Séance du
jeudi 25 février 1999 à
17h
54e
législature -
2e
année -
4e
session -
6e
séance
PL 7829-II-B
Le président du Grand Conseil, dans un souci d'efficacité, a fait renvoyer le projet de loi susmentionné. Pour faire suite, la Commission judiciaire a travaillé avec diligence et elle est heureuse de vous présenter ce nouveau rapport. Ce d'autant plus qu'en une seule séance la commission a mené à bien ses travaux sous la présidence efficace de Mme Fabienne Bugnon. Divers amendements formulés en plénière et une lettre adressée au Grand Conseil par les présidents et vice-présidents de la juridiction des prud'hommes ont fait l'objet d'un débat approfondi.
M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, sous la responsabilité duquel le Conseil d'Etat a placé le projet de loi sur la juridiction des prud'hommes, était présent pour l'occasion, ainsi que M. Gabriel Aubert, professeur à la Faculté de droit, MM. Pierre-Yves Demeule, président de la Chambre d'appel des prud'hommes, M. Bernard Duport, secrétaire adjoint/DJPT, M. Christian Goumaz, directeur des affaires juridiques/DEEE et M. Hubert Montavon, greffier de juridiction. Qu'ils en soient ici remerciés. Des remerciements appuyés vont enfin à la procès-verbaliste de la commission, Mme Pauline Schaeffer ; la diligence dont elle a fait preuve ayant permis à l'ensemble des députés de notre Grand Conseil d'avoir, aussi rapidement, entre les mains le présent rapport.
Mise en garde
Le lecteur du présent rapport voudra bien se reporter au rapport précédent, soit le projet de loi 7829-A-II. Le présent rapport ne constitue qu'un complément au document précédent et n'a pour but que de traiter des amendements élaborés après la clôture des travaux de la commission. Les membres de la Commission judiciaire étant conscients que les élections de cette juridiction ont été reportées pour la fin de l'année, ce qui constitue un délai constitutionnel impératif, il leur appartenait d'achever au plus vite leurs travaux.
Enfin, le projet de loi qui figure dans ce cahier, fruit des débats de cette unique séance, complète le précédent.
Propositions d'amendements
a) amendements concernant la création d'un 6e groupe consacrant l'égalité en femmes et hommes
1ère partie Dispositions générales
Titre II Répartition des professions
Article 3, alinéa 1 : ajout
Le commissaire auteur de cet amendement propose une division en six groupes au lieu de cinq. Dans ce contexte, est prévue l'adjonction suivante :
f) Groupe 6 : toutes les questions ayant trait à l'égalité entre femmes et hommes.
Pour être cohérent avec sa démarche, l'auteur souhaite également les apports suivants :
1re partie Dispositions générales
Titre IV Degrés d'instance
Article 9, alinéa 3 : ajout
« Dans le groupe 6, soit pour les questions ayant trait à l'égalité entre femmes et hommes, le Tribunal est composé d'un minimum de deux femmes. »
1re partie Dispositions générales
Titre IV Degrés d'instance
Article 10, alinéa 4 : ajout
« Dans le groupe 6, soit pour les questions ayant trait à l'égalité entre femmes et hommes, la Cour d'appel est composée d'un minimum de deux femmes. »
Après un long débat, les commissaires présents, à l'invite de la présidente et en accord avec l'auteur, renoncent à voter, même le principe contenu dans ces amendement pour les raisons suivantes :
En son article 141, la Constitution genevoise consacre l'organisation de cette juridiction en groupes professionnels. Toute modification ou adjonction d'un groupe constitué sur la base de l'égalité des sexes ou de tout autre critère que celui de la profession doit faire l'objet d'une modification de ce texte supérieur.
Imaginons une personne se disant victime de discriminations et, de surcroît, contestant son horaire de travail, il y aurait des conflits relevant de deux normes de droit différentes entre deux groupes puisqu'il y aurait, en quelque sorte, deux litiges. Du point de vue juridique, il y a risque de scission des contentieux avec tous les problèmes de contestation que cela pourrait engendrer au fil de la procédure.
En l'état, est-il opportun que les prud'hommes traitent de telles affaires ou ne serait-il pas plus judicieux que la Commission de conciliation qui a été instaurée par la nouvelle loi sur l'égalité débouche sur une juridiction ad hoc ? Une majorité de commissaires semble pencher pour cette solution.
b) amendements concernant la composition du bureau de conciliation
2e partie Procédure
Titre I Dispositions générales
Article 12 : nouvelle teneur
« Art. 12 Comparution des parties
Les parties comparaissent en personne et sont entendues contradictoirement.
Elles peuvent être assistées par un proche. Devant le Tribunal et la Cour d'appel, elles peuvent en outre être assistées par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié. »
2e partie Procédure
Titre II Conciliation
Article 18 : nouvelle teneur
Art. 18 Conciliation
Chaque bureau de conciliation est composé d'un prud'homme employeur et d'un prud'homme salarié.
Ceux-ci président l'audience à tour de rôle, en commençant par le plus âgé.
2e partie Procédure
Titre II Conciliation
Articles 20, 21, 22, alinéas 1 et 2 ; 23, 24, 28 et
3e partie Fonctionnement de la juridiction
Titre I Audiences
Remplacer le terme de « conciliateur » par celui de bureau.
Pour l'ensemble des commissaires, la question de la conciliation peut être résumée comme suit : soit on donne une chance à la conciliation en la fondant sur une bonne connaissance du droit, soit on la supprime. Si l'on penche pour le critère d'utilité, il convient dès lors que les juges conciliateurs soient le plus qualifiés possible. Bien sûr, si l'on supprime la conciliation, on gagne du temps… Or, pour les commissaires cette dernière solution est regrettable, dans la mesure où la philosophie de la conciliation revêt une importance capitale dans notre société.
Plus technique, le professeur Aubert est formel : la conciliation devant les prud'hommes ne fonctionne pas en l'état. Pour lui le diagnostic s'avère parfaitement clair. C'est d'ailleurs partant de ce constat que la commission s'est attelée à la révision de ce mécanisme. Or, revenir à l'état antérieur serait grave, conclut le professeur, tout en ajoutant que le système qui est proposé fonctionne très bien dans le canton du Valais.
Suite à une discussion nourrie autour des termes précédemment énoncés, l'ensemble de ces amendements sera rejeté par la commission par 7 contre 1 et 5 absentions.
c) amendements concernant la nomination du juge conciliateur
2e partie Procédure
Titre I Dispositions générales
Article 18, alinéa 2 : nouvelle teneur
2 Une personne titulaire d'une licence en droit ou au bénéfice d'une formation spécifique dont les modalités sont fixées par règlement, désignée par le collège des présidents et vice-présidents de groupes, procède par délégation à la tentative de conciliation.
Les commissaires rappellent l'ensemble des arguments déjà énoncés dans le précédent rapport en ce qui concerne les modalités de fonctionnement de cette instance et sont d'avis que cet amendement garantira beaucoup mieux une certaine forme de démocratie dans la désignation des conciliateurs et face à une cooptation trop évidente
L'amendement tel qu'énoncé ci-dessus est accepté par 7 oui, contre 3 non, avec 3 abstentions.
Article 18, alinéa 3 : nouvelle teneur
3 Les conciliateurs sont désignés sur la base d'une liste de candidats dressée par le Département de justice et police sur proposition des milieux professionnels concernés. Ils sont assermentés par le Conseil d'Etat.
Après une discussion technique qui tourne autour de la séparation des pouvoirs, l'amendement est modifié comme suit :
«3 Les conciliateurs sont désignés sur la base d'une liste de candidats dressée par le greffe de la juridiction des prud'hommes sur proposition des milieux professionnels concernés. Ils sont assermentés par le Conseil d'Etat. »
L'ensemble des commissaires relève que cet amendement correspond à une amélioration substantielle quant à la désignation des juges conciliateurs. En effet, les partenaires sociaux établissant une liste, on peut déjà imaginer qu'elle sera élaborée avec soin. Ensuite, cette liste étant gérée par le greffe sur le plan administratif notamment en contrôlant la moralité et les qualifications des personnes candidates, ce système permettra un choix judicieux et rigoureux de candidats. Enfin l'assemblée des présidents et vice-présidents pourra trancher. Ainsi, selon certains commissaires, on donne les meilleures chances pour que cette juridiction puisse enfin fonctionner correctement dans l'intérêt du justiciable.
L'amendement tel que modifié ci-dessus est accepté à l'unanimité.
2e partie Procédure
Titre II Conciliation
Article 23, alinéas 3 et 4 : nouvelle teneur
Pour des raisons de sécurité du droit et de garantie de la force jugée d'un procès-verbal de conciliation, les commissaires décident à l'unanimité de modifier cet article comme suit :
«3 Le procès-verbal de transaction est ensuite contresigné par le président du groupe compétent ou son remplaçant. »
«4 Les procès-verbaux de conciliation sont rapportés au greffe du Tribunal et sont minutés comme des jugements. Ils ont la même valeur que les jugements définitifs rendus par le Tribunal. Chaque partie en reçoit gratuitement copie dans les 10 jours. »
L'amendement tel que rédigé ci-dessus est accepté à l'unanimité.
d) amendements concernant le nombre de juges à la Cour d'appel
Art. 10 Cour d'appel
1 La Cour d'appel est composée d'un président, juge, ancien juge ou juge suppléant à la Cour de justice, de 2 prud'hommes employeurs et de 2 prud'hommes salariés ces derniers ayant siégé pendant au moins 3 ans au Tribunal.
Le débat se concentre sur le nombre de juges à la Cour d'appel. L'article 10 du projet prévoit la réduction de cinq juges à trois. Le commissaire auteur de cet amendement, en revanche, souhaite le maintien de leur nombre à cinq. A cet égard, le professeur Aubert, parlant au nom de sa propre expérience, relève un problème de disponibilité, ce qui a eu pour effet que l'on manquait de magistrats. Il signale, au passage, que le Tribunal des baux et loyers fonctionne d'ailleurs parfaitement bien avec ce système prévoyant deux juges assesseurs.
Un autre commissaire ne partage pas cette analyse et, dans ce contexte, en sa qualité de représentant de l'UAPG, tient à souligner la cohérence des propos de l'amendement proposé. Il regrette, en effet, la réduction de cinq à trois juges en Cour d'appel. De plus, ce commissaire fait état de ce qu'il a entendu dire : les juges laïcs préféreraient, apparemment, être quatre. Adopter un système à trois juges (un salarié, un employeur et un juge professionnel) semble susciter passablement d'inquiétudes. En résumé, les intervenants seraient satisfaits de l'organisation actuelle.
L'amendement pour maintenir à cinq le nombre de juges en Cour d'appel est accepté par 5 oui, contre 2 non avec 3 absentions.
e) amendements concernant la mise à charge des frais d'interprète pour une partie dont la demande est jugée téméraire.
Le commissaire auteur de cet amendement souhaite émettre un avis dans le cadre de l'article 69. Il explique que, dans certains cas, le recours à un interprète peut s'avérer très coûteux. Il est d'avis qu'il faut amender l'alinéa comme suit :
« 3 L'interprète est indemnisé par l'Etat. »
en supprimant le reste de la phrase de cet alinéa.
L'amendement tel que rédigé ci-dessus est accepté à 5 oui, contre 4 non, avec une abstention.
En définitive, la Présidente soumet le projet dans son ensemble au vote. L'ensemble de ce projet de loi tel qu'amendé est accepté par 5 oui, avec 5 abstentions.
Mesdames et Messieurs les députés ici s'achèvent, pour l'instant, les travaux de la Commission judiciaire concernant cette juridiction du travail.
Nous espérons que vous leur réserverez bon accueil. La majorité de la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Titre I : Compétence et élections
Titre II : Répartition des professions
Titre III : Organisation interne
Titre IV : Degrés d'instance
DEUXIÈME PARTIE : PROCÉDURE
Titre I : Dispositions générales
Titre II : Conciliation
Titre III : Tribunal
Titre IV : Cour d'appel
TROISIÈME PARTIE : FONCTIONNEMENT DE LA JURIDICTION
Titre I : Audiences
Titre II : Greffe
Titre III : Frais
QUATRIÈME PARTIE : DISPOSITIONS FINALES
Premier débat
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Nous avons affaire à un nouvel épisode de cette saga sur la réforme du Tribunal des prud'hommes.
Afin de rafraîchir la mémoire de ceux qui l'auraient oublié, je rappelle que nous avons reporté quasiment d'une année le vote sur l'élection des juges prud'hommes. Nous sommes à la limite de la légalité, puisque cette juridiction se renouvelle tous les six ans. De plus, nous avons travaillé en commission pour mettre sur pied non pas une réformette, mais une véritable réforme de ce tribunal, notamment par la présence des avocats ou des professionnels qualifiés tout au long du parcours de cette juridiction, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant. Aujourd'hui encore, tant en conciliation que pour toutes les affaires inférieures à 20 000 F, le justiciable doit faire l'effort de connaître la loi pour se défendre lui-même. La conciliation va subir un changement fondamental : nous avons essayé de donner tous les moyens à un juge conciliateur professionnel qualifié, afin qu'il ait réellement la possibilité de concilier ces affaires. En outre, la formation nous semble importante. Une formation quasiment obligatoire, puisqu'elle sera sanctionnée, en tout cas pour les présidents de groupe, par un brevet adéquat.
