Séance du vendredi 24 septembre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 10e session - 43e séance

RD 324
29. a) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la politique foncière de l'Etat. ( )RD324
M 86-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de M. Jean Grob concernant la mise à disposition de terrains en droit de superficie. ( -) M86
Mémorial 1980 : Annoncée, 932. Développée, 1759. Adoptée, 1761. Rapport du Conseil d'Etat, 4182.
M 672-A
c) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Micheline Calmy-Rey, Hervé Dessimoz, Jean Montessuit, René Koechlin et Jean Spielmann concernant un inventaire des possibilités de constructions de logements. ( -) M672
Mémorial 1990 : Développée, 4129. Adoptée, 4131.

Le sol est par définition le pivot de toute politique d'aménagement du territoire. Les autorités de la Confédération, des cantons et des communes ont l'obligation d'aménager leur territoire et de veiller à assurer une utilisation mesurée du sol. Dans l'exercice de leurs compétences, ces autorités doivent, selon la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT), tenir compte des principes suivants :

le paysage doit être préservé ;

les territoires réservés à l'habitat et à l'exercice des activités économiques seront aménagés selon les besoins de la population et leur étendue limitée ;

il importe de déterminer selon des critères rationnels l'implantation des constructions et installations publiques ou d'intérêt public.

La politique foncière de l'Etat est importante à double titre en ce sens qu'elle détermine, d'une part, les terrains dont disposent les autorités, ou dont elles devraient disposer, pour mener à bien leur action et, d'autre part, elle a des implications évidentes pour les finances publiques. D'ailleurs, depuis quelques années, la Commission des finances du Grand Conseil manifeste, à juste titre, sa volonté d'être davantage associée et, surtout, informée de la politique générale qu'entend suivre le Conseil d'Etat en la matière.

Le présent rapport a pour principal objectif d'informer le Grand Conseil sur les objectifs et les moyens de cette politique et d'établir un bilan général du patrimoine foncier de l'Etat de Genève en vue de proposer une nouvelle approche en matière de politique foncière.

La méthodologie proposée consiste à analyser dans un premier temps les moyens financiers et les outils à la disposition du Conseil d'Etat pour effectuer les tâches publiques. Dans un deuxième temps, le présent rapport dresse un bilan général du patrimoine foncier de l'Etat et évalue les disponibilités foncières de l'Etat par rapport aux objectifs fixés. Enfin, il propose des mesures pour valoriser ce patrimoine par une politique active d'acquisition, d'échange et d'aliénation.

1. Les objectifs de la politique foncière et les moyens à disposition

La politique foncière de l'Etat vise à répondre aux besoins d'intérêt général ou d'intérêt public de la collectivité genevoise en poursuivant les objectifs suivants :

réaliser les équipements publics affectés à la formation, aux soins hospitaliers, à la sécurité et à l'administration générale ;

réaliser les voies de communication et les infrastructures liées aux transports publics, à l'assainissement ;

offrir des conditions d'accueil optimales permettant le développement des activités économiques, des organisations internationales, des entreprises, de l'aéroport, etc. ;

faciliter la construction d'ensembles de logements d'utilité publique, notamment par la mise à disposition de terrains en droit de superficie à des fondations immobilières, de droit public ou privé, et à des coopératives ;

préserver et développer les zones de verdure et de délassement au fur et à mesure de l'accroissement de l'agglomération urbaine ;

préserver et protéger l'environnement, notamment les forêts, le lac et les cours d'eau.

Pour réaliser ces objectifs, l'Etat dispose de plusieurs instruments d'ordre législatif et financier. Il intervient directement ou indirectement sur le marché foncier .

1.1 Les moyens d'intervention indirecte

L'intervention indirecte vise à contrôler l'utilisation du sol par l'adoption d'un régime de zones de construction et de plans d'affectation localisés, tels que les plans localisés de quartier ou les plans de site. Ce contrôle a un impact direct sur les valeurs foncières. La valeur d'un terrain est en effet déterminée principalement par son potentiel à bâtir et, dans une moindre mesure, par sa localisation par rapport aux pôles d'activités économiques et sociales.

Le sol n'est pas un bien économique comme un autre. On observe que les valeurs foncières croissent de la périphérie vers le centre-ville. L'existence de certains mécanismes régulateurs, comme par exemple les zones de développement ou la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR), permet de limiter la hausse des prix des terrains.

Il est à noter que les nuisances dues à la proximité d'un générateur de bruit ou de pollution peuvent affecter la valeur d'un terrain.

Le potentiel de construction d'un terrain est déterminé par l'indice d'utilisation du sol, c'est-à-dire les surfaces de plancher constructibles par rapport à la surface de la parcelle. Il dépend du régime des zones à bâtir (LaLAT), des règles de construction (LCI) et d'éventuelles restrictions (patrimoine classé, servitudes, etc.).

Un terrain augmente donc de valeur lorsque son potentiel de construction augmente. C'est le cas suite à l'adoption des mesures d'aménagement suivantes :

un changement du régime de la zone dans laquelle est situé le terrain (déclassement) ;

un plan d'affectation (plan localisé de quartier, plan de site, règlement particulier) avec un indice d'utilisation du sol supérieur à celui, usuel, de la zone de construction dans laquelle est situé le terrain ;

une dérogation au régime des zones à bâtir et aux règles de construction, telle qu'une augmentation du gabarit de hauteur des constructions ou une augmentation du rapport des surfaces en zone villa (5e zone).

D'une manière générale, les propriétaires ont un intérêt légitime et bien compréhensible à valoriser leur terrain. Il n'est donc guère étonnant que l'Etat soit en permanence saisi de requêtes visant à obtenir un changement de zone, un plan localisé de quartier ou des dérogations augmentant les possibilités constructives des terrains concernés. Si l'Etat doit accéder aux requêtes justifiées, il doit aussi jouer son rôle régulateur et ne pas perdre de vue l'intérêt général.

L'intervention indirecte de l'Etat sur le marché foncier s'effectue donc par le biais de la législation et de la réglementation concernant l'utilisation du sol.

1.2 Les moyens d'intervention directe

L'Etat intervient directement sur le marché foncier par l'acquisition, l'échange et par l'aliénation de terrains.

1.2.1 acquisition

Les moyens à sa disposition pour acquérir des terrains sont l'acquisition de gré à gré ainsi que l'acquisition par l'exercice du droit de préemption et du droit d'expropriation. Rappelons que le patrimoine foncier de l'Etat peut également s'accroître lors d'attribution de terrains à l'Etat à la suite de legs ou de successions en déshérence.

Bien que la propriété soit garantie par la Constitution fédérale, celle-ci stipule que la Confédération et les cantons peuvent, par voie législative et pour des motifs d'intérêt public, prévoir des restrictions à la propriété et des expropriations, moyennant une juste indemnité.

L'Etat et les communes peuvent acquérir des terrains en exerçant le droit de préemption qui leur est accordé par plusieurs lois genevoises. Ce droit permet aux collectivités publiques de se substituer à l'acquéreur, dans une transaction immobilière, en fonction d'objectifs précis et de conditions strictes.

