Séance du jeudi 3 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 52e séance

M 1227
Proposition de motion de MM. Pierre Froidevaux, Chaïm Nissim et Alberto Velasco sur la collaboration entre les politiques fédérale et cantonale de l'énergie. ( )M1227

EXPOSÉ DES MOTIFS

Energie 2000 est une structure fédérale, qui a été mise sur pied en 1990, au lendemain de l'acceptation par le peuple suisse de l'initiative fédérale pour un moratoire de 10 ans sur le nucléaire. Depuis cette date, Energie 2000 fonctionne, avec des hauts et des bas, des succès et des échecs, des contradictions politiques et des réussites incontestables. Energie 2000 est dotée d'un budget de 50 millions par an, qui est complété par des subventions ciblées, comme celle de 64 millions dans les rénovations énergétiques dont notre canton n'a pratiquement pas profité, et qui a fait l'objet de la motion radicale 1214, qui posait elle aussi le problème des synergies possibles

Energie 2000 a donc aujourd'hui 8 ans d'existence, et diverses synergies pourraient être mises sur pied entre nos organismes cantonaux et ces organismes fédéraux qui poursuivent le même but. Mais les résistances, les châteaux-forts administratifs, les méfiances et les problèmes de territoire sont légion malheureusement dans ce domaine-là aussi, ce qui fait que les collaborations sont faites du bout des lèvres, et souvent pas faites du tout. Ce qui entraîne évidemment un gaspillage des fonds publics.

L'une des actions d'Energie 2000 a été la mise sur pied d'un label pour les appareils électroniques peu gourmands. Ce label devrait être collé dans chaque magasin sur les ordinateurs, les fax, les copieurs, les vidéos..., les moins gourmands (en fait chaque année les normes d'attribution du label se resserrent, de manière que les meilleurs appareils soient distingués, les meilleurs représentants le 20 % environ des appareils du marché). Le label E 2000 représentait dans l'esprit de ses promoteurs un instrument de transparence du marché, et un instrument d'incitation également. Transparence, parce que les consommateurs doivent et peuvent être informés des qualités écologiques des produits achetés. Incitation, parce qu'aux USA et en Allemagne, où de tels labels existent depuis longtemps, les fabricants ont vite fait d'adapter leurs appareils aux normes, les rendant ainsi plus compétitifs.

En Suisse romande, malheureusement, le label n'a pas "; pris ". Les importateurs, les  commerçants, ignorent trop souvent l'existence de ce label, et le résultat c'est que les consommateurs achètent "; à l'aveugle " comme par le passé. Dommage ! L'un des buts de cette motion est de remédier à cet état de fait, du moins en ce qui concerne les achats de l'économat cantonal. En effet, il serait facile aux responsables des achats de n'autoriser l'introduction dans les listes comparatives des fournisseurs de matériel informatique de l'Etat que du matériel pourvu du label E 2000

Si l'économat cantonal annonçait aux importateurs de PC que désormais les appareils portant ce label seraient choisis en priorité, il y a fort à parier que le volume acheté serait suffisant pour faire pencher la balance et pour faire connaître ce label !

Une autre possibilité très intéressante à étudier concerne la formation et les stages en entreprise : il existe en Suisse alémanique un esprit de collaboration intéressée entre les écoles techniques et l'économie. Les responsables s'assoient régulièrement ensemble, ils décident d'aventures communes, d'achats de machines chères en commun, et partagent du même coup beaucoup plus que les machines : ils partagent la connaissance, les étudiants se forment, les industriels profitent des investissements de l'Etat, cette collaboration profite à tous. A Genève par contre, trop de responsables des écoles techniques s'estimeraient trahir leur camp s'ils collaboraient avec l'industrie, si bien que les ponts sont trop souvent coupés, la formation reste théorique, ce qui ensuite bloque l'industrie qui manque de personnel formé. Le même phénomène s'est produit lors de l'attribution des subsides d'Energie 2000 pour les rénovations énergétiques dans le domaine bâti. A Genève, faute d'une culture de collaboration transversale, les profs de l'Ecole d'architecture ou de l'Ecole d'ingénieurs, les promoteurs, les entreprises de services et les fonctionnaires d'Energie 2000 ne se connaissent pas et n'ont pas l'habitude de collaborer, ce qui ne facilite pas la mise sur pied de projets communs !

Sur ce point-là aussi les collaborations transversales et verticales pourraient se développer, et le rapport du Conseil d'Etat devrait à nos yeux envisager quelques pistes dans ce sens.

Troisième piste à étudier : il existe des frigos danois qui consomment 3  fois moins de courant pour le même volume réfrigéré que nos frigos standard du marché. Ces frigos sont signalés, dans certains cantons, par un label qui permet un achat mieux informé.

