Séance du
jeudi 27 mai 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
8e
session -
25e
séance
54e législature
No 25/V
Jeudi 27 mai 1999,
matin
La séance est ouverte à 10 h.
Assistent à la séance : Mme et MM. Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Nicolas Brunschwig, Juliette Buffat, Henri Duvillard, Marie-Thérèse Engelberts, Bénédict Fontanet, Alexandra Gobet, Michel Halpérin, Dominique Hausser, René Longet, Pierre Meyll, Jean-Pierre Restellini, Elisabeth Reusse-Decrey, députés.
3. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Suite du débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons présenté un projet d'amendement visant à renvoyer le tout au Conseil d'Etat et modifiant en conséquence le texte de la motion - que je ne peux citer par coeur. Il nous semble en effet essentiel que le Conseil d'Etat prenne des mesures adéquates et rapides pour mettre en oeuvre cette restriction de circulation et qu'il ouvre notamment un crédit d'étude pour l'aménagement routier dans le secteur de Plan-les-Ouates. Je vous lis notre proposition d'amendement : «Renvoi du rapport au Conseil d'Etat pour présenter une demande de crédit d'étude au Grand Conseil portant sur les aménagements routiers souhaitables dans le secteur de Plan-les-Ouates et de Lancy-Sud, consécutifs à la mise en service de l'évitement autoroutier de Plan-les-Ouates».
M. Laurent Moutinot. Je pense en effet qu'il est plus raisonnable de commencer par un crédit d'étude que par un crédit d'ouvrage... (Commentaires.) Oui, j'ai bien compris : c'est ce que vous demandez ! Cela dit, il y a deux choses dans cet amendement. Vous voulez modifier la motion pour demander, cette fois-ci, que le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil non pas un crédit d'ouvrage mais un crédit d'étude : c'est une chose. Une autre chose est de renvoyer la motion au Conseil d'Etat. Or, votre amendement lie les deux choses. A mon sens, il vous faut voter l'amendement qui remplace la demande d'un crédit d'ouvrage par un crédit d'étude. Cela fait, vous renverrez cette motion ainsi amendée au Conseil d'Etat et nous ferons les études nécessaires. En l'état, l'amendement ne peut porter sur le renvoi au Conseil d'Etat ; sur le plan de la technique parlementaire, je pense que vous serez d'accord avec moi.
Le président. Nous sommes donc en présence d'un amendement, qui vise à modifier l'invite de la motion 1252 et à renvoyer ce dossier au Conseil d'Etat. Je me permets de vous relire cet amendement, selon les explications du Conseil d'Etat :
« - à lui présenter une demande de crédit d'étude portant sur les aménagements routiers souhaitables dans le secteur de Plan-les-Ouates et de Lancy-Sud, consécutifs à la mise en service de l'évitement autoroutier de Plan-les-Ouates».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Cette motion amendée est ainsi conçue :
Motion(1252)
sur les travaux d'aménagement de la traverséede Plan-les-Ouates
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
invite le Conseil d'Etat
à lui présenter une demande de crédit d'étude portant sur les aménagements routiers souhaitables dans le secteur de Plan-les-Ouates et de Lancy-Sud, consécutifs à la mise en service de l'évitement autoroutier de Plan-les-Ouates.
Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.
La Commission des travaux a traité cette pétition lors de sa séance du 31 mars 1998, sous l'experte présidence de M. Dominique Hausser.
Le Conseil d'Etat a décidé de maintenir la mise à disposition de locaux pour l'activité de la disco en l'intégrant au programme complémentaire d'Uni-Mail 2e étape. La disco trouvera place dans le sous-sol de ce bâtiment.
Selon informations reçues à l'époque de l'étude de leur nouvelle implantation, les locaux actuels de la disco seront démolis pour laisser place au parc public.
En conséquence, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, tout comme la commission à l'unanimité, de bien vouloir classer cette pétition devenue sans objet.
Pétition(1070)
pour la sauvegarde de la disco de l'ancien Palais
Non à la destruction ou au déplacement d'une salle qui depuis 10 ans offre aux mineurs une discothèque sans alcool le samedi soir.
Les soussignés :
heureux de pouvoir bénéficier d'un lieu proche du centre ville, accessible par les transports publics et où les nuisances pour le voisinage sont limitées, eu égard à sa situation au bord de l'Arve où bals, concerts, soirées dansantes y sont régulièrement organisés ;
prient avec insistance les autorités de maintenir cette partie de l'ancien Palais des expositions ;
demandent aux habitants intéressés par un parc public couvrant toute la surface, de comprendre le désir de nombreux jeunes de conserver 10 % de cette surface, un des rares lieux où ils se retrouvent régulièrement avec plaisir, persuadés du reste qu'une cohabitation heureuse entre les uns et les autres peut se créer.
N.B. : 1637 signatures
Comité pour la sauvegarde de l'ancien Palais des expositions
c/o Simon Trottet
3, rue du 1er-Juin
1207 Genève
Débat
M. Florian Barro (L), rapporteur. Je n'ai rien de particulier à ajouter à mon rapport, si ce n'est une question : tous les dispositifs qui ont été prévus dans le secteur se mettent-ils en place normalement, notamment avec la Ville de Genève ? Je ne sais pas si le Conseil d'Etat peut nous renseigner à ce sujet. Pour le reste, je vous propose de classer cette pétition qui est devenue sans objet.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je dirai juste un mot à ce sujet. Au début des années 90, cette pétition demandant que les jeunes de moins de 18 ans puissent continuer à bénéficier du bâtiment de l'ancien Palais des expositions au bord de l'Arve où était organisée une disco sans alcool, le samedi soir - le Jackfil - avait été accueillie avec bienveillance. Quelques années plus tard, une solution de relogement a été trouvée grâce à la proposition de mise à disposition d'une salle dans la nouvelle étape d'Uni-Mail. J'aimerais savoir, de la part du Conseil d'Etat, si les choses n'ont pas changé, si les organisateurs de Jackfil, disco pour jeunes adolescents, sont toujours les seuls bénéficiaires de la future mise à disposition de cette salle, ou s'il y aura d'autres exploitants. J'aimerais savoir si cette opération n'a pas tourné en opération commerciale et s'il y a toujours lieu de penser que l'Université doive accueillir ce type d'activités. Je remercie le Conseil d'Etat de me répondre, notamment sur la question du public cible et de l'exploitant.
M. Laurent Moutinot. Madame la députée, j'ai pris note de vos questions et j'y répondrai volontiers à un autre moment. Dans la mesure où le classement de cette pétition a été accepté à l'unanimité par la commission et que celle-ci considérait le problème comme réglé, je ne me suis pas plongé dans ce dossier avant de venir devant vous ce matin. Mais je vous répondrai volontiers, si vous m'interpellez sur ce sujet.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Monsieur le conseiller d'Etat, je reviendrai sur le sujet par une interpellation si vous le jugez utile, à moins que vous ne considériez que ces questions constituent une interpellation ? C'est à vous d'en décider.
M. Florian Barro (L), rapporteur. Je ne veux pas interférer dans les questions de Mme Deuber-Pauli, mais je dirai que la mienne allait un peu dans le même sens et concernait, de façon un peu plus générale, l'état d'avancement du dossier et, en particulier, l'aménagement du parc. Cela m'intéresse évidemment d'obtenir des réponses. Celles-ci pourraient d'ailleurs figurer dans le crédit de bouclement du projet de loi qui a permis l'aménagement de Jackfil ainsi que de la salle de répétition de l'OSR. C'est un crédit qui devrait bientôt être bouclé et nous pourrions avoir des réponses à cette occasion-là.
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs. Je suis persuadé que les occasions ne manquent pas d'interpeller le Conseil d'Etat. Pour l'instant, je vous propose de voter ce rapport, puisqu'il n'est pas remis en cause. Celles et ceux qui souhaitent d'autres réponses sur le sujet développeront des interpellations.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des travaux (classement de la pétition) sont adoptées.
Par requête du 23 janvier 1995, M. Stéphane Piletta-Zanin, représenté par MM. Mario Botta et P.-A. Tommasi, architectes, a déposé une demande définitive d'autorisation de construire visant à la construction d'une villa familiale et d'un garage sur la parcelle 340/1, feuille 25 du cadastre de la commune de Dardagny.
Cette parcelle est située en zone 4B protégée, dans le périmètre du plan de site de la commune de Dardagny.
La demande a été enregistrée auprès du Département des travaux publics et de l'énergie, actuellement Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après département), sous dossier DD 93'445.
Dans le cadre de l'instruction de la requête, la commune de Dardagny, considérant que le projet n'était pas conforme au plan de site du village, a préavisé négativement le projet.
La Commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après CMNS) a émis, quant à elle, un préavis favorable.
Agréant notamment ce dernier préavis, le département a délivré, en date du 9 mai 1996, l'autorisation de construire sollicitée.
Divers recourants, dont la commune de Dardagny, ont contesté, par actes des 11, 12 et 13 juin 1996, la décision du département par-devant la Commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après Commission de recours LCI).
Par décision du 28 février 1997, la Commission de recours LCI a annulé l'autorisation de construire DD 93'445. Celle-ci a considéré que le projet n'était pas conforme au plan de site du village de Dardagny et qu'aucune circonstance ne justifiait, en l'espèce, l'octroi d'une éventuelle dérogation.
M. Stéphane Piletta-Zanin a recouru le 22 avril 1997 au Tribunal administratif contre la décision de la Commission de recours LCI.
Enfin, par arrêt du 31 mars 1998, le Tribunal administratif a rejeté le recours et confirmé la décision de la Commission de recours LCI du 28 février 1997.
Au vu de ce qui précède, la présente pétition visant à l'annulation de l'autorisation de construire DD 93'445 est ainsi devenue sans objet.
Débat
M. René Koechlin (L). La pétition qui fait l'objet du rapport du Conseil d'Etat et la sape du projet qu'elle a entraînée démontrent comment on peut priver Genève d'une oeuvre d'architecture, oeuvre de qualité qui, de surcroît, s'insérait parfaitement dans le contexte, si l'on en croit les experts et autres personnes averties en la matière. On y a opposé un refus pour des motifs de principe - non-conformité au plan de site - et purement subjectifs, qui relèvent d'un conservatisme à tout crin. Car il existe deux moyens d'intégrer une oeuvre d'architecture : soit la soumission passive, qui donne souvent lieu à des pastiches ; soit le contraste. Le projet de M. Botta appartient à la seconde catégorie, mais il a déplu aux esprits hyperconservateurs en matière d'art et d'architecture.
Si ces esprits avaient eu, par le passé, la même influence qu'aujourd'hui, on n'aurait jamais construit l'usine des Forces-Motrices, par exemple, ni les Halles de l'Ile. On n'aurait jamais construit la plupart des bâtiments édifiés au XVIIIe siècle, que Jean-Jacques Rousseau, dont le goût architectural était plutôt passéiste, qualifiait «d'horribles cubes gris». Dans le cas qui nous occupe, les arguments purement juridiques ont pris le pas sur le discernement architectural. Ce constat est plutôt déprimant. Il démontre une fois pour toutes que les structures et autres procédures démocratiques ne sont tout simplement pas compatibles avec la promotion de l'art, car l'art ne supporte aucun compromis. Cela dit, nous prendrons acte du rapport du Conseil d'Etat, mais le problème demeure entier.
M. Jean-Louis Mory (R). J'interviendrai au nom de la commune. Mesdames et Messieurs les députés, les habitants et les autorités de Dardagny sont heureux de prendre acte de ce rapport, c'est-à-dire de l'annulation, par la commission de recours, de l'autorisation de construire une maison Botta qui avait été délivrée par l'ancien président du DAEL à Me Piletta-Zanin. Ce dernier a également perdu son deuxième recours au Tribunal administratif. De ce fait et en pensant ne pas avoir gain de cause, Me Piletta-Zanin a renoncé à continuer sa procédure auprès du Tribunal fédéral. Les frais d'honoraires d'avocat pour défendre notre cause se sont élevés à 60 000 F. Dans ce montant, ni les heures, ni le travail et le temps perdu ne sont comptés.
Pour conclure, je demanderai à M. Moutinot d'être plus attentif aux préavis des communes. Il est nécessaire d'avoir plus de dialogue entre le département et les mairies. Merci !
M. John Dupraz (R). Je partage entièrement les propos de mon excellent collègue, ce bon meunier Mory. Mais permettez-moi de revenir sur ce qu'a dit tout à l'heure le distingué Koechlin. On comprend que M. Koechlin, architecte de son état, très doué en la matière, ait des appréciations d'esthète concernant les constructions. Par ailleurs, il est clair que M. Botta jouit d'une renommée mondiale. Mais ce n'est pas parce qu'il jouit d'une renommée mondiale que l'on peut octroyer une autorisation de construire à un de ses projets n'importe où et n'importe comment.
Monsieur Koechlin, vous appartenez évidemment à une élite et vous ne savez pas très bien ce qu'est le menu peuple ni comment se gère une commune. Comment voulez-vous qu'une autorité communale, à la tête d'une commune qui a reçu il y a quelques années le Prix Wacker, où on est spécialement attentif à toute intervention sur les bâtiments existants, comment voulez-vous que cette autorité communale dise à ces bons culs-terreux qu'elle gère depuis plusieurs décennies : «Toi, tu ne fais pas de trou dans ton toit parce que nous avons eu le prix Wacker et il faut respecter l'esthétique et l'état des bâtiments existants. En revanche, parce qu'elle est de M. Botta, nous autorisons une oeuvre moderne - quelle que soit sa qualité - qui ne s'intègre absolument pas au site.» En l'occurrence, un problème local, de gestion communale se pose, et c'est là où M. Joye a fait l'erreur de ne pas mieux dialoguer avec la commune.
Ce n'est pas parce qu'il est M. Botta qu'il peut édifier n'importe quelle construction à Dardagny, en site protégé, même si c'est une oeuvre d'art. Cela, Monsieur Koechlin, vous ne le comprenez pas, mais quand on gère une commune, quand on a la responsabilité d'une commune, on doit traiter tous les habitants sur un pied d'égalité. Tout à l'heure, nous avons parlé du problème de l'octroi de faveurs pour de grandes ou de petites entreprises, par rapport aux plans de zones. Où irait-on, s'il suffisait de se payer les services d'un architecte de renommée mondiale pour obtenir systématiquement - sous prétexte que c'est un homme de renom et un artiste - une autorisation de construire, au détriment de toutes les règles imposées à ceux qui n'auraient pas les moyens de s'offrir les services d'une personne de cette qualité ? Ce serait l'anarchie élitaire dans la République et cela n'est pas acceptable. La République exige que chaque citoyen soit traité de façon équitable et, lorsqu'on a la responsabilité d'une commune, on doit traiter même les clients de M. Botta comme les clients des autres architectes !
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La motion 1205 a été déposée le 6 avril 1998, suite à la publication de plusieurs rapports officiels alarmants sur les dysfonctionnements informatiques de l'Etat. La presse, elle aussi, se faisait l'écho de l'inquiétude populaire sur ce sujet sensible, qui concerne aussi bien la gestion que l'administration de l'appareil d'Etat. Les députés signataires de cette motion « coup de gueule » demandaient un rapport, qui devait faire toute la lumière sur l'état des lieux, et proposer des solutions. Des citations tirées du rapport Mumenthaler, sur l'informatique de l'Hôtel des finances, constituaient l'ossature de l'exposé des motifs. (voir la motion d'origine en annexe 1).
Cette motion 1205 a été renvoyée en Commission des finances lors de notre séance d'avril 1998. La Commission des finances, découragée par avance devant l'immensité du travail à accomplir pour mieux cerner les complexités du sujet, a nommé une sous-commission, qui a travaillé pendant une année pour comprendre d'abord les problèmes qui se posaient, et s'informer sur les solutions possibles, avec les fonctionnaires du CTI.
La sous-commission était présidée par M. Dominique Hausser, elle a travaillé en bonne harmonie avec les fonctionnaires, notamment MM. Warynski, Zanni (administrateur délégué du CTI, centre des technologies de l'information), Baumgartner (contrôleur de gestion indépendant), Convers (projet an 2000), Marois (de l'OSI, structure informatique de l'administration des finances), Mercier (DCD, délégué au comité directeur), Loron (directeur, n'a pu assister aux séances des 6 derniers mois pour raison de maladie).
Huit séances de 2 heures eurent lieu, au cours desquelles nous avons pu étudier les structures administratives et organisationnelles et les systèmes informatiques de l'Etat de Genève. Notre commission a travaillé avec les responsables du projet an 2000 (pour lequel un budget de 48 mios a été voté, dont 18 pour l'administration fiscale), elle a reçu régulièrement des tableaux de bord, qui lui permettaient de suivre l'avancement des projets de réforme.
1. L'origine des problèmes
Depuis une vingtaine d'années les différents services de l'Etat se sont informatisés sans aucune coordination entre eux. Personne n'avait de vision d'ensemble, ni sur les ressources humaines, ni sur les systèmes informatiques. Si bien que des systèmes incompatibles entre eux équipaient des bureaux voisins, parfois même à l'intérieur d'un même département. Le meilleur exemple était l'existence des 7 systèmes de messagerie incompatibles dans les différents services de l'Etat.
