Séance du vendredi 20 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 51e séance

PL 7822-A
5. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement pour les travaux de transformation et d'aménagement du bâtiment «La Clairière» à Montfleury (Satigny). ( -) PL7822
Mémorial 1998 : Projet, 792. Renvoi en commission, 803. Préavis, 859.
Rapport de M. Alberto Velasco (S), commission des travaux

La Commission des travaux, sous la présidence de M. Dominique Hausser, s'est réunie le 10 mars et 19 mai 1998, pour examiner le projet de loi 7822, déposé le 4 février 1998 et renvoyé par le Grand Conseil en commissions des visiteurs pour préavis et des travaux lors de la séance du 20 février 1998.

M. .

M. M. F. Reinhard,  directeur des bâtiments

M.P. Perroud,  service entretien et transformations.

Ont assisté à notre séance du 10 mai 1998 à "; La Clairière " :

M. M. F. Reinhard,  directeur des bâtiments

M. M. P. Perroud,  service entretien et transformations

M.S. Rocamora,  technicien-architecte, DAEL

M. M. J. Reymond  directeur du service de l'application des peines et mesures, DJPT.

Introduction

Ce projet concerne la transformation du bâtiment de la Maison de Montfleury, abritant actuellement des adultes en fin de peine, en un établissement mixte pour mineurs. Les personnes qui y sont actuellement détenues seront déplacées dans les deux bâtiments situés à l'entrée de la parcelle, occupés jusqu'alors par l'administration de la Fondation des Foyers Feux-Verts (voir annexe 1). Ces travaux s'imposent pour les raisons suivantes :

Mixité

Depuis plusieurs années, le Tribunal de la jeunesse, la Fondation officielle de la jeunesse, ainsi que plusieurs organismes chargés de l'éducation spécialisée sollicitent l'ouverture de "; La Clairière " à la mixité. En automne 1995, la Commission de l'éducation spécialisée a également formulé une recommandation dans ce sens (rappelons que la législation pénale permet de priver des adolescent(e)s de leur liberté, notamment en vue de les placer en détention préventive). Ne disposant pas à ce jour d'un établissement pénitentiaire pour les jeunes mineures, le Tribunal de la jeunesse les place, soit à la maison d'arrêt pour femmes de "; Riant-Parc ", soit - pour les observations en milieu fermé - au Centre communal pour adolescents de Valmont (à Lausanne) dont le coût de la prise en charge est très élevé (420 F par jour).

Il en résulte une véritable inégalité de traitement entre adolescents et adolescentes. Alors que les premiers sont suivis à "; La Clairière " par des éducateurs qui y effectuent un travail socio-éducatif de grande qualité, les secondes ne bénéficient pas, à la maison d'arrêt pour femmes de "; Riant-Parc ", de prise en charge éducative et y côtoient des délinquantes adultes ayant parfois un lourd passé pénal. De plus, pour la vie quotidienne, "; La Clairière " offre des possibilités d'activités adaptées à l'âge des détenus qui y sont placés.

Exiguïté des locaux

L'affectation du bâtiment de la "; Maison de Montfleury " à la détention des mineurs s'impose principalement en raison de l'exiguïté des locaux de "; La Clairière " qui ne pourraient pas accueillir des détenues mineures, faute de place.

Subventions fédérales

La transformation du bâtiment de la "; Maison de Montfleury " en centre de détention et d'observation pour mineurs bénéficie de subventions de la Confédération en vertu de la loi fédérale sur les prestations de la Confédération dans le domaine de l'exécution des peines et des mesures

Suite à l'estimation générale de l'office fédéral de la justice, ce dernier - après expertise effectuée par l'office des constructions fédérales - se déclare prêt à allouer une subvention de construction de 1 313 466 F. Cette somme, après déduction de la réduction linéaire, correspond aux 38.6 % des frais reconnus.

Adaptations aux normes fédérales en vigueur

Les cellules actuelles de "; La Clairière " ne correspondent plus aux normes fédérales en vigueur pour un établissement pénitentiaire de délinquants mineurs. En collaboration avec les services utilisateurs et la Confédération, un programme de travaux a été étudié : le bâtiment "; Montfleury " sera transformé afin de répondre au nouveau concept pédagogique de l'institution élaboré par les juges cantonaux.

Données statistiques

D'après le rapport annuel 1997 de "; La Clairière " et courbes sur la durée de placement et exécution des peines (voir annexes 6 à 10) on constate une nette augmentation du nombre des placements et leur durée. Il en va de même en ce qui concerne les mandats disciplinaires. Il y a une donnée qui mérite toute notre attention, c'est la forte augmentation de l'accueil des mineurs de moins de 15 ans avec le même pronostic pour les prochaines années. Ce pronostic est étayé par la forte augmentation des dossiers durant les premiers mois de l'année. La cause, selon le rapport qui nous a été remis, serait l'inactivité et la rupture avec le lien familial qui s'opère de plus en plus tôt.

Descriptif des travaux à effectuer (voir annexes 2, 3, 4, 5)

Enveloppe du bâtiment et structure

Les travaux seront limités au strict nécessaire. Le projet limite autant que possible les interventions sur la structure. Les murs des façades en béton apparent seront réparés des atteintes de la carbonatation. Hormis ces quelques travaux, les façades seront conservées et des grilles de protection seront ajoutées. La toiture fera l'objet d'une révision légère. Les travaux de structures sur ce bâtiment concerneront principalement des éléments porteurs intérieurs à transformer et la création de dégagements devant les fenêtres du sous-sol pour apporter de la lumière.

Travaux intérieurs au bâtiment

Les travaux d'aménagements intérieurs consisteront, aux étages, à transformer les cellules, afin d'y adjoindre un cabinet de toilette comprenant WC et lavabo. Les murs resteront crépis et seront peints. Au rez-de-chaussée, des cloisons seront abattues et d'autres construites aux fins d'aménager des lieux de vie pour les adolescents et des locaux administratifs pour le personnel. De même, au sous-sol, des cloisons seront modifiées, afin d'aménager des ateliers/classes pour les garçons et les filles, la cuisine et les locaux techniques. L'ensemble des murs seront crépis et peints.

Installations de chauffage

Il est prévu de regrouper en une seule installation (à "; La Clairière "), la production de chaleur et d'eau pour le bâtiment "; La Clairière " et le bâtiment voisin destiné aux personnes soumises aux Lois sur les Mesures de Contraintes (L.M.C.).

Installations de ventilation

Les installations de ventilation assureront l'extraction de l'air des locaux sanitaires, des WC des différentes cellules et de la cuisine.

