Séance du vendredi 22 janvier 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 3e session - 4e séance

P 1209-A
8. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant un espace pour la culture et l'habitat alternatifs. ( -) P1209
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission des pétitions

Lors de sa séance du 24 septembre 1998, le Grand Conseil a renvoyé la pétition 1209 concernant un espace pour la culture et l'habitat alternatifs à la Commission des pétitions. Cette dernière a traité ce sujet lors des séances des 14 septembre, 12 octobre, 2 novembre 1998 et 4 janvier 1999, sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher. La teneur en est la suivante :

Pétitionconcernant un espace pour la culture et l'habitat alternatifs

Mesdames etMessieurs les députés,

Plusieurs événements ont démontré, ces derniers temps, que la culture et l'habitat alternatifs sont en péril.

Parmi les lieux les plus vivants qui ont réussi à maintenir des activités en permanence pendant de nombreuses années, il y a le Goulet de Chêne-Bourg. L'expression musicale, entre autre, s'y est épanouie avec succès et aujourd'hui elle rassemble un public de plus en plus large et toujours plus nombreux.

Par ailleurs, ce ne sont pas moins de 80 personnes (hommes, femmes, enfants) qui ont trouvé là un terrain favorable à la cohabitation autour d'un projet cohérent de culture alternative.

Suite à la votation populaire de septembre 1996, il est plus que jamais question de détruire ce célèbre îlot.

Afin d'éviter une disparition totale de cet habitat et de la culture alternative qui s'y est développée, nous prions les autorités de trouver une solution appropriée qui permette de poursuivre cette expérience d'expression culturelle et des modes de vie qui y sont attachés.

N.B. : 2264 signatures

MM. Bertrand Zurcher et Yannis Schweri, p.a. Comité de soutien du Goulet,2, rue F.-A. Grison, 1225 Chêne-Bourg

Auditions

MM. Raymond Beffa, Yannis Schweri, David Schlatter et Bertrand Zurcher, pétitionnaires

Le Goulet de Chêne-Bourg a déjà fait couler beaucoup d'encre. Il est habité par une soixantaine de jeunes. M. Beffa est un habitant de Chêne-Bourg. Il appartient au comité de soutien du Goulet formé il y a deux ans, comité qui est composé d'environ dix personnes qui suivent ce dossier. M. Schlatter n'habite pas le Goulet mais y a été très actif. M. Zurcher n'habite plus au Goulet mais gère l'association culturelle « Goulet 13 ». M. Schweri est un habitant du Goulet depuis de nombreuses années. Il est président de l'association « Goulet 13 ».

Les pétitionnaires expliquent que le « Goulet », à Chêne-Bourg, doit son nom au rétrécissement de la rue de Genève qui ne permet, à cet endroit, l'exploitation que d'une seule voie de tram. Il est composé d'un ensemble d'habitations inoccupées depuis 1950, jouissant d'une position centrale par rapport aux zones d'habitations de Chêne-Bourg.

Un bref historique est présenté :

Projet d'agrandissement de la rue dès le début du siècle

Occupation décembre 91 « Goulet 25 » par des jeunes des Trois-Chênes

Créations des associations « Goulet 25, 21, 19 et 13 »

Création de magasins (disques, artisanat, habit «Artikal », deuxième main)

Création d'ateliers

Création de trois salles de concert :

25 depuis 92 toujours en fonction

13 depuis 93 toujours en fonction

15 depuis 96 rarement en fonction

Création de l'Association Culture Vivante (octobre 96)

Participation à la Fête de la Musique (étés 94, 95 et 96)

Accueil de La Marche Européenne contre le Chômage et l'Exclusion (97)

Organisation d'une centaine de soirées par année, toutes salles confondues (de nombreux groupes genevois ont eu accès pour la première fois à la scène grâce aux salles du « Goulet »)

Restauration et mise en place de 80 habitations, 3 salles de concert, 3 magasins sur rue, divers ateliers, 4 locaux de répétition, 2 bistrots, 1 restaurant

Tous ces lieux ont permis des échanges avec la population. Certains événements ont vu la participation d'un public qui dépasse le cadre communal et genevois en englobant un public qui s'étend à la Suisse romande et à la région frontalière.