De plus, les systèmes existants ne fonctionnaient pas toujours à satisfaction, parce que les utilisateurs ne comprenaient pas toujours le langage des informaticiens, et vice-versa. C'est ainsi que l'administration fiscale, par exemple, s'est dotée au cours des années de 3 systèmes (Unisys, Magic et IAO, qui ne fonctionnaient pas ensemble ni séparément, et qui étaient lourds, chers et peu fiables).
Face à cette situation « capharnaumesque », il y a 4 ans, le Conseil d'Etat a nommé un de ses membres, Martine Brunschwig Graf, à la tête d'une nouvelle structure - le CTI - qui devait réussir, du moins était-ce le plan, à fédérer ces systèmes disparates, à faire progressivement la réforme symphonie, un nom évocateur d'harmonie et de collaborations.
Aujourd'hui on peut dire que l'informatique de l'Etat emploie 300 personnes, qu'elle coûte 67 mios en fonctionnement, - dont 29 en salaires - et les sommes suivantes au budget des investissements 99 :
- projet an 2000 : 16 mios
- projet réforme AFC : 10 mios
- budgets d'investissements courants : 12.8 mios
NB : Dans les 67 mios de fonctionnement il y a aussi des frais de téléphone, de télécomms, - 13.5 mios - qui ne sont pas de l'informatique à proprement parler. De plus, avec 67 millions au fonctionnement, l'Etat de Genève dépense un peu plus de 1 % de son budget pour l'informatique, ce qui est plutôt peu en comparaison avec d'autres grandes institutions privées, les banques par exemple.
2. Les propositions de solutions
Depuis 4 ans et le début de la réforme symphonie, les réorganisations furent nombreuses, et toutes ne furent pas couronnées de succès. La création du CTI ne suffit pas, à elle seule, à garantir l'adoption par tous des mêmes normes et standards. Il manque à l'informatique de l'Etat un chef, ce problème est récurrent depuis 4 ans. Au départ, il y a 2 ans, furent créés le CETI et le CDTI (Centres d'exploitation et de développement respectivement). Mais les chefs de ces deux entités, MM. Loron et Roch, se détestaient et ne pouvaient en aucune manière travailler ensemble. M. Zanni fut donc nommé pour essayer de les faire collaborer dans une structure unique, le CTI. Six mois plus tard, MM. Roch et Zanni ont démissionné, M. Loron a disparu pour raison de maladie. Le problème du manque d'un chef est plus criant que jamais.
De plus, la délicate question de la répartition des responsabilités - des ressources humaines et des financements - entre les départements et le CTI n'a jamais été tranchée. Que faut-il centraliser ? L'ensemble des ressources ou bien seulement l'essentiel, les normes et standards communs ? Comment éviter les deux écueils, celui de la centralisation excessive, qui vide les départements de toute compétence informatique, de toute maîtrise de leurs propres projets, et qui crée un Etat dans l'Etat avec un CTI lourd et inefficient, et celui des châteaux forts féodaux, le système trop décentralisé qui prévalait jusqu'ici, avec des systèmes incompatibles entre eux qui de surcroît entraînent une augmentation des dépenses ?
Le CTI, n'ayant jamais eu de chef, n'a jamais pu prendre la moindre décision stratégique.
Cependant, même sans chef ni direction commune acceptée par tous, tout ne va pas de travers dans l'informatique de l'Etat, loin de là :
La sous-commission a pu identifier avec plaisir certains succès :
- La création de l'OSI, structure informatique du Département des finances, 7 personnes dirigées par M. Stéphane Marois, a permis de commencer à redresser les dysfonctionnements criants de cette administration. Le système IAO a été abandonné, le système Unisys a été revitalisé, stabilisé et sécurisé, un début de communication entre systèmes a été réalisé, qui devrait permettre à terme par exemple au registre foncier de pouvoir communiquer la liste des propriétaires de villas au service des rôles, pour pouvoir les taxer au titre de l'impôt immobilier. (un exemple parmi tant d'autres de problèmes de communication inter-systèmes).
- Le projet an 2000 ne va pas trop mal, M. Convers et ses collègues se débrouillent malgré certaines angoisses, le dernier tableau de bord est plutôt positif, je vous laisse le regarder à l'annexe 2.
Les applications sont testées les unes après les autres, les projets de réécriture de certaines applications avancent, le projet est visible sur internet, on devrait y arriver !
- Les projets PC 2000 et SE32 qui visent à harmoniser les stations de travail de l'Etat sont en cours mais risquent de ne pas aboutir avant l'an 2000, là aussi des priorités et des choix clairs devraient être faits.
- La division R/T, (réseaux/ télécomms) une petite division dirigée par M. Gilliéron a décidé toute seule de normes et standards (ils ont choisi IP, le standard de l'Internet, excellent choix), elle a câblé l'ensemble des réseaux genevois et commence à compatibiliser ses fonctions avec les réseaux vaudois, un exemple de succès qui devait être mentionné dans ce rapport.
Certes, l'annexe 3 vous montre que pour l'ensemble du CTI, les choses ne vont pas encore bien. Il manque un chef, il manque une direction commune, une définition claire des répartitions des ressources entre les départements et le CTI, une définition claire du rôle du CTI. Il manque aussi beaucoup de travail d'harmonisation, à accomplir progressivement.
Les utilisateurs se plaignent des prestations du CTI. Depuis que les informaticiens ont été sortis des départements ces plaintes se font plus vives, pour partie on peut l'expliquer psychologiquement, il est plus facile de se plaindre à l'extérieur qu'à l'intérieur. Mais pour partie il faut reconnaître que les structures choisies sont inadéquates.
(NB sur ce point : Les utilisateurs se plaignent beaucoup des services rendus par le CTI, parce qu'ils ne doivent pas payer ces prestations. Le rapporteur travaille depuis 15 ans en clientèle privée, et mes clients lorsqu'ils recoivent certains devis renoncent spontanément à certaines améliorations demandées, simplement parce que ces améliorations leur coûteraient trop cher. Les services de l'Etat, n'ayant jamais eu à gérer une enveloppe et leurs responsabilités, ont parfois l'impression que tout étant gratuit pourquoi pas demander le maximum ? Sur ce point comme sur bien d'autres, une gestion décentralisée par enveloppes, contrats de prestations intelligents, comptabilité analytique et centres de coûts permettrait de réorganiser l'Etat et de mieux le gérer).
Mais revenons à nos structures du CTI, dont je disais qu'elles étaient inadéquates : en effet, si la mise en commun de certaines ressources humaines peut parfois aboutir à une meilleure répartition des ressources, il faut reconnaître que parfois aussi la constitution d'une organisation trop lourde pour être gérée par un seul homme aboutit au contraire à un titanic, à un Etat dans l'Etat, artificiellement rattaché à la Chancellerie. Le juste milieu n'a pas encore été trouvé, la Commission des finances penchait nettement pour une répartition plus décentralisée, avec comme noyau central un CTI amaigri, assez fort pour imposer des normes et standards communs, mais pas trop fort pour laisser aux ressources « métiers » des départements une gestion décentralisée.
Cette nécessaire réorganisation du CTI, cette possible disparition du CATI, cette nécessité de trouver un chef, est du ressort du Conseil d'Etat et non du Parlement. Le Parlement ne peut que suggérer des pistes à étudier. La Commission des finances suggère ainsi au Conseil d'Etat d'entreprendre cette nécessaire réorganisation en partant du bas, c'est à dire des informaticiens de base. Leur parler, leur demander comment ils voient les choses, avant de chercher à leur imposer une réorganisation depuis le haut. Certains sont bons, d'autres moins, comme partout, mais de toutes façons ils sont les mieux placés pour connaître la réalité, et le futur chef serait bien inspiré de commencer par leur parler, à chacun, de commencer par les écouter, ce qui n'a pas suffisamment été fait jusqu'ici.
3. La motion 1205, réécrite
Suite à toutes ces heures de travail, la sous-commission, (MM. Vaudroz, Hausser, Beer, Ducrest et le rapporteur) décida de récrire la motion 1205, de fond en comble. De motion « coup de gueule » qu'elle était au départ, elle devint une motion beaucoup plus constructive, qui devrait permettre au Conseil d'Etat d'entreprendre les réformes encore nécessaires, et surtout de mieux définir les responsabilités.
Proposition de motion(1205)
sur l'avenir de l'informatique de l'Etat
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
Les rapports alarmants publiés sur les dysfonctionnements informatiques, structurels et organisationnels de l'Etat de Genève, en particulier mais pas seulement au Département des finances
L'urgence incontournable des problèmes liés au passage à l'an 2000
invite le Conseil d'Etat
à préciser dans un rapport annuel compréhensible et clair l'état des lieux de l'informatique de l'Etat.
à proposer, dans le même rapport, des solutions, notamment la liste des protocoles et des moyens de communication communs, (livre blanc, projet fédération, rapport de l'ICF sur le CTI)
à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 4 ans, pour l'ensemble de l'informatique de l'Etat de Genève.
A définir clairement une répartition des tâches entre le CTI et les départements. (Qui maîtrise les ressources financières, les ressources humaines, qui définit les priorités, quelle relation clients-fournisseurs ?)
4. Discussions à la Commission des finances
La Commission des finances, en plénière, a examiné la motion 1205 récrite, telle qu'elle apparaît ci-dessus, et l'a acceptée à l'unanimité; pour une fois les clivages gauche-droite, devant l'urgence, s'estompant.
La discussion sur les 4 invites fut nourrie, je veux la retranscrire le mieux possible dans ce rapport, cette transcription servira d'exposé des motifs à la motion reformulée :
Dominique Hausser : Je me demande si la sous-commission informatique ne devrait pas faire partie de la future Commission de gestion, plutôt que de la Commission des finances ? Puisque le CTI rencontre surtout des problèmes de gestion ?
Bernard Clerc : Je n'ai pas pu participer à la sous-commission, mais je n'en pense pas moins : A quoi sert le CTI ? Pourquoi certains départements ont-ils été obligés de se battre pour garder des ressources humaines indispensables, on a tout centralisé et puis on est revenus en arrière, parce que ça ne marchait pas !
David Hiler : Quel est le rôle du CTI ? Est-ce un organe exécutif ou un organe de contrôle ? Il me semble que personne ne sait ? Peut-être parce qu'il manque un chef, justement ?
Chaïm Nissim : Oui il faut redéfinir les tâches et la répartition des responsabilités. C'est là le sens de la 4e invite. Nous ne pouvons pas le faire nous, législatif, c'est là une tâche de l'administration. (tout le monde semble d'accord sur ce point).
Dominique Hausser : Je me demande à quoi sert le CATI (Conseil d'administration des technologies de l'information) ?
Pierre Ducrest : Le gros problème c'est de rétablir la confiance, les utilisateurs n'ont plus confiance, le public et les députés non plus. On avait avant la création du CTI des chapelles rivales, avec des roitelets. On assiste maintenant à la création d'un empire monolithique, le CTI. Entre ces 2 écueils extrêmes il doit exister un juste milieu, c'est là le sens de notre motion, forcer le Conseil d'Etat à définir ce juste milieu.
David Hiler : On parle beaucoup des améliorations à l'AFC, personne ne parle des systèmes qui ont bien marché depuis le début, tel celui du SITG (système d'information du territoire), qui est génial !
Micheline Calmy-Rey : Il est plus facile de concevoir un seul système autonome qu'une vaste organisation comme celle de l'AFC. Avec l'échec d'IAO on a compris qu'on ne pouvait pas imposer un système à des professionnels par-dessus leur tête et sans comprendre leurs besoins de métier. C'est le sens de la création de l'OSI, structure informatique de l'AFC, qui a pour rôle de dialoguer avec le CTI pour obtenir les ressources nécessaires.
Par ailleurs, la présidente nous informe que l'explication des différences de plusieurs dizaines de millions entre les différentes comptabilités de l'Etat était en bonne voie de résolution, le juge Heyer, chargé de l'enquête, a pu retrouver les documents manquants, l'affaire semble en de bonnes mains.
5. Conclusion (provisoire)
Tout au long de nos travaux, j'observais M. Claude Blanc. Réfractaire s'il en fut à l'informatique; il a même rendu son portable au service du Grand Conseil, disant à qui veut l'entendre qu'il le reprendrait « lorsque ça marcherait ». Il reçoit depuis ses convocations et ses PV par la poste. M. Claude Blanc s'est toujours abstenu lors de tous les votes de crédits informatiques, en disant qu'il n'y comprenait rien, et en suggérant finement que même ceux qui prétendent y comprendre quelque chose se font en fait des illusions.
Allait-il pour la première fois voter cette motion ? Si oui, cela signifierait à mes yeux qu'il y a encore un espoir, que la commission unanime attend vraiment des améliorations, et qu'elle sait définir dans quelle direction il faut aller et ce qu'il faut améliorer. Si non, cela signifierait que nous faisions du verbiage, des mots creux, comme hélas trop souvent en politique. Claude Blanc a voté les invites, et moi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même et à renvoyer la présente motion revisitée au Conseil d'Etat.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition présentée par les députés:MM. Chaïm Nissim, Roger Beer, Jean-Pierre Restellini, Hervé Dessimoz, Rémy Pagani et Jean-Claude Vaudroz
Date de dépôt: 6 avril 1998Messagerie
M 1205
Proposition de motionsur les dysfonctionnements informatiques de l'Etat
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le récent rapport d'expertise sur l'informatique de l'administration fiscale, datant de septembre 97 mais publié en mars 98, qui révèle des disfonctionnements très graves ;
- l'échec avéré de la réforme symphonie, qui a coûté très cher et n'a servi à rien ;
- le fait que tout informaticien auquel on parle d'un problème informatique vous proposera aussitôt une solution … informatique, si possible très chère et longue à mettre en application ;
- le fait que les 300 programmeurs de l'Etat se sont souvent construit des châteaux-forts, entourés de fossés profonds, des petits royaumes dont ils sont les seuls maîtres et qui ne peuvent communiquer avec les royaumes voisins ;
- le fait qu'il faut aujourd'hui casser ces cloisonnements, en adoptant des normes et protocoles communs à tous les services, et ouverts sur le monde extérieur ;
invite le Conseil d'Etat
- à préciser l'état des lieux de l'informatique de l'Etat ;
- à publier celui-ci dans un langage compréhensible par les députés et le public ;
- à proposer des solutions dans un rapport, avec des protocoles et des moyens de communication communs, et à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 5 ans.
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Débat
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je me casse la tête depuis quatre ans sur ces problèmes de l'informatique de l'Etat et plus je bosse, plus j'en apprends, plus je deviens modeste !
La première constatation que je voudrais faire, c'est que le problème de l'informatique de l'Etat n'est pas un de nos classiques problèmes gauche-droite, où nous pourrions vous accuser, comme nous le faisons d'habitude, de tout vouloir privatiser, et où vous pourriez nous accuser, comme vous le faites d'habitude, de tout vouloir bloquer par des recours. Ce problème-là n'a rien à voir avec des recours, ou des privatisations ; il ne se situe pas dans ce champ de réflexion. C'est un nouveau problème, dans lequel nos têtes de turc traditionnelles gauche-droite n'ont pas lieu d'être. Cela dit, je voudrais vous donner six pistes de réflexion, qui recoupent plus ou moins les quatre invites de la motion issue de la commission des finances.
Première piste. Depuis le début de la réforme commencée il y a quatre ans par le Conseil d'Etat, réforme qui s'appelait Symphonie à l'époque, les dysfonctionnements ont été en s'aggravant. A titre d'exemple de cette aggravation, je pourrais retenir l'enquête de satisfaction rédigée par les maîtres d'ouvrage; mais ce n'est pas une très bonne enquête, elle n'a pas de côté évolutif. Je préfère donc retenir un avis qui nous a été donné hier en commission des finances, et qui provient de la Conférence des maîtres d'ouvrage. Je vous lirai deux paragraphes de cet avis : «Au niveau général, il ressort de l'avis des maîtres d'ouvrage que la qualité des prestations est significativement inférieure à celle dont ils bénéficiaient avant la réforme. La situation s'est encore détériorée et les résultats de notre consultation sont plus proches des commentaires généralement plus négatifs que les réponses aux questions... [...] Par ailleurs, la décision du CTI de ne plus respecter les conventions de prestations passées entre les maîtres d'ouvrage et le CTI laisse présumer - et la tendance ne semble pas s'inverser - qu'une dégradation de la situation est encore prévisible dans le futur.»
Ce rapport nous a été distribué hier en commission des finances. Il émane du Conseil d'Etat et vous reconnaîtrez avec moi qu'il est inquiétant... (Commentaires.) Oui, c'est effectivement ce que mon collègue Claude Blanc disait depuis longtemps, et cela me rend malade quand je lis de tels rapports !
Deuxième piste. Les utilisateurs ne sont pas assez formés, ils ont trop souvent tendance à voir l'informatique comme de la magie. Etant donné qu'ils ne maîtrisent pas bien l'outil, qu'ils ne sont souvent pas capables de discerner d'où vient la panne, si elle vient de leur disque dur local, d'un serveur ou d'un serveur Internet, ils appellent quelquefois le CTI pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons. Il y a donc un vrai problème de formation des utilisateurs. Il faut plus de super-utilisateurs dans les services et des super-utilisateurs mieux formés.