L'exercice par l'Etat, dans certains cas la commune, du droit de préemption permet l'acquisition de terrains nécessaires à :

la réalisation d'équipements cantonaux et communaux dans les périmètres des zones de développement affectées à l'équipement public ;

la mise en valeur des zones de développement industriel ;

la construction de logements d'utilité publique ;

la préservation d'immeubles classés.

L'Etat peut également acquérir des terrains par voie d'expropriation pour des motifs d'utilité publique (exemples : piste cyclable, route, école, etc.). La loi genevoise sur l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit deux cas de figure bien précis.

a) Déclaration d'utilité publique générale

Il s'agit d'une loi décrétant de manière générale l'utilité publique de certaines catégories de travaux et d'opérations d'aménagement du territoire. L'utilité publique est donc constatée une fois pour toutes par le Grand Conseil, ce qui permet, le cas échéant et si nécessaire, au Conseil d'Etat de décréter l'expropriation.

L'exercice par l'Etat du droit d'expropriation permet ainsi l'acquisition de terrains nécessaires à :

la réalisation, l'adaptation ou l'élargissement des voies publiques ;

la réalisation des équipements et de l'infrastructure prévus aux plans et règlements directeurs ou aux plans localisés de quartier, de même que l'acquisition d'immeubles compris dans les zones de développement ;

l'exécution de travaux prévus par des plans d'ensemble et visant à des améliorations forestières ou foncières ;

l'exécution de travaux de correction et d'ouvrages de protection du lac et des cours d'eau, ainsi que le réseau public d'évacuation des eaux claires et usées ;

la construction d'ensembles de logements d'utilité publique. Il est précisé que le droit d'expropriation ne vise que l'acquisition de terrains par l'Etat ou les communes intéressées, mais ne permet pas de radier des servitudes qui pourraient grever ces mêmes terrains.

b) Déclaration d'utilité publique spécifique

La constatation de l'utilité publique peut aussi résulter d'une loi ad hoc déclarant de manière ponctuelle l'utilité publique d'un travail ou d'un ouvrage déterminé, d'une opération d'aménagement ou d'une mesure d'intérêt public. C'est notamment le cas lorsque, pour éviter les effets de servitudes de restriction de bâtir, le Grand Conseil déclare d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier pour autant qu'au moins 60 % des surfaces de plancher, réalisables selon ce plan, soient destinées à l'édification de logements d'utilité publique.

1.2.2 aliénation

Il est nécessaire de distinguer l'aliénation au profit d'entités publiques (communes, établissements autonomes, fondations de droit public) de l'aliénation au profit de tiers privés (cf. art. 80A de la constitution cantonale)

L'aliénation de terrains faisant partie du patrimoine de l'Etat à des tiers privés, personnes morales ou physiques, est soumise à l'approbation du Grand Conseil. Il en va de même des terrains appartenant à des établissements publics ou des fondations de droit public. En revanche, l'aliénation de parcelles au profit de collectivités ou entités publiques est soumise à la seule approbation du Conseil d'Etat.

De même, les échanges et les transferts effectués dans le cadre d'opérations d'aménagement, de remembrement foncier, de projets routiers ou de projets déclarés d'utilité publique, sont de la compétence du Conseil d'Etat.

1.3 Les moyens financiers

Le financement des acquisitions foncières de l'Etat est assuré par l'approbation par le Grand Conseil de projets de loi ad hoc, présentés sous forme de crédits d'investissement ou d'autorisations d'emprunt.

1.3.1 Crédits d'investissement

Les crédits d'investissement concernent des ouvrages et des opérations d'aménagement affectés à la réalisation de tâches publiques nécessitant l'acquisition de terrains, telles que par exemple la réalisation des travaux de renaturation de la Seymaz ou l'acquisition d'un bâtiment administratif, lequel est ensuite inscrit au bilan de l'Etat au patrimoine administratif.

1.3.2 Autorisations d'emprunt

Les autorisations d'emprunt, en revanche, sont essentiellement destinées à l'acquisition de terrains de réserve selon un programme d'ensemble préalablement défini par le Conseil d'Etat. Ce programme peut identifier des opérations précises, mais également refléter la volonté d'acquérir des parcelles, non définies, selon une clé de répartition par catégorie.

C'est ainsi que la dernière loi d'emprunt votée par le Grand Conseil (loi 7797-I du 5 novembre 1998, pour F 30 millions) prévoit notamment de réaliser des acquisitions de terrains de différentes catégories selon la clef de répartition suivante :

- 25 % du crédit pour des parcelles destinées au logement (y compris l'exercice du droit de préemption) ;

- 25 % pour des terrains en zone industrielle (y compris l'exercice du droit de préemption) ;

- 25 % de parcelles destinées à des équipements publics ;

- 25 % affectés à diverses acquisitions concernant le secteur des organisations internationales,  les zones de délassement et de verdure, les compensations écologiques, etc.

Depuis 1992, cinq lois d'emprunt ont été votées par le Grand Conseil. Les autorisations d'emprunt s'élèvent, respectivement, à F 20 millions en 1992, F 33,5 millions en 1993, F 30 millions en 1994, F 28 millions en 1995 et F 30 millions en 1998.

1.3.3 Règles comptables: patrimoine financier et patrimoine administratif

Le patrimoine financier comprend les valeurs et les placements. Il obéit à une logique de placement et de rentabilité et a par conséquent une valeur vénale. Ces objets sont en principe aliénables. Ils figurent au bilan de l'Etat de Genève à leur valeur d'acquisition; ils ne sont pas amortis. Partant, aucune charge d'amortissement ne figure dans le compte d'Etat. Par contre, les terrains figurant au patrimoine financier sont considérés comme des investissements avec un rapport : Ils sont loués ou remis en droit de superficie et génèrent des revenus pour l'Etat.

C'est ainsi que l'Etat de Genève, en tant que superficiant, a conclu 164 droits de superficie (valeur mars 1999) au profit d'opérations de logements, à destination sociale ou à vocation internationale, ainsi qu'au profit d'artisans et d'entreprises commerciales ou du secteur de la construction. L'ensemble de ces droits de superficie génère annuellement des rentes d'environ F 6,8 millions.

Le patrimoine administratif comprend les biens affectés à l'accomplissement des tâches publiques et nécessaires aux activités de l'Etat et de ses institutions. Ces biens figurent au bilan de l'Etat à leur valeur comptable et sont amortis chaque année en fonction du type d'actif et de leur durée de vie économique. Ils ne sont par principe pas aliénables.

Les acquisitions de terrains considérés comme de réserve sont inscrites au bilan de l'Etat au patrimoine financier, dans l'attente d'une affectation ultérieure. Lorsqu'une parcelle est par la suite affectée à une tâche publique, un projet de loi est présenté au Grand Conseil pour transférer ladite parcelle au patrimoine administratif.

