8169)modifiant la loi sur l'aide à domicile (K 1 05) (soins palliatifs)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modification
La loi sur l'aide à domicile, du 16 février 1992, est modifiée comme suit :
Art. 2, al. 3, lettre a (nouvelle teneur)
Article 2 Abrogation
La loi, du 27 mai 1999, modifiant la loi sur l'aide à domicile (K 1 05), du 16 février 1992, est abrogée.
M 1197
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 But
1 La présente loi a pour but de contribuer à la maîtrise des coûts de la santé tout en favorisant la garantie de la qualité des soins et l'adéquation de certaines mesures diagnostiques ou thérapeutiques particulièrement coûteuses ou difficiles.
2 A cet effet, elle traite de l'acquisition, de la mise en service et de l'utilisation des équipements techniques lourds ou d'autres équipements de médecine de pointe (ci-après : les équipements) dans le domaine hospitalier et dans le domaine ambulatoire, public et privé.
Art. 2 Equipements
1 Sont des équipements au sens de l'article 1, ceux dont l'acquisition, l'utilisation ou l'entretien génèrent des coûts particulièrement élevés, notamment les équipements techniques lourds et d'autres équipements de médecine de pointe, utilisés à des fins de diagnostic ou de traitement.
2 Sont en tout cas des équipements au sens de l'article 1, ceux dont le coût d'acquisition, y compris les frais d'installation, indépendamment du mode de financement prévu, dépasse un million de francs.
3 Le Conseil d'Etat établit la liste des équipements concernés, qui est périodiquement mise à jour.
Art. 3 Personnes concernées
L'acquisition, la mise en service et l'utilisation des équipements ne peuvent être opérées que par des fournisseurs de prestations au sens des articles 35 et suivants de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994.
Art. 4 Autorisation
1 L'acquisition, y compris tout acte économique ou juridique équivalant à une acquisition, la mise en service et l'utilisation des équipements sont soumis à une autorisation du Conseil d'Etat.
2 Le remplacement ou le renouvellement des équipements, y compris de ceux qui sont en service au moment de l'entrée en vigueur de la loi, sont également soumis à autorisation. Les équipements en service doivent être annoncés spontanément au département de l'action sociale et de la santé (ci-après le département) dans un délai de soixante jours dès l'entrée en vigueur de la loi.
Art. 5 Demande d'autorisation
1 La demande d'autorisation, dûment motivée, est adressée au département, accompagnée des pièces justificatives.
2 Le requérant doit notamment démontrer que l'équipement qu'il entend acquérir ou mettre en service répond à un besoin de santé publique. Il doit justifier des qualifications et du personnel nécessaires pour en assurer le fonctionnement.
3 Il joint à sa demande une étude financière de rentabilisation permettant d'évaluer les coûts induits.
4 Le département peut exiger que le requérant lui fournisse tout autre renseignement utile, notamment sur le niveau technique et les performances de l'équipement envisagé.
Art. 6 Décision du Conseil d'Etat
1 Le Conseil d'Etat statue à bref délai sur la demande d'autorisation après avoir consulté les fédérations de fournisseurs de prestations et d'assureurs, ainsi que des spécialistes ou d'autres intéressés s'il l'estime utile.
2 Il accorde l'autorisation, à moins que :
3 Le Conseil d'Etat peut assortir l'autorisation de charges et de conditions.
4 La décision du Conseil d'Etat peut faire l'objet d'un recours de droit adminstratif auprès du Tribunal administratif, conformément à l'article 56a, alinéa 2 de la loi d'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941.
Art. 7 Durée de l'autorisation
L'autorisation est accordée pour une durée limitée qui est fixée d'après la période usuelle d'amortissement des équipements.
Art. 8 Inefficacité
1 Tout acte juridique soumis par la présente loi à une autorisation demeure sans effet lorsqu'il est conclu en l'absence d'une telle autorisation entrée en force.
2 Les prestations promises ne sont en ce cas pas exigibles. L'acte devient valable par l'entrée en force de l'autorisation.
Art. 9 Nullité
1 Tout acte juridique soumis par la présente loi à une autorisation est nul si une telle autorisation est refusée, de même que s'il est exécuté avant l'entrée en force de cette autorisation.
2 La nullité de l'acte juridique entraîne l'obligation de restituer les prestations déjà fournies.
3 L'action en restitution peut être intentée soit par les parties, soit par le département, dans un délai de cinq ans dès la fourniture de la prestation qui en est l'objet. Les frais de l'action intentée par le département doivent être mis à la charge des parties.
Art. 10 Mise hors service des équipements pour défaut d'autorisation
1 Le Conseil d'Etat intime l'ordre de mettre immédiatement hors service tout équipement au sens de l'aricle 1 utilisé sans autorisation en vigueur.
2 A défaut d'exécution spontanée, il peut être fait appel à la force publique ; dans ce cas, le Conseil d'Etat fait procéder à l'apposition de scellés.
Art. 11 Suspension et retrait de l'autorisation
1 En cas d'infraction à la présente loi ou aux conditions et charges auxquelles est subordonnée l'autorisation, le Conseil d'Etat peut, en tenant compte de la gravité de l'infraction ou de sa réitération, prononcer les sanctions suivantes à l'endroit du bénéficiaire de l'autorisation :
2 Lorsqu'il a prononcé le retrait de l'autorisation, le Conseil d'Etat ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande d'autorisation d'acquisition, de mise en service ou d'utilisation d'équipements au sens de l'article 1 pendant un délai de deux ans à compter du jour où la décision de retrait est entrée en force.
Art. 12 Amende administrative
1 Le Conseil d'Etat peut infliger une amende administrative de 100 F à 200 000 F, indépendamment du prononcé des autres sanctions prévues au présent chapitre, en cas d'infraction à la présente loi, à ses dispositions d'exécution ou aux charges et conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation.
2 Si l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en commandite, d'une société en nom collectif ou d'une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu'il n'apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables.
Art. 13 Principe
L'examen des demandes d'autorisations prévues par la présente loi donne lieu à perception d'émoluments, mis à la charge des requérants.
Art. 14 Montant
1 Le montant des émoluments est fixé par le règlement d'exécution; il est au minimum de 500 F et au maximum de 5 000 F.
2 La limite maximale fixée à l'alinéa 1 est adaptée à l'évolution du coût de la vie calculée à partir de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, selon l'indice genevois des prix à la consommation.
Art. 15 Recouvrement
Conformément aux dispositions générales de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, les décisions définitives infligeant une amende administrative ou imposant le paiement d'un émolument sont assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889.
Art. 16 Exécution
Le Conseil d'Etat édicte les dispositions nécessaires à l'application de la présente loi.
Art. 17 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le Conseil d'Etat a présenté, le 27 août 1997, un rapport sur la politique de santé et la planification sanitaire pour les années 1998 à 2001 (RD 281).
A ce rapport était annexé un avis de droit très circonstancié que le Conseil d'Etat avait demandé à M. Peter Saladin, professeur à l'Université de Berne, aujourd'hui décédé, spécialisé dans l'étude des droits fondamentaux et des problèmes que pose la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. Cet avis de droit est arrivé entre autres aux conclusions que les cantons sont compétents pour introduire dans leur législation une clause du besoin pour l'acquisition d'appareils thérapeutiques ou diagnostiques, et qu'une telle mesure, examinée à la lumière de la liberté du commerce et de l'industrie, apparaît « dans les circonstances actuelles déjà » … « raisonnablement apte à limiter les coûts de la santé ».
Le 5 novembre 1998, le Grand Conseil a adopté ce rapport et demandé au Conseil d'Etat de procéder à une large consultation en vue d'instituer une clause du besoin pour l'acquisition de certains équipements médicaux.
Le présent projet de loi fait suite à cette décision. Il est à remarquer que le 2 février 1998, le Grand Conseil de la République et canton de Neuchâtel avait adopté une loi portant révision de la loi de santé, qui assujettit désormais à l'autorisation du Conseil d'Etat « la mise en service d'équipements techniques lourds ou d'autres équipements de médecine de pointe, dans le domaine hospitalier ou ambulatoire, public ou privé, pour assurer la maîtrise des coûts de la santé et pour sauvegarder un intérêt public prépondérant ».
La maîtrise des coûts de la santé a été l'un des principaux objectifs de l'oeuvre législative concrétisée par la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance maladie.
Selon le Conseil fédéral, il s'agissait d'éviter que la part du revenu national consacrée à la santé ne croisse indéfiniment (Feuille fédérale 1992 I p. 109, N° 221). Les coûts de la santé en Suisse sont en effet parmi les plus élevés du monde. Dans le canton de Genève, ils sont parmi les plus élevés de Suisse. Le montant moyen de la prime d'assurance maladie est dans notre canton le plus élevé du pays.
L'augmentation des coûts de la santé tient pour une part non négligeable au développement d'infrastructures de plus en plus complexes dans le domaine de la médecine de cabinet, dans le secteur hospitalier, public et privé, et dans le domaine des soins ambulatoires.
Dans les domaines où l'Etat est directement impliqué - principalement dans les hôpitaux publics, les établissements médico-sociaux et l'aide à domicile - des efforts de rationalisation importants ont été entrepris.
Il serait cependant vain de chercher à parvenir à une maîtrise des coûts de la santé si l'on ne porte pas une attention particulière à l'installation dans l'ensemble du canton de certains équipements techniques médicaux qui sont particulièrement générateurs de dépenses élevées.
Or, faute d'un régime d'autorisation , l'autorité cantonale, qui a la responsabilité de la politique de santé, n'a même pas une connaissance exacte du nombre de certains de ces équipements actuellement en service à Genève.
Seuls les chiffres relatifs aux IRM sont connus avec certitude. Ainsi, en 1998, la densité d'IRM était de :
a) 4 IRM par million d'habitants en France et en Grande-Bretagne ;
b) 5 IRM par million d'habitants en Espagne ;
c) 6 IRM par million d'habitants en Italie ;
d) 9 IRM par million d'habitants en Suède ;
e) 10 IRM par million d'habitants en Allemagne ;
f) 14 IRM par million d'habitants en Suisse ;
g) 23 IRM par million d'habitants dans les cantons de Genève et de Vaud !
La forte densité de ces équipements techniques médicaux confine au gaspillage. Elle ne peut plus se développer davantage, à moins de mettre en péril l'équilibre financier du système de santé dans le canton.
C'est pourquoi le Conseil d'Etat examine ci-après les différents moyens d'agir, soit :
- d'une part, par une action sur le volume des prestations et sur leur prix ;
- d'autre part, par une action sur l'offre.
Enfin, au terme de cet examen, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil de soumettre l'acquisition, l'utilisation et l'entretien des équipements médicaux coûteux à une autorisation qui serait refusée s'il est démontré que ces équipements ne répondent pas à un besoin avéré.
A Genève, de 1991 à 1996, la population du canton a passé de 384.657 habitants à 400.399 habitants (+ 4,09 %).
Durant le même temps, le nombre de consultations :
a) chez les gynécologues a passé de 173.446 à 172.265 consultations
(- 0,6 %) ;
chez les pédiatres a passé de 175.086 à 180.228 consultations
(+ 2,85 %) ;
chez les médecins généralistes a passé de 338.637 à 375.700 consultations (+ 10,94 %) ;
chez les radiologues a passé de 7.300 à 12.375 consultations
(+ 69,52 %) ;
Toujours dans le même temps :
a) les journées d'hospitalisation dans les Hôpitaux universitaires de Genève ont passé de 916.452 à 829.964 journées (- 9,43 %) ;
le nombre de postes à plein temps dans les Hôpitaux universitaires de Genève a passé de 8.172 à 7.763 postes (- 5 %).
Enfin, le nombre de consultations ambulatoires (permanences, policliniques et ambulatoire des Hôpitaux universitaires de Genève) a passé de 276.152 à 457.515 consultations (+ 65,67 %).
En ce qui concerne les équipements médicaux lourds et de médecine de pointe, la LAMal a apporté et apportera encore un certain nombre de changements :
De manière générale, la maîtrise des dépenses sanitaires - quelle que soit leur catégorie - exige en principe des actions conjointes sur le volume des prestations effectuées et sur leur prix. De manière particulière, en ce qui concerne les équipements lourds et de médecine de pointe, les nouveautés introduites par la LAMal permettent un meilleur contrôle de la pertinence des prestations, ainsi qu'une régulation par les tarifs.
Toutefois, du niveau actuel d'équipement et des relations complexes entre offre et demande, ces mesures ne sauraient à elles seules résoudre le problème de l'offre et du volume de prestations qui en découle, pour des raisons qui sont reprises au chapitre 4.
Une action sur l'offre, complémentaire à la régulation par les tarifs et par un contrôle des prescriptions, s'avère indispensable, pour les raisons suivantes :
De manière générale, une « politique » d'investissement non coordonnée et non maîtrisée comporte les risques suivants :
Un contrôle de la pertinence des prescriptions médicales est nécessaire, mais pas forcément suffisant pour juguler les effets de l'offre sur la demande.
Des études comparatives approfondies, reprises récemment en Suisse par le prof. G. Domenighetti, chef du service de la santé publique du canton du Tessin, ont montré de fortes variations d'utilisation des différentes prestations de santé d'un pays à l'autre. Par exemple, pour certaines interventions, nos voisins français sont opérés deux fois moins que les Suisses.
Ces études ont suscité des critiques de la part du corps médical, mais leurs résultats sont cohérents avec ceux d'autres chercheurs. Rien ne permet de dire que leurs conclusions générales sont infondées. Par ailleurs, de nombreux médecins admettent que, dans un passé récent, certaines interventions (par exemple l'ablation des amygdales et l'ablation de l'utérus) étaient pratiquées nettement trop fréquemment, sans indications médicales suffisantes.
De telles variations dans les pratiques peuvent certainement exister aussi en matière d'utilisation des équipements lourds et de médecine de pointe. Il est même très probable que ce soit le cas lorsque l'on considère les écarts considérables de densité en IRM présentés au chapitre 2. Dès lors, il faut considérer qu'une offre surabondante se traduit - en raison de la conjonction de facteurs qui impliquent à la fois les attentes de la population, les caractéristiques des pratiques médicales et les soucis de rentabilité des exploitants - par un volume de prestations supérieur à celui qui prévaudrait avec un niveau de l'offre plus raisonnable.
Une offre excessive se traduit par des surcoûts d'investissements et d'exploitation. Le volume de prestations supérieur qui en découle engendre des coûts supplémentaires pour les payeurs. Par ailleurs, une pléthore d'appareils constitue potentiellement un gaspillage collectif.
S'agissant des rapports entre la prolifération de l'offre et la qualité des prestations, deux risques sont à considérer :
De manière générale, il faut rappeler que les pays qui dépensent le plus pour les services de santé n'ont pas nécessairement les meilleurs niveaux de santé (notamment en ce qui concerne l'espérance de vie et la mortalité). Par exemple, les Etats-Unis consacrent aux services de santé un pourcentage de leur revenu national deux fois plus important que celui de la Grande-Bretagne et du Japon sans pour autant atteindre leur niveau de santé. De même, la Suisse, qui vient en deuxième place des dépenses sanitaires, n'affiche pas de supériorité concluante en terme d'indicateurs sanitaires par rapport à ses voisins.
Une clause du besoin est-elle acceptable pour la population genevoise qui s'est habituée à un accès immédiat à toutes les prestations, même les plus pointues ? Il est vrai que des délais indus ne doivent pas être imposés à des personnes nécessitant des soins en urgence. Par contre, dans de nombreuses situations, compte tenu des contraintes financières actuelles, la population doit comprendre que, pour des actes sans caractère d'urgence immédiate, une certaine attente est admissible pour des prestations programmées.
Dans tous les cas, on peut affirmer qu'aujourd'hui, personne ne peut démontrer qu'une diminution de la densité excessive d'équipements médico-techniques lourds dans le canton entraînerait une péjoration de la santé de la population.
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil d'Etat a la conviction qu'il s'agit de soutenir les innovations de la loi fédérale relatives au contrôle de la pertinence des prescriptions et à l'introduction d'un tarif national par une action complémentaire sur l'offre, qui permette de contenir les risques énumérés ci-dessus et de maîtriser les coûts associés à ce secteur d'activité.