Installations sanitaires

Les installations sanitaires comprendront des appareils d'usage courant et des conduites d'alimentation d'eau chaude et froide de types traditionnels.

Installations électriques : courants faible et fort

Les installations électriques comprendront un tableau principal pour le bâtiment, des tableaux secondaires aux étages. La lustrerie équipée de ballasts électroniques permettra des économies d'énergie. Le central téléphonique datant de 1972 sera remplacé. Une nouvelle distribution secondaire est prévue ainsi que des appareils à prépaiement. Des interphones seront installés dans les cellules, vers les portes d'accès et vers le portail extérieur. L'installation de radiotélévision sera maintenue. Un réseau de caméras permettra de surveiller les façades et le portail d'entrée. La centrale d'alarme existante sera maintenue, mais modifiée selon la nouvelle disposition des lieux. En façade, des projecteurs et des luminaires seront installés et assureront le balisage du chemin d'accès.

Aménagements extérieurs

Les espaces extérieurs seront aménagés afin de pouvoir servir pour le sport et la promenade. La propriété sera protégée par des clôtures grillagées d'une hauteur appropriée.

Mobilier

Compte tenu de la spécificité des locaux et de l'usage qui en sera fait, le mobilier sera renouvelé et choisi dans une gamme de produits conforme à l'utilisation, l'ancien n'étant pas récupérable puisque particulièrement vétuste et désormais inadapté.

Coût des travaux

Travaux préparatoires  5 000 F

Bâtiment  1 536 100 F

Equipements d'exploitation  86 300 F

Aménagements extérieurs  320 500 F

Frais divers  132 300 F

Ameublement et décoration  509 100 F

Total des travaux 2 589 300 F

Honoraires 570 150 F

T.V.A. 207 416 F

Fonds de décoration 31 600 F

Renchérissement 13 900 F

Sous-total 3 412 366 F

Déduction subvention fédérale 1 313 466 F

Total général travaux 2 098 900 F

Evaluation des charges financières moyennes

Dépense nouvelle d'investissement

Crédit brut proposé : Fr. 3 412 366.-

Subvention fédérale : Fr. 1 313 466.-

Crédit net proposé : Fr. 2 098 900.-

Charges financières annuelles (1)

Amortissement constant, bâtiment (25 ans à 4 %) Fr. 71 430.-

Amortissement constant, Equipements (8 ans à 12,5 %) Fr. 39 144.-

Intérêts passifs moyens (5,75 %) Fr. 60 343.-

Total des charges financières Fr. 170 917.-

Couverture financière

Total des revenus (1) Fr. 130 650.-

(Recettes propres + Economies prévues)

Total des charges financières  Fr. 170 917.-

Charges en personnel Fr. 350 000.-

Coûts induits Fr. 128 775.-

(conciergerie, entretient, locaux, énergie, etc..)

Total des charges (2) Fr. 649 692.-

Couverture du projet (insuffisance) ((1) - (2)) Fr. 519 042.-

Taux de couverture en % 20,11

Délais d'exécution du projet

Le délai d'exécution du projet est d'un an.

Les travaux débuteront après l'acceptation du projet compte tenu du délai référendaire.

Chronologie des travaux

Avant d'être traité par la Commission des travaux, ce projet a été débattu au sein de la Commission des visiteurs lors des séances du 27 mars et 3 avril 1998. En outre, la Commission des visiteurs a visité l'institution "; La Clairière " le 17 février. A la suite des travaux la Commission des visiteurs a rendu un préavis favorable, (6 pour (2 L, 2 S, 1 R, 1.V) 2 contre (ADG)) dont le compte rendu figure sur les rapports de majorité et minorité joints en annexe.

Dans le rapport de majorité, la Commission des visiteurs a estimé :

- qu'il y avait urgence de traiter ce projet de loi à la Commission des travaux

- que l'incarcération des mineurs, bien qu'exceptionnelle, reste indispensable

- qu'un établissement pour mineurs doit répondre à des normes actuellement non respectées

- qu'actuellement il y avait une différence de traitement inacceptable entre sexes au détriment des filles

- que la commission devait cependant poursuivre son travail afin de connaître le programme et la méthode socio-pédagogique.

Dans son rapport de minorité, la Commission des visiteurs, tout en admettant un certain nombre de considérants allant dans le sens de la réalisation de ce projet, a néanmoins estimé qu'avant de parler de transformation et d'aménagement il y avait lieu :

- de mettre en accord la politique en matière de jeunesse en conflit avec la loi, avec le projet du nouveau code pénal. Lequel donne à la détention une place extrêmement réduite et a contrario favorise les mesures éducatives.

- de déterminer un concept pédagogique clair quant à :

• la mixité des sexes

• l'isolement cellulaire

• l'encadrement par une équipe psychopédagogique ou médico-pédagogique ou socio-éducative.

Discussion

Tant au niveau des débats de la Commission des visiteurs, que celle des travaux, il en est ressorti que le but de "; La Clairière " ne doit pas être d'enfermer les adolescents, mais de permettre un travail éducatif avec ceux-ci. D'autre part, il semble selon MM. John Zwick, (chef du secteur des subventions de constructions de l'Office fédéral de la justice) et J. Reymond, que l'Office fédéral de la justice ne tolère plus l'actuelle situation sanitaire de "; La Clairière ". A savoir que les cellules de surface inférieure à 10 m2 ne disposant pas de toilettes et d'eau courante, ne sont pas conformes aux règles minimales de la Confédération et de celles de l'Union européenne.

Si l'on se réfère à l'annexe 3 ainsi qu'à la présentation qui nous a été faite par le département, une fois le projet réalisé, l'institution devrait être en accord avec les règles et normes décrites ci-dessus et répondre au souhait exprimé par Mme Anne-Françoise Comte Fontana au nom du Tribunal de la jeunesse. A savoir un traitement d'égalité quant à la prise en charge des filles par rapport à celle dont bénéficient aujourd'hui les garçons. En effet, à l'heure actuelle, les adolescentes sont internées à Riant-Parc ou elles sont séparées des adultes par un grillage.

Le projet tel que présenté par M. Dubuis (voir annexes 1, 3, 4, 5) consiste à loger dans le bâtiment 4, occupé aujourd'hui par l'institution Montfleury, "; La Clairière " qui hébergera les filles et les garçons. Les bâtiments délaissés par "; La Clairière ", soit le 5 et 6, seront occupés par l'institution LMC (application de la Loi sur les Mesures de Contraintes). S'il est vrai que l'utilisation future de "; La Clairière " actuelle pour l'accueil des LCM n'a pas été débattue au sein de la commission quant à la proximité des lieux et les conséquences sur le plan des représentations sociales et des effets psychologiques pour les jeunes d'une telle proximité, la remarque faite par Mme M. Ruchat dans son rapport de minorité devrait intégrer la conception de ce projet. A savoir que les personnes internées dans le cadre des LCM n'ayant pas commis de délit, ces lieux ne devraient pas être conçus sous forme cellulaire mais communautaire.