Dans les cas relativement rares d'aliénation de parcelles ou lorsque, suite à un échange, il se dégage une plus-value, le produit financier ne sert pas à rembourser les lois d'emprunt, mais figure aux revenus du patrimoine dans le compte de fonctionnement de l'Etat. Ces plus-values ne sont donc pas réaffectées à l'acquisition de nouvelles parcelles.

Enfin, les autres charges imputées aux lois d'emprunt sont celles découlant notamment des frais de notaire, d'expertises (architectes, analyses du sol, etc.), d'éventuelles indemnisations et de géomètres.

A noter que les terrains et immeubles dévolus à l'Etat lors de successions en déshérence sont régis par des dispositions particulières : le produit du rendement net ou de l'aliénation de ces terrains ou immeubles est remis aux établissements publics médicaux et à l'Hospice général.

1.4 Les moyens logistiques de gestion du territoire

La gestion du territoire et du patrimoine foncier de l'Etat est une activité éminemment transversale qui implique l'intervention de plusieurs services administratifs. Afin d'assurer la coordination de leurs activités dans le domaine foncier et de bénéficier de leur connaissance respective du territoire cantonal, un groupe de travail inter-services a été mis sur pied, en automne 1998, au sein du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Ce groupe comprend notamment des responsables des opérations foncières, de l'aménagement du territoire, de la gérance et de l'office cantonal du logement.

Présidé par le secrétaire général du DAEL, ce groupe se réunit régulièrement pour examiner les propositions d'acquisitions foncières ou d'échanges de parcelles, l'avancement des projets d'aménagement, de valorisation de même que la mise en droit de superficie de terrains de l'Etat ou encore les cas d'exercice du droit de préemption légal. L'office cantonal du logement assure la liaison avec les fondations immobilières de droit public et les coopératives de logement afin que leurs demandes soient également prises en compte lors des décisions de mise à disposition de terrains.

Les services chargés de la gestion du patrimoine foncier de l'Etat bénéficient de l'accès à un système d'information du territoire (SITG) très performant. Il s'agit d'une base de données qui regroupe l'ensemble des informations liées à l'organisation du territoire genevois, comme par exemple les plans cadastraux, les informations du registre foncier, les zones d'affectation, les propriétés des collectivités publiques, etc.

Tous les fournisseurs de données (les principaux sont l'Etat de Genève, la Ville de Genève, l'Association des communes genevoises, les Services industriels de Genève et l'Université de Genève) ont adhéré au SITG et se sont engagés à gérer la base de données conformément à une charte des utilisateurs.

La base de données se présente comme une superposition de couches contenant chacune une catégorie d'informations spécifiques. A chaque objet peut être liée une sélection d'informations, que ce soit sous forme de textes, de schémas, de photos, etc. Les couches peuvent être superposées et interrogées verticalement (carottage). Parallèlement, un logiciel de consultation rapide - GEOKIOSK - permet la mise à disposition des informations de base, de façon aisée et conviviale.

2. Bilan et analyse générale du patrimoine foncier de l'Etat de Genève

2.1 Définition du patrimoine foncier de l'Etat de Genève

Avant de procéder à l'analyse du patrimoine foncier de l'Etat de Genève, il est nécessaire de préciser ce qui le compose et ce qui en est exclu dans le cadre du présent rapport. En effet, l'étude se limite au patrimoine de l'Etat au sens étroit, c'est-à-dire les parcelles et immeubles inscrits au registre foncier au nom de l'Etat de Genève.

Ainsi, ne sont pas prises en considération dans le présent rapport les parcelles propriété des établissements autonomes (Services industriels, Transports publics genevois, Hospice général, etc), des fondations immobilières de droit public, de la Fondation des terrains industriels, des caisses de pensions, etc.

Sont également exclus les terrains qui font partie du domaine public, soit les routes ainsi que le lac et les cours d'eau.

Les parcelles objet de la présente analyse sont gérées essentiellement par les services de l'Etat de Genève (direction des bâtiments du DAEL) ou par la Fondation pour les terrains industriels (FTI). Toutefois, certains terrains du patrimoine foncier sont mis à disposition des Transports publics genevois, des Hôpitaux universitaires, ou encore d'institutions indépendantes (fondations immobilières et diverses, etc.). Ces entités bénéficient de terrains appartenant à l'Etat de Genève tout en étant, dans certains cas, elles-mêmes propriétaires inscrits au registre foncier pour d'autres immeubles (non compris dans cette analyse).

Le cas de l'aéroport est particulier : selon la loi sur l'aéroport (H 3 25, art. 4), l'Etat est propriétaire des terrains compris dans la zone aéroportuaire ainsi que des immeubles existants ou en cours de réalisation lors de son entrée en vigueur.

2.2 Analyse quantitative du patrimoine foncier de l'Etat de Genève

Au 31 décembre 1998, l'Etat de Genève était propriétaire de 2898 parcelles, représentant plus de 33 millions de m2, soit quelque 3303 hectares, ou encore 13 % environ du territoire cantonal. Pour avoir un premier aperçu de la composition de ce patrimoine ainsi que de son importance par rapport au territoire cantonal, on se reportera aux deux graphiques ainsi qu'au tableau ci-après, qui illustrent :

 - Graphique 1 : la part du lac et des cours d'eau par rapport à la superficie du canton.

 - Graphique 2 : la part du patrimoine foncier de l'Etat de Genève dans le territoire cantonal, compte non tenu des surfaces constituant le lac et les cours d'eau.

 - Tableau indiquant la répartition du territoire cantonal dans les différentes zones  d'affectation selon la LaLAT, de même que la distribution du patrimoine foncier de l'Etat entre lesdites zones. La dernière colonne mentionne la part des propriétés de l'Etat, en %, dans chacune des zones.

Exemple : 53.72 % du territoire cantonal est en zone agricole, soit 130,15 millions de m2; l'Etat de Genève en possède 8,9 millions, soit 6,84 %. La zone agricole représente les 26,96 % du patrimoine foncier de l'Etat de Genève.

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Les chiffres présentés sont le reflet de la situation du patrimoine foncier de l'Etat de Genève à fin 1998.

Relevons encore que les surfaces indiquées ne sont pas d'une précision absolue, quand bien même la marge d'erreur est très faible. En effet, dans certaines situations, les limites de zone ne correspondent pas forcément aux limites cadastrales, ce qui a nécessité une approximation.

2.3 Analyse qualitative du patrimoine de l'Etat de Genève selon les zones d'affectation

Afin d'illustrer la composition du patrimoine foncier de l'Etat de Genève, il a été procédé à une analyse zone par zone, qui permet de se faire une première idée de la nature des possessions foncières de l'Etat selon les critères objectifs d'aménagement du territoire. Dans certains cas, on observera que l'affectation réelle des immeubles n'est pas en conformité avec leur affectation légale, ce qui s'explique par le fait que la mise à jour du plan des zones cantonal n'a pas encore permis de régulariser certaines situations anciennes.