Les jeunes ont ainsi pu vivre différentes expériences professionnelles. Ils ont fait des efforts d'intégration. Ils donnent l'argument que les demandes faites pour payer les charges d'eau et d'électricité en étaient une preuve.

C'est l'ensemble du lieu et de ses habitants qui doit être entrevu comme un village dont la cohésion culturelle ne fait aucun doute puisque chacun des habitants trouve son compte dans ce mode de vie qu'il partage avec les autres. La richesse du « Goulet » repose sur la diversité et la créativité de ses habitants qui, par la mise en commun de cette richesse, en font un lieu culturel et lui confèrent son unité. La culture qui s'est développée au « Goulet » n'est en aucun cas renfermée sur elle-même, mais bien au contraire, son activité se dirige et s'est toujours dirigée vers l'extérieur. Les habitants du « Goulet » ont surtout réussi à développer un mode de vie alternatif entièrement basé sur l'implication et le travail de chacun, le respect mutuel, l'échange et la solidarité. Il ne demande pas une vie en autarcie. Ses habitants font partie à part entière de la société.

Le « Goulet » demande que sa situation et son statut culturel soient réellement étudiés. Si le « Goulet » a ses particularités, il pose néanmoins des questions de fond qui concernent de nombreux lieux et de nombreuses associations défendant la culture alternative.

MM. Claude Page, a.i. directeur de l'Office cantonal du logement, DAEL et Sender Simioni, architecte, secrétaire général, DAEL

En 1994, le conseiller d'Etat Philippe Joye a lancé un concours d'architectes sur cet îlot pour répondre aux inquiétudes du CA de Chêne-Bourg suite aux décisions des Services d'incendie et de secours de la Ville de Genève et des Services de l'inspection cantonale du feu de ne plus intervenir dans les immeubles du « Goulet » vu l'état de délabrement dans lequel ils se trouvent. Le concours a été gagné par BRS architectes. Un PLQ a été élaboré ; il a reçu un préavis favorable du Conseil municipal mais a été contesté par référendum. Le vote populaire a conforté le préavis municipal par 67 % de la population.

Le DAEL a mandaté la société ECOSCAN pour élaborer une étude d'impact sur l'environnement Les conclusions de l'étude montrent que, grâce à l'élargissement de la route, le tram sera en site propre et disposera de deux voies. Le trafic s'en trouvera amélioré et un nouveau revêtement de la chaussée réduira les nuisances sonores.

L'ancienne poste « Goulet  25 » sera restaurée, 25 logements HBM, de 4 à 7 pièces seront construits ainsi qu'une nouvelle salle communale. L'Etat est propriétaire du périmètre depuis décembre 1997. Les terrains seront cédés en droit de superficie respectivement à la commune pour sa salle communale et à une coopérative ou une fondation pour les immeubles de logements. Au 25, il est prévu de réaliser de l'habitat associatif. C'est la Fondation Vernier Aviation (présidée par M. D. Hausser) qui a été choisie pour les immeubles de logements. Quant à l'ancienne poste, c'est la CODHA qui a reçu le mandat de s'y intéresser.

Le problème, c'est que les habitants actuels veulent non seulement rester dans l'ancienne poste, où il est prévu de réaliser de l'habitat associatif, mais également être logés dans les immeubles neufs. Malheureusement, malgré une aide importante de l'Etat, les loyers dépasseront les possibilités des occupants actuels des immeubles. Il est donc illusoire de penser que l'ensemble des habitants actuels puissent trouver à se reloger dans les immeubles projetés.