En se soumettant à une clause du besoin pour la mise en service d'équipements techniques lourds ou d'autres équipements de médecine de pointe, les acteurs du système de santé - des secteurs public et privé - contribuent à l'effort visant à contenir la hausse des coûts de la santé, ainsi qu'à une utilisation optimale et rationnelle du parc d'équipements médico-techniques.
La compétence du canton pour adopter cette réglementation n'est pas contestable.
En vertu de l'article 3 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (Cst.), norme reprise sous le même chiffre par la Constitution fédérale du 14 avril 1999 (N. Cst.) qui devrait entrer en vigueur le 1er mars 2000, les cantons sont en effet compétents dans toutes les matières que la Constitution n'a pas attribuées à la Confédération. Lorsqu'une matière déterminée a été attribuée à la Confédération, les cantons demeurent compétents dans toute la mesure où la Confédération n'a pas fait usage de sa compétence.
La compétence de légiférer dans le domaine de la santé publique est partagée entre la Confédération et les cantons.
La Confédération s'est vu attribuer la compétence législative en matière d'assurance maladie (art. 34 bis Cst. et 117 N. Cst.), compétence dont elle a fait largement usage en adoptant la LAMal. Elle a également réglementé, à partir de l'art. 33 al. 2 Cst., l'exercice des professions médicales sur l'ensemble du territoire de la Confédération.
En revanche, les cantons demeurent compétents en matière de planification hospitalière, dans les limites de l'art. 39 LAMal, dont l'art. 39 al. 1 lit. d leur commande de prendre en considération les organismes privés dans le cadre de la planification qu'ils établissent.
Pour le surplus, l'entrée en vigueur de la LAMal a souligné les responsabilités des cantons dans la maîtrise des coûts de la santé, maîtrise que les fournisseurs de prestations doivent contribuer à assurer en veillant au caractère économique des prestations qu'ils doivent accomplir (art. 54 et 57 LAMal).
L'opinion émise le 18 septembre 1984 par l'Office fédéral de la justice dans le cadre d'une révision partielle de la LAMal demeure donc pleinement valable, aux termes de laquelle les cantons ont un intérêt vital à ce que leurs dépenses de santé soient maintenues dans des limites convenables (JAA 1984, p. 493, ch. 112).
La conclusion à laquelle est arrivé l'avis de droit du professeur Saladin pour qui les cantons ont la compétence d'introduire des clauses du besoin en matière d'hôpitaux et d'équipements hospitaliers reste donc actuelle après l'entrée en vigueur de la LAMal.
Que le législateur ait renoncé à introduire dans celle-ci une clause du besoin pour l'ouverture d'établissements médicaux et hospitaliers n'est nullement décisif du point de vue de la compétence, dès lors que le texte de cette loi n'a pas exclu que les cantons prennent à leur compte une telle mesure pour autant qu'elle respecte les droits constitutionnels des citoyens et, nommément, la liberté du commerce et de l'industrie garantie par l'art. 31 Cst. (liberté économique au sens de l'art. 27 N. Cst.).
La liberté du commerce et de l'industrie protège toute activité économique qui tend à réaliser un gain ou un revenu et, en particulier, les professions de la santé pour autant naturellement qu'elles ne soient pas exercées au titre d'une fonction publique (ATF 118 I 176; 113 I 97). La liberté du commerce et de l'industrie exclut que l'exercice pratique d'une profession soit entravé indûment.
Les restrictions à la liberté du commerce et de l'industrie doivent - à l'instar de toutes restrictions aux droits fondamentaux - respecter le principe de la légalité. En d'autres termes, l'exercice d'une activité économique ne peut être limité que par la loi.
Les exigences de ce principe diffèrent selon la gravité de la restriction envisagée. Ainsi, la restriction constituée par l'obligation de soumettre l'achat d'un appareil médical technique à une autorisation de l'autorité administrative n'est pas d'une gravité comparable à l'interdiction d'exercer une profession, qui résulte par exemple de l'application d'une clause du besoin pour l'ouverture d'un cabinet médical. Il n'est donc pas nécessaire qu'en l'occurrence la base légale ait la même précision que celle sur laquelle se fonderait une telle clause.
Le présent projet de loi n'en a pas moins une forte densité normative et apporte une réponse précise aux principales questions que peuvent et doivent se poser le requérant et l'autorité administrative au moment où se présente un cas d'application. Il dit notamment quels sont les appareils soumis à autorisation, la qualité que doivent revêtir les exploitants et les critères d'appréciation de l'autorité administrative. Elle définit aussi de manière suffisante la procédure à suivre.
Les restrictions que les cantons ont la compétence d'apporter à la liberté du commerce et de l'industrie doivent en outre être justifiées par un intérêt public prépondérant. Elles peuvent poursuivre des buts de police ou de politique sociale. Elles ne peuvent en revanche poursuivre des buts de politique économique, et constituer des mesures dirigistes faisant obstacle à la libre concurrence.
Ces restrictions sont en particulier inconstitutionnelles lorsqu'elles tendent à favoriser ou à protéger certains agents économiques ou certains groupes d'agents économiques. De ce point de vue, la liberté du commerce et de l'industrie est, dans une certaine mesure, un cas d'application spécial du droit à l'égalité consacré à l'art. 4 Cst. (art. 8 N. Cst.) (voir ATF 121 I 129).
Les objectifs du projet de loi, tels qu'ils sont définis à son art. 1 al. 1, ressortissent clairement à la politique sociale. L'intérêt public qu'ils représentent est de ceux qui ont été pris en compte dans la confection de la législation fédérale sur l'assurance maladie (cf. art. 54, 56 s, 58 LAMal). La nécessité dans laquelle se trouve le canton de sauvegarder cet intérêt public hautement digne de protection fait passer au second plan les effets secondaires d'une telle restriction dans le domaine de la concurrence.
Au contraire de l'interdiction de pratiquer qui pourrait résulter de facto de l'application d'une clause du besoin pour l'ouverture d'un cabinet médical, le refus d'une autorisation pour l'acquisition d'un appareil n'exclut pas, comme on l'a vu, l'activité médicale. Elle présente certes pour l'exercice de cette activité des inconvénients et, en premier, lieu l'obligation de devoir envoyer un patient dans un établissement ou un cabinet équipés de l'appareil concerné : c'est là un inconvénient que subiront toujours, par la nature des choses, les praticiens dans leur majorité.
Ce qui compte de ce point de vue c'est que l'existence d'un besoin suffit à permettre de disposer de l'appareil concerné, à moins que des impératifs de police sanitaire ne s'y opposent ou que les coûts induits ne soient manifestement disproportionnés par rapport à l'avantage sanitaire attendu (art. 6 al. 2 du projet).
L'entrave apportée ainsi à l'équipement d'un fournisseur de prestations n'est en tout cas pas une intervention majeure dans le champ de la concurrence qui l'emporterait sur l'intérêt public à la limitation des coûts de la santé par une répartition rationnelle dans le territoire cantonal des équipements médicaux à la disposition des patients.
Les restrictions à la liberté du commerce et de l'industrie doivent enfin respecter aussi le principe de la proportionnalité : elles doivent être appropriées au but d'intérêt public visé et ne pas aller au-delà de ce qu'exige ce but.
Il n'est pas contestable que l'accroissement excessif du volume des fournisseurs de prestations entraîne une extension inutile du volume de ces dernières et, par conséquent, une progression des frais d'administration de la santé publique, comme le relevait le Conseil fédéral dans son Message à l'appui de sa proposition tendant à l'introduction d'une clause du besoin pour l'admission de pratiquer à la charge de l'assurance maladie (FF 1992 I 171 au milieu).
L'expérience générale montre qu'il en va de même de la multiplication inconsidérée du nombre de certains équipements médicaux générateurs de dépenses élevées.
Contrairement à certaines opinions émises au cours de la procédure de consultation, le projet de loi ne tend pas à la raréfaction de la demande dans la mesure où l'on entend par-là la création d'une pénurie, voire une diminution tendancielle de la consommation. L'objectif n'est autre que d'éviter la pléthore et d'adapter les équipements aux besoins des consommateurs.
En effet, le domaine de la santé publique n'est pas un marché comme les autres : les consommateurs ne sont pas souvent à même d'y déterminer quels sont leurs besoins exacts vu les spécificités de l'activité médicale, qu'il s'agisse de l'établissement d'un diagnostic ou du traitement d'une affection. Le consommateur est dépourvu des moyens de réagir à la politique d'un établissement médical qui tendrait à augmenter la consommation pour des raisons de pure rentabilité.
L'autorité publique est seule capable de veiller à la prévention de tels dysfonctionnements.
Le projet de loi a opté pour une solution adéquate et minimale. Il prévoit en effet que la demande d'autorisation doit être traitée à bref délai et que l'autorisation peut être refusée seulement si l'Etat apporte la preuve que la requête ne répond pas à un besoin, que des impératifs de police sanitaire s'y opposent ou que les coûts induits sont manifestement disproportionnés par rapport à l'avantage sanitaire attendu. Le système ne porte donc qu'une atteinte légère à la liberté du commerce et de l'industrie. On ne voit pas quels moyens moins incisifs permettraient de sauvegarder de façon comparable l'intérêt public légitime qu'il tend à sauvegarder.
L'égalité de traitement a été évoquée sous un angle particulier au cours de la procédure de consultation. Ainsi, selon cette opinion, la soumission à l'autorisation instituée dans le projet de loi ne serait pas admissible pour les hôpitaux qui ne fournissent pas leurs prestations dans le cadre de l'assurance obligatoire, mais seulement dans le cadre de l'assurance complémentaire ou seulement à des personnes non soumises à l'assurance obligatoire : ni l'Etat, ni les assurances sociales ne sont en effet concernés par ces établissements hospitaliers ou par leurs coûts.
Cette objection est dénuée de fondement pratique : il n'existe en effet pas sur le territoire du canton de Genève de clinique privée qui n'ait pas demandé à figurer sur la liste des hôpitaux au sens de l'art. 39 LAMal et qui n'y ait pas été admise en l'état. Il ne peut en être autrement dès lors que l'assurance de base est obligatoire non seulement pour toutes les personnes domiciliées en Suisse conformément à l'art. 3 LAMal, mais aussi, en vertu de l'art. 1 OAMal pour les ressortissants étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour de trois mois au moins, qu'ils exercent ou non une activité lucrative.
Au demeurant, l'objection méconnaît la réalité économique. Si un fournisseur de prestations acquiert un appareil générateur de dépenses particulièrement élevées, il lui faudra, d'une façon ou d'une autre, amortir son investissement. Cette nécessité est de nature à entraîner un risque accru de surconsommation non seulement des prestations médicales faites avec le concours de l'appareil, mais aussi des prestations médicales qui en sont indépendantes. Elle oblige en tout cas le fournisseur de prestations à s'intéresser à la clientèle couverte par l'assurance obligatoire des soins, qui forme l'écrasante majorité des patients et qui représente par voie de conséquence un intérêt financier majeur.
En outre, est-il besoin de rappeler qu'il n'existe pas en Suisse d'assurance complémentaire indépendante de l'assurance de base ? Même pour un patient privé, c'est d'abord celle-ci qui intervient jusqu'à concurrence des forfaits facturés en division commune, le supplément seul étant pris en charge par l'assurance complémentaire.
6. Commentaire article par article
L'alinéa 1 définit le but d'intérêt public poursuivi par la loi . Il reprend pour cela des termes dont usent les art. 54, 55 et 58 LAMal. La Confédération n'ayant pas utilisé toutes les compétences qui sont les siennes en matière de maîtrise des coûts de la santé et de garantie de la qualité des prestations, le législateur cantonal montre ici, de façon implicite, qu'il est conscient de la concurrence des compétences fédérales et cantonales et qu'il entend agir dans le cadre de ces dernières.
La loi a pour objet non seulement l'acquisition des équipements techniques lourds ou des autres équipements de médecine de pointe, mais aussi leur mise en service et leur utilisation. Il s'agit notamment d'assurer l'égalité de traitement entre les fournisseurs de prestations exploitant les équipements concernés, quel que soit le régime juridique sur la base duquel ces équipements ont été mis à leur disposition. La loi perdrait de surcroît une partie de son efficacité si elle n'était pas applicable par exemple dans les cas où une personne acquiert ou loue l'un des équipements concernés par la loi sans le mettre elle-même en service. La mention de l'utilisation permet aussi d'assurer l'application de la loi au moment d'un renouvellement d'autorisation.
Pour rendre la lecture du texte légal plus aisée, le projet ne parle plus dans ses autres dispositions que « d'équipements » ou « d'équipements au sens de l'article 1 ».
Le Conseil d'Etat déterminera la liste des équipements concernés par cet article. Il pourra notamment s'agir des installations suivantes :
Cette disposition ne fait pas double emploi avec d'autres normes de la législation sur la santé publique. Elle a pour mérite d'insister sur les préoccupations d'intérêt public à la base de la présente loi, et surtout de prévenir l'intervention, dans ce point précis de la place du marché, d'opérateurs économiques qui ne devraient rien y faire.
La mise en service sans acquisition par l'exploitant doit être empêchée par tous les moyens légaux possibles.
En traitant ici la question du renouvellement avec inventaire des équipements existant, on règle tout le problème du droit transitoire et d'éventuels droits acquis.
Vu les motifs d'intérêt public à la base de la loi, il faut parmi les motifs réservés ajouter à ceux qui sont liés à la maîtrise des coûts de la santé, ceux qui sont liés à la garantie de la qualité des prestations.
L'autorisation doit être accordée à moins que ne soit établie la réalisation de l'une des conditions de refus énumérées.
Le principe de la proportionnalité justifie de donner à l'autorité administrative la possibilité d'assortir, dans des cas limites, l'autorisation de charges et de conditions au lieu de la refuser.
La décision du Conseil d'Etat peut faire l'objet d'un recours de droit administratif auprès du Tribunal administratif conformément à la clause générale de l'art. 56 a al. 2 introduite dans la loi d'organisation judiciaire par la loi du 11 juin 1999 (publication FAO du 18 juin 1999) dont cette modification, promulguée le 30 juillet 1999, devrait entrer en vigueur le 1er décembre 1999.
Le projet prévoit explicitement des sanctions civiles d'une part et des sanctions administratives d'autre part, qui toutes deux, dans la forme proposée, sont de la compétence du canton en vertu d'une jurisprudence constante (cf. en dernier lieu ATF 117 II 48 et 287).
La réglementation de l'inefficacité et de la nullité relève du droit public cantonal réservé au sens de l'art. 6 CC. Elle s'inspire de la solution choisie par le législateur fédéral à l'art. 26 LFAIE (RS 211.412.41), mais la simplifie dans la mesure du possible.
En soi, ces dispositions ne seraient pas nécessaires : en effet, le but de la loi implique inefficacité et nullité et, par conséquent, restitution des prestations fournies dans ce dernier cas.
L'absence de base légale rendrait cependant incertaine la mise en oeuvre de ces sanctions civiles. En vertu de la législation fédérale (66 CO), le législateur de droit public cantonal doit faire connaître de manière claire sa volonté d'ordonner que les prestations fournies puissent, en cas de nullité, être restituées (par répétition de l'argent ou par revendication de l'objet). Ce faisant, le législateur de droit public cantonal, à l'instar de ce qu'a fait le législateur de droit public fédéral édictant les dispositions citées de la LFAIE, entend donner plus de chances au rétablissement d'une situation conforme au droit.
Les dispositions prévues ici sur la nullité s'imposent d'autant plus que l'interdiction d'acquérir et de mettre en service des équipements sans autorisation ne s'applique qu'aux prestataires exerçant sur le territoire genevois et qu'en l'état de la jurisprudence et de la doctrine, rien ne permettrait de garantir, sans la base légale proposée, que les tribunaux prononcent ainsi la nullité avec ses conséquences.
A l'adresse de ceux qui s'inquiéteraient du résultat sévère de la solution proposée, on dira qu'en dépit de la nullité, la confiance digne de protection de l'un ou de l'autre des partenaires à un contrat nul pourrait être sanctionnée par un tribunal selon les règles applicables à la faute pré-contractuelle.
Les mesures et sanctions administratives instituées par la présente section sont semblables à celles prévues par toutes les lois récentes du droit administratif genevois.
L'institution d'une amende dans cette nouvelle loi implique qu'on fixe un maximum élevé, proportionné aux avantages escomptés par les fraudeurs et à l'importance des atteintes portées par la violation de la loi aux intérêts publics essentiels que celle-ci protège.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le présent projet de loi.