De même, il existe des cuisinières à induction haute fréquence qui permettent une meilleure cuisson et un meilleur rendement. L'OCEN connaît une partie de ces appareils, dont il parle parfois dans le journal "; L'énergie ". La FRC en connaît d'autres, (parfois les mêmes), dont elle parle elle aussi dans son journal. Les services d'Energie 2000 possèdent eux aussi une liste. Mais aucun de ces organismes n'a le   temps ni l'argent nécessaire pour en faire une recension complète, ni  pour en faire une recension CRITIQUE. Lesquels de ces frigos représentent un vrai progrès, intelligent, bon marché et pratique, lesquels consomment plus pour leur fabrication (énergie grise) que le gain en énergie affiché par la publicité ? De même pour les cuisinières à induction : lesquelles permettent vraiment une meilleure cuisson à moindres frais énergétiques ? Il y a là matière à une étude commune entre les offices concernés, avec publication sur Internet des résultats, inutile de gaspiller les fonds publics à refaire cette étude de manière partielle à trois endroits différents !

Si l'étude chère et inutile entreprise par l'OCEN sur l'indice électrique (500 000.- !) avait été faite en collaboration avec d'autres services, y compris fédéraux, les coûts auraient été divisés et le résultat multiplié !

Conclusion (provisoire) :

Une meilleure collaboration est possible et souhaitable entre les organismes cantonaux et fédéraux qui s'occupent d'énergie. Le label E 2000 pourrait ainsi être promotionné à Genève. D'autres aventures communes pourraient être envisagées, comme la promotion d'appareils intelligents. Le rapport du Conseil d'Etat nous tracera quelques pistes à ce sujet.

Dans cette optique, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer notre motion directement au Conseil d'Etat.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). Cette motion propose d'améliorer la coordination entre les organismes cantonaux et fédéraux qui s'occupent d'énergie. Il y a eu effectivement à plusieurs reprises, au cours des années écoulées, des problèmes de fonctionnement, des problèmes de chasse gardée et des doublons entre ces organisations. Il s'agit maintenant d'étudier la situation pour attribuer notre argent avec parcimonie en évitant les doublons.

Dans cette motion, il s'agit en particulier d'encourager un label proposé par Energie 2000 et qui figure à la page 4. En Suisse alémanique, on trouve ce label sur tous les ordinateurs, les fax, les modems, les photocopieuses qui consomment moins d'énergie et sont plus respectueux de l'environnement. Il est regrettable que ce label n'ait pas été repris à Genève, notamment pour les achats d'ordinateurs de l'Etat de Genève. Il est dommage qu'il n'y ait pas une directive pour encourager l'achat de ces appareils plutôt que d'autres.

Cette motion propose au Conseil d'Etat de voir comment, à l'avenir, l'économat cantonal ou le service des achats ou les personnes chargées d'acheter des appareils électroniques pourront s'en inspirer.

M. Alberto Velasco (S). L'information des citoyens est primordiale à l'heure où ceux-ci sont confrontés à des critères de choix de plus en plus complexes lors de l'achat d'appareils ménagers. En effet, il est difficile pour le néophyte de se retrouver dans la diversité des marques et surtout de décider, en matière de consommation énergétique, quel appareil choisir.

En général, les laboratoires et les groupes d'experts sont à même d'énoncer ces critères et nous pensons qu'une manière de vulgariser intelligemment ces critères éminemment techniques consiste à utiliser un label pour signifier la qualité d'économie de l'appareil. A cet effet, une collaboration avec les organismes fédéraux oeuvrant dans ce domaine nous semble fondamental. Par conséquent, le groupe socialiste votera le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Janine Berberat (L). Cette motion invite, dans ses grandes lignes, à informer et collaborer plus pour consommer moins et mieux en matière d'énergie. On ne peut raisonnablement que souscrire à ces bonnes intentions. Les motionnaires proposent que l'économat cantonal soit mieux informé de l'existence du label Energie 2000. Je crois savoir aujourd'hui que l'information fait plus que circuler et qu'une politique d'achat basée sur le respect de l'environnement et des économies d'énergie est bien réelle tant à l'économat que dans les communes.

Il est vrai qu'il existe beaucoup de labels sur le marché. Pourquoi choisir l'un plutôt que l'autre ? Nous pourrons examiner cette question en commission. Reste que pour les motionnaires l'exemple à suivre se trouverait Outre-Sarine. Eux seuls sauraient acheter, s'asseoir autour d'une table et collaborer entre partenaires de bonne volonté.

Il y a peut-être du vrai, mais encore faut-il se donner les moyens de suivre l'exemple que l'on cite. Prenons celui du bonus fédéral aux rénovations énergétiques dans le domaine bâti que vous citez dans l'exposé des motifs et dont Genève n'a pas su profiter. Vous liez l'absence d'intérêt et d'engagement de notre canton au manque de collaboration entre partenaires publics et privés et à l'absence d'une vraie culture écologique.

Dans votre analyse des causes, vous devriez pourtant avoir l'honnêteté de reconnaître que des lois particulièrement contraignantes, comme la LDTR, découragent fortement toute tentative d'entreprendre, ce qui n'est pas le cas dans les cantons d'Outre-Sarine notamment. Lorsqu'au mois de juin la motion 1214 vous demandait précisément d'évaluer les raisons pour lesquelles le bonus fédéral n'avait quasiment pas fonctionné à Genève, il est vrai que vous l'avez renvoyée au Conseil d'Etat mais complètement vidée de sa substance. En effet, le Grand Conseil, dans sa nouvelle majorité, a tout simplement supprimé les invites qui demandaient d'entreprendre une étude d'impact de nos législations et réglementations sur l'effet des mesures de relance fédérales et cantonales. Ces invites dérangeaient, et surtout les réponses qu'on pouvait y apporter.