M. .

Le Goulet de Chêne-Bourg est un périmètre bordé par les rues de Genève, Grison et Antoine-Floquet. Il se trouve au centre de la commune à côté de la place Louis-Favre.

En 1948, M. Jean Dutoit, conseiller d'Etat, demandait à la commune de Chêne-Bourg de ne rien prévoir dans le Goulet afin de pouvoir élargir la rue de Genève, grande pénétrante entre la Haute-Savoie et Genève. Quarante ans se passent durant lesquels la dégradation des bâtiments avance inexorablement.

En octobre 1988, le Conseil municipal vote à l'unanimité une motion pour demander au Conseil d'Etat de prendre une décision concernant le Goulet : rénover ou démolir.

En novembre 1991, le Conseil d'Etat lui répond que ce problème n'est pas dans ses priorités, faute d'argent.

En mars 1994, pour faire suite à l'intervention de 3 députés, le Grand Conseil donne 9 mois à M. Joye pour trouver une solution. Le DTP lance un concours d'idées qui est jugé le 3 décembre de la même année. Le jury comprend en plus de professionnels très compétents toutes les parties intéressées : Etat, communes, associations d'habitants et squatters. Le projet du bureau BRS (Bohnet, Ray et Stiles) est désigné à l'unanimité. Il prévoit la démolition et la reconstruction du périmètre : l'ancienne poste au 25 rue de Genève étant réhabilitée.

Les qualités principales de ce plan sont :

Le maintien de l'ancienne poste au 25 de la rue de Genève pour la création de logements associatifs.

La création d'une seconde voie pour les trams 12 et 16.

Pas d'augmentation de l'espace réservé à la circulation motorisée.

La construction d'un trottoir large et abrité au nord de la rue de Genève.

La construction de logements exposés au soleil mais protégés du bruit par une coursive sur la rue de Genève.

La création d'espaces commerciaux, de boutiques, d'ateliers artisanaux, d'une salle communale, d'un parking souterrain et d'un jardin public.

L'aménagement des rues de Genève, Grison et Floquet pour la sécurité des piétons ainsi que la liaison avec la place Favre qui verra sa vocation de centre d'animation, de rencontres et de culture encore renforcée.

Le 14 mars 1996, le Conseil municipal accepte à l'unanimité moins 2 abstentions un PLQ élaboré sur la base du projet lauréat. Un référendum est lancé par les opposants. En septembre, les citoyens repoussent le référendum et acceptent donc le PLQ par une majorité de 67 %. Ce PLQ est adopté par le Conseil d'Etat en janvier 1997. Depuis le 22 janvier 1997, le PLQ est en force.

La requête en démolition/reconstruction est déposée le 2 octobre 1997.

Le 26 mars 1998 une enquête préliminaire d'impact est rendue par Ecoscan au service des routes du DAEL. Les conclusions de cette étude sont très favorables : meilleure sécurité des piétons, meilleure exploitation des transports publics, régulation du trafic existant, amélioration de la fluidité du trafic donc réduction des émissions de polluants, pas d'effet sur les charges de trafic entre Thônex et Genève, ce nouveau tronçon pourra être équipé d'un revêtement peu bruyant. Cette enquête préliminaire a été préavisée favorablement par Ecotox.

L'Etat est propriétaire de la totalité du périmètre. Dès que le projet sera autorisé par le DAEL, les terrains seront cédés en droit de superficie, respectivement à la commune pour sa salle communale et à Vernier Aviation pour l'immeuble de logements. Pour l'immeuble 25 rue de Genève (ancienne poste) qui doit recevoir de l'habitat associatif, il reste à déterminer si c'est la CODHA ou Vernier Aviation qui le traitera en HBM associatif.

Etant donné le processus démocratique adopté pour la conception de ce projet, le résultat du vote sur le référendum et la qualité exceptionnelle de cet aménagement, la commune ne peut pas tenir compte de la pétition déposée le 23 juin 1998. Par ailleurs, les adresses des signataires ont été examinées, nombreux viennent de si loin qu'ils n'ont probablement jamais vu Chêne-Bourg, même en carte postale et qu'ils ne connaissent certainement rien à ses problèmes.