Nous avons présenté ce projet de loi ici même le mois dernier. Un certain nombre d'amendements ont été formulés et ont donné lieu au présent rapport 7829-B-II. Nous nous sommes mis d'accord et nous avons pris en considération les problèmes constitutionnels que pose l'introduction d'un groupe sur l'égalité qui est, à mon sens, évidemment nécessaire. La constitution actuelle ne permet pas l'introduction de ce groupe sur l'égalité, puisqu'elle casserait la nécessaire constitutionnalité des groupes professionnels. Nous avons donc abandonné ce projet d'amendement. Nous en avons pourtant retenu d'autres en ce qui concerne la perfection du régime de conciliation.
A ce sujet, il m'a été demandé de préciser ce qui suit : nous considérons qu'il appartient aux organisations faîtières professionnelles de présenter une liste de candidats. En terme d'organisations faîtières, nous reconnaissons : l'UAPG et la CGAS pour ce qui est des juges conciliateurs. Enfin, nous sommes passés du régime de trois juges en appel à un régime de cinq, ce qui revient à la situation actuelle qui correspondait à la demande de l'ensemble des partis de ce cénacle.
Mme Alexandra Gobet (S). Le groupe socialiste regrette que la loi sur la juridiction des prud'hommes revienne de commission, ce soir, sans que le Grand Conseil ne remplisse de façon effective le mandat constitutionnel essentiel de l'égalité entre hommes et femmes. Il ne manquait pourtant pas de fins juristes autour de la table de commission pour pondre brillamment de telles dispositions, lorsque mon collègue Beer est revenu sur le sujet le 4 février dernier. Comment se peut-il que pas un seul de ces brillants esprits n'ait accepté de mettre sa science à disposition de cette cause pour redresser, si besoin, les amendements d'un député socialiste laïc, mais convaincu, ou, plus positivement, pour proposer une formule juridiquement valable ?
Il est navrant de ne trouver dans le procès-verbal qu'une critique juridique étroite et stérile. Une composition spéciale au lieu d'un groupe, comme la composition sociale au Tribunal des baux et loyers, ou quelque autre et inventive formule, ne pouvait-elle revenir de la commission avec le concours des spécialistes qui, ce soir-là, siégeaient avec les députés ? Voter maintenant une loi incomplète sur ce point revient à reporter de six années la prise en compte de cette problématique essentielle; pour les socialistes, pour les syndicats, c'est trop !
C'est la raison pour laquelle, le groupe socialiste propose formellement le retour en commission pour une séance supplémentaire consacrée à la solution effective de ce point en dépassant le voeu de la critique juridique stérile au profit de la création législative qui constitue notre mandat. (Applaudissements.)
M. Bernard Annen (L). Lors de notre dernière séance, un certain nombre d'amendements - et non des moindres - ont été présentés. Notre Grand Conseil, très sagement, a renvoyé ce projet en commission pour étudier, sauf erreur, une bonne quinzaine d'amendements de manière approfondie. Or, quelle n'a pas été notre surprise de voir que la commission judiciaire a renvoyé ce projet à notre Conseil après une seule séance de deux heures. Un certain nombre de principes importants devaient être débattus. A la lecture de ce dernier rapport, très bien fait, de M. Pagani, nous avons eu la désagréable impression que, finalement, un consensus de l'ensemble de la commission est intervenu pour ne rien accepter du tout.
On a quelque peu l'impression que cette commission comptait énormément de juristes... et que c'était un peu son défaut ! A l'époque, lorsque nous avions déjà étudié des modifications de cette loi des prud'hommes, nous avions formé une commission ad hoc. La commission judiciaire est, en effet, beaucoup trop axée sur les problèmes essentiellement juridiques, alors que la juridiction particulière des prud'hommes est une juridiction de laïcs. C'est la raison pour laquelle, à l'époque, il y avait de grands syndicalistes, en l'occurrence Mme Christiane Brunner, qui faisait partie de cette commission; un syndicaliste bien connu et petit syndicaliste patronal : votre serviteur. Au moins avons-nous pu aborder cette problématique de manière pragmatique, de sorte que l'ensemble des acteurs pouvaient se retrouver.
Or, je suis navré de constater qu'aujourd'hui on a tout simplement mis le rouleau compresseur. Pour obtenir un résultat, il fallait trouver un consensus; la seule possibilité dans ces circonstances, était que les arguments ou les amendements des uns et des autres viennent s'annuler mutuellement, et je crois que c'est ce à quoi nous sommes arrivés. Autrement dit, avec un peu de cosmétique sur un certain nombre d'amendements, la commission, à une quasi-unanimité - je m'empresse de le dire : les libéraux y compris - a accepté ce projet, à tort ou à raison, peu importe.
Aujourd'hui ce projet nous est présenté alors qu'un projet de loi constitutionnelle est aussi renvoyé à la même commission. M. Pagani nous annonce, ce soir, encore un projet de loi; il serait plus raisonnable d'étudier l'ensemble de ces projets et, peut-être, d'écouter plus attentivement les partenaires sociaux qui doivent régler au quotidien, pour leurs adhérents, les problèmes qui nous préoccupent ce soir.
Ceux qui, parmi vous, ont eu la curiosité de suivre l'émission «Capital» qui traitait, en France, des tribunaux de prud'hommes, devraient être suffisamment éclairés par la manière dont ils étaient évoqués pour dire que la réforme que l'on nous propose ce soir n'est pas suffisante. Elle doit s'articuler au niveau de l'intérêt des parties et non pas à celui d'un certain nombre de juristes émérites comme le professeur Aubert, qui, de mon point de vue, sont beaucoup trop éloignés des réalités du quotidien.
C'est dire que le groupe libéral soutiendra la proposition socialiste de renvoyer ce projet de loi en commission - pas pour les mêmes raisons que les vôtres, Madame, bien entendu - de manière à tenir compte des intérêts des deux parties, ce qui serait beaucoup plus sérieux que de faire uniquement de la théorie.
Nous recevons ce soir une lettre des juges prud'hommes qui nous proposent encore des amendements - peut-être quelque peu cosmétiques - que la commission a bien voulu accepter. Lorsqu'on s'occupe de problèmes aussi importants - comme M. Pagani l'a dit très justement - qui engagent notre parlement, en tout cas pour les six premières années, je crois que cela mérite un peu plus de considération.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je parlerai du renvoi en commission. Je trouve que les attaques de M. Annen sont particulièrement déplacées. D'une part, il n'y a pas que des juristes dans cette commission, Monsieur Annen, puisqu'elle est présidée par la non-juriste que je suis. Les projets des prud'hommes ont été étudiés avec beaucoup d'attention et nous y avons consacré énormément de temps. (L'oratrice est interpellée par M. Annen.) Monsieur Annen, l'étude de cette juridiction des prud'hommes a fait l'objet de longues séances sous la présidence de M. Unger.
Lors de la dernière séance, vous avez souhaité - M. Balestra s'en est expliqué en commission - renvoyer ce projet dont les nombreux amendements ne pouvaient pas être traités dans le cadre d'une séance plénière. Nous avons accepté cette démarche qui nous paraissait juste, car il n'est pas possible, à cent députés, d'effectuer un travail aussi compliqué, en plénière. La commission judiciaire a estimé que ce projet était urgent, et elle l'a immédiatement agendé à ses travaux - précisons-le - après quatre heures de commission sur les dérives sectaires, ce qui vous montre que les députés étaient prêts à travailler pour que ce projet puisse être traité encore ce soir.
Nous nous sommes entourés, dans cette commission, de spécialistes et notamment du professeur Gabriel Aubert. M. Beer est effectivement venu en commission. Le seul reproche que l'on peut lui adresser c'est de ne pas avoir assisté à l'ensemble des travaux, de ne pas avoir entendu toutes les discussions. Il est effectivement venu nous présenter ses amendements dont nous avons parlé de la même manière que les amendements que vous présentez - qui ont été fort bien défendus par M. Balestra - mais qui n'ont pas fait l'unanimité.
En commission, le Conseil d'Etat en charge du dossier nous a démontré d'une manière suffisamment convaincante que l'amendement socialiste n'était tout simplement pas compatible avec la constitution. Sur la base de ces arguments qui ont convaincu une majorité de la commission, nous avons fait le choix très clair de faire passer la réforme de la juridiction des prud'hommes, qui - comme l'a dit M. Pagani - n'est de loin pas une réformette. Nous avons estimé qu'elle était urgente, qu'il était temps de la faire passer et qu'elle soit votée par ce Grand Conseil pour que les élections puissent avoir lieu en fin d'année, car elles ont déjà été repoussées. Dans un second temps, nous nous donnions les moyens d'introduire un certain nombre de principes qui sont aussi chers aux Verts qu'aux socialistes : les principes de l'égalité et les principes de l'éligibilité des juges prud'hommes étrangers.
Nous avons déposé pour ce faire, M. Beer, M. Pagani et moi-même, un projet que nous allons traiter encore ce soir, qui va être renvoyé à la commission judiciaire et qui sera examiné dans des délais très brefs. Si le Conseil d'Etat veut bien nous suivre, il le mettra rapidement en votation populaire et nous pourrons aller de l'avant.
Mais, pour ce soir, je vous prie instamment d'accepter de voter ce projet, tel qu'il ressort des travaux de la commission, sans y ajouter quoi que ce soit.
M. Christian Grobet (AdG). Pour corroborer les propos de Mme Bugnon, les juristes - éminents ou non, pour reprendre le qualificatif de Mme Gobet - ne représentent qu'une petite minorité de la commission judiciaire.
Deuxièmement : Monsieur Annen vous le savez fort bien, chaque parti est libre de désigner d'autres personnes que les représentants ordinaires, lorsqu'il s'agit de traiter un sujet particulier. L'Alliance de gauche a ainsi souhaité qu'un syndicaliste - actuellement à la table des rapporteurs - siège dans la commission pour traiter du problème du Tribunal des prud'hommes. Il est évident que chaque parti pouvait faire de même.
Troisième observation : je suis de ceux - et je crois que Mme Bugnon, présidente de la commission et son prédécesseur, M. Unger, m'en rendront acte - qui considèrent que le travail législatif est délicat et demande réflexion. J'ai, par conséquent, de la peine à suivre les travaux de la commission judiciaire dont le rythme soutenu est imposé en raison du nombre de projets à traiter et par le fait, également, que certains citoyens considèrent que les objets qui les touchent plus particulièrement sont les plus urgents. Je comprends qu'il ait fallu traiter rapidement ce projet, bien que j'aurais souhaité pouvoir disposer de plus de temps. Madame Gobet, au lieu de nous faire la leçon, vous auriez pu participer à nos débats. Vous auriez peut-être trouvé la solution que nous recherchions pour satisfaire votre souci qui est également le nôtre.
En réalité, nous nous sommes rendu compte que le premier amendement proposé par M. Beer était irréalisable, puisqu'il demandait de créer un groupe supplémentaire. Sans entrer dans le détail, il n'était pas possible de créer un groupe professionnel pour les litiges relatifs à l'égalité entre l'homme et la femme. M. Beer l'a parfaitement compris, et une section spéciale a été suggérée dans laquelle - pour des questions d'égalité - une majorité de juges siégerait. Mais la création de cette section spéciale posait d'autres problèmes. La plupart des litiges concernant la violation de l'égalité entre l'homme et la femme sont liés à des demandes ordinaires qui doivent être traitées par l'un des groupes professionnels. Peut-être par manque d'imagination, Madame Gobet, nous n'avons pas trouvé de solution adéquate.
A l'issue de la séance, nous étions conscients qu'il restait un problème à régler pour lequel nous pensions demander l'aide du professeur Aubert. Je suis persuadé qu'une solution peut être trouvée et que la loi qui vous est soumise ce soir peut être rapidement amendée. La question effectivement se pose de savoir si nous allons la voter ou non, d'autant plus qu'il nous a été dit que son adoption était urgente.
Je tiens quand même à vous rappeler, Mesdames et Messieurs, que l'élection des juges prud'hommes devait normalement avoir lieu au mois d'avril. La reporter au plus tard au 31 décembre, c'est déjà faire une certaine entorse au règlement. C'est pourquoi, il faudrait que cette élection ait lieu rapidement. Je conçois, Monsieur Annen, que certains milieux - pas seulement les libéraux uniquement, puisque le projet, tel quel, a été voté à la quasi-unanimité de la commission - regrettaient de n'avoir pas résolu le problème soulevé par M. Beer. Il est vrai qu'une ou deux personnes dans vos bancs, dont probablement vous - je ne parle pas de M. Balestra qui a parfaitement joué le jeu - ont des arrière-pensées, et vous vous frotteriez les mains si, finalement, ces élections pouvaient ne pas être organisées dans le délai fixé.
