Séance du
jeudi 29 avril 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
6e
session -
16e
séance
PL 7582-A
La commission a consacré 8 séances entre le 8 janvier 1998 et le 11 mars 1999 au traitement du projet de loi du Conseil d'Etat concernant la Chambre de conciliation et d'arbitrage. Déposé à la chancellerie le 19 février 1997, ce travail était devenu prioritaire depuis novembre 1998, date à laquelle le Tribunal fédéral a rendu un arrêt rendant caduques certaines décisions de l'actuel Office cantonal de conciliation, par défaut de base légale.
Sous l'éminente présidence de Mme Fabienne Bugnon et de MM. Michel Balestra et Pierre-François Unger, la commission a fait diligence pour améliorer au plus vite les compétences de cette juridiction. Elle s'est entourée des éclaircissements de M. le président Carlo Lamprecht, de M. Christian Goumaz, directeur des affaires juridiques au DEEE et de la haute compétence de M. le professeur Gabriel Aubert. Nous avons procédé, par ailleurs, à l'audition de MM. les juges Demeule et Weber, de M. l'ambassadeur Gyger et de son conseiller juridique, M. Perez, ainsi que des représentants de la CGAS, de l'UAPG et de la Commission paritaire genevoise.
Le rapporteur s'est appuyé sur le travail précis et méthodique de nos procès-verbalistes Mmes Pauline Schaefer et Eliane Monnin ainsi queM. Begoin à qui il adresse toute sa reconnaissance.
1. Les enjeux de la réforme
L'Office cantonal de conciliation est en place depuis 1918 et a donné globalement satisfaction. Il est saisi lors de conflits collectifs du travail et a essentiellement pour vocation d'amener les parties en présence à conclure un arrangement à l'amiable. A titre exceptionnel et à la demande expresse de toutes les parties, il peut toutefois se transformer en tribunal arbitral et rendre alors une décision à caractère obligatoire. Il joue également un rôle d'assistance en matière de conclusion de conventions collectives de travail et était - jusqu'à la remise en cause récente de cette compétence par le Tribunal fédéral (ci-après le TF) - l'autorité cantonale chargée d'édicter pour le canton de Genève les contrats types de travail.
Son travail et la difficulté de sa tâche se sont accrus dernièrement selon la rigueur de notre temps. La récente dégradation du climat économique a entraîné d'inévitables tensions dans le monde du travail rendant indispensable l'adaptation des instruments capables de les prévenir ou, si nécessaire, de les régler. L'enjeu de cette réforme peut se résumer par la légendaire formule : la paix du travail !
Cet enjeu est si important pour l'ensemble de nos citoyens qu'il a largement dépassé les habituels clivages politiques. La commission a donc travaillé dans la sérénité et dans un esprit parfaitement constructif. Tous les milieux, et en particulier les partenaires sociaux, ont donc oeuvré afin de conduire nos travaux législatifs en élaborant un projet de loi, certes consensuel, mais d'abord efficace.
La loi et le règlement régissant l'Office cantonal de conciliation appelaient impérativement la correction de quelques défauts :
Le régime légal actuel dépend tout d'abord d'une loi provisoire de deux articles remontant au 21 septembre 1918. Il manque ainsi une base légale formelle et durable. Ainsi, à l'occasion d'un récent conflit dans la branche de la carrosserie, l'Office cantonal de conciliation et d'arbitrage du canton de Genève a édicté un contrat-type pour l'ensemble de la profession. L'Union genevoise des carrossiers a recouru au Tribunal fédéral, qui a cassé la décision de l'Office.
Dans ses considérants, le Tribunal fédéral a notamment relevé que cet office n'avait pas la base légale nécessaire pour établir des contrats-types, le législateur d'alors ne lui ayant accordé formellement que la compétence de régler les différends à l'amiable.
En outre, compte tenu de l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1996, de la loi fédérale sur l'égalité, et du fait que le Conseil d'Etat a confié à l'Office cantonal de conciliation le soin de gérer les litiges relatifs aux conflits collectifs de travail découlant de l'application de cette loi, de nouvelles compétences devaient aussi être précisées dans la loi lors de la réforme de cette juridiction.
Une proposition de changement d'appellation devenait également souhaitable, car le nom d'office pouvait être assimilé par certains de nos justiciables à une entité administrative. Le nouveau nom de Chambre des relations collectives de travail devrait permettre d'éviter une telle confusion.
2. Auditions
M. Pierre-Yves Demeule, juge à la Cour de justice, président suppléant de l'Office cantonal de conciliation (janvier 98)
M. le juge Demeule a été auditionné en janvier 1998 alors que nous traitions conjointement ce projet de loi avec la révision de la loi sur les prud'hommes. Il nous a rappelé que ce projet de loi devenait indispensable, cette juridiction ne disposant que d'un règlement, rendant sa base légale si légère qu'elle était alors attaquée au niveau du Tribunal fédéral.
Pour lui, le projet de loi n'est en réalité que la légalisation du règlement actuel, notamment dans sa spécificité de rédiger des contrats-types. C'est aussi le cas de la procédure arbitrale, qui n'est d'ailleurs presque jamais utilisée.
La faculté unilatérale de désigner un médiateur ne se retrouve pas dans le règlement, mais il s'agit d'une pratique de l'Office. Ce ne serait ainsi qu'une légalisation de la pratique.
La possibilité de communiquer aux médias fut un problème déjà rencontré dans le cadre de la révision de la législation concernant le Conseil supérieur de la magistrature. Certains magistrats veulent rectifier des inexactitudes parues dans la presse, ce qui contrevient au principe du secret de fonction. En l'espèce, il ne serait pas inutile de réserver cette possibilité aux magistrats.
Quant à l'abstention de toutes mesures de représailles, il estime que cette nouvelle disposition est utile pour un organe de conciliation. Les énumérations ne sont que des exemples; elles ne sont pas exhaustives.
Les représentants de la CGAS : Mmes Sylvie Cristina-Reichlin, Julie Andre et MM. Georges Tissot et René-Simon Meyer (janvier 98)
Les représentants de la CGAS soutiennent ce projet de loi. Ils souhaitent néanmoins que le projet de loi puisse lever toute ambiguïté entre la CRCT et la juridiction des prud'hommes, afin d'éviter tout risque de manoeuvres dilatoires entre les deux instances. Ils insistent sur la force obligatoire qui doit être donnée aux recommandations en demandant qu'il soit précisé qu'elles soient faites par écrit.
Quant à l'interdiction de la publicité, ils estiment que c'est souvent le seul moyen d'agir des syndicats. Par exemple, lorsque le délai de licenciement court pendant le délai de procédure, cela pose un grave problème ; c'est pourquoi la CGAS souhaite que les mesures prononcées avant le dépôt de la requête devant la CRCT soient suspendues pendant la durée de la conciliation, laquelle peut durer jusqu'à une année.
Ils estiment aussi qu'il est disproportionné de traiter dans le même alinéa de la publicité d'une part et des boycotts d'autre part. En effet, il s'agit de problèmes très différents. La compatibilité d'une telle disposition à la Convention européenne des droits de l'homme ne leur paraît d'autre part pas établie.
Ils recommandent la gratuité de la procédure.
Ils déplorent le fait qu'il n'ait pas été fait mention de moyens d'instruction, tels les expertises.
Quant au caractère obligatoire de la conciliation, cette caractéristique réjouit les syndicats. En effet ceux-ci constatent que maintenant - contrairement à autrefois - l'Etat a un rôle à jouer. De plus en plus, les organisations patronales sont absentes, voire inexistantes : les syndicats n'ont ainsi pas d'interlocuteur officiel pour faire valoir les prétentions des employés.
Les représentants de l'UAPG : Mme Béatrice Roetheli-Mariotti et MM. Claudio Rollini et Olivier Levy (janvier 98)
L'UAPG est l'organisme faîtier des patrons à Genève. Elle discute des politiques générales, mais ne négocie pas d'accords. Elle se dit favorable au dialogue et au partenariat social, branche par branche, même si les discussions impliquent parfois des conflits. L'UAPG est susceptible d'intervenir à ce stade. Ses représentants émettent les plus grandes réserves vis-à-vis de ce projet de loi, n'ayant pas été consultés par le Conseil d'Etat.
Ils rappellent par ailleurs qu'une convention collective de travail est fondée sur la liberté contractuelle. Cette dernière s'applique ainsi, non seulement à l'objet du contrat, mais aussi au choix même de conclure ou non le contrat.
Ils estiment qu'aujourd'hui, l'office intervient très bien. Dès lors, il ne faut pas changer son rôle. En effet, l'office a l'avantage de connaître une procédure souple et flexible. Il a aussi l'avantage de constituer un médiateur, et non de revêtir le rôle de celui qui prend des décisions.
Il leur apparaît illusoire de forcer les partenaires sociaux qui ne le souhaitent pas, car le dialogue risque d'être encore plus difficile après.
Contrairement au règlement actuel, le projet de loi prévoit la suppression de la différence de traitement selon la catégorie professionnelle. L'UAPG s'oppose à cet aspect du projet de loi, qui permettrait à l'office d'intervenir au niveau faîtier ; or, un organisme public n'a pas sa place dans des rapports de droit privé. La Suisse a été la première à instaurer des organismes paritaires. La solution préconisée introduirait un agent davantage perturbateur que facilitant la discussion.
Le Code des obligations règle la possibilité d'édicter des contrats types de travail. A part Genève, tous les autres cantons confient la rédaction des contrats-types au gouvernement ou au Parlement. Un recours de droit public concernant une affaire genevoise est d'ailleurs pendant en ce moment sur ce point : peut-on confier cette tâche à un organisme de l'Etat inférieur au gouvernement ? Si le Tribunal fédéral devait remettre en cause la compétence de l'office, c'est l'existence-même de ce dernier qui serait remise en cause (ndlr : cette audition s'est déroulée avant que le Tribunal fédéral ne rende son arrêt sur cet objet le 30 novembre 1998).
Aujourd'hui, l'arbitrage est subsidiaire à la conciliation. Le projet de loi met ces deux méthodes au même niveau. L'UAPG est favorable au maintien de la subsidiarité.
Une convention collective n'est en général pas étendue. Il faut veiller à son respect. Tout différend devrait être réglé par les partenaires sociaux, et non par un intervenant extérieur. Dès lors, l'UAPG s'oppose à ce qu'une décision puisse avoir valeur de jugement. En effet, la solution du projet de loi risque de déresponsabiliser les parties et d'entraver le dialogue social. De même, ils s'opposent à ce que le Conseil d'Etat impose la nomination d'un médiateur, contre la volonté des parties. Les deux parties doivent donner leur accord.
Le projet de loi inverse les rôles actuels. Une nuance de taille est à relever : si la Chambre de conciliation est dotée d'un pouvoir de pression sur les partenaires d'accepter l'arbitrage - éventuellement même contre la volonté des parties - on risque de provoquer un recours, ce qui impliquerait un manque de crédit du partenariat.
A quel titre la Chambre pourrait-elle communiquer des informations aux médias ? Il est possible que cette communication se fasse en désaccord avec l'une des parties, alors même que ces dernières n'ont pas le droit de parler. Enfin, la communication d'un conflit à un média risque davantage de l'attiser que de le résoudre.
L'UAPG est également favorable au maintien de la gratuité, sous réserve d'une action téméraire. Si des frais devaient être introduits, il faudrait qu'ils le soient à égalité pour chacun. En effet, l'idée d'une condamnation à payer à l'endroit du « perdant » est en contradiction avec le principe du partenariat.
En conclusion, l'UAPG se dit opposée à l'existence d'une Chambre qui ne pourrait rendre de bons services ; elle tient à ce que la procédure demeure simplie et à ce que la Chambre agisse en tant qu'instance neutre, et non en tant qu'instance judiciaire ou quasi-judiciaire.
M. Pierre-Christian Weber, juge à la Cour de justice, président de l'Office cantonal de conciliation (janvier 99)
M. le juge Weber a été associé très étroitement à l'élaboration de ce projet de loi qu'il avait appelé de ses voeux dès 1991.
La base légale actuellement déficiente
Il souligne que le Tribunal federal a mis entre-temps en exergue dans son arrêt du 30 novembre 1998, le fait que les contrats-types édictés par les cantons ne sont pas de simples actes d'exécution, mais constituent un acte de droit privé cantonal. Il nous rend aussi attentifs au fait que le Tribunal fédéral a aussi contesté l'opinion émise par le Conseil d'Etat selon laquelle la compétence instituée par le Règlement du 25 novembre 1955 découlerait de la loi genevoise du 21 septembre 1918. Il démontre le caractère provisoire de la loi genevoise puisqu'il est dit à son article 2 que « L'application de la loi du 26 mars 1904 sur les salaires et conflits est suspendue jusqu'au moment où le Grand Conseil édictera une loi créant un office de conciliation ». Or, le provisoire dure maintenant depuis plus de 80 ans.
Dans ces circonstances, le renvoi de la loi genevoise à la loi fédérale du 18 juin 1914 sur le travail dans les fabriques - qui impose aux cantons l'obligation de créer des offices de conciliation - ne suffit pas pour que le Conseil d'Etat délègue en sus, et sans habilitation formelle du législateur, à l'Office cantonal de conciliation le pouvoir d'édicter des contrats-types de travail. Il le peut d'autant moins que la loi genevoise est prévue comme réglementation provisoire et qu'elle s'appuie sur un arrêté du Conseil fédéral de 1918, édicté sur la base de pleins pouvoirs qui ont pris fin depuis longtemps. Le Tribunal fédéral conclut d'ailleurs son arrêt comme suit : « Sur un point aussi essentiel que la compétence pour édicter un contrat-type, il importe donc que l'autorité compétente soit désignée dans une loi, ou à tout le moins que la loi permette au Conseil d'Etat de désigner l'autorité compétente » .
Ses remarques générales sur cette juridiction
M. le juge évoque ensuite les difficultés rencontrées dans son travail de président de cette juridiction, s'estimant plus apte à faire appliquer le droit qu'à en édicter ses normes. En effet, édicter des contrats-types est un exercice difficile qui suppose un contenu politique, notamment en raison des négociations avec les partenaires sociaux. L'Office de conciliation est parvenu à le faire sans trop de peine en cas d'unanimité et en conciliation. Par contre, des difficultés sont apparues lorsqu'un texte a dû être promulgué sur l'arbitrage du seul président dans des affaires sans véritable consensus entre les assesseurs. Il souhaiterait dès lors que ce soit le Conseil d'Etat qui soit compétent pour édicter les contrats-types, comme dans de nombreux cantons.
Par ailleurs, l'Office de conciliation a eu des difficultés, par le passé, à faire participer des personnes récalcitrantes à la procédure de conciliation, puis le cas échéant à faire respecter l'accord intervenu. En particulier, il n'est pas à même d'infliger des amendes, faute, là encore, de base légale formelle.