Troisième piste. Les problèmes de l'informatique de l'Etat sont inextricablement liés aux problèmes administratifs. Il est impossible de réformer l'un sans réformer l'autre et on touche là au gros problème qui est récurrent, à savoir celui de la réforme de l'Etat, du poids des habitudes, de l'incompétence, des résistances des réformés, de la bêtise aussi des réformateurs, de leur manque d'écoute, de leur manque de vrai dialogue.
Quatrième piste. La présidente du CATI a effectivement essayé depuis deux ans de casser les baronnies, ces petits royaumes qui s'étaient constitués dans les services informatiques et qui ne se parlaient pas. En sortant tous les informaticiens des services, en créant le CTI, elle a initié un premier mouvement utile, à savoir la création d'une structure transversale ; mais en même temps elle a créé un Titanic ingérable : 300 informaticiens, sans chef pour le gérer ! Le CTI est devenu un Etat, paralysé et incompétent, dans l'Etat de Genève. Il s'agit donc maintenant de trouver un chef d'orchestre à cet Etat dans l'Etat, de redistribuer certains informaticiens dans les services, là où on en a besoin, tout en veillant à ce que tous respectent les normes et standards de compatibilité - qui n'ont d'ailleurs toujours pas été choisis. Quatre ans après le début de la réforme Symphonie, nous n'avons toujours pas vu ce petit livre blanc des normes et standards de l'informatique de l'Etat : c'est à mon avis un des grands échecs de cette réforme.
Certes, un service comme celui de M. Gilliéron - la division réseaux/télécomms - a défini, tout seul, des normes et standards pour cette division. C'est très bien et je l'en félicite, mais il n'y a pas de normes et standards définis globalement pour l'ensemble du CTI, notamment pour les bases de données. Pour résoudre cette question, le Conseil d'Etat doit trouver un chef pour le CTI. Je sais que Mme Brunschwig Graf a commencé à chercher ce chef, mais cela fait quatre ans qu'elle aurait dû le chercher, au début de la réforme. Il nous faut en l'occurrence un chef qui ait du poil..., qui ait assez de connaissances pour imposer des normes et standards, pour réorganiser les divisions et pour discerner l'ampleur des réformes à entreprendre.
Ensuite, piste No 5, il faut que le Conseil d'Etat fasse son boulot : définir les priorités, gérer les moyens et les ressources à disposition, discerner l'essentiel de l'accessoire. Il faut qu'il sache répartir les ressources du CTI, les moyens financiers et humains. Il faut qu'avec l'appui technique des directeurs du CTI il sache qui doit travailler dans les départements et qui doit rester dans la structure centrale. Si cette structure centrale, par hypothèse, ne comprenait plus qu'une cinquantaine de personnes, ce ne serait pas la peine de tout déménager dans le nouveau bâtiment des Acacias : on pourrait très bien déménager uniquement la structure centrale et répartir les autres informaticiens dans les départements respectifs. Là aussi, il faut que le Conseil d'Etat comprenne le jargon des informaticiens et que les informaticiens sachent parler le français ! Mon expérience m'apprend que c'est malheureusement assez rare... Voilà le sens de la quatrième invite de la motion que nous voulons renvoyer au Conseil d'Etat.
Dernière piste. Nous avons créé, avec le CTI, une première structure transversale au sein d'une administration trop souvent fossilisée en départements qui s'ignorent. Or, cette nouvelle structure ne fonctionne pas bien, pour toutes les raisons que j'ai analysées tout à l'heure. Il faut donc continuer, lui trouver un chef, répartir les responsabilités entre les départements, le Conseil d'Etat et le CTI. Le Grand Conseil, lui, n'a que deux rôles dans cette symphonie : voter les crédits et servir de courroie de transmission avec la population. Et là, franchement, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, j'ai l'impression que nous n'avons pas trop mal fait notre travail, depuis le début de cette réforme, mais que de votre côté vous vous êtes un peu empêtrés dans les querelles de chapelles entre services, dans vos cloisons interdépartementales, dans votre manque de connaissances techniques. Le Grand Conseil et la population attendent maintenant de vous des réponses aux quatre invites que nous formulons dans notre motion, ou tout au moins des débuts de réponses.
M. Rémy Pagani (AdG). Après lecture de ce rapport et malgré les explications de M. Nissim, nous ne pensons pas que la solution aux problèmes du CTI et de l'informatique en général passe par la nomination d'un chef, ni par l'invite à «améliorer progressivement la communicabilité», ou encore à «définir clairement une répartition des tâches entre le CTI et les départements». En l'état, nous sommes insatisfaits de ce rapport et de cette motion et nous tenons à le dire haut et fort !
Je vous rappelle qu'à l'époque la volonté du Conseil d'Etat, d'ailleurs tout à fait légitime, était de supprimer, ou en tout cas de combattre les fiefs informatiques qui existaient dans certains services, en regroupant l'informatique dans un service qui aurait, ô miracle, pu résoudre l'ensemble des problèmes informatiques de l'Etat. Quatre ans ont passé, quatre ans pour en arriver à se dire que, toutes proportions gardées, on aurait pu maintenir un certain nombre de personnes à l'intérieur des services pour qu'elles fassent simplement ce qu'elles faisaient auparavant : la maintenance ! J'en veux pour preuve la gabegie qui règne - pour prendre un exemple qui me vient à l'esprit - au service du tuteur général, où des ordinateurs sont posés sur les bureaux des assistants sociaux ou des comptables, mais ne sont pas branchés, et cela depuis une année, voire deux ans. Ce n'est pas la nomination d'un chef qui va résoudre ce problème de maintenance !
Aujourd'hui, on nous dit qu'il suffit de nommer un chef et d'améliorer la communicabilité entre les informaticiens... On croit rêver ! En fait, le problème réel qui se pose, c'est de tenir compte des besoins des services - notamment de l'administration fiscale - de répondre à ces besoins et de faire marcher les machines qui ont été achetées, avant qu'elles soient désuètes ! En l'occurrence, c'est ce qu'on vient de nous dire au service du tuteur général : ces machines, qui n'ont jamais été branchées, sont aujourd'hui désuètes et il faut les remplacer par un nouveau système, de nouveaux ordinateurs qu'on va aller chercher à Neuchâtel. Il y a là une gabegie qui continue, voilà pourquoi nous tenons à dire haut et fort que nous sommes insatisfaits de ce rapport. Nous allons voter la motion, car elle ne mange pas de pain, mais nous estimons déplorable le travail qui a été fait et déplorable la manière dont est gérée la problématique de l'informatique à l'Etat.
M. Pierre Ducrest (L). Nous reparlons donc d'informatique ! Chaque fois que nous abordons ce sujet dans ce parlement, nous entendons dire que la machine ne fonctionne pas et c'est vrai : il faut reconnaître qu'elle fonctionne mal.
On peut évidemment refaire l'historique de l'informatique de l'Etat. Si l'on se reporte vingt ans en arrière, on constate que les balbutiements étaient les mêmes pour les entreprises privées et que les choix qui ont été faits, s'ils ont peut-être été malheureux à l'Etat, l'ont aussi été dans beaucoup d'entreprises privées. Mais voilà, la différence, c'est que les entreprises privées doivent fonctionner pour assurer leur survie ! L'Etat devrait faire de même. Il essaie tant bien que mal, notamment à l'AFC, pour laquelle notre parlement a voté récemment une somme de 18,2 millions en vue d'améliorer les systèmes informatiques, qui sont primordiaux dans ce service, puisque c'est grâce aux impôts que l'Etat peut en grande partie fonctionner.
Cette motion est intéressante, car elle soulève différents problèmes, mais beaucoup de réponses ont déjà été données dans le cadre de la sous-commission informatique des finances. Treize questions avaient été posées ; certaines n'étaient plus d'actualité, d'autres ont trouvé des réponses. Et si nous n'avons pas toutes les réponses, il faut regretter ici que la commission n'ait pas daigné auditionner Mme Brunschwig, qui chapeaute le tout, car nous aurions pu avoir, Monsieur le rapporteur, des réponses au poil..., au poil qui se hérisse chez les députés de temps en temps ! Cette audition n'a pas eu lieu, c'est regrettable, car nous aurions pu avoir, à part les questions soulevées par cette motion, certaines réponses immédiates sur ce qui allait être fait.
Ce soir, il faut renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, car une de ses invites est primordiale, à savoir celle qui dit en substance que le Conseil d'Etat sera chargé de faire un rapport annuel sur l'informatique de l'Etat, de sorte que les députés qui dans le futur devront encore voter des crédits sachent où passe l'argent !
M. Roger Beer (R). Bien sûr, comme l'a dit M. Ducrest, lorsque nous parlons informatique le débat est très difficile dans ce Grand Conseil. Il y a d'une part les personnes qui, par principe, trouvent que l'informatique ne marche pas, et il faut avouer que certains éléments dont on parle alimentent cette opinion. Puis, il y a les autres, plus positifs, qui essaient de donner un coup de main à l'administration pour que les choses avancent...
M. Claude Blanc. Un coup de pied !
M. Roger Beer. Je ne sais pas à qui il faut donner un coup de pied, Monsieur Blanc !
Il est vrai qu'au début cette motion était extrêmement provocatrice. Les travaux de la commission, contrairement à ce que dit M. Pagani, ont été extrêmement instructifs et positifs. Monsieur Pagani, je comprends bien que vous les trouvez nuls, déplorables, mais ce que je regrette, c'est que votre délégué à la sous-commission ne soit jamais venu aux séances ! Alors, soit il ne comprend rien à l'informatique, soit cela ne l'intéresse pas, soit vous aviez préparé votre discours avant... Quoi qu'il en soit, c'est évidemment dommage !
Je vous avouerai que je ne suis en tout cas pas informaticien, mais c'est justement pour cette raison que nous devons nous renseigner. A cet égard, nous avons fait du bon travail en commission et je dois dire que le rapport de M. Nissim et son long exposé préliminaire relatent parfaitement l'ambiance dans la sous-commission. Nous sommes effectivement dans une situation difficile, due au passé, à l'époque où certaines personnes ont été nommées, où l'informatique a totalement dépassé le monde politique et où des gens - parlez de baronnie, on pourrait parler de roitelets - ont fait ce qu'ils pensaient être bien. Chacun l'a fait dans son coin, sans aucune coordination et les directions étaient peut-être erronées. Aujourd'hui, il s'agit de corriger cette situation. Nous arrivons à cette constatation sans doute un peu tardivement, nous y arrivons au moment où se pose en outre la problématique de l'an 2000. Mais finalement c'est le seul constat qu'on puisse faire, on ne peut que constater ce qui s'est fait ces dix dernières années, tout ce que cela a déjà coûté, ainsi que le fait que nous avons dû voter encore 50 millions l'année dernière.
Cela dit, j'ai effectivement l'impression qu'une volonté politique se dessine pour nommer un chef, pour avoir une idée très précise de ce qui se passera, pour savoir, avant d'écouter toutes les demandes des fonctionnaires, où le Conseil d'Etat veut aller et à quoi doit correspondre l'informatique de l'Etat. Je suis donc optimiste, même si cela nous coûtera encore de l'argent, bien sûr. Je vous rappelle que, lorsque le Grand Conseil et notamment son Bureau ont décidé d'informatiser les cent députés, dans leur immense diversité, il a fallu six mois pour que le projet soit compris, accepté, voté et entre en vigueur. Aujourd'hui, après une année et demie, 85% à 90% des députés utilisent les outils informatiques mis à disposition. C'est bien la preuve que, lorsqu'une volonté claire existe, que la mission est claire, on atteint les objectifs. Cela a marché avec l'informatique des députés, je suis persuadé que cela doit marcher avec l'informatique de l'Etat.
C'est pour cette raison que le groupe radical suivra les invites de cette motion revisitée, comme le dit M. Nissim. Nous espérons avoir très rapidement un rapport clair sur ces différentes questions de la part du Conseil d'Etat.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S). Le groupe socialiste salue l'esprit constructif de la motion revisitée. L'informatique est l'outil de travail de l'ensemble de l'administration, sous forme de bureautique, base de données et communication. Après des années de bagarre, nous avons aujourd'hui un peu plus de transparence, indispensable pour pouvoir résoudre les problèmes.
Cela dit, la centralisation totale n'est pas non plus la réponse aux petits fiefs incontrôlés avec absence de perspectives. Comme M. Pagani, je suis également très sceptique sur le fait que la solution est à trouver dans la nomination d'un grand chef. Elle serait peut-être dans la nomination d'un coordinateur, ou d'un chef d'orchestre comme l'a dit M. Nissim. Il faudrait une informatique de proximité, coordonnée avec le CTI, comme par exemple celle de l'AFC. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette motion revisitée.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. En deux mots, je voudrais répondre à M. Ducrest qui disait que la sous-commission n'avait jamais invité Mme Brunschwig. Il faut dire, Monsieur Ducrest, que, pendant les six mois où nous avons travaillé, Mme Brunschwig n'a jamais demandé à être entendue. Elle l'a effectivement demandé, par la voix de M. Taschini, après la fin de nos travaux, mais c'était malheureusement trop tard - il y a eu là un petit problème de messagerie... Quoi qu'il en soit, elle n'a jamais été entendue, c'est un fait et je le regrette comme vous.
Je constate toutefois que ce matin, au moment où le Grand Conseil discute des orientations à prendre pour l'informatique de l'Etat, Mme Brunschwig, présidente du CATI, est absente. La représentante du Conseil d'Etat est Mme Micheline Calmy-Rey, qui a créé son propre service informatique - l'OSI - dont nous apprenions avant-hier en commission des finances que ses informaticiens ne participent même plus aux réunions du CATI, ce qui pose un autre problème. Cela pour dire, Monsieur Ducrest, qu'un des problèmes essentiels, à mon avis, est que le Conseil d'Etat ne suit pas ce dossier dans son entier. Il délègue à une conseillère d'Etat le soin de s'occuper de ces problèmes et c'est absolument insuffisant. Il faudrait justement, là aussi, une structure transversale, que l'ensemble du Conseil d'Etat prenne la peine de s'informer sur ces problèmes qui sont essentiels et que l'ensemble du Conseil d'Etat prenne des décisions, et pas seulement Mme Brunschwig.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Effectivement, l'informatique est un domaine difficile, d'autant plus difficile qu'il doit s'intégrer dans une entité, l'Etat, qui est une grosse machine. Cela dit, je suis étonné qu'on puisse mélanger deux choses distinctes. D'une part, il y a ce que l'on pourrait appeler l'outil, la machine, qui fonctionne très bien et ne pose pratiquement aucun problème. D'autre part, il y a les utilisateurs et les structures qui eux posent certains problèmes. Je crois qu'il ne faut pas confondre les deux choses, d'autant qu'aujourd'hui, sans informatique, nous serions dans un chaos total. Maintenant, la situation est effectivement difficile et j'aimerais ici remercier M. Nissim pour son rapport et les explications qu'il vient de nous donner, qui me semblent très positifs et constructifs, contrairement aux dires de M. Pagani. En l'occurrence, je relève que l'Alliance de gauche n'était pas présente aux séances de commission et, si je comprends vos propos, Monsieur Pagani, je vous suggère de venir aux séances, ce qui vous permettra de suivre les travaux et les débats !
J'aimerais quand même rappeler que par le passé l'informatique de l'Etat était véritablement chaotique, qu'elle était complètement décentralisée, que chacun avait sa politique d'achat, sa politique d'outils, sa politique de réseau, et qu'on se trouvait devant un grand patchwork qui empêchait évidemment la communication entre services, entre départements. Il y a eu ensuite une première démarche, qui me semble tout à fait positive, consistant à tenter de centraliser. Alors, on est peut-être allé trop loin dans la centralisation, puisque le CTI est maintenant une immense machine qui représente plus de 300 informaticiens. Et on sait que les informaticiens sont comme les architectes ou les avocats : chacun a son idée et, avant que tout le monde soit d'accord, un certain temps s'écoule et cela peut créer également le chaos ! Mais, en tout cas, en sous-commission nous avons pu constater qu'il y a énormément de compétences au sein de l'Etat, M. Nissim l'a rappelé à propos de la division télécomms par exemple. Nous avons auditionné M. Gilliéron et il est vrai que les compétences existent, qu'elles sont indiscutables.
Je crois que l'immense avantage de cette centralisation a été de définir effectivement une stratégie commune, de mettre en place une politique commune, permettant que tout le monde tire à la même corde sur un plan stratégique. On le voit par exemple dans la politique d'achat du matériel informatique, qui fonctionne très bien. Par contre, cette centralisation a un gros inconvénient, c'est que le CTI est une immense machine un peu à l'écart de la problématique de terrain, qui manque de proximité avec l'utilisateur. C'est un constat que nous avons tous fait et le rapport qui nous a été communiqué lors de la dernière séance de la sous-commission montre que les maîtres d'ouvrage avaient clairement défini le mal, à savoir un manque de proximité entre ce fameux CTI, cette grosse machine, et l'utilisateur. Il y a donc une solution intermédiaire à trouver aujourd'hui, une solution qui passera probablement toujours par une vision stratégique de l'ensemble de la politique informatique de l'Etat, et là je rejoins M. Nissim. Il parle d'un administrateur ou d'un chef ; quant à moi je pense qu'il faut un patron de l'informatique et qu'on arrivera ainsi à prendre de véritables décisions, à avancer. Il faudra également rester à l'écoute des maîtres d'ouvrage - car ce sont eux qui sont sur le terrain, dans les différents départements - tout en décentralisant une partie de ces informaticiens dans les différents départements pour qu'ils soient proches des applicatifs.