Préconsultation
Mme Louiza Mottaz (Ve). Chaque année, les coûts de notre système de soins augmentent et par conséquent les primes d'assurance-maladie. L'alibi à une telle situation étant que la santé n'a pas de prix, personne ne semble pouvoir juguler les coûts afin que notre santé ne devienne hors de prix. Nous croulons sous une avalanche de chiffres, souvent peu clairs et toujours sujets à polémique. C'est pourquoi, sans y aller par quatre chemins et pour éviter les faux-fuyants, je ne vous en citerai tout simplement aucun.
Médecins, médicaments, EMS, physiothérapeutes, laboratoires, chiropraticiens et autres coûtent plus cher et parfois beaucoup plus cher dans notre canton que dans les autres. Les hôpitaux stationnaires, ambulatoires et les soins à domicile coûtent moins à l'assurance-maladie, mais nous savons à quel point nous les subventionnons par le biais de nos impôts.
Mesdames et Messieurs, nous pouvons débattre sans fin et chercher absolument un coupable à une telle inflation des coûts de la santé. Chacun des prestataires de soins peut encore se renvoyer la balle. Mais il est un fait reconnu par tous, c'est que notre canton est suréquipé en tout et que l'offre crée la demande. La pléthore en matériel technique, sophistiqué, hypersophistiqué, en soignant de toutes sortes, n'est ignoré de personne. Et sans vouloir jeter l'anathème sur qui que ce soit, nous devons admettre qu'une bonne part de la médecine pratiquée actuellement à Genève est une médecine superfétatoire. Nous pouvons comprendre que chaque prestataire de soins veuille vivre de sa pratique, mais pas au risque d'une explosion de tout notre système. Sans instrument de contrôle, notre beau navire « soins » va à la dérive. Il nous faut des instruments pour redresser la barre et la clause du besoin en est un.
En 1993, le DASS a demandé un avis de droit au professeur Saladin en posant la question suivante : « Un canton peut-il introduire une clause du besoin ou d'autres restrictions pour certaines activités ou services sanitaires ? Est-il admissible en particulier de restreindre l'exercice d'une profession de la santé ? La question devrait être examinée notamment en ce qui concerne l'ouverture de nouveaux établissements et de nouveaux cabinets, ainsi que l'acquisition d'appareils diagnostiques ou thérapeutiques coûteux, du type imagerie à résonance magnétique, scanners, etc. ? » Le travail a été fait et, dans ses conclusions, le professeur Saladin indique que conformément à la Constitution et à la législation fédérale, les cantons sont compétents pour introduire des clauses du besoin pour les cabinets médicaux ou pour l'acquisition d'appareils thérapeutiques ou diagnostiques. Dans les deux cas, il n'y a pas d'atteinte au noyau de la liberté du commerce et de l'industrie. Pourtant, il dissocie quand même la clause du besoin pour les cabinets médicaux et celle pour l'acquisition d'appareils thérapeutiques ou diagnostiques, en disant : « étant donné que la clause du besoin pour les cabinets médicaux constitue une atteinte lourde aux droits constitutionnels, elle ne pourra être introduite que lorsque des mesures également appropriées, mais moins incisives - de telles mesures étant certainement envisageables - seront restées sans effet ou lorsqu'il apparaîtra que ces mesures moins incisives n'apportent manifestement aucun résultat. »
La clause du besoin pour l'acquisition d'appareils thérapeutiques ou diagnostiques apparaît en revanche, dans les circonstances actuelles déjà, comme une mesure raisonnablement apte à limiter les coûts de la santé. De fait, Mesdames et Messieurs, nous aurions pu introduire dès cet avis de droit dans notre loi de la santé la clause du besoin limitant la prolifération du matériel technique lourd. Cela n'a pas été fait. Or, non seulement on invente sans cesse de nouvelles machines à un rythme toujours plus accéléré, mais en plus, nous pouvons lire dans la « Tribune » du 19 octobre 1998 : « Risque financier 0 pour l'IRM ». Il semblerait que l'intérêt économique soit tel que certains constructeurs d'appareils IRM soient prêts à les offrir aux praticiens. Ils se font ensuite rembourser en touchant une participation à chaque examen. Chacun s'y retrouve puisque le médecin ne prend pas le moindre risque financier.
Mesdames et Messieurs, eux s'y retrouvent, mais pas nous, ni nos concitoyens. La proportion de personnes qui ne peuvent payer leurs primes est de plus en plus grande. En 1999, 175 000 personnes ont reçu des subsides de l'Etat.
Dans notre projet déposé le 23 octobre 1998, nous avions repris textuellement la loi sur la clause du besoin pour le matériel lourd adoptée par Neuchâtel. Ce qui se fait ailleurs depuis 1997 aurait été vital pour nous. Rien ne s'opposait alors à l'introduction de cette clause dans le canton, sauf peut-être une certaine inertie politique. Il nous faut donc une volonté politique claire pour empêcher le naufrage. Le Conseil d'Etat aura un rôle important à jouer. Il devra engager le dialogue, encourager la recherche de solutions avec les différents partenaires du secteur de la santé, secteurs public et privé devront négocier. Ce dernier point est pour nous essentiel. Car il ne s'agit pas d'opposer le secteur public au secteur privé et d'en réglementer un au profit de l'autre. En effet, nous pensons que notre rôle est de donner au Conseil d'Etat les moyens d'organiser la négociation et d'éviter les concurrences sauvages qui iraient à l'encontre de l'intérêt bien compris du public. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous soutiendrons ce projet de loi.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Lutter contre l'explosion des coûts de la santé, voilà un objectif avec lequel nous sommes d'accord. Mais notre adhésion au projet dont il est question ici s'arrêtera là, car nous ne pouvons pas souscrire au moyen qui est proposé.
Tout d'abord, le projet de loi se base sur le postulat que les équipements lourds sont en partie responsables de l'augmentation et de l'explosion des coûts de la santé. Le problème, c'est qu'aucun chiffre ne vient étayer ce jugement à l'emporte-pièce. D'une part, les équipements lourds du type IRM ou scanners ne représentent qu'une infime partie des coûts de la santé, 1,5% puisque M. Dessimoz pose la question en aparté ! De plus, rien ne permet d'affirmer que le recours à ceux-ci conduit à une augmentation des coûts de la santé. Et puisque le Conseil d'Etat semble friand de comparaisons, je relèverai ici le cas du Japon qui, en comparaison avec la Suisse, a, proportionnellement avec le nombre d'habitants, nettement moins d'équipements médicaux lourds, mais qui connaît une explosion des coûts de la santé plus conséquente qu'en Suisse. Et toujours en matière de comparaison, je citerai la France, un pays mentionné dans l'exposé des motifs, qui est un pays notoirement connu pour son taux de sous-équipement.
Le projet de loi pose un certain nombre de problèmes. Tout d'abord, d'un point de vue juridique, il ne repose sur aucune base légale. Le projet fait en effet référence à l'avis du professeur Saladin, mais force est de constater que la situation a évolué depuis et que le parlement fédéral s'est prononcé sur la clause du besoin lors des débats sur la LAMal et a réfléchi à l'introduction d'une clause du besoin pour finir par y renoncer. Cela signifie donc que nous sommes devant un silence qualifié du législateur fédéral et non devant une lacune du droit comme le sous-entend le projet de loi. Ce projet n'a donc absolument aucune pertinence à l'échelle du canton. Il contrevient par ailleurs à un principe constitutionnel, qui est celui de la liberté économique, qui a donc remplacé dans la nouvelle Constitution la liberté du commerce et de l'industrie. De ce point de vue, il est évident que l'introduction d'une clause du besoin en matière d'équipements médicaux empêcherait bon nombre de professionnels d'accéder à une activité économique au profit d'un nombre limité d'élus. Car, à terme, il est évident que cette restriction de l'offre conduirait à une limitation du nombre de praticiens, soit un premier pas vers la clause du besoin des cabinets. (Brouhaha.) Je vous remercie, du côté radical, de faire un petit peu moins de bruit ! Allons alors jusqu'au bout de la réflexion et introduisons une clause du besoin à l'entrée des études de médecine !
D'un point de vue économique également, ce projet souffre de quelques lacunes et de quelques carences. Aucune démonstration économique n'est donc apportée au postulat de base. On aurait pu se poser la question de savoir quel est l'apport économique des équipements dits lourds, du type IRM et scanners, qui permettent aujourd'hui par le recours à un seul examen de déceler des pathologies que plusieurs examens dits classiques et même que certaines interventions chirurgicales permettaient avant de déceler. Et que l'on ne vienne pas nous dire ici que l'on fait un recours abusif à ce type de pratique, puisque plus de 90% des consultations faites avec ce type d'équipement lourd permettent de déceler des pathologies.
De plus, l'introduction de la clause du besoin, si elle devait avoir une quelconque utilité, ce qui ne me semble pas être le cas, serait totalement absurde à la seule échelle du canton. Il y a en effet fort à parier que les patients genevois, agacés de l'attente qu'introduirait cette clause, se tourneraient alors vers le canton de Vaud ou ailleurs pour procéder aux examens nécessaires.
Enfin, je m'étonnerais simplement de la position du Conseil d'Etat dans ce dossier, qui est juge et partie. En effet, il lui appartiendra de délivrer les précieuses autorisations, alors qu'il est lui-même un acteur important du système de santé. Comment pourra-t-il dès lors faire preuve de toute l'impartialité nécessaire ?
Compte tenu de ces éléments, vous l'aurez compris, le groupe démocrate-chrétien n'est pas favorable à ce projet et nous l'étudierons certainement en commission.
M. Nicolas Brunschwig (L). L'objectif de ce projet de loi figure dans son article 1 : « maîtriser les coûts de la santé. » Objectif bien évidemment louable, mais je dois dire que les explications qui figurent dans l'exposé des motifs, pour nous donner quelques informations sur ces coûts et sur cette maîtrise que nous aurions grâce à ce projet de loi, sont totalement incomplètes. Alors, nous avons dû chercher nos chiffres. Ils seront sans doute contestés. Mais à défaut d'en avoir trouvé dans l'exposé des motifs, nous les considérerons comme justes. Eh bien, selon les statistiques cantonales, les frais facturés aux assureurs-maladie concernant les spécialistes en radiologie et médecine nucléaire se montent à 0,6% du total. Au niveau fédéral, il s'agit sans doute effectivement des 1,5% évoqués à l'instant.
Les examens qui se font par le biais de l'imagerie par résonance magnétique représentent environ 25% de l'ensemble des examens faits par ces radiologues. Cela veut donc dire que nous essayons d'agir sur le 0,15% du coût total de la santé. Ceci est une farce !
Une voix. Bravo !
M. Nicolas Brunschwig. Le problème réel de l'augmentation du coût de la santé a sans doute des causes bien différentes que celles que l'on veut essayer de contrarier par le biais de ce projet de loi. Et il est évident, pour ceux qui ont vu certaines statistiques au niveau des assurances et qui ont montré l'évolution du coût par patient ou par habitant, que cette évolution est totalement différente en fonction de l'âge des assurés et que l'explosion a lieu pour les personnes très âgées en particulier, alors que l'on sait qu'une bonne partie de ces frais sont engendrés dans les dernières semaines de vie. Il est sans doute politiquement moins correct d'évoquer ce type de propos que d'attaquer ainsi les radiologues en particulier, je ne donne d'ailleurs pas de réponse ou de solution à ce type de problème, mais ce sont sans doute des problèmes beaucoup plus importants par rapport aux coûts réels de la santé et à l'évolution de celle-ci.
Mesdames et Messieurs les députés, demandez-le à tout médecin, ancien ou actuel, l'imagerie a changé la médecine et les diagnostics sont plus sûrs et plus précoces ! C'est une évolution inexorable et surtout bénéfique pour l'ensemble de la population. De plus, il n'y a pas d'auto-prescription possible, vu que les patients sont envoyés chez les radiologues par d'autres médecins. Il n'y a donc pas d'avantage économique en tant que tel à ce que le médecin favorise ce genre d'examen.
Les comparaisons internationales qui sont mentionnées dans l'exposé des motifs sont assez cocasses. En effet, est-ce que la France, la Grande-Bretagne, l'Italie sont des exemples de médecine de qualité pour tous ? J'en ai quelques doutes, car ce sont clairement des pays où des médecines à deux, trois ou quatre vitesses se sont instaurées. L'exemple français est plus intéressant encore pour ceux qui ont pu lire un rapport fait à la demande du secrétariat d'Etat français à la santé, ce rapport a été relaté dans le « Monde » du 30 juin dernier. Ce rapport relève que les installations existant en France sont obsolètes et préconise de remplacer les examens radiologiques par des examens par résonance magnétique. Le rapport déplore par ailleurs que la France ne se situe qu'au huitième rang européen en termes d'équipement, avec seulement 150 appareils pour tout le territoire. L'une des conséquences pratiques de cette situation est que les services ou instituts qui disposent de ces équipements doivent rester ouverts 80 à 90 heures par semaine pour satisfaire à la demande. Cela signifie concrètement que des patients doivent venir en consultation le soir ou le week-end. Par ailleurs, le rapport entre les coûts de la radiologie et les coûts totaux de la médecine sont en France de l'ordre de 5 à 6%, alors même qu'il s'agit de 1,5% en moyenne helvétique. Cela est dû au fait que l'on assiste en France à la multiplication d'examens due au manque d'appareillage performant et fiable.
Enfin, et ce sont peut-être des données moins statistiques ou analytiques, je dois dire que l'idée de faire confiance au Conseil d'Etat ou à une quelconque commission afin de savoir quel équipement nous pourrons avoir dans quel centre et à quel moment me paraît quelque chose de totalement absurde. J'en suis d'ailleurs tellement convaincu que même si le Grand Conseil accepte par impossible cette loi, je suis convaincu que la population refusera cette loi. Mais enfin, les échecs populaires représentent quelque chose dont le Conseil d'Etat a pris quelque peu l'habitude. Il se remettra sans doute de cet échec-là comme il s'est remis des autres échecs.
Nous sommes convaincus que l'objectif réel de ce projet de loi n'est pas de combattre l'évolution des coûts de la santé, il doit sans doute y avoir d'autres objectifs. Nous nous réjouissons de savoir quels sont ces réels objectifs dans le cadre des travaux de commission et je suis sûr que M. le conseiller d'Etat pourra alors nous parler d'autres pistes, qui sont celles-ci beaucoup plus intéressantes et beaucoup plus sérieuses pour maîtriser le coût de la santé. On peut penser en particulier à des formes de numerus clausus et on peut penser aussi à des formes de carnet de santé. D'ailleurs, j'ai lu à l'instant un article et une interview assez intéressants de l'ancien directeur de l'hôpital sur les évolutions technologiques et les réseaux qui pourront se mettre au point. Nous y croyons beaucoup plus qu'à ce genre de projet de loi qui sont sans doute de simples mesures de politique à destination du corps médical.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Ce projet de loi, comme l'a rappelé M. Brunschwig, veut contribuer à une meilleure maîtrise des coûts de la santé, mais il suscite depuis plusieurs mois des prises de position farouches de la médecine privée qui, par des démonstrations chiffrées très complexes, dont Mme Ruegsegger s'est fait l'écho tout à l'heure, veut montrer que la santé publique est menacée par cette mesure de contrôle.
Je ferais un petit retour en arrière pour dire que lors des procédures de consultation fédérale au début des années 60, en 63 plus précisément, le mouvement populaire des familles a été le premier à élaborer et proposer un concept d'assurance-maladie obligatoire. Qu'a fait à ce moment-là le lobby des médecins ? Il a crié à l'étatisation de la médecine et a évidemment réussi par la suite - comme M. Brunschwig l'espère pour ce projet de loi - par ses menaces à faire échouer en votation populaire les initiatives qui ont suivi. Je rappellerai en passant à M. Brunschwig, s'il veut soutenir le carnet santé, que le mouvement populaire des familles est la seule organisation à en avoir mis un au point. Et elle n'a reçu aucun soutien.
Aujourd'hui, les courriers se suivent et se ressemblent : « Clause du besoin, clause du coquin ! » Mais les coquins sont aujourd'hui très nombreux. J'ai surtout deux chiffres en tête qui m'intéressent. Premièrement les coûts de la santé sont payés à 65% par les ménages, voire jusqu'à 80% pour ce qui est des soins à charge de l'assurance obligatoire, et, deuxièmement, à Genève - M. Brunschwig a parlé des gens qui coûtent, vous avez parlé des personnes âgées, j'aimerais parler des gens qui encaissent - les 37% des coûts à charge de l'assurance-maladie sont encaissés par les médecins, contrairement, par exemple, au Jura où ce ne sont que les 20% des coûts.