Afin de répondre aux besoins de "; La Clairière ", le projet consiste à aménager des espaces administratifs et semi-privés. Les circulations seront bien séparées à l'intérieur. En sous-sol (annexe 5), les travaux consistent à aménager des fenêtres, les ateliers, la cuisine et la buanderie. Au rez-de-chaussée (annexe 4), il y aura d'un côté les jeunes filles et de l'autre les garçons, avec des lieux de vie. A l'étage (annexe 3) se trouvent les cellules qui vont passer à 12,87 m2, respectant ainsi la norme fédérale qui est de 12 m2, avec des sanitaires. Il est prévu de changer toutes les installations. Le prix par cellule étant de Fr. 150 000.-.

Un des aspects sur lequel la commission s'est penchée a été le concept pédagogique et le lien architectural avec cette dimension. Certains commissaires ont regretté que l'audition de Mme Facelli (représentante de l'Office fédéral de la justice et responsable de la reconnaissance des institutions susceptibles de percevoir des subventions) n'ait pas eu lieu avant le début des travaux de notre commission, car ses conclusions auraient pu alimenter le débat. Et de regretter que la conception du projet architectural ait été conçue avant même que le concept pédagogique ait été décidé. Le président, ayant estimé qu'il n'était pas impératif d'attendre que l'équipe pédagogique soit auditionnée par la Commission des visiteurs pour poursuivre nos travaux, a néanmoins suggéré de rapporter le contenu de ladite audition sous la forme d'une annexe au présent rapport (elle figure sous l'intitulé d'une adjonction au préavis de la Commission des visiteurs) ainsi que les remarques soulevées sous cet aspect.

Il serait néanmoins souhaitable que les éléments suivants puissent être pris en compte lors de la mise en place du projet, à savoir :

- le double mandat de l'établissement, soit prison préventive et prison de détention

- la question de la cellule et de l'isolement cellulaire comme moyen éducatif

- la mixité des sexes

- la philosophie de la prise en charge des jeunes.

Malgré ces observations, la majorité des commissaires a estimé que ce projet présentait une nette amélioration par rapport à la situation actuelle et que la structure mise en place était à même de garantir une certaine souplesse.

D'autre part, la subvention de la Confédération prévue en 1997, et reconduite en 1998, ne serait pas reconduite en 1999 si la décision concernant l'ouverture du chantier devait intervenir en 1999.

Il a été aussi question de savoir pourquoi on n'a pas envisagé de reconstruire à neuf l'ensemble du projet, car la conservation de St-Antoine a représenté un surcoût de 20 %. Sur quoi le département nous a répondu que le supplément des dépenses de St-Antoine était dû à l'affectation des lieux en bureaux administratifs. Dans le cas qui nous occupe construire du neuf coûterait nettement plus cher.

Vote

Soumise au vote, l'entrée en matière du projet est acceptée par la majorité de la commission (1 L, 2 R, 2 DC, 3 S, 1 Ve) moins 2 abstentions (2 AdG).

Après une relecture article par article, la majorité de la Commission des travaux s'est déclarée d'accord avec le projet (1 L, 2 R, 2 DC, 3 S, 1 Ve) moins 2 abstentions (2 AdG) et recommande au Grand Conseil d'accepter le projet de loi 7822.

Annexe 12

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ANNEXE

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Premier débat

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Ce rapport, avant d'arriver à la commission des travaux, a transité par la commission des visiteurs qui a rendu un rapport de majorité et de minorité qui figurent dans mon rapport. Les points importants à souligner sont la non-mixité qui implique actuellement une inégalité de traitement entre adolescents et adolescentes. En effet, ces dernières n'ont pas aujourd'hui les éducateurs à disposition comme c'est le cas pour les adolescents placés à La Clairière. La transformation du bâtiment permettrait aux détenues mineures, grâce à cette mixité, de bénéficier d'un suivi socio-éducatif par des éducateurs spécialisés.

Il faut relever également l'exiguïté des locaux actuels qui ne répondent pas aux normes européennes, ni aux normes fédérales et qui ne sont pas pourvus de sanitaires. Ce sont ces considérations qui ont amené notre commission à voter le projet La Clairière. Néanmoins, nous souhaitons attirer l'attention sur les considérations émises par Mme Ruchat qui figurent dans le rapport

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts soutiendront ce projet de loi. D'une part pour répondre aux normes européennes en matière d'incarcération de mineurs, comme cela a été dit par le rapporteur, mais également afin que les détenues filles puissent bénéficier de conditions adéquates de détention, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Par ailleurs, nous sommes tout à fait conscients qu'il y a urgence puisque la subvention de la Confédération ne pourra pas être reconduite. Voilà donc notre position quant à la construction elle-même. En revanche, par rapport à la mixité qui est prônée dans le projet, nous sommes d'avis qu'elle n'a de mixité que le nom. Or pour nous, cette mixité devra se traduire dans les faits. Cela étant dit, pour nous la détention de mineurs ne doit être et ne devra être qu'exceptionnelle. Il est vrai que la délinquance augmente et que l'âge des délinquants s'abaisse. Mais cela est à mettre en parallèle avec une société qui elle aussi dysfonctionne. Ce n'est en tout cas pas en construisant des prisons que la question sera résolue. En matière de délinquance, et c'est le simple bon sens, il faut agir en aval et en amont. Or l'effort que nous consacrons à la prévention est bien en deçà de ce qu'il devrait être. Ainsi les Verts feront des propositions dans ce sens.

D'autre part, nous sommes très soucieux du concept éducatif mis en avant par les responsables de La Clairière. Notamment sur la pratique de l'isolement qui non seulement est contraire aux droits de l'enfant mais qui, à mon sens, n'a de seule vertu que celle d'assurer la tranquillité des éducateurs. Une autre préoccupation est la formation du personnel éducatif. Le travail avec des mineurs en milieu carcéral est très spécifique, d'autant plus, et cela a été dit, qu'il y a de plus en plus de situations difficiles, voire psychiatriques, et là nous sommes convaincus qu'une formation complémentaire est indispensable.