Je crois qu'on aboutira ainsi à terme à plus d'efficacité. Simplement, cela ne peut pas se faire instantanément car, encore une fois, c'est une immense machine. Mais ce système fonctionne très bien au niveau du département des finances et de l'administration fiscale : il y a là un maître d'ouvrage particulièrement efficace, que nous avons rencontré à plusieurs reprises, une équipe qui paraît aussi efficace et les choses avancent. Il n'y a donc pas de raison que les autres départements ne puissent aller dans le même sens et c'est pourquoi le parti démocrate-chrétien appuie cette proposition de motion. Il soutient l'informatisation de l'Etat, y compris M. Blanc qui, même s'il hoche la tête, est tout à fait d'accord avec la position de son groupe ! Nous sommes certains qu'avec les réponses que nous donnera le Conseil d'Etat nous pourrons avancer dans la bonne direction.
M. Christian Brunier (S). Lorsque nous voulons améliorer un service, nous devons commencer par avoir de la pondération et éviter d'insulter tout le monde ! En déclarant que c'est la gabegie totale, on ne fait vraiment pas preuve de pondération et on ne reconnaît pas les bons côtés - il y en a, certains les ont relevés - de l'informatique de l'Etat. Je pense à l'informatisation du Grand Conseil, ou à ce qui se passe actuellement au niveau des informatiques publiques au sein du SITG : je crois que ce sont là des bons points et il faut les souligner. Nous devons motiver les gens et ce n'est pas en condamnant unanimement et violemment l'informatique de l'Etat que le Grand Conseil va motiver les informaticiennes et informaticiens de l'Etat.
Maintenant, il y a aussi un certain nombre de dysfonctionnements et il ne faut pas les nier non plus. Ces dysfonctionnements ont deux sources majeures. Une source, inhérente à l'informatique d'aujourd'hui et qui n'a rien à voir avec le privé ou le public - le privé connaît le même problème. Les architectures informatiques sont de plus en plus complexes et de moins en moins fiables ; on améliore la technologie mais la fiabilité baisse. Là, l'Etat ne fait pas exception et nous aurons de la peine à trouver une solution purement destinée à l'Etat. Par contre, à la deuxième source de dysfonctionnements que sont les luttes de personnes, nous avons un certain nombre de moyens à opposer. Des pistes ont été citées. Je ne crois pas qu'il faille un patron ou un chef : il faudrait plutôt un fédérateur, un dynamiseur, quelqu'un qui redonne confiance aux informaticiennes et informaticiens de l'Etat. Reste à savoir si on peut trouver cette personne miracle et si on peut la payer, parce que les personnes miracles en informatique qui ont l'âme de leader coûtent aujourd'hui excessivement cher, trop cher, le marché est très tendu et ce ne sera pas facile de trouver la personne idéale pour ce poste.
Par ailleurs, il y a bien entendu une révision de l'organisation à faire. L'informatique était complètement décentralisée - je caricature un peu - nous en sommes venus à une informatique totalement centralisée. Il est certain qu'idéalement il faudrait centraliser l'informatique transversale, qui intéresse tous les services, et décentraliser tout ce qui est opérationnel, particulier dans chaque département. Ce n'est pas facile à faire et cela demande une grande coordination et donc une entente entre les différents acteurs de l'informatique de l'Etat.
Maintenant, une troisième piste, que nous avons peu évoquée ou pas du tout évoquée, est la clé des moyens. Il s'agit d'établir à l'intérieur de l'Etat des rapports clients-fournisseurs entre les départements et l'informatique. A cet égard, je pense que les moyens financiers liés aux projets informatiques devraient être décentralisés dans les départements, que la direction des projets devrait aussi être décentralisée dans les départements et qu'un rapport client-fournisseur entre les informaticiens et les départements devrait s'établir. Mais là, je crois qu'on s'attaque à un autre genre de baronnies, qui ne sont pas celles qui existent au sein de l'informatique de l'Etat mais bien au sein du Conseil d'Etat !
Mme Micheline Calmy-Rey. Je voudrais commencer en excusant l'absence de ma collègue Martine Brunschwig Graf, qui est la cheffe de l'informatique de l'Etat de Genève, retenue aujourd'hui à Porrentruy.
Cela étant, je réponds au nom du Conseil d'Etat. Je réponds, d'une part parce que le département des finances a un certain nombre de responsabilités en matière informatique - entre autres depuis que vous avez voté un crédit de 18 millions pour l'informatique de l'AFC - et qu'il dispose d'applications stratégiques pour l'Etat de Genève, en particulier les applications concernant l'administration fiscale cantonale, le service des paies, la comptabilité générale, le budget de l'Etat. D'autre part, parce que le département des finances a un intérêt à ce que l'informatique de l'Etat fonctionne bien et à ce que ses relations avec le centre des technologies de l'information soient bonnes.
Le département des finances et l'administration fiscale cantonale en particulier ont été confrontés, vous le savez, à des dysfonctionnements informatiques majeurs. Je vous avoue avoir connu certains moments d'angoisse face à l'ampleur des problèmes à résoudre et surtout devant les conséquences possibles de ces dysfonctionnements, en particulier sur les recettes fiscales. Des applications disparates, vieilles, qui ne communiquaient pas entre elles, des fichiers peu fiables, des incidents fréquents, pas d'informaticiens maison pour aider les gens de métier à prendre des décisions, toutes les ressources humaines ayant été centralisées au centre des technologies de l'information : voilà le premier problème auquel nous avons été confrontés. A cet égard, notre démarche a été double et je pense intéressant de la relater ici, puisque M. le rapporteur a bien voulu dire qu'un certain nombre de progrès avaient été faits du côté de l'administration fiscale. Ces pistes peuvent être intéressantes pour vous.
Notre démarche a donc été double : sur le plan métier, nous nous sommes efforcés de nous donner l'appui nécessaire pour définir nos besoins et pour renforcer notre capacité de décision. Sur le plan structurel, nous avons tenté et nous tentons toujours d'organiser de façon correcte, raisonnable et efficace les relations avec le CTI. Ces constats de nécessité nous ont conduits à créer un service, organisation et systèmes d'information, au sein du département des finances, directement rattaché à la présidence du département.
La première tâche de ce service a été une tâche qui n'a pas été évoquée jusqu'ici de façon explicite, à savoir l'assistance à la maîtrise d'ouvrage : aider à l'expression des besoins métier, savoir quels sont les besoins des utilisateurs de l'informatique, les organiser, suivre les projets, assurer le contrôle de la gestion informatique. Pour ce faire, l'administration fiscale cantonale s'est engagée dans une voie nouvelle qui est la voie de la démarche participative. Nous avons passé d'un management hiérarchique à un management participatif, par projet, basé sur la coopération, sur le partage des compétences, sur les relations et la formalisation de ces relations entre les services et entre les personnes, dans le but de décloisonner les services, dans le but de limiter très précisément les projets afin de pouvoir les suivre et les évaluer en fin de course. Cette organisation fonctionnelle repose sur des processus ; c'est quelque chose de neuf qui pour l'instant fonctionne bien. Les résultats sont positifs, non sans mal, non sans difficultés, mais cela fonctionne bien et permet en tout cas l'expression des motivations et des besoins de la part des utilisateurs.
L'autre objectif donné au service porte sur le dialogue avec le CTI, thème que vous avez tous abordé jusqu'ici. Il s'est agi pour nous de nous assurer la détention des moyens financiers - que le Grand Conseil a accordés à l'administration fiscale grâce au vote des 18 millions auquel j'ai fait allusion tout à l'heure - mais il s'est agi aussi de nous assurer la maîtrise des ressources humaines : clairement, le rattachement fonctionnel au département des finances des informaticiens qui travaillent sur les projets du département, pendant la durée d'exécution des projets, le but étant de s'assurer de mener à terme les projets avec les gens compétents, avec les ressources nécessaires et à notre rythme. Ce rattachement fonctionnel des ressources informatiques nous permettra de travailler avec le CTI, comme avec toutes les sociétés de prestations. Le client, c'est-à-dire nous, avons la garantie du résultat ; le fournisseur sait quelles sont les prestations qu'il doit fournir au client, sait dans quel délai et à quel prix ces prestations sont mises à disposition. Pour formaliser cette démarche, nous mettons au point des plans assurance qualité qui régleront nos relations avec le CTI. Ces plans d'assurance qualité sont prévus pour l'administration fiscale cantonale, pour les projets de l'OP, service des paies, pour la comptabilité générale et le budget, c'est-à-dire pour des services stratégiques pour l'Etat de Genève.
En conclusion, il y a donc un certain nombre de pistes possibles, qu'il s'agit d'inventorier. D'une façon générale, je dirai que l'organisation informatique est relativement récente, en tout cas sa centralisation est relativement récente, qu'effectivement elle s'est heurtée à certaines réticences, à certains problèmes, mais que les structures se mettent gentiment en place aujourd'hui, qu'elles se stabilisent et que certains services fonctionnent très bien, ils ont été cités. Il faut donc encourager les gens de ces services et non les démoraliser en disant que tout va mal. Aujourd'hui, des priorités sont définies par le CTI. Je suis consciente et nous sommes conscients au sein du Conseil d'Etat qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et dans ce sens je voudrais remercier la sous-commission informatique pour le travail qu'elle a fait, car les questions qu'elle pose au Conseil d'Etat nous permettront de faire le point et de nous engager éventuellement, en répondant à ces questions, dans des voies quelque peu différentes, voire nouvelles.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1205)
sur l'avenir de l'informatique de l'Etat
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
Les rapports alarmants publiés sur les dysfonctionnements informatiques, structurels et organisationnels de l'Etat de Genève, en particulier mais pas seulement au département des finances
L'urgence incontournable des problèmes liés au passage à l'an 2000
invite le Conseil d'Etat
à préciser dans un rapport annuel compréhensible et clair l'état des lieux de l'informatique de l'état.
à proposer, dans le même rapport, des solutions, notamment la liste des protocoles et des moyens de communication communs, (livre blanc, projet fédération, rapport de l'ICF sur le CTI)
à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 4 ans, pour l'ensemble de l'informatique de l'état de Genève.
à définir clairement une répartition des tâches entre le CTI et les départements. (Qui maîtrise les ressources financières, les ressources humaines, qui définit les priorités, quelle relation clients-fournisseurs ?)
Le président. Nous passons maintenant, comme nous l'avons décidé, aux interpellations 2012, 2009, 2010 et 2013 concernant les squatters.
M. Jacques Béné (L). Même si les interpellations doivent s'adresser au Conseil d'Etat en général, je me permets d'adresser celle-ci à Mme la présidente du département des finances, tout comme on le fait habituellement pour les interpellations urgentes. Cela dit, j'estime qu'il n'y a pas lieu de rassembler les interpellations au prétexte qu'elles s'adressent toutes au Conseil d'Etat. Mais le fait est que la majorité de ce parlement a décidé de les réunir et je commencerai donc, en développant mon interpellation qui s'intitule : «Squatters et société : qui exploite qui ?»
Depuis quelques mois, nous nous interrogeons sur le statut des squatters, qui semblent bénéficier de plus en plus d'un traitement de faveur, pour ne pas dire d'un traitement royal ou ministériel. Votre département, Madame, a-t-il conscience que les squats constituent de plus en plus des îlots de non-droit dans lesquels il fait bon vivre, et que le public, qui a longtemps regardé les occupants illicites «alternatifs» comme des marginaux, réalise que ceux-ci sont en fin de compte bien mieux lotis que les honnêtes citoyens ? Ces derniers doivent-ils continuer à payer mensuellement leur tribut à une société qui tolère de tels comportements illicites ?
Certains anciens squatters, constitués désormais en coopératives au nom d'un phénomène de réaction à la spéculation des années 80, bénéficient désormais de loyers dérisoires, dans des immeubles qu'ils ont rachetés avec 5% de fonds propres et, bien évidemment, le cautionnement de l'Etat, immeubles qu'ils se chargent ensuite de rénover à grand renfort de subventions et autres bonus à la rénovation. Les initiants de ces projets - citons l'exemple de la rue Plantamour - devenus propriétaires s'empressent de solliciter certaines exonérations fiscales, démontrant par là que la charge fiscale immobilière n'est pas aussi anodine que certains souhaitent le faire croire. Le Conseil d'Etat envisage-t-il de donner droit à ces requêtes ?
Au mois de mai 1998, éveillés par la négociation en cours de l'AMI, de nombreux squatters sont descendus dans la rue pour manifester et s'opposer à un ultralibéralisme économique qui, selon eux, tue l'emploi. A y regarder de plus près cependant, le laxisme des autorités - et y compris la majorité de ce Grand Conseil - le laxisme des autorités à leur égard permet à ces squatters d'appliquer jour après jour les principes du libéralisme qu'ils prétendent combattre, à savoir : défiance du pouvoir établi, non-respect du droit, des conventions collectives et des droits sociaux, y compris les droits du procureur général !
Les citoyens ordinaires qui tenteraient de contourner les lois en sollicitant l'égalité de traitement par rapport aux pratiques «alternatives» se verraient rapidement opposer une fin de non-recevoir, au motif qu'il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité. A ce stade cependant, il devient préoccupant de constater que la notion de l'égalité n'a malheureusement pas la même portée pour tous. Pour les gouvernants, le fait d'imposer à tous des règles de comportement en société est-il donc devenu si difficile ? En sus des questions posées précédemment, nous souhaitons interpeller le département des finances à ce sujet, en lui posant les questions suivantes :
Les occupants illicites, qui ne paient aucun impôt, entraînent-ils un manque à gagner sur les rentrées fiscales ? Et si oui, dans quelle mesure ?
Les employés des bars exploités dans les squats paient-ils des impôts sur le revenu tiré de leur activité ? Les exploitants de ces bars paient-ils des impôts sur le revenu de leur exploitation et sont-ils assujettis à la TVA ? Quel contrôle de ces éléments votre département exerce-t-il ?
Enfin, les propriétaires sont taxés sur un revenu fictif, qui est considéré comme une économie de loyer et qui est également appelé «impôt sur la valeur locative». A-t-on envisagé de solliciter un impôt comparable des squatters, qui font eux aussi l'économie d'un loyer ?
Le président. L'interpellation suivante est celle de M. Koechlin... Il ne souhaite pas intervenir. MM. Vaucher et Barro non plus. Les interpellations 2009, 2010 et 2013 sont donc retirées du rôle. Je donne la parole au Conseil d'Etat pour répondre à l'interpellation de M. Béné.
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat, conformément à l'article 161, alinéa 2, lettre b) du règlement, répondra à l'interpellation de M. Béné lors d'une prochaine séance.
La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
9. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :
C'est lors de la séance du 2 septembre 1998 que la Commission des finances a traité ces 3 projets de lois et qu'elle les a adoptés sans discussion et à l'unanimité.
Le rapporteur prie les députés et les destinataires de ces subventions de bien vouloir accepter ses excuses pour avoir malencontreusement oublié de rédiger ces quelques lignes.
La Commission des finances vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ces trois projets de lois.
Premier débat
Ces projets sont adoptés en trois débats, par article et dans leur ensemble.
Les lois sont ainsi conçues :
Loi(7862)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
1 Une subvention de 150 000 F est allouée à Médecins Sans Frontières pour son action de soutien à divers services de santé de la Province de Kratie au Cambodge.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Article 2
Un rapport circonstancié sur l'utilisation des fonds doit être fourni par Médecins Sans Frontières à la fin du projet.
Loi(7863)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
1 Une subvention de 150 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour son action d'aide et de soins urgents aux populations de six provinces du Vietnam.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribué à l'Etat.
Article 2
Un rapport circonstancié sur l'utilisation des fonds doit être fourni par la Croix-Rouge suisse à la fin du projet.
Loi(7864)
allouant une subvention à la Croix-Rouge suisse pour terminer l'équipement de la maternité régionale de Fier en Albanie et de former son personnel
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
1 Une subvention de 150 000 F est allouée à la Croix-Rouge suisse pour terminer l'équipement de la maternité régionale de Fier en Albanie et de former son personnel.
2 Le Conseil d'Etat est autorisé à prélever cette somme sur la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat.
Article 2
Un rapport circonstancié sur l'utilisation des fonds doit être fourni par la Croix-Rouge suisse à la fin du projet.
M. Rémy Pagani (AdG). J'interpelle le Conseil d'Etat en ce qui concerne la position statutaire de l'ensemble du personnel de l'Etat, notamment les statuts précaires. Vous vous rappelez que l'année passée nous avons voté la loi B5 05, qui tentait de mettre de l'ordre dans la gabegie existante, en ce qui concerne les personnes auxiliaires qui n'en étaient pas, les personnes temporaires qui n'effectuaient pas un travail temporaire mais permanent. Aujourd'hui, avec le projet de loi que nous avons voté, il ne subsiste dans l'administration que deux statuts : le statut d'employé et le statut de temporaire. Ce dernier doit correspondre à une réelle prestation temporaire. En ce qui concerne le statut d'employé, trois ans après leur engagement, les employés qui auraient satisfait aux exigences du poste de travail qu'ils occupent doivent être titularisés et mis au bénéfice du statut de fonctionnaire.