Mesdames et Messieurs les députés, si nous devons suivre l'exemple des autres, donnons-nous les moyens de le faire tant dans l'analyse des problèmes que dans leur solution. Cela dit, le groupe libéral soutiendra le renvoi de cette motion en commission de l'énergie. Nous pourrons entendre les différents partenaires potentiels qui ne savent pas travailler ensemble. Nous pourrons également nous poser et poser des questions sur les moyens et la qualité de l'information que Berne met à la disposition des cantons non germanophones, car nous savons que, pour le bonus fédéral, la documentation est parvenue beaucoup plus tard aux cantons francophones, ce qui a réduit d'autant le délai pour déposer les projets. Il y a de la part de nos autorités fédérales un souci qui ne va pas forcément dans le sens d'une réelle égalité.

M. Pierre Froidevaux (R). Quant à moi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande de réserver un bon accueil à cette motion, qui demande au Conseil d'Etat de faire le point sur l'ensemble des technologies nouvelles ayant pour point commun l'amélioration des rendements économiques. Nous lui recommandons aussi d'en assurer la promotion dans sa sphère d'activité.

Dans cette période de crise, les idées nouvelles ont de plus en plus de mal à émerger. Or, le renouveau est la seule manière d'espérer en un lendemain meilleur, ce d'autant plus que notre autonomie en énergie électrique est de plus en plus compromise. Les plaques à induction, par exemple, font partie de ces nouveautés qui méritent une large analyse et notre soutien. Si l'ensemble de nos mets étaient préparés par ce moyen, cela équivaudrait à économiser l'ensemble de l'énergie utilisée aujourd'hui pour l'éclairage public. C'est aussi un nouvel art de vivre, puisque la cuisson est assurée sans graisse, et un indéniable avantage en termes de santé publique. Cet avantage se retrouve aussi en réduisant nos besoins en retraitement de l'eau.

L'actualité nous rappelle que le soutien de l'Etat est inadéquat lorsque celui-ci s'engage dans un rôle économique régi par les lois du marché. Par contre, il garde tout son rôle lorsqu'il devient un catalyseur de l'évolution de la société. Aussi, je vous recommande, à l'image de mes collègues Nissim et Velasco, d'envoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. C'est bien volontiers que le Conseil d'Etat acceptera cette motion. Le débat que Mme Berberat a proposé et qui pourrait avoir lieu en commission aura lieu de toute façon très prochainement sur ces questions, puisque je peux vous annoncer que la proposition de promouvoir des labels permettant de distinguer les appareils qui sont économes en énergie est d'ores et déjà intégrée dans le projet de conception cantonale de l'énergie que nous vous présenterons.

Les travaux de la commission chargée de traiter cette question touchent à leur terme. Je serai en mesure de vous présenter le projet de la conception cantonale de l'énergie dès le début de l'année prochaine et, comme cette proposition de conception cantonale de l'énergie sera bien évidemment renvoyée en commission, vous aurez l'occasion, parmi les nombreuses propositions qui seront faites dans ce texte, d'examiner également celles relatives au label.

Il semble donc plus simple que vous soyez saisis de ce texte et des propositions du Conseil d'Etat en la matière, de façon à ce que vous ayez la possibilité, en commission, de discuter sur la base d'une documentation plus complète que celle à laquelle se réfère l'exposé des motifs de la motion.

Mme Janine Berberat (L). Je remercie M. Cramer de ses explications et je serai effectivement très intéressée d'avoir tout de même un débat et de pouvoir poser des questions en commission de l'énergie. Je retire donc ma proposition de renvoyer cette motion en commission de l'énergie et je soutiens le renvoi au Conseil d'Etat.

Le président. Il est proposé de renvoyer cette proposition au Conseil d'Etat. Il n'est pas fait d'autre proposition, Mme Berberat ayant retiré la sienne. Je vous propose de voter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1227)sur la collaboration entre les politiques fédérale et cantonale de l'énergie

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- qu'en matière de politique énergétique comme dans d'autres domaines, les cloisonnements administratifs sont générateurs de blocages ;

- le fait que le label E 2000 est encore très mal connu en Suisse romande, et à Genève en particulier ;

 

invite le Conseil d'Etat

 

- à étudier de manière générale les collaborations et synergies possibles avec les organismes fédéraux d'Energie 2000 ;

- en particulier, à mieux informer l'économat cantonal de l'existence du label Energie 2000, et à encourager celui-ci à acheter dans la mesure du possible des appareils qui portent ce label (ordinateurs, fax, modems, photocopieurs...) ;

- à promouvoir de manière générale les appareils qui permettent un meilleur rendement, comme par exemple la cuisson à haute fréquence pour les cuisines scolaires, les frigos bien isolés, etc. Et les labels qui permettent la transparence de l'achat aux consommateurs ;

- et à faire rapport sur tous ces sujets au Grand Conseil.