Pour terminer, si La Clairière doit exister, nous nous attacherons à ce qu'elle redevienne un phare en matière de prise en charge de mineurs délinquants. Et surtout, si aujourd'hui nous sommes prêts à investir plus de deux millions dans des bâtiments, nous pensons qu'il en faudrait bien davantage pour la prévention, car La Clairière c'est un peu l'arbre qui cache la forêt.

Mme Martine Ruchat (AdG). La question de la détention des mineurs qui sous-tend le projet de loi sur l'aménagement de Montfleury ne se résume pas, pour nous, à la dimension des cellules ni à l'installation de W.-C. et de hauteurs de grillages sécuritaires. Il est question de conception de l'enfant et du jeune, de valeurs, de réelle politique en matière de prévention et d'éducation des mineurs en conflit avec la loi. Si nous reprenons la chronologie des travaux, nous voyons une réunion de la commission des travaux le 10 mars, deux commissions de préavis le 27 mars et le 3 avril - sur ma demande dans la séance du 19 février à la commission des visiteurs - puis à nouveau une commission des travaux le 19 mai avec vote, sans attendre les auditions à la commission des visiteurs concernant le concept pédagogique, qui eurent lieu le lendemain 20 mai. Or, au mois de mai, le concept pédagogico-pénitentiaire qui aurait dû être à la base d'une transformation éventuelle n'avait pas encore été défini; l'est-il aujourd'hui ?

Aucune étude de besoin n'avait été effectuée, aucun chiffre ne pouvait nous être fourni : nombre de prévenus, de détenus, de jeunes en observation, en arrêt disciplinaire. Ce n'est que mardi dernier que la commission des visiteurs s'est rendue sur les lieux mêmes, définis comme problématiques : Riant-Parc où sont détenues les jeunes filles.

Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, d'émettre les hypothèses suivantes. Soit nous avons mal pensé, c'est-à-dire dans une mauvaise logique, la question de la détention des mineurs, filles et garçons, en voulant traiter dans l'urgence un problème qui demande une réflexion de fond. Je vous rappelle que Genève, et en particulier La Clairière, a perdu ces dernières années sa renommée en matière de prise en charge des mineurs délinquants. Soit certains, plus avisés que moi, ont volontairement choisi cette logique à des fins politiques et financières, pour 1 313 466 F. Il reste donc 2 098 900 F à payer pour compléter. Soit encore, la question financière et administrative passe avant celle de la prise en charge des jeunes en conflit avec la loi, du traitement à leur appliquer, et passe avant la souffrance individuelle et sociale qui, à l'évidence, précède le passage à l'acte et précède la mise en détention.

J'ose encore espérer que les discussions qui vont avoir lieu dans ce parlement vont nous faciliter la prise de décision avec une meilleure connaissance de la situation. Je me permettrai, pour éclairer cette question, d'aborder deux aspects : celui de la mixité et celui de l'isolement cellulaire. J'aimerais au préalable, après la visite de Riant-Parc, relever un certain nombre d'erreurs contenues dans le rapport de M. Velasco. Le paragraphe concernant la mixité utilise une rhétorique visant à forcer le trait afin d'inquiéter les députés et de les engager à voter oui au PL 7822. Qu'ils se rassurent; les jeunes filles ne côtoient pas des délinquantes adultes et elles ne sont pas séparées d'elles par un grillage. Après notre visite - et M. Velasco a pu s'en rendre compte lui-même - nous pouvons affirmer que les jeunes filles sont dans un quartier séparé, lequel est particulièrement étriqué il est vrai, avec un simple balcon pour la promenade. Ces jeunes filles ne sont pas en contact avec les femmes adultes qui se promènent autour du bâtiment.

Cela étant dit, on a souvent parlé, lors des travaux, des risques de contamination. Serait-ce que la délinquance est conçue à Genève comme une maladie qui s'attrape et qui nécessite un éloignement, un isolement, une quarantaine ? Je n'ose l'imaginer. Là encore et toujours, nous sommes dans un débat de fond qui doit avoir lieu. Pourquoi ne pas, moyennant un travail de type psychopédagogique, comme il se fait excellemment à La Pâquerette aujourd'hui, envisager des relations entre des femmes, dont certaines ont des enfants et même des bébés dans la prison, et les jeunes filles ? Pourquoi ne pas privilégier un travail de relation plutôt que l'isolement en cellule ? Je répondrai : parce que les murs sont plus vite construits et coûtent moins cher que des relations de type socio-thérapeutique ou psycho-thérapeutique. Mais sur le long terme, a-t-on calculé les coûts de la stigmatisation du passage en prison, de la récidive ou de tous les maux que peut engendrer le passage en prison, en termes de souffrance psychique, pour des jeunes de 11, 12, 13, 14 ans ?

On semble vouloir perpétuer à Genève l'isolement cellulaire comme concept, tout en présentant la mixité comme une innovation. Une étude a-t-elle été faite ? D'aucuns remettent en question la mixité dans les écoles, y voyant une source d'inégalité puisque celle-ci ne tient pas compte des spécificités des sexes respectifs. On ne fait aujourd'hui que s'étonner de la violence des filles en prison. S'est-on intéressé aux raisons ? Serait-ce que la prison est un milieu particulièrement nocif pour les filles? N'y aurait-il pas d'alternative, comme le renforcement de l'équipe éducative dans une institution éducative, La Pommière, par exemple ? Ou l'engagement à Riant-Parc d'une psychologue-pédagogue pour ces jeunes filles, qui sont d'ailleurs fort peu nombreuses - il y en avait, je vous le rappelle, deux cette semaine - et qui ne restent en moyenne que quatre à cinq jours, afin de faire un travail d'encadrement psycho-pédagogique et de rendre la détention plus tolérable. En quoi les jeunes filles seraient-elles bénéficiaires de cette pseudo-mixité d'ailleurs, puisque - comme l'a rappelé Mme Esther Alder - il s'agit en fait de construire deux ailes distinctes ? Cela a-t-il été étudié ? Permettez-moi d'en douter.

La question de l'isolement cellulaire m'amène à dire ceci : l'on s'est bien gardé dans le rapport de mettre en avant la réalité de la cellule, qui est actuellement - il faut le redire - le seul concept éducatif à La Clairière. Dans le descriptif du coût des travaux, on s'est gardé aussi de donner des détails sur les seize cellules qui vont remplacer les douze cellules actuelles. Où mettrions-nous les vingt mineurs placés à Champ-Dollon, comme l'a relaté la presse dans la deuxième semaine de novembre ? dans les seize cellules ? Et où iront alors les filles ? à Riant-Parc ?

