Séance du jeudi 18 novembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 1re session - 51e séance

M 1103-A
5. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Barbara Polla, Nicolas Brunschwig, Janine Berberat, Nelly Guichard et Hervé Dessimoz sur la formation pour l'emploi. ( -) M1103
Mémorial 1997 : Développée, 3686. Adoptée, 3699.

Le Grand Conseil,considérant :

que l'emploi reste une préoccupation primordiale des politiques actuelles ;

que les jeunes sont particulièrement touchés par ce problème ;

que des mesures préventives ont les meilleures chances d'être, à terme, efficaces,

invite le Conseil d'Etat

à considérer toutes les mesures pouvant favoriser une meilleure adéquation de la formation des élèves aux exigences d'insertion dans le monde du travail, tout en préservant l'indispensable acquisition d'une culture générale ;

à rapprocher le monde de l'école et celui de l'économie, cela sans asservir l'un à l'autre, mais en favorisant la connaissance réciproque et les contacts,

et notamment,

- à évaluer les programmes scolaires dans ce sens ;

- à considérer l'accueil de professionnels dans les écoles ;

- à mettre un accent majeur sur les stages en entreprises.

La proposition de motion 1103 a été déposée en novembre 1996. A un moment où, à Genève, comme le précisaient les motionnaires dans leur exposé des motifs, les moins de 25 ans constituaient plus de 12 % de l'ensemble des personnes sans emploi. Aujourd'hui, le nombre de chômeurs a diminué de façon significative et la proportion des jeunes de moins de 25 ans parmi eux est descendue à moins de 10 %. Cette baisse touche aussi bien les apprentis que les étudiants.

L'amélioration de la situation est due, certes, à une conjoncture plus favorable, mais aussi aux premiers effets des mesures prises par le Département de l'instruction publique pour que l'école, d'une manière générale, prépare mieux les jeunes aux exigences du monde dans lequel ils seront appelés à vivre.

Première invite :

« ...considérer toutes les mesures pouvant favoriser une meilleure adéquation de la formation des élèves aux exigences d'insertion dans le monde du travail, tout en préservant l'indispensable acquisition d'une culture générale ».

Cette invite est au centre de toute politique de l'éducation et de la formation. Elle fait partie des préoccupations du Conseil d'Etat et du Département de l'instruction publique en particulier.

Ce postulat posé, reste à résoudre la question suivante : quelles mesures prendre dans une société qui s'inscrit dans une dynamique du changement ; dans une société qui implique une adaptation et une évolution permanentes de ses acteurs ?

Une des caractéristiques de notre monde est que la plupart des connaissances acquises aujourd'hui seront dépassées demain. L'accumulation des savoirs ne suffit plus. Et l'on sait aussi que l'école ne constitue plus le seul lieu et le seul « temps » d'appropriation de la culture, de l'histoire ou des sciences. La formation s'étend donc tout au long de la vie active. Elle est continue.

Dans ce contexte, l'école a pour première priorité de faire acquérir à ses élèves de solides connaissances dans les disciplines fondamentales. Disciplines fondamentales dont font partie, notamment, le français, les mathématiques, les langues nationales et l'anglais.

C'est à ce titre, par exemple :

que l'enseignement des mathématiques dans l'enseignement primaire a été réformé au niveau romand. Il est basé sur l'appropriation des outils, notions et techniques qui permettent de mieux résoudre des problèmes concrets ;

que l'enseignement de l'allemand a été rénové à l'école primaire et au Cycle d'orientation. Les méthodes « Tamburin » dans l'enseignement primaire (appliquée au 3e degré dès l'an 2000) et « Sowieso » au Cycle d'orientation tiennent compte à la fois des goûts et dispositions psychologiques des élèves ;

que le nouveau plan d'études du français au Cycle d'orientation insiste sur l'idée d'inter et de transdisciplinarité. L'application de cette notion permettra aux élèves de répondre aux exigences des autres disciplines en matière d'exposés et de réalisation de dossiers ;

que l'anglais, langue de communication internationale, figure désormais au programme de l'ensemble des élèves du Cycle d'orientation ;

que la culture générale a été renforcée dans les écoles de formation professionnelle dans le cadre d'un plan d'études cadre mis en place par la Confédération.