A mon avis, la sagesse commanderait de ne pas voter le renvoi en commission de ce projet de loi; c'est pour cela que je rappelais ces faits. Nous pensons qu'il faut voter cette loi ce soir, parce que, je vous le rappelle, son entrée en vigueur implique encore un délai de deux mois et demi. Il y a la publication, le délai référendaire, la promulgation et le délai de recours éventuel auprès du Tribunal fédéral. Si on veut pouvoir organiser les élections de prud'hommes cet automne, il est impératif de voter rapidement cette loi.
Par ailleurs, il est parfaitement possible de l'amender, lors d'une prochaine séance par un nouveau projet de loi. La solution la plus judicieuse - j'en appelle aux socialistes pour qu'ils comprennent la situation - c'est qu'on examine une solution qui soit conforme sur le plan législatif et qu'on dépose un projet de loi pour amender le projet qui nous est soumis ce soir.
M. Charles Beer (S). La loi actuelle sur les prud'hommes souffre de trois tares essentielles dans son fonctionnement.
La première : le manque de juges formés dans certains groupes professionnels comportant peu de travailleurs suisses; il est donc difficile d'y trouver des juges suisses pour rendre la justice.
Deuxième tare : les questions techniques. Une mauvaise conciliation, un manque de qualité pour agir, probablement pour les organisations syndicales et patronales, voire la présence de mandataires.
Troisième tare essentielle : vu sa composition laïque, cette juridiction n'est pas techniquement en mesure d'apprécier toute la difficulté du débat sur l'égalité entre femmes et hommes particulièrement pour tout ce qui concerne les études statistiques, les lois existantes qui exigent - au-delà des conventions collectives du travail, la loi sur le travail et le code des obligations - des connaissances particulièrement fouillées et une capacité d'interprétation extrêmement aiguë.
Voici très brièvement comment les choses se sont passées : un groupe d'experts nommés par le Conseil d'Etat a rendu une copie, il y a deux ans, en février 1997, afin de ne pas rater l'échéance de l'élection qui a lieu tous les six ans. Il est dommage de constater, aujourd'hui, que le projet de loi, tel qu'il ressort de la commission, ne tienne compte finalement que des aspects techniques, comme si la plus grande urgence pour la commission avait été de régler d'abord ces questions techniques. Celles-ci sont importantes, je le concède, mais il ne faut pas omettre pour autant l'aspect du bon fonctionnement de la justice, notamment en ce qui concerne les groupes recensant très peu de travailleurs suisses et, également, les questions ayant trait à l'égalité.
Les travaux issus de la commission laissent à penser que toutes les pistes ont été explorées, que le travail d'étude a été conduit jusqu'au bout, puisque nous nous apprêtons - selon la majorité de la commission - à ne pas écouter les partenaires sociaux. A mon avis, cela n'a pas été le cas. Voici un élément de comparaison : que serait aujourd'hui un vote sur l'organisation du Tribunal des baux et loyers si, d'ores et déjà, la Chambre genevoise immobilière, le Rassemblement pour une politique sociale du logement et l'Asloca venaient nous dire que la justice, telle que l'on doit l'organiser et telle qu'elle ressort de la commission, ne les satisfaisait pas ? Un certain nombre de députés seraient certainement d'avis qu'il n'est pas concevable de travailler dans ces conditions. Pour les syndicats et pour les socialistes, il n'est pas concevable de passer à une réformette de la juridiction des prud'hommes en laissant de côté deux éléments essentiels.
Venons-en à la question du travail, sérieux ou non, de la commission. Nous avons déposé, avec ma collègue Mme Gobet, trois amendements qui reposent sur une logique essentielle : comment traduire le souci du traitement des causes ayant trait à l'égalité entre femmes et hommes sans, le cas échéant, être en contradiction avec la constitution. Mme Gobet, qui est juriste, a travaillé avec moi dans un laps de temps très court sur ces amendements. Ceux-ci montrent qu'il est possible d'imaginer des pistes, non pas en créant un groupe spécifique - la constitution l'interdit - mais simplement en renforçant respectivement le Tribunal et la Cour d'appel de compétences spécifiques et particulières.
Il s'agirait, encore une fois, de conserver les groupes professionnels tels que proposés. Cela permettrait d'avoir les compétences techniques juridiques, statistiques et économiques indispensables pour rendre une justice de qualité, particulièrement dans un domaine essentiel pour tout le monde : l'égalité entre femmes et hommes. On a eu l'occasion de dire tout à l'heure - lors du rapport du Conseil d'Etat qui a traîné - qu'il y avait finalement fort peu de pistes et fort peu de propositions pour remédier à une situation qui repose sur un constat de dix pages sur les problèmes d'inégalité entre femmes et hommes sur le marché du travail.
En conclusion, vu que ces pistes n'ont pas été entièrement examinées, en ce qui concerne le souci de traiter sur le fond l'égalité entre femmes et hommes, et prenant en considération l'indispensable bon fonctionnement de la justice, particulièrement l'organisation des groupes professionnels dans lesquels il n'y a pas de travailleurs suisses, nous devons avoir l'honnêteté de dire qu'il est indispensable de renvoyer ce projet en commission, afin d'étudier tout ce qu'il est techniquement possible de faire pour aboutir à un projet conforme à la constitution, et, surtout, en priorité : trouver une solution pour l'adapter à notre préoccupation essentielle : la mise en place d'une véritable et nouvelle juridiction du travail donnant satisfaction à l'ensemble des justiciables.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical a entendu avec intérêt les arguments présentés, de part et d'autre, sur l'issue qui devrait être donnée, ce soir, à ce projet de loi. Il est clair que les questions soulevées par M. Beer et par Mme Gobet sont importantes. Je ne suis pas absolument certain qu'il soit immédiatement possible d'améliorer le bon fonctionnement de la justice que nous avons tous en tête, étant donné les nombreux problèmes juridiques qui se posent quant à l'adoption de ces amendements. C'est pourquoi un projet de loi constitutionnelle - dont on ne parle pas pour l'instant - a été déposé pour tenter de donner une réponse juridiquement parfaite à des problèmes qui sont politiquement discutés.
Si, personnellement, je suis très favorable à l'élection de juges prud'hommes étrangers - vous le savez bien, Mesdames et Messieurs les députés - tout le monde dans cette enceinte ne pense pas comme moi. Ce problème ne pourra pas être résolu immédiatement en renvoyant ce projet de loi en commission. Je crois que les arguments de M. le député Grobet et de Mme la députée Bugnon doivent être pris en considération.
La commission judiciaire a bien travaillé en étudiant ce projet à réitérées reprises. Peut-être ne s'agit-il que d'une réformette dans l'esprit de ceux qui proposent des amendements; toujours est-il qu'on parle depuis des années de la réforme du Tribunal des prud'hommes à Genève. Aujourd'hui, nous en sommes déjà à une première étape. Personne, dans ce Grand Conseil, ne pense que la loi, même si nous la votons ce soir, ne va pas être modifiée dans les dix ou vingt ans à venir et qu'il faudra la reprendre immédiatement. Mais aujourd'hui, il faut accepter que des lois soient sans cesse reprises. Ce n'est pas toujours satisfaisant pour le juriste, mais la réalité l'exige. Le bon fonctionnement des prud'hommes concerne d'abord 240 millions de travailleuses et travailleurs à Genève; c'est cela que nous devons principalement prendre en considération. Il y a ce soir une série d'amendements dont nous pouvons facilement débattre, parce que je reconnais qu'ils sont de nature plutôt technique, comme de déterminer s'il faut trois ou cinq juges à la Cour d'appel. D'autres sont de nature profondément politique, même s'il est vrai qu'ils faciliteraient le bon fonctionnement théorique de la justice.
Dans ces conditions, je pense qu'il faut être raisonnable et refuser, ce soir, le renvoi en commission. Acceptons le vote du projet tel qu'il nous est présenté, avec le rapport de M. le député Pagani, comme une première étape. Nous aurons le loisir, immédiatement après - sans attendre le projet de loi constitutionnelle, si vous êtes sûrs de vos arguments, Monsieur le député Beer et Madame la députée Gobet - de revenir avec un autre projet de loi qui sera inscrit à la commission judiciaire. Je crois que c'est comme cela que les intérêts des travailleuses et des travailleurs - que nous voulons tous défendre pour un bon fonctionnement du Tribunal des prud'hommes - seront le mieux respectés.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. En l'occurrence, tout a été dit. Il me semble un peu facile de mettre en avant l'éligibilité des personnes d'origine étrangère et l'égalité entre hommes et femmes, alors qu'il y a essentiellement, dans ce tribunal, un problème de bon fonctionnement. Je me suis engagé dans cette affaire en proposant ce projet de loi de modification constitutionnelle, parce que nous devons aller par étape dans cette réforme fondamentale du Tribunal des prud'hommes. Je rappelle qu'aujourd'hui ce qui pèche, ce n'est pas seulement le fait que 41% des travailleurs, qui sont des personnes d'origine étrangère, n'accèdent pas à cette juridiction, alors qu'ils auraient le droit d'y participer; ce ne sont pas seulement les femmes qui subissent tous les problèmes liés à l'inégalité et qui n'ont pas le droit d'y accéder, en tant que groupe. Mais c'est aussi l'ensemble des travailleurs qui n'arrivent pas, dans cette crise économique que nous traversons, à se faire payer des heures supplémentaires abusivement imposées, à se faire payer des indemnités contre des licenciements abusifs et à se faire payer des salaires qui ne leur ont pas été versés.
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si nous allons trancher et mettre en place une véritable structure qui permette réellement d'appliquer cette réforme ou si nous allons laisser traîner les choses et rendre service à certains patrons, une minorité qui abuse de cette lenteur et qui en a abusé pendant des années. Je m'engage à faire le second pas ensuite : proposer une nouvelle loi pour modifier les deux autres problèmes que j'ai précédemment soulevés.
M. Pierre-François Unger (PDC). Vous n'aurez aucun doute sur ce point : je suis un laïc total en matière juridique.
Pour avoir présidé la commission qui a travaillé avec beaucoup d'ardeur depuis le début du mois de septembre sur ce projet de loi, j'ai eu l'occasion d'observer qu'en réalité tous ceux qui travaillaient dans la commission judiciaire savaient pertinemment où il fallait aller : vers une juridiction qui travaille plus vite, de manière plus sérieuse et plus conforme au droit. Nous avons eu l'occasion, à réitérées reprises, de nous rendre compte à quel point le droit du travail s'est complexifié et à quel point le Tribunal des prud'hommes - qui a certainement pendant très longtemps fonctionné dans sa forme actuelle - ne fonctionnait plus.
Malheureusement, de ce constat simple - il fallait aller plus vite, plus juste et plus conformément au droit - nous nous sommes rendu compte que nous n'y arriverions pas pour la simple et bonne raison que les partenaires sociaux, la juridiction des prud'hommes et, finalement, un grand nombre des gens que nous interrogions, nous montraient à quel point le poids de l'Histoire s'exerçait sur cette juridiction et à quel point la plus ténue des réformes mettait en péril l'ensemble de l'oeuvre.
Sur cette base-là, nous avons évidemment abouti à un compromis dont il ne faut pas se cacher qu'il n'est pas ambitieux, qu'il est même - et je suis d'accord avec vous, Monsieur Beer, à cet égard - relativement médiocre. A partir de ce constat, que proposez-vous ? Vous proposez un retour en commission. Ce retour en commission devant s'assortir tout de même de l'examen d'un projet de loi constitutionnelle qui, lui-même, doit être soumis à un vote populaire. Nous ne croyons pas - quand bien même le projet de loi issu des travaux de la commission nous paraît d'assez maigre qualité - qu'il soit raisonnable de jouer au poker avec une juridiction qui représente un aussi grand intérêt pour les travailleurs et les travailleuses de ce canton. C'est la raison pour laquelle, malgré les imperfections de ce projet, nous refuserons de le renvoyer en commission.
En outre - j'anticipe un peu sur le débat qui suivra sur le projet de loi constitutionnelle - vous voulez soumettre cette loi à l'examen de ce projet constitutionnel qui demande trois réformes d'importance. La première - avec laquelle le groupe démocrate-chrétien est parfaitement d'accord - est l'intégration d'un certain nombre de juges étrangers à la juridiction des prud'hommes. C'est donc avec enthousiasme que nous accepterons cette modification. Mais, malheureusement, comme si le «paquet ficelé» ne nous avait pas servi de leçon, on y ajoute deux autres éléments, si bien que les gens d'avis opposé vont s'additionner. Ajouter les problèmes de l'égalité, sur lesquels nous avons eu l'occasion, à réitérées reprises, de discuter en commission, c'est courir le risque extrêmement considérable que votre proposition de modification constitutionnelle ne passe pas devant le peuple. Nous pensions qu'il fallait parler des problèmes de discrimination en général, et pas uniquement de discrimination de sexe homme-femme. Je veux parler de discrimination en termes de religion, de confession, de couleur, etc. sur le lieu de travail.
Enfin, vous proposez une troisième modification dont nous avons parlé en commission : que la juridiction des prud'hommes soit élue par le Grand Conseil, ce qui simplifierait peut-être un certain nombre de choses, mais ce qui politiserait indiscutablement une juridiction qui se doit d'être tenue à l'écart du débat politicien.