Jusqu'à quand les assurés accepteront-ils de payer la facture ? C'est une question. Pour en venir à ce projet de loi, nous rappellerons, s'agissant de l'AdG, que la clause du besoin est un instrument de la politique sanitaire et plus particulièrement de la planification sanitaire. A ce sujet, je rappelle que deux projets de lois de l'AdG portant sur le même sujet sont pendants devant la commission de la santé. Ces principes de planification sanitaire, je vous le rappelle, ont été adoptés par ce Grand Conseil, ainsi que l'étude de nouveaux instruments dont la clause du besoin fait partie. L'AdG estime que la maîtrise des coûts doit être mise en relation avec la défense d'une médecine de qualité, d'accès aux soins pour tous et la défense d'un service public performant, indispensable dans le domaine sanitaire comme dans bien d'autres domaines où l'intérêt public est évident.
L'adoption du projet de loi nous paraît indispensable. En effet, les conditions exprimées sur le régime d'autorisation au chapitre 2 sont suffisamment claires pour nous et donnent les garanties pour une utilisation rationnelle de la clause du besoin. Seule réserve, nous parlerions d'efficience plutôt que de rentabilité. Les détracteurs de cette clause mettent en avant son inefficacité et en particulier l'absence de lien, cela a été dit tout à l'heure, à leurs yeux entre la quantité d'équipements lourds et les coûts de la santé. Nous voulons une fois de plus relever à ce sujet que la transparence fait défaut. Le département reconnaît d'ailleurs n'avoir qu'une connaissance partielle du nombre d'équipements à Genève, sauf pour ce qui concerne les IRM. Ce qui est plutôt choquant ! Pour une politique de santé cohérente, nous avons besoin de transparence. Le nombre d'équipements doit être connu de tous, c'est-à-dire les payeurs, je vous le rappelle, et qu'une mise à jour doit être faite de tous ces équipements, y compris les leasings. La clause du besoin a certes ses limites, son aspect marginal sur la maîtrise des coûts. Pour l'AdG, d'autres pistes existent dans les cabinets médicaux privés sans en restreindre l'ouverture. Par exemple, encourager les temps partiels, encourager la diminution et le partage du travail en cabinet privé au profit de l'encadrement de la formation postgraduée, favoriser les équipements collectifs au détriment d'un équipement individuel, proposer une réduction du taux d'activité à partir de 65 ans pour les médecins.
Pour terminer, l'AdG se réjouit d'empoigner ces questions lors des travaux de la commission de la santé.
M. Dominique Hausser (S). Sur proposition des socialistes, ce parlement a adopté il y a quelques années une loi rendant la planification sanitaire obligatoire. Après un certain délai, le Conseil d'Etat a finalement proposé à ce parlement de voter un crédit de quelques millions permettant l'élaboration de cette planification sanitaire basée sur un principe qui est à mon avis assez intéressant et qui consiste à déterminer les besoins et les priorités en matière de santé et à déterminer les équipements et les prestations qui sont nécessaires pour réduire les problèmes de santé de cette population en matière de soins, voire pour diminuer les risques, et à déterminer toute autre activité nécessaire au maintien et à l'amélioration de la santé de la population genevoise. Parmi les quelques instruments qui étaient mentionnés dans le rapport de l'Institut de médecine sociale et préventive, on y voyait le carnet de santé, on y voyait la clause du besoin, on y voyait le numerus clausus à l'entrée de la faculté de médecine - en oubliant d'ailleurs que la faculté de médecine forme d'autres personnes que des thérapeutes. Elle forme des chercheurs et elle forme des personnes qui s'occupent de prévention et qui ont d'autres types d'activités dans le domaine de la santé.
A priori, les socialistes ne sont pas opposés à l'idée de la clause du besoin comme un instrument utilisable. A priori, le parti socialiste s'est exprimé en faveur de l'inscription de la clause du besoin comme étant un des instruments possibles, clause du besoin des équipements, mais éventuellement aussi clause du besoin des acteurs qui ont une pratique, qu'ils soient publics ou privés. Les socialistes examineront avec attention ce projet de loi, tout en relevant quand même un certain nombre de problèmes effectivement non négligeables.
Est-ce que cet instrument est véritablement à même de remplir un objectif de maîtrise des coûts ? De quelle manière ? Quelle sera son importance ? Vous avez entendu un certain nombre d'exemples. Il est vrai que l'on mentionne les instruments modernes comme étant sur la liste des équipements lourds. Ces équipements seront-ils modernes une année, deux ans, cinq ans, dix ans ? Leur rapport qualité/prix, leur efficacité en matière diagnostique ou thérapeutique se mesurent-ils en comparaison avec des instruments utilisés depuis de nombreuses années ? La chirurgie ambulatoire coûte cher en utilisant des instruments coûteux. Mais quel type d'économie ferait-on par rapport à une chirurgie hospitalière qui implique une hospitalisation de plusieurs jours ou semaines ? Je crois qu'il y a là un certain nombre de points que nous souhaitons examiner en détail. Nous souhaitons en tous les cas voir cet instrument inscrit dans une politique générale de mise en place de prestations de soin et de santé, et pas simplement comme étant un instrument qui soit posé là avec l'explication que « ça va résoudre d'importantes questions en matière de maîtrise des coûts. » Aussi faut-il être clair. Les socialistes, tout en accueillant favorablement ce projet, y mettent un nombre important de bémols qui seront discutés attentivement en commission.
M. Bernard Lescaze (R). On a considéré jusqu'à maintenant sur tous les bancs que la maîtrise des coûts de la santé était quelque chose de louable. J'irai un tout petit peu plus loin. J'irai jusqu'à dire qu'elle est à l'heure actuelle nécessaire et qu'une partie importante de la population, dès lors qu'elle fait face à des primes d'assurance-maladie sans cesse en augmentation, nous pousse effectivement à mieux contrôler les coûts de la santé. Reste à savoir quel est le meilleur moyen de le faire. S'il existait une recette miracle dans les pays européens, je ne doute pas qu'elle aurait déjà été appliquée. On peut, sans être médecin, penser par exemple que l'effort doit encore davantage être mis sur la prévention, bien plus encore que sur d'autres méthodes, parce qu'il y a là une possibilité directe d'action sur les coûts. Toutefois, ceci reste insuffisant.
Aujourd'hui, on nous propose une méthode plus contraignante, celle que l'on a appelé clause du besoin eu égard sans doute à une autre clause du besoin, celle des auberges, qui a été acceptée sans trop de problème par les milieux économiques pendant plus d'un siècle dans notre canton. Il faut donc croire que les bases légales pouvaient exister. Et je ne doute pas pour ma part, au vu de ce que j'ai lu, contrairement à ce que disait la représentante du parti démocrate-chrétien, que la base légale existe. Elle est possible. D'ailleurs, le simple fait que la clause du besoin en matière d'équipements médicaux lourds soit acceptée dans d'autres cantons suisses, à Neuchâtel et à Schaffhouse par exemple, le montre bien.
On pourrait bien entendu imaginer un tout autre système de santé. A la chinoise ! C'est peut-être cela que le représentant du groupe libéral avait en vue. Vous savez que l'on payait son médecin dans la Chine impériale lorsqu'on était en bonne santé et qu'on ne le payait plus lorsqu'on était malade. C'est sans doute un système qui permettrait de répondre à l'objection de M. Nicolas Brunschwig qui constatait que les personnes les plus âgées, en fin de vie, coûtaient le plus cher. Bien entendu, nous n'avons pas là de solution pour résoudre ce problème. M. Nicolas Brunschwig, qui a bon coeur, n'a d'ailleurs pas été jusqu'au bout de la logique implicite que semblaient sous-tendre ses arguments.
En conséquence, nous voyons arriver maintenant un projet de loi. Il contient effectivement quelques statistiques, peu de statistiques. Je serais pour ma part, comme le groupe radical, bien incapable de dire de quelle manière cette clause du besoin, si elle était introduite, pourrait réellement faire baisser de façon importante, contrôler ou maîtriser les coûts de la santé. Les arguments invoqués par d'autres groupes concernant l'état de vétusté et d'utilité de ces équipements lourds au-delà d'un million me paraissent en effet des arguments importants.
Ce que je dois quand même constater, malgré les rares statistiques - parce que la Suisse, bien qu'étant un pays de chiffres, est un pays où les statistiques sont souvent lacunaires, comme on le répète depuis de longues années - ce que je dois malgré tout constater, c'est que pour ce dont nous avons, nous tous, Mesdames et Messieurs les députés, la maîtrise, c'est-à-dire le budget de l'hôpital, force est de reconnaître que celui-ci est en très faible augmentation au cours de ces dernières années et que son augmentation est très inférieure non seulement au taux du coût de la santé, mais également au taux des primes d'assurance payées à Genève. Il y a là une interrogation bien légitime. A ceux qui réclament des chiffres pour ce projet de loi, je leur rétorque qu'ils ont raison de les demander. Mais il faudra aussi que l'on nous explique réellement, avec des chiffres, quels sont les domaines qui influent aujourd'hui à Genève sur les coûts de la santé, de façon que l'on puisse mieux les maîtriser.
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, le système de certaines restrictions à la liberté économique, qui est un système connu de longue date, est évidemment pour les gens dont je suis, qui souhaitent une certaine libéralisation des échanges, un système difficile à accepter dans son essence, mais qui peut se concevoir dans des domaines tout à fait particulier. A ce sujet, je relève que l'une des phrases les plus importantes de l'exposé des motifs du projet de loi n'est pas souvent répétée et personne n'a jusqu'à présent relevé son caractère dirimant. « Le domaine de la santé n'est pas un marché comme les autres, les consommateurs ne sont pas à même d'y déterminer leurs besoins. » Cela me paraît effectivement être une phrase importante dans la mesure où nous n'avons pas toujours la possibilité de savoir ce qui nous est nécessaire ou non dans le domaine de la santé. Je n'insisterai pas plus lourdement là-dessus. Je dirai simplement que l'idée philosophique d'accepter dans ce domaine particulier et pour des équipements lourds une clause du besoin n'est pas forcément quelque chose que nous puissions refuser d'emblée. C'est pourquoi le groupe radical renverra bien évidemment ce projet de loi à la commission de la santé.
J'aimerais quand même aussi souligner qu'il faut peut-être se demander, face au nombre toujours croissant de personnes souhaitant exercer des professions libérales - j'emploie ce terme-là parce qu'il peut valoir aussi bien pour des avocats que pour des médecins - face également à la liberté que les accords bilatéraux vont apporter quant à l'exercice de professions et à la venue de praticiens d'autres pays d'Europe en Suisse et à Genève, qu'il est donc loisible de se demander si un jour ou l'autre, dans quelques années, certainement dans un temps qu'autant le représentant libéral que moi-même verront, si ce ne sont pas les médecins eux-mêmes qui demanderont, pour eux-mêmes, l'introduction d'une clause du besoin. Après tout, nous avons vu pendant des années dans les facultés de médecine l'instauration de numerus clausus. Puis la pénurie a fait que ces numerus clausus ont été supprimés. Aujourd'hui, il n'y a en théorie plus de numerus clausus. Mais vous savez bien qu'il y a d'autres méthodes pour introduire des goulets d'étranglement, par exemple les places dans les laboratoires, et peut-être que l'on en viendra un jour, comme le soulignait Mme Blanchard, à d'autres moyens, d'autres mesures, pour freiner la progression du nombre de médecins ou du nombre d'avocats. Peut-être les instances professionnelles de ces métiers seront-elles les premières à réclamer cette clause du besoin.
Je crois donc qu'il faut absolument, au-delà des grands principes sur lesquels il faut être prudent, examiner avec beaucoup d'attention ce projet et évidemment disposer malgré tout d'une base statistique plus développée que celle qui figure dans l'exposé des motifs.
M. Guy-Olivier Segond. Chaque automne, chaque année, il y a, sur les bancs de ce Grand Conseil comme dans la population un choeur unanime pour dénoncer les hausses des coûts de la santé et, en particulier, les hausses de cotisations d'assurance-maladie. Et chaque automne de chaque année, le Grand Conseil vote des résolutions demandant aux autorités cantonales et fédérales d'agir plus efficacement.
Dans le domaine qui est soumis à l'autorité de l'Etat cantonal, un effort important, souvent critiqué sur certains bancs, a été fait ces dernières années, aboutissant à faire diminuer le nombre de lits des hôpitaux publics de 17% et à diminuer, par une amélioration de la productivité, le nombre de journées d'hospitalisation dans les établissements publics de 14%.
Durant ce même laps de temps, rien n'a été fait dans le secteur privé, où le nombre de médecins a continué à augmenter par dizaines, puis par centaines. Cela se reflète sur l'augmentation du nombre de consultations et sur le montant des cotisations de l'assurance-maladie. Ce phénomène est particulièrement visible dans le domaine des équipements médicaux : en Allemagne, un pays proche de la Suisse dans sa conception de vie et dans sa manière de fonctionner, il y a 10 IRM par million d'habitants, ce qui est relativement proche de la moyenne suisse, qui est de 14 IRM par million d'habitants. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, si la moyenne suisse est à 14 IRM par habitants, dans les deux cantons qui ont les cotisations d'assurance-maladie les plus élevées du pays, le canton de Genève et le canton de Vaud, le nombre d'IRM par million d'habitants est à 23 IRM !
Si l'on prend un autre critère - vous avez dit que cela n'avait pas véritablement d'effet sur les coûts de la santé - que l'on considère, sur une période de cinq ans, l'évolution de la population genevoise, le nombre d'habitants a augmenté de 4%. Le nombre de consultations chez les gynécologues a diminué de 1%, le nombre de consultations chez les pédiatres a augmenté de 3%, mais le nombre de consultations chez les radiologues a augmenté de 70% ! Il y a donc bien là un impact sur les coûts de la santé, qui est reflété par les cotisations de l'assurance-maladie. La chose la plus surprenante - j'ai prononcé de nombreux exposés sur ce thème devant des congrès de radiologues - est qu'il n'y a aucun lien établi, démontré, entre la densité d'IRM et l'état de santé d'une population. Dans certains pays où il y a peu d'IRM, l'état de santé est bon. Dans des pays où il y a beaucoup d'IRM, l'état de santé est médiocre.
D'où vient le projet de loi ? J'aimerais vous rappeler que c'est le Grand Conseil qui, dans la législature précédente, à une majorité de près des trois-quarts, a demandé au Conseil d'Etat de lui présenter un projet de loi introduisant une clause du besoin pour les équipements de diagnostic et de traitement, dans le secteur public comme dans le secteur privé. C'est donc ce que nous avons fait.
Ce projet de loi est d'une simplicité évangélique : il soumet à l'autorisation du Conseil d'Etat l'acquisition, la mise en service et l'utilisation de ces équipements, qu'ils soient dans le domaine ambulatoire ou qu'ils soient dans le domaine hospitalier, qu'ils appartiennent au secteur privé, au secteur public ou au secteur privé subventionné.
Ce projet de loi a réussi un tour de force. Il a été attaqué, vigoureusement et massivement, par l'AMG, l'association des médecins du canton de Genève, avant même d'avoir été déposé et avant même que son texte ne soit connu ! Il a été soutenu tout aussi massivement et tout aussi vigoureusement - vous avez oublié de le mentionner, mais pour des raisons évidemment opposées - par la fédération genevoise des assureurs-maladie qui lui accorde une très grande importance.
Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne le fait que le projet de loi ne repose sur aucune base légale, c'est évidemment parce que l'on n'a pas la base légale que l'on doit faire un projet de loi. C'est une affaire de pure logique ! Est-il contraire à l'ordre constitutionnel suisse ? Est-il contraire à l'ordre juridique suisse ? Certainement pas ! D'abord, il a été clairement dit par tous les juristes consultés - il y a parmi eux d'anciens juges au Tribunal fédéral - que ce projet de loi est dans la compétence cantonale, que la liberté du commerce et de l'industrie peut être limitée pour autant qu'il y ait un intérêt public - c'est évident qu'il y a un intérêt public à lutter contre la hausse des coûts de la santé - et pour autant que ce projet respecte trois principes : le principe de légalité - il faut une loi, c'est ce que nous proposons - le principe de proportionnalité - il faut une mesure proportionnelle, ne pas interdire, mais soumettre à autorisation - et le principe de l'égalité de traitement entre le secteur public et le secteur privé, ce qu'il fait parfaitement. Sur le plan juridique, ce mécanisme n'est pas inconnu : il existe dans le canton de Neuchâtel et dans plusieurs autres cantons de Suisse alémanique. Il est même un projet de loi du centre : critiqué par les uns, l'AMG, mais il est soutenu par les autres, les assureurs-maladie. C'est un projet qui devrait recueillir l'assentiment du plus grand nombre si vous voulez que les protestations que vous élevez chaque automne contre la hausse des coûts de la santé soient prises au sérieux par la population !
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
l'importance des apprentissages pour ce groupe d'âge (3 ans) dans un environnement spécifique et différent de celui de la famille ;
l'application de la convention des droits des enfants stipulant le droit pour tous de bénéficier d'un environnement favorisant l'épanouissement de sa personnalité, de ses dons et de ses aptitudes ;
l'apport bénéfique de la vie en collectivité pour le jeune enfant ;
la contribution de cet accueil permettant une véritable possibilité de concilier vie familiale et professionnelle ;
invite le Conseil d'Etat
à considérer l'éducation des enfants de 3 ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant ;
à prendre toutes les mesures nécessaires en matière financière en collaboration avec les communes ou autres structures afin d'assurer ce droit à tous les enfants de 3 à 4 ans ;
à étudier les modes d'accueil propres à cette tranche d'âge, ceci en lien avec celle de la 1re enfantine.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Préambule
Nous proposons, après avoir étudié la motion nationale déposée dans tous les cantons promouvant les structures de garde des enfants durant la journée à titre de soutien à la famille aux degrés préscolaires I et II, selon le modèle scolaire tessinois, une alternative genevoise.
A Genève, la prise en charge préscolaire à l'extérieur de la famille est possible dès la première enfantine, dans le cadre du Département de l'instruction publique ; l'enfant est alors âgé de 4 ans. Cette mesure a fait de notre canton un précurseur en la matière à l'instar d'un pédagogue comme Piaget. Actuellement, plus de 90% de la population enfantine de cet âge bénéficient de l'école élémentaire.
Dans notre canton majoritairement urbain, les familles sont de plus en plus monoparentales ou recomposées. Par ailleurs, elles ne bénéficient plus aujourd'hui de l'entourage familial dont le rôle, autrefois, était de veiller sur les jeunes enfants pendant les absences professionnelles des parents. Or, environ 70% des femmes à Genève occupent une activité professionnelle ou suivent une formation, à temps complet ou partiel. Cette réalité occasionne une forte et constante pression sur les structures d'accueil qui ne peuvent plus faire face à la demande.
De plus, la situation économique et l'organisation du temps de travail obligent les familles à mettre en place des solutions « de relais » pour la garde à temps partiel des enfants. Actuellement, on relève que le secteur de la petite enfance et les modes de gardes complémentaires sont insuffisants. Cet état de fait occasionne beaucoup de situations difficiles pour les familles genevoises.
Par ailleurs, les situations d'urgence sont de plus en plus fréquentes et prétéritent les enfants des familles défavorisés.
Le but de cette démarche ne relève ni du désir de scolariser les enfants avant l'heure dans le faux espoir de fabriquer de petits génies, ni de se substituer à l'apport fondamental de l'éducation familiale.
Non, il s'agit de permettre avant tout à l'enfant de construire son rapport aux autres, de développer des actions autonomes dans un environnement pensé qui respecte ses besoins et ainsi de contribuer à l'épanouissement de ses compétences.
Le fondement de l'éducation du jeune enfant en institution de la petite enfance se situe donc dans une dynamique cherchant à valoriser les potentiels de chacun grâce à des actions éducatives et préventives ciblées. En favorisant l'accès à l'environnement stimulant d'une structure petite enfance, nous pensons ainsi contribuer à aider l'enfant dans l'élaboration de ses apprentissages futurs.
Les dernières recherches montrent que l'accueil du jeune enfant en institution de la petite enfance est très bénéfique pour son développement global et contribue à la construction de ses compétences. De plus, cette préscolarisation facilite un dépistage précoce de difficultés variées permettant ainsi une prise en charge éducative plus économique pour la société à moyen et long terme. Cet accueil permet aussi, dans une certaine mesure, un accompagnement des familles dans leur parentalité (organisation, conseils et écoute).
La permanence du lieu et l'encadrement du personnel éducatif apportent une stabilité affective à l'enfant nécessaire à son développement.
Cette proposition de motion repose sur des offres existantes proposées par des collectivités publiques ou autres, mais a pour objectif supplémentaire de renforcer son accessibilité. De plus, elle a pour mission de soutenir les communes dans leur mandat d'application de l'ordonnance fédérale de 1977 et sur la loi genevoise sur le placement des mineurs hors du milieu familial du 27 janvier 1989 (J 6 25)
Cette motion permettra une organisation plus cohérente de la prise en charge du jeune enfant à Genève, harmonisant les pratiques entre les communes dans une vision cantonale.
En espérant que vous ferez bon accueil à cette motion qui détermine l'avenir de notre société, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de la renvoyer à la Commission de l'enseignement.
Débat
Le président. La parole est à Mme Alder.
Mme Esther Alder (Ve). Monsieur le président, je crois qu'il serait plus sage que Mme de Tassigny présente sa motion.
Le président. Il est vrai que les auteurs ont la priorité, mais il faut quand même qu'ils lèvent la main !
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette motion a pour objectif de faire avancer la cause des enfants et de leur famille. En effet, il est, je pense, inutile de vous convaincre à l'aube de ce siècle que l'harmonisation du temps de travail et de la vie familiale doit se réaliser. C'est un objectif incontournable. Mais comment ?
La pénurie des lieux d'accueil, le pourcentage de 75% de femmes qui travaillent à Genève, les jongleries des parents entre leurs activités et les enfants, les problèmes économiques sont une réalité quotidienne de nos familles genevoises. Mais je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières. Loin de moi de penser qu'il n'existe qu'une solution, qu'une solution pour résoudre ce problème majeur. Je suis spécialement bien placée pour prôner une véritable politique familiale, avec des mesures actives et diverses pour permettre à l'enfant de bénéficier de la présence de ses parents le plus longtemps possible, permettre un véritable choix aux familles. Les mesures de politique de ressources humaines de certaines entreprises ou PME peuvent aussi contribuer à solutionner cet état de fait. Mais on ne peut pas ignorer que les modes de garde sont l'un des axes principaux de l'accessibilité au travail pour les femmes.
On se trouve devant trois postulats pour la politique de la petite enfance. Premier postulat : la discrimination positive. Faire en sorte que les modes de garde ne soient destinés qu'à une classe, par exemple les familles monoparentales. Le sont-elles vraiment pour la majorité ou la classe ouvrière ? C'est un postulat du siècle dernier. Le deuxième postulat : l'individualisation. Chaque famille consommatrice bénéficie de services de garde diversifiés, mais payent le véritable prix. L'on constatera immédiatement une inégalité de chance et une non-application du droit des enfants. Le troisième postulat, c'est l'universalisation. Portée par cette motion, c'est la reconnaissance d'une valeur socio-éducative de la préscolarité dans les institutions de la petite enfance. C'est aussi admettre que la petite enfance joue un rôle de prévention, apporte une stabilité et un soutien aux familles.
La motion, reprenant le troisième postulat, suggère à l'instar de l'action 2000 de l'ARGEF, comprenant un grand nombre de femmes parlementaires suisses, de soutenir la garde des enfants à titre de soutien à la famille. A Genève, cette motion propose donc pour assurer ce dispositif que l'Etat soutienne les communes dans leur création d'accueil pour les enfants de trois ans, permettant un véritable droit pour tous les enfants du canton et un véritable choix pour leurs parents. Cette action politique serait un grand pas en avant pour la famille et les enfants. Le groupe radical vous propose de la renvoyer à la commission sociale pour traiter cette ambitieuse démarche et le traiter avec le rapport sur la famille.
Mme Nelly Guichard (PDC). Comment se fait-il qu'une députée démocrate-chrétienne ait l'idée saugrenue, voire tout à fait incongrue, de signer une motion qui demande que l'on se penche très sérieusement sur la problématique de l'accueil généralisé des enfants de 3 à 4 ans ? Rassurez-vous, cette motion, je ne l'ai pas signée sans la lire ou pour faire plaisir à quelques collègues ! Il me paraît primordial que notre parti ne soit pas absent du débat. Je l'ai signée par conviction. Conviction profonde qu'aujourd'hui les jeunes femmes ne peuvent plus interrompre une carrière professionnelle durant une dizaine d'années pour s'occuper des enfants. D'une part, parce qu'un seul salaire ne suffit souvent pas pour faire vivre une famille et surtout parce que quitter une profession ne signifie pas uniquement perdre son poste, sa position dans une entreprise, mais c'est aussi perdre ses qualifications. Or, aujourd'hui, on est très vite déqualifié, même après un apprentissage, mais plus encore après des études, souvent longues, très longues même et qui ont coûté fort cher à la collectivité. Souvent aussi, il n'a pas été facile pour ces jeunes femmes de trouver un emploi fixe sur le long terme.
C'est parce que je crois profondément à l'importance de la famille, à son rôle social primordial, que j'estime qu'il faut aujourd'hui des mesures d'accompagnement dignes de ce nom. Pour mon groupe comme pour moi, la famille reste l'axe sur lequel repose la société, la solidarité entre ses membres me tient particulièrement à coeur, mais elle ne peut pas forcément tout faire. Pour des raisons sociologiques peut-être, mais très souvent aussi pour des raisons géographiques, la famille étant très souvent dispersée. Un travail en commission, de longue haleine peut-être, nous permettra de nous rendre compte des solutions qui sont à disposition des familles, de celles qu'il conviendrait de mettre en place et de leur coût pour la collectivité, des avantages et des inconvénients que chacune d'entre elles représente. Le groupe démocrate-chrétien vous propose le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts sont quelque peu mitigés devant la motion qui nous est soumise. D'une manière générale, nous pensons qu'il conviendrait avant tout de répondre aux besoins de tous les enfants en âge préscolaire. Et par conséquent que le nombre de places en crèche soit suffisant, quel que soit l'âge des enfants. Ce que nous ne voulons par contre pas, c'est d'une école maternelle à la française pour les 3 - 4 ans et c'est implicitement vers ce à quoi tend cette motion. Par ailleurs, la prise en charge des enfants en âge préscolaire est une compétence communale. En abaissant l'âge de scolarisation, il faut être conscient que c'est indirectement un transfert de charges au canton. Si nous sommes convaincus de l'importance des apprentissages, il est exagéré de penser et même choquant de dire que ceux-ci doivent se faire en dehors de la famille et a fortiori dans les crèches et nous nous demandons sur quelle pédagogie reposent de telles affirmations.
Pour terminer, nous sommes pour le renvoi de cette motion en commission sociale, afin qu'elle puisse être traitée avec le rapport du Conseil d'Etat sur la politique de la famille, car cette motion s'inscrit de toute évidence dans un ensemble de mesures à prendre en faveur d'une réelle politique familiale.
Mme Jeannine de Haller (AdG). L'Alliance de gauche partage un peu les préoccupations des Verts dans le sens qu'il y a effectivement un manque de structures pour la petite enfance dans le canton de Genève. Mais par ailleurs, nous pensons qu'il est déjà intéressant de faire un premier pas en demandant au canton de participer et d'unifier un peu les modes de garde des enfants de 3 à 4 ans. Nous avons une préoccupation par rapport à la troisième invite. Actuellement, le taux d'encadrement des enfants de 3 - 4 ans est d'un adulte pour 10 enfants. Si l'on se réfère à la troisième invite, qui précise « en lien avec la 1ère enfantine », où nous savons que certaines classes ont 26 enfants pour 1 adulte, nous aimerions quand même garder le taux d'encadrement actuel qui apparaît vraiment important. Par ailleurs, nous soutenons évidemment le renvoi en commission sociale.
Mme Janine Hagmann (L). A la lecture de cette motion, je me suis dit : « Voilà, une fois de plus, on va arroser à la place de répondre aux besoins. » Et puis, j'ai poursuivi ma réflexion encore plus loin et je me suis demandé jusqu'où cette motion voulait aller. Est-ce que vous allez demander maintenant des crèches obligatoires pour tous les nouveau-nés ? Plaisanterie finie, je ne peux vraiment pas accepter la phrase - écoutez-la réellement, Mesdames et Messieurs ! - qui invite le Conseil d'Etat « à considérer l'éducation des enfants de 3 ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant. » Cela signifie-t-il que le processus éducatif ne peut se faire que dans une institution ? Quelle horreur ! N'oublions pas que la famille n'a pas encore disparu. Je vais d'ailleurs vous citer l'introduction de M. Segond dans le rapport « Jalons pour une politique familiale à Genève » : « Malgré les changements de mode de vie, la famille n'a pas disparu. Même si elle est devenue plus instable et plus dynamique, la famille de la fin du XXe siècle reste un lieu naturel de rencontre, d'apprentissage, de dialogue et de transmission des valeurs. Pourtant, bien qu'elle soit à la base de la solidarité entre les générations et du contrat social, la famille a toujours été absente des débats politiques de notre canton. » Il faut pouvoir répondre aux besoins, je vous l'accorde. Qu'est-ce qui existe aujourd'hui ? Des crèches qui ne sont heureusement pas encore municipalisées et d'autres structures de garde dont je n'ai pas du tout entendu parler, telles les mamans de jour, qui offrent une alternative.
Le groupe libéral accepte d'envoyer cette motion en commission, de l'enseignement ou sociale. Peut-être qu'il serait préférable de l'envoyer en commission sociale, puisqu'elle étudie les problèmes de la famille. Il sera à ce propos intéressant de dresser un catalogue des demandes et des offres. Le groupe libéral se réserve évidemment la possibilité d'amender les invites de cette motion.
Mme Myriam Sormanni (S). Lors de la journée Famille et organisation des temps, le CES a organisé une demi-journée de réflexion sur le thème « Comment concilier vie professionnelle et vie familiale ». Il y a fort longtemps, à la crèche de la Jonction, les enfants de 4 ans bénéficiaient d'un enseignement scolaire dispensé par les jardinières d'enfants, les nurses et les éducatrices qui s'y trouvaient. Par la suite, cela n'a plus été fait. Ce qui est dommage, car les enfants ayant bénéficié de cet encadrement préscolaire entraient en 1ère enfantine mieux préparés que les petits n'ayant pas été en crèche.
Cette motion propose une collaboration en lien avec la première année d'école enfantine. L'avantage de cette proposition, c'est qu'elle permettrait de libérer des places de crèches, puisque les enfants iraient dans cette nouvelle structure, ce qui entraînerait une diminution du coût pour les parents dont les enfants iraient en crèche. Dans la « Tribune » de l'autre jour, nous avons pu lire que 3% des enfants de moins de 4 ans étaient laissés seuls à la maison pendant que leurs parents travaillaient. La solution proposée par la motion permettrait à ces familles, modestes notamment, d'éviter que des enfants soient ainsi livrés à eux-mêmes à un âge si bas et à un âge où l'on ne tient pas compte des accidents qui peuvent survenir. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demande de faire bon accueil à cette motion.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Je pensais que je m'exprimais d'habitude assez clairement, mais pas suffisamment il faut croire. Je voudrais d'abord dire à Mme Hagmann, si elle m'a écoutée, que j'ai été très claire par rapport à cet équilibre avec la famille. Il ne s'agit pas d'un seul choix, il existe des solutions diverses. Cela paraît extrêmement important. Je voulais aussi dire à Mme Sormanni que le XIXe siècle est terminé et que la réalité des familles est malheureusement différente à l'heure actuelle. Il faut donc leur proposer diverses solutions et je suis bien placée pour dire que je soutiens complètement le rapport « Jalons pour une politique familiale ». Je voudrais également dire à Mme Sormanni que contrairement au modèle tessinois prôné par l'ensemble des autres cantons, vous avez dû le voir dans la presse, Genève propose un modèle qui tient déjà compte de ce qui est fait en matière préscolaire. Il ne s'agit pas d'une scolarisation précoce, ni de créer des maternelles, mais plutôt de soutenir ce qui existe en matière de préscolarité, c'est-à-dire les institutions de la petite enfance. C'est clair et net ! Alors que les autres cantons ont tendance à prôner maintenant le modèle tessinois, qui est justement une scolarisation dès l'âge de 3 ans, bien sûr à mi-temps, mais c'est quand même une scolarisation. Nous avons considéré que la petite enfance était de qualité à Genève et qu'il fallait plutôt soutenir les communes afin de donner plus de possibilités aux enfants de 3 ans de bénéficier de ces structures, puisque l'on se rend compte que ce sont quand même les classes des cadres moyens et supérieurs qui y ont recours actuellement et que la classe ouvrière a un peu déserté les modes de garde de la petite enfance. Il est donc important de bien préciser qu'il ne s'agit pas d'une scolarisation précoce.