Quant au projet de loi lui-même, il nous fait part de ses remarques en demandant de prévoir davantage de suppléants aux quatre juges assesseurs, ceci en raison des démissions et des règles de récusation. Il souhaite aussi que les procès-verbaux soient remis aux parties.
Pour expliciter le travail accompli par l'office en matière de conflits collectifs, M. Weber souligne que ce dernier peut établir des recommandations à l'employeur dans le cadre de certaines situations. Il procède aussi, à la demande des parties, à des arbitrages relativement nombreux, dont certains ont mis en cause un Etat étranger et ont été particulièrement coûteux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il estime qu'il devrait être possible de déroger à la gratuité de la procédure dans de tels cas.
On peut d'ailleurs relever deux types de problèmes fondamentaux : le non-respect des conventions collectives (ci-après CCT), voire leur absence.
La première hypothèse n'est malheureusement que trop fréquente dans le contexte économique actuel. Le non-respect des conventions se fait au détriment tant des employeurs que des employés respectueux de la branche concernée en créant une distorsion de concurrence en faveur d'entreprises pratiquant la sous-enchère salariale. L'Etat ne peut pénaliser ces dernières que lors de l'attribution des marchés publics ou de l'engagement de personnel étranger. L'action de l'Office lors de conflits est, elle aussi, limitée puisqu'il doit se contenter actuellement de tenter la conciliation et ne peut notamment rendre un jugement par la voie de l'arbitrage qu'en cas d'accord entre les parties.
La seconde hypothèse concerne les branches d'activité dépourvues de toute convention. C'est notamment le cas de la domesticité ou des secrétaires. L'office peut alors imposer par voie normative une contrat type de travail, discuté avec les partenaires sociaux. Le juge Weber relève toutefois que même si des règles sont prévues dans un contrat type, elles ne sont pas impératives en regard du droit fédéral, de telle sorte qu'il n'y a pas de moyen d'empêcher l'employeur d'y déroger par un contrat individuel de travail. A cela, un commissaire a rappelé que les corporations organisées ont des structures où les employeurs conviennent avec les syndicats de salaires minimums par le biais de conventions collectives de travail et que la situation qui a prévalu dans la carrosserie doit être considérée comme exceptionnelle, et non comme la règle.
M. l'ambassadeur Gyger, représentant permanent de la Suisse auprès des Organisations internationales, à Genève et de M. Amadeo Perez, juriste (janvier 99)
Bien qu'il s'agisse d'un problème relevant de la compétence cantonale et qu'il ne tienne en aucun cas à interférer, M. Gyger souhaite apporter le point de vue du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Après avoir rappelé, avec force chiffres, le rayonnement économique de la Genève internationale, il relève des aspects plus sombres dans le contexte des conditions de travail du personnel de maison et, plus particulièrement, du règlement des conditions de travail dans cette branche.
La domesticité des fonctionnaires internationaux est soumise à des directives fédérales
Soucieux du respect et de la dignité des personnes et confrontés à l'aspect pluriculturel que revêt cette problématique, le DFAE, la Mission suisse et les services compétents de l'Administration fédérale ont rédigé des directives, entrées en vigueur le 1er mars 1998, sur l'engagement des domestiques privés par les ambassades, les missions permanentes, les représentations consulaires et les fonctionnaires internationaux.
Il tient en outre à souligner que ces directives, ayant fait l'objet d'une concertation générale des milieux concernés, ont apporté de nettes améliorations, tant au niveau des conditions générales de travail qu'en matière de protection sociale. L'apport central que constitue l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation réside, selon l'ambassadeur, dans l'élaboration d'une situation juridique claire concernant les droits et les obligations des parties en cause. Ces directives sont, de surcroît, en accord avec la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires.
Le bien-fondé de cet outil juridique est en outre renforcé à Genève par l'existence, depuis 1995, du Bureau de l'amiable compositeur présidé parMe Jacques Vernet. Cette institution a pour but de régler les litiges de travail. Ces structures permettent, de l'avis du représentant de la Mission, d'affirmer que cette problématique jouit actuellement d'une législation et d'une institution adéquates.
Cela étant, et dans le cadre du projet de loi visant à instituer une Chambre des relations collectives de travail, M. Gyger entend rendre attentive la commission à un certain nombre de difficultés d'application des contrats types de travail. Selon lui, la législation que l'on prépare doit inclure les directives fédérales en la matière, faute de quoi, il y a risque de créer une grande confusion entre employés et employeurs.
Deux voies sont dès lors envisageables. L'une consisterait à reprendre le droit existant et l'institution du Bureau de l'amiable compositeur dans un contrat type. Cette solution soulève toutefois, d'après M. Gyger, d'épineuses questions si ce droit doit être renégocié, dans la mesure où il déboucherait sur plusieurs années de travail. La seconde préconiserait la modification de l'art. 2 du projet de loi, en introduisant une disposition spécifique, dont la teneur serait :
« Sont exclues de ses compétences, les employeurs ressortissants étrangers qui bénéficient de privilèges et immunités, conformément aux règles du droit international public ainsi que les employés ressortissants étrangers en carte de légitimation du Département fédéral des affaires étrangères qui sont soumis aux directives du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur l'engagement des domestiques privés ».
C'est cette deuxième proposition qui lui apparaît comme la plus réaliste. Des directives fédérales contrôlées par l'amiable compositeur permettraient mieux qu'un contrat-type cantonal de tenir compte des avantages comme de tous les aspects sociaux et culturels du milieu diplomatique évoluant à Genève.
La commission lui a objecté que le droit fédéral (art. 359 CO) oblige les cantons à édicter un contrat-type de travail pour le personnel domestique, et qu'il importe par conséquent de tenir compte, le cas échéant, de la spécificité des milieux internationaux dans l'élaboration d'un tel contrat-type et non au travers du projet de loi actuellement discuté qui a pour vocation d'établir les règles générales d'organisation et les compétences d'une juridiction.
Eviter la compétition de différentes législations
Pour M. Amadeo Perez, conseiller auprès de la Mission permanente de la Suisse près les Organisations internationales à Genève, les employeurs et employés en carte de légitimation ne sont pas subordonnés au droit ordinaire. Pour jouir d'un système complet, ces personnes sont dès lors soumises à des directives. Au niveau du DFAE, ce que stipule le CO n'est pas incompatible avec la Convention de Vienne. Il n'y aurait pas pire situation pour les employés d'ambassade que de se trouver devant un conflit juridique entre différents droits compétitifs, celui relevant du droit cantonal, celui dépendant de directives fédérales ou encore celui découlant des Conventions de Vienne.
Or, le Conseil d'Etat, en créant l'amiable compositeur, a déjà pu résoudre une soixantaine de cas. Par contre, le Tribunal des prud'hommes s'est révélé sans efficacité réelle pour juger les conflits du personnel diplomatique. En effet, la représentativité des fonctionnaires internationaux n'existe pas dans cette juridiction, ne serait-ce qu'en raison du problème de la nationalité. Une condamnation de la part de cet organisme n'est donc pas exécutable. Seule une pression politique produit certains effets. Cette pression se fait notamment par le biais du Comité diplomatique qui, lui, est représentatif. C'est d'ailleurs lui qui est chargé de transmettre à tous ses adhérents, avant même leur arrivée à Genève, les directives fédérales contenant notamment un modèle de contrat de travail pour l'engagement de domestiques privés.
Pour l'ambassadeur, le maintien du droit existant fait trois gagnants : l'employé, auquel on garantit des conditions de travail dans le respect et la dignité ; l'employeur qui évolue dans une situation juridique claire ; la Genève internationale, et, partant, Genève tout court, si tous les protagonistes travaillent ensemble pour les faire respecter. Genève pourrait ainsi servir d'exemple en la matière.
Audition de M. Roger Maillart, Commission paritaire genevoise, M. Jan Doret, SIB, M. Pasquale Reale, SINA (janvier 99)
Remarques préliminaires
Les représentants de la Commission paritaire rappellent aux commissaires l'urgence de ce projet de loi dans le climat économique et social actuel. Le non-respect des conventions collectives de travail (ci-après CCT), notamment dans le gros-oeuvre comme aussi dans le second, est un mécanisme de concurrence déloyale qui pourrait aller rapidement en s'aggravant si le vide juridique actuel n'était pas corrigé dans les meilleurs délais.
Ils émettent aussi de sérieuses réserves quant à certaines dispositions du projet de loi. Ils assistent, depuis quelques années, à une nouvelle tendance de l'Office cantonal de conciliation, renforcée d'ailleurs par ce projet de loi, visant à considérer comme applicables les dispositions du concordat intercantonal sur l'arbitrage lorsque l'office statue comme tribunal arbitral. Or, la sentence rendue par cet office devrait être exécutoire en évitant toute référence au concordat afin de simplifier la procédure et de ne permettre ainsi qu'un recours, celui au Tribunal fédéral. Le maintien de cette disposition ne pourrait poursuivre qu'un but : la lourdeur administrative et le ralentissement des procédures en ouvrant d'autres voies possibles de recours.
Faire appliquer les conventions collectives de travail (CCT)
A la question d'un commissaire souhaitant qu'en cas d'absence de conciliation, la Chambre tranche à la manière du Tribunal des baux et loyers ou encore de celui des prud'hommes, les représentants de la commission paritaire rendent les commissaires attentifs au fait qu'il y a plusieurs types de causes débattues devant cette juridiction. Il existe des situations où il faut absolument un accord commun pour aller jusqu'à l'arbitrage. Comme il existe des situations inverses, notamment lorsqu'une entreprise, soumise à la convention, est en infraction. On ne peut dès lors s'assujettir à son bon vouloir pour rendre le droit. C'est pourquoi des dispositions contraignantes sont aussi souhaitables. La solution actuelle est de recourir en commun aux prud'hommes, mais cette procédure est longue et lourde (deux instances cantonales puis le Tribunal fédéral).
Pour les entreprises soumises en droit aux CCT, il serait bon que la convention elle-même fasse référence à la compétence de la future Chambre des relations collectives de travail en cas de conflits collectifs. Cela lèverait le dernier doute juridique.
Nomination de la présidence de cette juridiction
Un commissaire a rappelé qu'« on ne se bouscule pas au portillon », lorsqu'il s'agit de faire acte de candidature à la présidence de cette juridiction. La Commission paritaire a soutenu alors le choix du président par le Grand Conseil, à condition que la loi précise les conditions préalables nécessaires à cette charge.
3. Discussion
La nécessité de cette nouvelle loi n'a fait aucun doute pour l'ensemble des commissaires au vu de l'exposé des motifs du projet de loi, de l'arrêt du Tribunal fédéral du 30 novembre 1998 et des auditions précitées. De rappeler aussi que les cantons ont l'obligation, en vertu de la loi fédérale sur les fabriques, d'instituer un office de conciliation pour traiter les litiges collectifs, tout en ayant la possibilité d'étendre les compétences de cet office à d'autres entreprises que les fabriques au sens strict.
Nos débats fondamentaux ont porté initialement sur la portée des actes de la future Chambre des relations collectives de travail (ci-après CRCT), entraînant nos réflexions autour du cadre législatif nécessaire pour atteindre les objectifs.
La CRCT, instance chargée d'édicter les contrats-types de travail
Le président actuel de l'Office de conciliation et d'arbitrage a témoigné de la facilité qu'il y avait à dire le droit, mais que la tâche devenait nettement plus ardue lorsqu'il s'agissait de concilier en édictant des normes par un contrat-type de travail. Il a alors émis le souhait que le pouvoir politique soit plus présent.
A cet égard, il a souligné que le Tribunal fédéral avait rappelé dans ses considérants que la compétence d'édicter des contrats-types incombe dans nombre de cantons au pouvoir exécutif. A cette remarque, le département nous a indiqué préférer s'en tenir au système actuel, à savoir que la CRCT ait la charge d'édicter les contrats-types de travail. Par ailleurs, à l'exception du personnel agricole et de maison qui sont les deux cas où les cantons ont l'obligation de prévoir un contrat-type, c'est dans le cadre d'un conflit de travail que le besoin d'une réglementation va émerger.
A son sens, l'organe qui participe à la gestion du conflit, en sa qualité d'autorité de conciliation, est également mieux à même que le Conseil d'Etat de se faire la meilleure opinion possible sur l'ensemble des données du conflit, et d'y apporter une solution satisfaisante. Edicter un contrat-type est d'ailleurs une activité qui se rapproche de la tâche d'émettre une recommandation dans un conflit collectif - ou de rendre une sentence arbitrale - fonctions qui sont expressément attribuées à la CRCT dans le cadre du projet de loi. D'autre part, en raison de sa composition, la CRCT est paritaire. Or il est opportun, dans toute la mesure du possible, de laisser au monde du travail le soin d'établir les règles qui le concernent directement et de ne pas faire intervenir dans ce domaine le monde politique si cela n'est pas absolument nécessaire. De surcroît, il faut être conscient que le Conseil d'Etat ne rédigera pas lui-même les contrats types, se contentant de ratifier un projet préparé par l'administration, laquelle ne connaîtra, selon toute vraisemblance, pas aussi bien que la CRCT les données de la situation conflictuelle. Or un tel système - écartant de la décision les principaux concernés - serait sans doute plus insatisfaisant que celui qui prévaut actuellement.
La commission s'est rangée aux arguments du département, car en attribuant cette compétence en définitive à l'exécutif cantonal, le risque devenait trop grand que tous les justiciables demandent systématiquement au Conseil d'Etat de trancher les conflits collectifs, rendant inopérant le travail de la CRCT par une politisation de ces derniers. Lui réserver un rôle, à l'arrière-plan, de négociateur, est apparu à tous plus conforme à sa fonction. En effet, celui-ci a toute latitude d'entendre les parties ou de désigner éventuellement un médiateur jouant un rôle complémentaire pour apaiser les discordes tout en ne s'attribuant pas le rôle de légiférer dans ce domaine.
La CRCT, instance de jugement
En instaurant cette chambre comme instance de jugement, le législatif répond aux attentes des partenaires sociaux. Il s'agit, par ce truchement, de permettre aux partenaires sociaux d'intervenir, par exemple, lorsqu'un employeur viole une convention collective. La CRCT sera ainsi amenée, à la demande des parties à la convention collective, ou de l'une d'entre elles, à juger tout litige relatif à l'interprétation ou à l'application des CCT.
A ce titre, la chambre pourra aussi saisir des employeurs qui ne sont pas membres des organisations professionnelles, et ce dans le cadre de l'exécution commune au sens de l'art. 357 b CO des conventions collectives bénéficiant d'un arrêté d'extension. On assurera ainsi, par cette nouvelle compétence donnée à la CRCT, un meilleur respect des CCT, et ce dans l'intérêt bien compris de tous.