Au fond, ces trois raisons, Monsieur Beer, me poussent à penser que même si ce projet est - je le répète - relativement médiocre, nous savons tous où nous devons aller, mais nous savons tous que nous ne pouvons pas y aller maintenant. Nous devons donc voter ce projet, parce que le vide juridique que laisserait un échec total de la révision constitutionnelle est inacceptable pour la sécurité du droit et pour les travailleurs de ce canton.
M. Bernard Annen (L). Je n'ai pas bien compris les propos tenus par M. Grobet prétendant que si nous faisions traîner les choses, c'est que nous avions des arrière-pensées. Comment cela pourrait-il être possible dans le cas présent, alors que les tribunaux de prud'hommes et les juges continuent de fonctionner ? Qui oserait aujourd'hui, quel qu'il soit, quelles que soient ses idées politiques, demander de bloquer l'engrenage des tribunaux de prud'hommes ? Ce n'est franchement pas un argument valable !
Par ailleurs, force est de constater la dextérité des intervenants qui - comme par hasard - faisaient tous partie de la commission judiciaire. Cela me paraît tout à fait normal qu'ils ne veuillent pas se déjuger face à notre parlement, et c'est la raison pour laquelle nous en arrivons à cette situation. Il faut comparer ce qui peut l'être et essayer de définir les objectifs que vous voulez atteindre. Vous soulignez la lenteur du fonctionnement des prud'hommes qui serait due, selon vous, aux années qui pèsent sur cette juridiction. Je n'ai entendu personne aujourd'hui, cher collègue Unger, relever que cela fait dix ans que nous sommes en crise et que, par conséquent, il y a plus de licenciements abusifs, plus de conflits entre les partenaires et à l'intérieur des entreprises.
Je vous remercie, Monsieur Pagani, d'avoir mentionné qu'il s'agit d'une minorité des patrons. Nous sommes d'accord sur ce point, mais laissez au moins la possibilité aux autres de régler leurs problèmes entre eux. Le plus choquant dans cette affaire, c'est le peu de cas qui est fait des partenaires sociaux. Je partage l'avis de M. Beer - même si son argumentation ne me séduit pas toujours - pour dire que si nous traitions d'une autre juridiction, telle que la SCI ou d'autres, il y aurait eu un tollé général dans ce parlement et surtout de votre part, Monsieur Pagani. Vous auriez dit que nous ne voulions entendre ni l'Asloca, ni le Rassemblement ou d'autres personnes qui vous sont proches. C'est ce qui me déçoit le plus dans cette affaire. Vous négligez non seulement les partenaires sociaux mais également les juges qui aujourd'hui encore nous adressent une lettre pour nous dire que nous n'allons pas dans la bonne direction.
Monsieur Unger, ce ne sont pas des principes généraux, tels que ceux que vous avez évoqués tout à l'heure, qui pourraient justifier de renoncer au renvoi de ce projet de loi en commission, mais bien les cas concrets de la vie de tous les jours traités dans cette juridiction des prud'hommes que vous balayez d'un revers de main. On peut mesurer l'estime qu'un certain nombre de partis portent aux partenaires sociaux !
M. Laurent Moutinot. La réforme de la juridiction des prud'hommes est une question capitale, et le projet de loi qui ressort des travaux de votre commission judiciaire consacre un pas important à cette réforme. Il s'agit bien entendu d'un premier pas qui doit être suivi de deux autres pas : celui de l'éligibilité des juges prud'hommes étrangers et celui d'une amélioration du traitement des questions d'égalité. Je puis vous dire, au nom du Conseil d'Etat, que nous sommes favorables à ces deux réformes.
Cela dit, aujourd'hui, je vous demande de voter le texte tel qu'il ressort des travaux de votre commission judiciaire et de ne pas renvoyer ce projet une nouvelle fois en commission pour la raison suivante : nous sommes dans la situation où le texte qui ressort des travaux de votre commission est accepté comme tel par tout le monde et aucun élément n'est contesté. Un seul reproche lui est fait : ne pas aller assez loin. Or, nous savons que pour ce faire il faudra encore du temps et du travail. Les délais nécessaires pour faire ce travail risquent de nous conduire dans une impasse institutionnelle en ce qui concerne la juridiction des prud'hommes. En effet, nous n'arriverons pas à mener la totalité de ces réformes dans des délais suffisamment rapides pour que la nouvelle composition des juges prud'hommes puisse entrer en fonctions.
Il a été évoqué dans le débat par M. le député Beer et M. le député Annen - probablement en partie à mon intention - que l'on ne pourrait pas imaginer une réforme du Tribunal des baux et loyers qui n'aurait pas l'agrément de l'Asloca et des partenaires de l'immobilier. Cela me donne l'occasion de vous dire que la juridiction des baux et loyers s'est faite par réformes successives et que les voeux des uns ou des autres n'ont jamais été réalisés en une fois. Il a fallu la modifier durant de longues années. Il est parfois nécessaire de prendre le temps; nous pouvons appliquer le même principe en ce qui concerne la juridiction des prud'hommes. Votez donc ce soir ce projet de loi qui est un premier pas important de cette réforme. Nous pourrons revenir rapidement sur les autres points, notamment par des projets déjà déposés par M. Pagani et par de nouveaux projets qui devront accompagner les deux nouveaux volets de la réforme.
Le président. Je vous invite à vous prononcer sur la proposition de renvoi en commission de ce projet de loi.
L'appel nominal est demandé part Mme Alexandra Gobet, nous allons y procéder. (Appuyé.)
Celles et ceux qui acceptent le renvoi en commission répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission judiciaire est rejetée par 46 non, 37 oui et 5 abstentions.
Ont voté non (46) :
Esther Alder (Ve)
Luc Barthassat (DC)
Madeleine Bernasconi (R)
Claude Blanc (DC)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolorès Loly Bolay (AG)
Anne Briol (Ve)
Fabienne Bugnon (Ve)
Bernard Clerc (AG)
Anita Cuénod (AG)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Jeannine de Haller (AG)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Daniel Ducommun (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
René Ecuyer (AG)
Marie-Thérèse Engelberts (DC)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Pierre Froidevaux (R)
Luc Gilly (AG)
Philippe Glatz (DC)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Nelly Guichard (DC)
Antonio Hodgers (Ve)
Georges Krebs (Ve)
Bernard Lescaze (R)
Jean-Louis Mory (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Marc Odier (R)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Martine Ruchat (AG)
Louis Serex (R)
Walter Spinucci (R)
Pierre-François Unger (DC)
Pierre Vanek (AG)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Salika Wenger (AG)
Ont voté oui (37) :
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Charles Beer (S)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Christian Brunier (S)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Pierre-Alain Champod (S)
Jacqueline Cogne (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Pierre Ducrest (L)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Alexandra Gobet (S)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Marianne Grobet-Wellner (S)
Janine Hagmann (L)
Dominique Hausser (S)
Armand Lombard (L)
René Longet (S)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Barbara Polla (L)
Véronique Pürro (S)
Albert Rodrik (S)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Myriam Sormanni (S)
Micheline Spoerri (L)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Alberto Velasco (S)
Se sont abstenus (6) :
Juliette Buffat (L)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Régis de Battista (S)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Christine Sayegh (S)
Etaient excusés à la séance (9) :
Roger Beer (R)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Claude Haegi (L)
Michel Halpérin (L)
David Hiler (Ve)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Meyll (AG)
Etait absent au moment du vote (1) :
Christian de Saussure (L)
Présidence :
Jean Spielmann, président
Le président. Nous votons maintenant la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles1 à 4.
Art. 5
Mme Alexandra Gobet (S). Dans l'hypothèse d'un refus de la proposition de renvoi en commission, les socialistes ont déposé un amendement à l'article 5. Notre groupe vous propose de reprendre la formule de la composition sociale en matière de baux et loyers pour que les causes qui impliquent des questions relevant de la loi sur l'égalité entre femmes et hommes puissent faire l'objet d'une adjonction dans la composition du groupe de deux juges, spécialistes de ces questions, qui siégeraient aux côtés des compositions ordinaires, avec les groupes ordinaires, tel que proposé par les travaux de commission. Le cas échéant, je reviendrai sur les deux autres amendements pour développer le fonctionnement du système. Nous vous proposons l'amendement suivant :
«Désignation des membres de l'office cantonal de conciliation et des juges spécialistes des questions de l'égalité entre femmes et hommes
...
2...et de 8 juges spécialistes des questions de l'égalité entre femmes et hommes. »
Le président. Je soumets cet amendement au vote de l'assemblée.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 5 est adopté.
Art. 6
Mme Alexandra Gobet (S). Je présente un amendement sous la forme d'un alinéa 5, nouveau, qui se lit comme suit :
«Juges spécialisés
5 Les juges spécialistes des questions de l'égalité entre hommes et femmes justifient à leur désignation ou d'une formation dans ce domaine ou d'une expérience professionnelle équivalente.»
l'alinéa 5 devient l'alinéa 6 et le 6 devient le 7.
Le président. Madame Gobet, nous avons procédé à un petit toilettage de votre amendement. Vous nous direz si vous êtes d'accord.
«Juges spécialisés
5 Les juges spécialistes des questions de l'égalité entre hommes et femmes justifient lors de leur désignation soit d'une formation dans ce domaine soit d'une expérience professionnelle équivalente.»
Mme Alexandra Gobet. Tout à fait !
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Nous sommes d'accord avec le contenu de cet amendement. Toutefois, sans vouloir revenir sur le débat qui s'est tenu précédemment, nous trouvons que cet amendement n'a pas lieu d'être dans ce domaine. Nous nous associerons aux personnes qui ont proposé cet amendement, dès demain, pour proposer un nouveau projet de loi dans le cadre et dans la lignée de la modification constitutionnelle. C'est pour cette raison que, personnellement, je m'abstiendrai.
M. Charles Beer (S). Il y a des choses en politique qui frôlent l'autisme... Certaines réflexions - si j'ose encore employer le terme de «réflexions» - me sidèrent.
Je précise ce qui suit : il est question ici du souci de l'égalité entre hommes et femmes et de la difficulté d'appliquer la justice. En commission, il nous a été dit qu'il était impossible de faire un groupe spécifique, car cela était contraire à la constitution. Nous l'avons bien compris, et nous avons rédigé un amendement de manière que ce souci soit pris en compte, mais de manière différente pour respecter la constitution. Vous parlez d'avancer par étape... Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, je m'adresse à vous. Et vous osez suggérer l'abstention sur une question aussi fondamentale que l'égalité entre femmes et hommes, alors qu'il n'y a ici aucun problème constitutionnel ! Je tiens d'ores et déjà à dire que je demanderai l'appel nominal sur cette question !
Mme Alexandra Gobet (S). Au moment de voter cet amendement, il faut que les choses soient claires. Si l'Alliance de gauche est d'accord de commencer à travailler demain à la mise en oeuvre de l'égalité entre hommes et femmes, c'est dans six ans, au minimum, que celle-ci sera mise en application au Tribunal des prud'hommes. Maintenant que le renvoi en commission a été refusé, si nous ne votons pas ce soir une disposition comprenant des mesures en matière d'égalité, vous savez comme moi que la désignation des juges se fera sans qu'il y ait de remèdes à l'inégalité entre hommes et femmes. Par conséquent, le travail que l'on fera demain, dans un mois ou dans un an, n'aura pas d'impact avant six ans au plus... C'est une hypocrisie qu'il fallait relever, et nous soutenons la demande d'appel nominal de notre collègue !
M. Olivier Vaucher (L). Une fois n'est pas coutume, je rejoindrai l'avis du rapporteur : en tant que juge prud'homme, je ne vois vraiment pas ce que vient faire cet amendement dans la loi des prud'hommes ! Qu'il y ait des hommes ou des femmes, nous n'allons pas changer notre jugement en matière d'égalité entre les hommes et les femmes aux prud'hommes. Je rejoins donc l'avis de M. Pagani : je ne vois vraiment pas l'utilité de cet amendement dans cette loi.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Après les leçons qui viennent de nous être données sur notre velléité de faire semblant de soutenir l'égalité entre hommes et femmes, je signale au parti socialiste que, si ce volet était retiré du prochain projet de loi, le peuple devrait se prononcer seulement sur l'éligibilité des personnes d'origine étrangère. Je donne alors peu de chances à ce projet de loi d'aboutir en votation populaire. Il m'apparaît beaucoup plus sage de présenter au souverain le volet sur l'éligibilité des personnes étrangères et le volet sur l'égalité entre hommes et femmes dans cette juridiction, plutôt que de partir fanfaronner devant le peuple sur une seule question.
M. Charles Beer (S). Tout à l'heure, la stratégie consistait à dire qu'il n'était pas opportun de retenir la solution d'une révision complète de la législation et qu'il valait mieux, au contraire, progresser par étape. Et, tout à coup, renversement de stratégie: il ne faut pas mettre en évidence les salariés étrangers qui postuleraient à cette juridiction... Ma démonstration s'arrête ici !
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Beer, ce n'est pas une question d'autisme. Vous savez très bien que si cet amendement est voté, le projet de loi peut être immédiatement renvoyé en commission. Cet amendement est totalement inapplicable, et il faudra adapter la loi en fonction de ce que vous proposez.