Il ne s'agit pas ici du jeu des chaises musicales ni du jeu d'Abalone qui consiste à repousser hors du plateau de jeu le surplus, c'est-à-dire les perdants. Il s'agit de penser la détention des mineurs. M. Velasco dans son rapport fait le pronostic d'une augmentation des jeunes en détention. Prévoit-il le nombre de jeunes qui demain descendront dans la rue ou qui seront mal intégrés dans la collectivité, prélude à des actes de violence ? Prévoit-il une augmentation de la répression policière ? Ou un zèle particulier de la police à traquer toute transgression juvénile ? M. Velasco a-t-il aussi prévu le nombre de tentatives de suicides commises notamment dans la nouvelle prison pour mineurs ? A-t-il prévu la récidive ? Qu'a-t-on prévu pour prévenir les effets néfastes de l'isolement ? Qu'a-t-on prévu enfin pour intégrer les jeunes étrangers qui forment le 80% du contingent de La Clairière?

L'isolement cellulaire n'est un moyen ni éducatif, ni thérapeutique. A fortiori, des études ont montré que l'isolement cellulaire de courte durée est aussi particulièrement nocif. La prison, on le sait, est destructrice de la personnalité. Alors, il faut sérieusement se tourner vers des alternatives, ce que met en avant d'ailleurs le nouveau code pénal.

Permettez-moi de vous lire rapidement le commentaire, dû à M. Stettler, de l'article 7 du nouveau code pénal concernant la détention avant jugement : «Vu que, de l'avis général, la détention traditionnelle en cellule a des répercussions négatives sur l'évolution des mineurs et qu'elle peut entraîner des dommages de nature psychique, il paraît légitime que l'on trouve dorénavant des règles minimales sur l'exécution de la détention avant jugement dans le droit fédéral. Dans le sens des principes fondamentaux énoncés à l'article 1, alinéa 1, les dispositions proposées visent à assurer la protection des mineurs contre les effets nocifs de la privation de liberté et à garantir que, dans la mesure du possible, ils ne seront pas du tout soumis à la détention en cellule.»

En conclusion, c'est la raison pour laquelle, en l'état de la réflexion, nous ne soutiendrons pas ce projet. Par contre, nous sommes d'accord de mettre l'accent sur des alternatives à la prison - qui ne doit être, comme l'indique le code pénal, que l'ultima ratio - à savoir un traitement des jeunes hors prison à vocation essentiellement pédagogique et un système de travail d'intérêt général.

M. Bernard Lescaze (R). Heureusement que, dans des années déjà anciennes, j'ai fait un peu de droit. Je suis donc fondamentalement convaincu de la nécessité d'un établissement comme La Clairière, même s'il ne répond pas encore à toutes les exigences que souhaite Mme Ruchat. Cela dit, plusieurs points me troublent dans ce projet. D'abord l'urgence, puisque M. le conseiller d'Etat chargé des travaux publics a indiqué qu'il y avait en effet une subvention fédérale. Je constate quand même que la dernière séance de la commission a eu lieu le 19 mai et que ce n'est qu'aujourd'hui, à fin novembre, que ce projet nous est présenté. Voyez-vous, Monsieur le conseiller d'Etat, si véritablement vous pensez que certains projets sont urgents en raison de la nécessité de subventions fédérales, vous devriez - car vous en avez les moyens, d'autant plus qu'il s'agit de vos amis politiques - faire accélérer certains travaux.

Maintenant, pour l'essentiel, je ne vais pas faire un commentaire sur le droit pénal des mineurs. Je ne pense pas que ce soit le lieu. Le département rapporteur est celui de l'aménagement, de l'équipement et du logement, il s'agit d'un crédit de transformation. Permettez-moi, malgré tout, de m'étonner du montant très important : 3,4 millions, Mesdames et Messieurs les députés, soit 150 000 F la cellule. 150 000 F, non pas pour construire une cellule mais pour la transformer et y adjoindre un cabinet de toilette comprenant W.-C. et lavabo. Je m'en étonne car je trouve réellement que ce montant est très important. Lorsque Mme Ruchat dit que les murs coûtent moins cher qu'un projet pédagogique, je la suis entièrement, mais permettez-moi, Madame la députée, de trouver que ces murs-là coûtent très cher.

Par ailleurs, le projet pédagogique est autre chose que La Clairière. Lorsque je compulse le tableau de la durée des séjours qu'a bien voulu adjoindre le rapporteur, je constate que la moitié des séjours est égale ou inférieure à cinq jours. Je ne suis pas persuadé qu'on puisse, en cinq jours, véritablement développer un programme pédagogique digne de ce nom, mais peut-être là-dessus fais-je erreur. Ce qui me fâche davantage, c'est d'apprendre à la lecture du rapport, confirmé par les propos de Mme Ruchat, qu'aucune étude des besoins pédagogiques - mais seulement une étude de la construction - n'avait été entreprise au mois de mai. Cela m'inquiète aussi.

Monsieur le président du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, je vous dis franchement qu'il est possible qu'au point de vue de la construction il y ait urgence pour pouvoir toucher une subvention fédérale, mais qu'il est véritablement regrettable que vous n'ayez vu que cette urgence-là, alors que bien évidemment ce qui compte, c'est le but pour lequel La Clairière est transformée et aménagée. On s'étonne d'apprendre que de ce point du vue là les urgences auraient été quelque peu négligées.

Dans ces conditions, pour ma part - connaissant les besoins actuels en matière de droit pénal des mineurs - j'accepterai du bout des lèvres de voter ce projet. Je maintiens qu'en tout cas l'urgence a été mal préparée, car une urgence qui n'est que purement financière et pour des montants de travaux aussi importants (je le répète : une cellule transformée à 150 000 F), toute personne qui a les pieds sur terre peut s'en étonner. Malgré cela je le voterai, en regrettant que ce projet n'ait pas été mieux préparé quant au fond. Je ne doute pas qu'en ce qui concerne les murs et les lavabos ce soit le cas, mais, quant au fond, je rejoins malgré tout les propos tenus sur ma gauche.

Mme Christine Sayegh (S). Les circonstances veulent qu'aujourd'hui, journée internationale du droit de l'enfant, nous soyons amenés à parler d'enfermement des mineurs et plus particulièrement des conditions de cet enfermement. Je vous rappelle que la convention des droits de l'enfant a été signée le 20 novembre 1989. Elle n'a été ratifiée par la Suisse qu'en février 1997. Dans une optique idéale, l'enfermement des mineurs devrait disparaître. Et, comme la députée Mme Ruchat, on peut s'interroger sur les raisons de la construction d'une prison pour jeunes alors que la tendance est à la suppression de la détention au profit de travail d'intérêt général.