Lorsqu'on sait dans quelles conditions se déroulent fêtes et spectacles dans l'actuel Goulet de Chêne-Bourg, on ne peut que frémir en pensant à ce qui s'est passé en Suède ou jadis à St-Laurent-du-Pont.

M. .

La CODHA est une coopérative fondée il y a six ou sept ans. Elle a pour caractéristique de développer l'habitat associatif et autogéré. La CODHA a acheté un immeuble, qu'elle a ensuite rénové. Il s'agit de son unique opération immobilière. Quarante coopérateurs logent dans cet immeuble.

Grâce aux résultats positifs obtenus par la CODHA, elle a été contactée par M. Simioni, en accord avec M. Moutinot, afin de lui confier l'immeuble du 25 rue de Genève pour en faire un immeuble autogéré et associatif.

Face à cette proposition séduisante et confrontée à la situation particulière de cet immeuble, la CODHA n'allait pas se lancer dans un projet de rénovation du bâtiment sans l'accord des squatters concernés. Le souhait de la CODHA est d'intégrer les habitants dans le processus. Dans le cas du Goulet, la CODHA ne voulait pas être prise comme un faire-valoir pour détruire le reste des maisons.

La CODHA a été mandatée par les habitants pour voir comment il aurait été possible d'adapter le projet. La CODHA s'est rendu compte qu'il était impossible de modifier quoi que ce soit au projet.

La CODHA a rencontré des habitants actuels et a constaté la qualité et le foisonnement de la vie culturelle qui s'y est développée. Il y a des espaces pour les concerts, des créations artistiques. En même temps, il existe une réelle qualité de vie relationnelle, un esprit de groupe, une ambiance de quartier. Tous ces aspects ont séduit la CODHA.

Actuellement, la CODHA est en pourparlers avec les habitants du Goulet et la Fondation Vernier Aviation pour maintenir au moins une salle de concert et rénover le bâtiment du 25 rue de Genève.

Vu les fonds propres dont disposent les habitants du Goulet, ces derniers sont dans l'incapacité de fournir leur part au financement de ce projet. Ce problème est à l'étude pour voir comment cela pourrait être pris en charge par Vernier Aviation. Tout cela est en pourparlers.

La CODHA va renoncer au Goulet 13, tout en sachant qu'elle mécontente ainsi les utilisateurs de la salle de concert, mais pas au Goulet 25. La spécificité de la CODHA n'est ni de construire, ni de gérer une salle de concert. C'est aux habitants d'assumer ce rôle.

La CODHA poursuit son étude tout en étant consciente que les solutions trouvées ne conviendraient peut-être pas aux squatters.

Discussion et vote

Le phénomène du « squat » à Genève et ailleurs aussi, est persistant. L'occupation illégale de logements, sans versement de loyer, assortie du fait que généralement les squatters bénéficient de prestations en énergie, telles que par exemple eau, gaz, électricité, ne correspond à aucune des normes de notre société. Elle soulève beaucoup de controverses.

Et pourtant, comment ne pas s'interroger sur les valeurs sociales du phénomène engendré par l'occupation du Goulet ? Les commissaires ont tous été interpellés par l'expérience du Goulet qui a poussé des jeunes à se constituer en associations et à montrer ainsi leur intérêt à la collectivité.

Le désir d'intégration a été manifesté. La diversité et la créativité de ses habitants en a fait un lieu culturel attractif.

Mais dans le cas particulier de la pétition 1209, malgré la sympathie ressentie vis-à-vis des nombreuses actions dynamiques mises en place par les squatters, les commissaires ne peuvent les soutenir.