Zones de bois et forêts, verdure et jardins familiaux

Les propriétés de l'Etat de Genève dans ces zones relèvent en principe du patrimoine administratif, eu égard aux objectifs d'intérêt public ou d'intérêt général qu'elles sont appelées à servir (préservation et mise en valeur des zones forestières, de verdure, de délassement).

Dans ces trois zones confondues, le patrimoine foncier de l'Etat de Genève totalise environ 13 700 000 m2.

Zone agricole

En zone agricole, l'Etat de Genève est propriétaire d'environ 8 900 000 m2. Une grande partie des parcelles y ont été acquises en prévision de la réalisation des routes cantonales et, notamment, nationales. Une partie provient du legs Eckert. A noter que certains équipements publics ont été réalisés en zone agricole, tels par exemple l'hôpital de Loëx, le collège de Bois-Caran, le collège Claparède à Conches, le Centre horticole de Lullier, la décharge cantonale, la station d'épuration du Nant d'Avril ou encore le dépôt militaire d'Aire-la-Ville.

Zone ferroviaire

Les propriétés foncières de l'Etat de Genève dans cette zone comprennent essentiellement les terrains de la gare des Eaux-Vives et l'assiette de la ligne SNCF jusqu'à la frontière entre les communes de Thônex et d'Ambilly (France).

Zone aéroportuaire

Les parcelles situées en zone aéroportuaire sont inscrites au patrimoine administratif et ne sont, par principe, pas susceptibles d'être échangées ni aliénées. En surface, elles représentent 10,5 % du patrimoine du canton.

A noter toutefois qu'une distinction pourrait, idéalement, être établie entre la partie de cette zone qui constitue indéniablement du patrimoine administratif (piste, taxiways, tarmac, aérogare proprement dite, etc.), et celle qui, abritant des activités de nature essentiellement commerciale (halle fret, maintenance aéronautique, services commerciaux divers) pourrait être assimilée au patrimoine financier.

La quasi-totalité de la zone aéroportuaire est propriété de l'Etat de Genève.

Zone sportive

Les propriétés foncières de l'Etat de Genève dans cette zone figurent au patrimoine administratif et obéissent à la logique du bien public. Elle ne sont par conséquent disponibles que pour des échanges ou des cessions entre collectivités publiques.

Zones industrielle et artisanale et de développement industriel et artisanal

Dès après la Seconde guerre mondiale, l'Etat de Genève a développé une politique de promotion des activités industrielles, laquelle a trouvé notamment son expression dans la loi du 28 juin 1958, créant la Fondation des terrains industriels Praille-Acacias (FIPA) ainsi que dans la loi générale sur les zones de développement industriel du 13 décembre 1984 (LGZDI). Aux termes de cette dernière, l'Etat s'est fixé comme objectifs de délimiter, d'aménager, d'équiper et de mettre en valeur des périmètres de développement de la zone industrielle. Au nombre de ceux-ci figurent principalement les zones de Praille-Acacias (FIPA), de Meyrin-Satigny (ZIMEYSA), de Plan-les-Ouates (ZIPLO), de Mouille-Galand (ZIMOGA) et du Bois de Bay.

A l'intérieur de ces zones de développement, la loi donne mission à l'Etat de mener une politique active d'acquisition de terrains, soit de gré à gré, soit par voie d'exercice du droit de préemption légal, soit encore, si nécessaire, par voie d'expropriation. En maîtrisant ainsi une part substantielle de ces terrains, qui sont mis à disposition des entreprises dans le cadre de droits de superficie, l'Etat est à même d'y développer une politique à long terme de préservation du tissu industriel, en exerçant un contrôle strict tant de l'affectation que des prix de vente ou de location desdits terrains.

La grande majorité des parcelles de l'Etat dans ces zones sont équipées et gérées par la FTI (ZIMEYSA, ZIPLO, ZIMOGA).

En dehors de ces périmètres, Il faut signaler que certains équipements publics cantonaux occupent des terrains qui ont été classés en zone industrielle, tels par exemple l'usine d'incinération des Cheneviers ou encore la station d'épuration d'Aïre.

Zones 1, 2 et 3

Le patrimoine foncier de l'Etat de Genève dans ces 3 zones (env. 900 000 m2) est presque exclusivement affecté à des bâtiments répondant aux besoins de l'administration, des services publics (enseignement, justice, santé) ainsi que de diverses organisations internationales : le CERN à lui seul occupe 406 631 m2 à Meyrin !

Zones de développement 2, 3

En zone de développement 2, les propriétés foncières de l'Etat de Genève sont presque exclusivement affectées à des tâches publiques.

Pour ce qui est de la zone de développement 3, les parcelles de l'Etat de Genève sont vouées essentiellement au logement ou à l'équipement public.

Ensemble, ces deux zones ne recèlent que 2,4 % du patrimoine de l'Etat.

Zones 4A, 4B, 4B protégée et développement 4A, 4B et 4B protégée

On s'étonnera peut-être que l'Etat de Genève détienne 36,9 % de la zone 4A. De fait, la quasi-intégralité de ces biens-fonds sont occupés par la prison de Champ-Dollon et le Centre cantonal de la protection civile à Bernex.

En zones villageoises, l'Etat de Genève est propriétaire de quelques objets isolés comme par exemple les anciens postes de gendarmerie de campagne (Chancy, Croix de Rozon, Perly, Versoix) qui, aujourd'hui, sont désaffectés mais procurent un revenu locatif marginal.

Quelques équipements publics ont été réalisés en zone de développement 4B protégée, comme par exemple le cycle de Vuillonnex.

Zones 5 et développement 5

C'est vraisemblablement dans cette zone que l'on trouvera la majorité des terrains de réserve de l'Etat de Genève. C'est également dans cette zone que se situent un grand nombre d'équipements publics et de parcs : cycle et parc de Budé, collège de Sismondi, plages de la Savonnière et du Reposoir, château de Penthes, villa le Saugy, campagne Rigot ne sont que des exemples illustrant l'importance des possessions foncières de l'Etat de Genève en zone 5.

De même, les terrains affectés aux organisations internationales ou à des résidences diplomatiques occupent d'importantes surfaces (OMS, CICR ou UER).

2.4 Analyse du potentiel foncier disponible à court terme selon le régime de zone

Au fil du présent rapport, le Conseil d'Etat entend présenter un survol général du patrimoine foncier de l'Etat, en distinguant les actifs affectés ou immobilisés, qui sont pratiquement inaliénables, d'une part, de ceux qui, au contraire, pourraient éventuellement être cédés, respectivement valorisés, si nécessaire par voie d'échange ou d'aliénation. Pour ce faire, il conviendrait de classer le patrimoine de l'Etat selon quatre catégories de bien-fonds :

1) Les terrains et immeubles affectés à la réalisation des tâches publiques (administration, formation, santé, social, justice, sécurité, transports, environnement) ou d'intérêt général (organisations internationales).

2) Les terrains actuellement sans affectation particulière, mais qu'il s'impose de conserver à titre de réserve à moyen, voire long terme, en vue de la réalisation des équipements publics futurs.