Sur la même lancée, il est apparu utile de donner également à la CRCT la compétence de juger en droit tous les litiges relatifs aux conditions de travail qui lui sont soumis par une organisation professionnelle lorsque le droit fédéral reconnaît à cette dernière la qualité pour agir. Il en va notamment ainsi, en vertu de la loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises, des litiges portant sur la violation des droits de participation dans les domaines de la sécurité au travail et de la protection de la santé, du transfert d'entreprises et des licenciements collectifs.
La CRCT, instance d'arbitrage
La chambre est également une instance d'arbitrage statuant, pour autant qu'il y ait accord entre toutes les parties en cause sur cette compétence, sur d'autres conflits collectifs (par exemple la modification d'une convention). Selon le professeur Aubert, l'application du concordat intercantonal sur l'arbitrage est le « grain de sable dans la machine » et il est impératif de rejeter la proposition du Conseil d'Etat en la matière. En effet, en sa qualité d'instance étatique, la CRCT est un tribunal arbitral public et n'est de ce fait pas soumis au concordat intercantonal, contrairement aux tribunaux arbitraux privés. Or le concordat est source de complications et de lenteurs. Ainsi, en cas d'application de ce dernier, la sentence de la Chambre devrait d'abord être rendue exécutoire par une décision du Tribunal de première instance ; en outre, elle serait attaquable devant la Cour de justice, puis devant le Tribunal fédéral. Pour qu'elle devienne définitive, il faudrait donc saisir trois instances supplémentaires. En revanche, s'il s'agit d'une sentence rendue par un tribunal arbitral public, elle est exécutoire sans décision préalable du Tribunal de première instance et n'est attaquable que pour arbitraire devant le Tribunal fédéral.
La présidence
Traditionnellement, notre système judiciaire attribue la présence de cette juridiction à un juge de la Cour de justice. Cette habitude, gage d'impartialité, s'est justifiée jusqu'à ce jour dans la mesure où c'est, en général, là que se trouvent les juges ayant le plus d'expérience.
A la proposition d'une nomination du président de la CRCT par le Grand Conseil, le professeur Aubert nous a rappelé que la situation est très différente selon les cantons et que le débat était purement politique et qu'il ne pouvait y apporter de solution technique.
S'il devait être choisi par le Grand Conseil, celui-ci devrait par contre définir au préalable les critères précis à la base de son choix.
Après en avoir longuement délibéré, la commission a opté pour une présidence désignée par le Parlement, afin notamment de donner à son titulaire une forte légitimité. D'autre part, tout en élargissant quelque peu le cercle de recrutement, la commission a souhaité conserver un niveau identique de compétence juridique et d'expérience. Il sera ainsi possible d'élire à ce poste, outre un juge à la Cour de justice comme actuellement, un juge au Tribunal administratif (qui est également une instance supérieure), d'anciens magistrats de ces mêmes juridictions, un professeur de droit à l'Université ou d'autres personnalités ayant des compétences équivalentes.
Une juridiction indépendante
Quelques commissaires se sont interrogés sur la nécessité de garder cette juridiction indépendante ou de la rattacher à la juridiction prud'homale.
La juridiction des prud'hommes ne s'avère pas le lieu adéquat. En effet, un conflit collectif est infiniment plus complexe et ne relève pas simplement de savoir quelles dispositions légales peuvent être appliquées. La résolution de tels conflits nécessite souvent des efforts de négociations importants auxquels les juges prud'hommes ne sont en général pas préparés. De surcroît, la procédure prud'homale avec ses trois instances (conciliation, Tribunal et Cour d'appel) est beaucoup trop longue pour gérer des conflits collectifs de façon efficace. Il faut rappeler à cet égard que la tension sociale peut être extrême à de telles occasions et qu'il convient par conséquent de pouvoir agir rapidement et par le biais d'une instance spécialisée.
En conclusion, la commission unanime a considéré que cette juridiction devait donc garder son indépendance.
4. Vote d'entrée en matière
A la suite de ce débat le vote d'entrée en matière est matière est acceptée à l'unanimité moins 1 abstention DC.
5. Commentaires article par article
Intitulé
Comme rappelé ci-dessus, la commission a attribué à la CRCT une compétence nouvelle par rapport au projet de loi présenté par le CE, consistant à être une véritable instance judiciaire chargée de trancher, par une décision ayant force obligatoire, toute une série de litiges collectifs, et ce en qualité d'autorité cantonale unique.
L'intitulé proposé par le Conseil d'Etat devenait par conséquent trop restrictif, raison pour laquelle la commission lui a préféré celui de Chambre des relations collectives de travail, titre qui lui paraît pour le surplus mieux exprimer le rôle confié à cette autorité.
Article 1 Constitution et tâches
Tant l'actuel règlement de l'Office cantonal de conciliation que le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat prévoient quatre missions principales pour cette juridiction, à savoir :
être une instance de conciliation pour les litiges collectifs concernant les conditions de travail ;
favoriser la conclusion de conventions collectives de travail (art. 356 CO) ;
être l'autorité cantonale qui édicte les contrats-types de travail, conformément à l'article 359 CO ;
trancher, le cas échéant et à la demande des parties, des différends collectifs en qualité de tribunal arbitral.
La commission judiciaire a ajouté une cinquième compétence faisant de la CRCT une véritable instance juridictionnelle puisqu'elle aura la faculté de juger, en instance cantonale unique, un certain nombre de litiges collectifs ayant trait pour l'essentiel à l'interprétation et à l'application des conventions collectives de travail et d'autres domaines du droit du travail où les associations professionnelles se voient reconnaître la qualité d'agir personnellement en justice.
lettre a)
Cette lettre vise la première compétence de la CRCT consistant à prévenir et concilier, dans la mesure du possible, les différends d'ordre collectif concernant les conditions de travail.
La rédaction initiale du projet du Conseil d'Etat est apparue un peu compliquée, de telle sorte que la Commission judiciaire en a simplifié le texte à la forme, tout en en conservant le fond.
A titre d'exemples non exhaustifs on relèvera que la CRCT sera notamment compétente, en sa qualité d'autorité de conciliation, pour traiter des litiges entre :
un employeur et ses travailleurs,
un employeur et une ou plusieurs associations de travailleurs,
plusieurs employeurs ou associations d'employeurs et une ou plusieurs associations de travailleurs.
D'autre part, la commission a expressément prévu que la CRCT pourrait également être saisie en matière d'application de la loi fédérale sur l'égalité, pour autant bien évidemment qu'il s'agisse de conflits collectifs. Les conflits individuels resteront pour leur part de la compétence de la commission ad hoc instituée par la loi d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre femme et homme en ce qui concerne la phase de conciliation, puis de la Juridiction des prud'hommes ou du Tribunal administratif, selon que le litige relève du droit privé ou du droit public.
La présente loi constituant aussi, pour partie, la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur les fabriques du 18 juin 1914 (qui impose aux cantons d'établir des offices de conciliation), il a paru utile de préciser à cet endroit que la chambre remplit, entre autres, la fonction d'un tel office au sens de la loi précitée.
lettre b)
Le terme « susciter W a été préféré à celui de « provoquer », afin de mieux souligner le rôle incitatif attribué à la CRCT en matière de conclusion de conventions collectives de travail.
lettre c)
La commission est d'avis que les contrats-types doivent aussi pouvoir être proposés par des organisations syndicales ou patronales. C'est la raison d'un amendement au texte initial, consistant à préciser que la CRCT édicte les contrats-types de travail « d'office ou sur la proposition d'intéressés ». Il va cependant de soi que la chambre reste en tout état libre de suivre ou de ne pas suivre une proposition, de telle sorte qu'elle ne saurait dès lors être contrainte à édicter un contrat-type de travail, quand bien même la requête lui en aurait été formellement adressée par les intéressés.
Comme cela a été évoqué ci-dessus, la possibilité pour la chambre de se contenter de rédiger des contrats-types de travail, devant être ensuite formellement approuvés par le Conseil d'Etat pour déployer leurs effets, n'a pas été retenue. Il sied de noter que dans plusieurs cantons l'Office de conciliation édicte déjà des contrats-types. De surcroît, cette pratique favorise l'entente entre les partenaires sociaux et renforce la crédibilité de cette juridiction.
lettre d)
Il s'agit là de la compétence nouvelle que la commission se propose d'attribuer à la CRCT par rapport aux tâches actuellement dévolues à l'Office cantonal de conciliation. L'article 1 se limitant toutefois à énumérer les diverses compétences de la chambre, on s'est contenté d'indiquer ici que la CRCT juge les litiges, comme instance judiciaire unique, dans les limites fixées par la présente loi. C'est à l'article 9 que seront ainsi définis dans le détail les contours de cette nouvelle compétence.
lettre e)
Il a été précisé que la CRCT agit, cas échéant, comme tribunal arbitral public, et ce afin de distinguer clairement cette autorité des tribunaux arbitraux privés qui, eux, sont assujettis au respect du Concordat intercantonal sur l'arbitrage.
alinéa 2
Il convient ici d'affirmer clairement l'indépendance totale de la CRCT de l'administration, et par là du pouvoir exécutif. La chambre doit en effet être considérée comme une instance juridictionnelle, au même titre que n'importe quel autre tribunal du canton.
Article 2
Cette disposition a pour but de préciser que la compétence de la CRCT se conçoit de façon large s'agissant du cercle des entreprises concernées. Ainsi, le fait de ne pas être soumis à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964, ne permet pas d'échapper au pouvoir de la chambre.
Article 3 Composition
alinéa 1, lettre a)
La présidence de cette chambre est particulièrement délicate car son titulaire doit allier les qualités de juge à celles de négociateur.
De surcroît, dans son rôle d'instance juridictionnelle, il est aussi fondamental que la chambre puisse être considérée par le Tribunal fédéral comme un tribunal supérieur du canton, afin que le recours en réforme auprès de ce dernier soit ouvert contre les décisions de la CRCT. En effet, la loi fédérale d'organisation judiciaire précise que le recours en réforme n'est pas recevable si le tribunal cantonal, qui statue en instance unique, n'est pas considéré comme ayant le statut de tribunal supérieur du canton.
A cet égard, les critères de choix et le mode de désignation du président sont des éléments importants et il convient d'y prendre garde, faute de quoi le Tribunal fédéral pourrait exiger qu'une voie d'appel cantonale soit instaurée contre les décisions de la CRCT, avant qu'il puisse être valablement saisi par la voie du recours en réforme (qui seule permet - à l'inverse du recours de droit public - de revoir de façon complète l'application du droit fédéral). Il va de soi que si une telle éventualité devait se produire, c'est toute l'organisation de la chambre, conçue comme instance cantonale unique, qui serait remise en cause.
La commission a toutefois souhaité pouvoir élargir quelque peu le cercle de recrutement actuel, qui se limite aux seuls juges de la Cour de justice, cooptés par leurs pairs, en permettant d'élire à cette fonction, outre ces derniers (qui ont rang de juges cantonaux dans les autres cantons), des juges au Tribunal administratif (qui est dans l'organisation judiciaire genevoise une juridiction de rang comparable à la Cour de justice), d'anciens magistrats de ces mêmes juridictions, des professeurs de droit à l'Université ou des personnes ayant des qualifications équivalentes. De surcroît, en prévoyant l'élection du président par le Parlement, on renforce encore sa légitimité, ce qui va dans le sens des exigences du Tribunal fédéral en matière de reconnaissance du caractère supérieur d'une juridiction. Le recours au Grand Conseil pour le choix du président permet aussi aux partenaires sociaux de donner leur avis sur cette question importante, et cela dans le but d'éviter une possible désaffection de la CRCT, si le juge choisi ne satisfaisait pas les parties en cause. Il est en effet essentiel que l'élu fasse l'unanimité.
lettre b)
Par rapport au projet de loi du Conseil d'Etat, un nombre plus important de suppléants pour les juges assesseurs a été prévu, et ce afin de pouvoir faire face, sans trop de difficultés, aux remplacements nécessaires pour cause d'indisponibilité ou de récusation.
Article 4 Désignation du président et des membres
alinéa 1
D'emblée la commission a souhaité qu'un suppléant, répondant aux mêmes critères de compétence, soit nommé par notre Conseil en même temps que le président de la CRCT. Pour parer à toute éventualité, la commission a prévu en outre la possibilité d'une suppléance extraordinaire (c'est-à-dire en cas d'indisponibilité tant du président, que du suppléant dûment désigné par le Grand Conseil) par le biais des juges de la Cour de justice. Il importe en effet que la pérennité du fonctionnement de la CRCT soit assurée, et ce quels que soient les cas de figure envisagés.
alinéa 2
Hormis quelques modifications de vocabulaire destinées à assurer la cohésion de la présente loi avec la loi sur la juridiction des prud'hommes votée récemment par notre Grand Conseil (salariés au lieu de travailleurs et titulaires à la place de délégués), la modification essentielle a consisté à préciser que les juges assesseurs - qui sont choisis paritairement parmi les juges prud'hommes - doivent avoir l'expérience qui leur permet d'être éligibles à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes. Il importe en effet d'offrir à la CRCT les meilleurs gages de compétence et cela permet de surcroît de renforcer le caractère d'autorité judiciaire supérieure conféré à la CRCT et qui a été évoqué ci-dessus à propos du choix de la présidence.
Article 5 Fin des fonctions
Cet article, de conception plus large que l'article 3, alinéa 3 du projet de loi initial du Conseil d'Etat, est destiné à le remplacer. Il vise à instaurer une symétrie complète entre les fonctions de juge assesseur de la chambre et de juge prud'homme. Les conditions d'éligibilité étant les mêmes, il se justifiait de prévoir le même parallèle s'agissant de la fin des fonctions. A titre exemplatif, il s'agit de viser par ce biais l'atteinte de la limite d'âge, le fait pour un juge salarié de se retrouver employeur ou l'inverse, le changement de domicile hors du canton, etc.
Article 6 Récusation
Sur proposition du département, la commission a jugé utile d'introduire un article spécifiant les causes de récusation et la façon de juger de telles demandes.
Cette disposition est calquée sur celle analogue figurant dans la loi sur la juridiction des prud'hommes, à l'exception de l'alinéa 6. En effet, compte tenu de l'élargissement des possibilités de choix pour la présidence de la CRCT, il a paru préférable de confier au Conseil supérieur de la magistrature le soin de juger les demandes de récusation dirigées simultanément contre tous les juges de la chambre ou une majorité d'entre eux.
Article 8 Instance de conciliation
alinéa 2
Le texte du projet de loi du Conseil d'Etat a été légèrement modifié quant à la forme, afin qu'il soit bien clair qu'en cas de conciliation le procès-verbal de l'audience signé par les parties, le président et le secrétaire déploie tous les effets d'un jugement définitif et exécutoire rendu par un tribunal du canton. De ce fait, il vaut notamment titre de mainlevée définitive au sens de l'article 80 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP).