J'aimerais rappeler que les juges prud'hommes sont élus par le peuple dans des groupes spécifiques. On propose du reste de réduire le nombre de groupes de onze à cinq. Il n'y a pas, à ma connaissance, de juges spécialisés tels que vous les désignez ici et vous dites : «Les juges spécialistes des questions de l'égalité entre femmes et hommes justifient à leur désignation...». Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Ces juges ne sont pas désignés, ils sont élus; ils n'ont donc aucune justification à donner ! J'ai le regret de vous dire que cet amendement, tel qu'il est rédigé, ne peut pas être voté. Je n'arrive pas à comprendre, Monsieur Beer, que vous ne saisissiez pas cette évidence : il n'est décemment pas possible d'adopter des amendements aussi mal rédigés sans les discuter en commission. Ou alors, dites tout de suite que vous nous proposez délibérément un texte mal rédigé pour que le tout soit renvoyé en commission; ce sera beaucoup plus simple et nous comprendrions la stratégie que vous poursuivez. Mais ce n'est pas sérieux comme travail législatif. Nous, nous prenons un engagement : nous vous avons invités formellement à nous rencontrer pour préparer un texte cohérent qui puisse s'insérer dans la nouvelle loi et qui réponde à nos préoccupations qui sont les mêmes que les vôtres. Mais nous ne sommes pas d'accord de cautionner le mauvais bricolage d'une loi et d'adopter des textes qui sont inapplicables, pour ne pas dire incompréhensibles dans leur libellé.
M. Michel Balestra (L). Bien qu'il soit dit ici que cette commission n'a pas traité dans le détail les amendements proposés, bien qu'ayant été battu sur toute la ligne, je dois ici m'inscrire en faux. Il est ressorti de la discussion, comme l'a finalement reconnu M. Beer, que la création d'un groupe égalité n'était pas conforme au droit supérieur. En matière de ségrégation ou d'égalité, les juges de tous les groupes devaient avoir, dans leur formation, une sensibilisation à ces nouvelles approches du droit du travail. Cela fait partie de la formation prévue par le projet de loi.
En revanche, il ne faut pas intégrer cet amendement tel que proposé aujourd'hui, pour la bonne et simple raison que nous ne trouverons pas, pour les prochaines élections, les juges qui auront déjà cette formation. Contrairement à ce que nous a dit Mme la députée Gobet, ces juges approfondiront leurs connaissances au cours de la législature et recevront une formation adéquate que le Conseil d'Etat définira selon la loi que nous avons votée sur les prud'hommes.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez que cette loi sur la juridiction des prud'hommes soit applicable et, bien que je comprenne votre sensibilité sur la question de l'égalité qui est un vrai problème, vous devez refuser ces amendements.
Le président. L'appel nominal a été demandé par M. Charles Beer. Nous allons y procéder. (Appuyé.)
Celles et ceux qui acceptent cette proposition d'amendement répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non. Je vous le relis :
«Juges spécialisés
5 les juges spécialistes des questions de l'égalité entre hommes et femmes justifient lors de leur désignation soit d'une formation dans ce domaine soit d'une expérience professionnelle équivalente.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non, 20 oui et 16 abstentions.
Ont voté non (52) :
Esther Alder (Ve)
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Madeleine Bernasconi (R)
Claude Blanc (DC)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Anne Briol (Ve)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Juliette Buffat (L)
Fabienne Bugnon (Ve)
Bernard Clerc (AG)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Christian de Saussure (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Marie-Thérèse Engelberts (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Philippe Glatz (DC)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Antonio Hodgers (Ve)
Georges Krebs (Ve)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Jean-Louis Mory (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Marc Odier (R)
Barbara Polla (L)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Louis Serex (R)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Ont voté oui (20) :
Charles Beer (S)
Dolorès Loly Bolay (AG)
Christian Brunier (S)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Magdalena Filipowski (AG)
Alexandra Gobet (S)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Marianne Grobet-Wellner (S)
Dominique Hausser (S)
René Longet (S)
Véronique Pürro (S)
Albert Rodrik (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Myriam Sormanni (S)
Alberto Velasco (S)
Se sont abstenus (16) :
Anita Cuénod (AG)
Régis de Battista (S)
Jeannine de Haller (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Martine Ruchat (AG)
Christine Sayegh (S)
Pierre Vanek (AG)
Salika Wenger (AG)
Etaient excusés à la séance (9) :
Roger Beer (R)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Claude Haegi (L)
Michel Halpérin (L)
David Hiler (Ve)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Meyll (AG)
Etaient absents au moment du vote (2) :
Pierre-Alain Champod (S)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Présidence :
Jean Spielmann, président
Mis aux voix, l'article 6 est adopté.
Mis aux voix, l'article 7 est adopté, de même que les articles 8 à 10.
Art. 11
Mme Alexandra Gobet (S). D'entrée de cause, pour le cas où quelqu'un souhaiterait «vomir» sur cet amendement, je signale qu'il est inspiré de l'article 8 de la loi sur la conciliation en matière de baux et loyers. L'amendement que nous proposons, M. Charles Beer et moi-même, consiste en un article 11, nouveau, qui se lit comme suit :
«1 S'il s'avère que la cause comporte des questions ayant trait à l'application de la loi sur l'égalité entre femmes et hommes, le Tribunal et la Cour d'appel siègent avec le concours de deux juges supplémentaires spécialistes des questions d'égalité entre femmes et hommes.
2 Dans ce cas 3 femmes au moins font partie de la composition du Tribunal ou de la Cour d'appel.»
M. Michel Balestra (L). Les amendements précédents ayant été refusés, cette juridiction des prud'hommes ne comporte pas de juges spécialistes en matière d'égalité. Les juges doivent être formés pour l'ensemble des causes à juger y compris celles de l'égalité. Toute la structure de ce projet de loi est divisée par profession et l'égalité n'en est pas une. Dans chaque profession, chaque juge doit être spécialisé y compris dans le domaine de l'égalité. Ce projet serait totalement inapplicable avec cet amendement.
M. Charles Beer (S). La logique de cet amendement, c'est justement de prendre en compte la constitution telle qu'elle existe. Il ne s'agit pas ici de redécouper des groupes, d'en rajouter qui ne seraient pas conformes à la constitution. Il s'agit de travailler sur les groupes tels qu'ils existent et tels qu'ils ressortent des travaux de la commission. Je rappelle également aux commissaires qui ont travaillé sur ce projet de loi que, lorsque justice doit être rendue en matière d'égalité, ils ont su trouver une pertinence à la loi sur l'égalité pour en dégager la procédure de conciliation.
Pour le Tribunal et pour la chambre d'appel, il s'agit ici simplement de renforcer les compétences des groupes tels qu'ils existent par des personnes ayant reçu une formation spécifique en la matière. Voilà le sens de cet amendement qui n'est absolument pas contraire à la constitution. Je reconnais volontiers avec le député Grobet qu'il aurait pu être mieux rédigé, mieux travaillé, mieux ficelé par de fins juristes empreints tout à coup d'une velléité incontrôlable de conciliation, y compris avec les milieux syndicaux. Nous aurions pu faire ce travail, nous pouvons encore le faire, mais vous nous dites, ce soir, que si l'on peut prendre le risque de l'échec, il faut en tout cas sauvegarder la réforme première telle que nous la proposons.
Nous maintenons cet amendement, et, à l'instar de la procédure de vote, nous demanderons bien évidemment l'appel nominal.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Beer, ce n'est pas avec de l'ironie mal placée que vous réussirez à nous convaincre. Il ne s'agit pas de pinailler ou de faire les difficiles sur des questions rédactionnelles. Nous souhaitons simplement - et j'ose espérer que c'est également votre cas - qu'un texte voté par ce Grand Conseil puisse être appliqué. Or, vous nous proposez de nouveau, je suis navré de vous le dire, un texte inapplicable ! L'idée est néanmoins intéressante, mais elle fait appel à une solution qui ne sera pas facile à trouver. Vous demandez que le tribunal - il s'agit de la première instance - siège avec le concours de deux juges supplémentaires. S'agit-il de deux juges prud'hommes ou issus d'une autre juridiction ? Qui les désignera ? Qui dira s'ils sont spécialistes des questions d'égalité entre femmes et hommes ? Faudra-t-il montrer un diplôme à cet égard ?
Vous savez, Monsieur Beer, que les juges prud'hommes ne peuvent siéger que dans le groupe pour lequel ils sont élus. Comment voulez-vous tout d'un coup dire que ces juges peuvent siéger dans n'importe quel groupe ? Il faut modifier la loi. Il faut pouvoir dire que des juges qui normalement, d'après la constitution, ne peuvent siéger que dans un groupe, pourraient, à titre exceptionnel, siéger dans les quatre autres groupes. C'est peut-être techniquement possible, mais il faut rédiger votre amendement différemment. Ce n'est pas sérieux, à 22 h 15, alors que nous avons d'autres travaux importants, de nous atteler à ce travail rédactionnel. J'avoue que je n'y arrive pas.
M. Olivier Vaucher (L). Monsieur Beer, vous nous dites qu'il faut qu'il y ait des juges qui traitent de l'égalité. En tant que juge prud'homme, je n'ai jamais eu à traiter de l'égalité entre hommes et femmes.
Le président. L'appel nominal a été demandé par M. Charles Beer. Nous allons y procéder. (Appuyé.)
Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non. Cet amendement, proposé par Mme Gobet et M. Beer, est un article 11, nouveau et il se lit comme suit :
«1 S'il s'avère que la cause comporte des questions ayant trait à l'application de la loi sur l'égalité entre femmes et hommes, le Tribunal et la Cour d'appel siègent avec le concours de deux juges supplémentaires spécialistes des questions d'égalité entre femmes et hommes.
2 Dans ce cas 3 femmes au moins font partie de la composition du Tribunal ou de la Cour d'appel.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non, 18 oui et 18 abstentions.
Ont voté non (51) :
Esther Alder (Ve)
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Madeleine Bernasconi (R)
Claude Blanc (DC)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Anne Briol (Ve)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Fabienne Bugnon (Ve)
Bernard Clerc (AG)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Christian de Saussure (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Marie-Thérèse Engelberts (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Philippe Glatz (DC)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Antonio Hodgers (Ve)
Georges Krebs (Ve)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Jean-Louis Mory (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Marc Odier (R)
Barbara Polla (L)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Louis Serex (R)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Pierre-François Unger (DC)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Ont voté oui (18) :
Charles Beer (S)
Christian Brunier (S)
Pierre-Alain Champod (S)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Alexandra Gobet (S)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Marianne Grobet-Wellner (S)
Dominique Hausser (S)
René Longet (S)
Véronique Pürro (S)
Albert Rodrik (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Myriam Sormanni (S)
Alberto Velasco (S)
Se sont abstenus (18) :
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Anita Cuénod (AG)
Régis de Battista (S)
Jeannine de Haller (AG)
Erica Deuber-Pauli (AG)
René Ecuyer (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Luc Gilly (AG)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Elisabeth Reusse-Decrey (S)
Martine Ruchat (AG)
Christine Sayegh (S)
Pierre Vanek (AG)
Salika Wenger (AG)
Etaient excusés à la séance (9) :
Roger Beer (R)
Bénédict Fontanet (DC)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Claude Haegi (L)
Michel Halpérin (L)
David Hiler (Ve)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Pierre Meyll (AG)
Etaient absents au moment du vote (3) :
Dolorès Loly Bolay (AG)
Juliette Buffat (L)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Présidence :
Jean Spielmann, président
Mme Alexandra Gobet (S). J'observe qu'il était 22 h 15 pour l'égalité des droits en commission judiciaire, qu'il est 22 h 15 au Grand Conseil pour l'égalité des droits, que tout à l'heure il était trop tôt ou trop tard pour le rapport du Conseil d'Etat. En fait, pour l'égalité des droits entre femmes et hommes, ce n'est jamais la bonne heure ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, l'article 11 est adopté.
Art. 12
M. Bernard Annen (L). N'ayez crainte, je ne veux pas relancer le débat sur la présence ou non des avocats en conciliation. Force est de constater que le lobby des avocats a porté et qu'ils ont réussi à imposer la présence d'un avocat en conciliation, mais là n'est pas le but de mon intervention. Celle-ci porte sur la définition exacte, Monsieur le rapporteur, de ce que vous appelez : «l'assistance par un proche.»
En effet, vous avez essayé de retarder les procédures, et je me demande comment un juge va pouvoir estimer si la personne qui accompagne, soit un patron soit un employé, est un proche ou ne l'est pas ? Je crois que la sécurité du droit exige d'avoir des définitions bien claires. Les juristes avertis ont sur ce point, à mon avis, quelque peu péché par imprécision.