Renforcement et renouveau des disciplines de base afin qu'elles soient assimilées et maîtrisées dans le temps constituent donc la première priorité de l'école. Mais l'école, comme la société, se transformant, elle se doit, pour préparer l'insertion professionnelle, culturelle et sociale de ses élèves, de transmettre des compétences axées sur l'ouverture et l'adaptation au monde environnant. Telle est la seconde priorité de l'école.

Et la première des compétences que l'école transmet est la capacité et l'envie d'apprendre car elle est un facteur permanent d'insertion. L'école doit également permettre d'atteindre une certaine autonomie, de s'adapter à des situations nouvelles, de savoir organiser son travail personnel, d'améliorer son aptitude à communiquer, de gérer l'information et de travailler en réseau. Pour, en fin de compte, pouvoir développer des projets et devenir responsable et solidaire dans la société de demain.

Ces objectifs, les trois ordres d'enseignement en ont fait les leurs :

dans l'enseignement primaire, la rénovation a des objectifs précis. Il s'agit notamment de renforcer les compétences transversales ;

au Cycle d'orientation, les six priorités définies en 1996 mettent l'accent sur la responsabilisation de l'élève, la construction d'un projet personnel et l'amélioration de ses capacités à communiquer tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'école ;

au Collège de Genève, l'introduction de la nouvelle maturité offre la possibilité de personnaliser son programme par des options. Ses ambitions : développer l'ouverture d'esprit, la responsabilisation et l'autonomie de jugement, favoriser la curiosité et accroître les facultés de communication.

De nombreux autres exemples pourraient venir alimenter cette argumentation. Les réformes entreprises depuis 1993 dans le domaine de la formation, tant au niveau fédéral que cantonal, vont toutes dans le même sens : aider les élèves à acquérir, durant leur scolarité, quel que soit le niveau où ils se situent et la voie qu'ils empruntent, un solide bagage de connaissances et de compétences, garant, à moyen et long termes, des meilleures chances d'insertion professionnelle et sociale.

Seconde invite :

« ...rapprocher le monde de l'école de celui de l'économie, cela sans asservir l'un à l'autre, mais en favorisant la connaissance réciproque et les contacts,

et notamment,

à évaluer les programmes scolaires dans ce sens ;

à considérer l'accueil de professionnels dans les écoles ;

à mettre un accent majeur sur les stages en entreprises. »

Le Département de l'instruction publique oeuvre constamment dans cette optique.

Sur le plan des programmes scolaires, comme nous l'avons montré dans la réponse à la première invite, les adaptations aux évolutions scientifiques, technologiques et sociales sont permanentes.

Dans le domaine de la formation professionnelle les exemples ne manquent pas non plus :

regroupements dans les formations des professions du bois et de la mécanique, projets de regroupements dans les professions du dessin technique et de l'informatique menés en étroite collaboration avec les milieux professionnels ;

mise en place de stages en entreprises pour les apprentis en école du CEPTA (Centre d'enseignement des professions techniques et artisanales) afin que leur formation colle mieux aux réalités du terrain ;

mise en place de la maturité professionnelle et des Hautes écoles spécialisées, équivalentes, en termes d'ambition et de niveau, à la voie universitaire.

Dans le domaine des relations entre les professionnels et les écoles, les contacts ont été établis depuis de nombreuses années et sont aujourd'hui pratique courante dans le canton. L'Office d'orientation et de formation professionnelle (OOFP), avec les associations professionnelles et les entreprises, organise chaque année, essentiellement pour des élèves du cycle et des 10es degrés de la scolarité postobligatoire des Rencontres d'information professionnelle et des visites en entreprises. En 1998/99, environ 4 500 personnes ont bénéficié de ces prestations. Mais les contacts des élèves avec le monde du travail ne se limitent pas à ces opérations :

au Cycle d'orientation, plus de 200 maîtres d'information scolaire et professionnelle (MISP) - dont la mission à côté des conseillers d'orientation scolaire et professionnelle est de préparer les élèves au choix d'une formation ou d'une profession - sont en contact régulier avec les responsables de formation, les responsables d'entreprises et les associations professionnelles genevoises. Le Cycle d'orientation contribue ainsi depuis de nombreuses années à faire connaître aux élèves - et à promouvoir - tous les secteurs de l'économie genevoise (visites de classes lors des journées des portes ouvertes du CEPTA, visites de chantiers de la Fédération des métiers du bâtiment (FMB), d'entreprises de l'Union industrielle genevoise (UIG) ;