A ce stade, il est très difficile de savoir ce qu'il en est. Dernièrement, une lettre a été adressée à l'ensemble des syndicats par le Cartel intersyndical et par le Conseil d'Etat, qui faisait état d'un certain nombre de membres du personnel et de statuts, mais cette lettre ne nous a pas du tout satisfaits. Nous reposons donc les questions suivantes au Conseil d'Etat en ce qui concerne l'ensemble de cette problématique et nous voulons avoir des chiffres précis, département par département. J'insiste là-dessus, car dans la lettre du Conseil d'Etat, sous le département de M. Guy-Olivier Segond, ne figuraient que des zéros pointés, si j'ose dire, en ce qui concerne les postes occupés dans ce département. Nous estimons tout à fait déplorable qu'un département se soustraie, je ne sais pour quelle raison, à la demande légitime de notre parlement de savoir combien d'employés il rémunère. Les questions précises que nous posons sont donc les suivantes :
Combien existe-t-il aujourd'hui de contrats de travail temporaires, alors que l'activité concernée est permanente ? Nous voulons savoir combien de personnes - j'en ai déniché quelques-unes à l'université - sont encore aujourd'hui sous contrat renouvelé de trois mois en trois mois, de six mois en six mois, ou d'année académique en année académique, et cela depuis dix-huit ans, vingt ans ou vingt-cinq ans ! Nous voulons avoir des chiffres précis en ce qui concerne l'université, mais aussi en ce qui concerne l'ensemble des départements de l'administration.
Deuxième question : combien de postes de travail sont-ils occupés par des personnes ayant un contrat à durée déterminée, alors que leur activité est permanente ? Les explications que j'ai données à la première question restent valables.
Troisième question : combien de postes de travail sont-ils occupés par des personnes ayant un contrat d'auxiliaire, alors que leur activité est permanente et correspond au statut d'employé, et ceci évidemment depuis plus d'un an ?
Quatrième question : combien de personnes sont-elles encore sous contrat d'employé, alors qu'elles sont engagées depuis plus de trois ans et qu'elles auraient dû être nommées à cette échéance ? En effet, alors que le Conseil d'Etat nous abreuvait de déclarations tous les trois mois, depuis le vote de cette loi, nous avons constaté qu'un certain nombre de personnes engagées depuis quatre ans, par exemple à l'Office cantonal de l'emploi, avaient effectivement été titularisées, mais que d'autres, pour des raisons qu'on ignore, ne le sont toujours pas, alors qu'elles sont engagées depuis maintenant cinq ans.
Enfin, dernière question : combien de personnes - je ne suis pas un délateur et je ne donnerai pas le recensement que j'ai effectué à ce sujet - combien de personnes sont-elles engagées en cachette, si j'ose dire, sur des caisses noires qui subsistent ici ou là dans l'administration, personnes dont certaines que je connais n'ont même pas de contrat de travail et d'autorisation de travail ?
Voilà les six questions que je me fais un plaisir de remettre à la responsable du Conseil d'Etat ici présente. Je répète, pour terminer, la première question : combien de personnes sont-elles occupées au titre des emplois temporaires et comment se répartissent-elles dans les services de l'administration ? C'est une question importante et je demande que le détail nous soit donné, département par département.
Mme Micheline Calmy-Rey. Monsieur Pagani, le Conseil d'Etat répondra à votre interpellation lors d'une prochaine séance.
La réponse du Conseil d'Etat à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
Le Grand Conseil, lors de sa séance du 5 novembre 1993, considérant le rapport du Conseil d'Etat du 12 octobre 1993 sur la motion M 644-B, concernant l'inventaire et la protection des milieux naturels subsistant en zone urbanisée, invitait le Conseil d'Etat :
« - à être plus incitatif avec la Ville et les communes en vue de répertorier et surtout de protéger, autant que faire se peut, les biotopes existant en zones urbaines et suburbaines ;
- à renforcer et à inclure la notion de biotope et de réseau biologique dans les plans directeurs et les plans localisés de quartier, dès leur élaboration, de façon à ne pas alourdir et retarder les procédures, quitte à modifier dans ce sens la législation cantonale ;
- à faire appel, autant que possible, au fonds de compensation pour les arbres en vue d'atteindre les objectifs fixés dans la motion. »
Le Service des forêts, de la protection de la nature et du paysage du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, par le biais de petites subventions, soutient entre autres le KARCH (Centre de coordination pour la protection des amphibiens et des reptiles de Suisse), le CRSF (Centre du réseau suisse de floristique), le CCCS (Centre de coordination suisse pour l'étude et la protection des chauves-souris), le CSCF (Centre suisse de cartographie de la faune).
Il dispose ainsi d'une banque de données importante, qui lui permet de prendre des mesures concrètes de cas en cas.
En dehors de ces collaborations, il lui est difficile du point de vue budgétaire d'investir dans ces activités. C'est pourquoi, d'autres synergies ont dû être trouvées. Le Conseil d'Etat a répondu aux invites de la manière suivante.
Pour la première invite, le Conseil d'Etat, par le biais du Département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement, et le Conseil administratif de la Ville ont élaboré une convention. Celle-ci est née des volontés d'échanges et de partenariat entre les deux entités, de manière à approcher de façon pragmatique et concrète la réalisation d'un système d'information « nature » identifié à travers le SIEnG (système d'information pour l'environnement et l'énergie de la région genevoise).
Une cartographie de synthèse pourra être rapidement réalisée ce qui permettra la mise sur pied de projets en commun plus ambitieux. Les derniers détails sont sur le point d'être réglés et la convention sera signée avant l'été 1999.
En ce qui concerne la deuxième invite, un effort commun et soutenu entre les départements de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie et de l'aménagement, de l'équipement et du logement, a permis l'élaboration d'un schéma directeur de la nature qui a mis en évidence la nécessité de préserver les espaces naturels en ville. Des principes ont été énoncés afin de les protéger et de les valoriser au mieux. Cette étude générale sera utilisée dans le cadre de la révision du plan directeur cantonal.
Il s'agit d'une entreprise de grande envergure. La synthèse, sous forme d'un plan définissant les grandes lignes directrices de la gestion de la nature du canton, sera rendue publique.
En ce qui concerne la troisième invite, il faut préciser que le règlement sur la protection des arbres sera revu en 1999. Il prévoira, notamment, la possibilité de compenser la suppression d'un arbre en ville, soit par un autre végétal, soit par une mesure jugée équivalente au niveau écologique (toiture verte, par exemple). Par ailleurs, ce nouveau règlement renforcera les directives de protection de la végétation arborescente urbaine. Ce texte permettra dès lors d'atteindre certains des objectifs fixés dans la motion.
En conclusion, la réalisation des études mentionnées et les projets qui sont actuellement en cours dans l'administration cantonale permettent d'affirmer que le Conseil d'Etat a pris note des invites de la motion et y a donné suite. Il vous remercie dès lors de prendre acte de la présente réponse.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
12. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les objets suivants :
Lors de sa séance plénière du 2 mai 1997, le Grand Conseil a adopté la proposition de motion 1017-A en modifiant toutefois la première invite concernant la dégradation actuelle du Salève par l'exploitation des carrières et les importations genevoises qui demande au Conseil d'Etat :
- à intervenir auprès des instances transfrontalières (Comité régional franco-genevois et autres) afin d'obtenir des exploitants une réhabilitation réelle du site en favorisant le respect rigoureux de l'environnement naturel ;
- à ne plus importer des matériaux du Salève pour toutes les constructions ou couvertures de chemins administrés par les pouvoirs publics, à partir du 1er janvier 1996 ;
- à intervenir, dès maintenant, auprès des constructeurs privés et notamment auprès des Services industriels de Genève et de l'ensemble des collectivités du bassin genevois pour qu'ils remplacent les matériaux du Salève par des matériaux recyclés ou de substitution.
Par ailleurs, en date du 26 septembre 1997, le Grand Conseil a adopté la proposition de motion M 1150 qui invite le Conseil d'Etat à interdire toute importation et exploitation de sable, de gravier ou de tous matériaux analogues (comme on en extrait des carrières du Salève) qui proviendraient de carrières pour lesquelles un plan de remise en état des sites n'existerait pas.
Il convient encore de relever qu'en date du 8 octobre 1993, le Grand Conseil a renvoyé au Conseil d'Etat la pétition P 846-A concernant le transport du gravier et a demandé que :
- des mesures urgentes et efficaces soient prises pour une alternative ferroviaire au port marchand du Vengeron ;
- une étude de faisabilité soit réalisée de la part des CFF ;
- des mesures soient prises au sein de l'administration cantonale afin que les quantités des différents déblais exportés puissent être connues avec exactitude et puissent être consultées par quiconque ;
- les actions soient coordonnées entre les cantons de Vaud, du Valais et les autorités françaises.
A titre de préambule, le Conseil d'Etat tient à relever que, depuis un certain temps déjà, il encourage le tri et le recyclage des gravats de la construction et intervient auprès du Comité régional franco-genevois en vue d'obtenir une remise en état du site des carrières du Salève, et ceci nonobstant sa réponse tardive aux présentes motions et pétition. Cela étant, il répond comme suit aux invites des motions et pétition :
1. L'intervention du canton auprès des instances transfrontalières afin d'obtenir la réhabilitation des carrières du Salève
La Convention internationale sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière du 25 février 1991 oblige les parties contractantes à prendre, individuellement ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour prévenir, réduire et combattre l'impact transfrontière préjudiciable important que des activités proposées pourraient avoir sur l'environnement. C'est ainsi que, depuis des années, le canton de Genève traite du problème de la dégradation du Salève dans les instances transfrontalières, telles que le Comité régional franco-genevois et le Conseil du Léman.
En 1992, les exploitants proposent l'utilisation de produits de vieillissement accéléré de la roche. Suite à une étude chimique de ces produits, l'essai est arrêté en raison de la teneur trop élevée en métaux lourds. En 1995, le procédé de vieillissement est modifié et son utilisation est autorisée. Environ 12 000 m2 sont alors remis en état sur les parties hautes des carrières.
Sur l'initiative de 14 communes françaises concernées par le Salève regroupées dans le Syndicat mixte du Salève, Mme la ministre française de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Mme Dominique Voynet, a décidé, par arrêté du 3 avril 1998, de mettre à l'étude une directive de protection et de mise en valeur des paysages du Salève. Cette directive, la première de ce type à avoir été adoptée en France, permettra :
- de préserver et de mettre en valeur les paysages naturels et culturels du massif ;
- d'harmoniser les documents d'urbanisme et de maîtriser l'urbanisation ;
- de créer les conditions pour le maintien de l'activité pastorale et pour une bonne gestion du milieu naturel.
La phase d'étude a débuté en novembre 1998 sur le territoire des communes d'Etrembières, Bossey, Collonges-sous-Salève, Archamps, Beaumont, Neydans, Présilly, Saint-Blaise, Copponex, Cruseilles, Vovray-en-Bornes, Le Sappey, La Muraz, Monnetier-Mornex. Elle portera sur une analyse des structures paysagères du Salève. La directive doit en effet avoir pour objectif d'énoncer les orientations et principes de protection du massif qui devront contribuer à rendre possible la coexistence des diverses activités qui y existent, dans un but de maintien durable de la qualité paysagère du massif.
Par ailleurs, la directive exposera les recommandations utiles au maintien de l'activité pastorale qui participe à l'entretien des milieux constitutifs du paysage traditionnel du Salève.
Cette étude est l'occasion d'un échange d'informations et d'expériences dans le cadre de la coopération transfrontalière franco-suisse sur le thème du paysage. L'étude bénéficiera d'ailleurs d'un cofinancement franco-suisse dans le cadre du programme Interreg et le canton y est étroitement associé.
2. L'interdiction de toute importation de matériaux du Salève et d'exploitation de sable, de gravier ou de tous matériaux analogues (comme on en extrait des carrières du Salève) qui proviendraient de carrières pour lesquelles une place de remise en état des sites n'existerait pas
L'interdiction d'importer des matériaux du Salève soulève des problèmes juridiques. En effet, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce du 15 avril 1994 et l'Accord du GATT sur les marchés publics du 15 avril 1994 interdisent les discriminations à l'importation et dans le cadre de marchés publics. Les principes contenus dans ces accords internationaux ont été repris dans l'ordre juridique interne, à savoir la Loi fédérale sur le marché intérieur, du 6 octobre 1995, l'Accord intercantonal sur les marchés publics, du 25 novembre 1994, et le Règlement genevois sur la passation des marchés publics en matière de construction, du 19 novembre 1997. Au regard de l'ensemble de ces dispositions légales, le canton de Genève ne peut introduire dans des offres publiques d'adjudication des clauses d'exclusion des matériaux du Salève en tant qu'elles institueraient une discrimination illicite entre fournisseurs.
De plus, à la lumière de la jurisprudence des organes du GATT, il n'appartient ni à un canton, ni à une commune de prendre des mesures destinées à protéger des éléments naturels sis sur le territoire d'un Etat étranger, dans la mesure où le site est exploité conformément à la législation de son pays.
Or, d'après la législation française applicable, l'exploitation des carrières est soumise à autorisation préfectorale. Pour les carrières du Salève, cette autorisation a été délivrée en 1994 et est valable 10 ans, soit jusqu'en 2004.
Ainsi, il n'est pas possible à l'Etat de Genève d'imposer des mesures aux carrières du Salève qui sont exploitées conformément à la législation française et à la décision préfectorale précitée. C'est pourquoi, et comme mentionné plus haut, le canton s'emploie plutôt à intervenir activement au sein des instances transfrontalières afin que les autorités françaises prennent des mesures plus restrictives à l'encontre des exploitants des carrières du Salève.
Il convient cependant de préciser que les matériaux du Salève présentent une granulométrie importante et une forte teneur en argile qui les rendent glissants et salissants. Leur imperméabilité fait obstacle en outre au drainage naturel du sol. Pour ces raisons techniques, bien souvent les constructeurs, notamment l'Etat de Genève, exigent l'utilisation de matériaux autres que ceux provenant du massif du Salève.
Enfin, d'après les informations obtenues des exploitants, la production annuelle des carrières du Salève est de l'ordre de 300 000 à 350 000 m3, dont le 20 % seulement est vendu à des constructeurs genevois. Ainsi, pour l'année 1997, 86 000 m3 de matériaux du Salève ont été importés à Genève.
Or, si le canton de Genève ne s'approvisionnait plus de matériaux du Salève, cela ne conduira nullement au but visé. Certes, le chiffre d'affaires des exploitations des carrières du Salève diminuerait sensiblement, mais cela n'aurait nullement pour effet de favoriser la réhabilitation du site, bien au contraire.
3. L'intervention auprès des constructeurs et des collectivités du bassin genevois pour remplacer les matériaux du Salève par des matériaux recyclés ou de substitution
Il faut tout d'abord relever que le principe de non-discrimination énoncé dans les législations internationales et suisses décrites sous chiffre 2 du présent rapport ne permet pas à l'Etat de Genève d'introduire des clauses d'exclusion des matériaux du Salève et de les imposer à des constructeurs privés ou autres collectivités publiques.
En outre, il faut mentionner que, le plus souvent à Genève, on procède au recyclage des matériaux de démolition pour construire des routes ou des places publiques. Ainsi, en 1997, la consommation genevoise de graviers recyclés était de 90 000 m3.
Cette réutilisation des matériaux de démolition permet, d'une part, de respecter le principe de valorisation des déchets préconisée par la loi fédérale sur la protection de l'environnement, du 7 octobre 1983, et la future loi cantonale sur la gestion des déchets (PL 7919) actuellement soumise à l'examen de votre Conseil et, d'autre part, d'éviter une surexploitation de la matière du Salève et une grave atteinte paysagère.
4. Le transport du gravier
Le rapport de la Commission d'aménagement concernant le transport du gravier (P 846-A) préconise de favoriser le transport par rail des graviers des sites d'extraction aux installations de réception.
Actuellement, seule une entreprise de travaux publics, spécialisée dans la fabrication de revêtement bitumineux, organise des transports ferroviaires réguliers de graviers spécifiques.
L'étude de faisabilité d'une installation ferroviaire de chargement et de déchargement de matériaux graveleux n'a jamais été entreprise par les CFF et a été reportée en raison des difficultés économiques actuelles dans le domaine de la construction. En effet, les volumes de matériaux graveleux importés sont actuellement insuffisants pour poursuivre les démarches en vue d'élaborer un projet en concertation avec les milieux intéressés pour l'approvisionnement en granulats par le rail.
L'administration cantonale met actuellement en place plusieurs moyens juridiques afin de contrôler les mouvements transfrontaliers des déblais. Ainsi, le projet de loi sur la gestion des déchets (PL 7919) et le projet de loi sur les gravières et exploitations assimilées (PL 7884) permettront précisément à l'administration d'obtenir les données nécessaires concernant le volume des déblais auprès des mandataires professionnellement qualifiés et des entrepreneurs.
Dès l'année 2000, l'Etat pourra élaborer des statistiques fiables sur les différents déblais exportés, en particulier les matériaux de terrassement.
Au vu des indications données, il apparaît que le Conseil d'Etat, depuis plusieurs années, s'efforce de donner suite, dans le cadre d'une législation internationale contraignante, aux invites de la pétition et aux motions dont il a été saisi par votre Conseil. La directive instituant une protection du Salève et les récents projets de loi déposés par le Conseil d'Etat permettront de développer des outils juridiques favorisant une meilleure protection du Salève qui reste un souci constant des autorités cantonales.