Je vous ferai la suggestion toute simple de supprimer : «... par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié». Cela vous permettra de résoudre tous les problèmes. Ainsi la question ne se posera pas de savoir qui est proche et qui accompagne qui. Car, finalement, si je peux venir avec mon directeur ou avec mon président du conseil d'administration, qui va déterminer s'il s'agit d'un proche ou non ? C'est, de mon point de vue, relativement mauvais. Pour ma part, j'aimerais avoir des précisions, Monsieur Pagani, sur ce que vous entendez par un ou une proche.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. La question est un peu impromptue, mais j'essayerai d'y répondre en fonction de mes souvenirs, car nous avons eu beaucoup de problèmes à régler en commission; vous en avez eu un exemple tout à l'heure.
En ce qui concerne les avocats, il ne fait aucun doute que la définition est claire. Pour ce qui est des mandataires professionnellement qualifiés, il s'agit d'avoir une expérience professionnelle d'au moins trois ans dans cette juridiction; cela s'adresse aux secrétaires syndicaux ou à toute personne bénéficiant d'une expérience en droit du travail. S'agissant des proches, nous sommes partis de l'idée que les liens familiaux tels que définis dans la loi, n'étaient pas suffisants. D'autant plus que l'on ne se bouscule pas au portillon pour les travailleurs qui représentent la majorité des causes et qui devraient avoir la possibilité d'être accompagnés par des proches.
En l'occurrence, la commission a voulu élargir un peu le cercle des personnes susceptibles, le cas échéant, d'assister le travailleur-demandeur. Je crois même qu'il existe une jurisprudence sur la notion des proches. Je ne suis pas spécialiste en droit, et je passe la parole à qui veut bien la prendre sur cette question.
Le président. Jusqu'à preuve du contraire, c'est le président qui donne la parole à ceux qui la demandent !
M. Laurent Moutinot. Pour répondre à M. le député Annen, la notion de mandataire professionnellement qualifié existe dans toute une série d'autres lois, notamment administratives. Il s'agit en particulier de la commission de recours LCI. On peut imaginer qu'il faille, dans un règlement, préciser exactement - notamment sur la base des premières explications que vous a données M. Pagani - ce qu'est un mandataire professionnellement qualifié. Cette dénomination, mentionnée dans d'autres lois, n'a jamais posé de problèmes. En ce qui concerne les proches, ce n'est pas non plus un aérolithe dans l'ordre juridique genevois. Je n'ai pas eu le temps de retrouver cette disposition, mais je puis vous répondre que la notion d'assistance par un proche existe, notamment en matière de procédure de divorce où les proches ont la possibilité d'assister l'une ou l'autre des parties aux audiences à huis clos.
Je pense, par conséquent, que le texte tel qu'il ressort des travaux de votre commission, au besoin précisé par voie réglementaire, est largement préférable au flou que vous semblez imaginez. Si on laisse cette fois-ci venir n'importe qui, on court le risque d'avoir des mandataires totalement farfelus, ce qui serait parfaitement dommageable pour la bonne administration de la justice.
M. Bernard Annen (L). Force est de constater que personne ne peut vraiment répondre à ma question. En ce qui concerne les mandataires professionnellement qualifiés, je n'ai pas expressément posé cette question. Ce qui m'intéresse, c'est la définition du proche. Cette notion est tellement vague et tellement vaste que, finalement, elle ne correspond pas à grand-chose. Elle n'aura qu'une seule conséquence : celle de ralentir la procédure. Les parties vont dire : qui est cette personne ? Est-elle proche ou non ? Je ne suis pas d'accord de discuter avec quelqu'un qui n'est pas à même d'assister la personne qu'il accompagne. Cela suscitera des conflits qui risquent d'entraîner des reports d'audience. C'est à mon avis une erreur, mais, finalement, erreur pour erreur, poursuivons dans cette voie; nous y sommes habitués avec les juristes très expérimentés !
Mis aux voix, l'article 12 est adopté, de même que les articles 13 à 83.
Mis aux voix, l'article 84 (souligné) est adopté.
M. Bernard Lescaze (R). Je ne vais pas déposer un amendement, mais, si jamais il en avait été question lors des travaux en commission, j'aimerais obtenir des précisions de la part du rapporteur au sujet de l'article 52, alinéa 3.
Souvent maintenant dans certaines décisions judiciaires, il est précisé que, si le tribunal statue séance tenante, la rédaction du jugement peut intervenir ultérieurement. Dans tout le projet de loi, toute la suite : recours, etc., dépend de la réception du jugement. Etant donné qu'aucun délai n'est fixé au tribunal pour la rédaction de ce premier jugement, j'aimerais que le rapporteur me donne la certitude que celle-ci intervient dans un délai relativement rapide, car il est beaucoup question de retard dans la juridiction des prud'hommes. Evidemment, c'est une excellente manière de faire traîner les choses. Or, vous savez que les gens ont généralement besoin assez vite des indemnités qu'ils reçoivent. Je m'inquiète un peu de voir que ce projet ne prévoit aucun délai concernant la remise du jugement aux parties. J'aimerais savoir ce qu'il en est. Peut-être que le système à l'heure actuelle fonctionne très bien et qu'il n'est pas la cause des retards, mais il me semble qu'il y a là une petite lacune.
Le président. Il y a des délais à l'article 55.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Effectivement, comme l'a souligné M. Lescaze, le jugement est établi quasiment séance tenante ou à la séance suivante. Les jugements sont notifiés aux parties ultérieurement, mais il n'y a pas de longs délais : un, voire deux mois. Le cas échéant, on pourrait très bien fixer un délai pour que soit imposée une date butoir.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais rappeler à M. Lescaze que lorsque certains points de cette loi ne sont pas tout à fait clairs, la loi de procédure civile s'applique à titre supplétif.
En ce qui concerne la notification du jugement, tout est extrêmement clair à Genève; le délai de recours part dès la date de la notification. En outre, par rapport au prononcé du jugement, il est vrai que le Tribunal administratif a un délai de six mois sur la totalité de la procédure pour rendre ses jugements. Il est un peu délicat de fixer une échéance, car un délai trop court pourrait mettre le tribunal dans l'embarras. Il ne faut pas oublier qu'en juillet et août il y a des absents. Je suggère donc, Monsieur Lescaze, que l'on prenne note de votre observation qui pourra être examinée dans le cadre des futurs projets de révision de la loi que nous votons ce soir.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7829)
sur la juridiction des prud'hommes (juridiction du travail) (E 3 10)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvevu les articles 139 à 143 de la Constitution genevoisedécrète ce qui suit :
Art. 1 Compétence à raison de la matière
1 Sont jugées par la juridiction des prud'hommes :
2 Ne sont pas du ressort de la juridiction des prud'hommes :
Art. 2 Election
L'élection des juges prud'hommes est réglée par la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982.
Art. 3 Division en 5 groupes
1 Les prud'hommes forment 5 groupes correspondant aux domaines d'activité (de l'employeur) suivants :
2 Si l'employeur déploie son activité dans plusieurs domaines, c'est l'activité exercée par le salarié qui détermine l'attribution au groupe.
Art. 4 Prestation de serment
Avant d'entrer en fonctions, les juges prud'hommes prêtent, devant le Conseil d'Etat, le même serment que les autres juges.
Art. 5 Désignation des membres de l'office cantonal de conciliation
1 Immédiatement après la prestation de serment, les juges prud'hommes employeurs et salariés se réunissent en 2 assemblées distinctes.
2 Chacune des assemblées désigne en son sein à la majorité relative :2 titulaires et 4 suppléants qui siègent à l'office cantonal de conciliation.
Art. 6 Réunion constitutive
1 Après la prestation de serment et au plus tard dans la semaine qui suit, chaque groupe tient, sur convocation du chef du département de justice et police et des transports, une réunion constitutive.
2 Un président et un vice-président sont élus au scrutin secret pour une année dans chaque groupe. Si le président est employeur, le vice-président doit être salarié et réciproquement. Est élu celui qui obtient un nombre de suffrages égal aux deux tiers du total des bulletins valables. Si cette majorité n'est pas atteinte lors des 2 premiers tours de scrutin, le 3e tour a lieu à la majorité absolue et le tour suivant à la majorité relative.
3 En cas de surcharge, et si d'autres personnes que le président et le vice-président du groupe sont appelées à présider régulièrement le tribunal, elles sont élues selon le même mode de scrutin.
4 Le président et le vice-président du groupe, de même que les présidents suppléants, doivent être titulaires d'une licence en droit ou au bénéfice d'une formation spécifique attestée par un brevet dont les modalités sont fixées par règlement.
5 Chaque groupe désigne des juges pour siéger au tribunal de prud'hommes et à la Cour d'appel.
6 Les prud'hommes qui n'ont pas une des fonctions déterminées aux articles 5 et 6 siègent en lieu et place de ceux qui en sont empêchés.
Art. 7 Nouvelle élection du président et du vice-président de groupe et des présidents suppléants
1 A l'expiration de son mandat annuel, le président convoque les prud'hommes de son groupe en séance plénière, leur présente un rapport sur l'exercice écoulé et les invite à élire le nouveau président et le nouveau vice-président, ainsi que les présidents suppléants, selon le mode prévu à l'article 6.
2 Lorsque le président sortant est employeur, son successeur doit être salarié et vice versa.
Art. 8 Incompatibilités
1 Ne peuvent siéger ensemble dans le même degré de juridiction d'un groupe de prud'hommes :
2 En cas d'incompatibilité survenue depuis la constitution du groupe, il est procédé à une nouvelle répartition des fonctions, en conformité de l'article 6.
Art. 9 Tribunal
1 Le Tribunal de prud'hommes (ci-après tribunal) est composé du président ou du vice-président du groupe, ou d'un président suppléant désigné par le groupe, de 2 prud'hommes employeurs et de 2 prud'hommes salariés.
2 Les audiences sont présidées alternativement par un président employeur et par un président salarié.
Art. 10 Cour d'appel
1 La Cour d'appel est composée d'un président, juge, ancien juge ou juge suppléant à la Cour de justice, de 2 prud'hommes employeurs et de 2 prud'hommes salariés, ces derniers ayant siégé pendant au moins 3 ans au tribunal.
2 Les présidents sont désignés par la Cour de justice.
3 En cas d'absence d'un prud'homme membre de la Cour, le greffier convoque un prud'homme remplaçant.
4 Aucun juge ne peut siéger s'il a déjà connu de l'affaire en conciliation ou en première instance.
Art. 11 Dispositions applicables
Les dispositions générales de la loi d'organisation judiciaire et de la loi de procédure civile sont applicables à titre supplétif, dans la mesure compatible avec les exigences de simplicité et de rapidité propres à la procédure applicable devant la juridiction des prud'hommes.
Art. 12 Comparution des parties
1 Les parties comparaissent en personne.
2 Elles peuvent être assistées par un proche, par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié.
3 Les parties sont entendues contradictoirement.
Art. 13 Représentation
1 Exceptionnellement, le président du tribunal peut autoriser une partie à se faire représenter par un proche, par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié.
2 Une société peut être représentée par un membre de son personnel.
3 Le représentant de la société doit être muni des pouvoirs nécessaires pour transiger.
Art. 14 Caisse de chômage
1 La caisse de chômage intervenant dans la procédure en raison de sa subrogation dans les droits de son assuré partie à la procédure comparaît à l'audience.
2 En cas d'absence de sa part, il n'est toutefois pas prononcé défaut contre elle. Dans ce cas, il est statué sur la base des prétentions formulées par écrit par la caisse, et en fonction des pièces produites.
Art. 15 Demande
1 La demande est introduite par écrit, en règle générale au moyen d'une formule délivrée gratuitement par le greffe, dont l'usage n'est toutefois pas obligatoire.
2 Elle est accompagnée de copies de toutes les pièces utiles.
Art. 16 Egalité entre hommes et femmes
La procédure de conciliation instaurée par la loi d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes est seule applicable lorsque cette loi est invoquée d'entrée de cause.
Art. 17 Citation
1 Dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la demande, le greffe convoque les parties à bref délai, par lettre recommandée, pour tentative de conciliation.
2 Lorsque l'une des parties a un domicile éloigné du canton, la cause peut être convoquée directement devant le tribunal du groupe compétent, lequel tente la conciliation en début d'audience.
Art. 18 Conciliation
1 La conciliation a lieu sous l'autorité du président et du vice-président du groupe compétent.
2 Une personne titulaire d'une licence en droit ou au bénéfice d'une formation spécifique dont les modalités sont fixées par règlement, désignée par le collège des président et vice-président de groupes, procède par délégation à la tentative de conciliation.
3 Les conciliateurs sont désignés sur la base d'une liste de candidats dressée par le greffier de la juridiction des prud'hommes sur proposition des milieux professionnels concernés. Ils sont assermentés par le Conseil d'Etat.
Art. 19 Huis clos
Les audiences de conciliation ont lieu à huis clos.
Art. 20 Pièces et comptes
1 Les parties doivent produire toutes les pièces et présenter tous les comptes nécessaires afin que le litige puisse être examiné en connaissance de cause.
2 Le conciliateur peut décider de la reconvocation de l'affaire et ordonner l'apport des pièces et comptes manquants. Il peut infliger une amende de 500 F au maximum à la partie qui ne donne pas suite à son ordonnance.