Pourquoi l'invite ? Pour dire que la qualité de ce qu'offre la petite enfance est une qualité intéressante. Ce n'est pas « Sans la petite enfance, point de salut ! ». Ce qu'elle fait se situe dans un cadre qualitatif et dans un cadre de prévention. Je crois qu'il fallait aussi le préciser.
Mme Martine Brunschwig Graf. Je rappellerai en préambule que le Conseil municipal a indirectement débattu mardi dernier, avant votre parlement, de cette question. Ce qui m'amène à préciser ceci. Contrairement à ce qu'a indiqué le magistrat responsable des écoles qui se prévalait de mon accord total pour annoncer que des millions de francs seraient désormais versés par le canton aux communes puisque cette motion allait être acceptée par les députés, il n'est pas question de cela et ma position n'est pas véritablement une position de soutien sans remarques, observations et débats.
J'aimerais ensuite vous dire ceci. En lisant cette motion et en vous écoutant, je m'aperçois qu'il y a un formidable conflit d'objectifs. Il y a une volonté que je peux partager avec vous tous, à savoir de trouver des solutions diversifiées. Pour moi, « diversifiées » s'entend des mamans de jour à toutes les institutions en passant par la famille pour ce qui concerne les enfants qui ne sont pas en âge d'être scolarisés, c'est-à-dire avant l'âge de 4 ans. Dans ce domaine, notre canton n'est pas suffisamment équipé. Nous le savons tous et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'Etat y fait très clairement allusion dans son rapport sur la famille. Mais si c'est cela que vous visez, ce qui est en soi un objectif, il y a lieu de se demander quelles sont les solutions. Il ne faudrait dès lors pas restreindre la discussion aux enfants de 3 ans, mais voir toutes les manières possibles d'encourager et de faciliter l'offre qui est inférieure à la demande. Et, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit aussi de se demander dans un tel cadre si nous ne sommes parfois pas trop rigides et s'il n'y a pas lieu de faciliter des modes diversifiés et notamment, je le rappelle, ces mouvements qui commencent avec les mamans de jour.
Si ce n'est pas cet objectif que vous visez et que vous souhaitez entrer dans une phase plus éducative - je ne confondrais pas un système éducatif et prééducatif avec le fait de trouver des solutions de garde, quand bien même il y a dans la garde des éléments éducatifs indispensables - si c'est cela que vous visez, je comprends que vous choisissiez l'âge de 3 ans, mais vous tombez quand même dans une ambiguïté, parce qu'en demandant d'articuler ceci avec la 1ère enfantine, vous nous contraignez à raisonner en termes non seulement préscolaires, mais malgré tout proches de la maternelle.
Tout à l'heure, Mme de Tassigny précisait sa pensée dans une deuxième intervention. Madame la députée, votre deuxième invite demande au Conseil d'Etat de « prendre toutes les mesures nécessaires en matière financière en collaboration avec les communes et aux structures... non pardon ! La première invite : « à considérer l'éducation des enfants de trois ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant. » Il est vrai qu'à partir de là vous lisez bien en filigrane que toute autre solution parait insuffisante vis-à-vis de ce postulat. Ceci est dangereux. Ce n'est pas ce que vous vouliez dire, mais la façon dont vous le libellez est ambiguë et le travail en commission devrait permettre d'éclaircir les vrais objectifs de chacun.
Nous ne pouvons pas, Mesdames et Messieurs les députés, développer le système préscolaire de façon anarchique ou larvée, prévoir à la fois des structures éducatives et résoudre en même temps les problèmes de garde dans un même mouvement. Il faut traiter les problèmes là où ils sont. Le problème de la garde des enfants est un véritable problème à résoudre dans ce canton. Il a, comme je l'ai rappelé, de multiples réponses, y compris en matière de normes et de facilitations.
Il convient donc de discuter de ce que vous voulez exactement faire avec vos enfants de 3 ans. Pour ma part, je partage l'avis de celles et ceux qui, dans cette enceinte, s'expriment contre une maternelle déguisée ou non. Je suis bien entendu prête à discuter avec vous de toutes les solutions possibles. Dernier point, je crois que vous ne pouvez pas sans autre et d'un trait de plume régler la problématique en disant simplement que l'Etat aura à payer. Je crois que vous n'imaginez pas les conséquences d'une telle déclaration, sans évaluation aucune par rapport à l'objectif qui, je le rappelle, demeure pour l'instant très flou. Nous avons à l'heure actuelle dans notre canton 4 700 enfants de 3 ans. Dans nos crèches, le prix d'un enfant - on ne devrait jamais parler de prix ! - le coût d'un enfant, avec un encadrement tel qu'il a été décrit tout à l'heure par Mme de Haller je crois, est de l'ordre de 20 000 à 24 000 F.
Enfin, vous ne devez pas oublier une problématique qui constitue pour ma part une préoccupation permanente. Nous avons aujourd'hui une école obligatoire qui commence en 1ère primaire. Nous avons, comme vous l'avez relevé, 90% de nos enfants qui fréquentent l'école enfantine et c'est un bien. Mais je vous rappelle aussi que si vous développez d'une façon particulièrement poussée une forme éducative préliminaire et systématique pour certains enfants, vous accentuerez à un moment donné aussi le décalage en créant un système scolaire déguisé dans lequel certains enfants entreront, alors que les autres enfants prendront le train en marche. Nous ne pouvons pas le faire de cette façon. C'est la raison pour laquelle il convient véritablement de fixer les vrais objectifs de cette motion, de déterminer les problèmes que vous voulez résoudre et les moyens qu'il s'agit de mettre en place pour le faire.
Mme Myriam Sormanni (S). Merci, Monsieur le président, de me donner la parole après Mme Brunschwig Graf ! C'est juste pour dire qu'il y a peut-être eu un petit malentendu. Je voulais simplement rassurer Mme de Tassigny. Loin de moi l'idée de créer une maternelle. Personnellement, je trouve que l'école française commence trop tôt.
Je voulais aussi préciser quelque chose. Je me souviens encore qu'il était déjà question lorsque je siégeais au Conseil municipal - c'était entre 1987 et 1991 - de demander à ce que les horaires de crèche et de garderie soient plus étendus, avec éventuellement une prise en charge du repas de midi, ce qui aurait permis aux femmes ou aux hommes qui en étaient les utilisateurs d'avoir réellement une activité à mi-temps. Parce qu'avec un horaire allant le matin de 8 h 30 à 11 h 30 et l'après-midi de 13 h 30 à 17 h 30, cela pose des problèmes. Ce qui fait que la plupart du temps les enfants qui peuvent bénéficier de cet encadrement sont les enfants de foyers dont la mère ne travaille pas. Je crois donc qu'il y a un réel problème. C'est pour cela que l'idée de cette motion est à mon avis tout à fait la bienvenue.
Le président. Nous arrivons à la fin du débat. Deux propositions de renvoi en commission ont été émises. Il nous semble que la proposition la plus fréquemment citée est celle consistant à envoyer cette motion à la commission sociale.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.
Dans ses séances des 30 août et 4 octobre 1999, la Commission des pétitions, sous la présidence de M. Louis Serex puis de Mme Louiza Mottaz, a étudié la pétition 1253 dont voici le texte :
Pétition(1253)
pour une intervention dans la séquestration de ma fille
Mesdames etMessieurs les députés,
Alors que je venais de vous poster mes commentaires sur le rapport de Mme Giger, du Service de la protection de la jeunesse, j'ai reçu avec stupeur l'ordonnance de mesures préprovisoires de M. le juge Strubin, dont je vous joins copie pour information, et vous constaterez par vous-même les contradictions entre les dires de Mme Giger, repris dans l'ordonnance de M. le juge Strubin, et mes commentaires sur ce rapport.
Après 20 ans de professionnalisme, sans litiges, j'ai la prétention d'être un éducateur professionnel reconnu pour ses qualités, dans le domaine privé où l'efficacité est mise directement en équation avec le rendement, contrairement au fonctionnariat de Mme Giger qui s'achemine gentiment à un niveau d'incompétence, dû à l'usure routinière d'un poste de travail où les avantages ne permettent pas la mobilité.
Devant l'incroyable amoncellement d'erreurs et de mensonges contenus dans ce rapport de la Protection de la jeunesse, sur lequel M. le juge Strubin s'est manifestement appuyé pour rendre son ordonnance, j'ai recouru ce jour en annulation auprès de la Commission de surveillance du Tribunal de première instance. Je vous joins copie également de ce recours.
Espérant que votre commission pourra intervenir, et si ce n'est directement sur la cause présente, j'ose espérer qu'elle aura pour le moins la faculté de s'intéresser franchement au fonctionnement du Service de la protection de la jeunesse de Genève.
N.B. : 1 signature
Audition du pétitionnaire
En préambule à l'audition, il est indiqué à M. Monney que la commission ne souhaite l'entendre que sur la dernière invite de son texte: .« ...la faculté de s'intéresser franchement au fonctionnement du Service de la protection de la jeunesse », les députés, en vertu de la séparation des pouvoirs, ne pouvant entrer en matière sur son affaire juridique.
M. Monney, accompagné par M. et Mme Reubi, prend la parole pour expliquer qu'il a fait appel à la Commission, dans le cadre du « rapt » de sa fille par son épouse, à la suite d'un différend conjugal. Il ajoute aussitôt que cette dernière lui fait subir un harcèlement moral tout à fait inacceptable. Il concède toutefois, qu'il y a deux ans, alors que sa compagne lui avait annoncé son désir de divorcer, Monsieur s'était montré personnellement violent à l'endroit de Mme Monney. Selon lui, les événements ont conduit à une escalade de la violence, s'exprimant sous forme de provocation chez Madame et, plus récemment par exemple, d'un appel au secours dans un lieu public de sa part.
En venant aux faits, l'intervenant explique que son épouse a quitté le domicile conjugal en emmenant leur fille cadette et ce avec la complicité du Service de la protection de la jeunesse (ci-après SPJ) en la personne de Mme Giger. Au passage, il mentionne ce qu'il tient pour l'arrière-fond de ce litige avec la fonctionnaire : à la suite d'une proposition d'embauche au SPJ, il a finalement décliné l'offre en raison d'un salaire insuffisant pour subvenir aux besoins de sa famille et d'une éthique de travail qu'il ne partageait pas avec ce service. Mme Giger ayant par la suite été nommée pour s'occuper du cas de ses enfants, le pétitionnaire lui a demandé, par écrit, qu'elle se récuse, mais sa demande est malheureusement restée lettre morte. Ainsi, déplore-t-il, rien n'a bougé dans son dossier, pour finalement aboutir au rapport « lamentable » qu'il dénonce comme « …un incroyable amoncellement d'erreurs et de mensonges » et sur lequel le juge Strubin s'est appuyé pour rendre sa décision.
M. Monney estime qu'il souffre actuellement de mobbing et que ses enfants sont victimes d'agressions importantes, au point que sa fille aînée, âgée de quatorze ans, a même parlé de suicide. Quant à la cadette, il ajoute qu'elle n'est pas non plus épargnée. Ces calomnies, mensonges et sous-entendus permanents de la part de sa femme sont, en outre, très difficiles à vivre et il explique qu'il y a des jours où il est tellement déprimé qu'il ne peut coller un timbre sur une enveloppe. Aujourd'hui, en revanche, il reconnaît qu'il se sent mieux, mais que son état psychique reste très fragile.
Sa démarche auprès des commissaires vise essentiellement à dénoncer l'empêchement de rencontrer sa fille Aëllya depuis plusieurs mois, bien qu'il admette qu'à l'heure actuelle, la situation semble s'aplanir et qu'il est autorisé à voir son enfant.
M. Reubi indique qu'il connaît bien le problème familial de M. Monney. Il a, de surcroît, vécu le même genre de situation personnellement. Il estime que la question centrale n'est pas de savoir s'il s'agit d'une affaire de justice, mais plutôt d'exhorter les députés à faire le nécessaire auprès des services concernés, en vertu du pouvoir dont la Commission est revêtue. Revenant à son histoire personnelle, M. Reubi explique que son ex-femme souffrait d'alcoolisme. Pour la soigner, la garde des enfants lui a été confiée, tandis que lui s'est vu interdire de les rencontrer et ne les a pas revus pendant dix ans. Au niveau juridique, il aurait parfaitement eu les moyens de s'opposer à un tel état de fait, mais force lui est de constater que certains services font montre de partis pris évidents. Au titre d'exemple de l'attitude de certains employés, M. Reubi rapporte que la personne chargée du cas de ses enfants venait chez lui avec une bonne bouteille pour « discuter le bout de gras » avec son ex-épouse. Le résultat de ces agissements inadmissibles est que les dommages que subissent les enfants sont souvent irrémédiables et, qui plus est, source de tensions au sein de la société. Les déboires de M. Monney viennent, hélas, corroborer ce qu'il a, de son côté, enduré à l'époque. Il existe par conséquent de graves lacunes au SPJ qu'il conviendrait de corriger, une tâche qui, d'après lui, incombe précisément aux commissaires.
Mme Reubi témoigne à son tour. Elle connaît bien M. Monney et signale qu'il admet qu'il a commis des fautes dans le passé. Cependant, pour elle qui s'est penchée sur le dossier en question, un bon juriste aurait dû, à sa lecture, tirer d'autres conclusions que celles élaborées par le juge Strubin. Ainsi, illustre Mme Reubi pour la défense du pétitionnaire, ce dernier a perdu sa première femme brutalement (elle est décédée d'une leucémie), alors que sa fillette était âgée de quatre ans à l'époque. Il s'est ensuite marié à une Algérienne, mais il semblerait que la différence culturelle, notamment les pratiques religieuses, ait concouru à l'échec de cette union. En plein désarroi, M. Monney a fait la connaissance d'une Brésilienne avec laquelle il a eu un enfant et s'est marié. La particularité de cette femme, selon Mme Reubi, consiste à crier beaucoup et si possible dans des lieux publics, ce que son mari supportait très difficilement. En substance, conclut-elle, il est du devoir de la Commission de faire procéder à un contrôle des services incriminés. Si elle comprend parfaitement qu'elle ne soit pas compétente en matière de jugement, Mme Reubi invite les députés à faire surveiller les agissements de certains membres du SPJ.
M. Monney précise qu'en tant qu'éducateur, il travaillait au foyer Arabelle. Il a été licencié et ajoute qu'il a subi du mobbing, après avoir dénoncé la surcharge de travail et de responsabilité des deux seuls travailleurs sociaux pour une vingtaine de femmes. Suite à cet événement, il a souffert de maux de dos qu'il impute à la manière expéditive dont il a été licencié du foyer et se dit très affecté par le fait qu'il n'ait pas pu dire au revoir à ses collègues.
S'appuyant sur son expérience professionnelle, il explique qu'il connaît bien le phénomène de la perversité latente, celle qui ne s'exprime pas uniquement par des coups. Sa famille est dangereuse, mais cela ne filtre précisément pas à l'extérieur. Il semblerait que sa soeur ait traversé de semblables turbulences au sein de son ménage et M. Monney répète que le problème délicat réside essentiellement dans les retombées irrémédiables que peuvent subir les enfants pris dans la tourmente. A propos de sa fille, il affirme avec force qu'il n'est pas question qu'il se désolidarise d'elle. Par une sorte d'effet pervers, il s'est vu coller une étiquette d'homme violent, mais il la récuse. Preuve en est : il s'occupe de Laetitia, son aînée, qui vit avec lui : c'est pourquoi il ne peut accepter la décision du Service relative à sa fille cadette. De toute façon, on devrait préserver à tout prix, à ses yeux, la possibilité pour les deux parents, quelle que soit la situation que le couple traverse, de voir leurs enfants de manière équitable. « C'est anormal de se trouver dans une situation aussi archaïque dans un pays civilisé comme la Suisse », conclut-il.