Le Conseil d'Etat vous prie dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre acte du présent rapport à la motion 1017-A, à la motion 1150 et au rapport de la pétition 846-A.
Le président. La parole n'est pas demandée. Il est proposé de prendre acte de ce rapport... Monsieur Vanek, vous avez la parole.
M. Pierre Vanek (AG). Monsieur le président, je n'interviens pas au sujet de ce rapport. J'avais cru comprendre - je ne sais pas si je suis bien informé - que nous avions décidé de traiter le point 80, soit le projet Cadiom, au point 61 bis de notre ordre du jour. Est-ce bien exact ?
Le président. Ce point a été traité. Il a été renvoyé en commission de l'énergie sans débat.
Je rappelle que nous en sommes au rapport du Conseil d'Etat sur les motions 1017 et 1150 et la pétition 846. Madame Schenk-Gottret, vous avez la parole.
Mme Françoise Schenk-Gottret(S). Excusez-moi, Monsieur le président, mais à ma connaissance le point 80 concernant le projet de loi 8064 n'a pas été traité... (Brouhaha.)
Le président. Au début de la première séance de mai et après en avoir informé les chefs de groupe, nous avons décidé que le projet de loi 8064 serait transféré au point 61 bis de l'ordre du jour et qu'il serait renvoyé à la commission de l'énergie sans débat. (Brouhaha.)
M. Rémy Pagani(AdG). Nous parlons bien du projet Denox ? C'est bien cela ? (Commentaires.) Oui, les Cheneviers et le projet Cadiom ! Je rappelle que j'ai assisté à la préparation de l'ordre du jour avant la première séance de mai et que j'avais demandé à ce que ce projet soit mis en discussion, puisque nous avions l'intention d'intervenir sur cette question...
Le président. Excusez-moi, Monsieur Pagani ! Mesdames et Messieurs les députés, vous avez raison : effectivement nous avions décidé de traiter ce projet de loi au point 61 bis de l'ordre du jour, nous ne l'avons pas fait et nous l'aborderons tout à l'heure. Mais auparavant je vous propose de prendre acte du rapport du Conseil d'Etat sur les motions 1017 et 1150 et la pétition 846.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article 1 Concessionnaire
L'Etat de Genève (ci-après l'Etat) accorde la présente concession à l'entreprise Cadiom SA (ci-après la concessionnaire).
Article 2 Objet
1 La concession a pour objet le financement, la construction et l'exploitation d'un réseau de distribution de chaleur à partir des rejets thermiques de l'usine des Cheneviers dans le périmètre délimité sur le plan annexé, ainsi que l'utilisation du domaine public qui en découle.
2 Cet ouvrage est déclaré d'utilité publique.
Article 3 Convention
1 La présente concession est subordonnée à la conclusion d'une convention entre l'Etat, représenté par le Conseil d'Etat, et la concessionnaire qui règle les autres éléments nécessaires, en particulier :
2 Le Conseil d'Etat communique la convention à la présidence du Grand Conseil afin qu'elle soit jointe à la présente loi.
Article 4 Durée
Sous réserve de prolongation accordée conformément à la convention prévue à l'article 3 de la présente loi, la concession est établie pour une durée de 30 ans à compter de la date de mise en service d'une première étape de l'ouvrage, constatée par arrêté du Conseil d'Etat.
Article 5 Obligation de raccordement
Dans le périmètre délimité par le plan annexé, l'obligation de raccordement au réseau de distribution de chaleur s'applique conformément à l'article 22 de la loi sur l'énergie, du 18 septembre 1986.
Article 6 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi en même temps qu'il approuve la convention prévue à l'article 3 de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de loi marque l'ouverture de l'étape finale de la réalisation de Cadiom, acronyme signifiant « chauffage à distance à partir de l'incinération des ordures ménagères ». Il répond à l'article 6 de la loi ouvrant un crédit extraordinaire en vue de l'étude de la réalisation, du financement et de l'exploitation d'un tel ouvrage, du 26 septembre 1997; il découle en outre de l'application de la loi sur le domaine public, du 24 juin 1961.
1. Politique énergétique et protection de l'air
Rappelons que c'est le Grand Conseil qui, dès la discussion portant sur le crédit de construction de Cheneviers III en 1987, avait demandé qu'un concept optimal de récupération d'énergie soit établi avec la possibilité de raccordement à un réseau de distribution de chaleur.
Sur le principe, l'idée était extrêmement intéressante, tant au niveau de la protection de l'environnement que de la politique énergétique. En 1988, le Conseil d'Etat avait chargé un groupe de travail composé des représentants des SIG et de l'administration d'examiner la faisabilité d'un tel projet. Le rapport rendu en 1991 par le groupe précité projetait de relier par un réseau de chauffage à distance l'usine des Cheneviers à la Cité-Nouvelle d'Onex où serait distribuée la chaleur résultant de l'incinération des ordures ménagères, supprimant ainsi la pollution due à la combustion des ressources fossiles à Onex.
Les chaufferies de la Cité d'Onex devant, à terme, être rénovées ou adaptées aux normes de l'ordonnance fédérale sur la protection de l'air (OPair), la solution de chauffage à distance en substitution à des installations vétustes devait être vue comme une opportunité présentant les avantages suivants :
• diminution de la production de chaleur équivalente à 13 000 tonnes de mazout par an ;
• diminution des émissions de CO2 , soit 35 000 tonnes par an et, par voie de conséquence, d'oxydes d'azote et d'oxydes de soufre ;
• diminution de la quantité de chaleur rejetée dans le Rhône d'environ 140 000 MWh.
Seule ombre au tableau, le coût des investissements évalués alors à environ 70 millions de F, dont 50 millions de F assurés par l'Etat. L'importance de ce montant devait conduire à renoncer à la réalisation.
L'Office cantonal de l'énergie (OCEN), qui a toujours considéré ce projet comme de première importance, a continué de suivre ce dossier en cherchant à limiter au maximum les investissements, bénéficiant pour cela de l'apport de nouvelles technologies.
2. La décision de 1997
Le réexamen du dossier a finalement abouti à la décision du Grand Conseil de septembre 1997 de confier l'étude, puis la réalisation, le financement et l'exploitation à un groupement pluridisciplinaire présentant les compétences requises et constitué juridiquement à cet effet.
Dans cette perspective, une procédure en deux temps a été adoptée pour sélectionner, parmi un choix de candidats, le groupement le mieux qualifié.
Une première phase, dite de préqualification, a permis de retenir dix groupements. Par la suite, la constitution du dossier de base complet permettant la réalisation, le financement et l'exploitation a été confiée à l'un des groupements à la suite d'un appel d'offres. Cette étude de base, pour laquelle la décision du Grand Conseil accordait un crédit conditionnel de 1 million de F, a mis en évidence les difficultés à assurer une rentabilité économique du projet découlant, en particulier, des incertitudes quant aux quantités de chaleur vendues, ainsi que du prix de plus en plus faible du mazout.
C'est à partir de ce dossier, étoffé d'un cahier des charges, qu'un nouvel appel d'offres visant l'octroi de la concession a été ouvert aux groupements préqualifiés.
Le 3 août 1998, sept groupements préqualifiés ont confirmé leur intérêt à participer à l'appel d'offres pour l'octroi de la concession et reçu les documents nécessaires pour l'établissement d'une offre complète. Finalement, une seule offre a été rendue le 30 novembre 1998 émanant de l'association de deux groupes qualifiés à l'origine (Vulcain et Zschokke).
Le collège d'experts chargé du suivi des travaux a évalué cette offre sous tous les angles et en relève la qualité. A ce stade, les conditions permettant d'engager la phase de concrétisation du projet sont remplies. En effet, la constitution globale du dossier de réalisation, de financement et d'exploitation a été réalisée et les auteurs de l'offre peuvent être retenus en qualité de concessionnaire.
3. Caractéristiques techniques et économiques du projet
Actuellement, la chaleur produite aux Cheneviers est valorisée grâce à deux turbines à vapeur qui fournissent de l'électricité. Le rendement de ce type de cycle thermodynamique est relativement bas. Le soutirage de la chaleur pour Cadiom sera au détriment d'une partie de la production électrique. Cependant, il faut relever que, après analyse de plusieurs variantes, l'offre propose une solution qui limite au maximum la baisse de production électrique, celle-ci serait de l'ordre de 14 500 MWh, représentant environ le 15 % de la production totale. De plus, la direction des Cheneviers examine la possibilité d'augmenter la récupération totale de chaleur (sur les gaz de fumée) afin de compenser la diminution d'électricité due au soutirage.
La réduction de la quantité de déchets incinérables, prévue dans les objectifs du plan de gestion des déchets 1998-2002, n'a aucune conséquence sur le fait de réaliser ou non Cadiom.
Si, sur le plan technique, la réalisation de Cadiom ne pose pas de problème, en revanche sa faisabilité est pour l'essentiel conditionnée par la quantité de chaleur vendue et des conditions économiques d'achat et de vente de cette chaleur. Une opération comme celle-ci implique en effet la recherche d'un équilibre satisfaisant entre les intérêts financiers de toutes les parties : les futurs preneurs de chaleur, le concessionnaire et de l'Etat (à la fois du point de vue de l'usine des Cheneviers et de celui de la concession d'utilisation du domaine public).
Le concessionnaire proposé a été ainsi amené à rechercher des solutions de sorte à maintenir un équilibre entre ses investissements, ou l'étalement de ceux-ci, et les engagements contractuels de vente de chaleur. C'est la raison pour laquelle, l'offre retenue prévoit que l'ouverture du chantier Cadiom soit précédée d'une phase dite commerciale, d'une durée de neuf mois, permettant notamment au concessionnaire de contracter un maximum de raccordements lui garantissant un seuil minimum de vente de chaleur dès la mise en exploitation du réseau.
Il faut à cet égard souligner que l'Office fédéral de l'énergie (OFEN), très intéressé à ce projet et dont un représentant a suivi les travaux au sein du collège d'experts, vient de confirmer, par courrier du 26 février dernier, son engagement en assurant au futur concessionnaire une contribution financière de l'ordre de 6 500 000 F, sous réserve bien entendu que la concession lui soit octroyée. Cette décision, importante pour l'équilibre général de l'opération non seulement du point du vue du concessionnaire, mais également de l'Etat et des futures preneurs de chaleur, est valable jusqu'au 30 septembre 1999. C'est aussi la raison pour laquelle le présent projet de loi prévoit une décision de principe à laquelle est lié un contrat détaillé à conclure entre l'Etat et le concessionnaire.
4. Etapes de la réalisation de Cadiom
Dès l'approbation du projet de loi par le Grand Conseil, la concrétisation de Cadiom débutera par une première phase d'une durée de 9 mois consacrée:
pour le concessionnaire,
à la mise en place d'un accord ferme quant au prix d'achat de la chaleur aux Cheneviers ;
à l'obtention des contrats de fourniture de chaleur auprès des raccordés potentiels, et ceci pour la plus grande puissance raccordée possible de l'ordre de 44 MW dans cette première phase ;
pour l'Etat,
à l'édition du plan directeur de l'énergie afin d'y intégrer le projet Cadiom (le plan directeur de l'énergie est en liaison avec l'obligation de raccordement [art. 22 de la loi sur l'énergie]) ;
à la mise en place des conditions détaillées d'utilisation du domaine public par le concessionnaire dont la loi approuve le principe.
L'ensemble de ces dispositions sera spécifié dans la convention qui sera conclue entre le Conseil d'Etat et le concessionnaire, prévue à l'article 3 du projet de loi.
La seconde phase, la réalisation proprement dite de Cadiom, ne pourra débuter qu'après l'achèvement de la première. Elle sera suivi de la phase de mise en exploitation.
5. Conclusion
Ce projet présente un triple intérêt :
• substituer à la combustion d'énergie fossile et aux émissions correspondantes la valorisation de la chaleur issue de l'incinération des déchets non recyclables ;
• substituer à des achats de combustible fossile la réalisation d'un important investissement sur le territoire genevois avec son pendant d'emplois ;
• ne rien coûter à la collectivité, à laquelle l'ouvrage sera retourné gratuitement au terme de la concession.
Au bénéfice de ces explications, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement le présent projet de loi visant la réalisation, le financement et l'exploitation de Cadiom.
Annexe :
Plan du périmètre concédé pour l'utilisation du domaine public et le raccordement au réseau de distribution de chaleur.
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Préconsultation
M. Georges Krebs (Ve). Ce projet est au premier abord intéressant, puisqu'il permet de réduire les consommations d'énergie. Un principe doit être rappelé ici, c'est le principe du pollueur-payeur et, dans le cas présent, on peut aussi dire que le dépollueur doit être payé ! C'est aussi un principe qui doit être appliqué. En aucun cas le locataire ne doit assumer les frais d'une dépollution, qui du reste serait à la charge de la collectivité puisque ce sont des logements sociaux qui occupent cette région d'Onex.
Par ailleurs, avec le chauffage urbain il y a des effets pervers qu'il ne faut pas négliger et quelques conditions doivent être réunies. D'abord, il faut que ce soit de l'utilisation des rejets : c'est effectivement le cas. Il faut que les travaux soient effectués rapidement, de façon qu'il y ait peu de pertes et une bonne rentabilisation des investissements. Il faut aussi une forte densité de chaleur : cette condition est respectée pour l'instant, mais si l'on améliore la qualité des isolations dans les immeubles, la densité de chaleur va diminuer et l'effort pour améliorer l'isolation sera peut-être moindre, puisqu'il risque d'augmenter les pertes relatives du réseau. En effet, dans un réseau de chaleur, les pertes sont constantes et si l'on diminue la consommation de chaleur, on augmente la part des pertes. Un autre problème est celui de la proximité utilisation-production. Dans le cas des Cheneviers, les utilisateurs sont relativement loin : c'est un handicap qui est coûteux à l'investissement et qui va aussi générer pas mal de pertes. Il faudra donc étudier ce point-là.
Il y a encore le problème de la concession. Lorsqu'on donne une concession à une entreprise qui, comme dans ce cas particulier, gère aussi les installations, il faut s'assurer qu'elle les gère au mieux. En effet, il n'est pas forcément compatible d'essayer de bien gérer et de consommer moins quand on est le vendeur. C'est donc un point qu'il faudra aussi évaluer en commission.
Enfin, une chose m'étonne dans ce projet, c'est la passivité des Services industriels, qui ont des pouvoirs étendus pour gérer les réseaux et qui se sont un peu désintéressés de cette opération. C'est un peu désolant pour l'image des Services industriels et leur efficacité. Il faudrait voir s'ils peuvent reprendre une position un peu plus dynamique.
Voilà les points qui devront être examinés en commission. Une concession est un droit cédé pour une longue période, on va se retrouver avec un réseau de clients captifs qui ne pourront plus choisir leur fournisseur d'énergie et il faut donc les préserver des abus pouvant être générés par cette concession.
M. Pierre Vanek (AdG). Je suis contraint d'être bref puisque nous sommes en préconsultation, mais je voudrais dire quatre ou cinq choses.
La première, c'est que notre groupe est favorable à la réalisation du projet Cadiom, ayant examiné et relevé un certain nombre des points qu'a évoqués mon préopinant. Ceci ne signifie pas que nous sommes en faveur de l'adoption telle quelle de ce projet de loi : être pour Cadiom, ce n'est pas forcément être pour l'octroi de cette concession à l'entreprise Cadiom SA telle qu'elle est constituée, avec, en arrière-plan, la politique de pénétration agressive dans notre canton d'une grande multinationale active dans le domaine de l'eau, du chauffage, etc. L'article constitutionnel 158 définit la mission des Services industriels : ceux-ci sont chargés de fournir l'eau, le gaz, l'électricité et l'énergie thermique dans le canton de Genève. C'est un mandat que la population a confié aux Services industriels et à cet égard la question de M. Krebs est pertinente : pourquoi ne seraient-ce pas les Services industriels qui mettraient en oeuvre ce projet, dans la mesure où cela fait partie du champ de leurs compétences, non seulement matérielles et techniques, mais aussi constitutionnelles ?
A ce sujet, j'ai une information à vous donner : le conseil d'administration des Services industriels, réuni ce matin, a décidé de réexaminer cette affaire et de se mettre sur les rangs. Suivant en ceci le préavis de la commission des Services industriels, qui s'est réunie sur cette question. Ceci notamment au vu des «conditions cadres» qui sont proposées dans ce projet de loi, dont certaines sont nouvelles et que je peux rappeler brièvement : l'extension du périmètre de la concession ; l'obligation de raccordement, qui figure à l'article 5 de ce projet de loi et qui, de notre point de vue, devrait s'exercer au profit d'un service public ; la subvention fédérale de près de 7 millions qui est envisagée et qui contribue à la rentabilité de ce projet ; la clause de gestation du projet qui indique que l'entreprise à laquelle nous octroierions la concession aurait neuf mois de prospection commerciale pour s'assurer que l'affaire est bien rentable, avant de devoir effectivement s'engager. Les Services industriels devront donc être entendus par la commission de l'énergie ; ils sont aujourd'hui prêts à s'engager activement sur ce créneau.
