Séance du
jeudi 19 novembre 1998 à
17h
54e
législature -
2e
année -
1re
session -
48e
séance
IU 561
Le président. Monsieur le député Marti, à qui s'adresse votre interpellation ?
M. Pierre Marti (PDC). Monsieur le président, elle s'adresse au Conseil d'Etat.
Cette interpellation urgente concerne la décision de fermeture immédiate de l'EMS des Rives du Rhône, à Vernier, le 5 novembre 1998. La radio et la TSR annonçaient, vendredi 6 novembre 1998, que le président du DASS avait fermé d'urgence l'EMS les Rives du Rhône à Vernier, suite à la découverte de malversations financières dans la gestion de l'établissement. Trou d'un million de francs et vente aux enchères forcées agendée au 8 décembre. La presse écrite confirmait cette information le 7 novembre, en précisant, au sujet de la promptitude de cette décision et de son exécution immédiate, que le DASS avait appris que les intérêts hypothécaires dus par la société propriétaire n'avaient plus été payés depuis 1994, ce qui laissait penser que l'argent versé par l'Etat et les pensionnaires avait, pour ce qui est du loyer, été utilisé à d'autres fins, d'où la dénonciation au procureur général.
Celle-ci date du jour même de la décision de fermeture immédiate, de sorte que la détermination du DASS anticipait largement sur les décisions que rendrait la justice au sujet de cette dénonciation. A ma connaissance et à ce jour, il n'y a pas eu la moindre inculpation, ni le moindre acte d'instruction, à ce sujet. Cependant, je ne veux absolument pas prendre position en la matière. La justice agira - j'espère sans la moindre pression - et s'il y a malversation, les responsables devront être condamnés et punis.
Quant au reste, le département a tenté de justifier la véritable déportation - car c'est une déportation - des dix-huit personnes âgées et la mise à pied immédiate des vingt employés de l'établissement, directeur inclus, en invoquant la prochaine vente forcée du bâtiment qui, selon lui, pouvait entraîner la décision par le nouveau propriétaire de fermeture immédiate de l'établissement et l'expulsion immédiate des résidents. Selon M. Segond, il préférait maîtriser lui-même le processus, soi-disant pour le bien des personnes âgées concernées. Mais dans quelles conditions et quelle précipitation !
Je vous assure, Mesdames et Messieurs, que nous n'avons jamais procédé de la sorte avec les squatters, à Genève. Et, pour mieux démontrer son autorité, le DASS a su inviter les médias sans penser aux traumatismes graves subis par les personnes âgées. Et dire que le président du DASS se veut le champion du combat contre la maltraitance ! La maison a été vidée en commençant l'opération le jour même de sa décision, notifiée pour la circonstance par courrier exprès recommandé. Le tout déclaré de force exécutoire nonobstant réclamation. Cette décision a été annoncée aux proches - pas tous, semble-t-il - pour ceux qui ont encore de la famille, par lettre exprès du même jour, assurant que les dispositions étaient prises pour que les résidents puissent être relogés rapidement dans l'établissement de leur choix. Le mari d'une pensionnaire ne l'a pourtant appris que par la presse le samedi 7 novembre...
En réalité, tout a été orchestré pour pouvoir anéantir l'établissement sans recours possible, ni examen préalable par une autorité de recours neutre, et sans se préoccuper du traumatisme qu'il allait causer aux personnes âgées qui, pourtant, aimaient leur lieu de vie, où elles se sentaient bien, où elles étaient traitées avec affection et chaleur humaine; un établissement au sujet duquel aucune plainte n'a été émise en vingt-trois ans d'exploitation, ni au sujet de l'hygiène ni au sujet de la manière dont les pensionnaires et les employés étaient traités.
Le président. Il faut poser vos questions, Monsieur le député ! Le temps de parole est écoulé.
M. Pierre Marti. Certainement, Monsieur le président. Mais lorsqu'on parle de squatters qui sont évacués, on a suffisamment de temps ! Ici il s'agit de personnes âgées, malheureuses, qui ont été maltraitées. Je pense que l'on peut consacrer un tout petit peu de temps pour écouter mon discours.
Le président. Nous l'écoutons, mais vous avez trois minutes. Posez vos questions, Monsieur, vous savez que c'est le règlement !
M. Pierre Marti. Certainement !
Je ne peux pas admettre que le DASS s'appuie sur l'application de la nouvelle loi J 7 20 en ce qui concerne les sanctions et fasse fi de l'information et de la collaboration de la commission chargée d'assister le Conseil d'Etat et de veiller au bon fonctionnement des EMS, ce qui est dans la loi J 7 20. Pire, il n'applique pas le contrat d'accueil qu'il a lui-même institué par un arrêté du 16 juin 1998, demandant en son article 3 qu'un changement de chambre, de bâtiment, voire d'établissement, peut avoir lieu après consultation du pensionnaire, de sa famille et du médecin traitant.
Le président. Posez vos questions, Monsieur s'il vous plaît !
M. Pierre Marti. J'y arrive ! J'ai donc neuf questions...
Le président. Vous avez déjà dépassé d'une minute le temps de parole !
M. Pierre Marti. C'est vrai, mon Dieu ! On perd quelquefois du temps, mais on en gagne certainement pour d'autres personnes...
Le président. Posez vos questions, Monsieur !
M. Pierre Marti. Si vous ne m'interrompez pas, j'y arriverai !
Pourquoi la fermeture immédiate d'un établissement qui ne présentait aucun danger pour la santé des pensionnaires, ces derniers louant le merveilleux accueil et les soins attentifs dont ils faisaient l'objet ? Comment peut-on, dans notre République, prendre des décisions aussi graves au mépris de l'intérêt des personnes âgées et au mépris du principe de la présomption d'innocence ? Suffit-il pour cela, dans cette République, qu'un membre du gouvernement fonde une décision aussi grave, sur le simple fait de l'avoir assortie, le même jour, d'une dénonciation pénale ? N'est-ce pas une entrave majeure à la séparation des pouvoirs ?
Le Conseil d'Etat dans son ensemble a-t-il été saisi de ce problème et a-t-il pris lui-même cette décision ? Pourquoi la commission des EMS n'a-t-elle pas été avisée ? Combien de pensionnaires avec leur famille et entourage ont-ils pu réellement choisir l'établissement dans lequel ils ont tous été replacés avant le 10 novembre ? M. le président du DASS a-t-il pris en compte les conséquences de sa décision pour l'employeur, notamment en regard des prétentions des salariés de longue date de l'établissement, à qui le licenciement n'a pu être notifié dans le respect des préavis légaux et le paiement de leur salaire pendant ce délai ? Est-ce que tous les employés ont été replacés ? Et si la justice finit...
Le président. Je suis désolé, Monsieur, je suis obligé de vous couper la parole !
M. Pierre Marti. Je conclus.
Le président. Monsieur, vous n'avez plus la parole. Vous avez très très largement dépassé le temps de parole, et nous ne voulons pas créer un précédent. Vous communiquerez vos questions par écrit, Monsieur, ou la fin de votre interpellation. Vous avez déjà parlé six minutes; le temps de parole est de trois minutes. Il y a vraiment un abus. Je suis obligé de vous interrompre.