Article 9 Instance de jugement
Cette compétence est totalement nouvelle par rapport au rôle actuellement attribué à l'Office cantonal de conciliation.
alinéa 1
La chambre est tout d'abord compétente pour juger tout litige relatif à l'interprétation et à l'application d'une convention collective de travail à la demande des parties contractantes ou de l'une d'entre elles. Cet alinéa vise spécifiquement les conflits entre signataires de la CCT, qui sont la plupart du temps des associations professionnelles d'employeurs et des syndicats. Il n'est à cet égard pas nécessaire que les deux parties en conflit agréent à la compétence de la CRCT, la demande d'une seule d'entre elles suffisant.
alinéa 2
La chambre sera également compétente pour juger tous les litiges opposant les parties à une convention collective de travail à un employeur ou un travailleur, et ce dans le cadre de l'exécution commune prévue à l'article 357b CO.
Il conviendra pour ce faire que la convention collective ait expressément prévu que les parties contractantes ont la possibilité de veiller ensemble - le cas échéant par voie judiciaire - à son respect à l'égard des employeurs et/ou travailleurs liés. D'autre part, comme son nom l'indique (exécution commune), la CRCT ne sera valablement saisie que pour autant que les parties contractantes de la CCT agissent de concert. Enfin - et aux mêmes conditions - cette compétence sera également reconnue à l'encontre d'employeurs ou de travailleurs non liés par la CCT, pour autant que le champ d'application de cette dernière ait été dûment étendu par un arrêté du Conseil fédéral ou du Conseil d'Etat.
Cette disposition est particulièrement importante, car elle devrait permettre d'agir judiciairement de façon rapide à l'encontre d'employeurs ou de travailleurs récalcitrants, et ce afin d'assurer un respect aussi solide que possible des conventions collectives de travail qui sont un outil extrêmement précieux pour préserver, d'une part la paix sociale et pour empêcher, d'autre part, que s'installent entre des entreprises des procédés de concurrence déloyale par le biais du dumping social.
Il va cependant de soi que tous les litiges relatifs à l'application et à l'interprétation d'une CCT ne deviennent pas par ce biais de la compétence de la CRCT. La chambre ne peut en effet être saisie que par les parties à la CCT et la juridiction des prud'hommes reste compétente s'il s'agit d'un conflit individuel, c'est-à-dire d'une demande déposée par un individu. Organiser les compétences autrement reviendrait à priver les prud'hommes d'une grande partie de leurs compétences, et le justiciable du double degré de juridiction. La chambre serait vite surchargée et ne pourrait pas traiter avec célérité les véritables conflits collectifs. Par contre, il va de soi que la décision prise, le cas échéant, par la CRCT contre un employeur à la demande des partenaires sociaux aura des effets indirects sur les litiges opposant les travailleurs de l'entreprise concernée à ce même employeur, ne serait-ce que parce que les prud'hommes pourront s'appuyer sur la solution adoptée par la chambre; il est même à prévoir que le règlement du litige collectif permettra tout naturellement, par économie de procédure, de concilier les litiges individuels, l'issue judiciaire pouvant alors être prédite avec une certaine assurance.
alinéa 3
Poursuivant sur la même lancée, la commission a considéré qu'il pourrait également être opportun de confier à la CRCT le soin de juger en droit d'autres litiges collectifs. Il faut en effet savoir que dans le domaine du droit du travail, pris dans son sens large, les organisations professionnelles se voient accorder de plus en plus la possibilité d'agir elles-mêmes en justice pour faire reconnaître - le plus souvent par la voie de l'action en constatation de droit - la violation de diverses dispositions légales.
Il en va notamment ainsi, en vertu de l'article 10 de la loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises, dunon-respect des droits de participation dans les domaines de la sécurité au travail et de la protection de la santé, du transfert de l'entreprise (art. 333 et 333a CO), et des licenciements collectifs (art. 335d à 335g CO). Ces nouvelles facultés reconnues aux associations professionnelles risquent d'ailleurs de s'étendre dans un avenir proche puisque, dans le cadre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, introduites par les accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, il est prévu de conférer aux organisations professionnelles la faculté d'agir directement en justice pour constater la violation de la future loi sur les travailleurs détachés, ainsi que le non-respect des salaires minimaux obligatoires institués par contrat type de travail.
Il se justifie pleinement que de tels litiges, qui ont éminemment une caractéristique collective puisqu'ils sont conduits par les organisations professionnelles, soient du ressort de la CRCT et non du Tribunal des prud'hommes, comme c'est actuellement le cas. La chambre, comme l'a souhaité la Commission judiciaire, doit en effet devenir l'instance spécialisée des relations collectives de travail, et l'on gagne ainsi en rapidité par rapport à la procédure prud'homale, puisque l'on évite notamment le double degré de juridiction cantonale, la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral étant bien évidemment sauve.
La commission a également choisi une formulation pour cet alinéa qui soit à la fois précise et en même temps suffisamment souple pour pouvoir s'adapter à l'évolution du droit fédéral qui donne de plus en plus de compétences aux partenaires sociaux. Précise, en ce sens que dans ce domaine seules des organisations professionnelles auront accès à la CRCT, car il est exclu que cette dernière traite de litiges individuels qui doivent rester, eux, de la seule compétence des tribunaux de prud'hommes. Précise encore, parce que bien évidemment seuls les litiges concernant les rapports de travail - et non n'importe quel litige soumis par une organisation professionnelle - pourront être soumis à la chambre. Souple enfin, au travers du renvoi au droit fédéral pour fixer les cas où une organisation professionnelle a - ou non - la qualité pour agir à titre personnel. On ne se borne ainsi pas à l'état du droit actuel, mais on permet à la CRCT de voir ses compétences évoluer automatiquement en fonction des nouvelles possibilités d'action que le législateur fédéral entendrait donner aux partenaires sociaux.
Ces nouvelles compétences de la chambre sont extrêmement précieuses, car il sera notamment possible aux organisations professionnelles de faire constater rapidement, par une décision judiciaire ayant force exécutoire, que, par exemple, les règles prévues par le code des obligations en matière d'information et de participation des travailleurs lors des licenciements collectifs n'ont pas été respectées. Ce constat n'aura certes, en raison des limites conférées au droit d'action judiciaire des organisations professionnelles (action en constatation de droit), pas d'effet direct sur les contrats individuels des travailleurs concernés par les licenciements collectifs. Il n'en demeure pas moins que la décision de la CRCT sera d'un poids considérable dans la négociation que les syndicats pourront entreprendre avec l'employeur, de même qu'elle facilitera grandement la résolution des litiges individuels par la juridiction des prud'hommes.
alinéa 4
Il est prévu que la chambre applique par analogie la procédure prévue par la loi sur la juridiction des prud'hommes, car cette procédure est bien connue tant des juges assesseurs que des parties qui seront amenées à saisir la CRCT. Il a par contre été prévu que la chambre serait habilitée, contrairement au Tribunal des prud'hommes, à prendre elle-même des mesures provisionnelles. Cela se justifie pleinement en raison, d'une part, de la nature des litiges - qui supposent de pouvoir, le cas échéant, agir avec une extrême rapidité - et, d'autre part, de la haute compétence voulue pour la CRCT, notamment au travers du choix de sa présidence.
alinéa 6
Les parties signataires de conventions collectives de travail ayant toujours la faculté de prévoir que leurs litiges seront soumis, non à la juridiction ordinaire, mais à un tribunal arbitral privé, il se justifiait de réserver expressément, à cet alinéa, cette possibilité.
Article 10 Instance d'arbitrage
Par rapport au projet de loi du Conseil d'Etat, le changement le plus notoire consiste à prévoir que la chambre statue comme tribunal arbitral public et que, de ce fait, le Concordat intercantonal sur l'arbitrage, du 27 mars 1969, ne lui est pas applicable.
L'accord de toutes les parties en présence sera indispensable pour que la CRCT soit habilitée à rendre une sentence arbitrale. Cet aspect volontaire de l'arbitrage se retrouve dans la détermination de la procédure applicable, puisque cette dernière sera déterminée par les parties elles-mêmes ou, à défaut d'accord, par le président. Il va cependant de soi que la compétence d'arbitrage de la CRCT est résiduelle puisqu'elle n'interviendra que lorsque la chambre ne sera pas habilitée, en vertu de l'article 9, à fonctionner comme instance de jugement.
Article 11 Huis clos
La commission a amendé le texte initial afin de préciser formellement que les débats devant la chambre devaient se faire à huis clos, lorsque celle-ci débattait en tant qu'instance de conciliation. Cette précision était rendue nécessaire par le fait que la mission de la CRCT a évolué au cours des débats, puisqu'elle devient organe de conciliation et de décision dans la nouvelle loi. Or, en vertu des garanties contenues notamment dans la Convention européenne des droits de l'lomme, il convient que, dans la stricte phase de jugement, les débats soient publics.
Article 12 Interdiction de médiatisation et de mesures de combat
Initialement la note marginale de cet article faisait référence aux mesures de représailles. La commission a considéré ce terme comme trop archaïque et lui a préféré celui de « mesures de combat » qui lui paraît d'ailleurs plus exact.
alinéa 1
La commission s'est d'abord accordée à mieux définir dans le temps de la portée de cette disposition pour l'ensemble des partenaires en conflit. La locution « pendant toute la durée de la procédure » figurant dans le texte du projet de loi du Conseil d'Etat pouvant apparaître comme légèrement imprécise, la commission lui a préféré les termes « jusqu'à la fin de la procédure de conciliation ». En d'autres termes cela signifie que dès que la procédure de conciliation est engagée, par exemple par le dépôt d'une requête auprès de la CRCT par une des parties en présence, et jusqu'à ce que la chambre constate formellement soit l'aboutissement de la conciliation, soit son échec, les mesures de combat et la médiatisation du litige doivent être considérées comme prohibées. Une telle disposition a pour vocation d'assurer un climat aussi paisible que possible à la procédure de conciliation et d'empêcher les parties de « jeter de l'huile sur le feu ». On peut d'ailleurs relever que l'article 28 du projet de nouvelle constitution fédérale va dans le même sens, puisqu'il ne considère la grève ou le lock-out comme licites qu'après l'épuisement de la voie de la conciliation.
Certains commissaires se sont déclarés surpris des anglicismes « lock out » et « boycott », mais une expression plus francophone n'a pas été retenue en ce qui concerne lock-out, aucun équivalent français n'existant en apparence, puisque même le projet de constitution fédérale a été contraint de faire référence à ce même terme. Par contre, « boycottage » a pu être préféré à boycott.
De surcroît, la commission a choisi de remplacer le terme de « publicité » figurant dans le texte initial du Conseil d'Etat, par celui de médiatisation. En d'autres termes, c'est la publicité destinée au grand public, en tant que mesure de combat, qui est visée par cette disposition. Par contre, il est clair que les organisations professionnelles peuvent librement informer, en interne, leurs membres de l'évolution de la situation, et notamment de la procédure de conciliation, sans crainte d'engendrer les foudres de la loi. Pour la commission, la médiatisation se distingue clairement de l'information au sein même d'un syndicat ou d'une association patronale et n'inclut donc pas cette dernière. La volonté affichée est, là encore, d'offrir un cadre serein aux protagonistes pour ne pas assister à une prise en otage des négociateurs par des éléments extérieurs au conflit.
alinéa 2
La commission a préféré un texte plus explicite que celui prévu initialement en exprimant clairement le montant des amendes. Par souci d'efficacité, il est d'autre part apparu comme préférable que ce soit la chambre qui puisse prononcer elle-même la sanction - qui se conçoit ainsi comme une contravention de procédure - plutôt que de renvoyer la punition à la procédure pénale usuelle, ce qui serait source de lourdeur et sans doute d'inefficacité.
Article 13 Information au public
Cette disposition correspond à la pratique actuelle de l'office. Lors d'un conflit de travail en phase de conciliation, il peut s'avérer adéquat que la CRCT puisse diffuser les renseignements nécessaires à un plus large public afin de mettre fin à des rumeurs contraires à l'esprit de conciliation qui anime cette juridiction. Cette information est aussi de nature à éviter des effets de domino lorsque le conflit concerne tout un pan de l'économie. Elle permet donc au juge de s'exprimer sur l'état de la procédure.
Dans certaines circonstances, le public est en droit d'être tenu au courant de la situation, en particulier sur les moyens mis en oeuvre pour résoudre un différend qui, en quelque sorte, pourrait dépasser les simples acteurs du conflit. Cet alinéa est donc complémentaire à l'article 12. Il ne peut constituer un moyen de pression sur l'une ou l'autre partie, et ne devrait dès lors s'appliquer qu'avec l'accord des protagonistes en cause. Le libellé de cette disposition se veut, à dessein, de n'être pas trop fermé pour laisser une certaine liberté d'action aux conciliateurs.
Article 14 Consultation des salariés
La chambre peut ainsi, en cas de conflit, organiser une consultation de l'ensemble des travailleurs afin, par exemple, de sonder ces derniers sur l'opportunité d'élaborer une convention collective de travail. Un tel dispositif pourrait en effet offrir une alternative à des moyens de lutte plus importants, tels que notamment la grève.
Là encore, le texte de la disposition se veut ouvert pour sauvegarder un espace d'inventivité aux conciliateurs.
Article 17 Secret de fonction
Il s'agit d'un simple rappel aux juges qu'ils sont soumis, comme les fonctionnaires, au secret de fonction dont l'irrespect est sanctionné par l'article 320 du code pénal. Ce rappel paraît nécessaire en particulier à l'égard des juges laïcs qui siègent au sein de la chambre.
Article 18 Indemnités
Les indemnités des juges membres de la chambre sont calquées sur les jetons de présence des juges prud'hommes. Le département n'a pas pu nous proposer un calcul des coûts, dans la mesure où les commissions judiciaires sont payées sur la base d'un travail horaire, tandis que les juges prud'hommes le sont à la séance.
Vis-à-vis des anciennes dispositions, il nous a été cependant répondu que ce système ne devrait pas avoir de réelle incidence sur les coûts annuels de fonctionnement de la CRCT, tout en permettant une harmonisation bienvenue des traitements entre cette juridiction et celle des prud'hommes qui lui est toute proche.
Article 20 Règlement d'exécution
Un amendement a été proposé souhaitant que : « le Conseil d'Etat édicte les conditions d'exécution de la présente loi après consultation des partenaires sociaux ». Cet amendement n'a pas été retenu, car cette précision est apparue inutile.
En effet, les commissaires voient mal l'exécutif adopter un règlement d'exécution de cette loi sans tenir compte d'éventuelles remarques des partenaires sociaux. Mais ce doute était apparu aux commissaires en apprenant que l'UAPG n'avait pas été consultée lors de l'élaboration du projet de loi initial. Ils ont estimé que cela n'était qu'une erreur fortuite de procédure.