J'aimerais faire encore deux observations. La première concerne le projet de loi : si je voulais employer un raccourci saisissant, je dirais, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous avez déposé un projet de loi illégal ! En effet, il ne correspond pas à ce qui a été voté presque à l'unanimité de ce parlement et de la commission de l'énergie en septembre 1997. Nous avions volontairement ajouté - c'était la plume de M. Burdet, rapporteur, qui avait eu l'honneur de formuler cet amendement - un article 6 au projet de loi stipulant que l'ensemble des conditions du projet devraient revenir devant ce Grand Conseil, pour être examiné. Or, aujourd'hui, on nous propose de voter un projet de loi... Mme Berberat m'interpelle en me disant que c'est fait : certes, à la forme, le Conseil d'Etat revient ce soir devant le parlement. Mais M. le conseiller d'Etat Cramer, dans une note qu'il a adressée, Madame Berberat, aux députés qui seront appelés à traiter cette question à la commission des Services industriels et que vous avez peut-être lue, a eu l'honnêteté de reconnaître qu'on ne nous demande pas de nous prononcer sur l'ensemble des aspects financiers, techniques, d'exploitation de cette opération, mais qu'en fait on nous demande «une large délégation» au Conseil d'Etat. Celui-ci verra, traitera, conclura l'accord, qui sera - d'après le projet de loi que nous examinons - adjoint en post-scriptum et post hoc par le président du Grand Conseil au projet de loi ! Or, ceci ne correspond pas du tout à l'esprit qui a présidé à nos travaux en septembre 1997 ; sur tous les bancs de cette assemblée, il y avait la préoccupation d'avoir une maîtrise, réelle et non de pure forme, sur cette réalisation, eu égard à ses aspects économiques mais aussi écologiques, qui ont été abondamment évoqués. Certes, ce parlement ne peut pas ficeler l'ensemble des aspects de ce projet, c'est évident, mais octroyer cette concession aux Services industriels, qui sont une entreprise publique... (Commentaires.) Je conclus, Monsieur Vaucher... Ce n'est pas vous qui m'interpelliez ? ...
Des voix. C'est M. Annen !
Le président. Mais vous avez raison, Monsieur Vanek, il vous faut conclure !
M. Pierre Vanek. Il faut donc accorder cette concession aux Services industriels de Genève, qui sont une entreprise tenue par un certain nombre de mandats constitutionnels et dont la gestion est aussi contrôlée par ses détenteurs, c'est-à-dire les collectivités publiques et en dernière instance les citoyens. Cela répond bien mieux à l'esprit de ce que nous avions voté en 1997 que le projet de loi tel qu'il est proposé par le Conseil d'Etat.
Mme Janine Berberat (L). Je crois que nous pouvons remercier le Conseil d'Etat de nous remettre dans les délais ce projet relatif à l'octroi d'une concession pour Cadiom. La tâche n'était pas si aisée. En effet, cette disposition n'existait pas dans le projet de loi initial portant sur le crédit extraordinaire destiné à l'étude du projet. Le Grand Conseil a souhaité à l'époque rajouter un article qui lui laisse, in fine, le pouvoir de décision, car il ne souhaitait pas, sur la base d'un simple vote de crédit, donner un accord en blanc à une réalisation aussi importante. Les raisons de cet amendement étaient en partie les suivantes : s'assurer que cette réalisation s'inscrive en adéquation avec le concept de gestion des déchets et que les intérêts des uns et des autres convergent vers une vision globale et à long terme de la politique de l'environnement. S'assurer également de la solidité financière du projet et du groupement qui assumerait le tout, afin que cet ouvrage et son exploitation ne finissent pas sur le dos de l'Etat. Connaître aussi les modalités : qui fait quoi, celles de l'obligation de raccordement, le prix de l'énergie vendue, etc.
Il est vrai, Mesdames et Messieurs les députés, que Cadiom n'est pas tout jeune : il a été initié en 1987 par la volonté du Grand Conseil, qui votait un crédit sur l'extension des Cheneviers et demandait parallèlement un concept de récupération d'énergie. En 1991, une étude technico-économique réalisée par les Services industriels présentait un projet de 70 millions, dont 50 millions à fonds perdus pour l'Etat. Compte tenu du déficit d'alors, qui était de 531 millions, et des préoccupations des Services industriels face à leurs propres comptes et engagements, cet investissement était jugé trop lourd et finalement abandonné par les Services industriels, qui n'ont plus voulu revenir. Aujourd'hui, un nouveau Cadiom est en voie de réalisation. Le concept est plus modeste, tant dans son coût que dans l'ampleur de son réseau. Il représente un coût de 40 millions, soit 6,5 millions assurés par une subvention fédérale et le reste par des fonds privés. Il est en quelque sorte livré clé en mains, ce qui pour certains peut paraître suspect, voire trop beau pour être vrai !
Quant à nous libéraux, nous nous réjouissons que l'écologie ne soit plus considérée comme une affaire d'Etat exclusivement et que des entreprises privées relèvent le défi, se lancent dans un projet aussi respectueux de l'environnement et confirment ainsi Genève dans son rôle de capitale de l'environnement. Nous constatons aussi que le calendrier des différentes étapes de ce dossier a été tenu, ce qui laisse croire qu'il y a une véritable volonté des uns et des autres pour que ce projet aboutisse. Reste que, si nous sommes très favorables au projet Cadiom, nous n'en gardons pas moins l'esprit critique et que nous aurons en commission les questions et réflexions qui s'imposent. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ne faisons pas la fine bouche, car le temps que nous passerons à nous convaincre de la qualité de ce projet représentera autant de préjudice et d'obstacles à sa réalisation.
Ce projet s'inscrit en droite ligne dans le concept du développement durable et il nous appartient, à nous politiques, de lui donner le feu vert. Et puisque je suis dans le vert, permettez-moi de vous citer un court extrait de l'Agenda 21 pour Genève, le passage de l'indivisible trilogie : «Le développement durable n'est pas de la protection de l'environnement au carré. C'est une conception de développement où la croissance économique renforce la solidité sociale et la qualité de l'environnement ; où l'élan citoyen et solidaire attise la vitalité économique et la protection du milieu ambiant ; où le respect des ressources naturelles accroît l'efficacité économique et le bien social. Il n'y a pas de secteur prédateur dans la trilogie du développement durable.»
Aujourd'hui, on nous dit que les Services industriels sont tout soudain intéressés par ce projet et veulent revenir dans le cursus, mais je ne suis pas sûre qu'ils offriront les mêmes modalités qu'une entreprise privée, qui a fait en plus de gros efforts pour répondre à tous les critères économiques. Cela dit, en commission, nous saurons étudier tout cela. Mais, je vous en supplie, ne pénalisez pas ce beau projet !
M. Roger Beer (R). Ce projet date d'il y a douze ans et, à chaque intervention au parlement, il s'est en effet trouvé des députés, sur tous les bancs, pour dire que ce projet était important mais qu'il fallait encore approfondir telle question, encore régler la question d'argent, encore examiner la question de la concession : l'Etat a-t-il trop d'emprise, le privé va-t-il une fois de plus nous rouler dans la farine, etc. ? Je pense qu'aujourd'hui le moment est venu de renvoyer ce projet en commission, mais là j'invite le président de la commission, M. Vaucher..., qui pour changer ne m'écoute pas !... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je l'invite à agender rapidement cette séance. En effet, d'ici le mois de juin, nous devrons traiter la conception générale de l'énergie, les comptes ; de plus, les vendredis 11 et 25 juin, le Grand Conseil siège. Or, il faut absolument que ce projet revienne avant septembre pour pouvoir bénéficier de la subvention fédérale et vous aurez donc quelques soucis pour agender ces séances. Je compte bien sûr sur vous et sur les facultés d'organisation que vous allez démontrer pour organiser ces séances avant l'été.
Maintenant, Monsieur Cramer, j'aimerais vous remercier pour ce lourd document de rappel que nous avons reçu, dans lequel un certain nombre de questions devraient trouver des réponses. Nous ne devrions pas passer des heures et des heures en commission, les explications et justifications sont dans ce document.
J'aimerais également remercier M. Vanek qui, grâce à sa double casquette - pour une fois que la double casquette est un avantage pour les députés - de député et de membre du conseil d'administration des SIG, a pu nous apprendre que le sentiment des SI par rapport à ce projet était en train d'évoluer, était peut-être un peu plus positif. Ceci me paraît un plus, un atout supplémentaire pour ce projet Cadiom. Le groupe radical accepte donc, sans trop d'arrière-pensée, le renvoi de ce projet en commission et espère sincèrement qu'il en reviendra rapidement.
M. Alberto Velasco (S). Le groupe socialiste, en l'état du projet, ne pourra l'accepter tel quel. Ce projet s'inscrit dans la politique générale concernant la conception cantonale des déchets. Comme vous le savez, cette conception consiste à diminuer la production des déchets, les déchets restants devant être traités aux Cheneviers et la chaleur produite n'étant qu'un résidu de cette récupération.
Or, dans le projet qui nous est proposé, il s'agit de privatiser cette production de chaleur et, dans une économie de marché, qui dit privatiser dit rentabiliser, ce qui veut dire qu'il faudra produire des déchets pour rentabiliser ce réseau. Là, on sort justement du développement durable que Mme Berberat évoquait tout à l'heure. On est dans un autre concept, que nous ne pouvons pas accepter.
Par conséquent, il faudra reconsidérer, parce que le projet le permet, la participation des SI. A l'époque, il n'avait pas été fait mention de la possibilité de raccordement de clients captifs et ce que M. Vanek vient de dire à cet égard est d'une très grande importance. Il est important de faire de nouveau participer les Services industriels à ce projet, parce qu'il s'inscrit justement dans leur mandat qui consiste à distribuer l'énergie, que ce soit le gaz, l'électricité, l'eau. Par conséquent, nous comptons apporter des compléments lors du travail en commission.
M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier pour le soutien - certes un peu critique, dans quelques cas - que vous apportez à ce projet de loi relatif à Cadiom. Permettez-moi, à l'orée de ce débat qui va se prolonger en commission, de rappeler trois points.
Premièrement, ce projet de loi répond à une loi que vous avez votée le 25 septembre 1997, loi qui prévoyait une procédure et un financement. Il s'agissait de mettre à la disposition de l'Etat un montant maximum d'un million pour nous permettre de mener des études relatives à la réalisation du projet Cadiom. Nous avons mené ces études, nous avons suivi la procédure qui avait été annoncée, nous avons lancé une soumission publique sur la base de ces études et nous avons distingué un soumissionnaire.
Le deuxième point que j'entends mettre en évidence - il me semble d'importance et Mme Berberat l'a relevé très justement tout à l'heure - c'est qu'au-delà des réflexions diverses que nous pouvons avoir, les uns et les autres, sur la façon dont il devrait se réaliser, ce projet implique un investissement de 40 millions - investissement non pas à la charge de l'Etat, mais à la charge de capitaux privés - dont les retombées vont bénéficier pratiquement exclusivement à notre canton.
Ma troisième observation, c'est que nous avons une date butoir : il faut effectivement qu'au mois de septembre nous ayons pu boucler ce projet, faute de quoi nous perdrions une subvention fédérale de 6,5 millions. C'est-à-dire, en d'autres termes, que ce projet ne pourrait pas se réaliser.
J'ajoute que le projet qui vous est proposé - cela ne vous a pas échappé - est important au point de vue de la politique de l'énergie et de la politique de l'environnement. Au point de vue de la politique de l'énergie, il s'agit de valoriser, grâce aux Cheneviers, une production de chaleur équivalente à 13 000 tonnes de mazout par an. Nous économiserons donc 13 000 tonnes de mazout, 13 000 tonnes de cette ressource non renouvelable. Au point de vue de l'environnement, nous diminuerons la production de Co2 de 35 000 tonnes par an. Nous éviterons de la même façon des émissions de dioxyde d'azote et d'oxyde de soufre. Enfin, toujours au point de vue environnemental, nous éviterons de rejeter dans le Rhône 140 000 MWh de chaleur.
Un mot sur les deux observations les plus critiques qui ont été faites dans cette salle. La première : pourquoi n'est-ce pas les Services industriels qui s'occupent de ce projet ? Eh bien, parce que les Services industriels, jusqu'il y a peu, ne s'y sont tout simplement pas intéressés, ou s'y sont peu intéressés. Cela est actuellement en train de changer et je ne peux que me réjouir de ce que cette grande régie publique s'intéresse plus à un projet qui, me semble-t-il, est au centre de sa mission.
Seconde réflexion qui a été faite : l'illégalité, selon M. Vanek, qui entacherait le dépôt de ce projet. Sur ce point, Monsieur Vanek, nous avons un avis qui diverge. Je ne ferai pas de commentaire de juriste, mais je me permettrai de vous renvoyer à l'article 6 de la loi du 25 septembre 1997, qui stipulait que «la réalisation, le financement et l'exploitation du réseau de chauffage à distance Cadiom sont soumis à l'approbation du Grand Conseil». Or, par le présent projet de loi, nous vous disons ce qu'il en est de la réalisation : nous désignons l'entité qui va réaliser ; nous vous disons ce qu'il en est du financement : il sera privé; nous le chiffrons : il s'agira de 40 millions, dont une subvention fédérale; nous vous disons également ce qu'il en est de l'exploitation.
Cela étant, je peux parfaitement comprendre que vous souhaitiez avoir plus d'informations, je peux parfaitement comprendre également que le Grand Conseil souhaite se montrer plus prescriptif. En ce qui concerne les informations, j'ai déjà demandé aux services de l'administration de rédiger une note complémentaire à ce projet de loi, qui a été distribué aux membres de la commission. Ce dont je tiens à vous assurer, c'est que je veux une transparence totale quant à ce projet, car je sais bien qu'on peut avoir des réticences. Il faut que chacun, avec les mêmes éléments d'information, en arrive à une conviction. Ma conviction est que ce projet mérite d'être soutenu ; j'entends vous la faire partager grâce à la même qualité et à la même quantité d'informations dont j'ai pu bénéficier. J'ajoute que, si vous souhaitez ajouter dans le projet de loi un certain nombre de conditions supplémentaires qui devront figurer dans la concession, ce sera bien sûr possible ; il faudra simplement que vous arriviez en commission avec les amendements nécessaires.
Voilà ce que j'entendais dire en préambule de cette discussion. Je me réjouis de la continuer avec vous en commission et j'espère bien que, d'ici cette date butoir de la fin septembre, nous parviendrons à proposer au Grand Conseil un projet de loi permettant cette réalisation, importante pour l'économie, pour la politique de l'énergie et pour la politique environnementale.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
1. Introduction
Le développement durable est une conception du développement où la prospérité économique, la solidarité sociale et la qualité de l'environnement se renforcent mutuellement.
Cette conception nouvelle du développement a été définie par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement - dite Commission Brundtland, du nom de sa présidente -, qui avait son siège dans notre ville, au Palais Wilson.
Le développement durable est donc né à Genève. Grâce à la Commission Brundtland, il a gagné le monde entier. Et grâce aux Nations-Unies, il a été adopté, en 1992, à Rio, lors du Sommet de la Terre.
A cette occasion, les Etats du monde entier ont voté un programme de 250 pages, traduisant le concept de développement durable en actions concrètes à engager au début du XXIe siècle : c'est l'Agenda 21.
De même qu'il y a une organisation mondiale, des Etats nationaux et des collectivités locales, il y a un Agenda 21 mondial, des Agendas 21 nationaux et des Agendas 21 locaux.
2. Genève et le développement durable
Sur le plan international, Genève, berceau du développement durable, abrite le siège de nombreuses organisations internationales, inter-gouvernementales et non gouvernementales, qui se sont engagées, depuis le Sommet mondial de la Terre, à l'approfondissement et à la concrétisation du développement durable.
Sur le plan cantonal, le Conseil d'Etat entend souligner qu'il a retenu le développement durable en bonne place dans son programme de législature (RD 294) et que cette référence figure d'ores et déjà dans nombre de textes législatifs et de planification. Il saisit l'occasion de ce rapport pour réaffirmer qu'il se reconnaît dans cet objectif, qui est un axe structurant de sa politique. Il se réjouit qu'ainsi Grand Conseil et Conseil d'Etat se trouvent à l'unisson.
En mai 1996, le Grand Conseil a exprimé sa volonté, par le vote de la motion M 1046, d'élaborer un Agenda 21 pour Genève.
Après analyse de la situation et de nos engagements internationaux, le Conseil d'Etat a chargé, en septembre 1997, la Société suisse pour la protection de l'environnement, de réunir les informations nécessaires et d'élaborer un projet d'Agenda 21 pour Genève.
3. Le rapport de la Société suisse pour la protection de l'environnement
A la forme, le rapport de la Société suisse pour la protection de l'environnement se présente sous la forme d'un rapport de synthèse et de 12 cahiers particuliers.
Le rapport de synthèse est publié sous le titre « Un Agenda 21 pour Genève - 21 actions pour entrer dans le XXIe siècle ». Il est remis en annexe aux députés.
Le rapport de synthèse et les 12 cahiers particuliers sont publiés sur le site Internet de l'Etat de Genève (http://www.geneve.ch/agenda 21), sous le titre : « Vers un développement durable : Agenda 21 local ».