Bien que ces principes soient justes, leur concrétisation n'est toutefois pas encore suffisante pour renoncer à l'enfermement. Le principe de la justice négociée en droit des mineurs est efficace, mais a ses limites et ne peut exclure les mesures d'enfermement. Le projet de loi 7822 est d'une importance manifeste, car il améliore les conditions de vie en détention conformément aux directives internationales. Il permet, en prévoyant la mixité dans l'établissement, de répondre enfin à l'égalité de traitement entre les filles et les garçons. En effet, s'il y a enfermement, il y a lieu d'avoir un appui socio-éducatif immédiat pour toutes les adolescentes et tous les adolescents. Cet appui est essentiel, car je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, les adolescents passibles de condamnations pénales ne sont pas encore insérés dans la société et c'est, contrairement aux adultes, des mesures d'insertion et non des mesures de réinsertion qu'il faut prendre, en se rappelant que l'abaissement de l'âge de la délinquance nous met devant un constat : il s'agit de prendre en charge de plus en plus d'enfants, soit des mineurs de moins de 15 ans.

La prise en charge rapide et adéquate de jeunes en dérive, que ce soit sur le plan civil et plus particulièrement sur le plan pénal, est garante d'une lutte efficace contre la violence. Genève a été pionnière dans la lutte contre la délinquance juvénile et peut se targuer, malgré certaines critiques, d'un excellent résultat, de peu de récidives et de mesures d'enfermement à titre exceptionnel. Aussi, il y a lieu de mettre en oeuvre un projet adapté à l'évolution des critères de détention et d'offrir, tant au personnel compétent, dévoué, motivé, qu'aux délinquants mineurs, filles et garçons, un lieu propice à l'insertion sociale. Le coût de cette opération est modeste en regard des résultats qu'elle va générer en termes d'ordre public, de qualité de vie pour nous tous, mineurs et majeurs. Le groupe socialiste soutient ce projet et vous invite à le voter.

M. Alain-Dominique Mauris (L). En écoutant les propos de Mme Ruchat, je n'ai pas tout à fait eu l'impression d'avoir assisté aux mêmes séances de commission. Il me semblait entendre plutôt «Les Misérables» de Victor Hugo. Notre commission des visiteurs avait un but, il est vrai, celui de voir la grandeur des fenêtres, mais un deuxième but également : connaître l'encadrement psychosocial. L'isolement dont vous parlez n'avait pas la même définition pour nous, puisque les éducateurs qui nous ont reçus nous ont clairement expliqué que cette phase d'isolement est réduite à son minimum. Il s'agit non pas d'isolement mais d'observation.

Monsieur Lescaze, je vous rassure. Mme Facelli, qui représente l'Office fédéral de la justice, a éclairé la commission des visiteurs de ses conseils et nous a dit qu'un concept socio-pédagogique était actuellement en cours.

Certes, la prison n'est pas la panacée. Mais que faire lorsqu'un individu - fût-il jeune ou moins jeune - devient un danger pour notre société ? Bien entendu, Madame Ruchat, cet enfermement s'accompagne d'un encadrement psychosocial. Vous ne pouvez pas le nier. Nous l'avons vu, nous l'avons constaté. Son but est bien entendu de rééduquer les délinquants. Le professeur Nils Robert, qui a été chargé à Berne de revoir le code pénal, cher aussi à vos milieux, reconnaît lui-même que la détention doit exister, mais n'être que l'ultima ratio. Il nous a confortés dans notre opinion que La Clairière aujourd'hui ne répond plus aux normes internationales et que le statu quo est inacceptable, notamment pour les délinquants adolescents.

Dès lors, si les préoccupations liées à l'encadrement socio-pédagogique nous interpellent tous, nous refusons, nous les libéraux, que la durée de cette étude pénalise les jeunes délinquants qui continueront d'être enfermés à La Clairière pendant le temps de nos nombreuses réflexions, avec en plus le risque de perdre la subvention fédérale qui est toujours la bienvenue.

Ce projet correspond en tous points à ce que les normes internationales demandent. L'équipe de La Clairière n'est pas formée de gardiens, de matons, mais bien d'éducateurs spécialisés et motivés qui tentent en quelques jours de remettre en piste ces jeunes désorientés ou du moins de les adresser dans les services sociaux concernés. M. Frankhauser, responsable de La Clairière a été convaincant. Les risques de récidive sont actuellement de l'ordre de 10%. Nous sommes d'accord de réfléchir et de faire évoluer un projet innovateur socio-pédagogique, mais sans le faire au détriment des conditions d'incarcération.

Il est inacceptable qu'à Genève des adolescents continuent à être enfermés dans des prisons avec des adultes. L'exemple de Riant-Parc est intolérable. Personnellement, j'ai entendu dire, lorsque j'ai visité cet endroit, que des adolescentes sont mélangées avec les adultes pour des travaux de cuisine de même que pour d'autres tâches. Le seul encadrement à Riant-Parc, ce sont les gardiens. C'est tout aussi intolérable. L'effet de contamination par la délinquance adulte est souvent irréversible. C'est pourquoi le groupe libéral vous invite à voter ce projet, afin d'offrir un cadre adéquat à la jeunesse délinquante du canton.

M. Rémy Pagani (AdG). Nous devons malheureusement constater que plus la crise touche les adolescents, plus les emprisonnements augmentent. La situation est grave et je ferai juste une parenthèse : alors que l'on devrait s'attacher à comprendre la crise de l'adolescence, certains décident de quitter la commission d'enquête parlementaire qui a été mise sur pied après les événements de l'OMC. Je trouve regrettable de devoir augmenter la place dans les prisons alors que la jeunesse, et notamment les filles qui fréquentent nos écoles et vivent dans notre société, vivent réellement une transformation sociale. Celle-ci a des causes bien précises qui font l'objet d'études nationales et internationales et qui pourraient nous orienter dans un travail de prévention. Je préfère, ainsi que mon groupe, investir deux millions dans la prévention, dans l'aide personnalisée aux femmes en détresse après l'accouchement d'un enfant, plutôt que d'investir ces deux millions dans des prisons qui, de toute manière, ne sont pas là pour aider les adolescents mais pour les enfermer et les réprimer.

Il m'apparaît regrettable qu'aujourd'hui on décide, même si cela coûte fort cher, d'installer des lavabos et des robinets en or pour ces adolescents, alors qu'il s'agirait de se pencher réellement sur les raisons de leurs problèmes : la crise économique, la misère qui s'introduit dans nos sociétés, le désarroi de parents au chômage, humiliés, isolés dans leur appartement car n'osant plus sortir. Favoriser le maintien de ces enfants au sein de la famille, plutôt que de voter précipitamment ce projet afin d'obtenir la subvention, tel est notre objectif.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Dans ce dossier, je tiens à dire que le retard qui a été mentionné n'est pas dû au président du département mais à moi-même, cela pour des raisons personnelles que je ne veux pas exposer ici. Je prends à ma charge ce retard, Monsieur Lescaze.