3) Les terrains qui, tout en relevant à certains égards du patrimoine financier - ils procurent à l'Etat un revenu et seraient susceptibles si nécessaire d'aliénation - doivent être considérés comme des immobilisations parce qu'ils sont voués à la réalisation des politiques publiques que l'Etat s'est fixé pour objectif de conduire en matière de promotion du logement social, d'une part, de préservation du tissu industriel, d'autre part.

4)  Les terrains et immeubles constituant le patrimoine financier de l'Etat, stricto sensu, et qui sont susceptibles d'être aliénés, échangés ou valorisés d'une autre manière (location, droits de superficie).

En l'état actuel des forces et des instruments de travail dont dispose pour l'instant l'administration, instruments qu'elle s'est fixé pour objectif de développer dans le cadre de la réforme de l'Etat, il n'est pas encore question d'établir une ventilation détaillée des biens immobiliers de l'Etat dans ces différentes catégories.

Néanmoins, l'analyse qualitative qui va suivre du patrimoine foncier du canton, zone par zone, devrait permettre à chacun de se convaincre que les bien-fonds de la 4è catégorie, à savoir ceux qui peuvent être classés dans le patrimoine financier stricto sensu, ne sont pas d'une ampleur telle qu'ils puissent constituer un volant de manoeuvre déterminant dans le cadre de la gestion de la fortune, respectivement de la dette de l'Etat.

Zones des bois et forêts, de verdure et des jardins familiaux

Les terrains de l'Etat de Genève inclus dans ces zones ne sont pas susceptibles d'aliénation, étant donné les fonctions écologiques et sociales qui sont les leurs. Tout au plus des échanges avec des collectivités publiques pourraient-ils être envisagés.

Zone agricole

Mis à part les terrains qui accueillent des équipements publics, et dont le régime d'aménagement devra dans certains cas être régularisé, le patrimoine foncier de l'Etat en zone agricole peut être considéré sous deux angles :

- d'une part, il faut lui reconnaître, pour partie tout au moins, le caractère d'une réserve foncière à long terme  : en prévision des besoins d'équipement auxquels devront faire face les générations futures, il paraît sage de conserver en mains de la collectivité des surfaces d'une certaine étendue qui pourront servir, le moment venu, de monnaie d'échange ou, par exemple, de compensation écologique ;

- d'autre part, l'Etat, qui n'a pas pour vocation de pratiquer l'agriculture, pourrait envisager d'échanger ou d'aliéner à des exploitants une partie de ses terres agricoles. Ainsi, en partant de l'idée, par pure hypothèse, que l'Etat aliène 30 % de ses surfaces agricoles à un prix variant entre F 4.- et 5.- le m2, il en retirerait un montant de l'ordre de F 10,7 à 13,4 mios.

Zone ferroviaire

Certaines parcelles situées en zone ferroviaire (une partie de la gare des Eaux-Vives au sens large) pourraient faire l'objet d'échanges ou d'aliénations, à tout le moins d'une mise en valeur. C'est ici le lieu de rappeler que les échanges fonciers négociés entre la Ville de Genève et l'Etat, dans le cadre des accords liés à la réalisation du Stade de la Praille, prévoient la cession à la Ville d'une partie des terrains de la gare des Eaux-Vives.

Zones industrielle et artisanale, de développement industriel et artisanal

Pour les raisons exposées ci-dessus (cf. 2.3), il se justifie que l'Etat de Genève demeure en principe propriétaire du patrimoine qu'il s'est constitué en zone industrielle, voire qu'il le développe progressivement au gré des autorisations d'emprunt votées par le Grand Conseil. Il demeurera ainsi en mesure de mettre à disposition des entreprises industrielles nouvelles ou désirant faire face à leur développement des terrains bien situés, équipés, et cela à des prix compatibles avec leurs possibilités de financement.

Il n'en demeure pas moins que, dans certains cas particuliers, des exceptions pourront être admises, en ce sens que des parcelles isolées et/ou de faibles dimensions devraient pouvoir être aliénées lorsque cela permet de compléter ou d'améliorer la configuration d'une implantation industrielle privée. C'est dans des cas de ce genre que le Conseil d'Etat avait soumis au Grand Conseil deux projets de loi, soit le PL 7709 (Vente à Escher SA en Zimeysa), refusé par ce dernier, et le PL 7710 (Vente à Patek Philippe en Ziplo), actuellement à l'examen de la Commission des finances.

Enfin, reste posée par ailleurs la question du transfert éventuel à la FTI du patrimoine foncier de l'Etat de Genève en zone industrielle.

Zones ordinaires 1, 2 et 3

Dans ces zones, l'Etat ne dispose pratiquement d'aucun terrain non affecté. Il ne peut donc y envisager aucune aliénation.

Zones ordinaires et de développement 4A, 4B et 4B protégée

L'essentiel des ressources foncières de l'Etat est représenté par les terrains de Cressy, soit 7 parcelles, situées en zone de développement 4B, sur le territoire de Confignon et Bernex, couvrant 77 300 m2. Ces terrains devraient très prochainement être mis en valeur dans le cadre de l'octroi de droits de superficie octroyés à des fondations immobilières de droit public ainsi qu'à des coopératives de logement. Des problèmes d'équipement, essentiellement à charge des communes intéressées, ont retardé jusqu'ici la réalisation des immeubles prévus par le plan localisé de quartier en vigueur. Ils sont en voie d'être résolus.

Pour le surplus, quelques biens-fonds sont réalisables dans ce type de zone. En font partie par exemple les anciens postes de gendarmerie.

Zone de développement 3

Il s'agit en règle générale de périmètres sis à la périphérie de l'agglomération, correspondant pour la plupart à d'anciens quartiers de villas. Selon la volonté du législateur, ces terrains sont destinés prioritairement à la réalisation de logements sociaux.

Mis à part un certain nombre d'immeubles d'ores et déjà affectés à des équipements publics (Exemples : collège Rousseau, école de culture générale Henri-Dunant aux Franchises, collège de Saussure à Lancy, école de mécanique, école d'horlogerie, CO de Montbrillant (projet), hôpital Beau-Séjour, cycle de la Gradelle, école de commerce Le Corbusier, etc.) ou au logement social, les propriétés de l'Etat qui restent à valoriser peuvent être classées en 3 catégories :

a) Terrains disponibles à court terme pour la réalisation de logements sociaux

les Mouilles (Lancy) 4 parcelles (3720 m2) représentant 5656 m2 de plancher ;

les Ouches (Genève - Petit-Saconnex - partie contiguë à la voie ferrée), 8890 m2 de terrain ;

campagne Gardiol (Grand-Saconnex) - part Etat : environ 22 000 m2 de plancher constructibles.