Article 23 Modifications à d'autres lois
alinéa 1 (loi instituant un service des relations du travail, du6 octobre 1943)
Les modifications proposées sont de nature purement rédactionnelle et visent, pour l'essentiel, à adapter le texte à la nouvelle dénomination de la chambre.
alinéa 2 (loi sur la juridiction des prud'hommes, du 25 février 1999)
L'abrogation de l'article 1, alinéa 1, lettre e) de la loi sur la juridiction des prud'hommes récemment adoptée par notre Conseil s'impose, car cette compétence est désormais totalement reprise par la CRCT, conformément à l'article 9, alinéa 3 ci-dessus. Il importe par conséquent d'éviter un conflit positif de compétence entre deux juridictions cantonales qui serait source de difficultés importantes.
Pour le surplus, la modification de l'article 5 vise à adapter son libellé pour tenir compte des dispositions de la présente loi relatives à la désignation des juges assesseurs de la CRCT.
6. Vote final
Après trois débats, le projet de loi tel qu'amendé a été adopté à l'unanimité. Seul le premier article a été voté avec une abstention. La commission fait ainsi le voeu que notre Conseil puisse en faire de même. Les commissaires ne peuvent que rappeler l'urgence de cette loi, puisque la chambre n'a plus la base légale nécessaire pour édicter les contrats-types de travail, créant ainsi un vide juridique qu'il est essentiel de combler sans délai. La commission a jugé si urgent de légiférer qu'elle a été jusqu'à supprimer le précédent article 20 du projet de loi du Conseil d'Etat qui prévoyait de laisser le soin au gouvernement de fixer la date d'entrée en vigueur de la loi. Ainsi, toute perte de temps supplémentaire sera évitée, puisque, en vertu des dispositions légales applicables, la présente loi devra être promulguée pour être exécutoire dans tout le canton, sitôt l'échéance du délai référendaire.
Annexes : - Tableau comparatif - la lettre de l'UAPG - la lettre de la CGAS
Projet de loi(7582)
concernant la Chambre des relations collectives de travail
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 Constitution et tâches
1 La présente loi institue une Chambre des relations collectives de travail (ci-après la chambre) qui a les compétences suivantes :
2 La chambre est indépendante de l'administration.
Art. 2 Entreprises concernées
Les compétences de la chambre s'étendent à toutes les entreprises soumises ou non à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964.
Art. 3 Composition
1 La chambre est composée :
2 Le président est assisté d'un fonctionnaire du greffe de la chambre pour tenir le procès-verbal.
Art. 4 Désignation du président et des membres
1 Tous les 6 ans, au début de chaque législature prud'homale, le Grand Conseil élit le président de la chambre et son suppléant. Les juges de la Cour de justice peuvent suppléer ces derniers en cas de besoin.
2 Les juges assesseurs et leurs suppléants sont désignés de la manièresuivante :
3 Les mandats du président, des juges assesseurs ainsi que de leurs suppléants sont renouvelables.
Art. 5 Fin des fonctions
Les fonctions de juge assesseur de la chambre prennent fin simultanément à celles de juge prud'homme.
Art. 6 Récusation
1 Tout juge est récusable :
2 Tout juge qui a connaissance d'une cause de récusation sur sa personne est tenu de la déclarer à la chambre, qui décide s'il doit s'abstenir.
3 Au surplus, les articles 85, 88, 90 à 92, 96, 97 et 100 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, sont également applicables.
4 Le président indique aux parties, au début de l'audience, les noms des juges appelés à siéger.
5 La demande de récusation est jugée immédiatement à huis clos en l'absence du juge dont la récusation est demandée.
6 Les demandes de récusation dirigées simultanément contre tous les juges de la chambre ou une majorité d'entre eux sont jugées par le Conseil supérieur de la magistrature.
Art. 7 Greffe de la chambre
Le greffe de la chambre est organisé selon la loi instituant un service des relations du travail, du 6 octobre 1943.
Art. 8 Instance de conciliation
1 La chambre intervient d'office, à la requête d'une autorité ou d'intéressés. Le règlement d'exécution détermine la procédure applicable.
2 En cas de conciliation, l'accord des parties, revêtu de la signature du président et du secrétaire, déploie les effets d'un jugement exécutoire.
3 En cas d'échec de la conciliation, la chambre peut émettre une recommandation.
4 Si la recommandation n'est pas acceptée par toutes les parties intéressées, le Conseil d'Etat peut, exceptionnellement, désigner un médiateur ou tenter lui-même une conciliation.
Art. 9 Instance de jugement
1 La chambre est de plein droit compétente pour juger tout litige relatif à l'interprétation ou à l'application d'une convention collective de travail à la demande des parties contractantes ou de l'une d'entre elles.
2 Cette compétence s'étend également aux litiges entre les parties à une convention collective de travail, et un employeur ou un travailleur, au sens de l'article 357b CO (exécution commune).
3 La chambre est également compétente pour trancher tout litige qui lui est soumis par une organisation professionnelle, lorsque celle-ci a la qualité pour agir selon le droit fédéral et que le litige concerne les rapports de travail.
4 La chambre applique, par analogie, la procédure prévue par la loi sur la juridiction des prud'hommes. Elle peut prendre des mesures provisionnelles.
5 L'arrêt de la chambre est exécutoire sous réserve de recours au Tribunal fédéral.
6 Est réservée la compétence des tribunaux arbitraux privés institués par les conventions collectives de travail.
Art. 10 Instance d'arbitrage
1 La chambre peut statuer comme Tribunal arbitral public sur tout litige qui lui est soumis d'entente entre les parties.
2 La procédure est déterminée par accord entre les parties ou, à défaut d'accord, par le président. La chambre peut prendre des mesures provisionnelles.
3 Le concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 mars 1969 n'est pas applicable.
4 La sentence de la chambre n'est pas susceptible de recours sur le plan cantonal.
Art. 11 Huis clos
Les débats devant la chambre, en tant qu'instance de conciliation, ont lieu à huis clos.
Art. 12 Interdiction de médiatisation et de mesures de combat
1 Jusqu'à la fin de la procédure de conciliation, les parties doivent s'abstenir de toute médiatisation et de toutes mesures de combat telles que suspension générale ou partielle du travail, grève, lock-out, boycottage.
2 Celui qui enfreint l'interdiction statuée à l'alinéa premier est passible d'une amende de 1 000 F au maximum et de 5 000 F au maximum en cas de récidive, sans préjudice des autres peines prévues par les lois pour des infractions déterminées. Cette amende est prononcée par la chambre.
Art. 13 Information du public
Si elle le juge opportun, la chambre renseigne le public par voie de communiqué de presse sur l'état de la procédure de conciliation.
Art. 14 Consultation des salariés
Dans le cadre de sa mission de conciliation, la chambre peut notamment organiser la consultation des salariés.
Art. 15 Gratuité de la procédure
1 La procédure est en principe gratuite pour les parties.
2 Selon les circonstances, la chambre peut toutefois mettre tout ou partie des frais et débours à la charge des parties.
Art. 16 Conservation des actes de procédure
Les requêtes et autres pièces, les procès-verbaux, recommandations, transactions conciliatoires et sentences sont conservés en original au greffe de la chambre.
Art. 17 Secret de fonction
Les personnes désignées à l'article 3 de la présente loi, ainsi que le médiateur, sont tenus de garder le secret absolu sur les renseignements, documents et pièces dont ils ont connaissance dans les fonctions que la présente loi leur confère.
Art. 18 Indemnités
Les membres de la chambre reçoivent des jetons de présence suivant, par analogie, le tarif fixé par le Conseil d'Etat pour les juges prud'hommes, respectivement les présidents de la Cour d'appel.
Art. 19 Personnes citées et pénalités
1 Les personnes citées par la chambre sont tenues, sous peine d'amende, de comparaître, de prendre part aux débats et de fournir tous renseignements.
2 En cas d'infraction, elles sont passibles d'une amende pouvant s'élever à 1 000 F et 5 000 F en cas de récidive. Cette amende est prononcée par la chambre.
Art. 20 Règlement d'exécution
Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de la présente loi.
Art. 21 Clause abrogatoire
Sont abrogées :
Art. 22 Disposition transitoire
La loi s'applique aux requêtes dont l'office cantonal de conciliation était saisi au moment de son entrée en vigueur.
Art. 23 Modification à d'autres lois
1 La loi instituant un service des relations du travail, du 6 octobre 1943, est modifiée comme suit :
Art. 4 (nouvelle teneur)
Le service fonctionne comme greffe et secrétariat de la Chambre des relations collectives de travail, en préparant les audiences et en mettant à disposition un secrétaire qui tient le procès-verbal.
Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le service reçoit et examine toutes les réclamations qui lui parviennent et qui sont de la compétence de la Chambre des relations collectives de travail.
Art. 5, al. 2 (nouvelle teneur)
2 S'il s'agit de différends d'ordre collectif, il constitue le dossier, réunit la documentation nécessaire et communique le tout à la Chambre des relations collectives de travail.
Art. 5, al. 3, dernière phrase (nouvelle teneur)
3 ... Sur la base de cette enquête et pour autant qu'entre-temps un accord ne soit pas intervenu, il soumet un rapport à la Chambre des relations collectives de travail.
Art. 5, al. 4 (abrogé)
Art. 6, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En cas de défaut non excusable, elles peuvent être citées à leurs frais devant la Chambre des relations collectives de travail.
2 La loi sur la juridiction des prud'hommes (juridiction du travail), du25 février 1999, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 1, lettre e (abrogée)
Art. 5 Désignation des membres de la Chambre des relations collectives de travail (nouvelle teneur)
1 Immédiatement après la prestation de serment, employeurs et salariés se réunissent en deux assemblées distinctes.
2 Chacune des assemblées désigne en son sein, parmi les juges prud'hommes éligibles à la Cour d'appel, et à la majorité relative, 2 titulaires et 8 suppléants qui siègent à la Chambre des relations collectives de travail.
ANNEXE 1
394041424344454647484950515253545556575859606162636465
ANNEXE 2
ANNEXE 3
68697071727374
1 Annexe au rapport : lettres M. Froidevaux et G. Aubert
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Premier débat
Le président. Un complément au rapport a été distribué sur les tables des députés. Monsieur Froidevaux, je vous laisse expliquer ce document. Par ailleurs, je tiens à annoncer que trois amendements ont déjà été déposés sur le bureau.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Je demande en effet à cette assemblée d'accepter une manière de faire un peu originale ce soir. Le rapport de la commission était extrêmement urgent, car l'ancien office de conciliation - appelé dorénavant chambre des relations collectives de travail - manquait de légitimité pour rendre le droit. Aussi ai-je dû rédiger mon rapport durant les vacances pascales, et la rencontre que nous avions prévue avec les partenaires sociaux s'est déroulée après que je l'eus rendu. C'est la raison pour laquelle vous avez reçu ce complément, qui permet notamment de donner aux Syndicats patronaux les explications suffisantes, l'éclairage nécessaire à notre projet de loi, de façon qu'il soit parfaitement compris par l'ensemble des partenaires qui en seront les usagers.
Cela dit, je dois apporter quelques petites corrections à ce rapport, rédigé rapidement. A la page 24, quatrième ligne, je fais référence au droit au travail. Tout le monde aura compris que c'est le droit du travail, le droit au travail étant évidemment inexistant ! A la page 31, article 1, alinéa 1, lettre e), le tribunal arbitral ne prend pas de capitale. A la page 32, article 4, alinéa 2, lettre c), il convient d'écrire absence au singulier. A la page 33, article 6, alinéa 2, il faut ajouter une virgule après le mot chambre, et à l'alinéa 4, il convient d'écrire : «...les noms des juges...». Enfin, à la page 36, article 4, la mention et secrétariat est à supprimer.
Pour la clarté des débats, je suggère que, dans le Mémorial, on fasse figurer le complément que vous avez actuellement sous les yeux à partir de l'article premier jusqu'à l'article 13. Enfin, je souhaite que figure aussi la lettre de Gabriel Aubert, qui a relu ce rapport la semaine dernière et a fait certaines observations concernant notamment l'arbitrage public et privé.
Mme Christine Sayegh (S). L'office cantonal de conciliation et d'arbitrage qui fait l'objet du présent projet de loi fonctionne, comme l'a rappelé le rapporteur, depuis 1918. Toutefois, les compétences de cet office reposaient essentiellement sur une base réglementaire, insuffisante selon l'analyse du Tribunal fédéral. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a proposé ce projet de loi.
Le travail en commission ne s'est pas limité à convertir un règlement en loi, mais a pris en considération la pratique de l'office. Les propositions des praticiens, des partenaires sociaux, ainsi que les conseils pertinents et avisés du professeur Gabriel Aubert, qui siégeait en qualité d'expert de la commission, ont contribué à présenter ce soir un projet de loi conforme, qui devrait permettre à la nouvelle Chambre des relations collectives de travail d'accomplir sa mission et de gagner en efficacité.
Dans cette perspective, les partenaires sociaux, ainsi que le professeur Aubert que nous venons de citer, ont suggéré quelques amendements après le dépôt du rapport et je propose, pour la clarté des débats, de prendre ces amendements en deuxième débat. Ils ne remettent pas en cause le fond même du projet de loi, mais précisent certaines modalités.
Le vote de ce projet de loi, vous l'aurez compris, est important et il devrait avoir lieu ce soir, car sans base légale les contrats types concernant quelque 15 000 employés restent actuellement sans effet juridique.
M. Christian Grobet (AdG). Le groupe de l'Alliance de gauche aimerait se féliciter du travail qui a été fait en commission judiciaire et qui a permis de modifier sensiblement le projet de loi initial du Conseil d'Etat. Celui-ci visait à donner la base légale indispensable à la Chambre des relations collectives de travail, dont je vous rappelle qu'une des décisions avait été cassée par le Tribunal fédéral en raison précisément de l'absence de base légale instituant cette chambre.
Le projet de loi du Conseil d'Etat était un projet très succinct et il est apparu nécessaire qu'il soit sensiblement amélioré, pour donner à cette chambre les compétences souhaitables dans le domaine des relations collectives de travail. J'aimerais profiter de cette occasion pour remercier le professeur Gabriel Aubert de ses propositions et compléments qui donnent aujourd'hui une véritable stature à ce projet de loi.
J'ai relu attentivement la note complémentaire de M. Froidevaux, explicitant certains commentaires article par article. Je n'ai pas d'observation particulière si ce n'est celle dont je vous ai fait part tout à l'heure, Monsieur Froidevaux. J'avais un doute en ce qui concerne la dernière phrase du commentaire de l'article premier, aliéna 1, lettre a), où vous indiquez que «les associations professionnelles ne peuvent être ainsi directement concernées», alors même que sous le commentaire de l'article 9, vous relevez que «les organisations professionnelles disposent d'un droit à agir personnellement en justice», ce que vous rappelez également dans le commentaire de l'alinéa 3 du même l'article 9.