Art. 21 Défaut du demandeur
1 Si le demandeur ne se présente pas sans avoir justifié au préalable au greffe d'un empêchement valable, le conciliateur lui inflige une amende de 500 F au maximum et raye la cause du rôle. Le greffe en avise le demandeur par lettre recommandée.
2 Dans les 10 jours qui suivent cet avis, le demandeur peut faire opposition à cette décision par simple déclaration écrite, déposée au greffe ou adressée à celui-ci par lettre recommandée. L'amende est levée si le demandeur fournit une excuse valable.
3 Le demandeur peut réintroduire sa demande en même temps qu'il forme opposition.
Art. 22 Défaut du défendeur
1 Si le défendeur ne se présente pas sans avoir justifié au préalable au greffe d'un empêchement valable, le conciliateur lui inflige une amende de 500 F au maximum et la cause est renvoyée au tribunal.
2 Le conciliateur peut toutefois reconvoquer les parties en conciliation si les circonstances le justifient.
3 L'article 21, alinéa 2 s'applique par analogie en cas d'opposition du défendeur.
Art. 23 Cause conciliée
1 En cas de conciliation, le conciliateur dresse séance tenante procès-verbal de la transaction intervenue.
2 Il donne lecture de ce procès-verbal qui est ensuite signé par les parties et par lui-même. Si l'une des parties ne peut signer, il en est fait mention.
3 Le procès-verbal de transaction est ensuite contresigné par le président du groupe compétent ou son remplaçant.
4 Les procès-verbaux de conciliation sont rapportés au greffe du tribunal et sont minutés comme des jugements. Ils ont la même valeur que les jugements définitifs rendus par le tribunal. Chaque parti en reçoit gratuitement copie dans les dix jours.
Art. 24 Jugement
1 En cas d'échec de la tentative de conciliation, le président du groupe compétent ou son remplaçant, sur proposition du conciliateur, statue sans audience :
2 Le jugement, sommairement motivé, est notifié rapidement aux parties par pli recommandé.
3 Les jugements rendus en premier ressort peuvent être portés devant la Cour d'appel, dans les conditions des articles 59 et suivants.
4 Dans tous les cas prévus à l'alinéa 1, le président du groupe compétent ou son remplaçant peut également décider de convoquer la cause devant le tribunal, siégeant dans sa composition ordinaire.
Art. 25 Renvoi au tribunal
Les causes qui n'ont pas été résolues par conciliation ou par décision sont transmises d'office au tribunal.
Art. 26 Pluralité de demandes de même nature
Lorsque des demandes de même nature, portant notamment sur l'application d'un plan social en cas de licenciement collectif, dirigées contre le même employeur, ressortissent à la compétence de plusieurs groupes, le greffe peut, avec l'accord des présidents des groupes concernés, attribuer toutes ces causes à l'un d'entre eux.
Art. 27 Renvoi devant la Cour d'appel
1 Si le montant litigieux excède 20 000 F, les parties peuvent, par déclaration écrite protocolée au procès-verbal et signée par elles, ou par convention signée et déposée au greffe dans les 10 jours suivant l'audience de conciliation, décider d'un commun accord de porter le litige directement devant la Cour d'appel. La cause lui est alors transmise d'office.
2 Les dispositions concernant la procédure devant la Cour d'appel sont applicables. La demande est soumise à émolument. Il est procédé à un échange de mémoires, chaque partie disposant d'un délai de 30 jours.
Art. 28 Déclarations en conciliation
Lorsque la cause est renvoyée devant le tribunal ou la Cour d'appel, aucune des parties ne peut se prévaloir dans la suite du procès de ce qui a été déclaré à l'audience de conciliation, soit par les parties, soit par le conciliateur.
Art. 29 Maxime d'office
Le tribunal établit d'office les faits, sans être limité par les offres de preuve des parties.
Art. 30 Réponse à la demande
Le défendeur dispose d'un délai de 30 jours dès l'audience de conciliation pour répondre par écrit à la demande, avec autant de copies qu'il y a de parties.
Art. 31 Citation
1 Dans les 10 jours qui suivent, le greffe cite les parties, par lettre recommandée, à comparaître à bref délai devant le tribunal.
2 Les parties qui veulent faire entendre des témoins en déposent la liste au greffe 15 jours au moins avant l'audience.
3 Des pièces supplémentaires doivent être déposées dans le même délai.
4 Les parties sont informées des délais mentionnés aux articles 30 et 31, alinéa 2 par la remise d'un formulaire lors de l'audience de conciliation. En cas d'absence du défendeur, ce document lui est adressé par lettre recommandée.
5 Les témoins mentionnés sur les listes des parties sont cités par le greffe, sauf s'ils sont domiciliés hors de Suisse. Dans ce cas, il appartient à la partie qui requiert leur audition de les amener devant le tribunal.
6 Les parties peuvent, le cas échéant, requérir des commissions rogatoires pour le juge du lieu, conformément aux dispositions du concordat sur l'entraide judiciaire en matière civile des 26 avril et 8/9 novembre 1974, et des conventions internationales en la matière. Le tribunal statue sur la requête.
Art. 32 Audition des parties
1 Les parties exposent leurs arguments hors la présence des témoins et, en règle générale, avant l'audition de ceux-ci.
2 Un procès-verbal résumant leurs déclarations est dressé par le greffier sous la dictée du président ; il en est donné lecture aux parties qui peuvent exiger la modification et la rectification des passages qui n'expriment pas fidèlement leurs dires.
3 Les parties signent ensuite le procès-verbal ; si l'une d'elles ne peut signer, il en est fait mention.
Art. 33 Absence justifiée et ajournement de l'audience
En cas d'empêchement reconnu valable par le président du tribunal, l'audience est, sur demande, ajournée et reconvoquée.
Art. 34 Défaut du demandeur
1 Si le demandeur régulièrement cité ne comparaît pas à l'audience, sans que son absence soit justifiée, défaut est prononcé contre lui et le défendeur présent est libéré d'office des fins de la demande.
2 Cette décision fait l'objet d'un jugement notifié aux parties par lettre recommandée.
Art. 35 Défaut du défendeur
1 Si le défendeur régulièrement cité ne comparaît pas à l'audience, sans que son absence soit justifiée, défaut est prononcé contre lui et le demandeur présent obtient ses conclusions, sauf si le tribunal n'est pas compétent ou si les conclusions ne sont pas fondées sur les faits articulés ou les pièces produites.
2 Cette décision fait l'objet d'un jugement notifié aux parties par lettre recommandée.
Art. 36 Absence subséquente
La partie qui a comparu à une audience ne peut plus faire défaut. La décision est réputée contradictoire.
Art. 37 Opposition à défaut
1 Tout jugement rendu par défaut peut être frappé d'opposition dans les 15 jours dès sa notification.
2 Si le défaillant est absent ou domicilié hors du canton, le tribunal peut fixer, dans le jugement par défaut, un délai plus long pour l'opposition.
3 Malgré l'expiration des délais ci-dessus, l'opposition peut être admise si le défaillant justifie qu'à raison d'absence du canton, de maladie grave ou d'autre empêchement reconnu valable, il n'a pu connaître l'instance ni le jugement, ou former opposition dans le délai fixé. L'exécution du jugement n'est suspendue que si le tribunal l'ordonne. L'opposition cesse d'être recevable un an après l'entrée en force du jugement.
4 L'opposition est formée par une écriture motivée déposée au greffe en autant de copies qu'il y a de parties. Si tel n'est pas le cas, les copies manquantes sont dressées aux frais de l'opposant. L'écriture contient la justification du défaut, les arguments et conclusions au fond ainsi que l'indication des moyens de droit. Elle est accompagnée de toutes les pièces utiles.
5 A réception de l'opposition, le greffe en communique copie à la partie adverse.
6 L'opposition est portée en principe devant les mêmes juges.
7 En principe, le tribunal met à la charge de l'opposant qui ne justifie pas d'un motif d'absence valable tout ou partie des frais d'audience causés par son défaut, même s'il obtient gain de cause sur le fond.
Art. 38 Second défaut
1 Si la partie opposante est défaillante à l'audience sur opposition, le tribunal prononce un second défaut contre lequel il ne peut plus être formé opposition.
2 Le jugement est notifié aux parties par lettre recommandée.
Art. 39 Suspension
1 L'instance est suspendue par la requête commune de toutes les parties, par le défaut de comparution de toutes les parties, par le décès de l'une d'elles ou son interdiction, ainsi que dans les cas de décès, démission, radiation, suspension ou destitution de l'avocat constitué dans la cause. Le greffe en avise les parties par lettre recommandée.
2 L'instance est reprise à la demande de la partie la plus diligente.
3 Si, dès le prononcé de la suspension ou le cas échéant dès la fin de la cause de suspension, l'instance n'est pas reprise dans l'année, elle est périmée de plein droit. La péremption d'instance n'éteint pas l'action.
Art. 40 Témoins, indemnité
Les témoins peuvent demander une indemnité dont le montant est fixé par le président.
Art. 41 Sanction
1 Le témoin cité par le greffe qui, sans justifier son absence, ne comparaît pas à l'audience, peut être condamné à une amende n'excédant pas 500 F.
2 Il peut faire opposition dans les 10 jours après la notification à lui faite de l'avis de condamnation. S'il fournit une excuse valable, le tribunal annule ou réduit l'amende.
Art. 42 Prestation de serment
Le témoin est d'abord invité par le président à déclarer :
Art. 43 Incompatibilités
1 Ne peuvent être entendus comme témoins :
2 Ils peuvent toutefois être entendus à titre de renseignement, sans prestation de serment.
Art. 44 Audition des témoins
1 Les témoins sont entendus séparément et les parties ne peuvent les interrompre.
2 Si les parties ont des réserves à formuler à l'égard d'un témoin, elles sont tenues d'en faire état avant sa déposition.
3 Le greffier dresse, sous la dictée du président, un procès-verbal résumant la déposition du témoin et lui en donne lecture. Le témoin en confirme l'exactitude.
Art. 45 Nomination d'experts
1 Lorsque les juges ordonnent une expertise, ils nomment l'expert, le font convoquer par le greffe et désignent les objets sur lesquels un avis doit être donné.
2 Si la nature et l'importance du litige le justifient et si les parties y consentent, il peut être désigné 3 experts.
3 Les causes de récusation sont les mêmes que pour les juges.
Art. 46 Rapport d'expertise
1 Si l'objet de l'expertise est de nature telle que l'expert puisse immédiatement donner son avis, il est entendu à l'audience de la manière prescrite pour les témoins. Sinon, il fait ultérieurement un rapport, verbal ou écrit, selon ce qu'ordonne le tribunal ; le rapport est confirmé sous la foi du serment.
2 Le tribunal veille à ce que le rapport soit dressé dans le plus bref délai. En cas de retard non motivé, le tribunal peut remplacer l'expert et le condamner à une amende n'excédant pas 500 F.
3 S'il a été nommé 3 experts, les dispositions qui précèdent sont également applicables.
Art. 47 Avance des frais d'expertise
1 Sauf décision contraire du tribunal, les frais d'expertise sont avancés par la partie qui l'a sollicitée.
2 Dans son jugement, le tribunal en fait l'estimation provisoire et impartit un délai à la partie qui doit en opérer le versement au greffe.
3 Si le versement n'est pas opéré dans le délai fixé, la procédure d'expertise est déclarée close.
4 Si une expertise est ordonnée d'office, les frais en sont avancés par l'Etat. Il en est de même si la partie qui doit effectuer l'avance des frais conformément à l'alinéa 1 établit que sa situation financière ne lui permet pas de faire face à cette obligation.
Art. 48 Amplification de la demande
Le demandeur peut amplifier ses conclusions en cours d'instance. Dans ce cas, le tribunal doit donner au défendeur la possibilité de se prononcer.
Art. 49 Procès-verbal
Le greffier tient le procès-verbal de l'audience sous la dictée du président.
Art. 50 Exception de litispendance ou d'incompétence
1 Le tribunal, saisi d'une exception de litispendance ou d'incompétence, même si ladite exception porte sur la compétence du groupe auquel le litige est attribué, doit au préalable statuer sur cette exception. S'il la rejette, le tribunal en fait mention au procès-verbal et aborde le fond immédiatement. Les motifs à l'appui du rejet sont exposés dans le jugement sur le fond.
2 Le tribunal examine d'office les questions de litispendance ou d'incompétence à raison de la matière.
3 L'exception d'incompétence à raison du lieu ou du groupe doit être soulevée au début de la première audience du tribunal sous peine de forclusion.
4 Si le tribunal constate que la cause est du ressort d'un autre groupe, il la transmet au groupe qu'il estime compétent. Si ce dernier groupe décline sa compétence, il porte sans délai le litige devant la Cour d'appel de son groupe.
Art. 51 Délibération
Les juges délibèrent en secret.
Art. 52 Jugement
1 Sauf circonstances particulières, le tribunal délibère et statue séance tenante.
2 Il n'est procédé à la lecture publique du jugement que sur demande expresse d'une partie lors de l'audience.
3 La rédaction du jugement peut intervenir ultérieurement.
Art. 53 Contenu du jugement
Tout jugement doit contenir :
Art. 54 Jugement en dernier ressort
Le tribunal juge en dernier ressort toutes les demandes dont le montant n'excède pas 1000 F, tant selon les dernières conclusions du demandeur principal que selon celles du demandeur reconventionnel.