Dans ces 3 périmètres, les plans localisés de quartier sont adoptés et les négociations en vue de la constitution des droits de superficie au profit des fondations immobilières de droit public ou des coopératives de logement sont bien engagées, de sorte que les premiers chantiers devraient pouvoir s'ouvrir d'ici moins d'une année. Il s'agit donc de périmètres à considérer comme faisant partie du patrimoine immobilisé, et, conséquemment, inaliénables en pratique.

b) Parcelles prévues pour échange ou affectation différée

Quartier du Mervelet - 9 parcelles comportant 18 284 m2

Le développement de ce quartier est remis en question par certains milieux en Ville de Genève. En l'état, on ne peut que surseoir à l'avancement des projets de valorisation, les villas existantes étant pour l'instant louées ou mises à disposition de services sociaux.

les Ouches/Camille-Martin - 6 parcelles totalisant 5304 m2. Dans le cadre des négociations domaniales relatives au Stade de la Praille, il est prévu d'aliéner ces parcelles à la Ville de Genève, qui doit y réaliser un groupe scolaire.

c) Parcelles disponibles pour des échanges ou aliénations

Dans un certain nombre de cas, l'Etat est propriétaire de parcelles éparses, isolées ou de faible surface, voire grevées d'un réseau de servitudes privées, en sorte que leur valorisation selon les normes de la zone de développement n'est pas envisageable avant de nombreuses années. Dans ces hypothèses, le Conseil d'Etat considère qu'il serait de bonne politique d'envisager leur aliénation, éventuellement par voie d'échange, et d'acquérir en lieu et place, sous forme de remploi, d'autres terrains dont les perspectives de mise en valeur soient plus rapprochées et correspondent mieux aux besoins actuels.

Cela suppose évidemment que l'on accepte, contrairement à ce qui a été le cas jusqu'ici, que le produit de telles aliénations puisse être réaffecté sans autre par le Conseil d'Etat à l'acquisition d'autres biens en remploi.

On peut estimer à environ 15 000 à 20 000 m2 au total la surface des terrains entrant dans cette catégorie.

Zone 5

Rappelons que l'Etat est propriétaire dans cette zone à concurrence d'environ 2 784 000 m2, qu'il s'agisse d'équipements publics, d'organisations internationales, de demeures et/ou parcs historiques (château de Penthes, château de Pregny, le Saugy à Genthod, Port-Choiseul), de missions diplomatiques (les Ormeaux à Pregny, Rive-Belle à Chambésy, mission du Brésil au Grand-Saconnex, etc.), de villas individuelles ou de terrains encore non bâtis.

Sans entrer dans les détails, les terrains restant actuellement disponibles peuvent être regroupés en 5 lots principaux :

a) Communaux d'Ambilly (environ 150 000 m2) : il s'agit d'un potentiel de réserve important à l'échelle du canton. Son affectation n'a pas été définie à ce jour; elle devra l'être en concertation étroite avec la commune.

b) Terrains de réserve pour équipements publics

Certaines surfaces attenantes à des équipements existants (notamment collèges et cycles d'orientation) peuvent être considérées comme des réserves disponibles pour la réalisation d'équipements publics futurs. A ce titre, il importe que l'Etat en conserve la propriété.

c) Terrains de réserve pour les organisations internationales

Considérant la politique d'accueil développée par les autorités cantonales en faveur des organisations internationales, le Conseil d'Etat a pris soin d'acquérir un certain nombre de terrains de réserve, situés actuellement en 5e zone, au nord-ouest de la place des Nations. Compte tenu des besoins qui se manifestent en permanence dans ce secteur d'activité, qu'il s'agisse d'assurer le développement des organisations existantes ou d'en accueillir de nouvelles, il est vital de disposer de quelques réserves foncières pour satisfaire ce type de demandes. Les quelque 15 sites, d'importance variable, que détient l'Etat dans son « portefeuille » sont pour la plupart classés en 5e zone. Sachant que tous ne sont pas immédiatement utilisables (accès ou équipement encore insuffisant, conflit potentiel avec d'autres objectifs d'urbanisme, etc.), il ne saurait en principe être question de les affecter à d'autres usages.

d) Terrains à morceler en vue d'échanges

Lorsqu'il s'agit pour l'Etat de négocier auprès d'un particulier l'acquisition d'un terrain, bâti ou non, nécessaire à la réalisation d'un équipement public, il est parfois intéressant d'offrir en échange au propriétaire évincé un terrain sur lequel il puisse, par exemple, reconstruire sa villa. Dans ce type de cas, l'Etat dispose de quelques terrains, issus de morcellements, dont il est en mesure de proposer l'un ou l'autre en échange à son co-contractant. Tel est le cas à la Fenasse (Gradelle), à la Citadelle (Meyrin) ou encore au Grand-Saconnex (les Marais). Ces ressources foncières constituent des instruments de négociation appréciables et doivent être conservés dans ce but.

e) Terrains épars pour aliénations, échanges ou autres opérations de valorisation

On peut classer dans cette catégorie un certain nombre de terrains (entre 30 et 40), bâtis ou non, en général dispersés dans le territoire, que l'Etat a acquis dans diverses circonstances, et dont la conservation ne revêt pas le même intérêt que pour les immeubles des catégories a) à d). Bien que ces immeubles soient régulièrement loués ou mis à disposition d'institutions diverses, on pourrait parfaitement envisager d'en aliéner un certain nombre, dont le produit de la réalisation serait affecté à l'acquisition d'autres immeubles répondant mieux aux besoins de la collectivité. Il s'agirait-là d'un moyen appréciable de valoriser le patrimoine foncier public en réaffectant à des besoins clairement identifiés (ex. : terrains pour logement social, pour équipements publics) des ressources foncières dont l'affectation actuelle n'est pas forcément en rapport avec les tâches propres de l'Etat.

3. Les principes de la politique foncière de l'Etat

L'évaluation des disponibilités foncières permet de constater que, globalement, l'Etat ne dispose que de peu de terrains faciles à valoriser à court ou à moyen terme. C'est un handicap à la fois pour répondre à des besoins d'équipement public et pour mener une politique active, que ce soit dans le domaine du logement, de la mise à disposition de terrains pour des activités économiques et des organisations internationales ou pour la création de zones de verdure.

Certains terrains acquis voici 20, 30, voire 40 ans, dans un but précis qui n'a pas pu se réaliser, ou qui s'est réalisé ailleurs, devront faire l'objet d'un examen attentif quant à l'opportunité d'un échange ou d'une éventuelle cession, par exemple pour regrouper certaines parcelles, dans une optique de gestion optimale du patrimoine de l'Etat.

Compte tenu de ce constat, le Conseil d'Etat entend mener sa politique foncière selon les principes suivants :

L'Etat doit mener une politique foncière active propre à répondre aux besoins d'intérêt général ou d'intérêt public de la collectivité genevoise selon les objectifs définis dans le présent rapport.

La qualité de son patrimoine doit être améliorée, notamment dans le cadre d'échanges, de remaniements et d'aliénations assorties de remplois.

Le produit des aliénations doit être affecté à des opérations de remploi, à savoir l'acquisition d'autres bien-fonds nécessaires à la réalisation des objectifs de l'Etat.