J'ai donc pris contact à ce sujet avec le professeur Aubert, qui estime qu'effectivement la dernière phrase du commentaire de l'article premier, alinéa 1, lettre a) n'est pas claire, n'est pas correcte. Je vous transmets simplement ce qu'il m'a dit, cela n'enlève rien au mérite de la note en question, et je tiens d'ailleurs à remercier M. Froidevaux pour l'important travail qu'il a effectué et qui n'était pas facile pour un non-juriste. Si je me suis permis de faire cette petite observation, Monsieur Froidevaux, c'est que j'avais un doute et que M. Aubert, qui nous a guidés dans toute cette affaire, l'a levé dans le sens que je viens d'indiquer.
J'aimerais enfin souligner qu'il sera effectivement nécessaire d'adopter la modification que propose M. Aubert, dans sa lettre, à l'alinéa 4 de l'article 10. C'est un toilettage rédactionnel qui permet de préciser que la sentence arbitrale a bel et bien valeur de jugement, ce qui n'était pas évident dans la mesure où ce même article exclut l'application du concordat intercantonal en matière d'arbitrage. Le professeur Aubert met en évidence que les arbitrages rendus par cette Chambre des relations collectives de travail sont des arbitrages de droit public et non des arbitrages de droit privé. En l'occurrence, je remercie M. Froidevaux d'avoir joint à sa note cette lettre de M. Gabriel Aubert, car les explications que donne ce dernier sur la distinction entre l'arbitrage public et l'arbitrage privé sont particulièrement importantes. Cette question était litigieuse en raison de la prise de position du précédent président de la chambre, qui avait considéré que les arbitrages relevaient du droit privé et ceci manifestement à tort. Par voie de conséquence, je remercie le rapporteur ainsi que le professeur Aubert des compléments d'explications qu'ils ont fournis.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Je remercie M. Grobet pour ses aimables propos. Toutefois, je souhaiterais mieux comprendre les remarques que M. Gabriel Aubert lui aurait faites.
L'explication de texte que je donne pour l'article premier, alinéa 1, lettre a) dit que les associations professionnelles ne sont pas directement concernées, dans la mesure où il faut un conflit du travail préexistant, qui porte sur les relations de travail, pour qu'effectivement, ensuite, les associations professionnelles puissent être mises en cause. Mais elles ne sont pas convocables dans un premier temps. Ce sont les parties en cause qui font ensuite, cas échéant, référence aux associations professionnelles - c'est ce que j'ai compris de notre travail législatif - et ceci n'est évidemment pas en contraction avec l'article 9. Voilà la compréhension que j'ai du texte.
M. Michel Balestra (L). Le Tribunal fédéral a confirmé à notre Grand Conseil que du provisoire qui dure quatre-vingts ans, s'agissant d'édicter une loi instituant une chambre de conciliation, c'est trop ! James Fazy aurait pu nous proposer cette loi ; c'est le radical Ramseyer qui relève le gant, l'honneur est donc sauf !
Il était temps de faire notre travail, ou le travail de nos lointains prédécesseurs. La commission a travaillé rapidement, et pourtant très sérieusement. Mais nul n'est parfait et les critiques dans les différents milieux n'ont pas manqué.
Cette chambre de conciliation et d'arbitrage doit être au service des partenaires sociaux et les quelques amendements proposés, d'où qu'ils viennent, sont de nature à clarifier une volonté politique unanime de la commission. Volonté clarifiée par la note complémentaire du rapporteur, puisque les choses vont parfois mieux en étant clairement dites.
Je vous propose de soutenir les amendements déposés par mes collègues et je leur demande de faire de même avec celui que je vous proposerai à l'article 13. Cette inquiétude de ne pas être suffisamment consultés est la base de tous ces amendements. Ils nous sont proposés, votons ce projet amendé ! C'est un bon projet, de nature à donner le poids et l'efficacité que la chambre de conciliation et d'arbitrage mérite et doit avoir. Nous passerons ainsi d'une illégalité de quatre-vingts ans à une efficacité du troisième millénaire !
M. Rémy Pagani (AdG). En commission, nous avons travaillé avec diligence sur ce projet de loi et nous avons mis fin, comme l'a dit M. Balestra, à quatre-vingts ans de no man's land juridique. Nous avons essayé de faire en sorte que les 15 000 personnes concernées aujourd'hui par l'absence de cadre légal et notamment de contrats types soient rapidement protégées, puisque ce sont les plus faibles d'entre nous, notamment le personnel de maison et le personnel agricole.
Nous avons essayé aussi - j'imaginais que nous y étions parvenus, mais j'ai maintenant un doute suite aux modifications et interprétations qui sont proposées - de mettre en place une instance efficace d'arbitrage et de justice concernant l'application des conventions collectives. Nous avons souhaité permettre aux partenaires sociaux de saisir la chambre pour faire appliquer la convention collective à un employeur qui l'aurait signée et qui y dérogerait sciemment.
Cela rappelé, ce soir un certain nombre de choses me paraissent bizarres. Il était effectivement juste de soumettre le projet de loi aux partenaires sociaux, mais je ne suis pas d'accord avec l'interprétation qui est faite de certains arguments, ni avec certaines des modifications proposées. Par exemple, M. Froidevaux nous a dit tout à l'heure qu'à l'article 4, page 36, stipulant que «le service fonctionne comme greffe et secrétariat de la Chambre des relations collectives du travail», il convenait de supprimer la mention du secrétariat. Nous avons longuement discuté de ce problème en commission et je vois mal qui va convoquer les parties, qui va convoquer la chambre, si ce n'est le secrétariat de l'OCIRT, à moins que M. Froidevaux imagine créer un greffe élargi ou une nouvelle structure, qui n'ont pas été discutés en commission. En ce qui me concerne, et en tant que commissaire, j'estime qu'il faut en rester au texte que nous avons voté.
Autre problème : d'après l'interprétation de M. Froidevaux, la chambre de conciliation, quand elle est saisie par des partenaires sociaux d'une demande de contrat type, pourrait ne pas répondre à cette demande. Or, quand nous avons auditionné l'ambassadeur suisse auprès des organisations internationales en ce qui concerne le personnel de maison des ambassades, l'ensemble des commissaires ont été d'accord pour reconnaître que, pour ce personnel, les ambassades pouvaient valablement, si elles le jugeaient nécessaire, demander à cette nouvelle chambre de conciliation un contrat type et que la chambre devait entrer en matière. En l'occurrence, Monsieur Froidevaux, vous interprétez mal les orientations de la commission. La commission voulait que les partenaires sociaux demandeurs d'un contrat type de travail soient entendus et qu'une procédure soit mise en route dès qu'une des parties le demande.
Un autre point qui me semble poser problème concerne l'article 13, et nous y reviendrons puisqu'un amendement est proposé. S'agissant de la publication des débats en cas de conflit, il est évident que la chambre ne doit pas rompre des lances de manière publique contre l'une ou l'autre des parties ; nous en sommes conscients et nous avons travaillé à ce que le huis clos soit garanti. Toutefois, nous avons réservé la possibilité au président de pouvoir, en tout temps, faire part de l'état des négociations pour notamment calmer le jeu. Or, Monsieur Froidevaux propose un amendement précisant qu'il ne peut le faire qu'avec l'accord des parties. Je rappelle ici, pour la forme, que la loi fédérale sur l'office fédéral de conciliation de 1949 prévoit en son article 4, alinéa 3, la possibilité pour l'office d'informer le public, même sans l'accord des parties. J'espère donc que le rappel de cette disposition fédérale vous convaincra de maintenir l'article 13 tel qu'il a été libellé.
Voilà globalement ce que j'avais à dire sur ces dérapages, que je mets sur le compte de l'inexpérience de M. Froidevaux à l'égard de cette chambre de conciliation. C'est vrai que le sujet est délicat et difficile, même pour moi qui le pratique depuis longtemps.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. J'ai entendu les quelques remarques de M. Pagani. Il faut savoir que je n'ai pas proposé d'amendements. J'entends être le fidèle rapporteur de nos travaux de commission et espère avoir fait passer l'esprit de notre travail. Il est vrai que l'interprétation peut toujours différer sur quelques petits détails et c'est la raison pour laquelle nous en débattons ce soir.
Concernant les modifications que j'ai proposées, ce ne sont que des modifications de forme. Je proposais, entre autres, de supprimer le mot secrétariat à l'article 4 (nouvelle teneur) de la page 36 et de ne garder que le mot greffe, car c'est le terme qui est utilisé du point de vue juridictionnel. Si on introduisait le mot secrétariat, il faudrait l'introduire à d'autres endroits et c'est pourquoi M. Aubert nous proposait de nous contenter du mot greffe. Mais il n'y a pas là d'intention politique, c'est un simple toilettage de la part de M. Gabriel Aubert.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.
Art. 3, al. 1, lettre a)
Le président. Nous sommes en présence d'un amendement signé de M. Charles Beer et de Mme Christine Sayegh.
M. Charles Beer (S). Il convient de compléter cet article 3 en préconisant qu'on prenne au moins la température des partenaires sociaux lors de la nomination du président et des instances de cette chambre de conciliation.
Pour le président, cela paraît évident, dans la mesure où la pratique de l'actuel office cantonal de conciliation montre à quel point le choix du président ou de la présidente est important. Ainsi, nous avons vécu, dans l'activité de cet office, un certain nombre de difficultés, non pas que telle ou telle partie, que ce soit le milieu syndical ou le milieu patronal, déplore un déséquilibre permanent en faveur de l'autre partie, mais tout simplement parce que tel ou tel président n'a pas forcément la vocation d'aller à la rencontre des problèmes soulevés par les partenaires sociaux en saisissant l'office de conciliation, respectivement, dans le nouveau projet, la Chambre des relations collectives de travail.
Nous souhaitons donc, par rapport au rôle de la conciliation et, le cas échéant, d'un jugement, que la personne retenue le soit après consultation des partenaires sociaux. L'amendement va peut-être un peu loin en parlant de président «proposé par les partenaires sociaux» ; on pourrait parler de simple consultation, mais l'important est qu'il y ait en tout cas un dialogue, de manière que le président bénéficie d'une légitimité, d'une reconnaissance de la part des partenaires sociaux, gage d'efficacité dans le lourd travail qui l'attendra.
Je signale à ce propos que nombre de tribunaux arbitraux privés fonctionnent dans le cadre de conflits relatifs aux conventions collectives de travail et que rares sont les cas où il y a des difficultés quant à la désignation d'un arbitre en commun. La simple consultation paraît donc, pour le moins, être le bon sens.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons étudié cette proposition d'amendement, et je me réjouis de voir M. Beer rallier la proposition de sous-amendement que j'allais vous faire. Les termes «proposés par les partenaires sociaux» nous paraissent en effet un peu restrictifs, voire coercitifs, et il nous semble plus juste d'écrire : «...après consultation des partenaires sociaux». Effectivement, comme l'a relevé à juste titre le préopinant, les partenaires doivent être consultés afin que la personne élue par notre Grand Conseil bénéficie d'une large reconnaissance parmi l'ensemble des acteurs du monde du travail.
M. Bernard Annen (L). Une fois n'est pas coutume : je partage ce qui vient d'être dit et plus exactement ce qui a été dit par M. Beer. Effectivement, la consultation des partenaires sociaux me paraît totalement indispensable de façon que le président bénéficie au moins de la caution des partenaires sociaux face à un litige qui pourrait survenir. C'est dire que je crois que la solution de M. Beer est une bonne solution. Maintenant, est-elle coercitive ? Je ne le crois pas, Monsieur Pagani. Quant à moi je me rallierais plutôt à la proposition de M. Beer, mais la vôtre est quasiment identique, sauf si - et c'est la question que je me pose - vous avez des arrière-pensées en faisant cette contre-proposition. A mon sens, les deux propositions sont quasiment les mêmes et si, dans l'esprit des proposants, ce sont aussi les mêmes, je me rallierai à celle qui réunira la plus large majorité.
C'est dire que si M. Beer accepte la contre-proposition de M. Pagani, je le suivrai. Si M. Beer en revanche, comme moi, estime que sa proposition donne un peu plus de crédit à l'avis des partenaires sociaux, je me rallierai à sa position. Je prétends que la proposition de M. Beer donne en quelque sorte plus d'importance à la position et aux propositions des partenaires sociaux et c'est celle que je soutiendrai de préférence.
Le président. Avant de passer la parole à M. Balestra, je voudrais préciser que les amendements doivent être déposés sur le bureau du Grand Conseil et que pour le moment nous n'avons reçu qu'un seul amendement.
M. Michel Balestra (L). A la rédaction de cet article 3, nous avons voulu que le président et son suppléant soient des hommes de qualité pour une chambre de conciliation et d'arbitrage de qualité. La proposition de notre collègue Beer est une vraie bonne idée, car le risque de remise en cause du président, s'il ne trouve pas la caution des partenaires sociaux, est un risque important.
La priorité que notre Grand Conseil a voulu assigner à cette chambre de conciliation et d'arbitrage, c'est justement la conciliation. Or, comment atteindre les objectifs de conciliation si le président ne fait pas l'objet d'un consensus de la part des partenaires sociaux ? Que le président soit proposé par les partenaires sociaux est une meilleure solution que la consultation proposée par M. Pagani. Mais qui veut le plus veut le moins : je voterai donc l'amendement de M. Beer et, si nous sommes battus, celui de M. Pagani.
M. Charles Beer (S). Je crois que le problème technique qui peut se poser avec la formulation de notre amendement, c'est un blocage en cas de désaccord entre les partenaires sociaux. Il convient d'éviter tout blocage lors de la désignation du président de la nouvelle instance et c'est pourquoi j'étais tenté de dire que la consultation, qui permet de prendre le pouls, était le bon sens. Il est évident qu'il doit y avoir recherche d'une large légitimité, mais nous ne voulons en aucun cas introduire, à travers notre amendement, un risque de blocage de cette nouvelle chambre de conciliation.
M. Carlo Lamprecht. Il est vrai que cette consultation doit avoir lieu, elle est importante pour la crédibilité du président, mais comme vient de le souligner M. Charles Beer, s'il y avait désaccord entre les partenaires sociaux, nous nous trouverions devant une impasse. Aussi, j'estime que la proposition de M. le député Pagani est meilleure.
M. Charles Beer (S). En accord avec ma collègue Mme Sayegh, nous retirons notre amendement et nous nous rallions, comme le Conseil d'Etat, à la proposition de M. Pagani.
M. Michel Balestra (L). Je reprends l'amendement de M. Beer !
M. Claude Blanc (PDC). L'amendement de M. Pagani n'est qu'un ajout à celui de M. Beer... (Remarque.) Non ?
Le président. Non, Monsieur Blanc, ce sont deux phrases différentes.