Un processus démocratique a été adopté, un vote populaire a sanctionné le référendum lancé par les opposants... 67 % de citoyens de Chêne-Bourg se sont prononcés en faveur du PLQ accepté à l'unanimité (moins 2 abstentions) par le Conseil municipal.

D'autre part un projet d'habitat alternatif est à l'étude. La balle est donc dans le camp des squatters.

Quant à la réflexion que la commune ne dispose pas d'infrastructures pour les jeunes de 16-18 ans à 30 ans, quelques vides existent effectivement à ce niveau, les centres de loisirs étant surchargés. Figurant dans ce rapport ce constat est ainsi clairement retransmis, tout en sachant que les autorités communales ne peuvent satisfaire tous les désirs des communiers. Elles sont effectivement soumises à l'obligation de gérer leur commune avec rigueur, efficacité et sans dépassement du budget !

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, la Commission des pétitions vous propose, à l'unanimité des membres présents, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignements.

Débat

M. David Hiler (Ve). Nous sommes un peu surpris par la conclusion de la commission. En effet, contrairement à ce qu'indique le rapport, l'invite n'est pas de maintenir les bâtiments après le vote populaire, mais bien de : «...trouver une solution appropriée qui permette de poursuivre cette expérience d'expression culturelle et des modes de vie qui y sont attachés.» Cette demande qui figure à la page 2 du texte de la pétition nous paraît fondée. Nous sommes d'avis que, dans le cadre du projet développé par Vernier Aviation et - nous l'espérons - la CODHA, la dimension culturelle doit être prise en compte.

Pour cette raison, même si les négociations sont en cours - et nous souhaitons qu'elles aboutissent - il nous semble plus correct politiquement de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, pour indiquer que le souci des pétitionnaires concernant cet espace culturel, reste le souci de la majorité de ce Grand Conseil. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de bâtiments qui a été tranchée d'une manière ou d'une autre, mais d'un projet important d'habitat associatif et de ses prolongements dans le domaine culturel.

On lit qu'il y aurait : éventuellement un petit problème avec le centre de loisirs de la commune. Non, c'est évidemment un problème beaucoup plus vaste que cela ! Nous vous invitons donc Mesdames et Messieurs, après en avoir formellement fait la proposition, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). J'aimerais donner quelques informations au sujet du serpent de mer qu'est le goulet de Chêne-Bourg.

Malheureusement, ou heureusement, une votation populaire a décidé du sort de cette affaire, mais une fois de plus, le projet concocté par M. Philippe Joye ne correspond pas à la réalité économique d'aujourd'hui. Je rappelle que l'Etat est propriétaire des terrains, que le vote a eu lieu il y a environ quatre ans et qu'aucun projet concret n'a pu voir le jour du fait de la cherté de cet immeuble. Je m'étonne donc que certaines personnes persistent à vouloir construire de tels monuments architecturaux, tout en n'en ayant d'ailleurs pas les moyens.

On nous dit aujourd'hui qu'un nouveau projet est en cours d'élaboration pour réduire les coûts de ce navire qui prend l'eau. J'en prends acte. Toujours est-il qu'il y a une erreur dans ce rapport, puisque la Fondation Vernier Aviation - qui a effectivement pris ce projet en main - n'a rien décidé pour l'instant. Il me semble peu judicieux de laisser cette pétition en l'état. C'est pourquoi, je vous invite à soutenir la proposition de mes collègues écologistes et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Décidément ce soir, j'aurais envie de dire bis repetita displacet, car, pour la seconde fois, nous sommes confrontés à la même situation. Travail des plus sérieux en commission, unanimité du vote des commissaires et, ce soir, tout d'un coup deux groupes décident de faire absolument fi des droits démocratiques... Mesdames et Messieurs, dans ce cas, nous sommes confrontés à une réalité de droit démocratique; une votation populaire a eu lieu, ne l'oubliez pas !