Les opérations d'aliénation suivies de remploi ont également pour objectif de soulager la trésorerie de l'Etat, en permettant de réduire l'importance des demandes d'autorisation d'emprunt relatives aux acquisitions de terrains de réserve.

Au bénéfice de ce premier constat, le Conseil d'Etat vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte du présent rapport et d'approuver les principes généraux de sa politique foncière.

Débat

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). C'est la première fois qu'un rapport du Conseil d'Etat traite de politique foncière de l'Etat, et l'on peut féliciter le Conseil d'Etat pour la qualité remarquable de son étude. Ce rapport établit la nécessité d'une politique foncière, d'une politique volontaire d'acquisition de terrains. Intéressante est la démarche aussi bien dans le constat de la situation actuelle que dans les propositions constructives pour y remédier. Je ne peux pas reprendre tout le contenu du rapport, mais je conseille vivement à ceux qui ne l'auraient pas fait d'en prendre connaissance.

Je me bornerai à souligner les lignes directrices et les points essentiels. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat définit les objectifs de sa politique foncière, qui sont les suivants :

- la réalisation d'équipements public ;

- la réalisation d'infrastructures liées aux transports publics ;

- les voies de communication ;

- des conditions d'accueil optimales pour le développement des activités économiques des organisations internationales de l'aéroport ;

- faciliter la construction d'ensembles de logements d'utilité publique, notamment par la mise à disposition de terrains en droit de superficie à des fondations immobilières de droit public ou privé et à des coopératives ;

- préserver et développer les zones de verdure et de délassement ; il s'agit d'une obligation de la LAT - les associations de la nature et de l'environnement y sont sensibles et se réjouissent d'en voir la concrétisation...

- préserver et protéger l'environnement.

Compte tenu de l'ensemble de ces objectifs, dont beaucoup sont des obligations légales, il était indispensable de faire un bilan du patrimoine foncier de l'Etat et le constat de ce bilan n'est pas fameux. Il est affligeant de constater, ne serait-ce qu'au vu de ces obligations légales, qu'une réserve foncière suffisante n'a pas été constituée auparavant. Le bilan montre qu'il y a peu de terrains disponibles ; ils sont dispersés, de petite taille, pas adaptés à des opérations d'une certaine envergure. Le patrimoine foncier de l'Etat a peu de disponibilités pour une politique efficace en matière de logements, pour des fondations immobilières de droit public, des coopératives, pour l'accueil des organisations internationales, etc.

Quant aux principes de la politique foncière, ils sont quatre :

- Tout d'abord, une politique active pour répondre aux besoins d'intérêt général ou d'intérêt public de la collectivité genevoise.

- Puis, une amélioration de la qualité du patrimoine.

- Troisième principe, essentiel : l'affectation du produit des aliénations à des opérations de remploi, à savoir l'acquisition d'autres biens-fonds nécessaires à la réalisation des objectifs de l'Etat.

- Enfin, les opérations d'aliénation suivies de remploi ont également pour objectif de soulager la trésorerie de l'Etat en permettant de réduire l'importance des demandes d'autorisation d'emprunt relatives aux acquisitions de terrains de réserve.

On a parlé d'objectifs, de bilan, de principes d'une politique foncière. On apprend, de plus, que tout cela s'accompagne d'une réorganisation, d'un renforcement des structures administratives qui s'occupent des acquisitions foncières.

De pair avec les moyens que l'Etat se donne avec cette structure administrative rénovée, il y a les moyens logistiques qu'il s'est fourni. Citons pour exemple le système SITG, qui est un système d'information du territoire très performant sur une base de données regroupant l'ensemble des informations, via l'organisation du territoire genevois, comme les plans cadastraux, les informations du Registre foncier, les zones d'affectation, les propriétés des collectivités publiques. Autre moyen logistique : le GEOKIOSK, logiciel de consultation rapide qui permet la mise à disposition des informations de base de façon aisée.

Tout cela va dans le sens du discours de Saint-Pierre du Conseil d'Etat dans lequel la volonté d'une politique de mise à disposition de terrains pour la construction de logements a clairement été exprimée. C'est pourquoi le groupe socialiste soutiendra le Conseil d'Etat dans son «jeu de la carte du troc foncier», ainsi que l'a relevé la presse, à la suite d'une conférence de presse du président Moutinot. Il vous invite à prendre acte de ce rapport. 

M. Rémy Pagani (AdG). Notre groupe prendra acte de ce rapport, bien évidemment. Tous les aspects de cette problématique nous ont vivement intéressés, toutefois nous n'avons pas trouvé, dans les quatre principes du gouvernement, le principe fondamental qui doit nous régir en termes d'acquisition de terrains, notamment la référence à l'article 10 de notre constitution, qui défend le droit au logement et qui dissocie une politique active d'acquisition des terrains. Le gouvernement aurait pu se baser sur notre constitution, qui a été modifiée, pour systématiser la politique d'acquisition des terrains afin de remettre ces terrains en droit de superficie.

Nous avons défendu - et nous continuerons à défendre - une politique d'acquisition de terrains qui permette non seulement à l'Etat de remettre ces terrains en droit de superficie mais de créer une dynamique pour augmenter le nombre de terrains acquis. Notre canton est un des cantons suisses les plus pauvres en coopératives. Il faut donc renforcer - nous aurions bien aimé trouver cela dans le rapport - le rôle des coopératives dans notre canton. Une politique active en matière d'acquisition de terrains aurait permis d'aller plus loin dans ce domaine. C'est utiliser la langue de bois que de dire, par exemple, que «les opérations d'aliénation suivies de remploi ont également pour objectif de soulager la trésorerie de l'Etat...» ou que «l'Etat doit mener une politique foncière active, propre à répondre aux besoins d'intérêt général et d'intérêt public...». De tels principes ne nous semblent pas déterminer une politique précise en la matière. 

M. David Hiler (Ve). J'aimerais tout d'abord remercier le Conseil d'Etat et M. Laurent Moutinot en particulier d'avoir mis ce document très bien fait à notre disposition.

Dans les grandes lignes, le groupe des Verts accueille avec satisfaction les intentions politiques qui sont développées en page 23. A titre personnel, je peux être d'accord avec quelques propos de M. Pagani, car il vrai que certaines choses auraient pu être dites autrement et plus concrètement. Pour l'instant, je pense que cela n'est pas très important, mais sa critique me semble fondée.

Pour notre part, nous aimerions relever deux points :

Il serait bon d'étendre cette étude aux communes pour avoir une vision globale et réelle des propriétés foncières dans le canton de Genève. Il faut en effet tenir compte des communes, car elles possèdent plus de terrains que l'Etat. De ce point de vue, une politique coordonnée pourrait donner de bons résultats. Ce n'est pas une critique sur le rapport, mais une proposition pour aller plus loin.