Art. 55 Notification, force de chose jugée
1 Le jugement est notifié aux parties par lettre recommandée.
2 Il devient exécutoire le lendemain de sa notification.
3 Lorsqu'il est susceptible d'opposition ou d'appel, le jugement ne devient exécutoire, en l'absence d'un tel acte, qu'à l'expiration des délais prévus par la présente loi.
Art. 56 Cas d'appel
1 Les jugements rendus par le tribunal dans les causes dont la demande principale ou reconventionnelle est supérieure à 1000 F, ainsi que ceux rendus en application de l'art. 24, alinéa 1, lettre a, peuvent être déférés à la Cour d'appel.
2 Est également susceptible d'appel le jugement rendu dans une cause de valeur indéterminée ou relative à une action en constatation de droit, ainsi que le jugement qui admet une exception d'incompétence ou de litispendance.
3 Le rejet d'une exception d'incompétence ou de litispendance n'est susceptible d'appel qu'au moment où le jugement sur le fond est rendu.
4 La partie défaillante n'est pas recevable à appeler du jugement qui l'a condamnée par défaut.
Art. 57 Compétence du président
1 Le président de la Cour d'appel statue seul et sans audience sur les appels portant sur une question de litispendance, de compétence, d'autorité de la chose jugée, de récusation ou toute autre question de nature procédurale.
2 Il peut toutefois décider de faire convoquer la cause à une audience de la Cour d'appel siégeant dans sa composition habituelle.
Art. 58 Instance unique
Dans le cas prévu à l'article 27, la Cour d'appel statue en instance unique. Les dispositions des articles 60, 61, 63 à 67 relatives à la procédure, sont applicables par analogie.
Art. 59 Forme et délai de l'appel
1 L'appel doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision du tribunal.
2 Il est formé par une écriture motivée déposée au greffe, ou adressée à celui-ci par lettre recommandée. L'écriture indique notamment les points de fait et de droit contestés du jugement et les conclusions en appel.
3 Elle est accompagnée de toutes les pièces utiles. Elle doit mentionner expressément si une réouverture des enquêtes est demandée et, dans ce cas, indiquer la liste des témoins à entendre ou réentendre ainsi que tout autre moyen de preuve.
Art. 60 Emolument de mise au rôle
1 Lorsque le montant encore litigieux excède 20 000 F, l'appelant est astreint à un émolument de mise au rôle, conformément au tarif fixé par le Conseil d'Etat.
2 Toutefois, sur demande motivée, le président peut dispenser, sous réserve du gain du procès, l'appelant d'effectuer cette avance si sa situation financière le justifie.
Art. 61 Réponse de l'intimé
1 Copie de l'écriture d'appel est communiquée à l'intimé. Un délai de 30 jours dès réception de celle-ci lui est imparti pour déposer un mémoire de réponse.
2 L'article 59, alinéas 2 et 3, s'applique par analogie.
3 Copie de la réponse est communiquée à l'appelant par pli simple.
4 Un second échange d'écritures n'est ordonné qu'exceptionnellement.
Art. 62 Appel incident
1 Un appel incident ne peut être formé, sous peine d'irrecevabilité, que dans le délai fixé pour le mémoire de réponse.
2 L'appelant principal peut répondre. L'article 61 s'applique par analogie.
3 Si l'appel principal est retiré, l'appel incident n'en subsiste pas moins.
4 Si l'appel principal est déclaré irrecevable, l'appel incident devient caduc.
Art. 63 Mémoires
Chaque écriture doit être produite en autant d'exemplaires qu'il y a de parties. Si tel n'est pas le cas, les copies manquantes sont dressées aux frais de la partie qui l'a déposée.
Art. 64 Citation et comparution
1 Dès la signification de la dernière écriture, ou à l'expiration du délai pour produire celle-ci, le greffe cite les parties, par lettre recommandée, à comparaître à bref délai devant la Cour d'appel.
2 Des enquêtes ne sont ouvertes que dans la mesure où les parties l'ont sollicité dans leurs écritures, la Cour d'appel pouvant toutefois y procéder d'office.
Art. 65 Non comparution d'une partie
1 En cas de non-comparution sans excuse valable de l'une des parties à l'audience de la Cour d'appel, la cause est gardée à juger.
2 L'arrêt est réputé contradictoire à l'égard de la partie qui n'a pas comparu.
Art. 66 Dispositions applicables
Sauf disposition contraire du présent chapitre, les articles régissant la procédure devant le tribunal sont applicables devant la Cour d'appel.
Art. 67 Notification de l'arrêt
1 L'arrêt est rendu par la Cour d'appel conformément à l'article 52. Il est notifié sans délai par lettre recommandée.
2 Il est exécutoire dès le lendemain de sa notification.
3 Toutefois, lorsqu'il est susceptible de recours en réforme au Tribunal fédéral, il ne devient exécutoire, en l'absence d'un tel acte, qu'à l'expiration des délais prévus par la loi.
Art. 68 Publicité, horaire et police des audiences
1 Les audiences de la juridiction sont publiques, sous réserve de l'article 19.
2 En règle générale, elles ont lieu en fin de journée.
3 Le président a la police de l'audience.
Art. 69 Interprète
1 Si l'une des parties, un témoin ou un expert ne peut s'exprimer en français, le conciliateur ou le président du tribunal ou de la Cour d'appel désigne un interprète. Ce dernier prête serment de traduire fidèlement les déclarations, questions et réponses.
2 Il n'est toutefois pas appelé d'interprète si le conciliateur, le président ou l'un des juges peut interroger la partie intéressée, le témoin ou l'expert dans la langue qui convient.
3 L'interprète est indemnisé par l'Etat.
Art. 70 Récusation
1 Tout juge est récusable :
2 Tout juge qui a connaissance d'une cause de récusation en sa personne est tenu de la déclarer au tribunal ou à la Cour d'appel qui décide s'il doit s'abstenir.
3 Au surplus, les articles 85, 88, 90 à 92, 96, 97 et 100 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, sont également applicables.
4 Le président indique aux parties au début de l'audience les noms des juges appelés à siéger.
5 La demande de récusation est jugée immédiatement à huis clos, en l'absence du juge dont la récusation est demandée.
6 Les demandes de récusation dirigées simultanément contre tous les juges du tribunal ou une majorité d'entre eux sont jugées par le collège des présidents de groupe, présidé par le plus âgé. Si l'un d'eux fait l'objet de la demande de récusation, il est remplacé par le vice-président de son groupe.
7 Les demandes de récusation dirigées simultanément contre tous les juges de la Cour d'appel ou une majorité d'entre eux sont jugées par un collège composé de 5 juges présidant la Cour d'appel et présidé par le représentant de la juridiction des prud'hommes au sein de la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou son remplaçant.
Art. 71 Indemnités
Un règlement du Conseil d'Etat fixe le montant des indemnités que reçoivent :
Art. 72 Pénalités
1 Le président siégeant peut infliger au juge régulièrement convoqué qui manque une audience sans motif légitime une amende n'excédant pas 300 F.
2 L'intéressé est admis à présenter son excuse au président qui a siégé ; ce dernier statue à huis clos et en dernier ressort.
Art. 73 Greffe
Un greffe central fonctionne pour la juridiction des prud'hommes.
Art. 74 Personnel du greffe
1 Le greffier et le personnel du greffe sont engagés en conformité de l'article 75Ade la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941.
2 Les dispositions de la loi précitée concernant les greffiers (art. 112 à 122), sont applicables au greffier de la juridiction des prud'hommes.
Art. 75 Tâches du greffe
1 Le greffier ou l'un des commis assermentés reçoit les demandes, envoie les citations et les sommations ; il convoque les prud'hommes et les membres de la Cour d'appel pour les diverses audiences.
2 Il dresse les procès-verbaux prévus aux articles 32, 44 et 49. A la demande du président, il assiste à la délibération, mais sans prendre part à la décision.
3 Il a soin des registres, des procès-verbaux des audiences et des délibérations qui peuvent être prises en assemblée générale, ainsi que des archives.
4 Il tient à jour une collection des conventions collectives de travail que l'organisme officiel compétent doit lui communiquer. Il rassemble toute la documentation utile sur les contrats-types et les usages professionnels. Il dresse un rôle de la jurisprudence.
5 Il rédige les jugements, dans la mesure où il en est chargé par le tribunal.
6 Il minute les jugements et les arrêts, les expédie et les fait signifier.
Art. 76 Frais
1 La procédure est gratuite pour les parties, sauf disposition contraire de la loi. Toutefois, le juge peut mettre les dépens et les frais de justice à la charge de la partie qui plaide de manière téméraire. Lorsque la violation est grave, le juge peut en outre infliger une amende de 2 000 F au maximum.
2 Toute la procédure devant la juridiction des prud'hommes est rédigée sur papier libre.
3 Les parties sont dispensées de faire enregistrer les pièces produites devant la juridiction des prud'hommes.
Art. 77 Assistance juridique
1 Chaque partie peut, si elle remplit les conditions requises, demander le bénéfice de l'assistance juridique (art. 143A de la loi sur l'organisation judiciaire).
2 Le greffe tient à disposition la formule ad hoc.
Art. 78 Répartition des frais
1 Les indemnités aux témoins, les frais des expertises demandées par les parties et l'émolument prévu à l'article 60 sont mis à la charge de la partie qui succombe, à moins que le tribunal ou la Cour d'appel n'en décide autrement.
2 Si l'expertise a été ordonnée d'office, les frais peuvent en être laissés à la charge de l'Etat lorsqu'il ne paraît pas équitable de les faire supporter aux parties.
Art. 79 Gratuité prévue par le droit fédéral
Les dispositions figurant aux articles 47 et 78 sont applicables sans préjudice de l'article 343, alinéa 3, du code des obligations quant à la gratuité prévue par cette dernière disposition.
Art. 80 Délivrance de copies
La copie de toute pièce de procédure demandée par les parties peut être soumise à la perception d'un émolument selon un tarif fixé par le Conseil d'Etat.
Art. 81 Encaissement
Les sommes perçues par le greffe sont versées à la caisse de l'Etat.
Art. 82 Clause abrogatoire
La loi sur la juridiction des prud'hommes, du 21 juin 1990 est abrogée.
Art. 83 Disposition transitoire
1 Les prud'hommes élus lors des élections générales des 27 et 28 avril 1993 ainsi que lors d'élections complémentaires postérieures exercent leur charge jusqu'à l'entrée en fonction des nouveaux juges élus en vertu de l'art. 120, al. 1, de la loi sur l'exercice des droits politiques.
2 Les causes pendantes devant les anciens groupes professionnels sont alors chacune attribuées au nouveau groupe compétent.
3 Les conditions de l'article 6, alinéa 4 ne sont pas applicables aux présidents et vice-présidents de groupe, ainsi qu'aux présidents suppléants, élus pour la première législature suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
Art. 84 Modifications à d'autre lois
(A 5 05)
1 La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 126, al. 1 et 2 (nouvelle teneur, l'alinéa 2 actuel devenant l'alinéa 3)
1 Les groupes professionnels sont composés chacun de 30 à 60 prud'hommes employeurs et d'un nombre égal de prud'hommes salariés.
2 Le nombre de juges à élire dans chaque groupe professionnel est fixé par le Conseil d'Etat, après consultation des organisations professionnelles, au moins 3 mois avant les élections.
Art. 128 (nouvelle teneur, sans modification de la note)
Le Conseil d'Etat convoque les électeurs des groupes 1 à 5 dont l'élection n'est pas tacite et désigne les locaux de vote.
Art. 132, al. 2, lettre b (nouvelle teneur)
Art. 147 (nouvelle teneur, sans modification de la note)
Lorsque, dans un groupe professionnel, le nombre de juges s'avère insuffisant, en raison soit de nombreux sièges vacants, soit d'une augmentation importante du nombre de litiges, le président ou le vice-président du groupe concerné en informe le Conseil d'Etat, lequel décide cas échéant, après consultation des organisations professionnelles, de procéder à un scrutin complémentaire.
Art. 192 Abrogé
(E 2 05)
2 La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit :
Art. 35B, al. 1 (nouvelle teneur)
1 La Chambre d'appel en matière de baux et loyers connaît des jugements rendus par le Tribunal des baux et loyers dans les contestations fondées sur l'article 56A.
Art. 60D, al. 2, lettre d (nouvelle teneur)
Art. 75B, al. 1 (nouvelle teneur)
1 La commission de gestion est composée du procureur général, qui la préside, des présidents de la Cour de justice, du Tribunal administratif, de la Cour de cassation, du Tribunal de première instance, du Collège des juges d'instruction, du Tribunal tutélaire et de la Justice de paix et du Tribunal de la jeunesse et de l'un des présidents de la Cour d'appel des prud'hommes, désigné par la Cour de justice, ainsi que de deux fonctionnaires à plein temps du pouvoir judiciaire.
(E 3 05)
3 La loi de procédure civile, du 10 avril 1987, est modifiée comme suit :
Art. 291, al. 2 Abrogé