Même M. Hiler - qui extrapole - a mal lu la totalité du rapport. Premièrement : nous avons tous admiré dans ce rapport le travail dynamique effectué par les squatters sur le plan culturel à Chêne-Bourg. Deuxièmement : des concertations sont en cours et, si vous lisez bien, la balle est actuellement dans le camps des squatters.

Vous avez eu droit, il y a une ou deux séances, suite à une interpellation de M. Büchi, à une réponse tout à fait circonstanciée de M. Moutinot sur le même sujet, et vous voulez recommencer le débat ce soir ! Cela me paraît incroyable ! A mon avis, c'est se moquer du travail de commission que d'oser demander maintenant un renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Ce cas est encore pire que le précédent : il est totalement irrecevable !

Je vous propose donc de respecter le travail fait en commission et de demander le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je continuerai, jusqu'à ce que les choses les plus fatales arrivent à ce goulet de Chêne, à défendre l'existence de cette partie de bourg du XVIIIe siècle.

Il s'agit ce soir - David Hiler l'a parfaitement bien dit - de donner un signe politique à ce projet qui revêt une certaine importance. Lorsque j'étais employée aux affaires culturelles, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de dresser la liste des actions exemplaires réalisées en matière de réseau d'activités culturelles alternatives dans le canton de Genève. Le goulet de Chêne était l'un des plus captivants et a suscité l'intérêt d'autres réseaux analogues en Allemagne, en Hollande, en Angleterre. L'autonomie de la prise en charge des activités culturelles, créées par les squatters qui se sont appropriés cet espace à l'abandon, mériterait - plutôt que cet espèce de larmoiement - un appui politique de notre parlement. On se plaint d'un certain désengagement politique de la jeunesse. Pourtant, dans le domaine de la culture alternative, lorsque des jeunes peuvent s'approprier des espaces de ce genre, on assiste au contraire à un engagement de tous les instants. Les développements qui ont eu lieu à Chêne ont été d'un extrême intérêt. Vous ne les contestez pas, mais j'aimerais que vous alliez plus loin et que vous donniez un appui politique significatif à ce genre d'initiative. (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le rapport - ainsi que l'a rappelé Mme Hagmann - a fait l'unanimité de la commission des pétitions et souligne très bien l'intérêt et la sympathie que les députés de la commission des pétitions ont porté à l'expérience des occupants du goulet. De fait, le comité de soutien du goulet a été longuement entendu ainsi que tous les autres partenaires intéressés à cette affaire. On ne peut cependant pas faire abstraction de la votation populaire qui a confirmé, à raison de 67% de votants, le PLQ présenté par le conseil municipal de Chêne-Bourg.

Nous nous trouvons maintenant face à un problème de cohérence : il n'est pas possible de prôner, quand cela nous arrange, une certaine autonomie communale, la démocratie de quartier, la politique de proximité, et la bafouer lorsque cela nous contrarie. L'intérêt culturel et l'expérience faite par les jeunes du goulet ne sont pas remis en question, mais il n'est pas possible de donner un signe politique en revenant systématiquement sur ce qui a été discuté en commission. Je pense qu'il y a d'autres façons de le faire.

En conclusion, je vous propose de soutenir les conclusions de la commission et de maintenir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)

M. Michel Halpérin (L). La première question qui se pose, en termes de débat démocratique, c'est de savoir s'il est raisonnable - à une de ces heures tardives qu'affectionnent certains d'entre nous - de revenir subrepticement, au gré d'une possible composition différente des majorités, sur des décisions prises à l'unanimité en commission. Il serait bon - me semble-t-il - dans l'intérêt des droits démocratiques de faire confiance aux conclusions de nos commissaires, surtout quand elles sont unanimes, et ne pas les remettre en question en séance plénière. Sinon les députés qui ne sont pas membres des commissions pourraient être tentés de proposer des renvois en commission - dans l'hypothèse la plus favorable - et les autres pourraient être tentés de profiter d'une majorité de rencontre pour faire passer une opinion différente de celle exprimée en commission. C'est en tout cas un moyen qui, du point de vue de la loyauté du débat, est discutable.