dans les écoles du postobligatoire, des dispositifs de préparation au choix sont en place tant au collège que dans les écoles de commerce et de culture générale : semaines d'information sur les études et professions, cours de projet professionnel à l'Ecole de culture générale Henry-Dunant, ateliers de développement de projet au Collège (Boussole), toutes prestations qui mettent en contact les élèves avec des professionnels, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des établissements.

Quant aux stages, ils constituent le facteur essentiel de rapprochement entre les élèves et les entreprises et tout est fait pour faciliter leur organisation.

On estime qu'actuellement, près de 8 000 stages sont organisés chaque année dans le canton, et que 90 % d'entre eux sont mis en place par le Département de l'instruction publique au bénéfice des élèves du cycle, de l'école de culture générale, des écoles professionnelles et du postobligatoire en général. Mais bien entendu, tous les stages organisés ne sont pas de même nature et concernent des élèves de différentes filières. Le contenu des stages et leur durée varient donc en fonction des objectifs recherchés (découverte d'une profession, recherche d'une place d'apprentissage, validation d'un projet, reconnaissance des acquis, acquisition d'une expérience, insertion dans le monde du travail, formation, etc.), et toutes les entreprises ne sont pas à même de recevoir toutes les requêtes. La demande est donc forte quantitativement, et si diversifiée qualitativement, qu'une coordination a été mise en place à la demande des associations professionnelles et des entreprises. « Interface Entreprises » a été créé en juin 1998 à cet effet. Petite structure commune au Département de l'instruction publique et au Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, « Interface Entreprises » est soutenu par le Conseil central interprofessionnel et financé à 80 % par la Confédération. Il propose :

une base de données informatique sur les entreprises à même de recevoir des stagiaires pour informer les demandeurs des possibilités existantes et des limites, en termes quantitatifs et qualitatifs (en cours de réalisation) ;

la recherche de places de stages et de formations en entreprises pour des institutions abonnées (par exemple : Ecole d'ingénieurs de Genève, Office cantonal de l'emploi, Office d'orientation et de formation professionnelle).

L'énumération de l'ensemble des types de stages organisés et des élèves concernés par des stages en entreprises serait trop longue et fastidieuse dans le cadre de la réponse à cette motion. Nous choisirons donc quelques exemples significatifs :

avec la création de la maturité professionnelle et des Hautes écoles spécialisées (HES) sont apparus de nouveaux besoins. Les porteurs d'un diplôme d'études commerciales, par exemple, ont la possibilité d'obtenir une maturité professionnelle commerciale moyennant un stage en entreprise de 39 semaines. Les candidats suivis par deux répondants, l'un de l'entreprise, l'autre de l'école, doivent passer un examen final de « travaux pratiques ». A l'Ecole d'ingénieurs de Genève (EIG), les élèves qui terminent leur 3e à l'Ecole d'enseignement technique (EET) doivent, pour entrer en HES, effectuer un stage en entreprise de 12 semaines ;

les écoles de commerce, qui ont depuis longtemps le souci constant d'intensifier des contacts avec les milieux économiques, organisent des stages en entreprise pour les élèves de 2e année qui préparent le diplôme, pour les candidats à la formation commerciale pour porteurs de maturité, ainsi que pour les candidats à la maturité professionnelle commerciale postdiplôme ;

au Centre d'enseignement pour les professions techniques et artisanales (CEPTA), les élèves des filières à plein temps bénéficieront tous à terme d'une première expérience de pratique professionnelle en entreprise ;

le centre de séjours à l'étranger quant à lui, a développé le concept « la langue comme atout professionnel ». Ces stages à l'étranger conduisent le jeune à un niveau linguistique assez avancé dans un contexte professionnel qui lui est proche. Le centre offre les conseils nécessaires au développement du projet, il guide le jeune qui sera déjà au bénéfice d'une formation scolaire (maturité, maturité professionnelle, CFC, titre HES ou universitaire) ;

enfin, la pratique courante des langues vivantes par des stages linguistiques, des cours d'enseignement général donnés dans une langue étrangère, des semaines hors cadre d'immersion linguistique, est à l'étude dans les écoles du postobligatoire.