D'autre part, j'aimerais dire à Mme Ruchat que ce rapport a été rédigé bien avant que je visite avec elle la prison de Riant-Parc. Il est vrai que j'ai pu constater que les grillages mentionnés dans mon rapport ne séparaient pas les adolescentes des adultes. Cela avait été confirmé par Mme Comte-Fontana et j'ai ajouté ses dires au rapport de la commission des visiteurs.

La commission des travaux recommande, dans les pages 8 et 9 de son rapport, de se pencher sur bien des aspects que Mme Ruchat vient d'évoquer, notamment la philosophie de la prise en charge des jeunes et la question de l'isolement cellulaire comme moyen éducatif. Cela, malgré le fait que nous ayons voté ces travaux, qui sont nécessaires pour une question de dignité humaine, afin que ces personnes puissent bénéficier de sanitaires individuels et non communs comme c'est le cas actuellement. D'autre part, Monsieur Pagani, il ne s'agit pas ici de faire la révolution, mais simplement, dans un temps, de préserver la dignité humaine. Enfin, la commission des travaux a souhaité que les recommandations faites par Mme Ruchat soient prises en compte lorsque les travaux seront effectués, s'il était possible de modifier le projet. Le président du département nous le confirmera tout à l'heure.

Mme Martine Ruchat (AdG). J'aimerais souligner encore une fois la question de la cellule comme unique concept pédagogique de La Clairière. Je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit tout à l'heure par M. Mauris, parce que nous avons plutôt entendu un constat, un aveu de Mme Facelli selon lequel le concept n'avait pas encore été défini. Et je m'étonne qu'un concept qui devrait être à la base de tels travaux n'ait pas été pensé avant même que l'on construise. Dans ces conditions, on ne peut que reconstruire quelque chose à l'identique; évidemment, et tant mieux pour ceux qui seront enfermés, cet identique sera de meilleure qualité.

J'ai ici un article du «National Institute of Justice» qui date de juillet 1998, dans lequel, en faisant l'inventaire des recherches qui ont eu lieu sur la prise en charge des mineurs, l'auteur met en avant une étude qui montre que l'arrestation provoque, par la suite, plus de délinquance qu'un simple avertissement ou que la pratique d'autres alternatives. Une autre recherche montre aussi que l'incarcération pour une courte période en début de peine provoquerait plus de récidives que le placement de semblables délinquants sous la simple supervision de la communauté. J'aimerais rendre l'assemblée consciente du fait que le chemin que nous prenons est un chemin totalement obsolète, qui va vers davantage de répression plutôt que vers une prise en compte psycho ou socio-pédagogique des jeunes.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il est nécessaire que dans ce parlement des voix telles que celle de Mme Ruchat s'élèvent. Il est nécessaire qu'à chaque fois que nous parlons de prison il y ait parmi vous quelqu'un qui dise que la prison est, reste et restera un instrument à limiter le plus possible, à combattre et je dirais, dans l'idéal, à détruire. Si cet idéal doit toujours être présent parmi nous - parce qu'enfermer un être humain ne saurait jamais être acceptable - la tâche de gouverner impose aussi de ne pas tomber dans l'angélisme. Cela signifie qu'il nous faut reconnaître qu'il existe un certain nombre de situations où, dans l'intérêt général de la société, des êtres humains doivent être privés de leur liberté. A partir de là, il convient bien évidemment que les conditions de détention, en particulier lorsqu'il s'agit de jeunes détenus, soient les meilleures possibles.

Vous avez, Madame Ruchat, critiqué l'absence de concept. Je ne peux malheureusement pas vous donner raison. Vous avez lu que la Fondation de la jeunesse avait travaillé longtemps sur ce projet. Le Tribunal de la jeunesse en a fait de même ainsi que l'Office fédéral de la justice. Vous avez entendu les représentants de ces différentes institutions. Lorsque j'étais encore avocat, j'ai aussi eu de longues discussions avec le Tribunal de la jeunesse qui portaient précisément sur les aménagements urgents de La Clairière, urgents non pas pour les raisons financières évoquées, mais parce que véritablement on ne peut plus laisser cette maison dans l'état actuel.

Les travaux qui vous sont proposés ont pour effet de remettre cet établissement aux normes fédérales et internationales de détention des mineurs. Ils ont pour effet d'assurer le meilleur traitement possible des adolescentes et, en particulier, d'éviter tout risque effectivement de mélange avec des condamnés ou des détenus adultes qui peuvent être dangereux. Nier, Madame Ruchat, le risque d'effet de contagion pour la récidive est malheureusement une erreur. Il convient également d'assurer la mixité de cet établissement. Même M. Christian Nils Robert, dont nous savons tous à quel point il déteste la prison, admet que la mise à niveau - puisqu'il faut l'appeler ainsi - de La Clairière est une véritable nécessité. Je veux croire que cette transformation n'est pas faite pour multiplier les détentions. Je sais que les magistrats du Tribunal de la jeunesse recourent le moins possible aux mesures privatives de liberté à l'égard des jeunes et des adolescents.

Nous savons aussi que le système genevois fonctionne bien en la matière puisque, fort heureusement, le taux de récidive est faible parmi les jeunes qui passent au Tribunal de la jeunesse. Tous ceux qui passent par ce tribunal ne sont pas, fort heureusement, dirigés ensuite à La Clairière. Comme vous l'avez dit, Madame Ruchat, beaucoup sont admonestés, sont encadrés, sont aidés et les cas de détention une fois encore sont rarissimes.

Un dernier mot, Monsieur Lescaze, sur le coût par cellule. C'est comme le coût par place de parc : on ne met pas la totalité du montant dans chacune des cellules. C'est bien évidemment le coût total des travaux divisé par le nombre de cellules qui aboutit à ce chiffre absurde. Soyez rassuré, à ma connaissance, il n'est pas question de robinetterie en or.

Mesdames et Messieurs, je remercie M. Velasco, Mme Sayegh, M. Mauris et tous ceux qui ont tenu le discours, je dirais, contingent des nécessités que nous avons. Je remercie aussi Mme Ruchat d'avoir rappelé que la prison n'est pas une solution que nous devons accepter telle quelle.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 6.

Le président. Madame Ruchat, vous avez la parole.