Une deuxième remarque : l'intérêt culturel du projet a été abondamment souligné avec intégrité - me semble-t-il - par le rapporteur de la commission; on ne peut donc pas dire que l'effort intéressant développé par cette alternative culturelle, par ces milieux associatifs, ait été méconnu. Autre aurait été la situation si l'un ou l'autre d'entre nous avait jugé bon de développer ici quelque conception sur la culture et ses alternatives. Une alternative à la culture est-elle possible ? N'allons-nous pas nous trouver finalement confrontés au face à face du terroriste et du zombie ?

Nous nous sommes épargné ce débat; nous avons prêté une attention intéressée et bienveillante à des expériences faites par des gens qui ont des idées. Cela me paraissait de bon aloi. Et puis, patatras ! Voilà que, contre toute attente et contre ses habitudes, M. Hiler vient nous dire, non pas ce qui est conforme à la volonté démocratique, supérieure et populaire, non pas ce qui est conforme à l'étude d'un projet par le DAEL, avec tous ceux qui ont été invités à s'exprimer dans ce cadre, avec les procédures de préconsultation et de consultation habituelles, mais ce qui lui paraît politiquement correct...

Eh bien moi, Monsieur Hiler, il n'y a pas deux autres mots de notre vocabulaire politique qui me font plus horreur, désormais, que le «politiquement correct» ! Autant dire que ce qui est «politiquement correct» est forcément «moralement incorrect» et forcément «psychologiquement déviant» et forcément pervers ! Bref, il suffisait, Monsieur, que vous ayez choisi ces termes pour que, définitivement, je maintienne ma position : c'est-à-dire suivre le préavis unanime de la commission !

M. Laurent Moutinot. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, un vote populaire a eu lieu et nous nous y tenons. Je vous dois une explication complémentaire qui me permet de vous répondre, Monsieur Pagani. Vous dites qu'il n'y a pas de projet concret... (Le président agite la cloche.) Vous faites erreur ! Le 19 janvier 1999, j'ai réuni au département la Fondation Vernier Aviation, l'office cantonal du logement et la commune pour faire le point sur ces dossiers. Il s'avère que le plan financier de Vernier Aviation est acceptable et qu'il sera, par conséquent, accepté. Le principal objet de la discussion de mardi dernier au département était précisément de savoir quelles solutions pourraient être trouvées, à titre provisoire ou définitif, pour les activités culturelles existant dans le goulet. Tous les partenaires présents à cette réunion pensaient évidemment que des solutions devaient être trouvées. Il s'agit, d'une manière ou d'une autre, de mettre à disposition un nombre suffisant de locaux pour que ces activités culturelles puissent continuer.

Si je vous ai bien compris, Monsieur, Hiler, c'est d'ailleurs ainsi que vous lisez la pétition. Mais je dois vous avouer que votre interprétation est assez éloignée du texte et que, de surcroît, nous aurions, si vous étiez suivi, plusieurs voies : vous qui - si j'ai bien compris - acceptez le résultat de la votation populaire et voulez des mesures d'accompagnement, tandis que Mme Deuber - ce qui est son droit d'ailleurs - entend le remettre en cause. Il est vrai que la volonté populaire peut être fluctuante. Ces deux oui sont évidemment différents. Votre oui, Monsieur Hiler m'est assez sympathique, mais, dans les circonstances actuelles, je pense qu'une fois encore la solution médiane du dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement marque votre attachement à la culture alternative du goulet. Vous ne classez pas cette pétition, mais vous ne la renvoyez pas non plus au Conseil d'Etat, ce qui pourrait être interprété comme - ce sont les propos mêmes de Mme Deuber-Pauli - la volonté de votre Grand Conseil de remettre en cause la votation populaire qui a eu lieu à Chêne.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat est rejetée.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.