En ce qui concerne les questions d'aliénation et de réaffectation, pas plus tard que mercredi dernier le problème s'est posé en commission des finances pour des parcelles à Onex. Si le vote n'a pas été unanime en commission c'est que ce principe de réaffectation ne semble pas encore avoir à ce jour une base légale qui le permette et qui figure dans le projet de loi. Dans la mesure où vous entendez mener une politique active d'acquisition de terrains, nous sommes tout à fait conscients, pour notre part, de la nécessité de vendre des parcelles qu'on n'arrive pas à réaliser à vues humaines. Pour ceux qui n'ont pas une confiance absolue et qui souhaitent quelques garanties, il serait bon que ce principe y figure le plus rapidement possible pour éviter des débats, somme toute inutiles, au sein de la majorité parlementaire.  

M. Pierre Meyll (AdG). Ce rapport est intéressant, mais, comme l'a relevé M. Hiler, il aurait fallu y joindre les propriétés des communes pour avoir une vue d'ensemble et mieux contrôler certaines parties du territoire que ça n'est le cas.

J'aimerais tout de même attirer votre attention sur certains points. Par exemple, on parle dans le paragraphe «Zone ferroviaire», en page 14, de «l'assiette de la ligne SNCF jusqu'à la frontière» et, en page 18, de «Certaines parcelles situées en zone ferroviaire (une partie de la gare des Eaux-Vives au sens large)...» et, aussi, des «accords liés à la réalisation du Stade de la Praille». Nous acheminant probablement vers un échange de parcelles avec la Ville en ce qui concerne les Eaux-Vives et la gare de la Praille, j'aimerais tout de même que soient réservées toutes les possibilités utiles à la traversée la Praille/Eaux-Vives, qui ressortiront certainement des études qui sont menées dans le cadre du CRFG - même si l'on peut avoir quelques doutes quant à cette réalisation. Je le répète, il ne faudrait pas obérer cette possibilité pour faire avancer les échanges de terrains concernant le Stade de la Praille. Je suis toujours favorable à la construction du Stade de la Praille et nous aurons besoin du tunnel la Praille/Eaux-Vives pour le réaliser, mais il faut faire très attention de préserver toutes ces possibilités. 

M. Claude Blanc (PDC). Je remercie également le Conseil d'Etat du remarquable travail qui nous est présenté dans ce rapport.

Je note au passage que l'Etat est tout de même propriétaire d'environ 13% de la superficie du canton, ce qui me paraît déjà considérable pour un pays de tradition libérale - si j'ose dire. Je constate qu'un certain nombre de ces parcelles appartenant à l'Etat, bien qu'en zone constructible - c'est en page 21 - sont pratiquement immobilisées depuis toujours et le seront encore longtemps, sinon pour toujours. Je veux parler des fameux «communaux d'Ambilly» dont l'Etat possède environ 15 ha, mais dont la commune française d'Ambilly est propriétaire, elle, d'environ, et si je ne me trompe pas, 25 ha. Ce sont donc 40 ha d'un seul tenant qui se trouvent en zone constructible.

Il y a déjà bien longtemps, c'était au début de mon mandat de député au Grand Conseil, le Conseil d'Etat avait soulevé ce problème. La commune française d'Ambilly aimerait bien valoriser ses terrains, ce qui serait pour elle une source de revenus plus intéressante que les loyers agricoles qu'elle en retire. L'Etat de Genève, lui, ne peut rien en faire, parce que la commune de Thônex, évidemment, s'oppose violemment à cette urbanisation, ce qui se comprend car il n'est pas facile d'accepter une telle urbanisation, sur 40 ha, rapidement et à proximité.

Je me demandais donc si nous ne devrions pas profiter de l'occasion de cet inventaire soit pour remettre ces terrains situés en zone constructible en zone agricole soit pour les échanger, plutôt que de ne rien en faire. En effet, vous n'arriverez jamais - jamais n'est pas un mot français - à vues humaines, au cours de cette génération, à les rendre utilisables. C'est un peu dommage, parce qu'en fait ils sont la propriété de l'Etat, ils ne rapportent rien ou presque - des loyers agricoles misérables - et ils restent à l'inventaire. Je pense donc qu'il faut trouver un moyen de débloquer cette affaire. Si on ne peut pas construire sur ces terrains, il faut construire ailleurs et procéder à des compensations. 

M. Laurent Moutinot. Je vous remercie de l'accueil que vous réservez à ce rapport. Je transmets directement vos éloges à son propos aux collaborateurs du département qui ont effectivement déployé une énergie considérable pour arriver à vous présenter la situation des trois mille huit cents parcelles propriétés de l'Etat.

Comme vous avez pu le constater, nous n'avons pas de terrains, dans le portefeuille immobilier de l'Etat, qui permettent, par des ventes importantes, de contribuer de manière décisive au désendettement. Pire, nous n'avons pas véritablement de terrains qui nous permettent de mener cette politique active souhaitée, souhaitable, en matière de logements, en matière d'équipements publics, en matière d'espaces de verdure.

En revanche, il est vrai qu'un certain nombre de parcelles ne seront de toute évidence pas utilisables à moyen terme, voire même à long terme. Par conséquent, elles pourront, lorsque vous aurez pris acte de ce rapport, et devront être vendues. Dès lors que vous en acceptez les principes, le travail du département va maintenant consister à examiner la situation parcelle par parcelle. Et toutes celles pour lesquelles nous ne pouvons pas imaginer une utilisation sensée dans un délai raisonnable devront si possible être vendues, mais à un prix intéressant, bien entendu.

Pour vous répondre, Monsieur Hiler, j'envisage le moyen suivant, puisque votre Grand Conseil doit autoriser l'aliénation de ce patrimoine foncier : introduire un article dans la loi d'aliénation stipulant que le prix de vente de ces terrains réalimente le crédit d'acquisition de terrains. Entre parenthèses, c'est un amendement que l'on pourrait proposer pour les terrains qui sont passés devant votre commission des finances récemment. Ainsi, votre Grand Conseil garderait constamment la maîtrise, et dès que vous aurez pris acte du rapport, nous examinerons, dès demain et parcelle par parcelle celles qui peuvent être vendues. L'intérêt financier est évident et non négligeable pour l'Etat de Genève.

S'agissant de votre demande d'une étude communale, Monsieur le député Hiler, il y a aussi les terrains des caisses de pension et les terrains fédéraux... Il pourrait effectivement être intéressant d'en connaître davantage. En tout cas pour ce qui est des terrains communaux, la seule chose que je puisse faire, c'est de sortir un certain nombre d'informations sur la base du SITG ; cas échéant, me mettre à la disposition des communes qui le souhaiteraient pour que les collaborateurs du département qui ont rédigé la partie technique de ce rapport puissent leur apporter leur soutien.

Monsieur Blanc, pour ce qui est des communaux d'Ambilly j'ai effectivement eu la naïveté de penser en arrivant au département que je pourrais débloquer cette affaire - comme les autres - rapidement, mais cela n'a pas été le cas, vous l'imaginez bien, quand bien même j'ai rencontré deux fois M. le maire d'Ambilly et que nous progressons, même si c'est à petits pas... 

RD 324, M 86-A et M 672-A

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.