A la question d'une députée lui demandant s'il a été jugé comme violent, M. Monney répond qu'il y a deux ans, il a effectivement été inculpé d'étranglement, bien qu'il n'ait, à ses dires, nullement eu l'intention de passer à l'acte. Il était, d'après lui, sous l'emprise de son « conjoint pervers » et, au surplus, complètement culpabilisé par la nouvelle que sa femme lui avait assénée à propos de sa décision de divorcer, tout en lui annonçant, au passage, qu'elle n'avait jamais éprouvé aucun sentiment pour lui. A l'appui de ses explications, M. Monney signale qu'il est en train de lire un livre sur le harcèlement moral qui lui permet aujourd'hui de mieux comprendre certains mécanismes à l'oeuvre dans ce qu'il vit.
Il revient sur le fait qu'il n'a pas vu sa fille pendant quatre mois, alors qu'il n'a rien à se reprocher, au contraire. On le voit comme un homme violent, certes, mais cela ne correspond pas à la réalité. Selon lui, le SPJ a complètement fait fi de ses allégations. Il révèle encore que sa femme entretient des liens suivis avec un mouvement religieux de son pays qu'il qualifie de secte et que sa personnalité s'en est trouvée passablement modifiée.
M. Monney indique, d'autre part, que sa femme est partie chez « Solidarité Femmes » et qu'elle y a bien appris les ficelles lui permettant de se « fondre dans le moule ». Il qualifie cet organisme de « féminisme bête » alors qu'il existe, à l'entendre, un féminisme intelligent visant à octroyer une égalité entre hommes et femmes, dans le respect de la différence.
En conclusion, M. Monney s'insurge encore contre ce que l'on fait subir aux enfants. « Il est urgent d'agir », ajoute-t-il. Il sait que le Service du tuteur général et le SPJ ont rencontré pas mal d'ennuis ces derniers temps. Il pourrait citer des noms. Si leurs agissements devaient perdurer, il se verrait dans l'obligation de révéler certains faits au domaine public. Il lui est intolérable de songer que d'autres enfants vivent le même calvaire que sa fille et des mesures doivent impérativement être prises pour que cela cesse. Au surplus, il réclame un suivi à long terme des familles vivant ce genre de problèmes, ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui.
Dans ce contexte, il pense que ces services auraient besoin d'une aide au diagnostic familial, aux fins d'être mieux armés pour traiter, notamment, les cas de parents floués ou victimes de mobbing de la part d'un des conjoints. Il n'est pas suffisant, par conséquent, précise le pétitionnaire, de se contenter de renforcer la surveillance du SPJ.
Audition de Mme Jacqueline Horneffer, directrice du SPJ
La présidente fait savoir à Mme Horneffer que la commission souhaiterait obtenir des renseignements sur la manière dont le SPJ gère les situations conflictuelles comme celle que M. Olivier Monney, pétitionnaire, a exposé lors de son audition. S'agissant du cas particulier, elle souligne qu'il est difficile pour les députés de se positionner. D'autre part, les commissaires voudraient entendre la directrice du SPJ sur les moyens mis en oeuvre pour faire face à la violence familiale.
Mme Horneffer indique que ses services ont reçu un rapport de police concernant des faits de violence de Monsieur à l'encontre de Madame. A ce stade, la tâche du SPJ consiste à se pencher sur la situation familiale des conjoints. Dans ce contexte, on cherche à cerner, dans la mesure du possible, l'origine des conflits aux fins de mettre une aide sur pied ou, le cas échéant, d'adresser le(s) plaignant(s) à des personnes plus spécialisées dans la prise en charge psychologique. Il se peut encore que le service doive prendre des mesures de restriction d'autorité parentale, dans l'hypothèse où les enfants sont en situation de danger. Dans le cas précis, des travailleurs sociaux se sont entretenus avec la famille Monney et ils ont effectivement constaté une accumulation de facteurs déclencheurs de tensions. « En les prenant les unes après les autres, certaines choses ont pu être décantées, mais tout a recommencé après », résume Mme Horneffer. A la suite de quoi, une séparation a été sollicitée au sein du couple. A partir de là , le tribunal intervient et requiert un rapport d'évaluation sociale. Le SPJ est un service social, ajoute-t-elle, et non pas thérapeutique ou psychologique. Si besoin est, les clients sont orientés vers d'autres services.
Elle explique que le SPJ offre des entretiens aux fins de regarder sur quel plan il est possible d'apporter une aide sociale. En ce qui concerne le couple Monney, on s'est attaché à lui trouver un appartement plus vaste, celui où il résidait en compagnie de sa femme étant trop exigu. De plus, Mme Dominique Giger, du SPJ, a rencontré la fille de M. Monney, cette dernière ayant des difficultés avec la femme du pétitionnaire, de manière à ce qu'elle puisse exprimer ses préoccupations. A ce moment, il a été vivement conseillé à son père de la faire suivre par un thérapeute, ce qui a été fait, puis ultérieurement interrompu. D'autre part, M. Monney reprochait surtout le fait qu'on ne fasse rien, d'après lui, pour qu'il puisse voir sa fille cadette. Or, ses doléances n'étaient pas fondées car elle estime que tout a été mis en oeuvre dans ce sens : il a pu rencontrer sa fille à la crèche.
Par ailleurs, en cas de conflit avec un travailleur social, les parents peuvent se tourner vers la direction. Même si l'éventualité de dessaisir un collaborateur d'un dossier n'est pas à exclure, dans le cas d'espèce, sachant qu'une demande d'évaluation était en cours et que Mme Giger pensait qu'il fallait demander une expertise de la situation, l'affaire s'est arrêtée à ce stade. Le climat s'était, de plus, notablement amélioré de mai 1997 à août 1998, une évidence que M. Monney avait admise. Mais les événements ont pris une autre tournure par la suite; il y a de nouveau eu une flambée de violence de sa part; Madame a eu peur et les choses se sont cristallisées. En 1999, Mme Giger a finalement requis une expertise.
Pour conclure sur le cas particulier, Mme Horneffer précise qu'actuellement la situation se trouve dans le cadre d'une procédure judiciaire dans laquelle un juge tranche. Il appartient à ce dernier d'écouter l'assistance sociale en vue, le cas échéant, de prendre des mesures d'expertise psychiatrique s'il l'estime nécessaire.
Dans un cadre plus général, Mme Horneffer répond aux différentes interrogations des députés.
Par rapport à la violence familiale, elle confirme qu'il y a une augmentation de personnes psychologiquement fragiles. Les travailleurs sociaux sont confrontés à de graves tensions dues à des situations familiales toujours plus complexes et conflictuelles.
Dans certains cas, les assistants sociaux travaillent en tandem de manière à neutraliser les crispations ; ainsi, parfois, l'un des deux est plus particulièrement attribué à la mère et l'autre au père, dans le but d'apaiser les confrontations conflictuelles.
S'agissant de ses collaborateurs, Mme Horneffer précise qu'en ce qui concerne les appuis éducatifs, trente postes, répartis sur cinquante personnes, assument 2300 dossiers (statistiques 1998). Elle convient que le nombre est en forte augmentation depuis 10 ans et que leur charge est nettement plus lourde. En effet, aujourd'hui, les parents ont besoin de soutien alors qu'auparavant il était plus facilement envisageable de collaborer avec eux. Il s'ensuit, par conséquent, des réunions supplémentaires, ces derniers étant parfois suivis par des thérapeutes.
Pour faire face à la complexité des cas actuels et à la question d'un sous-effectif, elle relève la nécessité de la pluridisciplinarité.
Mme Horneffer insiste également sur le besoin de la formation continue, étant d'accord de constater que la formation dispensée à l'Institut d'Etudes Sociales n'est plus suffisante mais déplorant le fait qu'elle ne puisse les offrir qu'au « compte-gouttes ».
Elle ajoute qu'avec la nouvelle loi sur le divorce (droit des enfants d'être entendus), son service a demandé des postes supplémentaires car le SPJ anticipe un véritable « rush » dès le 1er janvier prochain.
Mme Horneffer confirme encore que les assistants sociaux sont au bénéfice de supervisions durant lesquelles ils peuvent évoquer certains cas difficiles et trouver des pistes pour les résoudre et faire évoluer telle situation dans une autre direction.
Interrogée sur l'opportunité de la permanence téléphonique du week-end qui mobilise des collaborateurs, Mme Horneffer avoue que son service avait songé à la supprimer mais que le Tribunal pense qu'il s'agit d'une sécurité de savoir que les gens peuvent appeler le week-end, même si ce sytème n'est pas forcément utilisé.
Enfin, répondant à une députée, Mme Horneffer est certaine que le Tribunal tient compte des rapports rédigés par son service et parle, à cet égard, de « poids assez important », bien qu'il ne s'agisse évidemment pas du seul élément dont dispose cette instance qui a la compétence, par exemple, pour auditionner des témoins. Le tribunal est, au surplus, habilité à faire délier les médecins, un droit que le SPJ ne peut pas s'arroger. Ces considérations lui font dire que le tribunal est en possession d'une vision plus globale de la situation.
Discussion de la commission
Les députés ont pris la peine d'écouter longuement le pétitionnaire, mais force est de constater qu'ils n'ont pas les moyens d'intervenir dans ce malheureux conflit conjugal qui a pour conséquence de faire souffrir deux enfants. Ils n'ont pas souhaité aller plus en avant en interrogeant tous les acteurs du conflit, ne voulant pas se substituer à la justice.
C'est pourquoi ils vous prient, à l'unanimité, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignements.
Débat
Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S), rapporteuse. Depuis le dépôt du rapport, nous avons encore reçu des courriers de la part du pétitionnaire. Nous ne pouvons malheureusement que confirmer la conclusion du rapport dans la mesure où cette affaire est du ressort de la justice.
Dans un cadre plus général, les députés de la commission des pétitions sont toujours plus sollicités par des particuliers pour résoudre leurs différends familiaux par voie de pétition. Ils ont aussi été interpellés par le fait que les médias s'emparent souvent de ces tristes sujets pour remettre en cause la crédibilité d'institutions publiques qui, eu égard au secret professionnel, n'ont pas le droit de se défendre.
Lors de l'examen de cette pétition, le service de protection de la jeunesse a été largement remis en question, ce qui a motivé l'audition de sa directrice, Mme Jacqueline Horneffer. Si nous pouvons penser qu'il y a un quelconque dysfonctionnement dans ce service, certains députés sont convaincus qu'il est dû à une surcharge de travail. Mme Horneffer a confirmé qu'il y a non seulement une augmentation du nombre de dossiers depuis dix ans, mais encore que ceux-ci représentent une charge nettement plus lourde aujourd'hui, les situations étant toujours plus complexes et conflictuelles, engendrant parfois des actes de violence. Selon les statistiques 98, 2 300 mineurs ont été pris en charge dans les groupes d'appui éducatif. Ces groupes sont formés de 36 personnes représentant 29 postes et demi. D'autre part, le groupe chargé d'évaluer les situations dans le cadre des divorces est composé de 11 personnes. Celles-ci ont en plus, depuis janvier 2000, la charge d'entendre les enfants dans ce même cadre et de répondre aux demandes de parents déjà divorcés et souhaitant bénéficier de la nouvelle loi.
Lors du débat sur le budget, la présidente du DIP a ironisé dans sa réponse à ma demande de création de nouveaux postes. Il me semblait que gouverner, c'était prévoir. Vu le contexte actuel de surcharge de travail pour ce service, deux ou trois personnes de plus ne seraient pas un luxe.
On a beaucoup parlé dans ce parlement des collaborateurs du tuteur général et l'Hospice général qui croulent sous les dossiers. Le Conseil d'Etat s'apprête à créer une commission cantonale de la famille. Il me semble que le service de protection de la jeunesse mériterait l'attention de tous et que des moyens suffisants devraient être mis à sa disposition afin qu'il puisse remplir la mission qui lui est fixée par la loi. Des rapports ont été rendus, que ce soit l'audit ou le rapport Geoffroi, mettant en lumière quelques pistes. Qu'y a-t-il à en tirer et pourquoi semblent-ils dormir dans un tiroir ?
Mme Martine Brunschwig Graf. Je crois que vous allez avec sagesse déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Quant au prétexte ainsi saisi pour traiter la problématique de la protection de la jeunesse, je ne crois pas qu'il y ait de rapport qui dorme dans les tiroirs et jamais rien qui arrive sur ma table et qui soit refusé d'être étudié, je le précise, et en tout cas jamais dans mes tiroirs. C'est clair et c'est toujours comme cela. Cela étant dit, j'aimerais quand même vous signaler et répéter - parce que je suis d'accord avec vous sur le fait que la protection de la jeunesse doit, en vertu de la loi sur le divorce, être davantage équipée en ressources humaines - que nous avons convenu avec elle que c'était à la protection de la jeunesse de faire l'évaluation nécessaire, que c'était à la protection de la jeunesse de faire les demandes et que c'était en fonction de ces demandes-là, mais aussi des sollicitations qu'elle recevrait, que nous prendrions les mesures nécessaires. Il n'est pas sage d'engager des gens sans savoir exactement ce que nous devons faire. Il a donc été convenu - personne ne fait pression sur quiconque pour ne pas le faire - que ce serait sur la base de l'évaluation des besoins, comme nous le faisons toujours dans notre département, que les mesures seraient prises.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
Sous la présidence de M. Louis Serex et de Mme Louïza Mottaz, respectivement président et vice-présidente, la Commission des pétitions a examiné la pétition 1252 au cours des séances des 6, 13 et 20 septembre 1999. Les procès-verbaux ont été rédigés par Mme Pauline Schaefer.
La teneur de la pétition est la suivante :
Pétition(1252)
concernant l'entretien du chemin de la Grande-Fin
Mesdames etMessieurs les députés,
Les soussignés, usagers réguliers à divers titres du chemin longeant le stade de Vessy au lieu-dit "La Grande Fin", désirent attirer votre attention sur l'état de délabrement lamentable de ce chemin destiné aux piétons.
Il n'est pas entretenu, certains tronçons sont boueux en permanence et les quelques troncs/bancs installés - il doit y avoir plus de 20 ans - sont pour la plupart très abîmés en raison des précipitations.
Selon nos informations, si le stade de Vessy lui-même, très bien entretenu, appartient à la Ville de Genève, en revanche, le chemin et le cordon boisé appartiennent au canton. Une barrière sépare les deux et le Service des sports de la Ville n'est sans doute pas chargé de l'entretien de ce chemin.
Celui-ci, proche de l'agglomération, est très fréquenté la semaine et le week-end par des joggeurs, des promeneurs (avec ou sans chien !) et même par des possesseurs de vélos tous terrains (VTT).
C'est dire que, tout comme les cheminements piétonniers des bords du Rhône ou de Sierne au Bois des Pins, le chemin de la Grande-Fin mériterait un entretien minimum le rendant praticable sans lui faire perdre son aspect naturel.
N.B. : 50 signaturesMme et M. M.-C. et J. Vernet, 14, boulevard des Tranchées, 1206 Genève
Travaux de la commission
Audition des pétitionnaires : Mme Marie-Christine Vernet et M. Jacques Vernet
Mme Mme M.-Ch. Vernet rappelle qu'au début des années 1980, elle et son mari avaient coutume de promener leurs chiens sur le chemin de la Grande-Fin. Après une pause de seize ans, ils sont retournés sur ce chemin et l'ont trouvé dans un état lamentable : il est boueux en permanence, les bancs/troncs sont très abîmés par les intempéries, etc. Le but des deux pétitionnaires est donc de réhabiliter ce chemin plein de charme en lui offrant un entretien digne de ce nom.
Par comparaison, M. J. Vernet fait remarquer que le terrain de sport jouxtant le lieu-dit « la Grande Fin » fait l'objet de beaucoup plus d'attention. En fait, le stade de Vessy dépend du Service des sports de la Ville de Genève qui s'en occupe, alors que le chemin de la Grande-Fin est, lui, situé sur le territoire cantonal. Il trouve très dommage de laisser ce sentier dans cet état de délabrement car il est fréquenté par des personnes de tous âges, en particulier durant le week-end et de plus, le site est magnifique.