Quant à organiser des stages, d'assez longue durée, pour des élèves du cycle ou du collège qui suivent une formation dite de culture générale, il n'est pas sûr que les entreprises seraient d'accord de les prendre en charge. Pour préparer des projets dans quels domaines ? Pour évaluer les performances des entreprises sur quels critères ? Et avec quelles compétences ? La généralisation de ce type de stages reviendrait, en fait, à amputer notre système de formation de filières clairement définies et offrant des possibilités diversifiées.

Conclusion

Les auteurs de la motion réclament des gens compétents. Ils pensent et proposent la généralisation de stages pratiques de formation de longue durée pour l'ensemble des filières de formation.

La solution n'est pas là. Les stages de formation existent déjà dans l'ensemble des filières professionnelles et les passerelles entre le monde l'économie et les filières de culture générale sont nombreuses et se développent.

La solution aux demandes des motionnaires passe par un rééquilibrage de la répartition des élèves entre les filières de culture générale, très prisées, et les filières professionnelles qui le sont moins.

La revalorisation de la filière professionnelle est une opération de longue haleine à laquelle le Département de l'instruction publique travaille depuis plusieurs années.

Cette revalorisation est en cours, grâce à l'introduction de la maturité professionnelle et la création des HES. Elle sera complétée et achevée en 2003 avec l'introduction d'une nouvelle loi fédérale sur la formation professionnelle.

La réhabilitation de la filière professionnelle passe aussi par des actions de promotion des apprentissages. Comme celles qui sont menées depuis 1997 en Suisse, en Suisse romande et à Genève en particulier, avec l'appui de la Confédération, le soutien et la collaboration permanente des partenaires sociaux.

C'est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à Genève depuis 1996, le nombre de places d'apprentissage a augmenté de 15 % et le nombre de contrats d'apprentissage de 14 % (chiffres juillet 99). Ces résultats positifs sont encourageants. Ils sont à mettre au bénéfice de l'ensemble des partenaires et institutions cités dans ce rapport. Les efforts seront poursuivis dans ce sens. Ils permettront d'amener peu à peu, mais certainement, de plus en plus de candidats vers la maturité professionnelle et les HES. En dehors de la généralisation des stages pratiques de formation à l'ensemble des filières qui n'est pas la solution aux problèmes évoqués dans la motion 1103, l'ensemble des autres mesures préconisées sont réalisées.

Mesdames et Messieurs les députés, notre Conseil espère - par les éléments relativement exhaustifs évoqués dans sa réponse - vous démontrer que l'action menée répond aux attentes du parlement.

Débat

Mme Barbara Polla (L). Les motionnaires souhaitent remercier le Conseil d'Etat et en particulier la présidente du département de l'instruction publique pour son rapport sur la motion 1103. Ce rapport nous apporte en effet des informations particulièrement encourageantes, notamment sur le fait que depuis 1996, date du dépôt de cette motion, le nombre de places d'apprentissage a augmenté de 15 % et le nombre de contrats d'apprentissage de 14 %. C'est à souligner dans notre pays, où le système d'apprentissage constitue l'un des fleurons de la formation.

Nous apprenons aussi que les passerelles entre l'économie et les filières de la culture générale, par exemple, sont nombreuses et se développent, alors que les écoles de commerce organisent des stages en entreprises pour plusieurs catégories de leurs élèves. Ces données sont particulièrement réjouissantes lorsqu'on considère, comme on vient de le faire, la résistance que l'on peut rencontrer encore aujourd'hui à l'égard des interactions entre écoles et économie. Ces interactions se développent visiblement dans le respect de chacun des deux domaines, sans asservissement de l'un à l'autre, comme le précisait d'ailleurs la motion, mais en favorisant réellement les contacts indispensables pour l'emploi futur. C'est bien dans ce sens que vont l'ensemble des actions décrites dans ce rapport et nous ne pouvons que nous en réjouir et réitérer nos remerciements à la présidente du DIP et au Conseil d'Etat. 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.