M. Bernard Annen (L). Je comprends bien le souci du Conseil d'Etat en ce qui concerne le blocage, mais ce qui me gêne, c'est que la consultation est un degré inférieur par rapport à la proposition. A mon sens, il serait plus intelligent de dire : un, il y a proposition des partenaires sociaux et deux, en cas de blocage, le Grand Conseil s'en saisit. Je crois que cela donnerait beaucoup plus d'importance à la position des partenaires sociaux. Il ne s'agit d'ailleurs pas tellement de mettre en avant les partenaires sociaux, mais plutôt d'éviter que, pendant toute une législature, il y ait conflit suite à la nomination du président.
Jusqu'à aujourd'hui cela a toujours bien fonctionné et il n'y a jamais eu de blocage, de conflit entre les partenaires sociaux à propos de la désignation d'une personne ou d'une autre. Je pense donc qu'il faut prévoir une proposition par les partenaires sociaux et, en cas de blocage, que le parlement arbitre.
La proposition de M. Pagani, si elle est raisonnable, ne met pas en avant - et je m'adresse à lui en tant que partenaire social - la crédibilité des partenaires sociaux, et je le regretterais, Monsieur Pagani. En effet, je crois que, dans les conflits du travail, l'important - et c'est la seule raison qui me fait plaider dans ce sens-là - c'est justement qu'il y ait accord sur la forme, de manière à ce que les gens puissent trancher de manière totalement indépendante sur le fond.
Le président. Avant de donner la parole aux orateurs qui ont encore demandé la parole, je poserai une question à propos de cet amendement. Lorsqu'on parle de consultation des partenaires, qui consultera ? Le Grand Conseil ? la chambre ? le président ? J'aimerais bien qu'on réponde à cette question.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, vous avez bien fait de mettre le doigt sur ce problème, un parmi d'autres. Je vous répondrai que le règlement d'exécution qui devra être établi par le Conseil d'Etat pourra régler cette question.
Cela dit, je constate que M. Annen en arrive à une troisième solution, qui rejoint du reste une proposition que nous avions faite en commission et qui a été rappelée par M. Froidevaux, à savoir que le président de cette chambre soit élu par le Grand Conseil dans une élection ouverte et non fermée. Mais c'est en l'occurrence un débat de commission, Monsieur Annen, et il n'est pas sérieux de faire ainsi, en séance plénière, une troisième proposition, qui n'est même pas formulée sous forme d'amendement.
Ces questions sont relativement délicates et quand on parle de désigner un président sur proposition des partenaires sociaux, il peut déjà y avoir un litige quant à savoir qui sont les partenaires sociaux habilités à présenter cette candidature. Par ailleurs, est-il légitime que seules certaines personnes aient le privilège de faire des propositions, et que d'autres soient exclues ? Dire que le président doit être élu sur proposition des partenaires sociaux pourrait mener à des impasses juridiques, à des recours de tierces personnes qui prétendraient aussi faire des propositions.
Je crois donc que la solution proposée par M. Pagani, à laquelle M. le conseiller d'Etat Lamprecht et M. Beer se sont ralliés, est juridiquement la plus sage - à moins que certains veuillent renvoyer cette affaire en commission, ce qui serait regrettable. Prévoir la simple consultation des partenaires sociaux est effectivement une solution plus souple. Si par hasard on oubliait un partenaire, ce ne serait pas une cause d'invalidation de l'élection, alors que la proposition par les partenaires sociaux risque de poser des problèmes juridiques.
Par voie de conséquence, il serait plus sage de partir sur la proposition de M. Pagani. Et s'il devait s'avérer, lors de la première désignation de ce président, que l'on ne tient pas compte de l'avis des partenaires sociaux, il serait toujours temps de compléter la loi dans un sens plus précis. Quoi qu'il en soit, les autres solutions qui ont été évoquées ce soir ne me paraissent pas satisfaisantes sur le plan juridique.
M. Charles Beer (S). Je voudrais insister une dernière fois sur le fait que la volonté des partenaires sociaux eux-mêmes, exprimée lors d'une entrevue très récente, était d'être consultés avant cette nomination, je dis bien consultés. Mme Sayegh et moi avons tenu, par le biais de notre amendement, à ce qu'on ne les oublie pas, quitte à aller un peu plus loin pour garantir au moins la consultation. Mais ne soyons pas plus royalistes que le roi : écoutons la sagesse des partenaires sociaux qui nous disent vouloir être consultés et contentons-nous de la consultation.
M. Michel Balestra (L). Nous ne cherchons pas, comme le suppose notre collègue Grobet, des mesures dilatoires pour retourner en commission. En l'occurrence, je répète que les notions de proposition et de consultation sont quand même différentes. Si les partenaires sociaux proposent une personnalité, cette personnalité sera forcément une personnalité consensuelle, car ils seront obligés de trouver la personnalité qui fait l'unanimité, par sa moralité, par son indépendance d'esprit, etc. S'il s'agit seulement de les consulter, la politisation du poste reste possible, au gré des alternances de majorité de ce Grand Conseil.
Je m'arrêterai là, car ce n'est pas la peine de débattre plus loin, mais je demanderai qu'on vote sur les deux possibilités : la proposition et la consultation. Quel que soit l'amendement qui obtiendra le plus de voix, je ne crois pas avoir démérité en exposant ici mon interprétation du droit !
Le président. Nous sommes en présence de trois amendements : un amendement de M. Beer reprise par M. Balestra ; un amendement de M. Pagani et un amendement de M. Annen qui vient d'être déposé. Je mets aux voix la proposition la plus éloignée, soit l'amendement de M. Annen : article 3, alinéa 1, fin de la lettre a) :
«...sur proposition des partenaires sociaux. En cas de désaccord, le Grand Conseil se prononce en dernière instance.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Nous votons l'amendement repris par M. Balestra, portant toujours sur l'article 3, alinéa 1, lettre a) :
«...ayant des qualifications équivalentes, proposés par les partenaires sociaux, élus par le Grand Conseil».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le président. Nous passons à l'amendement de M. Pagani qui vise à ajouter à la fin de la lettre a) :
«...élus par le Grand Conseil, après consultation des partenaires sociaux».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 3 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 4 à 9.
Art. 10, alinéa 4
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Cela a été dit à plusieurs reprises : le rapporteur a eu fort peu de temps pour établir son rapport et un certain nombre de choses ont été oubliées. C'est le cas à l'article 10, alinéa 4, où nous avons oublié de stipuler que la sentence de la chambre, outre qu'elle n'est pas susceptible de recours, est exécutoire comme un jugement. Je propose donc le nouveau libellé suivant :
«4 La sentence de la chambre est exécutoire comme un jugement. Elle n'est pas susceptible de recours sur le plan cantonal.»
M. Claude Blanc (PDC). Je souhaiterais que Mme Bugnon précise sa pensée : qu'entend-elle par «exécutoire comme un jugement» ?
M. Christian Grobet (AdG). La question de M. Blanc est tout à fait pertinente : c'est précisément parce que le texte actuel parle uniquement de sentence et non de jugement qu'il faut préciser que cette sentence a la valeur d'un jugement et qu'elle est exécutoire. C'est-à-dire que celui qui reçoit la sentence peut l'utiliser comme un jugement.
En tant que tel, le mot sentence ne veut pas dire jugement. Dans le concordat sur les arbitrages, il est précisé que les sentences valent jugement, mais vous constaterez que le même article 10 stipule que le concordat intercantonal ne s'applique pas, et cela puisque ce concordat s'applique aux procédures civiles et que nous sommes ici dans des procédures pénales. Par voie de conséquence, il est indispensable de préciser que la sentence rendue par la chambre a la même valeur qu'un jugement rendu par un tribunal ordinaire, qu'elle est exécutoire et qu'on peut donc immédiatement en demander l'exécution, d'autant qu'il n'y a pas de voie de recours prévue sur le plan cantonal. On pourra ainsi, par exemple, notifier un commandement de payer qui, en cas d'opposition, pourra faire l'objet d'une mainlevée d'opposition devant le tribunal.
Je rappellerai, Monsieur Blanc, pour en terminer, que dans la loi sur le Tribunal des prud'hommes, nous avons aussi stipulé que les procès-verbaux de conciliation ont valeur de jugement exécutoire, afin que celui qui a obtenu un procès-verbal de conciliation puisse le faire exécuter et que ce ne soit pas un simple papier dénué de la force qu'a le jugement ordinaire.
M. Bernard Annen (L). Je suis convaincu par les arguments qui viennent d'être avancés, mais je ne peux pas m'empêcher de rappeler à M. Grobet ce qu'il me reprochait tout à l'heure, à savoir que c'était un travail de commission. A cet égard, il faisait partie de la commission et je suis étonné qu'en fin juriste il ne se soit pas aperçu de cette lacune et que ce soit Mme Fabienne Bugnon, qui n'est en tout cas pas juriste, qui découvre qu'il manque quelque chose. Sans vouloir engager de polémique, je lui dirai qu'il a perdu tout à l'heure une occasion de se taire !
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Annen, c'est surtout vous qui avez perdu une bonne occasion de vous taire ! En effet, vous étiez absent lors de la dernière séance de la commission judiciaire où, en présence du professeur Aubert, j'ai précisément émis des doutes sur le contenu de l'article 10 de la loi. Et si vous vous étiez donné la peine de lire la note du professeur Aubert, annexée à celle de M. Froidevaux, qui se trouve sur votre place, vous auriez vu que cette proposition d'amendement a été faite par notre expert, reprise par le président de la commission... Mais oui, Monsieur, lisez les textes au lieu de grimacer bêtement ! Je ne suis pas l'auteur de cet amendement, Monsieur, c'est le professeur Aubert. Puisque vous faites semblant, en tant que représentant des partenaires sociaux, de vous intéresser à une loi qui les concerne directement, la moindre des choses, avant d'essayer de faire la leçon aux autres, ce serait de lire les deux notes qui ont été mises sur votre place !
Le président. Bien, je mets aux voix l'amendement présenté par Mme Bugnon à l'article 10, alinéa 4 :
«4 La sentence de la chambre est exécutoire comme un jugement. Elle n'est pas susceptible de recours sur le plan cantonal.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 10 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 11 et 12.
Art. 13
M. Michel Balestra (L). Nous avons estimé, dans cet article 13, que, si elle le jugeait opportun, la chambre pouvait renseigner le public par voie de communiqué de presse. En l'occurrence, il s'agit aussi de ne pas dramatiser la situation et je proposais dans un premier temps que les parties soient d'accord avec cette publication. Or, M. Pagani tout à l'heure m'a fait la démonstration que mon amendement n'était pas conforme au droit supérieur, ce qui m'oblige à corriger mon amendement ainsi :
«Si elle le juge opportun, la chambre peut, après consultation des parties, renseigner le public par voie de communiqué de presse sur l'état de la procédure de conciliation.»
Il me semble que cette formulation est de nature à respecter le droit supérieur, à dédramatiser la situation en expliquant aux parties pourquoi on va s'adresser au public par voie de presse, et à améliorer ainsi la procédure en cours. Je rappelle que cette chambre n'est pas un organisme de combat ; c'est une chambre de conciliation et pour concilier il faut essayer de trouver la meilleure harmonie possible entre les parties en cause.
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai déjà donné l'argument de fond contre cet amendement : même avec la modification proposée par M. Balestra, il ne correspondrait pas au droit supérieur. Je tiens à donner aussi un argument de forme : il serait dommage de retirer, non pas une arme, Monsieur Balestra, mais les moyens d'informer, aux juges, au président, lors d'un conflit de travail où celui-ci déciderait, pour calmer les choses, indépendamment des parties, d'informer le public sur l'état des négociations. Imaginez une grève - je ne vous souhaite pas d'en connaître une dans votre entreprise, Monsieur Balestra : si vous empêchez le président de dire simplement ce que fait la chambre de conciliation, vous retirez à cette chambre la possibilité d'exercer pleinement son pouvoir de conciliation. Ces deux arguments plaident pour le maintien de l'article 13 dans sa forme actuelle, tel qu'il ressort de la commission.
M. Michel Balestra (L). Ce sera ma dernière prise de parole ; au vote, nous verrons qui aura gagné le combat, puisque voilà des termes qui plaisent au député Pagani. M. le député Pagani a parlé d'arme, à propos d'une chambre de conciliation et d'arbitrage. Quant à moi, je ne parle pas d'arme, je parle de moyen pour obtenir une conciliation. Si, avant de se servir de ce moyen qu'est l'information du public par voie de presse, on consulte les parties, on leur explique pourquoi on veut informer, les choses se passent beaucoup mieux.
Voyez-vous, on dit que la vapeur contenue fait avancer des locomotives, mais qu'à l'air libre elle ne fait plus qu'un peu de buée sur les lunettes... J'ai déjà trop parlé, j'ai de la buée sur les lunettes ! Je vous demande donc de voter mon amendement et, si je suis battu, je ne serai pas fâché.
Mme Christine Sayegh (S). Je suis étonnée de la réaction de M. Pagani face à l'amendement corrigé de M. Balestra. En effet, cet amendement est conforme aux voeux de l'UAPG et de la CGAS et nous soutiendrons donc la proposition de M. Balestra.
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Balestra à l'article 13 :
«Si elle le juge opportun, la chambre peut, après consultation des parties, renseigner le public par voie de communiqué de presse sur l'état de la procédure de conciliation.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 13 ainsi amendé est adopté.
Art. 14
M. Charles Beer (S). Nous proposons de supprimer l'article 14, qui représente à notre avis un certain danger. On sait que la conciliation et l'arbitrage reposent sur le principe que les parties qui saisissent l'instance soient représentatives des différentes catégories, soit le patronat, soit le personnel. Or, l'article 14 introduit un flou évident et un danger qui ne l'est pas moins, dans la mesure où il permet, notamment en ce qui concerne la volonté de conclure une convention collective de travail, de consulter directement le personnel, au-delà des syndicats.
J'aimerais dire clairement qu'à partir du moment où on laisse la possibilité au président et à la chambre elle-même de consulter le personnel sans avoir considéré l'avis des syndicats, on crée des précédents dangereux, qui malheureusement se sont déjà produits et ont posé des problèmes relativement graves. Je pense à un cas, dans la chimie, qui n'était pas exactement identique mais qui a montré le danger que pouvait représenter le fait de désavouer le syndicat en prenant l'avis d'une commission du personnel. J'aimerais également relever que tout le processus des négociations dans la fonction publique repose sur le fait que le partenaire social est désigné et connu, et jusqu'à preuve du contraire aucun syndicat n'admet qu'on consulte directement le personnel, lors d'un conflit du travail, sans passer par les organisations syndicales concernées.