Le pétitionnaire avance une proposition qui consisterait à élaborer une convention entre le département concerné et la Ville pour que cette dernière assume l'entretien du chemin de la Grande-Fin. En guise de conclusion, M. Vernet remarque qu'actuellement ce lieu-dit porte, hélas, bien son nom !
Audition de M. André Joly, inspecteur cantonal des forêts, du service des forêts, de la protection de la nature et du paysage
M. M. A. Joly indique qu'il existe effectivement un cheminement reliant les installations sportives du Bout-du-Monde à un réseau plus vaste qui suit l'Arve en faisant le tour de la boucle de la Grande-Fin à l'extérieur du stade. Il reconnaît ensuite que c'est un lieu de promenade très attractif et extrêmement fréquenté, tant par des joggeurs et des VTT que par des propriétaires de chiens. Il confirme ce qui est dit dans la pétition, à savoir que le stade de Vessy est entretenu par la Ville de Genève mais que les terrains, dont le lieu-dit en question, sont propriété de l'Etat. Il fait aussi mention de transactions en cours entre la Ville et l'Etat à propos de l'échange de parcelles dans ce secteur, ce qui signifie que la Ville s'en occupera bientôt complètement. Au printemps dernier, soit avant le dépôt de la pétition, il s'est rendu sur place avec un responsable de la gestion des terrains de la Ville et un employé du SEVE et il était question de la réfection de ce chemin : il pense donc que cela devrait pouvoir se faire cet automne.
Discussion
Les commissaires ont tous été convaincus par l'argumentation des pétitionnaires et donc de la nécessité d'entretenir ce chemin situé dans un site attrayant et fréquenté par de nombreux citoyens.
Une commissaire estime néanmoins regrettable qu'il faille passer par une pétition pour accélérer des démarches qui sont pourtant dans la mission des services compétents. D'une manière générale, plusieurs commissaires font observer que les communes sont régulièrement confrontées à des problèmes similaires s'agissant de domaines de l'Etat dont l'entretien est déficient.
Néanmoins, dans le cas qui nous occupe, les assurances données par l'inspecteur cantonal des forêts relatives à l'entretien du chemin de la Grande-Fin semblent suffisantes à l'ensemble des membres de la commission.
C'est pourquoi, à l'unanimité des membres présents (2 DC, 3 S, 2 AdG, 2 Ve, 2 L et 2 R), la commission a voté le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les mêmes conclusions.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
En date du 24 juin 1999, les membres de « Weetamix » ont déposé au secrétariat du Grand Conseil une pétition portant 365 signatures.
Les membres de la Commission des pétitions ont examiné la pétition susmentionnée les 25 octobre et 8 novembre 1999, sous la remarquable présidence de M. Louis Serex ; les procès-verbaux ont été rédigés par Mme Pauline Schaeffer.
La teneur de la pétition est la suivante :
Pétition(1259)
concernant «Weetamix»" sur la diffusion et le développement de la culture «techno» dans notre canton
Mesdames etMessieurs les députés,
Weetamix est un collectif, à but non lucratif, oeuvrant en faveur de la culture «techno». Depuis 1994, Weetamix a organisé plus de 100 manifestations musicales dans différents lieux genevois, et s'est établi depuis 2 ans et demi dans un local situé sur la commune de Vernier.
Lors de ces différentes manifestations, Weetamix a par ailleurs accordé une attention particulière à la prévention contre le tabac, l'alcool et les drogues, ceci en étroite collaboration avec les institutions concernées.
En renonçant volontairement aux sponsors liés au commerce du tabac et de l'alcool, et sans subventions publiques, Weetamix ne peut plus assurer son fonctionnement.
Par cette pétition, nous demandons aux autorités de bien vouloir prendre en considération l'importance que représente Weetamix pour la diffusion et le développement de la culture «techno» dans notre canton et de lui apporter le soutien nécessaire à la poursuite de sa politique de prévention et de ses activités culturelles.
N.B. : 365 signatures
Weetamix, M. Dimitri Stransky Heilkron, case postale 6109, 1211 Genève 6
Travaux de la commission
Audition de M. Dimitri Stransky Heilkron, pétitionnaire
M. Dimitri Stransky Heilkron, fondateur de Weetamix, explique que cette association existe depuis 6 ans et qu'un nouveau comité sera formé dès la nouvelle année.
Dans le cadre de ses activités, Weetamix utilise une salle - la Halle W, située au 114, route de Vernier - d'une superficie de 350 m2, pour ses activités musicales toutes les semaines. Cette dernière est aussi à la disposition d'autres associations qui peuvent la louer.
Les activités de Weetamix ont pour but :
d'encourager, de développer et de promouvoir la musique électronique, Weetamix est le programmeur techno le plus en vue de la place ;
la création d'un label discographique ;
la mise en place d'un atelier de création musicale sur ordinateur et de cours de D.J. ;
d'organiser des manifestations publiques ;
la prévention contre le tabac, l'alcool et le sida (ex : distribution de flyers concernant les drogues douces durant les manifestations).
La difficulté principale que rencontre l'intervenant provient du fait que depuis deux ans et demi Weetamix doit faire face à des charges considérables, entre autres pour la location de l'espace nécessaire à son activité. Cette charge s'élève à 42 000 F annuels pour ce hangar loué à Swissair dont elle attend un bail en bonne et due forme. Par ailleurs, M. Laurent Moutinot a fait savoir à l'association qu'elle ne pouvait continuer à exercer ses activités dans la zone industrielle où elle a établi ses quartiers, en lui accordant toutefois une dérogation jusqu'à l'an 2000.
La salle de Weetamix est le seul lieu privé à Genève qui, avec l'Usine, pratique une politique de prévention face aux sponsors. Dans ce contexte, une collaboration régulière avec le CIPRET (prévention contre le tabagisme) et la FEGPA (prévention contre l'alcoolisme) est pratiquée par l'association.
Le choix de cette politique a bien évidemment des conséquences sur sa capacité à faire face aux charges qu'induisent ses activités.
Cette association, forte de 600 membres et dont le rôle social est indéniable, d'autant que cette salle se trouve à la croisée de quartiers tels que les Avanchets, Meyrin et la Servette, doit faire face à une situation financière précaire en raison de son choix : privilégier la prévention, contrairement à ce qui se pratique normalement dans les salles de spectacles dans le canton.
Il suffirait, selon les pétitionnaires, de 50 000 F pour qu'ils puissent mener à bien leur projet et boucler les comptes de 1999.
Discussion et votes de la commission
Plusieurs député-e-s sont d'avis que Weetamix mène un combat intéressant et fait des efforts pour s'en sortir. Cette association pratique une politique de prévention dans ses soirées, avec notamment le Groupe Sida Genève. Elle se donne de la peine pour que ses soirées se déroulent dans un cadre le plus favorable qui soit à la santé des jeunes.
A ce stade, il s'agit de donner un coup de pouce à Weetamix en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat.
Naturellement, si Weetamix souhaite obtenir une subvention, il est clair qu'elle pourrait le faire par les canaux officiels.
Quelques députés pensent néanmoins qu'il s'agit d'une demande de subvention et qu'il conviendrait dès lors que les pétitionnaires se conforment aux règles des demandes de subventions culturelles, la Commission des pétitions n'ayant pas ces compétences.
La bonne volonté des pétitionnaires retient l'attention de bon nombre de commissaires qui estiment que la « culture techno » joue un rôle important dans le paysage actuel des jeunes, raison pour laquelle ils estiment que donner un coup de main à cette association serait un élément positif.
La proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat est acceptée par :
6 oui (1 AdG, 2 DC, 2S, 1 Ve)
contre 3 non (2 R, 1 L)
avec 1 abstention (1Ve)
Ainsi nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de suivre l'avis de la majorité de la commission.
Débat
Mme Danielle Oppliger (AdG), rapporteuse. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Jean-Marc Odier (R). Je voulais revenir sur cette pétition pour exprimer encore mon étonnement sur cette proposition de renvoi au Conseil d'Etat. Non pas que Weetamix ne soit pas une activité intéressante, je pense au contraire qu'elle présente plusieurs aspects positifs, notamment, pour une salle de spectacle comme celle-ci, son emplacement et la localisation aux abords directs de l'aéroport. Je pense que cette situation est idéale par rapport aux nuisances que cette activité peut créer au centre-ville. On voit qu'un établissement similaire comme celui de l'Usine qui propose, dans un autre style, un même genre d'activité, engendre un certain nombre de plaintes du voisinage. Du point de vue logique, il semblerait plus adapté d'implanter les lieux de vie nocturne créant des nuisances aux abords directs de l'aéroport, par exemple, ou dans une autre zone, et de créer des transports publics nocturnes, comme il en existe dans le canton, par exemple les Noctambus. Dans le cas précis, ils ont sauf erreur été proposés, mais ils n'ont pas été acceptés, soit par le département, soit par la commune. Je pense donc qu'il serait plus logique d'implanter ces activités en dehors de la ville.
La prévention santé consistant à ne pas recourir au financement provenant du sponsoring des producteurs de tabac et d'alcool est une bonne chose. C'est louable, mais je pense que cela ne doit pas être un prétexte pour ne pas rechercher un équilibre financier dans l'organisation de manifestations. Si on les compare à d'autres associations, notamment des clubs sportifs, qui proposent aussi des activités que l'on pourrait qualifier de prévention santé, on constate que ces associations travaillent sans sponsoring et sans subvention.
Lorsqu'on parle dans le rapport de 600 membres, j'aimerais préciser, parce que cela peut prêter à confusion, que ces membres ne collaborent pas à l'organisation de ces manifestations, puisque être membre de Weetamix signifie payer une cotisation de 50 F, ce qui permet d'obtenir une réduction sur les entrées des spectacles. Le membre paye 10 F, alors que les autres payent 25 F. Mais les 600 membres ne collaborent pas, puisque le pétitionnaire est absolument seul à travailler dans l'organisation de ce spectacle. Il me semble que pour ce genre de manifestation et ce genre d'organisations et vu l'ampleur qu'elles revêtent, la structure ne soit pas du tout suffisante. Octroyer des subventions à une personne me semble quelque chose - excusez-moi du terme, car je n'en trouve pas d'autre - d'un peu léger. C'est pourquoi je ne peux pas souscrire à cette proposition de renvoi au Conseil d'Etat et je proposerai un dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). C'est l'intervention de M. Odier qui m'incite à prendre la parole, parce que j'ai suivi depuis ses débuts l'aventure de Weetamix. J'aimerais répondre point par point. D'abord en termes d'aménagement. J'ai participé aux efforts de Weetamix pour trouver une salle pour la production de ses concerts. Croyez-moi, c'est une chose extraordinairement difficile ! Finalement, après avoir fait le tour des possibilités publiques, ils ont trouvé eux-mêmes la solution qui est aujourd'hui la leur, à titre précaire, sur la commune de Vernier. Il a fallu faire obstacle aux plaintes des voisins. Nous sommes intervenus pour que la commune de Vernier traite avec indulgence ces plaintes et accepte la présence de ce groupe. Nous avons reçu pour ce faire la collaboration de la police cantonale basée à Vernier qui a été appelée à intervenir un certain nombre de fois et qui a accordé un soutien aux organisateurs de ces spectacles. Les choses ont pu se régler de cette manière. S'il était facile de trouver, comme vous le souhaitez, dans un aménagement qui serait entièrement planifié, des lieux parfaitement adaptés pour ce genre de spectacles, déjà construits, équipés, aux abords d'un tramway ou sous le bruit de l'aéroport, vous avez raison, ce serait l'idéal ! On ne l'a pas trouvé et, croyez-moi, on a cherché ! Il y a d'ailleurs une quantité d'associations culturelles qui cherchent en permanence des locaux pour leurs activités à Genève. C'est un problème qui est lié non seulement au prix des loyers, comme à Sécheron, mais également à la carence du type d'équipement que requièrent une musique et des spectacles bruyants.
J'aimerais souligner à cet égard l'effort que fait la commune de Vernier en accueillant favorablement cette installation sur son territoire, je le répète, à titre précaire.
La relation culture - sport en terme de financement : il n'y a aucun jeune organisateur de spectacles qui puisse tourner avec le marché de la billetterie ou avec les cotisations de ses membres. La plupart du temps, il faut une subvention. Weetamix a fait ses preuves au cours de ses huit ans d'existence. C'est en effet une association gérée par Dimitri. Un seul homme, mais c'est l'homme de la situation, Weetamix est sa passion. Il était accompagné au début d'un certain nombre de camarades. C'étaient tous des chômeurs, c'étaient tous des RMCAStes. Ils ont réussi à s'en sortir grâce à cette activité. Je vous assure que cela mérite un soutien. Il serait possible de leur suggérer - s'ils étaient en mesure de recevoir une subvention de la part du département de l'instruction publique ou directement du département des finances, ou d'être éventuellement mis au bénéfice d'un contrat de confiance - il serait possible de leur suggérer d'améliorer la structure de leur association, en veillant par exemple à ce que des assemblées générales soient tenues, etc. C'est une suggestion que l'on peut leur apporter. Il y faudrait un petit appui logistique, parce que ce sont d'une certaine manière des anarchistes en ce qui concerne leur rapport aux institutions. Mais je vous assure qu'ils sont extrêmement déterminés et fidèles à leur trajectoire.
Enfin, sur la question de membership, je constate qu'il y a beaucoup d'associations qui fonctionnent sur le modèle de la cotisation qui donne accès à des spectacles. Je pense par exemple, pour prendre l'autre extrémité de l'éventail musical de Genève, aux Amis de l'Orchestre de la Suisse romande. La cotisation donne en effet la possibilité d'avoir accès à des spectacles à prix réduit. Les assemblées générales n'y sont que très formelles et très peu de gens y participent. La question du membership n'est donc pas un obstacle en soi.
Je voudrais donc encourager ce Grand Conseil à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Pierre Marti (PDC). Je ne mettrai pas du tout en doute les buts et les activités de Weetamix, bien au contraire. Je pense qu'elle fait un excellent travail. Je souhaite simplement insister sur le fait que les lieux dans lesquels elle se trouve actuellement sont des lieux qui n'offrent pas suffisamment de sécurité pour les gens qui y viennent. Il y a une très petite porte d'entrée. Et si nous arrivions une fois ou l'autre à un accident extrêmement important... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Il se pourrait qu'il y arrive un accident extrêmement important et que la sécurité des lieux, que je connais très bien puisqu'ils sont situés juste derrière mon entreprise, aggrave la situation.
Je pense dès lors que si nous renvoyons ce rapport de la commission des pétitions au Conseil d'Etat, il y a lieu d'insister auprès de ce dernier pour que des travaux, même temporaires, soient entrepris sur le plan de la sécurité. Il serait regrettable qu'un certain nombre de jeunes trouvent malheureusement une fin tragique dans ces locaux.
M. Laurent Moutinot. J'interviens juste sur un point, c'est la question posée par M. Marti. Lorsque j'avais autorisé à titre provisoire Weetamix à s'installer à cet endroit, puisqu'on est en zone industrielle et que la zone industrielle n'est normalement pas dévolue à de telles activités, il y avait une condition sur la sécurité et je crois me souvenir qu'elle a été exécutée. Je m'inquiète que vous disiez qu'elle ne l'est pas. Je ne souhaite pas qu'il y ait de fausses informations sur la situation de la sécurité. En toute hypothèse, c'était une condition que j'avais posée. Je vérifierai donc si elle a été respectée. Mais il n'est évidemment pas question de faire courir des risques à qui que ce soit sur ce site.
Pour le surplus, en ce qui concerne le fond même de la pétition, il convient de voir quelle est la forme adéquate qui puisse permettre un soutien entre les différentes sources de financement qui peuvent se montrer actives en la matière, avec également les garanties que l'association en soit une et que ce ne soit pas simplement une entreprise subventionnée. Cela dit, il y a peut-être aussi une manière pour votre Grand Conseil de soutenir Weetamix sans en devenir membre, c'est d'aller à l'un ou l'autre des spectacles. Vous payerez le prix plein et vous verrez que c'est un lieu extrêmement sympathique !
Le président. Mesdames, Messieurs, deux propositions nous sont faites, renvoi au Conseil d'Etat ou dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Le président. Mesdames, Messieurs, nous avons épuré les anciens objets de notre du jour. Vous méritez une bonne pause ! Nous reprenons nos travaux à 17 h.
La séance est levée à 16 h 40.