Mme Martine Ruchat (AdG). Je propose un amendement portant sur un article 7 nouveau : «Le Conseil d'Etat est chargé de modifier le projet de transformation d'ici le début des travaux principaux en remplaçant l'essentiel des cellules par des chambres et des locaux communs correspondant à un concept socio-éducatif cohérent».

M. Claude Blanc (PDC). Cet amendement de dernière minute, d'une portée aussi considérable, est tout simplement inacceptable en l'état. Nous sommes en face de deux alternatives : soit la majorité de ce Grand Conseil accepte de prendre en considération cet amendement et retourne le projet en commission, car l'essentiel de l'opération est remis en question; il faudrait en l'occurrence s'assurer que cela est conforme aux dispositions de la loi sur l'organisation judiciaire. Soit nous rejetons cette disposition. Je serais étonné que le Conseil d'Etat puisse accepter un tel amendement, qui est très probablement contraire aux dispositions de l'organisation judiciaire.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je ne peux pas accepter cet amendement pour mille et une raisons. La première : vous persistez à dire, Madame, qu'il n'y a aucun concept, aucune réflexion à la base de ce projet de loi. C'est inexact. Je peux comprendre que vous ne partagiez pas cette conception, mais cependant elle existe. Deuxièmement : il n'appartient pas au Conseil d'Etat de fixer des conceptions en la matière, étant précisé que le droit pénal des mineurs est, pour l'essentiel, du ressort fédéral. Troisièmement : le Conseil d'Etat a beaucoup de compétences, il est vrai, mais pas encore en cette matière qui est délicate et où le Tribunal de la jeunesse, la Fondation de la jeunesse et d'autres milieux spécialisés oeuvrent et ont oeuvré à l'élaboration de ce projet de loi. Quatrième raison : on ne corrige pas un programme de travaux en quelques jours, comme ça, sur le coin d'une table.

Je préfère, Madame Ruchat, que vous nous disiez que vous ne voulez pas de ce projet - cela je peux le concevoir - mais pas au moyen d'un tel amendement qui, une fois encore, est impraticable et équivaut à dire, ni plus ni moins, que les travaux projetés n'auront pas lieu. Alors votez non, je crois que ce serait plus simple.

Mme Martine Ruchat (AdG). Il a clairement été dit que les cellules de La Clairière ne correspondent plus aujourd'hui aux normes européennes pour des questions de surface et du fait qu'il n'y a pas de W.-C. Cela fait de nombreuses années que La Clairière est critiquée, non seulement à cause de ces questions matérielles, mais aussi à cause du manque de concept socio-pédagogique autre que la détention. Nous avons l'occasion aujourd'hui de modifier cela en bénéficiant effectivement de subventions et en faisant des travaux. Faisons des travaux qui n'enferment pas les jeunes et qui ne nous enferment pas non plus dans une politique répressive. Lorsque les murs seront construits, il sera assez difficile de les abattre. Dans ce sens, mon amendement vise à avoir une structure qui corresponde mieux à une conception moderne de la prise en charge des jeunes.

Mme Esther Alder (Ve). Je comprends bien le sens de l'amendement proposé par Mme Ruchat. Du côté des Verts, nous pensons que cela correspond à ce que nous avons discuté au préalable par rapport au concept pédagogique. Nous ne soutiendrons toutefois pas pour l'instant cet amendement; nous estimons préférable de nous pencher en commission sur ce que les éducateurs font avec les jeunes à La Clairière.

M. Rémy Pagani (AdG). Suite à l'intervention de M. Moutinot, je dirai qu'on ne peut pas prétendre que l'architecture est une chose et que la vie sociale, les décisions politiques en sont une autre. Le fait de construire des murs implique qu'il y a des idées derrière. C'est à une conception que nous avons affaire, à un concept, quoi qu'en disent certains architectes. Dans chaque projet qui nous est présenté, il y a des idées, il y a des gens, et il y a aussi des gens qui doivent vivre dans ces idées. De ce point de vue là, la proposition d'amendement de Martine Ruchat est tout à fait conforme au projet qu'elle défend, un projet pédagogique qui a un autre sens que l'enfermement de jeunes de 12 ans. C'est pourquoi, au vu de la discussion, je propose le renvoi en commission pour réétudier la proposition de ma collègue. Cela d'autant plus que j'estime tout à fait inapproprié de justifier la rapidité de cette décision par la subvention fédérale de 1 300 000 francs.

Mme Christine Sayegh (S). Si je comprends également le projet d'amendement de Mme Ruchat, c'est effectivement - comme vient de le relever le député Pagani - un projet pédagogique et j'estime qu'il n'a rien à faire dans un projet de loi ouvrant un crédit d'investissement. Ce n'est pas bon de mélanger les genres. Vous aurez l'occasion de modifier d'autres lois si vous voulez poursuivre ce concept. Ce sera certainement beaucoup plus efficace et il n'y aura pas de problème de séparation des pouvoirs.

Le président. Je vous propose de voter sur le renvoi en commission de ce projet de loi.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet de loi en commission est rejetée.

Le président. Nous mettons aux voix l'amendement présenté par Mme Ruchat, ainsi libellé :

«Article 7 (nouveau). Le Conseil d'Etat est chargé de modifier le projet de transformation d'ici le début des travaux principaux en remplaçant l'essentiel des cellules par des chambres et des locaux communs correspondant à un concept socio-éducatif cohérent.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7822)

ouvrant un crédit d'investissement pour les travaux de transformationet d'aménagement du bâtiment "; La Clairière " à Montfleury (Satigny)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

décrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit d'investissement

1 Un crédit de 2 098 900  F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour les travaux de transformation et d'aménagement du bâtiment "; La Clairière " à Montfleury (Satigny).

2 Il se décompose de la manière suivante :

• terrain, constructions, travaux 2 589 300 F

• honoraires, essais, analyses 570 150 F

• TVA 207 416 F

• attribution au fonds de décoration 31 600 F

• renchérissement 13 900 F

• sous-total 3 412 366 F

• déduction subvention fédérale 1 313 466 F

 Total 2 098 900 F

Art. 2 Budget d'investissement

Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1998 sous la rubrique 45.03.00.503.06.

Art. 3 Subvention fédérale

Une subvention fédérale, comptabilisée sous la rubrique No 45.03.00.660.06, est prévue, selon le décompte suivant :

• montant retenu pour la subvention 3 412 366 F

• subvention 1 313 466 F

• montant à charge de l'Etat de Genève 2 098 900 F

Art. 4 Financement et couverture des charges financières

Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans les limites du plan directeur fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

Art. 5 Amortissement

L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.

Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.