M. Bernard Annen (L). De toute évidence, comme vient de le rappeler M. Beer, cet article vise directement la partie syndicale. Il n'en reste pas moins que, par rapport à la systématique des relations entre partenaires sociaux, nous estimons à notre tour que cet article n'est pas opportun. C'est la raison pour laquelle, dans l'esprit de conciliation qui anime l'UAPG et la CGAS, les partis de l'Entente soutiendront l'amendement de M. Beer.
M. Rémy Pagani (AdG). A mon sens, nous avons affaire, dans cet article 14, à la seule avancée progressiste de ce projet de loi. Il s'agit en l'occurrence de promouvoir la démocratie dans les entreprises.
J'en conviens, le libellé tel qu'il est prête à discussion. Notamment en cas de conflit, le président pourrait passer par-dessus les partenaires sociaux, notamment les syndicats, et j'imaginais bien qu'un certain nombre de personnes allaient crier au loup. Toutefois, je rappelle que nous sommes aujourd'hui, non pas dans un régime de conventions collectives généralisées, mais dans un régime quasiment de libre marché, en ce qui concerne l'emploi. Des secteurs entiers se précarisent et dans certaines entreprises il est très difficile, pour les syndicats comme pour les partenaires sociaux patronaux, de faire appliquer le droit minimum, notamment la loi sur le travail et le code des obligations. Certains employés travaillent dans des conditions inacceptables. Les syndicats doivent s'adapter à cette situation et cet article de loi a pour objectif de permettre au président de consulter démocratiquement l'ensemble des travailleurs.
A mon sens, il ne faut pas abandonner cette volonté, cette idée. C'est pourquoi je propose un amendement, pour rassurer M. Beer en ce qui concerne les dérapages possibles. Il faudrait donc ajouter à la fin de l'article : «... après accord des partenaires en conflit.» Ainsi, on verrouille cette proposition et il ne sera pas possible de passer sur l'avis prépondérant des partenaires sociaux.
Je rappelle le cas d'une boulangerie où l'office de conciliation a mené ce travail de consultation : après consultation des travailleurs, une convention a pu être mise sur pied. Il s'agit donc de préserver ici cette possibilité pour les syndicats et les employeurs de régulariser leurs conditions de travail et leurs relations sociales.
M. Michel Balestra (L). L'article 14 constituait une avancée, nous dit M. Pagani. Et maintenant, il la désamorce avec son amendement ! C'est dire que l'avancée créait la chienlit et qu'une chienlit désamorcée par un amendement, c'est toujours moins bon que la suppression de l'article en cause ! Voilà pourquoi je préfère la proposition de M. Beer, c'est-à-dire la suppression de l'article 14.
M. Charles Beer (S). J'aimerais signaler, sur le plan technique, qu'il y a évidemment un accord entre la CGAS et l'UAPG sur ce point.
Vous parlez de réelle avancée, Monsieur Pagani. Si vous estimez que c'est la démocratie dans l'entreprise que d'aller directement demander l'avis des salariés, si vous souhaitez, le cas échéant, prévoir également que lors d'un conflit dans la fonction publique on consulte directement le personnel, sans avis du Cartel intersyndical, sans avis du SFP, alors je déposerai volontiers un projet de loi avec vous sur ce sujet.
Mais vous savez que ce n'est pas judicieux, vous savez que ce n'est pas une avancée et vous l'avez si bien compris que vous avez proposé un amendement qui revient à vider l'article 14 de sa substance. En effet, du moment où les partenaires sociaux sont d'accord de consulter le personnel, il n'y a aucune objection à ce qu'on le fasse et il n'y a donc aucune raison de le préciser dans la loi.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Pour revenir sur les propos de M. Charles Beer, il est évident que le président de cette chambre aura toujours la possibilité de discuter, ou de ne pas discuter, avec les employés en crise. Que cet article figure ou ne figure pas, cette possibilité existe et le respect des syndicats et de l'ensemble des partenaires sociaux est garanti par les autres articles. La suppression de cet article ne modifie en rien l'esprit de la loi telle qu'elle vous est proposée ce soir.
Le président. Je mets aux voix l'amendement visant à supprimer l'article 14.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. L'article 14 étant supprimé, l'article 15 devient l'article 14 et ainsi de suite.
Mis aux voix, les articles 14 à 18 (anciennement 15 à 19) sont adoptés.
Art. 19
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Comme cela a déjà été rappelé, nous avons entendu les partenaires sociaux après avoir déposé le rapport. Et pour les mêmes raisons que celles évoquées tout à l'heure, nous proposons un amendement à l'article 19, ancien article 20, que je vais lire tranquillement pour que M. Blanc entende et comprenne bien :
«Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de la présente loi après consultation des partenaires sociaux.»
Une voix. Ça va, Blanc ? Tu veux une explication de Grobet, ou on en reste là ?
Mme Fabienne Bugnon. Il faut venir aux séances de commission, Messieurs les démocrates-chrétiens, ainsi vous n'aurez pas besoin d'explication de texte !
M. Bernard Annen (L). Cet amendement va exactement dans l'esprit de cette loi et je vous suggère, Mesdames et Messieurs, de le soutenir.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 19 ainsi amendé est adopté, de même que les articles 20 et 21.
Art. 22 Modification à d'autres lois
Art. 4 (nouvelle teneur)
M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, j'aimerais m'assurer que le mot secrétariat subsistera à l'article 4. Ici, lorsqu'on parle de secrétariat, on ne parle pas du greffe, c'est-à-dire des personnes qui aident la juridiction au moment de l'audience, mais du secrétariat de l'OCIRT. Dans les discussions de la commission, il s'agissait clairement de maintenir la relation entre cette chambre de conciliation et le secrétariat de l'OCIRT, qui aujourd'hui travaille utilement pour l'office de conciliation et donne notamment un certain nombre de renseignements généraux aux juges et aux juges assesseurs sur les conditions et les usages dans les différentes branches. Je demande donc que le Grand Conseil se prononce sur le maintien ou non du mot secrétariat. Ce n'est pas une question esthétique, mais une question de fond.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. La suppression du mot secrétariat était une des modifications rédactionnelles que je vous avais proposées au moment où j'ai pris la parole la première fois. Il n'y a pas là matière à débat politique et donc pas de raison de ne pas suivre la suggestion de M. Pagani.
Mis aux voix, les articles 4 (nouvelle teneur), tel qu'issu des travaux de la commission, à 5 Désignation des membres de la Chambre des relations collectives de travail (nouvelle teneur) sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 22 souligné (anciennement article 23) est adopté.
M. Carlo Lamprecht. J'aimerais remercier ici très sincèrement la présidente de la commission et les commissaires, car ils ont fait un travail remarquable. Il y avait urgence, le sujet était délicat et, à la fin des débats de la commission, c'est un vote unanime qui a conclu ses travaux. Je voudrais également remercier les partenaires sociaux, le professeur Aubert, toutes celles et ceux qui ont été auditionnés et qui ont contribué à élaborer cette loi attendue, nécessaire et urgente. Monsieur le président, je demande le troisième débat.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7582)
concernant la Chambre des relations collectives de travail
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 Constitution et tâches
1 La présente loi institue une Chambre des relations collectives de travail (ci-après la chambre) qui a les compétences suivantes :
2 La chambre est indépendante de l'administration.
Art. 2 Entreprises concernées
Les compétences de la chambre s'étendent à toutes les entreprises soumises ou non à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964.
Art. 3 Composition
1 La chambre est composée :
2 Le président est assisté d'un fonctionnaire du greffe de la chambre pour tenir le procès-verbal.
Art. 4 Désignation du président et des membres
1 Tous les 6 ans, au début de chaque législature prud'homale, le Grand Conseil élit le président de la chambre et son suppléant. Les juges de la Cour de justice peuvent suppléer ces derniers en cas de besoin.
2 Les juges assesseurs et leurs suppléants sont désignés de la manièresuivante :
3 Les mandats du président, des juges assesseurs ainsi que de leurs suppléants sont renouvelables.
Art. 5 Fin des fonctions
Les fonctions de juge assesseur de la chambre prennent fin simultanément à celles de juge prud'homme.
Art. 6 Récusation
1 Tout juge est récusable :
2 Tout juge qui a connaissance d'une cause de récusation sur sa personne est tenu de la déclarer à la chambre, qui décide s'il doit s'abstenir.
3 Au surplus, les articles 85, 88, 90 à 92, 96, 97 et 100 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, sont également applicables.
4 Le président indique aux parties, au début de l'audience, les noms des juges appelés à siéger.
5 La demande de récusation est jugée immédiatement à huis clos en l'absence du juge dont la récusation est demandée.
6 Les demandes de récusation dirigées simultanément contre tous les juges de la chambre ou une majorité d'entre eux sont jugées par le Conseil supérieur de la magistrature.
Art. 7 Greffe de la chambre
Le greffe de la chambre est organisé selon la loi instituant un service des relations du travail, du 6 octobre 1943.
Art. 8 Instance de conciliation
1 La chambre intervient d'office, à la requête d'une autorité ou d'intéressés. Le règlement d'exécution détermine la procédure applicable.
2 En cas de conciliation, l'accord des parties, revêtu de la signature du président et du secrétaire, déploie les effets d'un jugement exécutoire.
3 En cas d'échec de la conciliation, la chambre peut émettre une recommandation.
4 Si la recommandation n'est pas acceptée par toutes les parties intéressées, le Conseil d'Etat peut, exceptionnellement, désigner un médiateur ou tenter lui-même une conciliation.
Art. 9 Instance de jugement
1 La chambre est de plein droit compétente pour juger tout litige relatif à l'interprétation ou à l'application d'une convention collective de travail à la demande des parties contractantes ou de l'une d'entre elles.
2 Cette compétence s'étend également aux litiges entre les parties à une convention collective de travail, et un employeur ou un travailleur, au sens de l'article 357b CO (exécution commune).
3 La chambre est également compétente pour trancher tout litige qui lui est soumis par une organisation professionnelle, lorsque celle-ci a la qualité pour agir selon le droit fédéral et que le litige concerne les rapports de travail.
4 La chambre applique, par analogie, la procédure prévue par la loi sur la juridiction des prud'hommes. Elle peut prendre des mesures provisionnelles.
5 L'arrêt de la chambre est exécutoire sous réserve de recours au Tribunal fédéral.
6 Est réservée la compétence des tribunaux arbitraux privés institués par les conventions collectives de travail.
Art. 10 Instance d'arbitrage
1 La chambre peut statuer comme Tribunal arbitral public sur tout litige qui lui est soumis d'entente entre les parties.
2 La procédure est déterminée par accord entre les parties ou, à défaut d'accord, par le président. La chambre peut prendre des mesures provisionnelles.
3 Le concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 mars 1969 n'est pas applicable.
4 La sentence de la chambre est exécutoire comme un jugement. Elle n'est pas susceptible de recours sur le plan cantonal.
Art. 11 Huis clos
Les débats devant la chambre, en tant qu'instance de conciliation, ont lieu à huis clos.
Art. 12 Interdiction de médiatisation et de mesures de combat
1 Jusqu'à la fin de la procédure de conciliation, les parties doivent s'abstenir de toute médiatisation et de toutes mesures de combat telles que suspension générale ou partielle du travail, grève, lock-out, boycottage.
2 Celui qui enfreint l'interdiction statuée à l'alinéa premier est passible d'une amende de 1 000 F au maximum et de 5 000 F au maximum en cas de récidive, sans préjudice des autres peines prévues par les lois pour des infractions déterminées. Cette amende est prononcée par la chambre.
Art. 13 Information du public
Si elle le juge opportun, la chambre peut, après consultation des parties, renseigner le public par voie de communiqué de presse sur l'état de la procédure de conciliation.
Art. 14 Gratuité de la procédure
1 La procédure est en principe gratuite pour les parties.
2 Selon les circonstances, la chambre peut toutefois mettre tout ou partie des frais et débours à la charge des parties.
Art. 15 Conservation des actes de procédure
Les requêtes et autres pièces, les procès-verbaux, recommandations, transactions conciliatoires et sentences sont conservés en original au greffe de la chambre.
Art. 16 Secret de fonction
Les personnes désignées à l'article 3 de la présente loi, ainsi que le médiateur, sont tenus de garder le secret absolu sur les renseignements, documents et pièces dont ils ont connaissance dans les fonctions que la présente loi leur confère.
Art. 17 Indemnités
Les membres de la chambre reçoivent des jetons de présence suivant, par analogie, le tarif fixé par le Conseil d'Etat pour les juges prud'hommes, respectivement les présidents de la Cour d'appel.
Art. 18 Personnes citées et pénalités
1 Les personnes citées par la chambre sont tenues, sous peine d'amende, de comparaître, de prendre part aux débats et de fournir tous renseignements.
2 En cas d'infraction, elles sont passibles d'une amende pouvant s'élever à 1 000 F et 5 000 F en cas de récidive. Cette amende est prononcée par la chambre.
Art. 19 Règlement d'exécution
Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'exécution de la présente loi, après consultation des partenaires sociaux.
Art. 20 Clause abrogatoire
Sont abrogées :
Art. 21 Disposition transitoire
La loi s'applique aux requêtes dont l'office cantonal de conciliation était saisi au moment de son entrée en vigueur.
Art. 22 Modification à d'autres lois
1 La loi instituant un service des relations du travail, du 6 octobre 1943, est modifiée comme suit :
Art. 4 (nouvelle teneur)
Le service fonctionne comme greffe et secrétariat de la Chambre des relations collectives de travail, en préparant les audiences et en mettant à disposition un secrétaire qui tient le procès-verbal.
Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le service reçoit et examine toutes les réclamations qui lui parviennent et qui sont de la compétence de la Chambre des relations collectives de travail.
Art. 5, al. 2 (nouvelle teneur)
2 S'il s'agit de différends d'ordre collectif, il constitue le dossier, réunit la documentation nécessaire et communique le tout à la Chambre des relations collectives de travail.
Art. 5, al. 3, dernière phrase (nouvelle teneur)
3 ... Sur la base de cette enquête et pour autant qu'entre-temps un accord ne soit pas intervenu, il soumet un rapport à la Chambre des relations collectives de travail.
Art. 5, al. 4 (abrogé)
Art. 6, al. 2 (nouvelle teneur)
2 En cas de défaut non excusable, elles peuvent être citées à leurs frais devant la Chambre des relations collectives de travail.
2 La loi sur la juridiction des prud'hommes (juridiction du travail), du25 février 1999, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 1, lettre e (abrogée)
Art. 5 Désignation des membres de la Chambre des relations collectives de travail (nouvelle teneur)
1 Immédiatement après la prestation de serment, employeurs et salariés se réunissent en deux assemblées distinctes.
2 Chacune des assemblées désigne en son sein, parmi les juges prud'hommes éligibles à la Cour d'appel, et à la majorité relative, 2 titulaires et 8 suppléants qui siègent à la Chambre des relations collectives de travail.