Au fond, le rapport de la Société suisse pour la protection de l'environnement comprend les éléments suivants :
a) une analyse approfondie de la signification et des enjeux liés à la notion de développement durable ;
b) un premier bilan d'expériences d'Agendas 21 locaux dans diverses régions du monde ;
c) le résultat d'enquêtes qualitatives effectuées parmi un échantillonnage de personnalités genevoises et de la région française voisine, du milieu associatif et de la population ;
d) sous le titre « Perspectives et débats », des propositions et actions relatives aux domaines suivants :
Citoyenneté et Etat ; formation et information ; économie ; énergie et environnement ; santé et social ; Genève internationale et solidaire ;
e) 21 actions prioritaires destinées à lancer le mouvement.
4. La procédure de consultation
Après avoir pris connaissance du rapport de la Société suisse pour la protection de l'environnement, le Conseil d'Etat a décidé :
d'une part, de publier intégralement les travaux de la Société suisse pour la protection de l'environnement ;
d'autre part, d'ouvrir une large procédure de consultation, du 30 avril 1999 au 31 août 1999.
Sur la base des résultats de la procédure de consultation, le Conseil d'Etat établira l'Agenda 21 pour Genève dont il s'agira aussi de définir la portée et de mettre en place les modalités du suivi et de l'adaptation périodique.
5. Conclusion
Estimant avoir ainsi répondu à la motion M 1046, le Conseil d'Etat invite d'ores et déjà tous les acteurs de la vie politique, économique, sociale, culturelle et associative de notre canton à participer à la procédure de consultation et à prendre leur place dans la concrétisation de notre engagement international d'aller vers le développement durable, dont le concept est né dans notre ville.
couverture
couverture
Débat
M. Gilles Godinat (AdG). Deux mots sur cette réponse du Conseil d'Etat et sur le rapport de synthèse «21 Actions pour entrer dans le XXIe siècle». Notre groupe se réjouit d'étudier ce rapport et nous pouvons déjà dire que la réponse du Conseil d'Etat nous paraît aller dans la bonne direction.
Nous souhaitons effectivement pour Genève un Agenda du développement durable. Nous constatons que les propositions faites dans le rapport concernent tant des mesures dans le domaine de la politique, des droits des citoyens, de la citoyenneté, du développement économique, dans le cadre du développement durable de la Conférence de Rio, que des mesures dans le domaine de la santé ou dans le domaine culturel. Toutes ces actions sont importantes, nous les soutiendrons.
Cela dit, nous avons pour notre part, dans notre groupe, une préoccupation tout aussi importante, qu'on pourrait appeler l'Agenda social, à savoir développer la responsabilité sociale des entreprises, l'utilité sociale des entreprises et la durabilité de la société dans son ensemble. C'est une remarque que je voulais faire, en réponse d'ailleurs à ce que disait Mme Berberat tout à l'heure : il n'est pas question pour nous d'accorder la primauté au développement économique. Pour nous, la primauté, c'est la société solidaire, seule base sur laquelle l'économie peut se développer.
M. David Hiler (Ve). Comme beaucoup de groupes, j'imagine, nous accueillons avec satisfaction la démarche. Je dis la démarche, car, à la première lecture du rapport, nous avons l'impression d'y retrouver d'assez larges passages des programmes politiques des uns et des autres ; disons qu'on en reste pour le moment à un certain nombre de principes généraux.
Il nous paraît ici qu'il y a deux pièges à savoir éviter. Le premier est celui de l'angélisme. Le préambule, de ce point de vue là, est extrêmement inquiétant. Il est certain que le développement durable implique un développement en termes économiques qui soit orienté d'une certaine manière, c'est-à-dire vers la satisfaction des besoins sociaux des générations actuelles et futures et, en même temps, vers la préservation des ressources naturelles. Il s'agit donc d'un nouveau mode de régulation du capitalisme. Croire que ce peut être un simple triangle où les fluides passent harmonieusement est évidemment une imposture : c'est un ensemble de conflits, d'oppositions qui aboutira peut-être demain à la mise en place, sur des rapports de forces de nature sociologique, d'un nouveau mode de fonctionnement, et non un nouvel Evangile auquel chacun se convertirait, satisfait simplement par la bonne tenue intellectuelle du rapport. Angélisme, donc, qui ne doit pas nous duper et qui est probablement lié, j'imagine, dans le cas d'espèce, à la personnalité des auteurs du rapport.
Ce qui nous paraît plus inquiétant en revanche, c'est qu'on en reste à ce stade très général. A vrai dire, nous nous serions contentés d'un plan un peu moins ambitieux, mais un peu plus concret. En effet, la première chose à faire de la part d'un Etat, c'est d'appliquer à lui-même les bonnes leçons qu'il entend donner à l'ensemble de la société ! Et celui qui oserait dire qu'à l'heure actuelle, dans sa pratique quotidienne, l'Etat de Genève respecte, dans chacun des gestes qui font la vie de cet Etat, les règles du développement durable, nous verrait très sceptiques. Nous sommes d'accord qu'il s'agit là d'une première étape, mais nous souhaiterions - et c'était le sens, Monsieur le conseiller d'Etat Cramer, de mon interpellation - nous souhaiterions qu'un programme actif et immédiat concernant l'administration elle-même et la réflexion qu'elle peut mener sur la portée de sa propre activité, puisse se développer rapidement, parallèlement aux grandes discussions dans des structures qui prétendent représenter la société civile, mais dont le caractère apparatchik est connu de tous.
Nous sommes donc satisfaits de la percée sur le plan des idées, si je puis dire, mais nous souhaitons qu'on arrive à trouver une série de modules, plus modestes mais dont on puisse mesurer l'application. D'une certaine manière, la problématique est identique à celle de la réforme de l'Etat : tant qu'on parle de la réforme de l'Etat, on n'a rien fait. Dès qu'on parle d'une mesure concrète, qui fait que le travail est mieux fait pour les citoyens de ce canton, on a en revanche avancé d'un pas. Nous attendons donc des signes que nous n'en resterons pas au cent millième rapport bourré de bonnes intentions, produit par un expert ou un autre, du canton ou de l'extérieur !
M. Roger Beer (R). En tant que motionnaire, je suis très satisfait de cette réponse, comme les préopinants. J'aimerais rappeler que cette motion date de la dernière législature, où nous étions un certain nombre de députés à nous inquiéter du fait que le Conseil d'Etat n'avait pas l'air de se préoccuper du développement durable et des suites à donner au Sommet de Rio 92. Nous pensions qu'Agenda 21 était effectivement une nécessité pour Genève, qui se proclame toujours capitale de l'environnement. En l'occurrence, il a fallu un certain temps, il a fallu des élections, mais aujourd'hui un Agenda 21 nous est proposé, qui est extrêmement ambitieux et qui répond à notre attente légitime.
J'ai bien sûr quelques soucis à ce propos, un peu semblables à ceux, très clairs, qu'a exposés M. Hiler, à savoir que nous attendons maintenant un programme et un échéancier - d'ailleurs, le terme Agenda 21 dit bien qu'il faut un échéancier. Dans notre parti, nous sommes également préoccupés par le côté économique des différentes mesures ; nous estimons que le développement durable et les différentes actions et mesures concrètes doivent être économiquement soutenables. Il faut être conscient, et ceci est d'ailleurs inscrit dans le programme du développement durable, que celles-ci sont liées au développement économique, développement économique qui doit bien sûr permettre la préservation de l'environnement et la survie de la planète en général.
Maintenant, je ferai une petite remarque sur le chiffre 4 : la procédure de consultation. C'est très bien d'ouvrir une large procédure de consultation du 30 avril au 31 août, c'est à la mode. Je me réjouis d'avoir le résultat de cette consultation et de voir si ce sont les mêmes qui ont été consultés pour établir l'Agenda 21 qui réagiront, en disant tout ce qu'ils ont oublié de dire ou tout ce qui n'a pas été retenu dans leurs remarques. Cela pour dire que je ne crois pas beaucoup au côté constructif de la consultation, mais j'ai bien sûr confiance dans le Conseil d'Etat et notamment en M. Cramer, qui saura séparer l'ivraie du bon grain et nous rendre quelque chose de réaliste.
Mme Véronique Pürro (S). Avec ce rapport, le Conseil d'Etat entend faire entrer dans les faits ce qu'il a, à de nombreuses reprises, considéré comme l'axe structurant de sa politique - là, je pense plus particulièrement à son discours de Saint-Pierre. Nous ne pouvons que saluer cette volonté politique du gouvernement, volonté qui par ailleurs, comme cela a été rappelé dans les précédentes interventions, avait déjà été exprimée par une large majorité de ce parlement lors de la précédente législature, par le biais de la motion 1046.
Les socialistes remercient donc le Conseil d'Etat, dans la mesure où toutes les invites de cette motion ont trouvé réponse, y compris celle qui chargeait l'exécutif d'établir un programme et des concrétisations. Mais, comme l'a relevé tout à l'heure M. David Hiler, de nombreux pièges sont à éviter et nous ne pouvons qu'acquiescer à ceux qu'il a énoncés. Une manière d'éviter ces pièges se situe très probablement dans la façon de poursuivre ce débat et dans la manière dont le Conseil d'Etat entend mettre en place les procédures évoquées tout à l'heure par M. Beer. Dans ce sens, je pense qu'il est important de relever deux points principaux, figurant en bonne place dans le rapport de synthèse qui nous a été remis lors de la dernière séance de notre Conseil.
Le premier de ces points est de considérer que le développement durable s'exprime en termes de principes bien sûr, mais également en termes de procédures. Là, l'Agenda 21 - qui n'est pas destiné au seul Etat mais à toute la communauté - suppose, comme il est relevé dans le rapport de synthèse, la controverse et demande à être questionné et enrichi. Dans ce sens, nous comptons vraiment sur le Conseil d'Etat pour qu'un maximum d'acteurs et d'actrices de notre canton soient associés à la démarche et nous demandons que les échéances proposées à la page 75 du rapport de synthèse soient respectées.
Deuxième point important : nous devons bien prendre en compte le fait que le développement durable est un processus à long terme et qu'il exige nécessairement la mise sur pied d'une structure de mise en oeuvre et un pilotage clair. Dans ce sens, nous comptons sur le Conseil d'Etat pour doter le projet de ressources suffisantes, tant au niveau financier qu'au niveau matériel. Là également, le rapport de synthèse formule des propositions qu'il conviendrait de suivre.
Mesdames et Messieurs les députés, le développement durable n'est pas qu'un concept destiné à alimenter les discussions d'intellectuels. Comme le démontre très justement le rapport de synthèse, on peut aisément traduire les principes du développement durable en actions concrètes. Et si nous avons pour noble ambition - ce qui apparaît souvent dans nos discours - de respecter nos engagements internationaux en appliquant le développement durable, il s'agit de prendre conscience que nous avons à faire un apprentissage. Les socialistes sont prêts à participer à cet apprentissage ; nous aurons l'occasion, dans le cadre de la procédure de consultation, de dire ce que nous pensons des points qui figurent dans ce rapport et nous nous réjouissons de voir comment le Conseil d'Etat concrétisera par la suite ces actions.
M. Armand Lombard (L). Beaucoup de choses ont été dites avec lesquelles nous sommes parfaitement d'accord, si bien que cela me permettra d'être très bref. Ce qui nous frappe particulièrement dans ce rapport et ce qui nous plaît dans le travail qui a été effectué, c'est qu'il y a là entente sur un sujet, même si c'est un peu angélique, même si c'est un peu de l'angélisme forcé. Cela dit, il ne faut pas nous affoler et parler d'angélisme sous prétexte qu'on arrive, pour une fois dans une législature, à s'entendre sur un sujet ! C'est quelque chose qui est normal, mais qui nous trouble, dans notre grande envie de batailles constantes, d'échanges où personne ne se comprend et où chacun hurle à la figure de l'autre. Personnellement, cela me fait plaisir de voir un projet et un sujet sur lequel il y a un début d'entente et j'espère que cette entente pourra se poursuivre.
Ce qui est frappant dans cet Agenda 21, c'est que c'est un premier essai et que déjà les contacts ont été extrêmement fréquents - M. Beer l'a rappelé, en redoutant que la consultation recommence ! De nombreux groupes, de nombreuses personnalités se sont engagés sur les projets mis en place par l'Agenda 21 et c'est déjà un premier succès que d'arriver à un texte commun, peut-être trop doux, comme le dit M. Hiler, parce qu'il est consensuel, mais ma foi, s'il faut être un peu doux pour être consensuel, j'admets qu'on soit doux pour une fois !
Je me réjouis de voir que, dans cette problématique du développement, nous soyons dans une ligne Conseil économique et social. Le Conseil économique et social s'est proposé pour l'étude des applications qui pourraient être mises en oeuvre. Cela a un certain parfum de table ronde - la table que nous avons éventrée au cours de l'hiver ! Je pense que, grâce à de telles opérations, nous pourrions peut-être enfin envisager d'avoir un projet commun pour Genève, au lieu des stupides batailles rangées que nous menons session après session.
Bien sûr, nous attendons des applications dès que possible, dès que le Conseil d'Etat pourra. Sur les 21 propositions, il faudra à l'évidence en sélectionner trois ou quatre. Même si les 21 propositions sont tentantes, il faudra commencer par quelques mesures concrètes, qu'un groupe, une équipe sera chargée de mener à bien. En l'état, il ne faut peut-être pas trop discuter. Pour nous, l'environnement qui permet un projet commun à une société ou à une communauté, c'est l'environnement social, financier, économique, civique et, bien sûr, environnemental. Le développement durable est un développement global, qui concerne tous les secteurs et qui ne laisse pas un secteur orphelin dans son coin, même si cela devait être celui de la Corraterie !
M. Robert Cramer. J'ai senti poindre ici ou là, à travers les diverses interventions, une pointe de frustration, frustration due, si j'ai bien compris, au fait que nous n'avons pas déposé sur vos bancs un paquet tout ficelé, en vous disant ce que nous allions faire, et maintenant en avant marche ! Non, telle n'est pas notre démarche, telle n'est pas la démarche dans laquelle peut s'insérer un Agenda 21, avec les ambitions que nous assignons à un tel projet.
Lorsqu'on réalise un Agenda 21, le processus compte tout autant que les propositions. Ici, je n'hésiterai pas à dire que le processus initié par notre mandataire, la Société pour la protection de l'environnement, a été exemplaire. Tout d'abord, un certain nombre de contacts - vous l'avez découvert dans le rapport - ont été pris avec des personnes représentatives de la société civile, dans tous les domaines. Ces contacts ont abouti à une première image, à un certain nombre d'identifications de propositions qui pouvaient être faites. Sur cette base-là, les textes ont été rédigés et ensuite, à nouveau, on a soumis ces textes au milieu associatif. Quand je parle du milieu associatif, je l'entends au sens le plus large : il s'agit ici aussi bien des associations professionnelles, syndicales que des associations oeuvrant dans le domaine de l'environnement et bien sûr dans le domaine de l'économie. La liste en est donnée dans le rapport.
Ainsi, avec le tissu qui fait Genève, avec la société civile, on a élaboré ce texte, qui n'est pas un texte abstrait, ni le cinquième, dixième ou vingtième discours sur le développement durable. Ce texte contient 21 propositions, qui sont présentées aux pages 19 et 20 du document et qui sont ensuite précisées ; 21 actions qui sont détaillées, avec les acteurs qui doivent les développer, à travers les fiches de référence que l'on peut consulter sur Internet. A cet égard, Mesdames et Messieurs les députés, Genève se montre exemplaire : nous sommes le seul canton de Suisse où un tel travail a été fait, où un tel travail est présenté au parlement et à la population...
M. Claude Blanc. Y'en a point comme nous !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. En l'occurrence, Monsieur Blanc, vous avez raison ! Nous pouvons le dire : nous sommes des innovateurs et en l'état, en Suisse, il n'y en a point comme nous ! Mais je souhaite cependant que nous soyons rapidement rejoints...
Maintenant, nous passons à l'étape suivante, à savoir cette consultation. Et dès cet automne, nous pourrons voir si les 21 actions proposées rencontrent une forme d'adhésion, ou en tout cas ne sont pas trop critiquées. Nous pourrons voir quelles sont les propositions complémentaires que nous enregistrerons, quelles sont les propositions que nous aurons pour affiner ces 21 actions. Ensuite, nous entrerons dans une phase de réalisation. Le comité de suivi interdépartemental a d'ores et déjà été désigné. Un certain nombre d'actions proposées ici concernent directement l'administration - je pense tout particulièrement à l'action No 2 qui prévoit d'introduire à l'Etat un système de management environnemental. C'est une proposition qui est dans nos tiroirs, nous attendons le résultat de la consultation pour aller de l'avant. D'autres propositions concernent partiellement l'Etat, qui est invité à fournir un cadre, mais également les milieux associatifs, les milieux de l'économie. D'autres actions enfin concernent uniquement les milieux de l'économie.
L'Agenda 21 est une démarche où l'on travaille tous ensemble. Se préoccuper de construire à Genève une meilleure qualité de l'environnement, une meilleure qualité des rapports sociaux, une meilleure qualité de notre économie, cela n'est pas, je suis navré de vous le dire, Mesdames et Messieurs les députés, exclusivement l'affaire de l'Etat ! C'est l'affaire de toutes et de tous et c'est dans ce sens-là que nous vous proposons cet d'Agenda 21. En l'état, nous attendons avec impatience les remarques, les observations et les propositions que vous aurez à faire sur ce projet.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La séance est levée à 11 h 55.